B. LE REFUS PAR LE JUGE JUDICIAIRE DE TOUTE INDEMNISATION

1. Une responsabilité médicale fondée sur la faute

En droit privé, d'une façon générale, la responsabilité médicale est restée fondée sur la faute.

Les difficultés liées à l'indemnisation de l'aléa médical par le juge judiciaire se déduisent de sa définition même puisque l'aléa est la conséquence d'un acte non fautif du médecin alors que, précisément, tout le régime de la responsabilité de ce professionnel est fondé sur la notion de faute.

La relation médicale de droit privé suppose un contrat conclu entre le médecin et son patient, contrairement à celle du droit public, en vertu de laquelle le patient apparaît comme l'usager d'un service public.

Or, il est admis, depuis l'arrêt Mercier de 1936, que le contrat médical ne met à la charge du médecin qu'une obligation de moyens. Ce dernier s'engage ainsi à assurer personnellement au patient des soins " consciencieux, attentifs " et fondés sur les " données acquises de la science ".

Il résulte de cette position que le patient doit prouver la faute commise par le médecin dans l'exercice de son art.

Le champ de la responsabilité médicale a certes été progressivement étendu.

La Cour de cassation a ouvert la première brèche en dispensant la victime de prouver l'existence d'une faute en cas d'infection nosocomiale (1996), puis en exigeant que le médecin apporte la preuve qu'il a suffisamment informé son patient des risques encourus (1997), et ce, même si le risque est exceptionnel (1998).

Mais, surtout, elle a institué à la charge des médecins une véritable " obligation de sécurité de résultat ", donc une responsabilité purement objective, en cas d'utilisation de dispositifs médicaux (1985), de médicaments ou de produits du corps humain (1995). En ce cas, selon l'expression de M. Pierre Sargos, Conseiller à la Cour de Cassation, c'est bien une " exigence de perfection, d'absence de tout défaut ", qui pèse sur le médecin.

Pour autant, le Cour de Cassation n'a pas renoncé aux fondements de la responsabilité du praticien telle que retenue en 1936. Elle refuse donc d'indemniser l'aléa thérapeutique, la responsabilité du médecin -et par voie de conséquence l'indemnisation du patient victime- restant tributaire de la preuve de sa faute.

2. Le refus par la Cour de Cassation d'indemniser l'accident médical non fautif

Dans un arrêt de principe du 8 novembre 2000, le Cour de Cassation a ainsi solennellement rappelé que l'accident médical non fautif ne peut engager la responsabilité du médecin. La formation plénière de la première chambre civile a réaffirmé que " la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient ".

La Cour de cassation a donc refusé d'étendre la responsabilité des médecins à l'aléa médical, c'est-à-dire à la réparation de l'accident médical pur, celui qui est inhérent à l'acte lui-même et sans faute aucune du médecin.

Si l'on en croit les conclusions de l'avocat général Roehrich, deux arguments l'ont convaincue de ne pas s'engager dans cette voie.

D'une part, retenir une responsabilité pour risque généralisée aurait, en faisant disparaître de facto la notion de faute, profondément affecté la relation médecin-malade et bouleversé le droit de la responsabilité médicale.

D'autre part, puisque, en matière de réparation du préjudice, la loi est fondée sur le principe de l'indemnisation intégrale, les conséquences financières d'un tel revirement de jurisprudence, même limité aux accidents individuels, excluant donc les risques " sériels ", auraient été considérables.

En d'autres termes, la haute juridiction a estimé qu'il appartenait au législateur -et à lui seul- de faire un tel choix.

Cette décision est sage. C'est bien au Gouvernement et au Parlement d'assumer ici leurs responsabilités.

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