II. L'ÉVOLUTION DE LA COOPÉRATION SPATIALE FRANCO-RUSSE

Initiée en 1966, la coopération franco-russe dans le domaine de l'espace a donné lieu à de nombreuses réalisations. A partir de 1996, les applications industrielles et commerciales ont pris le pas sur les projets à dominante scientifique. La création de Starsem , société commune franco-russe, symbolise cette nouvelle orientation par laquelle notre pays souhaite améliorer sa position sur le marché des lancements spatiaux.

Dans ce contexte, le protocole franco-russe du 12 janvier 1999 répond à une nécessité. Il définit le régime douanier et fiscal applicable aux échanges industriels liés à la coopération spatiale bilatérale et par là même, il doit influer positivement sur la compétitivité du partenariat franco-russe dans le domaine des lanceurs spatiaux, soumis à une rude concurrence internationale.

A. UNE COOPÉRATION RECENTRÉE SUR LES OBJECTIFS INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX

La coopération franco-russe dans le domaine spatial a été engagée à partir de 1966 et a utilement contribué à l'accès de notre communauté scientifique au meilleur niveau mondial, en lui ouvrant l'utilisation des moyens alors considérables affectés au programme spatial soviétique. De fait, la France est restée, jusqu'à la fin des années 1980, le premier partenaire occidental de Moscou en matière spatiale.

Cette coopération a principalement porté sur le domaine des sciences de l'univers et celui des sciences de la terre. En 1972, un premier satellite français était lancé par une fusée soviétique. A partir de 1982, date de la participation du cosmonaute français Jean-Loup Chrétien à la mission de la station Salyout 7, les vols habités sont devenus un élément essentiel de cette coopération.

La prépondérance de la coopération industrielle et commerciale s'est pour sa part affirmée à partir de 1996.

1. L'accord de coopération de 1996 consacre la prépondérance des aspects industriels et commerciaux

Dès 1992, Paris et Moscou ont adapté leur coopération scientifique et technologique aux changements politiques et économiques intervenus en Russie. L'accord de coopération spatiale du 26 novembre 1996 met particulièrement en exergue le développement de la coopération industrielle et commerciale dans le domaine des systèmes et des services de lancement .

Afin de favoriser ces activités conjointes impliquant des entreprises ou des organismes industriels et commerciaux, publics ou privés, des deux Etats, l'accord comporte une série de dispositions à portée pratique telles que :

- la protection des droits de propriété intellectuelle, l'accès aux résultats des recherches et travaux conjoints,

- le principe d'une exemption des droits et taxes sur les marchandises importées pour un lancement effectué dans l'espace extra-atmosphérique.

Le contenu de cet accord est révélateur du poids désormais prépondérant de la dimension financière, y compris pour les activités scientifiques. A la coopération sans échanges de fonds pratiquée du temps de l'Union soviétique se substituent des partenariats pour lesquels toutes les prestations sont facturées.

Durant ces cinq dernières années, la coopération franco-russe a été particulièrement marquée :

- en matière de vols habités , par la négociation avec la Russie les conditions de participation d'astronautes européens aux missions de la future station spatiale internationale,

- en matière de navigation par satellites , par la conduite d'études communes sur les scénarios de coopération pour la réalisation du système européen Galileo,

- dans le domaine de l'observation de la terre , par la recherche de nouvelles coopérations sur l'utilisation des données d'observation,

- dans le domaine des lanceurs , par la création d'une société commune chargée d'exploiter et de commercialiser le lanceur Soyouz.

2. La société Starsem et la coopération dans le domaine des lanceurs

Créée en 1996, Starsem est une société anonyme de droit français ayant pour raison sociale la commercialisation et l'exploitation sur le marché international des lanceurs russes de la famille Soyouz depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan. Directement issu de la fusée qui lança le premier satellite artificiel en 1957, le lanceur Soyouz occupe une position phare dans l'histoire spatiale russe. Depuis près de 35 ans, il cumule à lui seul plus de lancements que tous les autres lanceurs mondiaux réunis. Plus de 1600 exemplaires de lanceurs de la famille Soyouz ont été lancés, avec une fiabilité de 0,982, ce qui en fait l'un des systèmes les plus sûrs du monde.

La création de Starsem met le système Soyouz, parvenu à un degré de maturité exceptionnel, au service des lancements commerciaux, dans le cadre d'un partenariat franco-russe. Adapté à la mise en orbite de constellations de petits satellites en orbite basse, le lanceur Soyouz, grâce à ce partenariat, permet à l'Europe de mieux répondre aux besoins du marché international en offrant, en complément d'Ariane, une gamme plus étendue de services.

Le capital de la société Starsem , qui s'élève à 60 millions de dollars, est détenu à parité par des actionnaires européens (EADS 35 %, Arianespace 15 ) et russes (Rosaviacosmos 25 %, Centre Spatial de Samara 25 %).

Le centre spatial de Samara réunit le Bureau d'études centralisé (TsSKB) et l'usine Progress. C'est l'un des centres spatiaux les plus importants de Russie qui développe, construit et lance, entre autres, les fusées Soyouz. L'Agence aéronautique et spatiale russe, Rosaviacosmos, assure l'accès du cosmodrome de Baïkonour et a la charge des opérations de lancement. Pour la partie française, EADS, principal industriel euorpéen du transport spatial, apporte son savoir-faire pour l'adaptation des lanceurs aux différentes charges utiles, alors qu'Arianespace assure la commercialisation des lanceurs.

Dotée d'un effectif d'une quarantaine de spécialistes internationaux (Europe, Russie, Etats-Unis), Starsem réalise en moyenne un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 100 millions de dollars . Pour se doter des moyens nécessaires à la commercialisation des services de lancement utilisant Soyouz depuis Baïkonour, Starsem a effectué des investissements en Russie et à Baïkonour de l'ordre de 100 millions de dollars :

- construction de salles blanches pour la préparation des satellites, similaires à celles existant sur les champs de tirs aux Etats-Unis et à Kourou,

- mise à niveau de deux pas de tir,

- construction d'un hôtel sur le cosmodrome pour accueillir les clients,

- développement d'étages supérieurs réallumables, Ikar et Fregat, destinés à adapter le lanceur Soyouz aux spécifications des clients .

Starsem mène actuellement le développement d'une version évoluée du lanceur Soyouz, dénommée Soyouz/ST, pour en optimiser les capacités en termes de performances, de volume offert aux charges utiles et de souplesse d'utilisation (capacité de manoeuvre en vol apportée par l'implantation d'un système de pilotage numérique). Il est prévu que Soyouz/ST soit qualifié en vol l'an prochain et débute son exploitation commerciale à la fin de 2002.

Le marché visé par Starsem est constitué principalement des constellations de satellites en orbite basse , des missions scientifiques de taille moyenne et des missions d'observation de la Terre.

En ce qui concerne les constellations, Starsem a d'ores et déjà mis en orbite vingt-quatre satellites du système Globalstar de téléphonie mobile entre février et novembre 1999 à l'aide de six lanceurs Soyouz équipés de l'étage supérieur Ikar. Les contrats signés avec Globalstar prévoient encore un lancement ferme pour la maintenance de la constellation, et plusieurs options. Avec la moitié de la constellation déployée par ses soins, Starsem se positionne comme le concurrent direct de Boeing sur ce segment de marché. Cette situation est confirmée avec le projet SkyBridge développé par Alcatel, pour lequel Starsem a été choisi pour lancer près de la moitié de la constellation (trente-deux satellites) à l'aide de onze lanceurs Soyouz/ST. Des options supplémentaires augmenteraient ce nombre en fonction de la stratégie finale de déploiement et de maintenance de la constellation choisie par SkyBridge. Le lancement de l'autre moitié de la constellation (quarante satellites) a été confié à Boeing.

Sur le marché des lancements de missions scientifiques, Soyouz est en voie d'être le lanceur de référence de l'Agence spatiale européenne pour les missions de taille intermédiaire. Starsem a ainsi lancé avec succès en juillet et en août derniers quatre satellites Cluster II répartis sur deux lanceurs équipés de l'étage supérieur Fregat. Starsem a par ailleurs conclu un autre contrat avec l'Agence spatiale européenne pour le lancement en 2003 de la sonde Mars Express.

Enfin, l'organisation européenne de météorologie par satellite Eumetsat a confié à Starsem le lancement des satellites d'observation Metop qui constituent le premier système européen sur orbite polaire consacré à la météorologie opérationnelle et à la surveillance du climat. Le contrat de lancement prévoit à partir de 2005 deux lancements fermes et une option pour un troisième satellite. Il est la première concrétisation de la stratégie de gamme européenne de lanceurs décidée par Arianespace.

La situation de haute compétitivité des services offerts par Starsem fait désormais de Soyouz un lanceur particulièrement complémentaire d'Ariane 5 dédié au marché des satellites géostationnaires lourds de télécommunications. C'est ainsi que la société Arianespace a défini une stratégie commerciale de gamme européenne de lanceurs, constituée d'Ariane 5, de Soyouz et de Rockot pour occuper les différents créneaux du marché. Cette stratégie s'accompagne d'une synergie croissante des activités d'Arianespace et de Starsem comme l'atteste la conclusion du contrat avec Eumetsat pour le lancement des satellites Metop.

Par ailleurs, tirant parti de la création d'EADS, actionnaire des trois principales sociétés de services de lancement existant en Europe (Arianespace, Starsem, Eurockot), Starsem a établi avec Eurockot un accord de partenariat destiné à harmoniser l'activité des deux opérateurs afin de renforcer la cohérence du positionnement européano-russe sur le marché international.

EADS LAUNCH VEHICLES,
PARTENAIRE MAJEUR DE STARSEM POUR LA COMMERCIALISATION DU LANCEUR SOYOUZ

Filiale à 100 % d'EADS, initiatrice et principale actionnaire de la société Starsem, EADS Launch Vehicles , issue d'Aérospatiale Matra Lanceurs, occupe une place majeure dans le fonctionnement de Starsem.

Industriel du transport spatial civil et militaire , EADS Launch Vehicles développe le lanceur Ariane et les missiles balistiques français. Au sein de Starsem, la société s'est vu confier diverses tâches industrielles et apporte son savoir faire à plusieurs niveaux.

Elle participe à la coopération avec le Centre spatial de Samara, qui assure la production des fusées Soyouz, pour le développement des lanceurs Soyouz Ikar, Soyouz Fregat et Soyouz ST.

Elle a conçu et fait réaliser au centre de lancement de Baïkonour trois salles " blanches " vouées à la préparation des charges utiles.

Ses ingénieurs supervisent, à Baïkonour, les opérations d'installation des charges utiles sur le lanceur.

Enfin, elle développe pour le compte de Starsem les structures d'adaptation des satellites au lanceur.

Ainsi, l' établissement de Saint Médard en Jalles, en Gironde, a étudié, fabriqué, testé et qualifié le " dispenseur " destiné à adapter les satellites au lanceur Soyouz. Cette structure permet d'embarquer sous la coiffe Soyouz Fregat un ensemble de quatre satellites et d'assurer la mise en orbite avec précision. Six dispenseurs de charges utiles multiples ont été livrés à Starsem pour le lancement de 24 satellites de la constellation Globalstar.

Starsem a également confié à EADS Launch Vehicles la conception et la réalisation des adaptateurs de charge utile pour les satellites d'astronomie Cluster II, lancés l'an dernier par Soyouz pour le compte de l'Agence spatiale européenne. Cette fabrication a été sous-traitée à l'industriel espagnol CASA.

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