DEUXIÈME PARTIE :

LES CRÉDITS DE TRANSPORT AÉRIEN ET DE

MÉTÉOROLOGIE DU BUDGET DU MINISTÈRE DE

L'ÉQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT

CHAPITRE PREMIER :

VERS L'UNIFICATION DE L'INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE EUROPÉENNE

Votre commission des finances avait adopté au mois de juin 1999 un rapport 9 ( * ) consacré à définir un projet aéronautique européen susceptible d'assurer les positions de l'Europe dans un secteur industriel stratégique du point de vue économique mais aussi politique.

Soulignant les acquis engendrés par les rapprochements intervenus au sein de l'industrie française, il appelait à une relance du processus de concentration européenne en en énonçant les conditions.

La fusion entre Aérospatiale-Matra et DASA, rejoints par l'entreprise espagnole CASA et, pour une partie de ses activités, par l'italien Alenia, pour constituer, ensemble, l'entité " European Air Defence and Space " (EADS) constitue un pas décisif vers une Europe aéronautique plus forte.

I. LA STRUCTURATION DE L'INDUSTRIE EUROPÉENNE

Au prix d'une série d'opérations complexes à caractère juridique et financier, la réorganisation de l'industrie française a donné naissance à un champion national occupant en outre des positions majeures sur l'échiquier européen.

Puis la constitution d'EADS a engendré une intégration partielle, mais décisive, de l'industrie aéronautique européenne.

A. LA STRUCTURATION DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE

Apports, fusions et privatisation ont été nécessaires pour réorganiser l'industrie aéronautique française.

1. Le transfert de la participation de l'Etat dans Dassault Aviation à Aérospatiale, une démarche inachevée

Fin décembre 1998, l'Etat a transféré à Aérospatiale 45,76 % du capital de Dassault Aviation.

Ce dessaisissement n'a été que partiel puisque les droits de l'Etat dans l'entité Dassault-Systèmes n'ont pas été transférés à Aérospatiale. Cette réduction du périmètre transféré à l'entreprise publique est, à coup sûr, très notable compte tenu de la valorisation boursière de Dassault-Systèmes et de ce que la participation de l'Etat au capital de Dassault Aviation lui confère 16,33 % de cette capitalisation. D'un point de vue stratégique, l'exclusion de Dassault-Systèmes du périmètre transféré à Aérospatiale peut être justifiée par la nature du métier de l'entreprise -conception industrielle par ordinateur- et par sa position commerciale qui fait de Boeing l'un de ses premiers clients. Il semble que l'Etat souhaite céder cette participation courant 2001.

Mais ce transfert a supposé la renonciation de l'Etat aux droits de vote double dont il bénéficierait.

La question se pose alors évidemment du degré de contrôle d'Aérospatiale sur Dassault Aviation résultant de cette opération. Aérospatiale n'étant pas appelée à bénéficier des privilèges liées à la participation de l'Etat elle détient 45,76 % du capital de Dassault Aviation, ce qui en fait certes un actionnaire de référence majeur mais toutefois un actionnaire minoritaire par rapport à la holding Dassault Industries qui en détient 49,90 %, le reste, 4,34 % étant en Bourse.

L'accord intervenu entre les parties a, sans doute, inclus des dispositions élargissant les droits d'Aérospatiale au-delà des seuls droits attachés à sa participation et dont seule une connaissance précise permettrait d'en évaluer l'impact. Mais, en contrepartie, il semble que l'actionnaire majoritaire se soit vu conférer des prérogatives particulières incluant des clauses de préemption.

Le rapport susmentionné appelait à des clarifications qui restent nécessaires.

Sauf à être durablement sous-optimale, la démarche de rapprochement entre Aérospatiale et Dassault Aviation devra donc être prolongée.

2. Le transfert des activités satellites à Thomson, une opération à la cohérence remise en cause

Une importante modification du périmètre d'Aérospatiale est intervenue avec le transfert à Thomson CSF des activités d'Aérospatiale dans le domaine des satellites à l'été 1998. Le chiffre d'affaires de cette division s'était élevé à 3,4 milliards de francs en 1997 contre 5 milliards en 1996 représentant 6 % de l'activité totale de l'entreprise. Ce transfert était accompagné d'une clause de non rétablissement par laquelle Aérospatiale s'était engagée à abandonner toute activité dans le secteur. En contrepartie de ce transfert, Aérospatiale avait reçu 4 % du capital de Thomson CSF remodelé après l'entrée d'Alcatel et de Dassault Industries dans l'entreprise, si bien que celle-ci s'est trouvée privatisée de facto.

Cette opération a été remise en cause par le projet de fusion entre Aérospatiale et Matra Hautes Technologies qui, accompagnée de la privatisation d'Aérospatiale, constitue l'élément principal des opérations portant sur l'entreprise et l'événement majeur de la structuration de l'industrie aéronautique française.

Toutefois, une solution de compromis a alors été décidée consistant à sortir du périmètre d'Aérospatiale sa participation dans Thomson CSF pour la faire porter par l'Etat. Cette solution n'est évidemment pas appelée à persister. Son dénouement sera certainement concomitant avec les évolutions que devra entreprendre Thomson CSF.

3. Le rapprochement Aérospatiale - Matra Hautes Technologies, un événement majeur

Ce rapprochement décisif a comporté trois accords particuliers.

L'accord du 15 février 1999 entre l'Etat et Lagardère SCA précise les solutions financières.

Le groupe Lagardère, en échange de ses apports, recevrait 31,45 % du capital de la future entreprise, le périmètre d'Aérospatiale étant préalablement réduit du fait du transfert à l'Etat de la participation de l'entreprise dans le capital de Thomson CSF (3,87 %).

Le groupe Lagardère se voit reconnaître, par un pacte d'actionnaires, le statut de partenaire privilégié dans la future entreprise, statut défini à travers les droits reconnus à Lagardère par ledit pacte d'actionnaire conclu avec l'Etat dont il reste à préciser complètement la substance.

Outre l'apport des actifs de MHT à Aérospatiale, Lagardère SCA versera à l'Etat une soulte de 850 millions de francs au minimum représentative de 1,55 % du capital de l'entreprise, et dans la limite de 1.150 millions de francs, une somme variant selon la performance boursière relative du titre Aérospatiale-Matra appréciée sur une période de deux ans.

Plus le titre se valorisera par rapport au CAC 40, moins la soulte à verser par Lagardère sera substantielle ; si le cours du titre monte de 10 % par rapport au CAC 40, la dette de Lagardère sera annulée. Une clause prévoit en outre que tout désengagement du nouvel actionnaire dans les deux ans rend exigible la soulte calculée prorata temporis .

Selon le communiqué de presse du 15 février 1999, l'une des clauses du pacte d'actionnaires conclu entre l'Etat et Lagardère SCA stipule que " les principales décisions concernant le nouveau groupe seront arrêtées d'un commun accord entre ses deux premiers actionnaires, l'Etat et le groupe Lagardère. "

L'avis de la CPT évoque en outre l'organisation d'un système croisé de droits de préemption. L'Etat dispose de la possibilité d'acquérir la participation de Lagardère SCA si cette société change de contrôle ou si elle entend céder sa participation.

L'avis indique que " Réciproquement, Lagardère SCA pourra acquérir les actions cédées par l'Etat si la participation de celui-ci descendait en-dessous de 20 % ".

Le troisième pilier de l'opération est constitué par un accord industriel conclu le 3 mars 1999 entre Aérospatiale d'une part, Lagardère SCA et MHT d'autre part. Cet accord restera en vigueur tant que Lagardère SCA détiendra plus de 20 % des droits de vote de la nouvelle entité.

Votre rapporteur spécial ne rappellera pas ici les conditions particulières qui ont présidé au plan financier au rapprochement des deux entités. Il veut, en revanche, souligner l'importance des responsabilités de gestion confiées à Lagardère SCA. Elles dépassaient de beaucoup la part de cette entité dans le capital de la nouvelle entreprise et la constitution d'EADS a, semble-t-il, été l'occasion d'amplifier cette prééminence.

4. La privatisation d'Aérospatiale

Pour finir, la privatisation d'Aerospatiale est intervenue après la cession d'une fraction de la participation publique -17 %- approuvée par la Commission des participations et des transferts.

Cette opération s'est accompagnée d'une sur-souscription du placement réservé aux institutionnels (plus de 35 fois) et pourtant offert au prix le plus élevé de la fourchette prévue dans le cadre du pré-placement, le bond du titre le premier jour de sa cotation et l'introduction d'une clause de revalorisation du produit de la cession consentie au bénéfice du Consortium de réalisation(CdR), principal vendeur dans cette opération en témoignent.

* 9 " L'industrie aéronautique européenne ou l'impératif de l'Union ". Sénat. Commission des finances. Yvon Collin N) 414. 9 juin 1999.

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