B. UNE POLITIQUE DU MÉDICAMENT ESSENTIELLEMENT RÉPRESSIVE

Lors de la réunion de la Commission des comptes du 21 septembre 2000, Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, avait indiqué que le Gouvernement entendait " modérer notre dépense de médicaments par des dispositifs structurels efficaces ".

L'analyse du projet de loi de financement révèle que cette action ambitieuse repose avant tout sur une bonne vieille recette déjà maintes fois utilisée : l'augmentation des prélèvements sur l'industrie pharmaceutique et les grossistes-répartiteurs.

Pour le Gouvernement, régulation rime décidément avec taxation.

1. L'accroissement des prélèvements sur l'industrie pharmaceutique

Le Parlement a adopté, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, un article 31 instituant à titre permanent une contribution due par les entreprises pharmaceutiques en cas de dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Cette taxe comporte plusieurs taux qui croissent très fortement avec le dépassement des dépenses par rapport à l'ONDAM, et comporte des effets de seuils massifs :

Taux d'accroissement (T) du chiffre d'affaires par rapport à l'ONDAM

Taux de la contribution sur le chiffre d'affaires

ONDAM < T ONDAM + 1 point

0,15 %

ONDAM + 1 point < T ONDAM + 2 points

0,65 %

ONDAM + 2 points < T ONDAM +4 points

1,3 %

ONDAM + 4 points < T ONDAM +5,5 points

2,3 %

T > K + 5,5 points

3,3 %

Le texte adopté par le Parlement en 1998 a prévu que les entreprises conventionnées avec le Comité économique du médicament seraient exonérées du paiement de cette contribution, à condition que cette convention :

- fixe les prix de tous les produits de la gamme de l'entreprise ;

- comporte des engagements de l'entreprise portant sur le chiffre d'affaires de chacun des produits dont le non-respect entraîne, soit un ajustement des prix, soit le versement d'une remise.

Après que les pharmaciens d'officines ont conclu avec l'Etat, en 1998, deux protocoles d'accords, un accord sectoriel a été signé le 9 juillet 1999 entre le Comité économique du médicament 58 ( * ) et le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique. Il a vocation à couvrir la période 1999-2002.

Cet accord institue, afin d'assurer un meilleur suivi des dépenses de médicaments, un groupe paritaire de concertation. Son objectif sera, non seulement de garantir la régularité d'un suivi, mais aussi de mieux établir les conséquences des modifications de périmètre des dépenses remboursées et non remboursées au sein du chiffre d'affaires de l'industrie.

La régulation conventionnelle instituée par l'accord sectoriel visait ainsi à substituer aux mécanismes de taxation " de sauvegarde " organisés par la loi, et dans les conditions que celle-ci prévoit, un système de remises quantitatives de fin d'année produisant des résultats financièrement équivalents pour la sécurité sociale, mais d'une manière plus adaptée à la différenciation des besoins de santé selon les catégories de médicaments et à la libre concurrence entre les entreprises.

Concrètement, ce sont 148 59 ( * ) laboratoires ou groupes qui ont passé avec le comité une convention pluriannuelle exonératoire de la contribution de sauvegarde, sur les 178, représentant la totalité des ventes de médicaments remboursables, auxquels une telle convention avait été proposée par le comité. Le chiffre d'affaires cumulé de ces 148 entreprises représentait 97 % des ventes de médicaments remboursables en France.

Au titre de 1999 , le versement devait atteindre, en 2000, 500 millions à 1 milliard de francs. Il ne sera en réalité que 75 millions de francs, au titre de la seule contribution, c'est-à-dire pour les entreprises qui n'ont pas pris partie au conventionnement. Si l'on y inclut les remises, 900 millions de francs ont été reversés, qui viennent s'imputer en moindres dépenses pour l'année 2000.

Au titre de 2000 , pour la contribution versée en 2001, l'article 29 de la loi de financement pour 2000 a fixé un seuil de déclenchement de la contribution à 2 %, taux ad hoc , déconnecté de tout lien avec l'ONDAM. 2 à 2,8 milliards de francs devraient être versés à ce titre en 2001.

Ces chiffres démontrent que le système conventionnel a bien fonctionné : une très grande majorité des entreprises ont en effet choisi de passer convention avec le Comité économique des produits de santé.

On peut dès lors se demander pourquoi le Gouvernement a souhaité, dans l'article 41 du projet de loi , augmenter ce prélèvement jusqu'à atteindre un taux quasi-confiscatoire de 70 %.

L'article 41 procède en effet à un nouvel ajustement de ce mécanisme :

- pour le seuil de déclenchement de la contribution, il substitue au taux de progression de l'ONDAM un taux de progression fixé à 3 % pour 2001 ;

- pour le calcul de la contribution, il abandonne le mécanisme actuel, fonction de l'importance du dépassement mais générateur d'effets de seuil, au profit d'un système de récupération " linéaire " permettant de récupérer une part constante (70 %) du dépassement.

L'objectif n'est pas tant, comme le prétend le Gouvernement, de retenir " un mode de calcul plus simple, linéaire " mais bien de " récupérer 70 % du dépassement ".

Dans la mesure où la quasi-totalité des entreprises pharmaceutiques échappera, par le biais de la convention, à cette taxation supplémentaire, on pourrait s'interroger sur la portée réelle d'une telle augmentation.

En réalité, le Gouvernement souhaite, par ce dispositif, augmenter fortement le montant des remises négociées dans le cadre conventionnel, de façon à récupérer une somme à peu près équivalente à ce qu'aurait rapporté l'application de la clause de sauvegarde.

Votre rapporteur regrette que le Gouvernement, par des prélèvements excessifs, prenne le risque de décourager les entreprises pharmaceutiques de participer au système conventionnel.

Il considère au contraire qu'il est indispensable de préserver l'intérêt, pour les entreprises, d'entrer dans un cadre conventionnel qui leur permette de s'engager individuellement par contrat sur un certain nombre de sujets importants : génériques, réévaluation de la gamme thérapeutique, engagements promotionnels notamment...

* 58 Devenu depuis le Comité économique des produits de santé.

* 59 Les non-signataires sont deux laboratoires dont le chiffre d'affaires est important et 28 dont le chiffre d'affaires est inférieur à 20 millions de francs.

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