Rapport n° 144 (2000-2001) de M. Serge VINÇON , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 13 décembre 2000

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N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 décembre 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de l' accord
euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie , d'autre part (ensemble sept annexes, quatre protocoles, un acte final, douze déclarations communes et un échange de lettres),

Par M. Serge VINÇON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat : 484 (1999-2000)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'accord d'association entre l'Union européenne et la Jordanie s'inscrit dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen dont les bases ont été posées par la Conférence de Barcelone, réunie les 27 et 28 novembre 1995. Les quinze Etats membres de l'Union européenne et onze pays de la rive sud de la Méditerranée 1 ( * ) se sont alors fixé trois objectifs communs :

- la définition d'un espace de paix et de stabilité au moyen d'un renforcement du dialogue politique et de sécurité ;

- la formation d'une zone de prospérité partagée grâce au partenariat économique et financier et à l'instauration progressive d'une zone de libre échange ;

- le rapprochement entre les peuples à travers un partenariat social, culturel et humain , destiné à favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles.

Le processus dit " de Barcelone " repose sur l'institution d'un dialogue régional consacré aux trois volets -politique, économique, social et culturel- du partenariat ainsi que sur la conclusion d'accords bilatéraux -les accords euro-méditerranéens d'association- destinés à renouveler une première génération d'accords signés dans les années soixante-dix. A ce jour, quatre accords sont entrés en vigueur : avec la Tunisie en mars 1998, le Maroc en mars 2000, l'Autorité palestinienne en juillet 1997 et Israël en juin 2000.

L'entrée en vigueur de l'accord d'association avec la Jordanie constituera une nouvelle étape essentielle dans le rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée, compte tenu de l'influence positive que le Royaume hachémite a toujours su exercer dans son environnement régional.

Afin de mieux mesurer la portée de cet accord, votre rapporteur présentera d'abord le bilan du processus de Barcelone au lendemain de la Conférence euro-méditerranéenne de Marseille de novembre 2000. Il analysera ensuite, à la lumière de la situation politique et économique actuelle de la Jordanie, les perspectives ouvertes par le développement des relations avec l'Union européenne.

I. LE BILAN EN DEMI-TEINTE DU PARTENARIAT EURO-MÉDITERRANÉEN AU LENDEMAIN DE LA CONFÉRENCE DE MARSEILLE DE NOVEMBRE 2000

Quel bilan peut-on tirer du partenariat euro-méditerranéen au lendemain de la conférence de Barcelone ? Le volet multilatéral appelle une appréciation nuancée : le processus de Barcelone se poursuit, même si les espoirs d'une coopération politique plus poussée restent déçus ; l'aide européenne aux pays de la rive sud de la Méditerranée est préservée, mais sa part, rapportée, en particulier, à l'effort consacré aux pays d'Europe centrale et orientale, se réduit au sein de l'enveloppe financière destinée aux relations extérieures de l'Union. Quant au volet bilatéral, il semble marquer le pas comme en témoigne la difficulté de conclure les négociations en cours.

A. LE DIALOGUE MULTILATÉRAL PRÉSERVÉ

Dans le contexte de crise exacerbée au Proche-Orient, la quatrième Conférence euro-méditerranéenne a pu se réunir, du 15 au 16 novembre dernier, à Marseille : ce seul fait constitue en soi un succès. Il atteste, en effet, l'attachement de l'ensemble des partenaires au maintien d'un dialogue multilatéral et traduit, de la part des Etats de la rive sud de la Méditerranée, la reconnaissance du rôle que l'Union européenne peut jouer dans les équilibres de la région. Israël et les Etats arabes concernés par le partenariat euro-méditerranéen -à l'exception de la Syrie et du Liban- étaient représentés à un niveau ministériel. Pour la première fois lors d'un tel sommet, la Libye, au titre d' " invité spécial ", était présente.

Les Etats arabes ont, certes, reproché aux Quinze de ne pas prendre plus clairement position en faveur des Palestiniens. Cette déception était prévisible : le processus de Barcelone peut, dans une certaine mesure, favoriser les échanges -une séance spéciale a, du reste, été consacrée au conflit israélo-palestinien. Il n'a pas vocation, en revanche, à interférer dans les négociations. Du reste, une enceinte multilatérale ne constitue pas, de ce point de vue, un cadre approprié.

S'il ne peut peser sur le cours de la situation au Proche-Orient, le partenariat euro-méditerranéen n'en reste pas moins, pour son volet politique, étroitement dépendant du processus de paix . De ce point de vue, le conflit israélo-palestinien a encore éloigné la perspective d'adopter un projet de charte de paix et de stabilité pour l'ensemble de la région.

B. L'ÉROSION DE L'EFFORT FINANCIER CONSACRÉ À LA MÉDITERRANÉE AU SEIN DES ACTIONS EXTÉRIEURES DE L'UNION

Dans la perspective de la Conférence de Marseille, la réforme du principal instrument de coopération avec les pays méditerranéens -le programme MEDA- et l'évaluation de l'enveloppe financière qui lui était accordée, représentaient des moyens essentiels pour les Quinze de manifester la priorité qu'ils accordaient à leur politique méditerranéenne.

Le bilan du premier programme MEDA, destiné à couvrir la période 1996-1999 , a suscité de nombreuses critiques. En effet, sur la totalité des sommes engagées, soit 3,4 milliards d'euros, 26 % seulement de ces crédits ont fait l'objet de déboursements effectifs.

Ces dysfonctionnements s'expliquent, certes en partie, par certaines difficultés d'absorption de l'aide par les partenaires méditerranéens, mais aussi par la lourdeur des procédures de décision et de gestion de l'aide communautaire.

La répartition des enveloppes bilatérales pour chaque pays tient compte du poids démographique, du niveau de vie et de développement, ainsi que de l'importance des réformes économiques et sociales à entreprendre. A la différence du système antérieur fondé sur l'allocation d'un montant fixe à chaque pays, les engagements, dans le cadre de MEDA, dépendent des résultats de la mise en oeuvre du projet par les pays bénéficiaires. Toutefois, un pays dont la qualité de gestion lui aura valu une priorité en termes d'engagements pourra subir les aléas d'un faible niveau de décaissement.

Répartition géographique des fonds MEDA (1996-1999)
au 31/12/1999

Pays 2 ( * )

Engagements
(en millions d'euros)

Taux de déboursement
(en %)

Algérie

154

18

Egypte

686

22

Jordanie

254

42,5

Liban

182

0,5

Maroc

656

20

Syrie

99

0

Territoires palestiniens

111

48

Tunisie

428

40

Turquie

375

4

La coopération financée par les crédits MEDA prend la forme de dons . Sur une période de quatre ans, elle a principalement porté sur cinq domaines :

- soutien à l'ajustement structurel , en accompagnement de la mise en oeuvre de programmes généralement coordonnés avec les institutions de Bretton-Woods (600 millions d'euros, soit 20 % des engagements au titre de MEDA) ;

- coopération économique et au développement du secteur privé dans la perspective de la mise en place d'une zone de libre échange euro-méditerranéenne (1 035 millions d'euros, soit 30 % des engagements) ;

- activités dans le secteur social en accompagnement des réformes pendant la phase de transition économique (1 000 millions d'euros, soit 29 % des engagements) ;

- activité dans le domaine de l' environnement (aide directe -Maroc, Jordanie- ou sous la forme de bonification d'intérêts sur des prêts de la BEI, destinés à des projets liés à l'environnement : 235 millions d'euros, soit 7 % des engagements) ;

- programmes de développement rural : 155 millions d'euros (soit 4,5 % des engagements).

En outre, près de 10 % de l'enveloppe MEDA est attribuée à la coopération régionale (la moitié des fonds a été décaissée).

L'aide MEDA est complétée, pour un montant total comparable, par les prêts de la Banque Européenne d'Investissement, principalement consacrés au financement des grands projets d'infrastructures économiques.

. Le nouveau programme MEDA II

A l'échéance du programme MEDA (1999), une année s'est avérée nécessaire pour permettre à l'Union européenne de s'accorder sur un nouveau programme (MEDA II), prévu pour une durée de 7 ans. Les discussions, difficiles, ont porté, d'une part, sur les conditions de la mise en oeuvre de l'instrument financier et, d'autre part, sur l'effort financier qui serait consenti par les Quinze. Le premier point avait pour enjeu l'efficacité -très discutée- des procédures, le second, la priorité politique reconnue à la Méditerranée.

Le nouveau règlement financier MEDA réalise un compromis entre les demandes de la Commission européenne, soucieuse d'obtenir une plus grande souplesse de gestion et les positions des Etats-membres, désireux de maintenir un pouvoir de contrôle sur l'utilisation des fonds. Sans doute, la référence à un seuil financier au-delà duquel tout projet donnait automatiquement lieu, dans le cadre de MEDA I, à un examen individuel a-t-il été supprimé. Cependant, comme l'avait d'ailleurs vivement souhaité votre Commission des affaires étrangères dans le cadre d'une proposition de résolution adoptée en mai 2000 3 ( * ) , les Etats membres conservent la possibilité de recourir à un " droit d'évocation " afin de soumettre un projet à un examen individuel.

Les discussions relatives à l' enveloppe financière de MEDA II se sont révélées encore plus délicates.

Plusieurs pays -d'Europe septentrionale principalement (Royaume-Uni, Autriche, Suède, Allemagne)- mettaient en avant la faiblesse du taux d'exécution du premier règlement et l'ampleur du reliquat (de l'ordre de 2,5 milliards d'euros) pour limiter le montant d'aide à 4,2 milliards d'euros. Les pays de l'Union riverains de la Méditerranée (mais aussi le Portugal et la Belgique) plaidaient, pour leur part, pour la proposition plus ambitieuse avancée par la Commission, soit 6,7 milliards d'euros. Le montant finalement retenu s'établit au point d'équilibre entre ces positions contradictoires : il s'élève à 5,35 milliards d'euros . Il sera complété par des prêts de la BEI de 6,425 milliards d'euros (auxquels s'ajouteront, 1 milliard d'euros, prélevés sur les ressources propres de la Banque pour financer des projets liés à l'intégration régionale).

Sans doute, comme le ministre des affaires étrangères français l'a rappelé lors de la Conférence, les moyens dévolus à MEDA II représentent davantage que la " reconduction du montant antérieur ". Cependant, la part relative de la Méditerranée dans l'aide extérieure de l'Union, en particulier comparée avec les pays d'Europe Centrale et Orientale (PECO), connaît une évidente érosion. Aux termes des objectifs affichés à Barcelone, elle devait représenter 70 % de l'aide financière accordée aux PECO. Dans le cadre de MEDA II, elle ne dépassera pas 40 % de cette enveloppe. L'effort est-il à la mesure des besoins d'une zone forte de quelque 220 millions de riverains et des intérêts stratégiques de l'Europe dans les années à venir ? La question mérite sans doute d'être posée.

C. LE VOLET BILATÉRAL : LES RETARDS DANS LA CONCLUSION DE NOUVEAUX ACCORDS D'ASSOCIATION, TÉMOIGNAGES DE CERTAINES RÉTICENCES DE LA PART DES PAYS DU SUD DE LA MÉDITERRANÉE.

Après la conclusion, assez rapide, des négociations avec un premier groupe de pays (Tunisie, Maroc, Israël, territoires palestiniens, Jordanie), la signature de nouveaux accords semble aujourd'hui marquer le pas.

Même si les retards n'ont pas toujours les mêmes causes d'un pays à l'autre, ils manifestent souvent une inquiétude commune face à la perspective du libre-échange -préoccupation encore aiguisée par le faible taux de décaissement des crédits destinés, en principe, à en préparer la mise en oeuvre.

Ainsi, si les négociations sont désormais achevées avec l' Egypte , la signature de l'accord d'association tarde cependant, en raison des réticences de certains milieux d'affaires relayées par des responsables gouvernementaux vis-à-vis du démantèlement tarifaire. Les négociations sont en cours avec l'Algérie, la Syrie et le Liban.

L' Algérie fait valoir certaines spécificités -les troubles politiques que connaît ce pays depuis dix ans, la part dévolue aux hydrocarbures dans les exportations, l'importance du secteur public- pour obtenir d'importantes dérogations aux dispositions habituelles contenues dans l'accord d'association. En outre, elle semble lier le libre-échange à la mise en place d'un espace de libre circulation des personnes -revendication difficilement acceptable pour les Quinze.

La Syrie montre, quant à elle, beaucoup d'hésitation à accepter le principe même d'une libéralisation des échanges. Une délégation de votre commission a pu le vérifier au cours d'une récente mission 4 ( * ) . Ce pays a néanmoins accepté de s'engager, depuis 1998, dans le processus de négociations (une cinquième session s'est tenue à Bruxelles les 18 et 19 décembre). Compte tenu des liens politiques entre le Liban et la Syrie, ces réticences pèsent, pour l'heure, sur la conclusion d'un accord avec les autorités de Beyrouth désireuses pourtant de parvenir rapidement à un accord.

Il convient de rappeler, par ailleurs, que les accords d'association avec Chypre, Malte et la Turquie restent en vigueur. Ils prévoient, notamment, des unions douanières avec l'Union européenne et s'inscrivent, à la différence des accords euro-méditerranéens, dans la logique d'une " préadhésion ".

II. LA JORDANIE, UN PÔLE DE STABILITÉ DANS UN ENVIRONNEMENT TROUBLÉ

Dès son accession au trône, le 8 février 1999, Abdallah II a manifesté sa volonté de libéraliser et de démocratiser la Jordanie. Le nouveau souverain doit, cependant, tenir compte du poids des résistances aux changements, de l'influence grandissante du mouvement islamiste et des risques de tensions entre Transjordaniens et Jordaniens d'origine palestinienne.

A. LA PRIORITÉ ACCORDÉE À LA RÉFORME ÉCONOMIQUE

Le roi de Jordanie a rapidement exprimé son ambition d'engager son pays sur les voies d'une économie moderne. A cette fin, il s'est d'ailleurs entouré d'un conseil économique consultatif, composé principalement de représentants du secteur privé. Il s'est, en outre, personnellement impliqué dans l'accession de la Jordanie aux technologies de l'information les plus performantes.

Ces orientations supposaient au préalable un assainissement de l'économie jordanienne : soutien de la devise nationale, amarrée au dollar, reconstitution des réserves de change ; réduction du déficit de la balance des biens et services (ramenée de 344 millions de dollars en 1998 à 211 millions de dollars en 1999), en raison de l'amélioration du solde de la balance commerciale et de l'augmentation des revenus du tourisme ; réduction du déficit public (estimé à 7,5 % du PIB en 1999 contre 10,7 % en 1998) et maîtrise de l'inflation.

Sur ces bases, les autorités jordaniennes ont mis en oeuvre des réformes de structures, à travers la relance du processus de privatisation : télécommunications (cession de 40 % de Jordan Telecom à France Telecom), gestion et extension du chemin de fer d'Aqaba afin de faciliter les exportations de phosphates, électricité... Parallèlement, l' ouverture de l'économie jordanienne a été confirmée avec l'objectif de réduction des barrières douanières (de 35 % en juillet 1999 à 30 % au ler trimestre 2000) et l'adhésion, en 1999, à l'Organisation mondiale du commerce. La signature, par la Jordanie, le 30 novembre 1999, de l'accord d'association avec l'Union européenne et, le 25 octobre 2000, d'un accord de libre échange avec les Etats-Unis s'inscrivent dans ce mouvement.

La politique économique du nouveau souverain rencontre, cependant, certains obstacles liés, d'abord, à une conjoncture délicate . La Jordanie connaît depuis plusieurs années une croissance très faible (1,3 % en moyenne annuelle de 1996 à 1999). En 1999, la production agricole, frappée par une sécheresse exceptionnelle, s'est contractée de 10 %. Dans le secteur industriel, l'investissement tend à stagner. Dans ces conditions et malgré les résultats plus satisfaisants enregistrés cette année pour l'agriculture, l'objectif affiché d'une croissance de 3 % en 2000 pourrait ne pas être atteint. Compte tenu d'une croissance démographique de l'ordre de 3,3 % par an, le revenu par habitant reculerait dès lors pour la 5 ème année consécutive. Cette conjoncture pèsera également sur le chômage, aujourd'hui estimé à 27 % de la population active. La situation économique peut ainsi générer certaines frustrations et certaines résistances au changement.

L'économie jordanienne souffre également de faiblesses structurelles liées à l'étroitesse d'un marché intérieur de 4,5 millions d'habitants, à l'enclavement de son territoire dans un environnement instable, à la faiblesse de ses ressources naturelles et de son appareil industriel qui la rend très dépendante de l'extérieur, et au poids de la dette (7,3 milliards de dollars, soit 95 % du PIB).

En choisissant d'ouvrir l'économie de leur pays, les autorités jordaniennes se sont sans doute donné la meilleure chance de surmonter une partie de ces contraintes. Le processus d'adaptation, nécessairement long, pourrait commencer à porter ses fruits à l'horizon 2001-2002. Dans l'intervalle, certaines impatiences risquent de se manifester et de compliquer la mise en oeuvre des réformes.

B. UNE OUVERTURE POLITIQUE ENCORE PRUDENTE

Le nouveau souverain a clairement manifesté son intention de renforcer les assises démocratiques de la Jordanie. La création, en mai 2000, d'un Comité Royal des Droits de l'Homme, présidé par la reine, constitue l'une des premières traductions de cette ambition. Elle pourrait préluder à la mise en place d'une structure permanente de contrôle.

La situation des droits de l'homme en Jordanie apparaît plus favorable que dans les autres Etats arabes de la région. La Jordanie est d'ailleurs partie aux principaux traités relatifs aux droits de la personne (Pacte international sur les droits civils et politiques, pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, convention contre la torture, convention relative aux droits de l'enfant, convention sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes). Sans doute l'opinion publique attend-elle aujourd'hui de nouvelles initiatives, en particulier l'adoption d'une loi électorale destinée à garantir, au sein du parlement, une plus juste représentation des sensibilités politiques.

Toutefois, le roi et son gouvernement dirigé depuis le 19 juin par M. Ali Abou Ragheb, est contraint d'agir avec prudence. Il lui faut en effet d'abord prendre en considération l'influence du Front d'action islamique , seule force politique vraiment organisée de Jordanie. Ce parti, qui constitue une émanation de la Confrérie des frères musulmans, a vu son audience se confirmer à la faveur de élections municipales de juillet 1999, mais aussi des élections des syndicats professionnels et des conseils d'étudiants. Il sait en effet tirer parti d'un certain climat d'insatisfaction sociale.

C. UNE INFLUENCE MODÉRATRICE DANS LA RÉGION

La diplomatie jordanienne, dont le rôle modérateur est particulièrement utile dans une région de grande instabilité, doit cependant réaliser des équilibres délicats. Il lui faut en effet concilier la priorité accordée à l'alliance avec les Etats-Unis, les exigences de la solidarité arabe mais aussi les pressions de sa propre opinion publique.

La relation privilégiée nouée avec Washington permet à la Jordanie d'obtenir une aide financière très importante dans les domaines militaire (121,6 millions de dollars en 1999 en crédits, dons de matériels et formation) et économique (225 millions de dollars environ).

La Jordanie n'hésite cependant pas à se démarquer de la diplomatie américaine dont les positions ne sont pas toujours compatibles avec ses intérêts.

Ainsi, la politique des Etats-Unis vis-à-vis de l'Irak suscite l'hostilité de l'opinion jordanienne et la réserve des autorités d'Amman.

L' Irak constitue un partenaire économique de premier plan pour la Jordanie et, dans ces conditions, les sanctions imposées à Bagdad pèsent de manière significative sur l'économie jordanienne. Par ailleurs, l'Irak fournit du pétrole au royaume dans des conditions très favorables : don à hauteur de 50 %, prix préférentiel (20 dollars en 2001) pour le reste.

Dans le cadre du processus de paix , la Jordanie, avec le soutien des Etats-Unis, joue un rôle modérateur, conforme à ses intérêts stratégiques mais aussi économiques. La Jordanie est, depuis la naissance d'Israël, le porte-parole le plus mesuré des Etats arabes. Elle a été le second pays arabe, après l'Egypte, à signer un traité de paix avec l'Etat hébreu (Wadi Araba, le 26 octobre 1994). Le nouveau souverain avait montré par ailleurs une certaine ouverture sur les questions au coeur des négociations israélo-palestiniennes : il a ainsi admis le principe d'une souveraineté partagée entre Israéliens et Palestiniens sur Jérusalem, les Hachémites ne conservant leur tutelle sur les lieux saints que dans l'attente d'un accord entre les deux parties concernées.

Malgré la signature de l'accord de paix, les relations avec Israël sont restées assez froides. Les échanges commerciaux demeurent modestes, même si les Etats-Unis ont cherché à encourager la coopération économique entre les deux pays par la création de zones industrielles qualifiantes israélo-jordaniennes destinées à permettre des exportations hors taxes vers les Etats-Unis (une seule existe déjà à Irbid).

La politique conduite à l'égard d'Israël doit tenir compte de l'hostilité persistante de la population vis-à-vis de l'Etat hébreu -hostilité encore avivée par l'exacerbation récente des tensions entre Palestiniens et Israéliens en Cisjordanie et à Gaza. Plusieurs manifestations populaires de soutien ont entraîné des débordements et l'intervention des forces de l'ordre. Le pouvoir cherche à désamorcer la pression de la rue en réaffirmant une totale solidarité avec l'Autorité palestinienne. Amman a d'ailleurs décidé de reporter le départ de son nouvel ambassadeur à Tel Aviv. Parallèlement, il manifeste sa volonté de contenir tout risque d'instabilité. L'équilibre entre cette double préoccupation constitue un exercice délicat mais indispensable. Il a pour enjeu l'harmonie de la population jordanienne composée pour plus de la moitié par des Palestiniens. Le roi Abdallah, dans son discours du trône, a d'ailleurs rappelé la nécessité de préserver l'unité nationale.

III. UN PARTENAIRE PRIVILÉGIÉ POUR L'EUROPE

Une dépendance trop étroite à l'égard des Etats-Unis peut, surtout dans le contexte de crise actuel où Washington se voit reprocher par les Etats arabes son alignement sur les positions israéliennes, constituer, pour la Jordanie, un facteur de contrainte vis-à-vis de ses voisins comme de son opinion publique. Depuis plusieurs années, ce pays, sans remettre en cause les liens privilégiés avec Washington, cherche à diversifier ses partenaires en Occident en se rapprochant de l'Union européenne. Cette orientation s'est d'abord traduite sur les plans économique et surtout financier. Elle pourrait désormais s'affirmer davantage dans le domaine politique. Les positions défendues par la Jordanie et l'Union s'accordent en effet sur l'essentiel.

De son côté, les Quinze sont conscients de la nécessité de renforcer la position d'un pays dont la stabilité et le rôle modérateur représentent un atout dans la région.

Ces intérêts convergents constituent le socle de l'accord d'association entre la Jordanie et l'Union européenne. Les relations franco-jordaniennes apparaissent aujourd'hui comme l'une des voies privilégiées pour renforcer ce partenariat.

A. DES RELATIONS PRINCIPALEMENT FONDÉES SUR UNE COOPÉRATION FINANCIÈRE MAIS DONT LA DIMENSION POLITIQUE EST APPELÉE À SE RENFORCER

Les échanges commerciaux entre les Quinze et la Jordanie se caractérisent par un déséquilibre au détriment de celle-ci. L'Union européenne fournit plus du tiers des importations. Elle absorbe 6 % de ses ventes. Les exportations de la Jordanie (d'un volume total limité à 9,4 milliards de dollars en 1999), constituées principalement de phosphates 5 ( * ) , de potasses et de leurs dérivés, se destinent à hauteur de 92 % aux pays arabes et asiatiques.

Les relations euro-jordaniennes s'inscrivent, jusqu'à l'entrée en vigueur du nouvel accord euro-méditerranéen d'association, dans le cadre de l'accord de coopération signé le 18 janvier 1977 . Ce texte prévoyait un régime d'accès préférentiel au marché communautaire pour un nombre important de produits industriels et agricoles jordaniens. Il s'est accompagné par ailleurs de quatre protocoles financiers successifs. L'enveloppe accordée à la Jordanie sur la période 1978-1996 représente un montant de 414 millions d'euros -216 millions d'euros au titre des dotations du budget communautaire, 198 millions d'euros au titre des prêts de la Banque européenne d'investissements. L'aide européenne a principalement porté sur le développement industriel (34 %) et, dans une moindre mesure, sur le secteur agricole (19 %), les infrastructures (16 %), la coopération en matière énergétique (14 %) et la formation (11 %). Le dernier protocole (1992-1996) s'est caractérisé par une très forte mobilisation des ressources dans le domaine de l'eau et de l'environnement.

A compter de 1996, le programme MEDA s'est substitué aux protocoles financiers. Il se distingue, rappelons-le, par le caractère seulement indicatif et non fixé, une fois pour toutes, du montant annuel réservé à chaque pays. Dans le cas de la Jordanie, l'enveloppe indicative initialement prévue de 158 millions d'euros a ainsi été augmentée de 60 % pour atteindre 254 millions d'euros. Ce pays s'est en effet signalé par une bonne capacité d'absorption de l'aide. Le taux de décaissement des crédits communautaires sur la période 1995-1999 s'élève à 42,5 %, soit un niveau nettement supérieur à la moyenne des pays méditerranéens. Ce résultat -certes encore insuffisant- s'explique en partie par la part prépondérante dévolue au rétablissement des finances publiques au sein de l'aide européenne à la Jordanie. Or l'aide budgétaire donne lieu à des déboursements plus rapides que l'aide-projet.

Les deux tiers de l'enveloppe jordanienne ont ainsi été octroyés sous forme de deux tranches d'ajustement structurel, proportion plus importante que pour les autres partenaires méditerranéens. La première (100 millions d'euros) n'a été signée qu'en avril 2000 afin d'accompagner les efforts déjà accomplis, en particulier dans le domaine fiscal.

Le niveau de décaissement des crédits pour la Jordanie s'explique également par la mise en oeuvre, dans de bonnes conditions, des projets sous la responsabilité de l'Etat bénéficiaire. L'aide-projet (52 millions d'euros) a surtout été consacrée au développement du secteur privé. Elle s'est répartie entre deux grandes catégories : la modernisation industrielle et l'appui aux PME.

Par ailleurs, la coopération au titre de MEDA a été complétée par des prêts de la BEI, soit 143 millions d'euros en 1997-1998 (notamment 30 millions d'euros pour la construction d'une jetée au port d'Aqaba, 43 millions d'euros pour l'amélioration du site de production de la compagnie arabe de potasse et 40 millions d'euros pour le réseau d'adduction d'eau douce dans la région d'Amman).

S'ils sont désireux de poursuivre et d'intensifier la coopération financière, les Jordaniens aspirent cependant aujourd'hui à donner aux liens noués avec l'Union européenne une dimension supplémentaire en renforçant les relations politiques. En effet, l'ouverture sur l'Europe permet tout à la fois de réaffirmer l'ancrage de la Jordanie au modèle occidental et de répondre au devoir de solidarité avec les Etats arabes, compte tenu des positions plus équilibrées de l'Union européenne sur le processus de paix que celles des Etats-Unis. Le Royaume hachémite souhaite d'ailleurs une intervention plus forte de l'Union sur les sujets politiques européens et se dit déçu de la prudence des Quinze dans ce domaine.

L'accord d'association pourrait, de ce point de vue, apporter un progrès : il fixe en effet, pour la première fois, le cadre institutionnel d'un dialogue politique. Beaucoup dépendra en la matière de la volonté politique des partenaires.

B. L'ACCORD EURO-MÉDITERRANÉEN D'ASSOCIATION : L'AMBITION D'UNE COOPÉRATION PLUS COMPLÈTE ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LA JORDANIE

Le nouvel accord d'association conclu avec la Jordanie, apparaît conforme, pour l'essentiel, au contenu des textes récemment signés avec le Maroc et la Tunisie. Par rapport aux accords de coopération de la première génération, signés dans les années 70, il prévoit en effet deux innovations principales : l'ouverture d'un dialogue politique et la mise en place d'une zone de libre échange sur une période de douze ans. Par ailleurs, il complète le régime de concessions agricoles. Enfin, il élargit la coopération à plusieurs domaines d'intérêt commun.

. L'ouverture d'un dialogue politique

L'accord prévoit l'instauration d'un dialogue politique dans le cadre, principalement, du Conseil d'association, qui se réunit au niveau ministériel au moins une fois par an.

A la différence des accords conclus avec la Tunisie et le Maroc, le texte pose également les bases d'un dialogue politique entre le Parlement européen et le Parlement jordanien.

Par ailleurs, l'accord reprend la clause, désormais classique, selon laquelle les droits de l'homme et les principes démocratiques constituent un élément essentiel de l'accord dont la violation peut entraîner la suspension de celui-ci (article 2).

. La mise en oeuvre d'une zone de libre échange

A la différence de l'accord de coopération de 1977 fondé sur un régime d'obligation asymétrique pour l'Union européenne et la Jordanie -libre accès des produits industriels jordaniens au marché communautaire, maintien des barrières tarifaires jordaniennes-, le nouvel accord prévoit l'établissement d'une zone de libre échange sur une période transitoire de 12 ans.

La part essentielle de l'effort pèsera en conséquence sur la Jordanie appelée à éliminer progressivement les droits sur les importations de produits industriels européens.

Les réformes entreprises par la Jordanie, la volonté déterminée de s'ouvrir sur l'extérieur, dont portent également témoignage la signature de l'accord de libre échange avec les Etats-Unis, l'aide financière apportée par l'Union européenne, dont le niveau de décaissement, doit encore être sérieusement amélioré : ces différents éléments devraient, malgré les difficultés prévisibles, aider la Jordanie à faire face aux conséquences de la libéralisation des échanges.

Le succès de l'accord d'association passe également par le développement des exportations jordaniennes de produits industriels, encore bien modestes, vers l'Europe. La Jordanie accorde à cet égard une importance particulière à la reconnaissance par l'Union des règles de cumul d'origine , c'est-à-dire la possibilité pour ce pays de pouvoir faire admettre comme jordanien un produit dont la fabrication aura incorporé des matières premières originaires d'autres pays du sud de la Méditerranée. Pour le royaume, faiblement doté en ressources naturelles, cette facilité conditionne dans une large mesure la croissance de ses ventes sur le marché communautaire.

Les Quinze sont en principe favorables à la reconnaissance des règles de cumul d'origine au sein de l'espace méditerranéen. Ce mécanisme apparaît en effet comme un moyen de favoriser l' intégration régionale qu'ils appellent par ailleurs de leurs voeux. Cependant ils souhaitent que les Etats partenaires du sud de la Méditerranée, établissent au préalable, entre eux, des règles transparentes et harmonisées pour permettre l'instauration du cumul. Tel est déjà, du reste, le cas de la Jordanie et des territoires palestiniens.

L'accord pose également pour objectif le droit d'établissement et de libéralisation des prestations de service sans en préciser cependant les modalités (celles-ci seront examinées au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur de l'accord d'association afin d'élaborer un " accord d'intégration économique ").

. L'amélioration du régime de concessions agricoles

Les règles applicables aux produits agricoles sont différentes de celles qui prévalent pour les biens industriels : elles ne prévoient pas une libéralisation complète mais seulement une amélioration des concessions réciproques (réduction de droits de douane pour les produits originaires de l'Union européenne, augmentation des contingents en franchise de droits pour les produits originaires de Jordanie).

Le volet agricole, compte tenu des enjeux soulevés pour les deux parties, a fait l'objet des discussions les plus délicates. La Commission européenne, outrepassant le mandat qui lui avait été confié par le Conseil, avait pris l'initiative d'introduire, dans l'accord d'association, une " clause évolutive " sur les contingents agricoles.

Les Etats membres ont alors considéré que cette clause pouvait constituer un précédent fâcheux en ouvrant la voie à une " renégociation permanente " des contingents. La Commission a été chargée de proposer à la Jordanie le retrait de cette clause en contrepartie de l'augmentation du contingent pour les concentrés de tomates. Toutefois, comme dans les autres accords d'association, une clause de rendez-vous -fixée en 2002 pour la Jordanie- donnera aux parties la possibilité d'examiner de nouvelles mesures de libéralisation pour les échanges agricoles.

. Les autres domaines de coopération

L'accord prévoit par ailleurs de nouveaux champs de coopération : industrie, investissements, secteur privé, formation, environnement, énergie, transports et télécommunications, drogue et blanchiment d'argent... Ces actions pourront s'appuyer sur les crédits du programme MEDA.

C. L'AVENIR PROMETTEUR DES RELATIONS FRANCO-JORDANIENNES

Bien que la Jordanie soit, de par son histoire, marquée par le mandat britannique, tournée vers l'influence anglo-saxonne, ce pays accorde une importance croissante à ses relations avec la France.

La visite d'Etat du roi Abdallah en France, du 15 au 18 novembre 1999, a conféré une forte dimension politique aux relations bilatérales dont le dynamisme se manifeste tant dans le domaine économique qu'en matière de coopération culturelle et technique.

Notre pays est aujourd'hui le premier investisseur étranger en Jordanie . Depuis 1999, les investissements français ont porté sur un montant de quelque 700 millions de dollars. Nos entreprises ont remporté en particulier, quatre des cinq opérations de privatisation ou de gestion déléguée réalisées à ce jour :

- acquisition par France Telecom de 36 % du capital de Jordan Telecommunications -soit 450 millions de dollars- (dans le cadre de ce qui restera sans doute la plus importante opération de privatisation de Jordanie) ;

- achat par Lafarge de 30 % de Jordan Cement (opération complétée depuis lors par une acquisition complémentaire de 11 % du capital de cette société) ;

- obtention par Suez-Lyonnaise du contrat de gestion déléguée des eaux du grand Amman ;

- gestion par ACCOR du complexe hôtelier gouvernemental de Spa Main.

Parmi les autres opérations significatives réalisées en Jordanie, il convient également de mentionner l'achat par Perrier-Vittel de 75 % du capital du premier producteur jordanien d'eau minérale, ainsi que la prise de participation par la Société Générale de la moitié du capital de la Banque jordanienne, Middle East Investment Bank. Aujourd'hui, 37 implantations françaises, dont 10 filiales, sont recensées en Jordanie. Nos entreprises apprécient la stabilité de ce pays et les efforts entrepris par les autorités pour susciter un environnement économique favorable. Le royaume hachémite apparaît ainsi comme une tête de pont privilégiée pour accéder aux marchés du Proche-Orient .

L'importance des flux d'investissements devrait sans doute se traduire, à terme, par une augmentation des échanges commerciaux, aujourd'hui assez modestes. Avec près de 4 % des parts du marché jordanien, la France se range au 9 e rang des fournisseurs de ce pays (près de la moitié de nos exportations concernent les biens de consommation et les produits agroalimentaires). Les exportations jordaniennes vers la France n'ont pas dépassé 53 millions de francs (146 e rang). Nos échanges se soldent donc par un important excédent (860 millions de francs en 1999) au bénéfice de la France.

Par ailleurs, la France est le deuxième créancier bilatéral de la Jordanie après le Japon (623 millions de dollars au début de l'année 2000 : 18 % provenant des protocoles financiers, 83 % de crédits privés garantis datant, pour l'essentiel, du début des années 80). La France a consenti un effort particulier en faveur de l'allégement de la dette jordanienne : rééchelonnement de 230 millions de dollars de créances lors du Club de Paris du 20 mai 1999 et signature, lors de la visite d'Etat du roi à Paris, le 16 novembre 1999, de deux accords :

- un accord de conversion de dettes pour investissements , d'un montant de 400 millions de francs (dont 325 millions de francs utilisés par France Telecom dans le cadre de la privatisation de Jordan Telecom) ;

- un accord de conversion-annulation de dettes pour un montant de 100 millions de francs ;

Parallèlement au renforcement de la présence économique française, le rôle joué par notre coopération culturelle, scientifique et technique , contribue à donner à la France une image très positive. Notre politique en la matière peut s'appuyer sur un dispositif très complet (centre culturel et de coopération linguistique, lecteurs dans les deux grandes universités du pays, école française, implantations de l'Institut français d'archéologie du Proche-Orient et du Centre d'études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain, missions régionales eau et agriculture).

La coopération -dotée en 2000 d'un budget de 8,3 millions de francs- porte plus particulièrement sur quatre domaines :

- la promotion de la langue française , dont l'enseignement a connu un essor indéniable au cours des dernières années ; ainsi 25 000 élèves apprennent le français dans le cadre des établissements primaires et secondaires (la Jordanie compterait aujourd'hui quelque 40 000 francophones sur une population de 4,5 millions d'habitants) ;

- la gestion de l'eau agricole dans le cadre d'un projet expérimental conduit dans la Vallée du Jourdain et destiné à économiser les ressources en eau sur le plan agricole par l'amélioration des techniques d'irrigation et le développement des cultures hors sol ;

- le tourisme et l'archéologie ;

- la coopération audiovisuelle (fourniture par CFI à la télévision jordanienne de trois heures quotidiennes de programmation à titre gratuit).

Développement des investissements français, vitalité de la coopération culturelle et technique : autant de facteurs appelés à resserrer les liens bilatéraux. Le rapprochement doit encore être favorisé par la proximité des positions exprimées par nos deux pays sur le processus de paix.

CONCLUSION

La Jordanie est appelée à devenir un partenaire privilégié de l'Union européenne. Elle a engagé un effort exemplaire pour moderniser son économie. Les Quinze se doivent de poursuivre et de renforcer encore leur soutien pendant la période de transition vers la libéralisation des échanges. Par ailleurs, à bien des égards, les positions défendues par le royaume hachémite, dans le cadre du processus de paix, s'accordent avec celles des européens. Dans ces conditions, le dialogue politique entre les deux partenaires pourra s'intensifier sur les bases fixées par le nouvel accord d'association et servir les objectifs de stabilité et de sécurité qu'il est encore plus impératif de poursuivre au moment où les tensions s'exacerbent au Proche-Orient.

Au regard de l'essor récent des échanges entre la Jordanie et la France, tant dans les domaines politique qu'économique , les liens entre nos deux pays peuvent constituer le coeur et le moteur du partenariat noué par le Royaume hachémite et l'Union européenne . Dans cette perspective, la ratification par la France, de l'accord d'association revêt une importance particulière. C'est pourquoi votre commission vous invite à approuver le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du 13 décembre 2000.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Pierre Biarnès a estimé que les dysfonctionnements observés dans le décaissement des fonds européens tenaient, pour une large part, à l'insuffisance des moyens humains nécessaires pour encadrer l'utilisation de cette aide sur le terrain. Par ailleurs, après avoir observé que la Jordanie était le seul pays à entretenir, à la fois, des relations avec l'Irak et Israël, il a souligné le rôle positif que le Royaume jouait dans son environnement régional, ainsi d'ailleurs que sur la scène internationale, comme en témoignait la présence de contingents jordaniens dans les forces de maintien de la paix.

A M. Aymeri de Montesquiou qui s'interrogeait sur les perspectives d'un rapprochement entre la Jordanie et l'Arabie saoudite, M. Serge Vinçon a précisé que le nouveau souverain hachémite accomplissait de nombreux déplacements dans les autres pays arabes et avait su, ainsi, développer de nouvelles relations avec les Etats voisins de la Jordanie.

M. Christian de La Malène a regretté que la politique méditerranéenne de l'Union européenne reste, faute d'une vision politique commune des Quinze, encore trop centrée sur les seuls aspects économiques.

Mme Paulette Brisepierre a souligné la lourdeur et la complexité des procédures du règlement MEDA. Elle s'est également interrogée sur la possibilité, pour les deux pays, de conclure un nouvel accord de protection des investissements. M. Serge Vinçon a indiqué qu'il interrogerait le gouvernement sur ce point lors du débat en séance publique. Il est revenu, par ailleurs, sur les progrès accomplis par la Jordanie pour la modernisation de son économie. Il a noté, en outre, que la France avait récemment conclu avec le Royaume un accord de conversion de dettes en investissements.

M. Xavier de Villepin, président, a d'abord relevé les efforts engagés par M. Chris Patten pour réformer et adapter l'aide européenne. Il a rendu, par ailleurs, hommage à la personnalité et à l'action du souverain jordanien. Evoquant, enfin, la crise israélo-palestinienne, il a relevé que les deux parties avaient actuellement noué des contacts très discrets, afin de surmonter les blocages du processus de paix. Il a estimé, à cet égard, que le premier ministre démissionnaire, M. Ehud Barak, cherchait à obtenir un accord de paix dans la perspective des prochaines échéances électorales en Israël.

M. Hubert Durand-Chastel, enfin, a déploré que la France soit, avec la Belgique, l'un des deux derniers pays à procéder aux procédures de ratification nécessaires à l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec la Jordanie.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part (ensemble sept annexes, quatre protocoles, un acte final, douze déclarations communes et un échange de lettres) fait à Bruxelles le 24 novembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi 6 ( * ) .

ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT7 ( * )

Projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part

- Etat de droit et situation de faits existants et leurs insuffisances.

Les relations entre les Communautés européennes et le Royaume hachémite de Jordanie sont actuellement régies par un accord de coopération signé le 18 janvier 1977.

Le renouvellement de cet accord est apparu nécessaire, avant tout, pour des raisons politiques, afin de donner un nouvel élan à la politique méditerranéenne de l'Union européenne, suite à la déclaration approuvée par 27 ministres lors de la Conférence de Barcelone (novembre 1995) constituant l'acte fondateur de la relance de la politique méditerranéenne.

La renégociation des accords existants s'imposait également pour tenir compte d'un certain nombre de changements intervenus dans les relations économiques et commerciales internationales, ainsi que dans la construction européenne :

- d'une part, la mise ne place de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), au 1 er janvier 1995, a eu pour conséquence de fragiliser les préférences commerciales accordées de manière unilatérale par la Communauté dans le cadre de l'accord de 1977, L'OMC institue en effet un système de règlement des différends dont les conclusions s'imposent aux Parties. La constitution d'une zone de libre-échange constitue une exception -reconnue par l'OMC- à la clause de la nation la plus favorisée, à laquelle certains pays tiers auraient pu considérer que les dispositions du précédent accord contrevenaient. Elle permet de maintenir les préférences accordées aux exportations jordaniennes, mais elle implique en contrepartie l'ouverture progressive et réciproque du marché jordanien aux produit en provenance de la Communauté.

- plus généralement, et pour favoriser le renforcement des relations entre l'Union européenne et la Jordanie, il a paru souhaitable d'étendre les domaines de coopération de l'accord, que ce soit dans les domaines économiques, culturels ou sociaux.

- Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi

Difficilement quantifiables, mais positifs dans la mesure où la principale innovation de l'accord, sur le plan commercial, consistera en l'ouverture progressive du marché jordanien aux exportations européennes.

* d'intérêt général

Le nouvel accord permettra de renforcer les relations euro-jordaniennes, non seulement en aidant à la modernisation du pays et sa mise à niveau économique, mais également en favorisant son ouverture dans le Machrek et, plus largement, à l'établissement d'une zone de stabilité et de prospérité en Méditerranée. Il viendra se joindre aux accords intérimaires d'association en vigueur avec Israël et l'OLP ainsi qu'à l'accord avec l'Egypte, qui doit être signé prochainement. Il est à noter que la Jordanie, l'Egypte, le Maroc et la Tunisie forment le projet d'instituer entre eux une zone de libre-échange, de nature à favoriser le processus d'intégration régionale.

*financière

L'accord d'association ne comporte pas de dispositions, autres que très générales, sur les instruments et les moyens financiers qui seront mis sen oeuvre, ceux-ci étant prélevés sur l'enveloppe globale arrêtée au Conseil européen de Cannes pour la Méditerranée et utilisés dans les conditions fixées par le règlement financier MEDA. Ce dernier doit à présent être renégocié pour la période 2000-2006, la Commission doit soumettre sa proposition au Conseil dans les prochaines semaines.

* de simplification des formalités administratives

Sans objet.

* de complexité de l'ordonnancement juridique

Sans objet.

* 1 Algérie, Chypre, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, territoires palestiniens, Tunisie, Turquie, Syrie.

* 2 Chypre, Malte et Israël ne bénéficient pas de l'aide bilatérale MEDA en raison de leur niveau de développement et de revenu par habitant.

* 3 Mme Danielle Bidart-Reydet, rapport n° 322, 1999-2000.

* 4 S. Vinçon, A. Dulait, A. Rouvière " La Syrie de Bachar al-Assad, changement ou continuité ? " - Rapport d'information n° 51, 2000-2001.

* 5 dont la Jordanie est le deuxième exportateur mondial avec 15 % des ventes.

* 6 Voir le texte annexé au document Sénat n° 484 (1999-2000).

* 7 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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