II. LES ENCOURAGEMENTS FISCAUX ENVERS L'INVESTISSEMENT IMMOBILIER

1. Rappel du dispositif de l'amortissement Périssol

•  L'article 29 de la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a mis en place un dispositif expérimental et temporaire, de caractère optionnel, destiné à se substituer à la réduction d'impôt " Quilès-Méhaignerie ". Ce régime dit de l'amortissement Périssol, permet aux propriétaires de logements, acquis neufs ou en l'état futur d'achèvement entre le 1 er janvier 1996 et le 31 décembre 1998, de demander à bénéficier d'une déduction, au titre de l'amortissement, égale à 10 % du prix d'acquisition pour les quatre premières années et 2 % les vingt années suivantes.

En plus de cet amortissement initial, l'option pour ce régime entraîne les conséquences suivantes :

- le taux de la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers est ramené à 6 % ;

- le plafond d'imputation des déficits fonciers sur le revenu global est porté de 70.000 francs à 100.000 francs ;

- les dépenses de reconstruction, d'agrandissement et d'amélioration sont également amortissables.

L'article 14 de la loi DDOEF du 2 juillet 1998 a prorogé la date limite d'acquisition des logements pour bénéficier du régime d'amortissement Périssol du 31 décembre 1998 au 31 août 1999 , à condition que le permis de construire soit délivré avant le 1 er janvier 1999 et que l'achèvement du logement intervienne avant le 1 er janvier 2001.



•  L'incidence budgétaire est progressive compte tenu du nombre important de logements acquis en état futur d'achèvement. De plus, en 1996 et 1997, les investisseurs pouvaient encore bénéficier de la réduction d'impôt instituée par la loi de finances pour 1985, et un quart des contribuables ont opté pour ce régime.

En 1998, le coût budgétaire est estimé à 1,4 milliard de francs . Pour 1999, 2000 et 2001, il est estimé respectivement à 2,3 milliards de francs, 2,7 milliards de francs et 2,31 milliards de francs. A compter de 2002, il passe à 1,55 milliard de francs puis continue de décroître progressivement.

Au total, sur la période 1997-2005, le coût budgétaire de l'amortissement est estimé à 12,39 milliards de francs.



•  L'impact positif sur la construction de logements est réel. Alors que le dispositif de réduction d'impôt mis en place en 1985 a permis la construction, dans ses meilleures années, de 25.000 logements financés par des investisseurs privés, on peut considérer que le dispositif Périssol a conduit en année courante à la réalisation de 45.000 logements et probablement 50.000 en 1998. Ce dispositif a également favorisé la construction de grands logements, compte tenu du plafond du déficit foncier qui a été porté à 100.000 francs, permettant de diversifier l'offre de logements construits.

La construction de 10.000 logements neufs bénéficiant de l'amortissement Périssol correspond à 3,1 milliards de francs d'activité hors taxes et à 5.900 emplois créés ou maintenus dans les entreprises de bâtiment. Dans le cas de la réduction d'impôt sur le revenu, le chiffre d'affaires correspondant à 10.000 logements n'est que de 2,3 milliards de francs, soit 4.400 emplois dans le bâtiment.

2. Le nouveau statut du bailleur privé

a) Présentation du dispositif de l'article 68 du projet de loi de finances pour 1999

•  A travers l'article 68 du projet de loi de finances pour 1999, le gouvernement propose un statut du bailleur privé à vocation sociale, comme il s'y était engagé, lors des débats sur la loi de finances pour 1998.

Ce texte met en avant la nécessité de soutenir la construction neuve et l'investissement locatif tout n'en accordant des avantages fiscaux qu'en contrepartie d'un effort social de la part du bailleur. Le dispositif qui entrera en vigueur le 1 er janvier 1999 concerne le neuf comme l'ancien.

- Dans le neuf , l'avantage consiste en une déduction d'un amortissement égal à 8 % du prix de revient de l'investissement les cinq premières années et 2,5 % de ce prix les quatre années suivantes. Les opérations éligibles à cet amortissement seraient les mêmes que celles ouvrant droit au régime applicable entre 1996 et 1998 à savoir acquisition de logements neufs ou en état futur d'achèvement, construction de logements, acquisition de locaux suivie de leur transformation en logements. Le logement devra être loué pendant neuf ans.

- Dans l'ancien , le taux de la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers (c'est-à-dire l'abattement que les bailleurs pratiquent sur leurs loyers, avant déduction des travaux, des intérêts d'emprunt, etc.) est porté de 14 % à 25 %. Le logement, répondant à des normes minimales d'habitabilité, doit être loué pendant au moins six ans.

Dans les deux cas, le logement doit être affecté à l'habitation principale d'un locataire autre qu'un membre de la famille du bailleur et dont le montant des ressources, à préciser par un décret, ne devrait pas être supérieur à 40 % du plafond ouvrant droit à l'attribution d'un logement social. Le logement pourra être également loué à une personne morale, pour les besoins de son personnel. Les investissements pourront être réalisés par des sociétés civiles immobilières non imposables à l'impôt sur les sociétés ; en revanche, les logements et les titres ne pourront faire l'objet d'un démembrement de propriété.

Enfin, le prix de location doit respecter des loyers plafonds définis selon des zones géographiques ainsi déterminées :

(en F/m 2 )

NEUF

ANCIEN

Zone 1 bis (Paris et communes limitrophes)

75

65

Zone 1 (agglomération de Paris et villes nouvelles d'Ile-de-France)

65

55

Zone 2 (essentiellement reste de l'Ile-de-France et agglomérations de + de 100.000 habitants)

50

35

Zone 3 (reste du territoire)

45

30



• Le dispositif proposé par le gouvernement contient un élément de sécurisation et de solvabilisation du bailleur bénéficiaire de l'une ou l'autre de ces dispositions fiscales et qui prévoit le versement direct au propriétaire des allocations de logement à caractère social et familial, respectivement prévues aux articles L.542-1 et L.831-1 du code de la sécurité sociale.

Les bailleurs pourront également bénéficier de dispositions financées par les fonds du 1 % logement, à savoir la prise en charge du dépôt de garantie, ou l'octroi d'une garantie du loyer et des charges locatives d'un montant maximal de neuf mois ou de trois ans en contrepartie d'une réservation locative. Pourront en bénéficier les bailleurs qui louent un logement à des salariés des entreprises assujetties au versement du 1 % logement, à des jeunes de moins de trente ans en recherche d'un premier emploi ou enfin à des salariés en situation de mobilité professionnelle.

b) La recherche d'une meilleure lisibilité du dispositif pour accroître son efficacité

•  Le nouveau dispositif proposé par le projet de loi de finances se veut équilibré, en se démarquant des autres dispositifs d'encouragement fiscal à l'investissement mis en oeuvre jusqu'à présent.

- Il a vocation à être pérenne afin de donner de la visibilité aux professionnels et éviter les phénomènes cycliques ou les " à-coups " conjoncturels, qui sont en définitive néfastes pour l'activité des entreprises et l'emploi. Il cherche, enfin, à encourager l'émergence d'une nouvelle génération de bailleurs sociaux privés.

- Il repose sur une légitimité sociale certaine puisqu'il assortit une aide fiscale d'une contrepartie sociale. Il s'agit en définitive de permettre l'émergence d'un secteur intermédiaire conventionné portant à la fois sur les loyers et sur les revenus des locataires.



•  Pour être réellement efficace, le dispositif proposé devrait pouvoir être amélioré, sans pour autant remettre en cause sa finalité sociale, tant en ce qui concerne son champ d'application que la réglementation qui lui est applicable.

- S'agissant du montant de l'investissement pris en compte, il faudrait envisager de porter le déficit foncier déductible du revenu global de 70.000 francs à 100.000 francs, afin de tenir compte du coût des investissements réalisés en centre-ville ou dans des zones tendues, et favoriser la diversification de l'offre de logements en permettant la construction de grands logements.

- S'agissant des critères retenus pour les locataires, et comme l'a souligné, en octobre 1998, M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, devant le 88 e Congrès de l'UNPI 3( * ) , " il s'agit d'un régime totalement optionnel :... le propriétaire conventionné garde l'entière responsabilité du choix de son locataire dans le respect du plafond de ressources , le bail sera un bail de droit commun, avec évolution du loyer selon les indices habituels, et enfin, à l'issue de la période d'engagement de six ans, le propriétaire aura bien sûr l'entière liberté, soit de revenir au régime libre, avec remise à niveau progressive des loyers, soit de conventionner à nouveau si il le souhaite " .

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur les restrictions imposées par l'article 68 du projet de loi de finances s'agissant des locataires : il faudrait au contraire rétablir, comme dans le dispositif Périssol, l'autorisation de louer aux descendants et ascendants, pour autant qu'il ne s'agisse pas de personnes relevant du foyer fiscal du bailleur, que le loyer versé ne soit pas " de complaisance " et que les plafonds de ressources soient respectés.

Si toutes ces conditions sont respectées, il n'y a pas de raison d'interdire cette " forme d'entraide familiale ", car les abus qui ont pu être constatés, dans le cadre du régime Périssol, ne pourront plus se reproduire.

- Il y a lieu également de s'interroger sur les règles de sortie du dispositif d'amortissement prévu pour un logement neuf. Il semble bien qu'à l'issue de la période de neuf ans retenue pour l'amortissement, une seule solution soit possible, à savoir le retour au régime de droit commun.

Or, il y aurait tout intérêt, pour sécuriser le locataire et encourager effectivement une nouvelle génération de bailleurs privés, à prévoir un dispositif de prolongation du conventionnement si tel est le souhait du propriétaire.

Ce dispositif transitoire pourrait, si les conditions du conventionnement sont maintenues avec ou sans changement de locataire, prolonger le principe de l'amortissement, à travers une déduction annuelle égale à 2,5 % du prix d'acquisition. La durée de cet amortissement devrait être fixée à six ans, afin de porter la durée totale de l'amortissement à 15 ans.

Au-delà, et si on se réfère aux règles d'éligibilité des subventions de l'ANAH, on peut considérer que le logement est ancien. Si le souhait du propriétaire est de maintenir le conventionnement de son logement, il bénéficierait alors du taux de 25 % pour la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers.



•  L'introduction de ce dispositif d'amortissement qui se veut pérenne constitue, de plus, une occasion à saisir pour remettre à plat et harmoniser les régimes de conventionnement existants. On est frappé, en effet, par la complexité des dispositifs qui se sédimentent au fur et à mesure de l'adoption de nouvelles réglementations.

A l'heure actuelle, pour le parc locatif privé, coexistent sept types de conventionnement, y compris le nouveau dispositif. Il s'agit du conventionnement concernant les logements à usage locatif bénéficiant de prêts conventionnés, des logements financés avec les prêts locatifs aidés (deux barèmes suivant qu'il s'agit de logements sociaux ou très sociaux), des logements financés avec les prêts pour l'accession à la propriété, des logements financés avec les anciens prêts du Crédit foncier de France, des logements conventionnés ouvrant droit à l'APL, des logements conventionnés ouvrant droit à l'APL, subventionnés par l'ANAH dans le cadre d'un programme spécial thématique, et enfin du conventionnement proposé par ce projet de loi de finances.

La réglementation définit pour chaque type de conventionnement des plafonds de loyers et de ressources selon des critères géographiques et surtout des références de surface qui ne sont pas identiques. On recense ainsi trois types de superficie :

- la surface habitable est égale à la surface de plancher déduction faite des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, ébrasements de portes et de fenêtres. Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 m ;

- la surface utile est égale à la surface habitable plus la moitié des surfaces annexes ;

- la surface corrigée est égale à la surface habitable corrigée par un certain nombre de coefficients relatifs à l'ensoleillement, l'entretien, la situation dans les étages et l'équipement du logement (équivalent superficiel des équipements).

Pour comparer ces trois notions entre elles, on peut indiquer que la surface utile est égale à la surface habitable x 1,045 ou à la surface corrigée x 1,51 ou 1,61 (selon que le logement est existant ou neuf).

Les différents régimes de conventionnement ne font pas appel au même critère de superficie pour le calcul du loyer applicable.


 

Opérations éligibles à l'APL

Opérations non éligibles à l'APL

Surface utile

• Prêt conventionné locatif (PCL)

• Prêt locatif intermédiaire (PLI)



Surface corrigée

• Opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH)

• Programme social thématique (PST)

 



Surface habitable

• Amortissement des logements neufs

• Amortissement des logements anciens

 

Selon les renseignements transmis à votre rapporteur, il semble que le nouveau dispositif proposé par le projet de loi de finances, retienne le critère de la surface habitable, ce qui paraît contestable. En effet, d'un strict point de vue architectural, ce critère est réducteur car il ne tient pas compte des surfaces annexes (garage, cave, vérandas, balcons) qui sont pourtant des éléments importants pour diversifier l'aspect extérieur des bâtiments et faire du logement, non seulement un espace à habiter, mais également un lieu de convivialité. L'application du critère de la surface habitable risque de stigmatiser les constructions réalisées sous le régime de ce nouveau régime d'amortissement.

Pour toutes ces raisons, il faudrait harmoniser la réglementation sur l'ensemble du secteur conventionné, et ne retenir que le critère de la surface utile pour la définition des loyers-plafonds ; ce critère pourrait d'ailleurs être plafonné en indiquant que les locaux annexes ne peuvent excéder 10 ou 20 % de la surface habitable, afin de ne pas encourager leur multiplication ou leur trop grande taille.

*

* *

En conclusion, votre rapporteur souligne que, même si dans tel ou tel secteur, un effort plus important aurait pu être fait, il n'en demeure pas moins que ce budget va dans le bon sens. Aucun des secteurs du logement n'est oublié.

Ce budget autorise le développement d'une offre de logement diversifiée aussi bien dans le secteur public que dans le parc privé, dans le locatif et en accession à la propriété.

Il reconnaît un rôle économique et social au bailleur privé.

Il sécurise le locataire et le bailleur, l'accédant et le prêteur contre les aléas de la vie économique et/ou social.

Ce budget pérennise le prêt à taux zéro (PTZ) en inscrivant une ligne budgétaire pour son financement. Il renforce et élargit le champ d'intervention de l'ANAH dont on reconnaît l'importance en matière d'aménagement du territoire.

Enfin, il renforce considérablement la lutte contre l'exclusion sociale, notamment par la progression substentielle de la dotation au FSL ce sont toutes ces raisons qui me conduisent à vous proposer d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits logements pour 1999.

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Sur proposition de son rapporteur pour avis la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au logement dans le projet de loi de finances pour 1999.

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