Rapport n° 178 (2000-2001) de M. Jacques CHAUMONT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 10 janvier 2001

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N° 178

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 janvier 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République arabe d' Egypte en vue d' éviter les doubles impositions et de prévenir l' évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 19 juin 1980 ,

Par M. Jacques CHAUMONT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir le numéro :

Sénat : 99 (2000-2001)

Traités et conventions.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de l'avenant à la convention du 19 juin 1980 entre la France et l'Egypte en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus et sur la fortune.

Cet avenant tend à réactualiser la convention afin de faire bénéficier la France des dispositions conventionnelles plus favorables que l'Egypte a déjà accordées à certains partenaires économiques membres de l'Union européenne comme l'Allemagne et l'Italie. Ainsi, l'avenant supprime ou abaisse de manière sensible les taux de retenue à la source applicables aux dividendes, aux intérêts et aux redevances.

I. LA REMISE EN CAUSE DE CERTAINES DISPOSITIONS PRÉVUES PAR LA CONVENTION FRANCO-EGYPTIENNE DU 19 JUIN 1980

A. L'IMPORTANCE DES EXPORTATIONS ET DES INVESTISSEMENTS FRANCAIS EN EGYPTE

1. L'Egypte, principal marché pour la France dans le Proche et Moyen Orient

L'Egypte a constitué en 1998 le premier débouché pour les exportations civiles de la France au Proche et Moyen Orient, devançant l'Arabie Saoudite, avec 8,7 milliards de francs.

La période récente a été marquée par la forte croissance des exportations de la France vers l'Egypte : retombées à 4,8 milliards de francs en 1994, elles ont augmenté de 24 % en 1995, 23 % en 1996 et 14,5 % en 1997, enfin de 4,9 % en 1998 pour atteindre 8,75 milliards de francs.

Ces exportations sont constituées pour 50 % de biens d'équipement professionnels, dont le montant s'est nettement apprécié (+17,8 %) par rapport à 1997 après une période de stabilité, pour 19 % de demi-produits, pour 15 % de produits agro-alimentaires et pour 10 % de biens de consommation courante.

Les ventes de céréales et d'appareils Airbus peuvent peser certaines année très fortement sur ce total.

La France enregistre avec l'Egypte son 9 ème excédent dans le monde et le premier en dehors des pays de l'OCDE (7,3 milliards de francs). Cet excédent est essentiellement lié à la faiblesse chroniques des exportations égyptiennes qui s'élèvent seulement à 1,2 milliard de francs.

Les produits énergétiques, qui représentaient au début des années 90 les deux tiers des importations françaises, ne comptent plus que pour 31 % du total, dépassés par les produits industriels qui représentent 31,3 % des importations.

2. La France en bonne place sur un marché concurrentiel

La part de marché de la France s'établit à 8,1 %, derrière les Etats-Unis (19,7 %) et l'Allemagne (9,5 %), mais devant l'Italie (8 %), le Japon et le Royaume-Uni.

Toutefois, la compétition reste vive, renforcée par l'ouverture du marché et les perspectives qu'offre la libéralisation de l'économie égyptienne. Les premiers partenaires commerciaux de l'Egypte ont connu des taux de progression de leurs exportations très forts pour 1997 : + 22 % pour les Etats-Unis, + 26 % pour l'Allemagne...

La présence française se manifeste aussi au travers de grandes réalisations qui contribuent fortement à l'image de notre pays : le métro du Caire, la vente de 32 avions Airbus depuis les années 70, la gestion et la distribution de l'eau (60 % de l'eau consommée au Caire est produite par des unités françaises) et les télécommunications. Les grands contrats représentent près de la moitié des ventes de la France.

3. La forte progression des investissements français en Egypte

Les investissements français en Egypte ont repris à partir de la moitié des années 70, après la mise en place de la politique du Président Sadate et la signature d'un accord franco-égyptien de promotion et de garantie réciproque des investissements en 1974.

Entre 1993 et le début 1996, les investissements français en Egypte ont stagné. Toutefois, une nette reprise est constatée depuis 1996. Les investissements français en Egypte représentent aujourd'hui 3,5 milliards de francs, ce qui place notre pays en 2 ème position parmi les pays occidentaux, derrière les Etats-Unis, mais devant la Suisse, la Grande-Bretagne et l'Allemagne.

La structure des investissements français en Egypte est dominée par le secteur des télécommunications, suivi du secteur bancaire, du secteur touristique et d'implantations industrielles diverses.

France Télécom a investi 1,5 milliard de francs dans le développement d'un réseau de téléphonie mobile. Lafarge a repris la cimenterie de Beni Suef (665 millions de francs) et EDF va construire deux centrales électriques.

Tirant parti de la nouvelle loi bancaire égyptienne du 30 juin 1996, trois banques françaises (la Société Générale, le Crédit commercial de France et la BNP) ont accédé, par rachats d'actions, à la majorité des " joint-ventures " bancaires. En outre, le Crédit lyonnais et Paribas disposent de succursales.

Le groupe ACCOR est le premier groupe touristique étranger en Egypte. Il gère 21 hôtels, deux bateaux restaurants, un bateau de croisière. Il emploie 5.245 personnes et a investi plus de 70 millions de francs au travers de sept sociétés de droit local.

B. UNE CONVENTION QUI PÉNALISAIT LES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES DE LA FRANCE

La convention fiscale franco-égyptienne conclue le 19 juin 1980 était destinée à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale.

Toutefois, depuis cette date, l'Egypte a consenti à certains de ses partenaires économiques des dispositions conventionnelles plus favorables que celles qui figurent dans la convention franco-égyptienne. En conséquence, les entreprises françaises se trouvent pénalisées par rapport à leurs principales concurrentes sur le marché égyptien.

Ainsi, jusqu'à présent, elles font l'objet d'un prélèvement à la source appliqué par l'Egypte sur les intérêts et les redevances de 25 %, alors que certaines entreprises allemandes ou italiennes sont imposées à un taux réduit de 15 %.

De même, les dividendes des entreprises françaises subissent une retenue à la source de la part de l'Egypte de 5 % ou 15 % selon les cas, alors que certaines conventions fiscales signées avec des pays comme l'Allemagne ou l'Italie prévoient que les dividendes sont imposables exclusivement dans l'Etat de résidence.

Il apparaissait donc important d'actualiser la convention franco-égyptienne afin de supprimer les distorsions de concurrence qui pénalisent les entreprises françaises et afin de favoriser le dynamisme de nos relations commerciales.

II. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE L'AVENANT À LA CONVENTION DU 19 JUIN 1980

A. LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES À LA CONVENTION DU 19 JUIN 1980

1. L'extension du champ d'application de la convention

L'article 1 er de l'avenant introduit dans le champ d'application de la convention, en ce qui concerne la France, l'impôt de solidarité sur la fortune ainsi que la taxe sur les salaires. Cette modification permet d'actualiser la liste des impôts visés par la convention.

2. L'imposition des revenus de biens immobiliers au lieu de situation de ces biens

L'article 3 de l'avenant complète l'article 6 de la convention relatif aux revenus immobiliers. Il permet à la France de faire prévaloir les spécificités de sa législation fiscale en ce qui concerne les revenus des sociétés à prépondérance immobilière. Ainsi, lorsque la propriété d'actions, parts ou autres droits dans une société donne droit au propriétaire ou à l'usufruitier à la jouissance de biens immobiliers situés dans un Etat contractant et détenus par cette société, les revenus que le propriétaire ou l'usufruitier tire de son droit de jouissance ne sont imposables que dans cet Etat.

De même, l'article 8 prévoit que les gains tirés de l'aliénation de droits sociaux ou autres droits dans des entités dont l'actif est principalement constitué de biens immobiliers sont imposables dans l'Etat du lieu de situation de ces biens.

3. L'application des dispositions relatives aux bénéfices pour l'imposition des revenus entrant dans la détermination des bénéfices

L'article 4 de l'avenant restreint la portée du paragraphe 7 de l'article 7 de la convention. Conformément aux modèles internationaux de convention fiscale, ce paragraphe précise le champ d'application de l'article relatif aux bénéfices des entreprises par rapport aux autres articles visant une catégorie particulière de revenus.

Or, l'article 22 de l'actuelle convention fiscale franco-égyptienne accorde à chaque Etat le droit d'imposer, selon sa législation, les revenus non visés dans un article de la convention.

Il importait donc de compléter la rédaction de l'article 7 de la convention pour prévenir l'application de l'article 22 à des revenus qui ne font pas l'objet d'une qualification juridique particulière mais qui entrent normalement dans la détermination des bénéfices des entreprises.

4. L'allégement de la taxation sur les intérêts et sur les redevances

L'article 6 de l'avenant abaisse le taux de la retenue à la source sur les intérêts de 25 % à 15 %. Une disposition identique figure déjà dans les conventions plus récentes signées par l'Egypte avec ses partenaires économiques.

En outre, l'avenant permet de confirmer l'exonération de retenue à la source qui s'applique aux intérêts versés à raison des prêts accordés, garantis ou assumés par la COFACE.

Il convient de rappeler que le paragraphe 4 de l'article 11 de la convention du 19 juin 1980 permettait cette exonération parce que la COFACE était un organisme public. Toutefois, lorsque cette dernière a été privatisée, les autorités égyptiennes ont estimé que les intérêts payés au titre de tels prêts ne pouvaient plus bénéficier d'une exonération.

Par ailleurs, l'article 7 supprime la possibilité de prélever une retenue à la source de 25 % sur certaines redevances, comme les marques de fabrique. Désormais, les redevances feront l'objet d'un retenue limitée dans tous les cas à 15 % de leur montant brut.

5. L'harmonisation de la taxation sur les gains en capital

L'article 8 de l'avenant supprime le paragraphe 4 de l'article 13 de la convention qui, contrairement au modèle de convention fiscale de l'OCDE, permettait à chaque Etat contractant d'imposer conformément à sa législation interne les gains de capital non visés à d'autres articles de la convention, comme par exemple les plus-values de cession d'actions. Désormais, l'Etat dont le cédant est un résident a un droit exclusif de ces gains.

B. UNE CONVENTION DONT CERTAINES DISPOSITIONS S'ÉLOIGNENT DU MODÈLE DE L'OCDE

1. L'imposition des dividendes dans l'Etat de résidence

Jusqu'à présent, la convention actuelle permet à l'Etat de la source de faire un prélèvement sur les dividendes dans la limite de 5 % ou 15 % selon les cas.

L'article 5 insère un nouvel article 10 dans la convention qui pose le principe de l'imposition exclusive des dividendes dans l'Etat de résidence de leur bénéficiaire effectif. Cela permet donc de supprimer l'imposition à la source des dividendes de source égyptienne versés à des résidents de France.

Cette disposition va au-delà du modèle de l'OCDE qui prévoit l'application de retenues à la source.

2. L'allégement de la taxation sur les intérêts et sur les redevances

L'article 6 de l'avenant abaisse le taux de la retenue à la source sur les intérêts de 25 % à 15 %. Une disposition identique figure déjà dans les conventions plus récentes signées par l'Egypte avec certains de ses partenaires économiques comme l'Allemagne et l'Italie. Le dispositif adopté ne correspond cependant pas encore à celui prôné par le modèle de l'OCDE qui recommande une retenue plafonnée à 10 %.

Par ailleurs, l'article 7 supprime la possibilité de prélever une retenue à la source de 25 % sur certaines redevances, comme les marques de fabrique. Désormais, les redevances feront l'objet d'un retenue limitée dans tous les cas à 15 % de leur montant brut. Malgré cette modification, la taxation des redevances reste éloignée du modèle de l'OCDE qui retient le principe d'une imposition exclusive des redevances dans l'Etat de résidence de leurs bénéficiaires.

3. L'imposition des revenus des professions indépendantes

L'article 9 de l'avenant apporte une modification à l'article 14 de la convention relatif aux professions indépendantes. Il porte de 120 à 183 jours la durée de séjour à partir de laquelle les revenus qu'un résident d'un Etat tire de l'exercice d'une profession libérale dans l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat.

Cette mesure restreint les cas d'imposition dans l'Etat de la source et constitue donc une avancée notable par rapport à la convention initiale. Toutefois, l'avenant continue d'accorder à l'Etat de la source un droit d'imposer plus large que le modèle de l'OCDE puisque ce dernier prévoit que les revenus des professions libérales sont imposables dans l'Etat de la source seulement lorsqu'ils sont imputables à une base fixe que les bénéficiaires auraient à leur disposition dans cet Etat. Ce serait le cas par exemple d'un médecin français qui ferait des vacations dans un hôpital égyptien dans lequel il disposerait d'une salle de consultation.

4. Le maintien de l'octroi par la France d'un crédit d'impôt fictif

Le crédit d'impôt fictif est un système d'incitation à l'investissement. Il consiste à accorder un crédit d'impôt aux entreprises investissant dans le pays signataire de la convention d'un montant égal à l'impôt que celles-ci auraient dû payer dans ledit pays si certaines dispositions particulières ne les avaient pas exonérées.

La convention du 19 juin 1980 permet d'octroyer un crédit d'impôt égal à 25 % du montant brut des dividendes, ou à l'impôt égyptien s'il est supérieur à ce montant, dans la limite de l'impôt français afférent à ces revenus.

Selon les informations obtenues par votre rapporteur, les autorités égyptiennes souhaitaient maintenir le principe d'un crédit d'impôt fictif, qui est d'ailleurs conforme à la pratique conventionnelle française avec les pays d'un niveau de développement économique comparable à celui de l'Egypte.

L'article 10 de l'avenant fixe cependant des conditions strictes à l'octroi de ce crédit d'impôt.

D'abord, il s'appliquera uniquement aux revenus provenant d'activités agricoles ou industrielles auxquels la législation fiscale égyptienne accorde une exonération d'impôt à des fins de développement économique. Le montant de ce crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt qui aurait dû être payé en Egypte sur ces revenus en l'absence de cette législation incitative.

Ensuite, cette disposition ne s'appliquera que jusqu'au 31 décembre 2009, sauf reconduction par accord entre les autorités compétentes des deux Etats.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 10 janvier 2001, sous la présidence de M. Roland du Luart, vice-président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Jacques Chaumont, à l'examen du projet de loi tendant à autoriser l'approbation de l'avenant à la convention du 19 juin 1980 entre la France et l'Egypte.

Elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption du projet de loi dont le texte suit :

" Article unique

Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République arabe d'Egypte en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 19 juin 1980, signé au Caire le 1 er mai 1999 et dont le texte est annexé à la présente loi. "

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