CONCLUSION

Votre rapporteur aurait été partisan d'une adoption des crédits de la Recherche eu égard à :

- la communauté des chercheurs

- la prise en considération par le ministre de certaines de ses préoccupations essentielles (réalisation du synchrotron Soleil, reprise des recrutements, progression appréciable sans être excessive des crédits orientée vers de vraies priorités comme les sciences du vivant et les technologies de l'information et de la communication).

Il appelle de ses voeux une programmation pluriannuelle des dépenses en ce qui concerne les TGE et le recrutement des chercheurs, et se déclare plus particulièrement préoccupé par l'évolution des crédits de l'espace et la situation de la filière doctorale.

Toutefois, votre commission a décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits du budget de la recherche, estimant que l'efficacité des dépenses importantes proposées n'était pas avérée et insuffisamment évaluée et qu'il convenait de procéder à des réformes pour changer cette situation.

Votre rapporteur partage l'analyse de la commission en ce qui concerne la nécessité d'améliorer les performances et l'évaluation de la recherche française, et d'y voir les entreprises contribuer de façon plus importante.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 14 novembre 2000 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé , sur le rapport de M. René Trégouët, rapporteur spécial , à l'examen des crédits de la recherche dans le projet de loi de finances pour 2001.

M. René Trégouët, rapporteur spécial, a tout d'abord rappelé les raisons pour lesquelles il était partisan d'une augmentation de ces crédits tout en partageant le souhait de la commission de voir diminuer les prélèvements obligatoires grâce à une maîtrise des dépenses publiques.

La recherche, a-t-il tout d'abord fait valoir, constitue un moteur de la croissance et de l'emploi et un gisement de ressources fiscales et sociales futures : les " start-up " d'aujourd'hui sont, en effet, les gros contribuables et cotisants de demain. La France, a-t-il ensuite souligné, a un retard à rattraper par rapport à ses principaux concurrents, Etats-Unis et Japon, en ce qui concerne tant le niveau de son effort financier global que le nécessaire rajeunissement des effectifs de ses chercheurs ou ses lacunes dans certaines disciplines cruciales, comme les sciences du vivant ou les technologies de l'information et de la communication.

Mais M. René Trégouët, rapporteur spécial, s'est déclaré en même temps favorable à une sélectivité assez forte, en faveur de priorités correspondant à nos besoins et surtout à une évaluation rigoureuse de l'efficacité des dépenses publiques de recherche. Il a souhaité, par ailleurs, voir les entreprises privées augmenter encore leur participation à l'effort de recherche national.

L'ensemble des dépenses civiles de recherche regroupées dans le budget civil de recherche et de développement (BCRD) doit augmenter, a-t-il indiqué, en 2001, de 2,2 %, soit nettement plus que le total des dépenses civiles de l'Etat, ce qui n'était pas le cas l'an dernier, pour atteindre 55,86 milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement. Les autorisations de programme de ce même ensemble sont en hausse de 6,4 %.

M. René Trégouët, rapporteur spécial, a noté que cette augmentation était cependant inférieure à la croissance économique et à celle d'autres budgets jugés plus prioritaires, comme l'environnement ou l'intérieur. Elle ne devrait donc pas faire progresser le pourcentage, dans la richesse nationale, de nos dépenses intérieures de recherche-développement, qui demeurera inférieur à son niveau d'il y a cinq ans et à celui des Etats-Unis et du Japon. Quant au budget du ministère de la recherche, qui représente 70 % du BCRD, son accroissement n'est que de 0,7 % à structure constante, les autorisations de programme augmentant, il est vrai, de 4,6 %.

M. René Trégouët, rapporteur spécial, a cependant estimé que cette évolution donnait lieu à d'assez nombreux sujets de satisfaction cette année, en raison :

- de l'amorce d'une politique de l'emploi scientifique à laquelle correspondent les créations de 130 emplois de chercheurs et de 135 postes d'ingénieurs techniciens ;

- de l'augmentation, précitée, des autorisations de programme, qui permettra d'améliorer l'équipement de base des laboratoires sans négliger, pour autant, les très grands équipements, puisque la construction, à Saclay, du synchrotron " Soleil " doit être commencée ;

- de la forte priorité accordée aux technologies de l'information et aux sciences du vivant, dans la continuité de la politique menée par le précédent ministre ;

- enfin, des encouragements aux actions conjointes, qu'il s'agisse de recherches interdisciplinaires ou en réseau, ou encore de partenariats entre le secteur public et le secteur privé, avec la mise en place des centres nationaux de recherche technologique (CNRT).

M. René Trégouët, rapporteur spécial, a ensuite fait part à la commission de ses principales observations. Il a tout d'abord insisté sur la nécessité d'une programmation des très grands équipements de recherche (TGE) qui ont un caractère structurant et dont le financement ne saurait, en conséquence, fluctuer au gré de la conjoncture. De manière plus ponctuelle, il s'est étonné de l'utilisation, à des fins en partie touristique, du navire Marion Dufresne dans les mers australes et a jugé urgente la constitution d'une société civile qui soit à même de piloter efficacement le projet " Soleil " de synchrotron de troisième génération. L'espace, a-t-il poursuivi, a besoin également d'une programmation à moyen et long termes de ses objectifs. Or, les visées du plan stratégique du centre national d'études spatiales (CNES) sont remises en cause par la diminution de 130 millions de francs de la subvention qui lui sera versée en 2001.

M. René Trégouët, rapporteur spécial, a alors souligné les enjeux stratégiques et économiques majeurs de la composante spatiale des technologies de l'information et du programme européen Galiléo de positionnement par satellite, qui ambitionne de rivaliser avec le " Global positioning system " (GPS) américain.

Il a souhaité que les arbitrages budgétaires effectués ne privilégient pas, aux dépens de ces deux priorités, des contributions -qui paraissent parfois démesurées- à certaines coopérations internationales, liées, par exemple, à l'exploration de Mars ou aux vols habités.

Rappelant que l'industrie spatiale américaine bénéficie de commandes militaires très importantes, notamment dans le secteur des télécommunications, alors que les recherches dites " duales ", c'est-à-dire à financement mixte civil et militaire, sont encore peu développées en France et en Europe, il s'est inquiété, enfin, de la diminution de 250 millions de francs en 2001 de la contribution du budget de la défense aux dépenses spatiales.

Concernant la gestion des ressources humaines de la recherche, M. René Trégouët, rapporteur spécial, a annoncé qu'il interrogerait le ministre, lors du débat budgétaire en séance publique, au sujet :

- de l'ampleur des détachements de personnels du CNRS ;

- de la participation souhaitable de nos scientifiques aux conférences internationales sur l'environnement ;

- ou, enfin, de l'emploi de " post-doctorants " français de retour de l'étranger auxquels sont proposés, semble-t-il, des rémunérations insuffisamment attractives.

Enfin, il a déclaré vouloir, comme l'an dernier, insister sur l'importance de l'évaluation de la recherche en général et de celle, plus particulièrement, des aides versées par le fonds de la recherche technologique (FRT), dont le niveau des autorisations de programme doit atteindre, en 2001, le milliard de francs.

A l'issue de l'exposé du rapporteur spécial, M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles , a présenté des observations relatives :

- au défaut d'ambition globale de ce budget pour 2001 ;

- à la nécessité d'intensifier, notamment en province, l'effort de diffusion de la culture scientifique et technique ;

- enfin, au manque d'implication des militaires dans la recherche, contrairement à ce qui se produit aux Etats-Unis.

Une série de questions a été posée à M. René Trégouët, par :

- M. Maurice Blin , au sujet du caractère flou du périmètre des dépenses civiles de recherche et des raisons de la contribution à ces dépenses du budget de la défense ainsi que sur l'avenir du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui constitue une " exception française ", qui peine à se renouveler, et dont les effectifs vieillissent ;

- M. Yann Gaillard , sur les motifs de la décision finale de construction à Saclay du synchrotron " Soleil " et sur la recherche médicale ;

- M. Alain Lambert, président, à propos de la non-parution de certains décrets d'application de la loi sur l'innovation et la recherche, dont l'adoption avait pourtant été présentée par le Gouvernement, lors de sa discussion au Sénat, comme extrêmement urgente.

M. Alain Lambert, président, a estimé en outre que l'examen de ce budget ne faisait pas apparaître de vrais motifs de l'approuver et s'est interrogé sur l'efficacité des dépenses publiques de recherche, alors que la France se situe au deuxième rang mondial pour le niveau des dépenses par habitant.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré pencher, de son côté, pour un rejet de ce budget, en invoquant plusieurs raisons.

D'abord du point de vue des finances publiques dans leur ensemble, une augmentation n'est pas en soi satisfaisante.

Ensuite, les réformes de structure, et notamment celle du CNRS, posées par le précédent ministre comme un préalable à une progression plus significative des crédits, ne semblent pas avoir été encore réalisées. Enfin, il ne paraît pas non plus s'être produit d'amélioration de l'évaluation de l'utilisation des fonds d'intervention du ministère (fonds national de la science et fonds de la recherche technologique).

En réponse, M. René Trégouët, rapporteur spécial, a apporté les éléments suivants :

- à M. Maurice Blin, il a précisé que certaines dépenses de recherche, en matière notamment spatiale ou aéronautique, présentaient un caractère " dual " justifiant la contribution du budget de la défense et que l'on s'efforçait de renouveler le CNRS, notamment par de nouveaux recrutements et la création d'un département des sciences de l'information et de la communication ;

- à M. Yann Gaillard, il a indiqué que l'étendue et la variété des besoins dans ce domaine justifiait la construction d'un synchrotron de troisième génération en France et que la découverte de nouveaux médicaments dans notre pays était en régression, mais pourrait être facilitée, précisément, par une machine telle que " Soleil " ;

- comme M. Alain Lambert, président, il a convenu que les résultats de la recherche publique française, pouvaient, il est vrai, sembler décevants, notamment du fait d'une moins bonne complémentarité qu'à l'étranger avec la recherche privée, et surtout mal évalués.

Il a toutefois considéré qu'un rejet des crédits risquait d'être mal reçu et mal compris par la communauté scientifique nationale. M. René Trégouët, rapporteur spécial, a par ailleurs indiqué au président que, bien qu'il soit exact que les décrets relatifs à la mise en place de services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) dans les établissements d'enseignement supérieur ne soient pas encore parus, 54 dossiers, dont 52 concernant des créations d'entreprises, avaient été examinés au 18 juillet 2000, dans le cadre de l'application des dispositions nouvelles de la loi sur l'innovation et la recherche du 12 juillet 1999.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits du ministère de la recherche.

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