ANNEXE N° 1 -

COMPTE RENDU DE LA VISITE EFFECTUÉE
PAR VOTRE RAPPORTEUR À ROUBAIX
EN COMPAGNIE DE M. ALAIN JOYANDET,
LE 28 OCTOBRE 1999

Voici trois ans, à la fin de l'été 1996, votre rapporteur pour avis avait, en sa qualité de rapporteur de la Commission spéciale du Sénat sur le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du Pacte de relance pour la ville, eu des échanges avec M. André Diligent, sénateur et ancien maire de Roubaix et René Vandierendonck, le maire de cette commune, à l'occasion d'une audition.

Répondant à l'invitation de notre collègue André Diligent, votre rapporteur pour avis s'est rendu, le 28 octobre dernier, à Roubaix afin de prendre l'exacte mesure des résultats obtenus grâce à la création de la zone franche urbaine qui couvre les quartiers de l'Epeule, l'Alma, la Fosse-aux-Chênes, le Cul de four, le centre-ville, et de Sainte Elizabeth, soit 40 % du territoire de la commune.

1. Situation en 1996-1997

Comme l'indiquait M. René Vandierendonck, devant la Commission spéciale du Sénat 23( * ) , le mercredi 4 septembre 1996, Roubaix a constitué un " laboratoire " pour la politique de la ville : deux tiers de la cité étant classés en zone urbaine sensible, la moitié en zone de redynamisation urbaine et 40 % en zone franche urbaine.

Frappée de plein fouet par la crise du textile, car 40% des emplois roubaisiens dépendaient initialement de ce secteur, la ville a également subi une forte hémorragie commerciale, 30.000 mètres carrés de surfaces commerciales ayant disparu entre 1991 et 1996, alors même que les grandes surfaces prospéraient en périphérie !

M. Vandierendonck soulignait à cette époque :

- la nécessité de mener une politique de l'habitat au niveau de l'ensemble de l'agglomération, afin de recréer une mixité urbaine ;

- les problèmes posés par le renforcement des effectifs de police par redéploiement des effectifs existants et non pas par accroissement net de l'effectif total ;

- la nécessité d'attribuer à la communauté urbaine des compétences en matière de plan local de l'habitat afin de raisonner à l'échelle d'un bassin d'habitation.

Le maire de Roubaix reconnaissait également l'intérêt de la discrimination positive dans les ZFU, afin de maintenir les entreprises existantes et éventuellement d'en attirer d'autres.

En trois ans, la municipalité de Roubaix a su utiliser de façon particulièrement efficace l'ensemble des dispositifs existants, et notamment le grand projet urbain (GPU) de la métropole lilloise (qui comprend 700.000 habitants) mis en place en janvier 1997. Il concerne l'agglomération de Roubaix-Tourcoing, Wattrelos et Croix et, en particulier, les quartiers de Saint-Pierre, l'Epeule, Fresnoy, Blanc Seau, l'Alma, le Cul-de-Four et, enfin, le quartier de l'Hommelet, situés au Nord de Roubaix.

Le GPU tend notamment à réaliser :

- des équipements (espaces sportifs, équipements scolaires) ;

- des espaces publics (parkings, squares) ;

- des opérations d'habitat (études de réalisation d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat) ;

- des travaux de voirie.

De grands équipements de transport destinés à renforcer l'attractivité des quatre villes précitées sont réalisés ou prévus : la construction de la ligne 2 du métro (financée par la CDUL), le prolongement de la voie rapide urbaine dans Roubaix et le lancement de la " route de la laine " qui prolonge la voie rapide urbaine vers la Belgique (financés par l'Etat).

Ce GPU est piloté par un groupement d'intérêt public qui réunit l'Etat, la Communauté urbaine, les quatre municipalités, la CDUL et la Compagnie métropolitaine de l'habitat. Sa durée prévisionnelle est de quinze ans environ, soit trois contrats de plan. Le GPU est alternativement présidé par le représentant de l'Etat et par un représentant des collectivités locales.

2. La réalisation de la zone franche et la reconquête du centre-ville

La zone franche urbaine

La création de la zone franche de Roubaix s'inscrit dans un projet cohérent de développement urbain qui repose également sur le GPU précité et sur le projet de reconquête du centre-ville. La stratégie des promoteurs de cette zone repose sur une forte implication de la commune qui cherche à :

- attirer les entreprises en réalisant des investissements (création d'hôtels d'entreprises) ;

- créer un dispositif d'insertion et de mise en relation des offres et des demandes d'emploi (création du " Pas pour l'emploi " et collaboration avec l'ANPE) ;

- mener une politique de filières afin de renforcer la masse critique dans le domaine des services à la grande distribution et de la vente par correspondance, d'une part, et du textile-habillement, d'autre part ;

- soutenir les initiatives des entrepreneurs (grâce à la plate-forme d'initiatives locales qui assure un suivi personnalité et à l'octroi de prêts sans garantie de 10.000 à 50.000 francs) ;

- redynamiser le commerce local par la conclusion de " contrats de rue " qui permettent de rénover les cellules commerciales vacantes dans une rue, au cours d'une brève période, afin de rendre le projet visible aux yeux des habitants et des entrepreneurs et d'assurer, de ce fait, sa réussite.

Un certain nombre d'informations montrent que l'EPARECA s'intéresse enfin à Roubaix.

Le projet de reconquête du centre-ville

Roubaix constitue un cas d'école s'agissant des dommages occasionnés par une urbanisation inspirée de la " charte d'Athènes ", qui prônait un urbanisme fonctionnaliste peu soucieux de l'équilibre urbain. La création du centre commercial " Roubaix 2000 ", en 1965, sous la forme d'un cube de béton placé au coeur de la cité, dans l'axe de la rue de Lannoy, artère irriguant le centre-ville, a eu un effet négatif sur la situation de l'hyper-centre de la commune. Les pouvoirs publics se sont, en conséquence, employés à rendre à la rue de Lannoy son cours historique, débouchant sur une station de métro et de tramway qui constitue un noeud de transport essentiel de l'agglomération lilloise.

La commune y a facilité l'installation d'un centre de boutiques de fabricants, sous l'égide de la société Mc Arthur Glen. Ce centre, doté de 15.000 m2 de surfaces commerciales est situé au coeur d'une zone de chalandise de 11 millions de personnes. Il est destiné à rendre une réelle attractivité au centre-ville et à y drainer des acheteurs venus de tout le nord de la France et de Belgique.

Sa construction a nécessité un important investissement privé, estimé à 160.000 millions de francs, outre les investissements publics.

La commune souhaite également créer un second pôle commercial à la place de l'ancien hôtel des ventes, destiné à accueillir une grande surface de 8.300 m2 de superficie de vente sous l'enseigne " Géant ", ainsi qu'une galerie marchande de 12.000 m2. Le montant total de l'investissement sous-tendant cette opération est d'environ 250 millions de francs, et son ouverture prévue pour 2001.

Le réaménagement du centre-ville passe également par des investissements lourds destinés à changer l'image de celui-ci. Ils consistent en :

- l'aménagement de la Grand Place située face à l'hôtel de ville ;

- la réalisation de stations de métro en centre-ville (Jean-Lebas ; Grand Place et Eurotéléport) ;

- la réouverture d'un musée dans le bâtiment d'une ancienne piscine de style Art déco (le précédent musée ayant été détruit voici 60 ans, les collections n'étant plus exposées depuis lors).

Le succès de la zone franche de Roubaix réside, à n'en pas douter, dans la combinaison de ces actions volontaristes qui ont, non seulement modifié l'image de la ville, mais aussi créé de l'activité et des emplois.

3. Le programme nouveaux emplois, nouveaux services

Le nombre total des postes destinés à des nouveaux services à la population gérés par la commune et les employeurs privés s'établit à 788 au 1 er septembre 1999.

La commune et les associations emploient les deux-tiers de l'effectif total dont 77 % des postes sont pourvus.

Les emplois créés par la commune à ce titre concernent :

- l'action sociale et éducative ;

- le sport ;

- la culture et les nouvelles technologies de la communication.

Soixante cinq pour cent des emplois créés ont été attribués à des jeunes habitant Roubaix, soit 500 personnes, dont la moitié a un niveau équivalent au CAP ou au BEP.

La commune de Roubaix s'est fortement impliquée dans ce dispositif, puisqu'elle a créé 233 postes, et participe au financement des salaires et charges de 120 d'entre eux.

Dans le secteur du sport et de l'éducation, ces emplois ont souvent permis d'intégrer des jeunes dotés de très bonnes qualités relationnelles, mais qui n'avaient pas le niveau scolaire requis pour passer un brevet d'Etat, obligatoire pour assurer l'encadrement de jeunes et d'enfants.

4. Les résultats obtenus

L'emploi

Depuis le début des années 1970, le taux de chômage a connu une dégradation constante culminant à 31 % en 1997 .

Entre juin 1997 et juin 1999, le taux de chômage a baissé de 4,5 % . Sur une population active totale de 38.200 personnes, on comptait 10.452 demandeurs d'emploi en juin 1999. Ce mouvement global masque cependant des disparités : alors que le chômage des jeunes (qui sont nombreux) baisse de 7,8 %, celui des plus de 50 ans s'accroît de 22,2 %.

La population roubaisienne subit un handicap en termes de qualification : le niveau de formation des chômeurs est de classe Vbis ou VI pour 45 % d'entre eux. Ce phénomène touche, quoique dans une moindre proportion, également les jeunes qui sont, en moyenne, moins qualifiés que ceux de l'ensemble de la région.

Cette situation explique la création d'un dispositif d'insertion spécifique qui, grâce à trente structures différentes, permet d'utiliser 800 postes de travail. Entre 1996 et 1999, 4.500 personnes ont effectué ce parcours d'insertion et 2.000 d'entre elles ont trouvé un emploi. Les pouvoirs publics ont créé des structures destinées à mettre en contact les 400 entreprises qui rechercheront de la main d'oeuvre et les demandeurs d'emploi. Deux cellules spécifiquement consacrées à cette fin ont été constituées, l'une pour l'ensemble de la ZFU, l'autre en partenariat avec la société Mac Arthur Glenn qui gère le centre de boutiques de fabricants situé en centre ville.

Cette politique a été menée de façon particulièrement volontariste, toute entreprise s'installant à Roubaix étant contactée, de façon systématique.

Les résultats de la ZFU sont remarquables en termes de création d'emplois : au 30 juin 1999, l'effectif salarié y a crû de 2.625 postes équivalent temps plein (+68 %) par rapport à 1997 .

Sur ce total :

- 5 emplois sur 6 sont des emplois créés ;

- 40 % des emplois créés sont occupés par des Roubaisiens , soit plus du double de l'obligation fixée par la loi de 1996 ;

- 86 % des contrats souscrits sont des CDI ou des CDD de plus de 12 mois .

On notera, en outre, que les autorités communales ont lutté activement contre les discriminations à l'embauche.

5. Une politique multiforme qui doit être poursuivie

Au total, selon l'expression d'un des interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur pour avis, la ZFU a eu un effet " d'accélérateur des politiques ".

Les autorités locales ont su mettre en oeuvre toute la palette des moyens à leur disposition : GPU, ZFU et financements communautaires, dans le cadre du programme URBAN et du FEDER objectif 2 dont le taux de consommation des crédits est l'un des meilleurs de France.

Le principal problème posé désormais est l'avenir de la zone franche, dont le Conseil municipal de Roubaix, réuni le 4 février 1999, a souhaité le maintien jusqu'à son terme. De l'avis unanime, les chefs d'entreprises sont vivement préoccupés par l'avenir de la ZFU.

Les interlocuteurs de votre rapporteur pour avis se sont accordés pour reconnaître que l'installation de certaines professions libérales en ZFU était probablement motivée par le souci de bénéficier d'avantages fiscaux et qu'elle était susceptible de prendre fin dès la fin de ceux-ci, tout en observant que l'on ne pouvait pas annoncer la " moralisation " du dispositif ZFU sans préciser les modalités d'évolution de ces zones et le régime dont elles bénéficieront dans l'avenir.

6. La question du logement

Des progrès méritent également d'être accomplis dans la gestion du parc de " logement social de fait ", qui abrite les plus pauvres des habitants, ceux qui ne disposent pas de revenus suffisants ou d'une situation juridique assez claire pour occuper un logement situé dans une HLM. Le maire de Roubaix déplore d'ailleurs la persistance des " marchands de sommeil " qui louent des logements vétustes à des prix usuraires à des personnes qui bénéficient de l'aide personnalisée au logement.

Sans doute serait-il nécessaire que le contrôle de l'habitabilité des logements soit plus poussé lors de l'attribution de cette aide. En outre, certaines opérations de " requalification " par les propriétaires qui " bricolent " par eux-mêmes sont, paradoxalement, " déqualifiantes " pour les quartiers où elles sont réalisées. Effectuées dans des conditions très sommaires, elles n'ont d'autres but que de louer ces logements à des personnes en situation de précarité.

Il est donc nécessaire d'envisager dès à présent les modalités d'intervention de la puissance publique sur le parc privé qui a le caractère de " parc social de fait ".

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