EXAMEN DES ARTICLES

Intitulé de la proposition de loi

Les discriminations ne se limitent pas au lieu de travail. Elles concernent aussi, par exemple, le logement, les loisirs (problème d'accès dans les boîtes de nuit) et l'accès aux services publics.

La présente proposition de loi traite essentiellement les aspects relatifs aux discriminations dans l'emploi à l'exception d'un article relatif aux élections prud'homales qui constitue une sorte de " cavalier " ainsi qu'un article plus général sur la création d'un accueil téléphonique gratuit. Il n'y a, en particulier, aucune disposition relative au logement, l'article 50 du projet de loi de modernisation sociale qui y faisait référence n'a, en particulier, pas été repris par la présente proposition de loi 13 ( * ) .

Dans un souci de clarté, votre commission vous propose donc un amendement ayant pour objet de compléter le titre de la proposition de loi par les mots " dans l'emploi ", afin de mettre en cohérence l'intitulé de la proposition avec les dispositions du texte. Le titre ainsi modifié correspond à l'intitulé de la section 1 du chapitre III du projet de loi de modernisation sociale qui comprenait les quatre articles (46 à 49) qui constituent le texte initial de la proposition de loi.

Article premier
(art. L. 122-35, L. 122-45, L. 611-1 et L. 611-6 du code du travail,
art. 225-1 et 225-2 du code pénal)
Mesures discriminatoires
et aménagement du régime de la charge de la preuve

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le paragraphe I de cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 122-45 du code du travail. Dans sa rédaction actuelle, cet article proscrit, dans son premier alinéa, les discriminations sur le lieu de travail à trois occasions (recrutement, sanction et licenciement), lorsqu'elles ont pour origine l'une des treize raisons citées (origine, sexe, moeurs, situation de famille, appartenance à une ethnie, une nation ou une race, opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, convictions religieuses, état de santé ou handicap).

L'Assemblée nationale a étendu le contrôle des discriminations à l'ensemble des aspects de la relation de travail (rémunération, formation, reclassement, qualification, classification, promotion professionnelle, mutation, renouvellement de contrat).

Elle a également étendu les raisons des discriminations à " l'orientation sexuelle ", à " l'apparence physique " et au " patronyme ".

Le deuxième alinéa de l'article L. 122-45, relatif aux discriminations motivées par l'exercice du droit de grève, a été complété de manière à être coordonné avec le premier alinéa et un nouvel alinéa a été introduit pour tenir compte de la situation des personnes ayant témoigné ou relaté de tels agissements discriminatoires.

Le principal apport de ce paragraphe réside néanmoins dans le quatrième alinéa de la nouvelle rédaction de l'article L. 122-45 qui aménage le régime de la charge de la preuve.

Le texte proposé par l'Assemblée nationale s'inspire très largement des conclusions de l'arrêt " Fluchère et autres c/SNCF " de la Chambre sociale de la Cour de cassation 14 ( * ) . Il prévoit en particulier une procédure en deux temps. Dans un premier temps, le salarié qui s'estime victime d'une discrimination doit présenter au juge " des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ". Et dans un second temps, " au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ". Enfin, il appartiendra finalement au juge de former sa propre conviction. Les termes retenus par l'Assemblée nationale se distinguent ainsi de la lettre des directives européennes telles qu'elle résulte de l'article 8 de la directive du 29 juin 2000 15 ( * ) et de l'article 4 de la directive du 15 décembre 1997 16 ( * ) .

L'expression " éléments de fait laissant supposer " apparaît à cet égard moins précise que celle faisant référence à " des faits qui permettent de présumer " que l'on trouve dans la directive. Cette différence appelle un débat. Comme le remarquait en effet M. Thierry Mariani, lors du débat à l'Assemblée nationale 17 ( * ) , on peut observer que l'aménagement de la charge de la preuve " ne doit pas se transformer (...) en une attribution de la charge de la preuve au défendeur, ce qui rendrait tout simplement sa défense impossible en lui imposant de trouver un fait négatif " 18 ( * ) .

Un autre problème a été relevé lors du débat à l'Assemblée nationale concernant le fait que l'entreprise devra justifier sa position au moyen d'éléments " objectifs ". Cette formulation appelle également quelques remarques. Comme le remarquait très justement M. Pierre Cardo lors du débat en première lecture, on peut considérer que : " l'employeur peut aussi se déterminer en fonction d'éléments purement subjectifs, néanmoins eux aussi étrangers à toute discrimination. Que se passera-t-il alors ? Sera-t-il hors la loi et condamné ou non ? ".

On peut regretter que le Gouvernement n'ait pas jugé bon de répondre aux remarques formulées par les deux parlementaires cités. Ceci d'autant plus que le texte des directives n'est pas aussi restrictif puisqu'il prévoit notamment " qu'il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement " .

On remarquera seulement que le Gouvernement a déclaré lors de la discussion de cet article premier que l'objectif poursuivi " n'est pas de renverser la charge de la preuve mais de faire en sorte que le juge se fasse son opinion après avoir entendu l'ensemble des éléments du dossier " 19 ( * ) .

Le paragraphe II de cet article modifie l'article L. 122-35 du code du travail relatif au règlement intérieur des entreprises. Il insère trois nouveaux motifs de discrimination dans la liste des dispositions lésant les salariés ne pouvant figurer dans le règlement intérieur, par coordination avec le paragraphe I, il s'agit de " l'orientation sexuelle ", de " l'apparence physique " et du " patronyme ".

L'expression " orientation sexuelle " figure dans plusieurs textes européens dont l'article 13 du traité d'Amsterdam 20 ( * ) . La référence à des discriminations fondées sur l'apparence physique ou le patronyme vise à tenir compte de cas d'espèce rencontrés ces derniers temps.

Le paragraphe III modifie l'article 225-1 du code pénal pour y introduire les mêmes dispositions que celles prévues par le paragraphe II. On peut rappeler que cet article du code pénal qualifie pénalement les distinctions à caractère discriminatoire tandis que l'article 225-1 prévoit les cas dans lesquels ces discriminations sont punies de deux ans d'emprisonnement et de 200.000 francs d'amende.

Le paragraphe IV élargit la liste des cas prévus à l'article 225-2 aux demandes de stage ou de période de formation en entreprise, ainsi qu'aux stages visés par l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire les étudiants ou élèves des établissements d'enseignement accomplissant des stages dans le cadre de leur scolarité ou de leurs études, les stagiaires effectuant des stages de formation professionnelle continue et les personnes accomplissant un stage de réadaptation fonctionnelle ou de rééducation professionnelle.

Le paragraphe V a pour objet d'étendre le contrôle des inspecteurs du travail à l'ensemble des discriminations constatées lors des sanctions, des embauches et des licenciements et non plus seulement aux atteintes portées à la règle de l'égalité professionnelle. Il modifie ce faisant l'article L. 611-1 du code du travail relatif aux missions des inspecteurs du travail, alors que le paragraphe VI réalise une modification semblable de l'article L. 611-6 relatif aux missions des inspecteurs du travail placés sous l'autorité du ministre de l'agriculture.

II - Les propositions de votre commission des Affaires sociales

Votre commission vous propose deux amendements de modification de l'article premier qui concernent plus particulièrement le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-45 du code du travail.

Un premier amendement propose de prévoir que l'action judiciaire nécessite, pour être engagée, l'établissement par le plaignant de faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination comme le prévoit l'article 8 de la directive européenne du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique .

Le recours à l'expression " laissant supposer " ne semble pas en effet présenter toutes les garanties de rigueur juridique.

La nouvelle rédaction que votre commission vous propose d'adopter est plus précise et devrait permettre une amélioration des conditions du respect des droits des plaignants puisque les plaintes les plus solides sont celles qui reposent sur des faits, même peu nombreux. Elle constitue donc un facteur de sécurité juridique tant pour le plaignant que pour le défendeur.

Enfin, il convient d'observer que la principale novation du dispositif concerne l'obligation faite au défendeur de se justifier et non le fait de permettre des poursuites qui pourraient dans certains cas être infondées.

Le second amendement a précisément pour objet d'améliorer la rédaction proposée par l'Assemblée nationale concernant les obligations faites au défendeur dans l'établissement de la preuve au regard d'un litige relatif à une discrimination.

La nouvelle rédaction de l'article L. 122-45 prévoit qu'" il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ".

Sans remettre en cause cet objectif, il est apparu nécessaire à votre commission des Affaires sociales de se rapprocher davantage de la rédaction de la directive européenne du 29 juin 2000 qui prévoit qu'" il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement ".

C'est pourquoi votre commission vous propose d'établir qu'" il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision n'est pas contraire aux dispositions énoncées aux alinéas précédents " de l'article.

Cette nouvelle rédaction est plus claire. Elle permet d'éviter des contentieux compliqués qui auraient pu tourner autour des différentes façons d'interpréter la notion " d'élément objectif ". Chacun d'entre nous sait bien, en effet, que la politique des ressources humaines d'une entreprise comprend une part de subjectivité qui ne peut être assimilée à des mesures discriminatoires.

Outre les modifications proposées concernant les modalités de l'aménagement de la charge de la preuve, votre commission des Affaires sociales s'est interrogée sur la cohérence des différents articles ayant pour objet de dresser " l'inventaire " des discriminations à proscrire dans l'emploi.

La comparaison des articles L. 122-45 et L. 122-35 du code du travail et de l'article 225-1 du code pénal laisse apparaître des divergences difficilement explicables.

Certaines divergences préexistaient à la proposition de loi et n'ont pas été corrigées. Il s'agit de l'absence de mention de l'appartenance à une ethnie, à une nation ou à une race, ainsi que de la pratique d'activités syndicales et mutualistes et de l'état de santé, dans l'article L. 122-35 du code du travail, relatif au règlement intérieur.

Il s'agit aussi de l'absence de mention des activités mutualistes dans l'article 225-1 du code pénal.

Enfin, on note la présence d'expressions différentes dans les trois articles pour désigner selon toute vraisemblance une même réalité. Les divergences ne sont pas sans poser problème compte tenu du fait que des " opinions " ( art. L. 122-35 du code du travail ) ne se limitent pas aux " opinions politiques " ( art. L. 122-45 du code du travail et art. 225-1 du code pénal ). De même, la référence aux " convictions religieuses " ( art. L. 122-45 du code du travail ) ne se confond pas avec celle relative à des " confessions " ( art. L. 122-35 du code du travail ) ou à une " religion " ( art. 225-1 du code pénal ).

Des divergences difficilement explicables
dans " l'inventaire " des motifs de discriminations

Motif de la
discrimination

Art. L. 122-45
du code du travail

Art. L. 122-35
du code du travail

Art. 225-1
du code pénal

Origine

X

X

X

Sexe

X

X

X

Moeurs

X

X

X

Orientation sexuelle

O

O

O

Situation de famille

X

X

X

Appartenance à une ethnie

X

-

X

Appartenance à une nation

X

-

X

Appartenance à une race

X

-

X

Opinions politiques

X

X
(opinions)

X

Activités syndicales

X

-

X

Activités mutualistes

X

-

-

Convictions religieuses

X

X
(confessions)

X
(religion)

Apparence physique

O

O

O

Patronyme

O

O

O

Etat de santé

X

-

X

Handicap

X

X

X

Age

-

-

-

X : droit en vigueur

O : ajout de l'Assemblée nationale

- : absence de référence

Ces divergences constituent une source de confusion. Par ailleurs, il convient d'observer qu'aucun des trois articles ne fait référence aux discriminations fondées sur l'âge qui sont pourtant mentionnées par l'article 13 du traité d'Amsterdam et qui constituent également une réalité, notamment dans l'embauche et le licenciement.

Sous réserve de ces remarques, votre commission des Affaires sociales vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Art. 2
(art. L. 122-45-1 et L. 122-45-2 nouveaux et L. 422-1-1 du code du travail)
Action en justice des organisations syndicales et nullité d'un licenciement à raison de l'action de justice

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le paragraphe I de cet article crée un nouvel article L. 122-45-1 dans le code du travail qui ouvre aux organisations syndicales la possibilité d'agir en justice à la place du salarié ou du candidat à l'embauche victime de discrimination sur le modèle de ce que prévoit déjà l'article L. 123-6 du même code en matière de harcèlement sexuel. Le salarié est seulement informé par écrit de cette action et dispose d'un délai de quinze jours pour s'y opposer.

Le paragraphe I prévoit aussi un droit d'alerte au bénéfice des associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins. Elles se voient reconnaître la possibilité de saisir les organisations syndicales pour leur demander d'ester en justice sur le fondement des discriminations à l'emploi qu'elles auraient constatées.

Le paragraphe I bis crée un nouvel article L. 122-45-2 du code du travail qui vise à mettre en place un dispositif de réintégration spécifique au profit du salarié licencié en raison d'une action en justice engagée par lui ou par une organisation syndicale en sa faveur contre une mesure discriminatoire.

Ce nouvel article, qui résulte d'un amendement présenté par M. Vuilque, rapporteur, M. Aschieri et M. Gremetz, prévoit également qu'au cas où le salarié refuserait de poursuivre la relation de travail, il bénéficierait des indemnités de licenciement normales, des indemnités pour cause de licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit six mois de salaire au minimum, ainsi que de l'indemnité spécifique créée par le présent article qui s'élève elle aussi à six mois de salaire au minimum.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, M. Philippe Vuilque, rapporteur, a considéré que cette disposition " aligne donc la protection contre les discriminations sur ce qui existe en matière d'égalité professionnelle " 21 ( * ) .

Le paragraphe II de cet article complète la rédaction de l'article L. 422-1-1 du code du travail afin d'étendre la procédure particulière prévue par cet article aux cas relatifs à des mesures discriminatoires.

On peut rappeler que l'article L. 422-1-1 du code du travail prévoit que les délégués du personnel ont le devoir de saisir l'employeur lorsqu'il existe une " atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché ". Lorsque l'employeur et le délégué du personnel sont en désaccord sur l'existence d'une telle atteinte ou lorsque l'employeur n'y met pas fin, le délégué du personnel peut saisir le conseil des Prud'hommes qui statue en référé. Par ailleurs, l'article L. 422-1-1 prévoit que le juge peut ordonner des mesures ou prononcer des astreintes.

II - Les propositions de votre commission des Affaires sociales

Votre commission vous propose d'adopter quatre amendements relatifs au premier paragraphe de cet article 2.

Le premier amendement est rédactionnel.

Le deuxième amendement est relatif à la possibilité reconnue par l'article L. 122-5-1 à une organisation syndicale de se substituer à un salarié victime d'une discrimination pour ester en jugement.

Le texte voté par l'Assemblée nationale prévoit que cette organisation syndicale n'aura pas à justifier d'un mandat de l'intéressé pourvu que celui-ci ait été averti par écrit. Contrairement à l'article L. 122-3-16 du code du travail qui prévoit un avertissement " par lettre recommandée avec accusé de réception ", il est par ailleurs fait référence ici à un simple avertissement " par écrit ".

Cette disposition ne semble pas opportune. Votre commission remarque que, l'article 7 de la directive européenne du 29 juin 2000, qui semble l'avoir inspirée, prévoit l'approbation du salarié. C'est une précaution heureuse. Le plaignant est en effet le mieux à même de juger de l'opportunité des poursuites surtout dans des cas aussi sensibles.

En fait, le contentieux, s'il a une utilité, relève plus de la dissuasion. C'est pourquoi il est fondamental de laisser au salarié la maîtrise des négociations à conduire avec l'employeur, au besoin grâce au soutien d'un syndicat, afin d'assurer le respect de ses droits. Autrement, le risque est grand pour le salarié de se voir instrumentaliser par un syndicat conduisant une action propre à l'encontre de l'employeur dans le cadre d'une stratégie plus large.

Votre commission des Affaires sociales remarque par ailleurs que l'accord écrit de l'intéressé est exigé des organisations syndicales par l'article L. 123-6 dans le cas des actions menées en justice sur le fondement d'un harcèlement sexuel. Il ne semble pas illégitime, dans ces conditions, d'exiger un tel accord écrit dans les cas de discriminations, notamment celles fondées sur des motifs racistes, et c'est le sens de ce deuxième amendement à l'article 2.

Le troisième amendement à cet article complète la dernière phrase du texte proposé pour le premier alinéa de l'article L. 122-45-1 qui prévoit que l'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat. Il semble utile à votre commission de préciser que ce dernier peut également mettre un terme à tout moment à cette action, comme le prévoit d'ailleurs l'article L. 122-3-16, dans le cas des ruptures du contrat de travail. Cette précaution permet de garantir à la victime la maîtrise de l'évolution du contentieux afin qu'il ne débouche pas sur une situation contraire à ses intérêts.

Enfin, votre commission des Affaires sociales vous propose de supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 122-45-1 qui prévoit un " droit d'alerte " permettant aux associations de saisir les organisations syndicales pour leur demander d'ester en jugement à l'encontre d'auteurs de discrimination.

Cette disposition s'inspire de l'article L. 341-6-3 du code du travail qui prévoit un dispositif identique au regard des infractions relatives à l'emploi de la main-d'oeuvre étrangère.

Là encore, il s'agit d'une disposition inopportune qui conforte le pouvoir de substitution d'un syndicat à la victime, ce pouvoir pouvant d'ailleurs, selon l'Assemblée nationale, s'exercer sans l'accord de la victime.

Cette rédaction fait référence aux associations constituées depuis plus de cinq ans sans que l'on comprenne le sens de cette ancienneté, voire de cette " discrimination ".

On remarque ensuite que le texte voté par l'Assemblée nationale fait référence aux " associations " alors que l'article L. 341-6-3 mentionne les " associations pour la lutte contre les discriminations ", ce qui est plus précis.

Plus généralement, on peut rappeler que rien n'empêche une association de saisir un syndicat d'une discrimination qu'elle aurait constatée. Cette disposition n'a donc pas de véritable portée législative et constitue surtout une " mesure d'affichage ".

Votre commission observe que la véritable novation aurait consisté à reconnaître aux associations le droit de saisir directement la justice. Cette possibilité était d'ailleurs reconnue par l'article 7 de la directive du 29 juin 2000. La solution retenue constitue donc un compromis ambigu qui ne garantit pas les droits et la liberté d'action des salariés.

Dans ces conditions, votre commission des Affaires sociales vous propose de supprimer cette disposition qui ne me semble pas souhaitable dans le cadre d'une procédure juridictionnelle.

Votre commission des Affaires sociales vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Art. 3
(art. L. 133-5 et L. 136-2 du code du travail)
Discriminations et négociations collectives

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a pour objet d'intégrer l'objectif de lutte contre les discriminations dans la négociation collective que ce soit au niveau de la branche ou de la commission nationale de la négociation collective.

Le paragraphe I de cet article rerédige le 10° de l'article L. 133-5 du code du travail en ajoutant à la liste des clauses, que doit comporter une convention de branche conclue au niveau national, l'égalité de traitement entre salariés sans considération d'appartenance à " une ethnie, une nation ou une race " alors que la rédaction actuelle ne vise que l'égalité entre salariés français et étrangers. Par ailleurs, l'Assemblée nationale a souhaité compléter la notion d'emploi en prévoyant une référence aux notions " de formation, de promotion professionnelle et de conditions de travail ".

Par ailleurs, le paragraphe II de cet article introduit, dans le suivi annuel de l'application de conventions collectives de branche réalisé par la commission nationale de la négociation collective, l'application du principe d'égalité de traitement des salariés, indépendamment de tout critère d'appartenance à une ethnie, une nation ou une race.

II - Les propositions de votre commission des Affaires sociales

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 4
(art. L. 123-1 et L. 123-6 du code du travail)
Aménagement du régime de la charge de la preuve
et égalité professionnelle

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le paragraphe I de cet article introduit dans l'article L. 123-1 un nouvel alinéa qui aménage le régime de la charge de la preuve dans le cas des discriminations fondées sur le sexe ou la situation de famille. Cette modification qui s'inscrit dans le cadre de la transcription de la directive du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans le cas de discrimination fondée sur le sexe reprend l'architecture des modifications introduites par l'article premier dans l'article L. 122-45 du code du travail.

Le paragraphe II de cet article modifie l'article L. 123-6 afin d'étendre aux organisations syndicales représentatives au plan national la possibilité d'ester en justice pour défendre une personne victime de discrimination en raison de son sexe. Le même paragraphe étend également aux candidats à l'embauche la possibilité d'invoquer une telle discrimination.

II - Les propositions de votre commission des Affaires sociales

Par cohérence avec ce qu'elle vous a proposé à l'article premier, votre commission vous propose d'adopter deux amendements qui modifient l'aménagement du régime de la preuve dans le cas des discriminations fondées sur le sexe, de manière à revenir à une rédaction plus proche du texte des directives européennes.

Le premier amendement prévoit que le plaignant doit établir des faits qui permettent de présumer de l'existence de discriminations tandis que le deuxième amendement spécifie que l'entreprise devra prouver que sa décision n'est pas contraire aux dispositions énoncées au début de l'article L. 123-1 du code du travail.

Votre commission des Affaires sociales vous propose également d'adopter un troisième amendement qui coordonne les dispositions relatives à l'action en justice d'un syndicat en lieu et place d'un salarié, avec les modifications qu'elle vous a proposé d'adopter à l'article 2. L'accord du salarié serait alors indispensable à l'action du syndicat et le salarié conserverait la possibilité d'y mettre un terme à tout moment.

Votre commission des Affaires sociales vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Art. 5 (nouveau)
(art. L. 140-8 du code du travail)
Discrimination relative à la rémunération

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement ayant pour objet d'harmoniser le régime de la charge de la preuve en matière d'égalité de rémunération prévue par l'article L. 140-8 avec le nouveau régime mis en place pour l'égalité professionnelle.

II - Les propositions de votre commission des Affaires sociales

Votre commission vous ayant déjà proposé de modifier le régime de la charge de la preuve en matière d'égalité professionnelle, elle ne voit pas d'obstacle à ce qu'il y soit fait référence en matière de rémunération.

Votre commission vous propose donc d'adopter cet article sans modification.

Art. 6 (nouveau)
(art. L. 513-3-1, L. 513-10 et L. 513-11 du code du travail)
Irrecevabilité des listes présentées par une organisation politique prônant des discriminations aux élections prud'homales

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement ayant pour objet, selon Mme Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi et de la Solidarité, " d'introduire de nouvelles conditions de recevabilité des listes de candidatures reprises des principes dégagés par la cour de Cassation en matière de dénaturation du syndicalisme " 22 ( * ) .

Le paragraphe I de cet article complète l'intitulé de la section 1 du chapitre III du titre premier du livre V du code du travail par une mention des listes de candidatures.

Le paragraphe II introduit un nouveau paragraphe dans cette section relatif précisément à ces listes de candidatures.

Le nouvel article L. 513-3-1 prévoit que les candidatures présentées par un parti politique ou une organisation prônant des discriminations ne sont pas recevables.

Les paragraphe II et IV précisent les conditions de recours dans les opérations d'élections prud'homales.

Alors que l'actuel article L. 513-10 prévoit que les contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité des opérations électorales pour l'élection des conseillers prud'hommes sont de la compétence du tribunal d'instance qui statue en dernier ressort, la proposition de loi a souhaité distinguer selon que la contestation repose sur l'électorat ou sur l'éligibilité, la régularité et la recevabilité des listes et la régularité des opérations électorales.

Le paragraphe III propose une nouvelle rédaction de l'article L. 513-10 qui prévoit que les contestations relatives à l'électorat sont de la compétence du tribunal d'instance qui statue en dernier ressort alors que le paragraphe IV crée un nouvel article L. 513-11 qui précise les conditions de recours devant le tribunal d'instance concernant les contestations relatives à l'éligibilité, à la régularité et à la recevabilité des listes de candidats à l'élection de conseiller prud'hommes, ainsi qu'à la régularité des opérations électorales. Ces contestations pourront être portées devant ledit tribunal, avant ou après le scrutin, par tout électeur ou mandataire d'une liste relevant du conseil de prud'hommes pour lequel la contestation est formée, par la préfet ou le procureur de la République dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

II - Les propositions de votre commission des Affaires sociales

Votre commission remarque tout d'abord que cet article, issu d'un amendement du Gouvernement, n'est qu'indirectement lié à l'objet de la proposition de loi puisqu'il modifie le droit électoral prud'homal.

Le lien existe néanmoins, puisqu'il s'agit, ce faisant, de préciser l'état du droit en tenant compte de la jurisprudence de la cour de Cassation qui, dans son arrêt du 10 avril 1998 " Syndicat Front national de la police contre Syndicat national des policiers en tenue " a considéré qu'un syndicat ne pouvait poursuivre des objectifs essentiellement politiques et agir contrairement aux dispositions de l'article L. 122-45 du code du travail qui pose un principe de non-discrimination en matière de recrutement, de sanction, de licenciement ainsi qu'aux principes plus généraux de notre droit public.

Votre commission s'interroge cependant sur le choix fait par l'Assemblée nationale d'adopter, à l'occasion de l'examen de cette proposition de loi, cet article qui reprend partiellement des dispositions prévues à l'article 51 du projet de loi de modernisation sociale 23 ( * ) .

Il résulte de cette décision que le Parlement examinera en parallèle, dans deux textes différents, des dispositions pour le moins complémentaires. Outre le présent article, les autres dispositions de l'article 51 relatives au scrutin, à l'installation des conseillers prud'hommes et aux élections complémentaires continuent en effet à être examinées dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale 24 ( * ) .

Sous réserve de ces remarques, votre commission des Affaires sociales vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 7 (nouveau)
(art. 29-3 nouveau de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et art. 17-1 nouveau de la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes)
Nullité d'un licenciement d'un salarié ayant témoigné de mauvais traitements

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par MM. Derosier et Birsinger ayant pour objet d'interdire les sanctions dont peuvent être victimes les personnels des institutions sociales et médico-sociales pour avoir dénoncé des maltraitances à enfant ou à adulte.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme Martine Aubry a estimé que ces maltraitances étaient réelles et que, depuis 1997, " plus de cent cas (avaient) donné lieu à saisine de la justice et (s'étaient traduits par) plusieurs condamnations à des peines de prison ferme " 25 ( * ) .

Le paragraphe I propose d'insérer dans la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales un nouvel article 29-3 qui proscrit toute discrimination dans l'emploi à l'encontre d'un salarié d'un établissement accueillant des mineurs, des handicapés ou des personnes bénéficiant d'un accompagnement social, pour avoir dénoncé des mauvais traitements.

Le paragraphe II étend cette disposition aux salariés d'une personne ou d'un couple accueillant et crée un nouvel article 17-1 dans la loi du 10 juillet 1989.

II - Les propositions de votre commission des Affaires sociales

Votre commission ne peut que souscrire à l'objectif de cet article. Elle s'interroge néanmoins sur l'opportunité de le discuter dans le cadre d'une proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations . Ceci d'autant plus que le texte proposé est incomplet puisqu'il ne traite pas des sanctions spécifiques que peuvent se voir infliger des médecins pour avoir dénoncé de mauvais traitements.

Votre commission des Affaires sociales observe que la commission des Affaires culturelles, sociales et familiales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement proposant la création d'un article additionnel au projet de loi de modernisation sociale ayant pour objet de traiter la question des poursuites disciplinaires contre un médecin ayant dénoncé des sévices contre des enfants 26 ( * ) .

Compte tenu de la nécessité de mener une réflexion de fond sur ce sujet et des modifications intervenues très récemment sur ce sujet à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation sociale, votre commission des Affaires sociales s'interroge maintenant sur la pertinence de l'examen de cet article dans ce texte.

Sous réserve de ces remarques, votre commission des Affaires sociales vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 8 (nouveau)
Création d'un service d'accueil téléphonique gratuit

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Un service d'accueil téléphonique gratuite, le 114, a été créé pour aider les victimes ou les témoins de discriminations. Compte tenu de la nature des informations recueillies par ce service, la CNIL a fait savoir qu'il pouvait y avoir un problème de droit concernant la diffusion d'informations nominatives pour laquelle l'article 34 de la Constitution confie au législateur le soin de fixer les garanties fondamentales.

Comme le soulignait Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, lors du débat à l'Assemblée nationale, il semble dans ces conditions " d'autant plus nécessaire de donner à ce dispositif un support législatif que les signalements opérés peuvent donner lieu à des procédures judiciaires " 27 ( * ) .

Cet article précise donc les conditions de fonctionnement de ce service créé par l'Etat :

- concourir à la mission de prévention et de lutte contre les discriminations raciales ;

- recueillir les appels des personnes estimant avoir été victimes ou témoins de discriminations raciales ;

- répondre aux demandes d'informations et de conseil ;

- recueillir les cas de discriminations signalés ainsi que les coordonnées aux personnes morales désignées comme ayant pu commettre un acte discriminatoire.

Le deuxième alinéa de cet article précise que dans chaque département est mis en place, en liaison avec l'autorité judiciaire et les organismes et services ayant pour mission ou pour objet de concourir à la lutte contre les discriminations un dispositif permettant d'assurer le traitement et le suivi des cas signalés et d'apporter un soutien aux victimes, selon des modalités garantissant la confidentialité des informations.

Enfin, le dernier alinéa prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de transmission des informations entre les échelons national et départemental ainsi que les conditions d'organisation et de fonctionnement du dispositif départemental.

II - Les propositions de votre commission des Affaires sociales

Votre commission vous propose d'adopter deux amendements à cet article.

Le premier amendement a pour objet de garantir le secret professionnel des agents amenés à faire fonctionner le service d'accueil téléphonique. Compte tenu notamment du fait que le service peut être amené à recueillir les coordonnées de personnes morales désignées comme ayant pu commettre un acte discriminatoire, cette précaution est indispensable.

Par ailleurs, la création d'un service d'accueil téléphonique n'a de sens que s'il est aisément accessible et donc si son existence est connue. Dans ces conditions, il est apparu nécessaire à votre commission de prévoir, dans un second amendement, l'affichage de ces coordonnées dans les entreprises mais aussi dans les services publics qui sont des lieux de passage mais aussi de plus en plus des lieux de travail pour des salariés sous statut privé (contractuels, emplois-jeunes, CES...).

Votre commission des Affaires sociales vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 13 Voir à cet égard le rapport n° 2809 de l'Assemblée nationale fait au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de modernisation sociale, titre II, " Travail, emploi et formation professionnelle ", M. Gérard Terrier, rapporteur, p. 81.

* 14 Voir encadré p. 15.

* 15 Voir annexe n° 2, p. 63.

* 16 Voir annexe n° 1, p. 61.

* 17 JO débats AN - 1 ère séance du 12 octobre 2000, p. 6787.

* 18 JO débats AN - 1 ère séance du 12 octobre 2000, p. 6788.

* 19 Ibidem.

* 20 L'article 13 du traité d'Amsterdam précise que : " le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vu de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ".

* 21 JO débats - AN - 1 ère séance du 12 octobre 2000, p. 6793.

* 22 JO débats AN - 1 ère séance du 12 octobre 2000, p. 6796.

* 23 Projet de loi de modernisation sociale, document n° 2415 de l'Assemblée nationale, 24 mai 2000, p. 119.

* 24 Voir rapport n° 2809 de l'Assemblée nationale fait au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de modernisation sociale, titre II " Travail, emploi et formation professionnelle ", par M. Gérard Terrier, rapporteur, p. 83.

* 25 JO débats AN - 1 ère séance du 12 octobre 2000, p. 6799.

* 26 Rapport n° 2809 de l'Assemblée nationale, fait au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet de loi de modernisation sociale, titre premier, " Santé solidarité, sécurité sociale ", M. Philippe Nauche, rapporteur, p. 94.

* 27 JO débats AN - 1 ère saance du 12 octobre 2000, p. 6799.

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