II. LES RÉSULTATS DU SECTEUR FERROVIAIRE

A. UN REDRESSEMENT DE LA SNCF ENCORE FRAGILE

1. Une évolution plutôt favorable du trafic, sauf pour le fret

a) L'évolution du trafic voyageurs

Le tableau suivant donne l'évolution, depuis 1995, du trafic voyageurs de la SNCF sur le réseau principal d'une part, avec la répartition entre TGV, trains rapides et express et services régionaux d'une part, et trafic d'Ile-de-France d'autre part :

Evolution du trafic voyageurs de la SNCF depuis 1995

catégorie de trains

1995

1996

1997

1998

1999

1999/1998

TGV

21,4

24,8

27,6

30,0

32,2

7,3 %

Trains rapides nationaux

18,9

18,9

17,8

17,5

16,8

- 4,0 %

Total grandes lignes

40,3

43,7

45,4

47,5

49,0

3,2 %

Services régionaux de voyageurs

6,8

7,2

7,5

7,7

8,0

3,9 %

total réseau principal

47,1

50,9

52,8

55,2

57,0

3,3 %

Ile-de-France

8,5

8,9

9,0

9,3

9,6

3,2 %

Total voyageurs

55,6

59,8

61,8

64,5

66,6

3,3 %

En milliards de voyageurs/kilomètre

L'ensemble du trafic voyageurs de la SNCF a progressé de 3,3 % en 1999 après avoir augmenté de 4,4 % en 1998 et 3,4 % en 1997.

On remarquera que si le trafic du réseau principal évolue de manière significative (+ 3,3 %), cette évolution est due en grande partie à l'évolution du trafic TGV (+ 7,3 %), alors que le trafic des trains rapides nationaux continue de chuter (- 4 %).

Le trafic régional de voyageurs a quant à lui enregistré une hausse significative (+ 3,9 %).

On observera que le nombre total de voyageurs/kilomètre a progressé de manière significative entre 1995 et 1999, passant de 55,6 à 66,6. Cependant, sur moyen terme, il ne s'agit que d'un rattrapage, puisque le trafic se situe en 1999 à peine au-dessus de celui de 1990. D'autre part, le trafic est poussé par le réseau grandes lignes et en particulier les TGV alors que les trafics régionaux stagnent globalement depuis dix ans.

Toutefois, compte tenu de la bonne tenue du trafic depuis 3 ans, l'objectif de 3 % de hausse du trafic par an retenu par la SNCF pour les années à venir semble plus qu'accessible.

b) Le trafic marchandises

Le tableau suivant donne l'évolution, depuis 1995, du trafic marchandises de la SNCF exprimé en milliards de tonnes-kilomètres, ainsi que l'évolution de la part de marché du rail :

1995

1996

1997

1998

1999

1999/1998

trafic fret

46,6

48,3

52,6

52,7

52,1

- 1,1 %

part de marché (en %)

24,8

25,8

27,4

26,6

25,5

- 1,1 %

Le trafic fret a connu une reprise importante à partir de 1995, reprise qui, après une excellente année 1997, s'est tassée en 1998, et s'est infirmée en 1999. Cette situation est due notamment à l'ampleur des conflits sociaux dans l'entreprise.

L'an dernier, votre rapporteur estimait que la chute du trafic fret au premier trimestre 1999 était inquiétante. Ce recul, lié aux problèmes de saturation du réseau, aux suites des mouvements sociaux à la SNCF et à l'activité économique, s'est malheureusement confirmé.

Ainsi, malgré la reprise de 1997 (+ 8,7 %), la part de marché du fret ne cesse de se dégrader depuis 10 ans (passant de 28,8 % à 25,5 %). Le fret a reculé à 57,5 milliards de tonnes/km , mais les prévisions pour 2000 (56 milliards de tonnes/km) et 2001 (57,5 milliards de tonnes/km) sont un peu meilleures. De fait, le trafic fret a enregistré une progression de 9,5 % au premier semestre 2000 (9 % pour le trafic conventionnel, 11 % pour le trafic combiné). L'évolution du trafic fret est en effet liée aux perspectives de croissance de secteurs lourds tels que la sidérurgie, la chimie, ou le bâtiment-travaux publics, qui sont aujourd'hui dynamiques.

2. Le redressement financier de la SNCF

Les résultats du groupe SNCF ont progressé en 1999.

Le résultat de l'ensemble consolidé présente un bénéfice de 264 millions de francs contre - 542 millions de francs au 31 décembre 1998, soit une amélioration de 806 millions de francs. La part revenant au groupe s'élève à 336 millions de francs (-304 millions de francs en 1998) et la SNCF améliore son résultat net consolidé de 146 millions de francs. L'excédent brut d'exploitation diminue de 356 millions de francs en raison de l'augmentation des redevances d'infrastructures. Le résultat financier s'améliore de 669 millions de francs.

La contribution de la SNCF au chiffre d'affaires consolidé passe de 74,3 milliards de francs à 75,6 milliards de francs (+1,8 %). Cette hausse s'explique par la croissance des produits du trafic de 1 milliard de francs (+2,2 %) grâce aux bons résultats du trafic grandes lignes et par l'augmentation de la rémunération du gestionnaire de l'infrastructure par RFF de 597 millions de francs (+3,6 %).

En revanche, la contribution de la SNCF au résultat d'exploitation, soit 2 milliards en 1999, se dégrade de 370 millions de francs. Les facteurs expliquant cette dégradation sont l'augmentation des redevances d'infrastructures versées à RFF (+ 3,5 milliards de francs) malgré leur compensation partielle par des versements de l'Etat (958 millions de francs pour les grandes lignes et TER et 800 millions de francs à titre exceptionnel) et la dégradation des charges de personnel de 680 millions de francs. En contrepartie, le chiffre d'affaires n'aura progressé que de 1,4 milliard de francs.

Cette évolution confirme les observations formulées par votre rapporteur l'an dernier. Le développement de la SNCF est bridé par plusieurs éléments : les difficultés persistantes de l'entreprise dans sa gestion du dialogue social, les effets de l'accord national du 7 juin 1999 sur l'application des trente-cinq heures, l'insuffisance des moyens dévolus au fret ferroviaire.

3. Les défis pour l'avenir de la SNCF

a) Supporter les charges nouvelles sans compromettre l'équilibre financier

L'an dernier, votre rapporteur souhaitait attirer l'attention sur certaines inquiétudes quant à l'avenir de la SNCF.

Ces inquiétudes étaient de deux ordres : d'une part, il s'agissait de la capacité de la SNCF à parvenir à retrouver un équilibre d'exploitation et donc à maîtriser son endettement, d'autre part il s'agissait des menaces sur la compétitivité future de l'entreprise publique.

S'agissant des personnels, l'année 1998 a été marquée pour la SNCF par d'importants conflits sociaux, notamment des agents commerciaux, qui ont affecté son résultat. La reprise du trafic, qui a débuté en 1996 et s'est nettement accentuée en 1997, a amorcé une décroissance en fin d'année 1998.

L'année 1999 a été marquée par une évolution globale à la hausse des effectifs, en raison notamment de l'anticipation au deuxième semestre des recrutements liés à la mise en oeuvre des 35 heures. Les effectifs ont augmenté de 640 agents, auxquels se sont ajoutés 600 nouveaux emplois-jeunes. Par ailleurs, suite à l'accord de juin 1999, 25.000 admissions au statut sont prévues.

L'idée selon laquelle ces modifications ne pèseraient pas sur l'entreprise car elles " trouvent leur équilibre dans les économies et les richesses attendues des organisations du travail rénovées, mais aussi dans une progression modérée des salaires ", selon les termes du ministère de l'équipement, des transports et du logement, semble relever de l'utopie.

En revanche, le dialogue social dans l'entreprise s'est apaisé.

Le résultat commercial de l'année 1998 avait été considérablement affaibli par l'ampleur des mouvements sociaux : 180.000 jours de travail ont été perdus en 1998, ce qui représentait 40 % des jours de grève au niveau national. Au premier semestre 1999, 40.000 jours de grève avaient encore été enregistrés.

Cependant, au terme de l'année 1999, 53.779 journées avait été perdues du fait de grève, soit le plus faible total de ces quinze dernières années. En 1998, ce total dépassait 180.000 journées. Avec 27.892 journées perdues au premier semestre, l'année 2000 présente un profil comparable.

Il apparaît donc que, malgré son impact durable sur les charges de l'entreprise, l'accord sur les 35 heures aura eu un impact à court terme d'apaisement des conflits sociaux au sein de l'entreprise.

b) Développer le fret ferroviaire sans moyens nouveaux

En matière de fret ferroviaire et de transport combiné, deux éléments clefs pour l'avenir de la SNCF, les résultats de l'entreprise et les moyens budgétaires ne sont pas à la hauteur des déclarations du gouvernement.

(1) Le trafic fret au niveau européen

Des mesures ont été prises en 1998 et 1999 pour ouvrir le réseau ferroviaire français à l'Europe. Le décret n°98-1190 du 23 décembre 1998 a ouvert aux regroupements internationaux et aux entreprises ferroviaires exploitant des services internationaux de transport combiné la possibilité d'accéder au réseau ferré national.

Aujourd'hui, un seul corridor " freeways ", composé de trois branches et ne passant pas par la France a été créé entre les Pays-Bas, l'Allemagne, la Suisse, l'Autriche et l'Italie, le 15 janvier 1998, mais il n'est pas à ce jour opérationnel.

Seul un corridor, qui repose sur des accords de coopération, est opérationnel . Il s'agit du corridor BELIFRET dont le trajet est Anvers, Bruxelles, Luxembourg, Lyon, Turin, Gênes, La Spezia, Gioia Tauro en Italie. Ce corridor repose sur un accord du 26 novembre 1997 et il est opérationnel depuis le 12 janvier 1998, il a été étendu à Marseille et à l'Espagne le 12 janvier 1998 puis à Milan le 24 octobre 1998, mais son trafic est resté pendant de nombreux mois très confidentiel.

Au 30 avril 2000, seulement 2.000 trains avaient emprunté ce corridor, soit 1,5 million de tonnes transportées, avec toutefois un trafic croissant, de 500.000 tonnes en 1998, 700.000 en 1999 et 1 million prévus en 2000. Le rythme de passage des trains, jusqu'à présent très faible (40 trains par mois en 1998) s'est accéléré pour atteindre 120 réservations par mois au printemps 2000.

Il existe un corridor de fret Est-Ouest reliant Glasgow en Grande-Bretagne à Sopron (frontière austro-hongroise), créé le 3 mars 1999. Il dessert Le Havre, Dunkerque et Metz, mais il ne fonctionne pas régulièrement.

Par ailleurs, un accord européen a été trouvé les 9 et 10 décembre 2000 conduisant à l'adoption d'un " paquet ferroviaire ". L'idée est de créer un réseau trans-européen de fret ferroviaire (RTEFF) avec une programmation des investissements nécessaires à la suppression des noeuds de congestion, la garantie des droits d'accès, l'interopérabilité des matériels et des procédures, etc...

Cependant, chacun sait que les réseaux de fret européens sont encore incompatibles et qu'il faudra du temps avant qu'une véritable coopération se mette en place.

(2) La tentative d'inverser l'échec du transport combiné

Ces trois dernières années, le transport combiné n'a cessé de chuter : il est passé de 13,9 milliards de tonnes/km en 1997 à 13,4 milliards de T/km en 1998 et 13,3 milliards de T /km en 1999. L'année 1999 a d'ailleurs été marquée par l'arrêt du dernier train régulier de transport combiné avec l'Allemagne.

Les causes de cet échec sont la saturation de certains terminaux et surtout la mauvaise qualité du service. Le problème se situe dans la disponibilité des moyens en locomotives et en agents de conduite, et la régulation des capacités de circulation entre les circulations de fret et de voyageurs, au profit de ces derniers.

Le gouvernement annonce que le transport combiné est une de ses priorités, ce qui va entièrement dans le sens préconisé par le Sénat. Cependant, les moyens d'investissement qui y sont consacrés sont dérisoires , puisque les subventions aux investissements s'élèvent à 170 millions de francs, dont 145 millions de francs seulement pour les subventions spécifiques aux terminaux de transbordement.

Les dotations au transport combiné

Aides à l'exploitation

260

Subventions aux investissements

170

dont subventions spécifiques aux terminaux de transbordement

145

Aides aux entreprises routières accédant au transport combiné

2

TOTAL

577

Face à la faiblesse des subventions, la SNCF doit agir sur la qualité du service, qui est, avec la capacité de l'infrastructure, un élément essentiel de la démarche vis-à-vis de la clientèle.

Un accord a ainsi été signé le 20 mars 2000 entre les acteurs du transport combiné en France : FNTR, SNCF, NOVATRANS et GNC afin, à titre d'expérimentation, de développer le trafic sur trois grandes liaisons en restaurant la régularité et la fiabilité des acheminements.

Le ministère lui-même semble toutefois pessimiste : " en l'absence d'internalisation des coûts externes des différents modes, et face d'autre part aux difficultés qui subsistent en matière d'harmonisation de la réglementation sociale dans le transport routier, les conditions d'une concurrence loyale et équilibrée entre les différents modes de transport ne sont pas réunies ".

4. Une solution partielle : le projet industriel de la SNCF

Le projet industriel constitue le troisième volet de la réforme ferroviaire mise en place en 1997. Il vise à mobiliser l'entreprise pour assurer le retour à l'équilibre de ses comptes et créer les conditions d'un développement durable et équilibré de ses activités.

Il s'agit d'un document concret élaboré en concertation avec le personnel et ses représentants.

La démarche vise, par la mise en place d'actions concrètes, à satisfaire le client.

Le premier projet industriel pour 1997-2000 était établi autour de trois thèmes - le client, l'entreprise et les hommes- avec 17 plans d'actions et 52 programmes prioritaires.

Au regard du client, les trois lignes directrices étaient : la valorisation des atouts spécifiques du train, la prise en charge globale des clients et la fidélisation.

En ce qui concerne son personnel, il visait à développer la responsabilisation et à renforcer la cohésion sociale en développant le dialogue et la concertation, en confortant les missions d'encadrement et en favorisant une culture de service au client.

Dans la maquette financière intégrée au projet industriel, l'entreprise prévoyait le retour à l'équilibre dès 1999-2000 y compris dans l'hypothèse la moins favorable d'évolution du trafic.

De fait, votre rapporteur note que cette démarche a commencé à tenir ses promesses, puisque la situation financière de l'entreprise s'est redressée, et même si ce redressement est en partie dû au retour de la croissance économique.

Pour 2000-2002, le projet industriel fixe des objectifs quantitatifs précis :

- une progression du trafic de voyageurs de 11 % ;

- une augmentation du trafic fret de 15 % (pour répondre à l'objectif de doublement du fret en 10 ans) ;

- un maintien de l'équilibre financier de l'entreprise.

S'agissant de la satisfaction du client, la SNCF s'efforce d'améliorer l'accueil dans les gares et les trains, les informations, la propreté...

Mais un des points essentiels du projet industriel est encore la réforme comptable, qui est devenue encore plus essentielle avec la régionalisation des services régionaux de voyageurs.

La réforme comptable de la SNCF et ses enjeux

La réforme comptable de la SNCF vise à mettre au point un système d'information unique et intégré, permettant d'établir les comptes sociaux de la SNCF, mais aussi des comptes de gestion.

Le principe de base de la réforme est d'affecter le plus directement possible les dépenses et les recettes à une unité comptable, chaque unité comptable étant rattachée à une activité (grandes lignes, TER, fret, Ile-de-France). Il s'agit également de définir les " règles de gestion " pour les refacturations internes entre les différentes activités.

Pour la première fois en 1999, les comptes de la SNCF ont été établis directement par chacune des activités et coordonnés par la direction du contrôle de gestion de la SNCF.

Dans le cadre de la régionalisation, les régions demandent des comptes plus fiables. Les moyens de production propres à l'activité TER et les prestations qu'elle réalise pour les autres activités sont désormais clairement définis. Cependant, les recettes continuent à être affectées aux activités en fonction d'observations statistiques.

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