Rapport n° 343 (2000-2001) de M. Alain LAMBERT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 mai 2001

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N° 343

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 29 mai 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la proposition de loi organique, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative aux lois de finances ,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2540 , 2908 et T.A. 640

Sénat : 226 (2000-2001)

Lois de finances.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

INTRODUCTION

Depuis longtemps, votre commission des finances appelle de ses voeux une réforme de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Votre rapporteur en exprima souvent le souhait à l'époque où il était rapporteur général, de juin 1995 à octobre 1998. Ayant rapporté trois lois de finances initiales, et investi d'une compétence générale sur le budget de l'État, il a rapidement éprouvé les limites de cette ordonnance, tant dans son maniement pour le Parlement que dans sa pertinence pour la connaissance de la situation des finances publiques, et pour la gestion de l'État. A plusieurs reprises, à la tribune du Sénat, et dès avant les utiles initiatives de Laurent Fabius et de Didier Migaud, votre rapporteur a demandé cette réforme. Le moment est venu de franchir le pas.

Obsolète comme instrument de gestion publique (elle n'a pas empêché dette et déficit publics de se creuser) et comme norme de relations entre le Parlement et le Gouvernement (le consentement à l'impôt est aujourd'hui aveugle), l'ordonnance de 1959 apparaît toutefois aux yeux de certains observateurs comme un « totem » normatif de la cinquième République. Or les vertus qu'on lui prête à ce titre -le vote du budget en temps et en heure, le maintien de la cohérence des politiques budgétaires par restriction du droit d'amendement parlementaire- ne sont pas les siennes, mais celles de la Constitution. A la demande du Président de la République et du Premier ministre, l'Assemblée nationale et le Sénat n'entendent pas modifier cette dernière. La présente proposition de loi organique, déférée automatiquement au Conseil constitutionnel, sera nécessairement astreinte au respect de la Constitution.

Considérée par le Conseil d'État comme une proposition de loi organique relative au Sénat 1 ( * ) , le présent texte place notre assemblée face à ses responsabilités.

Elle a la possibilité de prendre la réforme en main, de la faire réussir comme de la faire échouer. Votre rapporteur ne recommande pas cette dernière voie. D'abord, il rappelle que le Président de la République, Jacques Chirac, le Premier ministre, Lionel Jospin et son prédécesseur Alain Juppé, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ensemble, Raymond Forni et Christian Poncelet, ont apporté leur soutien à cette entreprise. Au surplus, un échec risquerait de dégrader l'image du Sénat en considérant notre assemblée comme incapable d'aller de l'avant ; en outre, elle rendrait au gouvernement une initiative prise par le Parlement. Enfin, la présente proposition de réforme rapprocherait la France des pays ayant adopté les pratiques budgétaires et comptables les plus modernes.

Vouloir la réussite de l'entreprise ne signifie naturellement pas accepter n'importe quelle réforme. Notre assemblée a le devoir de marquer cette proposition de l'empreinte profonde de sa longue expérience. C'est, avec le dépôt de plus de 168 amendements, ce que vous propose votre commission des finances.

L'enjeu est en effet considérable. Voulons-nous que le produit de l'impôt prélevé sur les Français soit employé dans leur intérêt exclusif ? Voulons-nous que pour le même impôt payé, le service rendu puisse être le meilleur possible ?

Tels sont les enjeux de cette réforme, telles sont les questions que se pose le Sénat.

I. RÉFORMER L'ORDONNANCE DE 1959 : UNE NÉCESSITÉ AVÉRÉE

A. UNE REVENDICATION ANCIENNE DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

1. Les sept piliers de la sagesse budgétaire

Votre rapporteur, rapporteur général de 1995 à 1998, avait perçu les limites de l'ordonnance de 1959. Dès juillet 1997, à l'occasion de l'audit des finances publiques demandé par le nouveau gouvernement, il en a demandé la modification. En novembre de la même année, à l'occasion du débat sur le projet de loi de finances pour 1998, il a rendu publics quelques principes pouvant servir à cette réflexion. A l'époque, celle-ci n'était pas engagée. L'encadré ci-après est extrait du tome I du rapport général publié en novembre 1997.

Les sept piliers de la sagesse budgétaire 2 ( * )

Rétablir la « sincérité » de la loi de finances

Au fil des années, la loi de finances est devenue un document à rendre perplexe un commissaire aux comptes. Le projet présenté au Parlement est incomplet (les fonds de concours n'y figurent pas), contracté (près de 250 milliards de francs de prélèvements sur recettes sont des charges n'apparaissant pas), hétérogène (des dépenses identiques sont traitées différemment selon qu'elles figurent au budget de l'État ou dans des comptes spéciaux du Trésor).

Ainsi, le budget voté pour 1995 prévoyait 1.616 milliards de dépenses à caractère définitif. En loi de règlement 3 ( * ) , le montant des charges s'est en définitive établi à 3.757 milliards de francs, soit une différence de 2.141 milliards de francs . Il est nécessaire de faire apparaître la réalité : le budget de l'État atteint 2.369 milliards en total net des crédits ouverts, et dépasse le budget social (2.300 milliards).

Institutionnaliser la distinction entre l'investissement et le fonctionnement.

Depuis 1992, une part du déficit budgétaire (115 milliards de francs en 1997) finance des dépenses courantes : l'État s'endette pour vivre au jour le jour. Sans en avoir conscience, nous laissons ainsi à nos enfants le soin et la charge de régler demain nos consommations d'aujourd'hui. Cette atteinte aux droits des générations futures n'est pas admissible. Par analogie avec la « règle d'or » inscrite dans la Constitution allemande, elle appelle une réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, identifiant la section de fonctionnement de l'État et les conditions de son équilibre obligatoire, seul l'investissement étant dorénavant financé par l'emprunt .

Certifier les méthodes comptables

L'évolution rapide des phénomènes économiques ne permet pas de comparer des projets de loi de finances à « structure constante ». Cette instabilité inévitable -mais irritante- doit être corrigée par la présentation au Parlement, sous le contrôle de la Cour des comptes, d'une annexe au projet de loi de finances recensant les modifications de présentation budgétaire. Inspirée du principe comptable de « permanence des méthodes », cette réforme préviendra les polémiques sur les « débudgétisations ».

Instaurer une procédure de suivi des dépenses sociales

Le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale implique que le Parlement puisse en contrôler l'exécution en cours d'année. Cela suppose la création d'indicateurs mensuels rendus d'autant plus nécessaires que les comptes sociaux se caractérisent par leur extrême émiettement et que les chiffres de l'ACOSS ne sont pas rendus publics.

Accélérer la mise en oeuvre de la comptabilité patrimoniale

L'appréciation de la fidélité des documents budgétaires implique une amélioration de la comptabilité patrimoniale de l'État, dans le sens des travaux initiés par Jean Arthuis. En effet, les déclassements d'opérations budgétaires en opérations de trésorerie, la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire de l'État et les systèmes de vases communicants entre le budget général et les comptes des entreprises publiques ne sont finalement retranscrits que dans le compte de la dette et non dans les lois de finances. Les pertes en capital n'apparaissent pas, et pas davantage les charges de retraite non provisionnées.

Moderniser les procédures de régulation budgétaire

Les rapports de la Cour des comptes fournissent, chaque année, les exemples d'une « comptabilité créatrice » visant tant à lisser sur plusieurs exercices, qu'à réguler en cours d'année les flux de dépenses et de recettes. L'ordonnance de 1959 n'est plus respectée : les conditions mises à la publication de décrets d'avance, d'arrêtés d'annulation et de textes créant des dépenses nouvelles 4 ( * ) ne sont plus appliquées. Elles doivent être adaptées.

En revanche, et malgré quelques améliorations récentes, le Parlement ne peut accepter d'être mis en permanence devant des faits accomplis, d'apprendre que des correctifs sont apportés à la loi de finances dont l'encre est à peine sèche, voire de constater que des crédits annulés au printemps sont rétablis à l'automne. Deux pistes méritent d'être explorées . La Cour des comptes pourrait être saisie pour avis du projet de loi de finances -à l'image du Conseil d'Etat- et porter un jugement sur l'adéquation du niveau des dotations inscrites. Les commissions des finances devraient être appelées à débattre des régulations mises en oeuvre.

Fixer un nouveau rendez-vous budgétaire

Les grandes entreprises arrêtent des comptes semestriels. L'État ne s'impose pas cette discipline. Il convient donc que le Parlement soit saisi, en fin de premier semestre, d'un état commenté de l'exécution des comptes publics, analogue au travail commandé aux deux magistrats de la Cour des comptes 5 ( * ) -dont l'élaboration pourrait être confiée à la Cour dans l'esprit de l'article 47 de la Constitution. Un jugement politique pourra alors être porté sur la pertinence de l'exécution de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.

Dans les grandes lignes, ces réflexions, essentiellement comptables ou relatives à l'exécution du budget, restent valables aujourd'hui.

La pensée de votre rapporteur s'est cependant approfondie sur certains sujets, en particulier sur la « Règle d'or ». Votre commission considère toujours qu'il s'agit d'une saine pratique budgétaire, recommandée d'ailleurs par la Cour des comptes et par l'Union européenne. Elle ne recommande plus toutefois que cette règle soit inscrite dans la loi organique , car elle viendrait inévitablement, un jour ou l'autre, à être transgressée ou détournée. En outre, cette règle serait difficilement compatible, du fait de sa rigidité, avec la fongibilité des crédits inscrite dans la nouvelle loi ( cf. infra ).

Votre commission demande en revanche que les pouvoirs publics, Gouvernement et Parlement, soient dotés d'un instrument comptable leur permettant de savoir si le fonctionnement sera probablement financé par emprunt, ou s'il l'a effectivement été, de manière à être contraints de décider clairement et à assumer les mesures correctrices nécessaires .

Le pouvoir politique doutant légitimement de sa vertu est souvent tenté de l'écrire dans la loi . Votre rapporteur considère aujourd'hui que la vertu sera mieux garantie par un éclairage comptable fiable obligeant ainsi Gouvernement et Parlement à assumer pleinement leur responsabilité à l'égard des générations futures.

2. Les budgets « alternatifs » du Sénat, et leurs limites

Le Sénat est parfois dans l'opposition, et le Gouvernement n'est pas responsable devant lui. Il est donc fondé à présenter, s'il le souhaite, des propositions de budget différentes de celle du Gouvernement. C'est ce qu'il fit pour 1998 à l'initiative de votre rapporteur, et pour 1999 à celle de l'actuel rapporteur général, Philippe Marini. Il s'est agi, dans ces deux cas, de réduire quelque peu les dépenses (environ 25 milliards de francs) -non dans l'absolu, mais par rapport au projet gouvernemental- pour pouvoir réduire les impôts à due concurrence pour 1998, et pour pouvoir réduire le déficit et stabiliser la dette publique pour 1999.

L'exercice s'est révélé difficile, en raison de deux obstacles tenant à l'actuelle ordonnance, et qui seront levés dans la prochaine loi organique :

- le fait de ne pouvoir agir que sur les « mesures nouvelles », c'est-à-dire les crédits supplémentaires nouveaux demandés par les ministres, qui ne représentent que 7 % du budget général de l'État. Or pour certains ministères, les mesures nouvelles pouvaient être négatives dans le projet gouvernemental, ce qui rendait peu compréhensible toute diminution supplémentaire ;

- le fait de ne pas pouvoir proposer de redéploiement de dépenses, mais uniquement des diminutions « sèches » de crédits.

Le Sénat avait, en ces deux occurrences, voulu assumer ses responsabilités politiques, mais les budgets votés par lui auraient en pratique difficilement été applicables en l'état. Le gouvernement lui en avait d'ailleurs fait reproche avec malice : il n'était pas possible de s'affranchir des règles de l'ordonnance.

3. Les travaux récents

Plus récemment, votre commission a intensifié ses travaux en vue d'une réforme. Notre rapporteur général, Philippe Marini, alimente la réflexion depuis le budget de l'an 2000, à l'occasion de la rédaction du tome I du rapport général. Surtout, une série de travaux importants ont été entrepris à compter de l'année 2000 :

- A l'initiative de votre rapporteur général et de votre président, la commission des finances a obtenu les pouvoirs des commissions d'enquête afin de faire la lumière sur les conditions concrètes d'élaboration et d'exécution des lois de finances. Un rapport d'information a été publié en septembre 2000 6 ( * ) ;

- Mandaté par le bureau de votre commission au début de 1999, votre président a entrepris une étude en vue de réformer l'ordonnance de 1959. Au printemps 1999, il a demandé une contribution à la Cour des comptes sur ce qu'il convenait de changer dans l'ordonnance. Son rapport a été rendu public en octobre 2000 7 ( * ) ;

- Sur l'initiative conjointe de votre président et de l'organisation de coopération et de développement économique, un groupe des présidents et hauts responsables des commissions budgétaires du Parlement des 30 Etats membres de l'OCDE a été mis en place. Il a tenu une première réunion les 24 et 25 janvier dernier au Sénat sur le thème du « renforcement des pouvoirs des parlements nationaux dans le processus budgétaire ». Les actes de cette réunion seront prochainement publiés ;

- Dans la perspective de la réforme, notre collègue Joël Bourdin, président de la délégation du Sénat pour la planification, a effectué au cours de ce printemps deux travaux importants ; l'un relatif à l'information économique sur les administrations publiques en France 8 ( * ) ; l'autre sur l'information économique aux États-Unis 9 ( * ) , faisant en particulier le point sur les pouvoirs budgétaires du Congrès ;

- Enfin, notre collègue Gérard Braun, rapporteur spécial des crédits de la fonction publique et de la réforme de l'État, a effectué une étude comparative sur la réforme de l'État à l'étranger, dont les conclusions seront prochainement rendues publiques 10 ( * ) .

B. DES TRAVAUX CONVERGENTS AVEC CEUX DES AUTRES INSTITUTIONS PUBLIQUES

Votre rapporteur souhaite souligner que le mouvement en faveur d'une modernisation des procédures budgétaires est aujourd'hui généralisé, aussi bien en France qu'à l'étranger.

1. Les travaux de l'Assemblée nationale

Votre rapporteur ne s'étendra pas sur les démarches entreprises à l'Assemblée nationale, qui sont désormais bien connues. Il souhaite simplement rappeler pour mémoire :

- les travaux menés à l'initiative du président Philippe Séguin sur l'évaluation des politiques publiques en 1996 ;

- ceux menés à l'initiative du président Laurent Fabius en 1998, ayant abouti fin 1999 à créer la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) ;

- enfin, ceux du rapporteur général Didier Migaud en 2000, débouchant sur la présente proposition de loi organique.

Votre rapporteur salue l'initiative ainsi prise par l'Assemblée nationale , qui montre la capacité du Parlement à prendre en charge une réforme essentielle.

2. Les travaux menés au sein du gouvernement

Les initiatives en vue d'aboutir à une réforme législative s'accompagnent d'une réflexion intense au sein des administrations centrales, qui mérite d'être soulignée car elle est moins connue. Cette réflexion est copilotée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et par le ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État.

D'une part, sous la pression de votre commission notamment, et des exigences de transparence financière qu'elle a formulées, le gouvernement tente d'ores et déjà d'améliorer la présentation des comptes publics. Il a ainsi rebudgétisé en crédits de personnel 40 milliards de francs de « faux » fonds de concours depuis 1999. Depuis 2000, il s'efforce également de présenter la dette publique en droits constatés, d'établir progressivement un hors bilan de l'Etat 11 ( * ) , et a réalisé un compte simplifié du régime vieillesse des fonctionnaires de l'Etat. Les travaux relatifs à la comptabilité patrimoniale, entamés à l'initiative du ministre Jean Arthuis, ont été réactivés. Depuis juillet 1999, votre président et votre rapporteur général sont destinataires de la situation hebdomadaire budgétaire et financière de l'Etat.

D'autre part, sous l'impulsion du Premier ministre, les administrations ont formé plusieurs groupes de travail interministériels chargés de réfléchir aux conséquences sur la gestion publique et sur la réforme de l'Etat de la volonté de réforme exprimée par les parlementaires. Ces groupes de travail sont actuellement en phase de réflexion. Cette réflexion ne pourra d'ailleurs porter sur les conséquences pratiques de la réforme qu'après l'adoption de la présente proposition de loi organique.

Les sept groupes de travail interministériel

Groupe de travail n° 1 « Gestion des emplois et du personnel »

Groupe de travail n° 2 « Définition des programmes, mesure des résultats et démarches de performance »

Groupe de travail n° 3 « Déconcentration, délégation et gestion des crédits »

Groupe de travail n° 4 « Contrôles a priori et a posteriori »

Groupe de travail n° 5 « Organisation des services et des métiers »

Groupe de travail n° 6 « Gestion pluriannuelle des autorisations budgétaires »

Groupe de travail n° 7 « Gestion du changement et suivi des expérimentations ».

Enfin, l'administration travaille depuis 1996 à mettre au point un vaste projet informatique et comptable, dénommé ACCORD, destiné à établir une chaîne comptable interministérielle et une comptabilité d'exécution en droits constatés, aujourd'hui en phase d'expérimentation par l'administration centrale du ministère de l'intérieur.

Lorsqu'il a débuté ses travaux fin 1999 et au début de l'année 2000, votre rapporteur se souvient que l'enthousiasme des hauts fonctionnaires à l'idée d'une réforme de l'ordonnance de 1959 était au moins modéré, ce dont témoignent certains compte rendus des auditions qu'il a menées, et qui sont publiés en annexe de son rapport d'information n° 37.

Après les travaux du rapporteur général Didier Migaud, et ceux de votre commission dotée des pouvoirs des commissions d'enquête, l'approche des hauts fonctionnaires concernés a changé ; entre le début de ses travaux et leur achèvement en octobre 2000, votre rapporteur a perçu une évolution très sensible : les administrations centrales travaillent désormais ardemment à la mise en oeuvre de la réforme .

3. Les réflexions internationales engagées au sein de l'Organisation de coopération et de développement économique

Les liens établis par votre commission avec ses homologues des grands pays industrialisés (les 30 États membres de l'OCDE) lui ont permis de placer le mouvement de réforme français dans une perspective internationale. Lors de la réunion des 24 et 25 janvier au Sénat, il est clairement apparu qu'un vent de réforme soufflait sur la gestion publique des pays industriels.

Deux interventions de synthèse, n'émanant pas de parlementaires, mais l'une d'un professeur américain de finances publiques, M. Allen Schick, professeur à l'université du Maryland, et l'autre du secrétaire général du ministère des finances des Pays-Bas, président du groupe des hauts responsables du budget de l'OCDE, M. Gert Van Maanen, ont conforté votre rapporteur dans l'idée que la France ne devait pas rester à l'écart du mouvement.

Deux sujets abordés au cours de la réunion des présidents de commission des finances de l'OCDE

1. Le professeur Allen Schick : les parlements nationaux peuvent-ils retrouver un rôle effectif dans la politique budgétaire ?

Au cours de cette réunion, le professeur Schick a produit une démonstration très éclairante sur l'évolution du rôle du Parlement dans le processus budgétaire . Il a montré comment les Parlements des pays démocratiques, dont le pouvoir s'était initialement fondé sur le consentement à l'impôt et l'autorisation budgétaire, avaient été peu à peu dépossédés de ce pouvoir au profit des exécutifs, du fait notamment de la complexité croissante des budgets ainsi que de la place des États, devenue prépondérante, dans l'économie des nations développées.

Lors de la réunion des hauts responsables du budget des 21 et 22 mai dernier, le professeur a ainsi décrit l'évolution récente des relations entre le Gouvernement et le Parlement en matière budgétaire :

- La relation avec le Gouvernement détermine le rôle du Parlement dans la procédure budgétaire.

- L'ancienne relation avait trois caractéristiques :

* Gouvernement et Parlement étaient rivaux dans l'élaboration du budget,

* L'ascendant pris par le Gouvernement a signifié le déclin du Parlement,

* Dans de nombreux pays, le Parlement a manqué d'un véritable rôle budgétaire.

- La relation qui émerge a quatre caractéristiques :

* le Parlement participe à la définition de la politique budgétaire,

* le Parlement amende le projet de budget du Gouvernement,

* le Parlement spécifie les objectifs de performance,

* le Parlement contrôle les résultats.

Puis il a esquissé quatre scénarios possibles pour l'évolution future de ces relations :

1. Le Parlement est mieux informé mais il n'a pas d'influence sur le budget.

2. Les efforts du Parlement pour élaborer la politique budgétaire conduisent à un conflit avec le Gouvernement.

3. Le Parlement utilise de nouveaux moyens pour responsabiliser le Gouvernement aux résultats.

4. Le Parlement et le Gouvernement sont partenaires dans l'élaboration de la politique budgétaire.

Le quatrième scénario, correspondant à des pouvoirs budgétaires rénovés pour le Parlement, a sa préférence.

2. Le président Van Maanen : les pratiques budgétaires modernes dans les Etats-membres de l'OCDE

L'intervention du président Gert Van Maanen a consisté à faire le point des réformes budgétaires en cours dans les États membres de l'OCDE.

Le président Van Maanen a insisté sur trois éléments de cette modernisation que les États membres se sont attachés à mettre en oeuvre :

- La prise en compte de la pluriannualité ;

- Une budgétisation permettant d'établir les performances des administrations ;

- L'établissement d'une comptabilité d'exercice se substituant à la comptabilité de caisse.

S'agissant de la pluriannualité , les États membres s'efforcent d'introduire dans leur budgétisation une vision à moyen terme, plus rarement à long terme. L'introduction du moyen terme permet de fournir au Parlement les cibles de la politique budgétaire, le coût de la continuité des programmes existants, et l'évaluation sur la durée des conséquences des décisions prises à un instant donné.

S'agissant de la performance , l'un des principaux objectifs des réformes en cours est d'établir une budgétisation des actions de l'Etat orientée vers leurs résultats.

Enfin, s'agissant de la comptabilité, les réformes en cours consistent à s'engager sur la voie de la comptabilité d'exercice en exécution, plus rarement en prévision. Le principal intérêt de la comptabilité d'exercice est d'accorder davantage d'attention au patrimoine de l'Etat, qui n'est souvent ni bien connu, ni vraiment géré.

Votre rapporteur a reconnu dans les trois thèmes développés par Gert Van Maanen trois des changements méthodologiques importants contenus dans la proposition de loi qui vous est soumise. Quant à la démonstration du professeur Schick, elle correspond bien à l'innovation représentée par la prise en charge de la réforme en France par l'Assemblée nationale et le Sénat.

II. UN ENJEU PARTAGÉ, DEUX OBJECTIFS CONSENSUELS

A. UN ENJEU PARTAGÉ

Dans la période récente, il est apparu nécessaire d'en finir avec une conception archaïque de la pratique budgétaire. Cette conception tient en deux affirmations :

Aux yeux des gestionnaires et des parlementaires, le « bon budget » ministériel, la bonne enveloppe de crédits pour un ministre, sont ceux qui augmentent davantage que l'ensemble du budget de l'Etat. Peu importe que cette augmentation soit réellement nécessaire au vue des finalités d'intérêt général servies par ces crédits.

De la même manière, le budget bien exécuté est celui qui a épuisé ses crédits. Peu importe qu'ils aient été employés à bon escient, ou gaspillés : la culture du « taux de consommation » fait de ce critère l'un des plus essentiels dans le jugement porté sur une gestion. Le mauvais gestionnaire serait donc celui qui n'a pas tout dépensé sur l'exercice !

Or, dans une situation de déficit et de dette publics encore élevés, l'enjeu d'utiliser de façon optimale toute ressource prélevée sur le contribuable apparaît fondamental aux yeux de tous. C'est cet enjeu partagé qui est à l'origine de la réforme. Il n'est pas nécessaire de dépenser moins dans l'absolu, mais d'optimiser l'utilisation de tout crédit public pour atteindre le meilleur rapport coût/efficacité.

Votre commission considère que pour y parvenir, il faut réformer l'Etat et que pour ce faire, il faut enclencher un cercle vertueux qui passe par la réforme des procédures budgétaires.

Cette rénovation a pour objet de mettre le meilleur instrument possible entre les mains des majorités politiques. Le budget est sans doute l'outil le plus important. Sa rénovation ne présume cependant en rien de l'utilisation qui peut en être faite. Il peut servir une politique de droite comme de gauche.

Pour gagner cet enjeu partagé, la réforme doit atteindre deux objectifs :

Moderniser la gestion publique pour réformer l'Etat ;

Rénover le rôle du Parlement dans la procédure budgétaire.

B. DEUX OBJECTIFS CONSENSUELS DANS LE RESPECT DES INSTITUTIONS DE LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUE

Votre rapporteur est particulièrement attaché à l'esprit des institutions de la cinquième République. A ses yeux, les objectifs de la réforme ne se conçoivent que dans cette perspective.

La réforme est ainsi souvent présentée comme une sorte d'échange de bons procédés entre le Gouvernement et le Parlement : le Gouvernement bénéficierait de libertés supplémentaires dans l'exécution du budget ; en contrepartie, le Parlement verrait son influence s'accroître sur l'élaboration du budget et son information serait de meilleure qualité.

1. Deux objectifs consensuels

Pour votre commission, la réforme se présente moins comme un échange entre le Parlement et le Gouvernement que comme un tout cohérent :

C'est bien parce que les comptes de l'Etat ne sont pas convenablement présentés en prévision, comme en exécution, que l'autorisation parlementaire a peu de portée et que le Parlement est mal informé. Ainsi, on raisonne encore en comparant le budget de l'année n + 1 au budget de l'année n. Or, le budget de l'année n ne s'est jamais exécuté comme il était prévu, et celui de l'année n + 1 ne le sera pas davantage.

Votre rapporteur cite souvent l'exemple des crédits de construction de logements sociaux : nos collègues sont amenés à juger ces crédits en observant par exemple que le budget de l'année n est meilleur que celui de l'année n - 1 parce que pour n , on inscrit les crédits de 85.000 logements alors qu'en n - 1 on en avait prévu 80.000. Or, en exécution -c'est-à-dire dans la réalité- on ne dépasse pas 50.000 depuis plusieurs années, mais au moment du débat budgétaire, cette information, qui remonte à l'année n - 2 , n'est pas suffisamment prise en considération.

C'est aussi parce que le regard du Parlement a perdu de son acuité que les administrations n'ont pas été encouragées à se réformer. Ce n'est pas la première fois que la France tente d'introduire de la modernité dans la gestion budgétaire. Mais, la première fois, dans les années 60 et 70, elle l'a tenté sans impulsion ni regard parlementaire. Or, dans les pays démocratiques, la décision politique est irremplaçable par nature, et il ne peut en être autrement. En outre, la gestion publique doit être jugée et évaluée pour progresser : qui peut le faire de façon pertinente si ce n'est la représentation des Français, c'est-à-dire le Parlement ?

2. Des rôles délimités pour le Parlement et le Gouvernement

En revanche, ce n'est pas parce que les deux objectifs de la réforme sont un tout cohérent que désormais les rôles respectifs du Parlement et du Gouvernement viendraient à se mélanger. Soucieuse du respect de nos institutions, votre commission considère au contraire qu'il s'agit d'un strict partage :

Au Gouvernement reviennent l'initiative et la gestion , c'est-à-dire la construction du budget et son exécution.

Au Parlement, reviennent l'autorisation et le contrôle , c'est-à-dire le consentement à l'impôt éclairé par une bonne connaissance et le jugement de ce qui est fait du produit de cet impôt.

Dans le débat sur la réforme en France, la tentation est souvent grande de vouloir « restaurer » le pouvoir du Parlement par un rôle plus affirmé dans la construction même du budget et par le contrôle a priori de son exécution, donc par une certaine immixtion dans la gestion. C'est notamment pourquoi nous sommes parfois tentés par le modèle américain, celui des offices du Congrès, en particulier le Congressional Budget Office et le General Accounting Office . Il serait sans doute utile que le Parlement français développe ses moyens. Il ne peut toutefois pas complètement s'inspirer d'un modèle institutionnel différent du sien sur deux plans : aux Etats-Unis, le Parlement reconstruit le budget sur la base du projet du Président et l'Administration ( le « Gouvernement ») n'est pas responsable devant le Parlement.

Le Parlement français ne reconstruit pas le budget, pour des raisons de logique politique et institutionnelle : la majorité de l'Assemblée nationale doit soutenir le Gouvernement, et accepter le budget sans modification substantielle. Vouloir le modifier profondément revient à exprimer une défiance à l'égard du Gouvernement.

Le modèle français est marqué par le phénomène majoritaire et par le principe de responsabilité politique : l'exécutif doit rendre des comptes au législatif sur sa gestion. Le législatif peut changer l'exécutif, il l'autorise donc à agir et le contrôle, mais il ne gère pas lui-même les affaires de l'Etat, ni ne construit le budget.

La réforme en cours n'obéira pas complètement à cette logique, car si son aspect fondamental est bien d'établir une budgétisation orientée vers les résultats, elle laissera une marge d'initiative aux parlementaires qui pourront créer des programmes dotés de crédit, diminuer ou augmenter les crédits de certains programmes, pourvu que la charge de chacune des missions, qui seront des ensembles de programmes ( cf. infra ) ne soit pas augmentée. 12 ( * )

C. LA CONCEPTION DE VOTRE COMMISSION : DEUX OBJECTIFS ÉTROITEMENT LIÉS

Votre rapporteur souhaite rappeler brièvement les principes défendus dans son rapport d'information n° 37 précité.

1. Placer la loi de finances au coeur de la modernisation budgétaire

La loi de finances annuelle est en quelque sorte l' alpha et l' oméga de la conception du budget en France. C'est pourquoi, aux yeux de votre rapporteur, la modernisation du budget passe nécessairement par un changement de conception de la loi de finances.

C'est donc bien dans la loi de finances de l'année que se trouveront, au terme de la réforme, les éléments d'une gestion moderne, et en particulier, quatre éléments principaux :

La budgétisation orientée vers les résultats . Désormais, au lieu de voter sur des crédits conçus comme de purs moyens, le Parlement votera sur des programmes , regroupés en missions , ensembles de crédits orientés vers les finalités de l'action publique, auxquels seront associés des indicateurs de performance.

Une meilleure prise en compte de la pluriannualité . L'autorisation de dépenses stricto sensu restera annuelle, mais votre commission insiste pour que la dimension pluriannuelle soit prise en compte du point de vue des projections comme de la gestion. Du point de vue des projections , nos engagements européens, comme certains phénomènes lourds (la dette publique, le statut de la fonction publique, les perspectives démographiques) militent absolument pour que les décideurs publics sachent où ils vont à moyen terme lorsqu'ils prennent des décisions aujourd'hui . Du point de vue de la gestion, il est certain que contrairement à l'adage traditionnel, il vaut souvent mieux dépenser demain ce que l'on pourrait dépenser aujourd'hui. Les gestionnaires doivent certes bien calibrer leurs besoins, mais ils doivent être encouragés à se soucier au mieux de la trésorerie de l'Etat.

Le passage à une comptabilité moderne . Le budget de l'Etat restera établi en comptabilité de caisse, mais il sera exécuté en caisse et en droits constatés, de façon à ce que la comptabilité prenne en considération tous les aspects des finances de l'Etat : les flux (recettes, dépenses), mais aussi les dettes, les créances, leur évolution, et le patrimoine. En outre, pour satisfaire à la mesure de leurs performances et donc de leurs coûts, les administrations seront progressivement amenées à établir leur comptabilité analytique.

Une meilleure information du Parlement . Ces prévisions et cette gestion doivent être retranscrites en termes exhaustifs et clairs -sinon simples, la matière budgétaire restera un domaine aride et complexe- pour le Parlement. Bien entendu, c'est une exigence démocratique, mais le maintien d'une information lacunaire pour le Parlement signifierait très probablement que l'exécutif lui-même n'a pas forgé tous les outils nécessaires à son propre pilotage de l'Etat.

2. Placer la modernisation de la gestion publique au coeur du rééquilibrage des pouvoirs budgétaires

De la même façon, selon votre commission, la modernisation n'est pas un simple donnant-donnant entre le Gouvernement, doté de davantage de liberté dans la gestion et le Parlement, doté de davantage d'influence dans la définition des objectifs. La modernisation de la gestion de l'Etat est étroitement liée à une meilleure information et à une plus grande vigilance du Parlement, bref à un contrôle parlementaire rénové.

Six éléments se placent sous cette rubrique :

La fongibilité des crédits . Il convient de simplifier la nomenclature budgétaire et de rendre les crédits fongibles à l'intérieur des programmes, afin de favoriser l'autonomie et la responsabilité des gestionnaires, qui ne doivent plus être contrôlés au jour le jour, mais rendre compte, à terme, de leurs résultats, et de leur performance.

L'universalité des lois de finances . Du côté du Parlement, il est essentiel que tout ce qui est financé par prélèvement obligatoire d'Etat soit porté à sa connaissance et autorisé par lui. Aux yeux de votre commission, l'existence de comptes particuliers au sein de la loi de finances est moins dommageable que l'existence de circuits financiers alimentés par des affectations d'impôts, qui échappent de fait à l'autorisation démocratique. Un des objectifs importants de la réforme sera de rétablir le consentement éclairé à l'impôt , même si le bénéficiaire de cet impôt n'est pas directement l'Etat mais un de ses démembrements. Les circuits « extra-budgétaires » (au sens de « hors lois de finances ») devront disparaître. De la même manière, les grandes lignes des opérations de trésorerie de l'Etat devront être autorisées.

De façon connexe, un principe de sincérité budgétaire devra être solennellement affirmé, et la Cour des comptes devra certifier les comptes exécutés. La sincérité signifiera que le Gouvernement établira un budget juste compte tenu des éléments en sa possession, et que sa comptabilité reflétera une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l'Etat.

Le respect des autorisations parlementaires . La budgétisation orientée vers les résultats doit donner davantage de liberté aux gestionnaires dans la gestion de leurs moyens. En revanche, dans ce cadre, il doit être interdit à l'exécutif de redéfinir seul les objectifs de politique publique sans autorisation parlementaire.

La rénovation du contrôle parlementaire . Il est indispensable de rénover le contrôle parlementaire pour parvenir à mettre en oeuvre la réforme de façon effective. En effet, affirmer un principe de gestion fondée sur la performance et les résultats restera lettre morte si aucun regard extérieur ne vient juger de ces performances et de ces résultats. La Cour des comptes le fera pour ce qui concerne la régularité de la gestion. Mais seul le Parlement est habilité à mener l'évaluation des politiques publiques, qui est une action politique par essence.

Enfin, cette rénovation des relations entre l'exécutif et le législatif passe par une modernisation des rendez-vous parlementaires en matière budgétaire. Il conviendra ainsi de débattre des orientations budgétaires de l'année n + 1 en examinant les comptes de l'année n - 1 -la loi de règlement- afin de confronter la définition des objectifs futurs aux derniers résultats connus. S'agissant de l'examen de la loi de finances de l'année suivante, il conviendra de mettre en place un débat et un vote pour chacune des missions, et non pour chaque ministère, le ministère étant un regroupement de moyens et non un programme de politique publique.

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale est conforme sur certains points à la conception de votre commission ainsi exposée. Elle en est plus éloignée sur d'autres.

III. LES PRINCIPALES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION SUR LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Votre commission partage les principes fondamentaux de la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée . Elle considère que celle-ci peut faciliter une gestion des dépenses exclusivement soucieuse des intérêts des contribuables, alors que l'actuelle ordonnance, dépourvue de mécanismes d'amélioration de l'efficacité de la dépense publique, ne peut avoir cette vertu.

Votre commission vous propose toutefois des modifications nombreuses et importantes, dont la philosophie est de garantir que les objectifs de la réforme, en particulier le consentement éclairé à l'impôt de la part des représentants du peuple, seront bien atteints.

A. APPORTS ET LIMITES DU TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le détail des dispositifs proposés par l'Assemblée nationale est retracé dans le rapport du rapporteur général Didier Migaud, relatif à la présente proposition de loi 13 ( * ) . Votre rapporteur se contentera donc d'évoquer brièvement les principaux apports et les limites de ce texte.

1. Les apports

a) Les apports pour le Gouvernement

Votre rapporteur discerne trois apports principaux, en vue de moderniser la gestion de l'Etat :

la fongibilité des crédits

la rénovation de la comptabilité publique

la modernisation de l'emploi public.

Le Gouvernement disposera de crédits fongibles au sein des programmes, à la limite près -qui est évidemment essentielle- qu'il ne pourra pas augmenter les dépenses de personnel au-delà du plafond fixé par le Parlement. C'est pourquoi cette fongibilité est dite « asymétrique ». Sous cette réserve, la nomenclature des natures de dépense deviendra donc indicative. La fongibilité permettra de responsabiliser les gestionnaires publics et de les faire bénéficier directement des fruits d'une bonne gestion.

Le texte renouvelle la comptabilité de l'Etat en imposant une comptabilité d'engagement au stade de l'exécution, en prévoyant explicitement le bilan de l'Etat et en permettant de connaître ses engagements hors bilan.

Enfin, la proposition de loi desserre certaines contraintes de gestion de l'emploi public en mettant fin à la fiction de l'emploi budgétaire et aux très complexes transformations d'emplois. Désormais, l'emploi public sera géré souplement sous réserve d'un double plafond : un plafond en nombre et un plafond en masse salariale.

b) Les apports pour le Parlement

Au regard des prérogatives des Assemblées, la proposition de loi organique contient six principaux apports :

* elle énonce une obligation de sincérité des lois de finances, que le juge constitutionnel pourra ainsi mieux faire respecter ;

* elle assure, par une série de dispositifs, une information continue du Parlement sur l'exécution budgétaire ; de plus, elle institutionnalise le débat d'orientation budgétaire ;

* elle regroupe les crédits dans des missions et des programmes organisés autour d'objectifs précis et dont la performance est mesurée par des indicateurs ;

* elle permet aux parlementaires d'amender et de créer des programmes, au sein des missions définies par le Gouvernement ;

* elle limite assez fortement les possibilités de remise en cause des objectifs votés à moins de revenir devant le Parlement ou de l'en informer ;

* elle propose une présentation obligatoire, annexée aux lois de finances, du budget de l'Etat en une section de fonctionnement et une section d'investissement.

2. Les limites

Cependant, plusieurs limites apparaissent sur lesquelles le Sénat doit apporter sa contribution.

Il s'agit d'abord de l'universalité. Le texte n'en garantit pas le respect. Il laisse la porte ouverte aux débudgétisations, ou aux affectations directes de recettes à des tiers dont le Parlement ne connaît plus, ensuite, ni la véritable ampleur, ni l'exact emploi.

La suppression des comptes d'affectation spéciale et des budgets annexes n'est pas une bonne réponse à ce sujet. En effet, le Gouvernement serait privé d'un moyen d'identification interne à la loi de finances et n'aurait plus d'autre ressource que la débudgétisation (création d'un établissement public) ou la confusion (en reversant au budget général des ressources dont la nature -recettes financières, recettes issues de cessions d'actifs, remboursements d'emprunt etc. - justifie une comptabilisation particulière).

De même, le texte est insuffisant en matière de pluriannualité tant en gestion qu'en prévision.

Il interdit toute présentation interministérielle des crédits, ce qui peut bloquer des réformes au sein de l'Etat, et nuire à la logique de la gestion orientée vers les résultats.

Il ne dit rien des principes et des moyens du contrôle parlementaire, alors que non seulement la loi organique est le support logique de telles dispositions, mais qu'en outre le contrôle est indispensable pour atteindre les objectifs de la réforme.

B. LES PRINCIPALES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission considère que la proposition de loi ne va pas toujours assez loin pour garantir la mise en oeuvre effective des principes qu'elle défend.

Votre commission insiste plus particulièrement sur deux nécessités :

celle de l'exhaustivité et de la lisibilité des comptes publics

celle de la mise en place de mécanismes de nature à engager la réforme de l'Etat.

1. L'exhaustivité et la lisibilité des comptes publics

Pour rétablir le consentement éclairé à l'impôt, il est indispensable que le législateur dispose de comptes de l'Etat clairs et complets, aussi bien en prévision qu'en exécution, et de leur articulation avec les autres comptes publics (collectivités locales et sécurité sociale en particulier).

Le texte adopté par l'Assemblée nationale fait un pas important en ce sens, mais n'apporte pas toutes les garanties nécessaires.

Votre commission des finances vous propose à ce titre :

de maintenir les comptes spéciaux et les budgets annexes . Leur définition permettra à l'avenir d'éviter que ne soient créés des comptes particuliers destinés en fait à financer les actions des administrations centrales. Les affectations de ressources ne sont pas en elles-mêmes condamnables, mais il ne faut pas que le législateur financier en perde la trace. C'est pourquoi la proposition de loi met fin au régime de la parafiscalité : les impôts affectés demeureront, mais ils ne pourront plus être créés que par le Parlement. Le maintien des comptes spéciaux et budgets annexes permettra à l'Etat de faire figurer en loi de finances des recettes qui, en raison de leur nature, doivent faire l'objet d'une comptabilisation particulière (recettes financières, ou d'actifs, recettes commerciales etc...).

de détailler davantage la nomenclature des titres , tout en maintenant leur caractère indicatif, car fongibilité ne doit pas signifier confusion.

d'évaluer les fonds de concours en loi de finances initiale. Ces ressources ne sont pas entachées d'une plus grande incertitude que les recettes fiscales. Or elles financent des dépenses qui doivent être autorisées par le Parlement.

d'insérer dans la loi organique un chapitre relatif aux comptes de l'Etat , consacrant notamment la mise en place d'une comptabilité d'exécution en droits constatés, et l'obligation pour les administrations de mettre en oeuvre une comptabilité analytique.

Votre commission vous proposera également de prévoir le principe de la mise en place d'une procédure d'établissement du référentiel comptable de l'Etat , dont le détail sera renvoyé à une loi de finances. Il est en effet important que toutes les parties intéressées -administrations, Parlement, professionnels du chiffre- participent à cette élaboration.

de reconnaître l'existence des prélèvements sur recettes .

L'Etat n'est en effet pas le bénéficiaire ultime de l'ensemble des impositions de toutes natures. Mais cette situation a deux causes distinctes. D'une part, certaines de ces impositions sont par nature des recettes de l'Etat mais sont directement affectées à des personnes autres que lui. C'est pourquoi il est important de maintenir l'autorisation universelle de perception des impôts en loi de finances, en l'assortissant d'un état informatif recensant la totalité de ces impositions, même si l'Etat n'en est pas bénéficiaire. Cet état donnera un contenu à cette autorisation, et rendra possible d'éventuels amendements, mais sans contrevenir à l'autonomie des lois de financement de la sécurité sociale, ni à celle des collectivités locales.

D'autre part, d'autres impositions transitent par le budget de l'Etat, alors qu'elles sont dues à d'autres personnes. Il en est ainsi d'une grande partie des ressources des collectivités locales et de l'Union européenne que l'Etat recouvre dans la masse indifférenciée des impôts qui lui sont dus, mais qu'il doit ensuite rétrocéder.

La notion de prélèvement sur recettes doit venir confirmer l'existence de ces recettes perçues pour compte d'autrui . Leur existence n'est pas liée à une quelconque volonté de contracter les recettes et les dépenses, mais simplement au fait qu'il est parfois techniquement difficile de transférer directement des éléments de fiscalité de l'Etat à d'autres organismes.

de demander la traduction de l'équilibre budgétaire selon les conventions de la comptabilité nationale. Celle-ci est en effet le langage comptable des engagements européens de la France au titre du pacte de stabilité et de croissance. Si la Constitution ne permet pas de subordonner le programme de stabilité à la loi de finances, ou inversement, il est néanmoins indispensable que le législateur sache comment l'un et l'autre s'articulent. La comptabilité nationale est également le langage commun au budget de l'Etat et aux comptes sociaux. Des informations relatives aux liens entre loi de finances et loi de financement seront donc demandées en ces termes.

De créer un compte des pensions de l'Etat , qui fasse l'objet d'un vote au sein de la loi de finances. Il ne serait en effet pas équitable d'imputer au coût des actions administratives le poids d'un passé sans lien avec leur performance présente. Cette présentation, purement comptable, ne dissoudrait en rien le lien entre les pensionnés et leur corps ou administration d'origine, mais apporterait une information utile sur le coût des pensions versées par l'Etat.

De créer un compte de la dette de l'Etat retraçant les flux de charges et de remboursement. Ce compte devrait être établi en deux sections, l'une relative à l'émission, l'autre à la gestion. Ce compte viendra compléter l'autorisation en loi de finances des opérations de trésorerie, et celle du financement de l'Etat. En outre, votre commission vous proposera d'intégrer à la loi de finances un vote sur la variation nette de la dette de l'Etat entre le 1 er janvier et le 31 décembre de l'année. Ce vote viendra compléter celui portant sur l'équilibre du budget. En outre, des votes devront intervenir pour autoriser les reprises de dette et les engagements en garantie.

Cette volonté de parfaire l'exhaustivité et la lisibilité des comptes publics trouvera sa consécration dans la réhabilitation de la loi de règlement , qui doit devenir le moment fort de l'examen des comptes de l'Etat et de ses performances, comme la publication des résultats annuels l'est de ceux d'une entreprise. Votre commission vous propose à ce titre de prévoir que la loi de règlement de l'année n - 1 devra être examinée avant la loi de finances de l'année n + 1, (et éventuellement lors du débat d'orientation budgétaire).

Enfin, votre commission vous propose d'affirmer plus solennellement les nécessités de la prise en compte de la pluriannualité . Cette pluriannualité doit être admise en gestion, ce qui relève de la logique de la fongibilité et de la responsabilisation des gestionnaires : les reports de crédits doivent être encadrés mais assouplis, à l'exception des crédits de personnel. Cette pluriannualité doit aussi être admise en termes de projections : il est indispensable que le Gouvernement associe à ses propositions des projections à moyen terme de leurs effets, et qu'il anticipe les variations à moyen terme des dépenses les plus lourdes, les plus rigides et les plus inertes (dette publique, retraites, salaires de la fonction publique).

2. Créer des mécanismes tendant à enclencher la réforme de l'Etat

La proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale contient des principes de nature à accroître l'efficacité de la dépense publique : budgétisation orientée vers les résultats, comptabilité en droits constatés, sincérité des lois de finances.

Toutefois, la proposition de loi ne garantit pas que ces principes seront effectivement mis en oeuvre. Si les programmes de demain sont les agrégats d'aujourd'hui, lesquels correspondent le plus souvent aux structures administratives existantes, aucun progrès véritable n'aura été accompli : la nomenclature des chapitres, unités de moyens, sera réapparue sous un autre nom, et les structures existantes seront pérennisées. De la même manière, sans un regard extérieur présent, sinon pressant, les gestionnaires publics ne seront pas incités à améliorer leur efficacité.

Il ne s'agit pas d'imposer la réforme de l'Etat par décret, ce qui ne fonctionne jamais car on ne peut réformer les administrations contre leur volonté, mais de créer les mécanismes permettant aux décideurs publics d'identifier les évolutions souhaitables, et aux administrations elles-mêmes de vouloir évoluer.

Votre commission vous fait une série de propositions dans ce domaine :

Les missions , unités de vote des crédits, qui regroupent les programmes, unités de spécialité (et d'amendements parlementaires) pourront être interministérielles . Ce n'est pas une contrainte, ce choix restera à la discrétion du Gouvernement.

Votre commission considère en effet que de nombreux objectifs de politique publique sont interministériels, et que le passage d'une budgétisation de moyens à une budgétisation orientée vers les résultats ne se produira réellement qu'en tenant compte de ce fait. Cette condition est indispensable à une éventuelle évolution des structures administratives en vue de les adapter aux missions de l'Etat.

Afin que les programmes créés correspondent bien à la définition qui leur sera donnée par la loi (crédits destinés à mettre en oeuvre des actions, associés à des objectifs précis et évalués par des indicateurs de performance), votre commission vous propose de créer une autre unité de spécialité, celle de dotation , regroupant des crédits ne pouvant faire l'objet d'un véritable programme, tels que les crédits pour dépenses accidentelles 14 ( * ) , ceux des pouvoirs publics, ou la provision pour majoration des salaires de la fonction publique. Les crédits pouvant faire l'objet d'une dotation seront limitativement énumérés dans la loi organique. Mais il est indispensable de protéger la notion de programme, pour que les lois de finances ne créent pas de faux programmes qui ne seraient que des réserves de crédit auxquelles des finalités et des résultats ne pourraient être associés.

L'architecture des missions et des programmes pourrait faire l'objet du débat d'orientation budgétaire , afin que le Parlement soit consulté, en amont, sur la future nomenclature de la loi de finances.

La comptabilité analytique sera rendue obligatoire dans les administrations, afin d'établir le coût complet des missions de l'Etat.

La deuxième partie de la loi de finances (les dépenses de l'année) donnera lieu à un débat et à un vote pour chaque mission . Votre commission vous propose d'éviter les votes par ministère, lesquels sont des unités de moyens et non des objectifs de politiques publiques. Il est absolument indispensable que le débat budgétaire change de nature et que les crédits soient votés en fonction de leurs finalités et de leurs résultats, et non plus en présupposant l'équivalence entre l'augmentation des moyens et la poursuite des finalités.

De la même façon, il vous est proposé de voter en une seule fois le plafond du nombre d'emplois publics, détaillé par ministère. Aujourd'hui, le débat sur la fonction publique est contradictoire avec les débats par ministères : on juge en effet qu'il faut réduire l'emploi public en général, et qu'il faut l'augmenter en particulier. Cette contradiction sera résolue par un débat de synthèse nécessitant la mise en évidence des arbitrages rendus.

Enfin, votre commission propose l'insertion dans la loi organique d'un titre relatif à l'information et au contrôle. L'information associée au débat d'orientation budgétaire et aux différents projets de loi de finances serait complétée notamment en termes de comptabilité nationale, sur la comptabilité analytique des services, et sur les projections à moyen terme. Le chapitre relatif au contrôle reprendrait pour l'essentiel le droit existant en l'érigeant au niveau organique, et en le complétant de dispositions portant sur les relations entre le Parlement et la Cour des comptes. Il s'agirait de donner un contenu à la mission d'assistance de la Cour au Parlement. Les administrations seraient quant à elles, tenues de répondre aux observations des contrôles parlementaires. Ces dispositifs sont indispensables au « bouclage » de la réforme. En effet, la budgétisation orientée vers les résultats ne sera pas mise en oeuvre si un véritable contrôle et une véritable évaluation des politiques publiques et des administrations chargées de les servir n'est pas effectuée. La mise en place de trois étages de contrôle est indispensable : les contrôles internes (un groupe de travail interministériel y réfléchit) ; ceux de la Cour des comptes ; enfin ceux du Parlement.

Telles sont les propositions de votre commission des finances, et tel est l'esprit dans lequel elle aborde ce texte, qu'elle vous propose de bien vouloir adopter.

EXAMEN DES ARTICLES
DIVISION ADDITIONNELLE AVANT LE TITRE PREMIER :

DES LOIS DE FINANCES

Commentaire : il s'agit d'insérer une division additionnelle dans laquelle sont décrits l'objet et les principales caractéristiques des lois de finances.

La présente disposition vise à faire figurer dès le début de la loi organique la définition des lois de finances.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'insérer par amendement cette division additionnelle.

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE PREMIER

L'objet des lois de finances

Commentaire : le présent article additionnel vise à introduire, dès le début de la loi organique relative aux lois de finances, les éléments essentiels de leur définition.

Votre rapporteur vous propose d'énoncer dès le premier article de la loi organique les éléments principaux de la définition des lois de finances qui, dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, sont reportés plus loin et peuvent apparaître dispersés.

Seules quelques nuances sont apportées par rapport aux dispositions correspondantes prévues dans la proposition de loi organique transmise à votre Haute Assemblée.

I. RAPPELER L'OBJET DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

La loi organique relative aux lois de finances repose sur deux articles constitutionnels :

- l'article 34 de la Constitution, alinéa 17, dispose : « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

- l'article 47 de la Constitution, alinéa 1, prévoit quant à lui que : « le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ».

De ces deux articles au caractère laconique, il convenait de tirer une interprétation pour tenter de déterminer le champ d'intervention de la loi organique en matière de lois de finances.

Votre rapporteur voit dans le texte de la Constitution une contrainte mais également de nombreuses possibilités.

A. UNE CONTRAINTE : L'ORDONNANCE ORGANIQUE SUR LES LOIS DE FINANCES NE PEUT CONCERNER QUE LA DETERMINATION DES CHARGES ET DES RESSOURCES DE L'ÉTAT

La contrainte est la suivante : la loi organique relative aux lois de finances ne peut pas comporter de dispositions qui ne concerneraient pas la détermination des ressources et des charges de l'Etat .

Il apparaît ainsi que l'Etat est la seule entité dont les ressources et les charges doivent et peuvent être déterminées dans les lois de finances . Cependant, comme il n'existe pas de définition juridique incontestable de l'Etat, il faut bien admettre qu'il existe quelques marges pour préciser le contenu de cette contrainte.

Une définition trop restrictive des ressources et des charges de l'Etat qu'amènerait une définition trop restrictive de l'Etat lui-même en tant qu'acteur financier serait décevante. Faire de l'Etat un résidu, c'est à dire l'entité réunissant toutes les structures chargées de missions de services publics et non dotées de la personnalité morale, laisserait la porte ouverte à toutes les débudgétisations, l'Etat pouvant aisément se démembrer et faire ainsi échapper les opérations confiées à ses démembrements à toute détermination dans une loi de finances.

Au fil des commentaires du présent rapport, il sera proposé des solutions et des analyses interprétatives que votre rapporteur souhaite voir contribuer à une réhabilitation des lois de finances.

B. DE NOMBREUSES POSSIBILITÉS

Au terme de la Constitution, il appartient au législateur organique de prévoir les conditions dans lesquelles les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat, et sous quelles réserves elles les déterminent. Cette habilitation constitutionnelle semble à votre rapporteur devoir être interprétée très largement.

1. C'est à la loi organique de prévoir comment les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat.

La question du champ de cette habilitation doit être abordée. Elle implique un choix sur le sens à donner au mot « déterminent » dans l'article 46 de la Constitution. Se pose la question de savoir si la Constitution comporte, du fait de son usage, une norme stricte qui, s'imposant au législateur organique, viendrait encadrer les conditions et les réserves qu'il lui appartient de prévoir.

Votre rapporteur pense qu'il n'en va pas ainsi étant donné la pluralité des sens du terme, « détermination » et le mécanisme même instauré par le texte constitutionnel.

Le verbe « déterminer » comporte en effet une pluralité de sens.

Selon les dictionnaires, déterminer c'est préciser les termes ou les limites. Mais l'on peut préciser avec ... plus ou moins de précision et en conférant à la précision donnée une plus ou moins grande portée.

C'est d'ailleurs tout le sens de la démarche du texte constitutionnel qui, reconnaissant lui-même la variété des possibles, a précisément renvoyé à la loi organique le soin de prévoir les conditions, et les réserves, dans lesquelles la loi de finances est appelée à déterminer les ressources et les charges de l'Etat. Le mécanisme même du texte constitutionnel consiste donc à déléguer au législateur organique le soin de préciser ce qu'il faut entendre concrètement par la détermination dans les lois de finances des ressources et des charges de l'Etat, ce qui lui confère une marge d'appréciation considérable.

2. Les habilitations dont bénéficie le législateur organique lui donnent une compétence très étendue.

a) Le domaine du législateur organique en matière de lois de finances n'est borné que par le sens de la compétence qui lui est attribuée.

Dans le système juridique issu de la Constitution de 1958, le champ du règlement est de droit commun et le champ législatif est limitativement défini (articles 34 et 37 de la Constitution). Le domaine de la loi est doublement circonscrit, par l'énoncé des matières où la compétence législative est reconnue et par le niveau de précision (les règles dans certains cas, les principes fondamentaux dans les autres) que le législateur peut atteindre lorsqu'il exerce sa compétence.

Il ne paraît pas en aller ainsi pour le législateur organique en matière de lois de finances. Les habilitations qui lui sont attribuées par le texte constitutionnel ne sont assorties d'aucune condition de cette nature. Il semble donc que le législateur organique puisse aborder tous les sujets et avec tous les détails qu'il souhaite.

Il doit cependant respecter le sens des habilitations qui lui sont consenties. Dans l'exercice de sa compétence, il ne doit pas dépasser les limites de la fixation des conditions et des réserves, dans et sous lesquelles la loi de finances détermine les ressources et les charges de l'Etat et le Parlement vote les projets de loi de finances.

b) Qu'est-ce que « prévoir les conditions et les réserves selon lesquelles sont déterminées les ressources et les charges de l'Etat » ?

Il appartient d'abord au législateur organique de « prévoir » les « conditions » dans lesquelles les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat. Il lui appartient aussi de « prévoir » les « réserves » sous lesquelles les lois de finances déterminent ces mêmes éléments. Ces énoncés invitent là encore à un effort de définition.

« Prévoir les conditions » dans lesquelles on détermine quelque chose c'est, compte tenu de la diversité des façons de déterminer -voir supra - préciser la nature de la détermination entreprise. Votre rapporteur propose de considérer que « prévoir les conditions » c'est, pour la loi organique, faire deux choses : d'abord, préciser la portée générale de la détermination des ressources et des charges de l'Etat par la loi de finances, qui peut aller de leur fixation à leur autorisation ; c'est également préciser les modalités pratiques selon lesquelles les lois de finances fixent ou autorisent lesdits éléments.

« Prévoir les réserves » sous lesquelles les ressources et les charges de l'Etat sont déterminées par les lois de finances, c'est d'abord préciser la portée générale de la détermination opérée par la loi de finances, c'est ensuite énoncer les conditions auxquelles cette détermination est suspendue.

L'un des prolongements de la première acception de l'expression est le principe de l'annualité budgétaire accompagné de ses amodiations.

L'un des importants prolongements de la seconde acception se trouve dans les dispositions organisant le contrôle du Parlement sur les ressources et les charges de l'Etat.

Votre rapporteur propose donc de conférer à l'habilitation donnée par la Constitution au législateur organique le sens le plus large.

Il considère en particulier que, sous certaines réserves, cette habilitation autorise le législateur organique à déléguer au législateur ordinaire le soin d'apporter des précisions et des prolongements aux règles organiques. Il observe d'ailleurs que, par exemple, l'alinéa 2 de l'article premier de l'ordonnance organique de 1959 a conféré au « législateur financier » la possibilité d'organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques.

Il souligne incidemment que, par cette formule visant les finances publiques, l'ordonnance organique a mentionné, à très bon droit, un concept plus large, par son objet, que celui dévolu par la Constitution aux lois de finances. Il remarque enfin qu'en réservant ainsi la possibilité au « législateur financier » de pénétrer le champ du contrôle et de l'information du Parlement, le législateur organique, qui est lui-même habilité à agir en la matière, n'a pas mésestimé la répartition des compétences fixée par la Constitution. Il a simplement souhaité dire que, du fait de son objet, il est naturel que la loi de finances puisse, à côté de la loi organique, poser des règles en matière d'information et de contrôle sur les finances publiques, ces deux éléments étant indissociables de la détermination des ressources et des moyens de l'Etat par elle.

Dans ces conditions, votre rapporteur vous propose, non seulement de prévoir que les lois de finances peuvent comporter toutes dispositions relatives au contrôle et à l'information du Parlement sur la gestion des finances publiques, solution que comporte le texte de l'Assemblée nationale, mais encore d'ouvrir à leur compétence les règles relatives à la comptabilité de l'Etat.

Dans l'esprit de votre rapporteur, ces matières relèveraient de compétences partagées.

La loi organique n'aurait pas le monopole des dispositions relatives à l'information et au contrôle, la loi de finances et la loi ordinaire, solution nouvelle, pouvant désormais intervenir dans ce champ.

La loi de finances n'aurait nul monopole en matière de règles comptables, le pouvoir réglementaire étant qualifié pour les fixer, sous réserve des hypothèses où la loi de finances ou la loi ordinaire auraient seules qualité pour cela. Ces hypothèses se rencontreraient, soit du fait de dispositions constitutionnelles générales, soit de l'intervention du législateur dans le champ des règles comptables.

II. CONFÉRER LA MÊME DIGNITÉ À L'ÉQUILIBRE FINANCIER ET À L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE

Les opérations financières de l'Etat que déterminent les lois de finances sont appelées à être articulées dans deux paradigmes comptables, le premier, budgétaire, correspondant aux ressources, aux charges et à l'équilibre budgétaire, le second, financier, correspondant à la prise en compte des droits et charges constatées au cours d'une année et de l'équilibre financier qui en découle.

Si ce deuxième équilibre n'a pas vocation, en l'état actuel des choses, à figurer dans les lois de finances de l'année, il sera un élément déterminant des lois de règlement, et compte tenu de la nécessaire revalorisation du rôle de ces dernières, deviendra un critère d'appréciation de l'équilibre budgétaire prévisionnel proposé par les lois de finances de l'année.

C'est dans ce contexte que votre rapporteur souhaite consacrer l'équilibre financier en le mettant sur un plan d'égale dignité avec l'équilibre budgétaire.

III. MENTIONNER EXPRESSÉMENT LE LIEN ENTRE LA DÉTERMINATION DES CHARGES DE L'ÉTAT ET LES OBJECTIFS DES ACTIONS PUBLIQUES

Si votre rapporteur vous proposera par souci de réalisme de conserver, à titre limité, une unité de spécialisation des crédits - la dotation - pour les crédits insusceptibles d'être directement mis en relation avec des finalités précises de l'action publique, l'une des grandes innovations de la réforme n'en est pas moins l'introduction d'une « budgétisation de la performance ». Celle-ci passe en particulier par le regroupement des crédits budgétaires finançant les moyens consacrés à des actions particulières poursuivant des objectifs précis, dont les résultats devront faire l'objet d'un suivi rigoureux et d'un compte-rendu fidèle.

Le regroupement des crédits dans les nouvelles unités de spécialité budgétaire que formeront les programmes sera ainsi la manifestation la plus essentielle de détermination des charges de l'Etat par les lois de finances.

Votre rapporteur souhaite que le présent article l'énonce avec solennité en rappelant que l'un des objets fondamentaux de la réforme est que dorénavant, plutôt que de déboucher sur l'addition de moyens sans justification, la détermination des ressources de l'Etat et de ses dépenses par les lois de finances provienne d'une fixation des dépenses de l'Etat au terme d'un processus d'examen des objectifs poursuivis et des résultats obtenus.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

TITRE PREMIER :

DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE L'ÉTAT

ARTICLE PREMIER

Les ressources et les charges de l'Etat

Commentaire : le présent article a pour objet de préciser le sens qu'il convient de donner aux notions de « ressources » et de « charges » de l'Etat.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a, classiquement, précisé que les ressources et les charges de l'Etat comprennent :

- des ressources et des charges budgétaires ;

- et des ressources et des charges de trésorerie qui ne sont pas budgétées mais ne doivent pas pour autant échapper aux lois de finances.

Les termes utilisés sont un peu différents de ceux de l'ordonnance en vigueur, la distinction entre opérations permanentes et opérations de trésorerie pouvant à juste titre paraître manquer de rigueur.

Votre rapporteur se rallie bien volontiers à une amélioration qui reste rédactionnelle.

Ce n'est que par coordination avec l'article additionnel précédemment commenté qu'il vous propose de supprimer la deuxième phrase du présent article.

II. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur vous propose une modification plus substantielle visant à affirmer le principe que les impositions de toute nature, à l'exception de celles établies directement au profit des collectivités territoriales, sont la manifestation d'une « violence fiscale » que seul l'Etat a la légitimité d'exercer.

La réserve faite des impôts des collectivités territoriales se fonde sur la transposition, par analogie, de l'analyse mettant en exergue la légitimité démocratique et la responsabilité politique des organes de l'Etat qui fonde la conception susmentionnée.

De celle-ci votre rapporteur tire une première conséquence : seul l'exercice de missions d'intérêt général peut justifier l'affectation directe d'un impôt à un tiers. C'est au demeurant le sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Il en tire une seconde, c'est qu'à défaut de faire figurer le produit de ces impositions en recettes du budget de l'Etat, puis d'en verser la contrepartie aux affectataires finaux, selon des modalités qu'il eût été aisé de déterminer parmi les différentes possibilités (prélèvements sur recettes, dotations budgétaires), il est légitime que la loi organique entoure les impôts directement affectés de conditions propres à permettre aux lois de finances de conserver, à leur égard, une compétence minimale.

C'est ainsi qu'il est prévu que la loi de finances :

- autorise chaque année leur perception sur la base d'une annexe comportant toutes informations utiles sur leur régime et leur montant ;

- soit seule compétente pour affecter à des tiers, partiellement ou en totalité, des impôts dont le produit revient à l'Etat ;

- et puisse légiférer sur de tels impôts comme peut le faire la loi ordinaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

CHAPITRE PREMIER :

DES RESSOURCES ET DES CHARGES BUDGÉTAIRES

INTITULE DU CHAPITRE PREMIER DU TITRE PREMIER

Des ressources et des charges budgétaires

Commentaire : le présent intitulé ouvre le chapitre relatif aux recettes et aux dépenses budgétaires.

L'Assemblée nationale a souhaité créer un chapitre relatif aux ressources et aux charges budgétaires, qui détaille leur périmètre, fixe les principes qui y sont applicables et en prévoit les modalités de comptabilisation.

Votre rapporteur approuve cette structure, et vous proposera seulement de modifier l'intitulé du chapitre en le dénommant « des recettes et des dépenses budgétaires » afin d'en préciser le contenu exact : il apparaîtra ainsi clairement que les opérations budgétaires portent sur des recettes et des dépenses.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter l'intitulé de ce chapitre ainsi modifié.

ARTICLE 2

Les ressources budgétaires

Commentaire : le présent article énumère l'ensemble des ressources budgétaires de l'Etat.

De même que l'article 3 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 énumère les différentes ressources permanentes de l'Etat, cet article s'essaye à une énumération des ressources budgétaires de l'Etat.

L'Assemblée nationale n'a pas souhaité reprendre les termes de ressources permanentes. Ils permettaient en théorie de définir a contrario les ressources de trésorerie, celles-ci n'étant pas « permanentes » et servant donc à couvrir les besoins de financement de l'Etat selon les voies décrites à l'article 15 de l'ordonnance (et précisées à l'article 113 du décret de 1962). Cette distinction n'apparaît plus claire aujourd'hui. Elle a été brouillée par le fait que les remboursements de prêts et avances ont été considérés comme des « ressources permanentes à caractère temporaire » (opérations dites du dessous de la ligne). A la place de cette distinction, source de confusion et propice à une conception large des ressources de trésorerie, les députés ont cherché à définir chacune des catégories de ressources, en distinguant les ressources budgétaires, au présent article, des ressources de trésorerie énumérées à l'article 25.

Votre rapporteur partage ce souci de clarifier les distinctions. De ce point de vue, l'adjectif « budgétaires » lui paraît offrir une précision utile puisque les ressources dont il s'agit ont bien vocation à couvrir les charges inscrites au budget, à être évaluées dans le budget initial, et constatées en loi de règlement comme constitutives de ressources budgétaires. Cependant, afin de parfaire ce souci de précision et de bien distinguer chacun des types de ressources (et de charges) de l'Etat, votre rapporteur vous proposera de les qualifier de « recettes », ce terme lui paraissant aussi mieux adapté au mode de comptabilisation (en encaissements / décaissements) de ces ressources.

Lors des débats à l'Assemblée nationale, plusieurs députés ont proposé d'intégrer parmi les ressources budgétaires de l'Etat les ressources d'emprunt. Le raisonnement, partagé d'ailleurs par une partie de la doctrine, est que les produits tirés des emprunts de l'Etat participent au financement des charges budgétaires et donc, à ce titre, constituent bien des ressources budgétaires. Par ailleurs, les défenseurs de cette solution font remarquer que les budgets des collectivités locales incluent les ressources liées à l'emprunt et qu'il est difficile de comprendre pourquoi ce qui s'impose aux unes ne s'imposerait pas à l'autre.

Votre rapporteur a souhaité aborder ce sujet avec un souci de pragmatisme et de respect des grands principes des finances publiques. S'il reconnaît le caractère a priori séduisant de l'inclusion des ressources d'emprunt dans les ressources budgétaires, il considère que cette solution présente de trop nombreux inconvénients et qu'une solution différente peut être trouvée pour permettre au Parlement de se prononcer complètement sur les ressources de l'Etat et, en particulier sur le volume de l'endettement de l'année, ainsi qu'il le souhaitait dans son rapport d'information préliminaire à la discussion de la présente proposition de loi organique 15 ( * ) .

Le principal inconvénient d'une inclusion des emprunts dans les recettes budgétaires réside dans le brouillage qu'elle introduirait dans les comptes budgétaires : la variation très importante des volumes d'émissions, comme des remboursements d'emprunts, d'une année sur l'autre ôterait toute signification à des comparaisons pluriannuelles (ou contraindrait à raisonner hors emprunt...). Par ailleurs, il serait alors logique d'inclure l'ensemble des autres ressources assurant la couverture des besoins de financement de l'Etat, parmi lesquelles les sommes déposées par les correspondants du Trésor, solution pratiquement complexe. Ensuite, il faudrait en retrancher les emprunts servant uniquement à couvrir des déficits ponctuels de trésorerie. En bref, la budgétisation des ressources d'emprunt masquerait le déficit budgétaire.

Ne pas inclure les ressources d'emprunts parmi les ressources budgétaires ne signifie cependant pas, bien au contraire, qu'il ne faille pas que le Parlement se prononce à leur sujet . Votre rapporteur aura l'occasion d'expliquer par le commentaire aux articles 25 (ressources de trésorerie), 31 (tableau de financement de l'article d'équilibre) et 43 (conditions de vote) comment les dispositions prévues par le texte adopté par l'Assemblée nationale lui paraissent de nature à assurer une décision consciente et éclairée du Parlement sur les emprunts, la dette, les modes de financement de l'Etat, la soutenabilité de la politique budgétaire, sans rencontrer les inconvénients qu'apporterait une inclusion des ressources d'emprunts parmi les ressources budgétaires (et le remboursement des emprunts parmi les charges budgétaires).

Le présent article propose donc une énumération des différentes catégories de ressources budgétaires. L'Assemblée nationale a cherché à en dresser la liste à la lumière du « classicisme » 16 ( * ) . Elle a simplifié les catégories en remplaçant le terme d' « impôts » contenu dans l'ordonnance organique par ceux d' « impositions de toutes natures » contenu dans la Constitution, en regroupant en un alinéa les ressources non fiscales, et en regroupant les fonds de concours et les dons et legs qui sont régis par des dispositions particulières dérogeant au principe de non affectation. Elle a aussi repris la catégorie des « remboursements des prêts et avances » et prévu une catégorie « produits divers »

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a souhaité prendre acte par l'article « des » apposé aux impositions de toutes natures de ce que des impositions de toutes natures sont affectées à d'autres personnes morales que l'Etat, au premier rang desquelles figurent les collectivités locales.

Enfin, elle a entrepris un travail de rénovation de la nomenclature des ressources non fiscales pour faire coïncider les dénominations retenues avec celles utilisées dans le fascicule « voies et moyens ».

Votre rapporteur salue cet effort de simplification et d'éclaircissement et approuve le principe d'une énumération des différents types de ressources, même si toute énumération reste imparfaite.

Tout en étant conscient de la difficulté de l'exercice, votre rapporteur vous propose cependant de modifier sur quelques points cette nomenclature dans un souci de clarté et de meilleure connaissance des ressources budgétaires de l'Etat aux fins, notamment, d'en analyser la nature économique. Il vous proposera ainsi de distinguer les revenus courants des participations financières et autres actifs et droits de l'Etat du produit de leur cession. Il convient en effet de ne pas traiter sur le même plan des opérations exceptionnelles non susceptibles de se reproduire (la vente) et les revenus tirés de la propriété qui peut avoir un caractère récurrent (comme les dividendes tirés des actions détenues par l'Etat). Parmi ces revenus figurent notamment les intérêts des prêts, avances et dotations assimilées consentis par lui. Cette distinction présente aussi l'avantage de proposer une classification plus proche de la substance économique de ces ressources. Dans la même logique, et tout en regrettant de devoir garder de telles catégories « réservoirs », votre rapporteur vous proposera d'éclater les produits divers entre revenus courants divers et produits exceptionnels divers.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3

La rémunération des services rendus par l'Etat

Commentaire : le présent article définit le régime des rémunérations des services rendus par l'Etat.

A côté des impôts, il apparaît naturel que l'Etat trouve dans l'établissement de rémunérations des services rendus par lui un mode de financement de son activité. A ce titre, ces rémunérations figurent, ainsi qu'il est indiqué à l'article 2 de la présente proposition de loi organique, parmi les ressources de l'Etat. Il revient donc, en vertu de l'article 34 de la Constitution, au législateur organique de fixer le régime de l'établissement de ces rémunérations.

L'article 5 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 a procédé à une délégation complète, du Parlement vers le gouvernement, du pouvoir d'établissement et d'autorisation de perception des rémunérations de services rendus. Celles-ci sont établies et perçues sur la base de décrets en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre des finances et du ministre intéressé. Le Parlement se contente d'en évaluer le produit parmi les ressources de l'Etat 17 ( * ) .

Pour remédier à cet état de fait peu satisfaisant, l'Assemblée nationale a souhaité mettre en place un double mécanisme. Il s'agit d'abord de permettre au pouvoir réglementaire de créer et d'autoriser la perception de telles rémunérations, par la voie de décrets en Conseil d'Etat, pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Cette procédure réglementaire se justifie, selon le rapporteur de la proposition de loi, notre collègue député M. Didier Migaud, « pour des raisons tenant à la souplesse de la gestion de l'administration » 18 ( * ) . Le législateur n'entend d'ailleurs pas remettre en cause les fondements de ces rémunérations, qui sont la stricte équivalence entre la rémunération et le service rendu et l'affectation du produit de la rémunération au prestataire du service.

Cependant, cette facilité pratique laissée à l'administration doit se concilier avec le souci, partagé par votre rapporteur, ainsi qu'il l'a rappelé dans le rapport fait au nom de la commission des finances 19 ( * ) , d'assurer l'exhaustivité de la loi de finances. Pour cela, l'Assemblée nationale a repris sa proposition de demander au plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée - celle de l'établissement de la rémunération - de ratifier les décrets, faute de quoi ils deviennent caducs. Cette caducité deviendrait effective dès la publication de la loi de finances en question. Une fois ratifiés, les décrets demeurent valables sans limitation de durée, jusqu'à leur abrogation ou leur modification ; il n'est pas besoin de renouveler annuellement une ratification. En revanche, il paraît évident et naturel que leur modification nécessite aussi une disposition de loi de finances.

Un autre argument plaide en faveur de la ratification des décrets instituant les rémunérations pour service rendu : la distinction est parfois très ténue entre redevance et taxe, et certaines redevances ont ainsi été progressivement modifiées quitte à devenir des « quasi taxes » tout en conservant leur régime. Afin de remédier à cette situation source de confusion mais aussi d'incertitudes juridiques, l'intervention du législateur semble nécessaire. Celle-ci ne sera pas suffisante en soi. En effet, la capacité du Parlement à prévenir les dérives des redevances vers des taxes, en bref, sa capacité à défendre les intérêts de ceux à qui l'on impose de rémunérer les services rendus par l'Etat, suppose que le Parlement puisse connaître le « prix » imposé aux usagers de l'administration. Or, ce prix continuera, vraisemblablement, à être fixé par les arrêtés d'application des décrets constituant les rémunérations pour services rendus. Il conviendra donc que le Parlement qui, avantage décisif du nouveau dispositif, sera désormais informé des bases juridiques desdits arrêtés, suive avec beaucoup de soin leur contenu.

Bien entendu, comme toutes les autres ressources de l'Etat, le produit des rémunérations pour services rendus déjà établies continuerait à être évalué dans l'état mentionné à l'article 31.

Votre rapporteur estime que cette rédaction représente un juste équilibre, conforme à la fois à la prise en compte des contraintes qui pèsent sur l'administration et au souhait du Parlement d'autoriser, en étant pleinement informé, la perception de l'ensemble des ressources de l'Etat. La demande d'une ratification obligatoire lui semble normale dans la mesure où il ne faudrait pas que des ressources de l'Etat puissent être établies et autorisées hors du Parlement. Celui-ci ne peut plus se contenter de seulement « bénir » l'évaluation du produit de ressources dont il n'aurait pas eu à connaître, d'autant que la limite entre rémunération pour services rendus et taxe est parfois ténue. Dans l'esprit de votre rapporteur, l'évaluation et l'autorisation vont de pair.

Par ailleurs, la caducité automatique constitue une simple garantie que le gouvernement n'oubliera pas de demander la ratification des décrets, qui devrait prendre la forme d'un article de loi de finances listant les décrets dont la ratification est demandée. Afin que l'incitation soit plus forte, il aurait pu être envisagé de remplacer la caducité par la nullité des actes, ce qui entraînerait des effets rétroactifs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4

La définition des charges budgétaires de l'Etat

Commentaire : le présent article vise à définir les charges budgétaires de l'Etat.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Dans le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, la définition des charges budgétaires de l'Etat, à laquelle il est procédé par énumération, est singulièrement « ramassée » par rapport au texte en vigueur.

Ainsi, alors que l'ordonnance répartit les charges budgétaires de l'Etat en trois catégories et onze titres, il est proposé de s'en tenir à une nomenclature en six titres de dépenses.

Votre rapporteur rappelle que l'article 6 de l'ordonnance n° 59-2 distingue, pour ce qu'il dénomme les charges permanentes de l'Etat, trois catégories de dépenses, réparties par titre :

- les dépenses ordinaires, ventilées en quatre titres (respectivement, relatifs à la dette publique, aux pouvoirs publics, aux moyens des ministères et aux dépenses d'intervention) ;

- les dépenses en capital, réparties en trois titres (respectivement, relatifs aux dépenses d'investissement, aux subventions d'investissement et aux réparations des dommages de guerre, lequel, depuis 1988, n'est plus doté de crédits en loi de finances initiale) ;

- les dépenses liées aux prêts et avances de l'Etat, ventilées en quatre titres (respectivement, relatifs aux prêts du fonds de développement économique et sociale -FDES-, aux prêts intéressant le logement, aux prêts divers consentis par l'Etat et aux avances de l'Etat).

Face à cette taxinomie, le texte de l'Assemblée nationale distingue, quant à lui, six catégories de charges budgétaires :

- les dotations des pouvoirs publics, isolées afin de respecter le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et celui d'autonomie financière des assemblées parlementaires qui en constitue une traduction ;

- les dépenses de personnel ;

- les dépenses de fonctionnement, hors personnel ;

- les dépenses d'intervention ;

- les dépenses d'investissement de l'Etat pour son propre compte ;

- les prêts et avances.

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

A. OBSERVATIONS INTRODUCTIVES

1. De l'importance de la définition des dépenses budgétaires de l'Etat

Votre rapporteur souhaite souligner combien la notion de dépenses budgétaires de l'Etat mérite d'être précisée. Notre histoire budgétaire récente est marquée par la perte de substance du principe d'unité budgétaire qui suppose, en particulier, que les dépenses de l'Etat sont toutes déterminées par la loi de finances et, sauf pour celles à qui est reconnu le statut d'emplois de trésorerie, portées au budget de l'Etat.

La multiplication des transferts de charges à des organismes tiers, avec pour corollaire les affectations directes d'impositions destinées à en assurer le financement, combinée avec une conception purement organique, voire existentialiste, des charges de l'Etat, ont provoqué cet affadissement regrettable.

Sans doute est-il heureux que le Conseil constitutionnel ait pu réagir devant certains détournements caractérisés, comme par exemple dans l'affaire des majorations de pension 20 ( * ) considérées par lui comme des charges permanentes de l'Etat devant ainsi être budgétées. Cependant, malgré l'énonciation explicite, dans sa décision relative à la loi de finances initiale pour 2000, des « inconvénients inhérents à toute débudgétisation », ces réactions sont restées relativement sporadiques.

Dans ces conditions, votre rapporteur a réfléchi à une formule permettant de définir les dépenses budgétaires par référence à une conception essentialiste. Cependant, la complexification des structures d'administration, la consécration des comptes de certaines d'entre elles dans des textes organiques, l'imbrication étroite de dépenses qu'il aurait été possible de faire entrer dans les contenus d'une telle définition avec d'autres, appelées à y échapper, offrent, en l'état, trop de résistances à une telle démarche.

Pour autant, votre rapporteur est conduit à souligner l'importance qu'il y a à restaurer le principe d'unité budgétaire dont le respect suppose l'inscription de crédits budgétaires dans le budget général, les budgets annexes ou les comptes spéciaux dès lors que, du fait de l'exercice par l'Etat de ses compétences propres, une charge publique doit être constatée quelqu'en soit son gestionnaire.

2. Du caractère nécessairement contestable des choix de nomenclature

Votre rapporteur relève les critiques exprimées à l'encontre de la nomenclature prévue par l'ordonnance organique dans le rapport de l'Assemblée nationale précité. Elles sont formulées ainsi : « Outre son caractère discrétionnaire -les subventions d'investissement sont-elles des dépenses d'investissement ou des dépenses d'intervention économique ?- cette nomenclature pèche par son manque de cohérence et de lisibilité ».

Votre rapporteur considère que toute nomenclature peut paraître contestable sur tel ou tel point.

Ainsi, le choix de ne budgéter que certaines opérations financières ne peut-il être défendu qu'au nom de certaines considérations pratiques assez éloignées de fondements théoriques susceptibles de déboucher sur d'autres solutions come, par exemple, pour les remboursements d'emprunts.

De la même manière, le classement des subventions d'investissement en dépenses de fonctionnement des collectivités locales, justifié au regard de l'absence de contrepartie patrimoniale, l'est moins sous l'angle d'une analyse du coût de fonctionnement des collectivités locales.

B. LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION

Dans un contexte où la nomenclature des dépenses budgétaires est appelée à être profondément modifiée, votre rapporteur vous propose un classement destiné à conserver à l'énoncé des moyens de l'Etat un caractère aussi informatif que possible.

1. Une nomenclature profondément modifiée

La nomenclature budgétaire sortira profondément modifiée du texte de la future loi organique. A une nomenclature de moyens, spécialisée par chapitres regroupés dans des titres, se substituera une nomenclature de performances axée sur les programmes et tempérée, si les propositions de votre rapporteur sont adoptées, par l'existence de quelques dotations limitativement énumérés.

Dans ce contexte, le regroupement des dépenses budgétaires dans les titres visés au présent article a principalement pour vocation d'assurer une bonne lisibilité des moyens.

Si le débat budgétaire doit être renouvelé en se centrant sur les performances des acteurs, la considération des moyens n'en deviendra pas pour autant indifférente.

Même s'il souscrit sans réserve au principe de globalisation des crédits dont l'expression la plus achevée est celle de la « fongibilité asymétrique des crédits » 21 ( * ) , votre rapporteur n'en tire pas la conséquence d'une insignifiance de la nature des moyens de l'action publique. Il observe d'ailleurs que telle n'est pas non plus l'approche de l'Assemblée nationale qui n'a pas poussé la nouvelle logique de globalisation des crédits jusqu'à ne prévoir que deux catégories de dépenses, celles de personnel et les autres.

2. La nomenclature proposée

Sans écorner le moins du monde le principe de « fongibilité asymétrique des crédits » rappelé ci-avant, votre rapporteur vous propose donc une nomenclature des dépenses que devront présenter, à titre informatif, les documents budgétaires. Elle repose sur le souci de rendre compte de la nature économique et des modalités des moyens de l'action publique.

Sans prétendre que cette nomenclature doive échapper à toute critique, votre rapporteur souhaite qu'elle satisfasse les besoins de première analyse de ceux qui auront à se pencher sur les affaires budgétaires, que ce soit au stade de la prévision ou, à travers la « traçabilité » qu'elle doit favoriser, au stade de l'exécution du budget.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 5

Le budget et les principes budgétaires

Commentaire : Le présent article définit la notion de budget, ainsi que les principes budgétaires fondamentaux qui lui sont liés.

L'Assemblée nationale a souhaité mentionner, dans le présent article, les principes fondamentaux qui régissent le budget de l'Etat. Votre rapporteur vous proposera de supprimer cet article en faisant figurer ses dispositions à d'autres endroits du texte.

Le premier alinéa de cet article indique que le budget retrace sous forme de recettes et de dépenses, les ressources et les charges budgétaires de l'Etat. Il diffère ainsi de la rédaction de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, qui assimilait le budget à un ensemble de comptes prévisionnels qui décrivent les ressources et les charges permanentes de l'Etat. Votre rapporteur considère que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale limite la confusion entre les aspects budgétaires et comptables, et abandonne pertinemment la notion de permanence dont l'ambiguïté ne contribue pas à la bonne compréhension de la frontière entre les opérations budgétaires et les opérations de trésorerie.

Le deuxième alinéa du présent article précise le contenu de l'article 47 de la Constitution selon lequel la loi de finances fixe « les ressources et les charges d'un exercice ».

Le troisième alinéa du présent article explicite le principe de l'universalité budgétaire, en affirmant une obligation d'exhaustivité du budget de l'Etat et en prohibant la contraction entre recettes et dépenses.

La quatrième alinéa du présent article affirme le principe d'unité budgétaire en reprenant les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Enfin, le cinquième alinéa liste les dérogations autorisées au principe de l'annualité budgétaire mentionné dans le second alinéa en reprenant, pour l'essentiel, les dispositions du cinquième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Votre rapporteur ne se montre pas en désaccord avec les dispositions du présent article. Cependant, il considère qu'il est plus opportun de scinder celui-ci dans le cadre de la structuration du texte de la loi organique qu'il vous propose. Ainsi, il vous propose d'insérer un article additionnel avant l'article premier afin de préciser l'objet des lois de finances. Il est en effet logique que la loi organique relative aux lois de finances commence par définir ce qu'est une loi de finances, avant de traiter des ressources et des charges de l'Etat. Par conséquent, votre rapporteur vous propose d'insérer les dispositions du premier et du deuxième alinéa du présent article dans son article additionnel avant l'article premier.

Le deuxième alinéa de l'article additionnel que votre rapporteur vous propose d'insérer avant l'article premier dispose ainsi que « [les lois de finances] approuvent le budget de l'Etat qui décrit l'ensemble de ses recettes et de ses dépenses budgétaires pour un exercice ainsi que l'équilibre budgétaire qui en résulte. L'exercice s'étend sur une année civile ». Compte tenu de la rédaction de la première phrase de l'article 1er proposée par votre rapporteur, qui dispose que « les ressources et les charges de l'Etat comprennent les recettes et les dépenses budgétaires et les ressources et les emplois de trésorerie », il apparaît que le contenu des deux premier alinéas ainsi que la première phrase du troisième alinéa du présent article sont pleinement affirmés dans ce texte.

Votre rapporteur vous propose par ailleurs de faire figurer la deuxième phrase du troisième alinéa ainsi que le quatrième alinéa du présent article, à l'article 17 de la proposition de loi organique, qui ouvre le chapitre consacré aux affectations de recettes. Votre rapporteur a en effet jugé préférable de mentionner ces obligations dans le cadre des dispositions réglementant les affectations de recettes, afin que les exceptions au principe d'universalité budgétaire figurent dans le même article que l'énoncé de ce principe.

Enfin, votre rapporteur n'a pas souhaité reprendre l'intégralité des principes mentionnés au cinquième alinéa du présent article. En effet, les dispositions relatives aux engagements de crédits par anticipation sont reprises à l'article 8 : « Sauf dispositions spéciales d'une loi de finances prévoyant un engagement par anticipation sur les crédits de l'année suivante, nulle dépense ne peut être engagée sur les crédits d'une année ultérieure », votre rapporteur considère qu'il n'est pas indispensable dès lors, de mentionner les autres exceptions au principe de l'annualité budgétaire.

Par ailleurs, votre rapporteur estime que l'énumération des dispositions susceptibles d'engager l'équilibre financier des années ultérieures n'est pas satisfaisante :

- d'une part, cet alinéa mélange les supports juridiques dérogeant au principe de l'annualité des crédits (soit les autorisations d'engagement et les engagements par anticipation) et les opérations dont la nature même conduit à engager l'équilibre financier des années ultérieures (celles relatives à la gestion de la dette, ainsi que les garanties accordées par l'Etat et les conventions financières). Cette énumération, dont l'ordre ne semble pas résulter d'une logique particulière, créé donc une confusion qui nuit à la bonne compréhension du texte ;

- d'autre part, certaines opérations qui ne figurent pas dans cette liste sont susceptibles d'engager lourdement l'équilibre financier des années ultérieures. C'est le cas, à l'évidence, des dépenses relatives à la fonction publique : l'embauche d'un fonctionnaire, par exemple, engage les finances de l'Etat pour plusieurs décennies.

Telles sont les raisons qui conduisent votre rapporteur à supprimer les dispositions figurant au dernier alinéa du présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 6

La comptabilisation des recettes et des dépenses

Commentaire : Le présent article tend à définir les règles applicables en matière de comptabilisation des recettes et des dépenses.

Le présent article pose les principes qui régissent la comptabilité de l'Etat. Il reprend le système actuel de comptabilité « de caisse » où les recettes et les dépenses sont comptabilisées au moment de leur décaissement ou de leur encaissement.

I. LE MAINTIEN DE LA COMPTABILITÉ DE CAISSE

Le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, notre collègue député Didier Migaud, justifie le choix d'un système « de caisse » par le fait qu'il permet d'assurer un meilleur suivi de l'autorisation budgétaire, et est cohérent avec la dimension prévisionnelle associée au budget de l'Etat. Il souligne en revanche que ce système soumet la détermination du résultat budgétaire de l'année à un éventuel décalage de certains encaissements ou décaissements. Lors de la première lecture de la présente proposition de loi à l'Assemblée nationale, le rapporteur a donné son avis sur un amendement de notre collègue député Jean-Jacques Jégou, visant à établir un système de comptabilisation des opérations budgétaires en droits constatés. Il a ainsi fait remarquer que « le système de caisse est plus cohérent avec la notion d'autorisation budgétaire préalable. En effet, lorsque le Parlement vote une évaluation de recettes, qui concourt à l'équilibre financier, le vote ne porte pas sur une évaluation du montant qui sera mis en recouvrement - et qui constitue une recette seulement virtuelle -, mais sur une évaluation du montant qui ira effectivement dans les caisses de l'Etat. Le Parlement ne peut voter qu'une vraie recette. Par voie de symétrie, les dépenses qui déterminent, avec ces recettes, l'équilibre financier, ne peuvent être comptabilisées qu'en caisse. »

Votre rapporteur a souhaité regrouper dans un chapitre spécifique intitulé « Des comptes de l'Etat », les dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat, considérant qu'un tel aménagement contribuait à améliorer la lisibilité du texte de la loi organique et à donner toute sa place au système comptable de l'Etat. Il considère en effet que les dispositions relatives à la comptabilité publique revêtent une grande importance, car leur qualité conditionne pour une grande part la réussite des actions menées par ailleurs afin d'améliorer la gestion des services de l'Etat ainsi que la transparence et le contrôle sur le budget de l'Etat . C'est pour ce motif et non pour des raisons de fond qu'il vous propose de supprimer le présent article. En effet, le texte qui vous sera proposé reprend pour l'essentiel la rédaction retenue par l'Assemblée nationale sous réserve de quelques modifications allant dans le sens d'une clarification.

Votre rapporteur considère que le maintien d'un système de comptabilité « en caisse » est nécessaire afin de suivre précisément l'exécution des lois de finances. En effet, ce système permet à tout moment de connaître avec précision ce qui a été dépensé et ce qui reste dans les caisses de l'Etat. Dans son rapport intitulé « Doter la France de sa nouvelle constitution financière » 22 ( * ) , votre rapporteur avait insisté sur les difficultés de mise en oeuvre d'un budget en droits constatés, compte tenu des difficultés techniques que cela pose au regard de la comptabilisation des créances fiscales d'une part, et de la définition du fait générateur de l'enregistrement comptable, d'autre part. Le responsable de l'Agence comptable centrale du Trésor, M. Jean-Jacques François, souligne d'ailleurs que si la comptabilité en droits constatés constitue une forme élaborée de suivi, un budget en droits constatés est, à l'expérience, difficile à interpréter.

Par ailleurs, l'unification des processus budgétaires et comptables qui résulterait de la présentation du budget en droits constatés, conduirait à transformer l'autorisation parlementaire en approbation de comptes prévisionnels. Par conséquent, le Parlement aurait alors à se prononcer sur des « charges calculées » ayant pour objet de réaliser des corrections de valeurs du type amortissement ou provisions, qui reposent sur des conventions comptables et ne donnent pas lieu à de véritables décaissements. L'inclusion dans le projet de loi de finances initiale de charges calculées présenterait des inconvénients importants :

- d'une part, le vote d'une charge calculée n'aurait pas la même portée que le vote d'une autorisation d'engagement : le Parlement serait amené à constater les évaluations fournies par le Gouvernement et à les ratifier par un vote d'approbation. Les amendements porteraient alors sur les méthodes de calcul des charges retenues par convention, et n'auraient pas la même portée politique que dans une budgétisation « en caisse » ;

- d'autre part, l'introduction de charges calculées dans le budget de l'Etat poserait un problème d'affichage : dès lors que des provisions importantes seraient introduites, la dégradation du solde budgétaire qui en résulterait ne pourrait être équilibrée que par une augmentation de la fiscalité, sauf à considérer que cette dégradation n'est que la conséquence « optique » d'un changement de méthodologie comptable.

Si une telle comptabilité prévisionnelle paraît donc difficile, il n'en va pas de même pour l'exécution des opérations budgétaires. Ainsi, le projet informatique ACCORD, qui vise à moderniser les conditions d'enregistrement de la dépense au niveau central, devra permettre de nourrir simultanément en informations les différents systèmes comptables que la présente loi organique souhaite voir mis en oeuvre, dont il convient de souligner qu'ils répondent chacun à des besoins spécifiques.

Votre rapporteur a donc considéré que le maintien de la dualité comptabilité générale / comptabilité de caisse était une nécessité. Il a estimé en revanche qu'un rapprochement était nécessaire entre les différentes comptabilités, et, en particulier, entre la comptabilité budgétaire et la comptabilité nationale.

Votre rapporteur vous propose de conserver la rédaction retenue pour le premier et le deuxième alinéa (1°) du présent article. Dans le troisième alinéa (2°) du présent article, il vous propose de supprimer la distinction entre les dépenses payables après ordonnancement et les dépenses payables sans ordonnancement. En effet, ainsi que l'indique le rapport de l'Assemblée nationale 23 ( * ) , le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique a complété les dispositions de l'ordonnance organique sur ce point. Un décalage existe entre le moment ou les ordonnances ou mandats sont visés par les comptables assignataires et le paiement de la dépense correspondante. Lors de son audition par la commission des finances du Sénat constituée en commission d'enquête sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances, le 2 mai 2000, le directeur général de la comptabilité publique, M. Jean Bassères, indiquait que « 8 jours et demi sont effectivement les délais du comptable entre le moment où le mandat a été élaboré par le service ordonnateur et le moment où il est payé par le comptable » 24 ( * ) . Cependant, le décalage qui est visé par les dispositions du présent alinéa n'est pas celui-là, mais celui entre le moment ou le mandat est visé par le comptable et le moment où la dépense est payée. Ce délai a été considérablement réduit avec les moyens de transmission des informations par réseau informatique, et est, en pratique, quasiment nul aujourd'hui. En effet, le comptable assignataire procède au paiement de la dépense immédiatement après le visa de cette dernière. Concrètement, l'opération de paiement est une transaction qui déclenche l'envoi à la Banque de France des données nécessaires au « créditement » des comptes bancaires des différents créanciers concernés par l'opération. Le délai entre les opérations de visa et le paiement de la dépense est donc généralement inférieur à la journée, les dépassements de ce délai résultant pour l'essentiel des paiements en numéraire et du traitement des oppositions reçues.

Votre rapporteur vous propose donc d'indiquer que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont payées par un comptable publics . » Cette simplification de la rédaction permet, outre qu'elle ne pose pas de problèmes techniques, d'affirmer la cohérence du système de comptabilisation des opérations budgétaires « en caisse », qui suppose que le décaissement et l'encaissement constituent le fait générateur de l'enregistrement comptable.

II. LES COMPTES D'IMPUTATION PROVISOIRE

Le quatrième alinéa du présent article (3°) porte sur les comptes d'imputation provisoire. Votre rapporteur se félicite de l'introduction d'une disposition relative à ces comptes, dès lors qu'ils sont susceptibles de constituer une atteinte importante au principe de sincérité de l'exécution budgétaire. Lors de son audition par la commission des finances du Sénat constituée en commission d'enquête, M. François Logerot, alors président de la première chambre de la Cour des comptes, indiquait 25 ( * ) que « en comptabilité générale, un compte d'imputation provisoire doit être soldé au 31 décembre. Dans le cas de l'Etat, l'imprécision des règles fait que ces comptes d'imputation provisoire non seulement existent, mais ne sont pas vidés au 31 décembre. Nous avons constaté qu'en 1999 les imputations provisoires de recettes fiscales ont grossi dans des proportions importantes alors que les comptes d'imputation provisoire de dépenses étaient à un niveau plus bas. Ce qui fait que, par hypothèse, au 31 décembre, tous ces comptes avaient pu être vidés et les recettes et dépenses réaffectées dans les comptes budgétaires, puisque pour l'instant elles sont dans des comptes de bilan, le déficit budgétaire se serait trouvé mécaniquement réduit par rapport à ce qu'il était en définitive. »

Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1999, la Cour des comptes soulignait l'utilisation condamnable des comptes d'imputation provisoire, en insistant sur le fait que la variation du solde des comptes d'imputation provisoire détermine leur impact sur le solde budgétaire. La Cour formulait les conclusions suivantes sur l'utilisation des comptes d'imputation provisoire :

- d'une part, elle indiquait que le fait de ne pas solder les comptes d'imputation provisoire n'était pas conforme à l'article 16 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;

- d'autre part, elle soulignait que « pour remédier aux inexactitudes affectant aussi bien les recettes que les dépenses de l'Etat du fait du jeu des comptes d'imputation provisoire, il est nécessaire que ces comptes soient soldés pendant la période d'inventaire, c'est-à-dire entre le 31 décembre et la signature du compte général de l'administration des finances par le ministre. »

Les comptes d'imputation provisoires apparaissent donc comme un facteur d'opacité et de maquillage du pilotage peut-être vertueux du solde budgétaire, qui s'oppose tant à la bonne information du Parlement qu'au respect des autorisations annuelles qu'il délivre à l'occasion du vote de lois de finances. Il apparaît indispensable de prévoir dans la loi organique relative aux lois de finances, des dispositions pour encadrer les pratiques budgétaires de fin de gestion, de manière à permettre la mise en oeuvre d'un code de bonne conduite de la fin de gestion. Un des enjeux de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances consiste en effet à réduire au maximum la marge d'arbitraire dont dispose le gouvernement lorsqu'il procède à l'arrêté définitif des comptes de l'Etat.

En dépit de ce souhait, votre rapporteur concède qu'il est nécessaire de tenir compte des contraintes techniques qui s'appliquent aux comptes d'imputation provisoire, la direction générale de la comptabilité publique n'étant pas en mesure de solder l'ensemble des comptes à l'issue de la période complémentaire. On rappellera que l'Etat utilise les comptes d'imputation provisoire plus fréquemment que ne le font les entreprises (qui disposent de comptes équivalents, dénommés « comptes d'attente »), puisque la nomenclature de la comptabilité de l'Etat recense près de 250 comptes d'imputation provisoire de recettes et de dépenses. Ce nombre s'explique par la nécessité pour l'Etat de centraliser les écritures de plus de 5.000 comptables, et par la multiplicité de ses partenaires financiers. Au cours de l'année 2000, d'après les informations recueillies auprès de la direction générale de la comptabilité publique par votre rapporteur, les opérations de l'ensemble des comptes d'imputation provisoire ont représenté une masse de recettes de 11.873 milliards de francs et une masse de dépenses de 11.866 milliards de francs, soit 7 fois le montant du budget de l'Etat. Il convient cependant de noter que seule une part mineure de ces opérations ont une incidence sur le solde budgétaire de l'Etat, la plupart d'entre elles concernant les opérations effectuées pour le compte de tiers. Enfin, il faut prendre en considération le fait que, si le paiement des dépenses est toujours réalisé par un comptable public, après vérification de leur imputation, il n'en va pas de même pour les opérations de recettes qui peuvent résulter du versement par un tiers de sommes pour lesquelles le comptable ne dispose pas toujours des éléments d'information suffisants pour permettre leur imputation définitive, et, en particulier, l'indication de la partie versante.

Votre rapporteur vous propose donc de reprendre, sous réserve de modifications mineures, le dispositif relatif aux comptes d'imputation provisoires contenu dans le présent article. Ainsi, dans la première phrase du quatrième alinéa (3°) du présent article, il vous propose de remplacer la référence à « la date de l'arrêté du résultat budgétaire » par « la date d'expiration de la période complémentaire ». Le rapport de l'Assemblée nationale indique que « la fin de la période complémentaire marquant la possibilité pour le Gouvernement d'arrêter le résultat budgétaire définitif de l'année précédente, il paraît logique de s'y référer. ». Votre rapporteur estime que, un délai supplémentaire pouvant exister entre la fin de la période complémentaire et la date de l'arrêté du résultat budgétaire définitif de l'exercice précédent, il apparaît préférable de mentionner la fin de la période complémentaire comme date butoir pour l'enregistrement aux comptes définitifs des recettes et des dépenses portées aux comptes d'imputation provisoires.

Reprenant à son compte les observations formulées par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, votre rapporteur a souhaité conserver les dispositions de cet alinéa relatives aux opérations de recettes qui n'auraient pu être imputées définitivement à la fin de la période complémentaire. En effet, ces opérations ne pouvant être imputées à des comptes définitifs pour des raisons techniques, votre rapporteur considère qu'il n'est pas anormal de laisser au comptable public des délais suffisants pour déterminer l'origine des recettes enregistrées dans les comptes d'imputation provisoire, dès lors que celles-ci font l'objet d'une information spécifique et détaillée dans une annexe au projet de loi de règlement afférent à l'exercice concerné. En dépit de sa volonté initiale d'édicter des dispositions plus contraignantes en matière de solde de ces comptes, votre rapporteur considère que les contraintes fixées par le présent alinéa devraient éviter les utilisations abusives des comptes d'imputation provisoire à des fins de pilotage du solde budgétaire .

Par ailleurs, votre rapporteur se félicite de ce que la résorption des comptes d'imputation provisoire fasse l'objet d'une attention accrue de la part de la direction générale de la comptabilité publique, qui achève un plan d'actions destiné à réduire leur nombre de manière significative. Cette direction a ainsi indiqué à votre rapporteur qu'il avait été décidé de réexaminer les calendriers de clôture des opérations en fin d'exercice et de modifier les réglementations et les pratiques qui facilitent le recours aux comptes d'imputation provisoire. Par ailleurs, la direction générale de la comptabilité publique envisage de sensibiliser les ordonnateurs sur la nécessité d'émettre les titres, ordonnances et mandats dans les meilleurs délais et, à défaut, d'étudier la possibilité d'autoriser les comptables assignataires, dès lors qu'ils disposent des informations le permettant, à régulariser les recettes et les dépenses portées dans des comptes d'imputation provisoire, en procédant à leur enregistrement dans les comptes budgétaires.

Enfin, votre rapporteur insiste sur le fait que l'obligation pour l'Etat de tenir et de présenter une comptabilité générale, qui implique que les opérations soient imputées au bon exercice, limitera considérablement les hypothèses de manipulation du solde budgétaire du fait de l'utilisation des comptes d'imputation provisoire.

III. LA PÉRIODE COMPLÉMENTAIRE

Le cinquième alinéa du présent article porte sur l'existence d'une période complémentaire à l'année civile, qui déroge au principe de l'annualité budgétaire. Votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité d'une suppression de la période complémentaire, compte tenu des manipulations de fin d'exercice qui y ont parfois cours, et de la forte dérogation que cette période constitue au regard du principe de l'annualité budgétaire. S'agissant des opérations pouvant être effectuées au cours de la période complémentaire, plusieurs distinctions doivent être effectuées. Ainsi, lors de son audition par la commission des finances du Sénat constituée en commission d'enquête sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances, le 2 mai 2000, le directeur général de la comptabilité publique, Jean Bassères, indiquait que « e n matière de choix d'imputation sur les exercices, Monsieur le rapporteur général, vous avez distingué les recettes fiscales et les recettes non fiscales. Les recettes fiscales ne sont pas impliquées, compte tenu qu'il n'existe pas de comptabilisation de recettes fiscales en périodes complémentaires, sauf cas exceptionnel de grève où les imputations se font alors sur la base d'un décret, ainsi qu'en 1989 et 1995.

Pour les recettes fiscales, nous constatons ce qui a été passé dans les écritures au 31 décembre.

Pour les recettes non fiscales, traditionnellement une appréciation est effectuée sur le choix de l'exercice d'imputation. Concernant les exercices 1999 et 2000 les ministres ont eu l'occasion de s'expliquer devant la représentation nationale sur le fait que des recettes non fiscales à hauteur de 15 milliards de francs -CADES, Caisses d'épargne et COFACE- avaient été encaissées en période complémentaire et imputées sur 2000. C'est un choix explicité par les ministres et qui, de ce point de vue, ne regarde pas les techniques comptables. » 27 ( * )

Par ailleurs, dans le cadre de son audition par la commission des finances du Sénat constituée en commission d'enquête sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances, le 9 mai 2000, Christophe Blanchard-Dignac, alors directeur du budget, indiquait : « nous avons proposé de réduire la période complémentaire. Celle-ci permettait pour les recettes non fiscales, correspondant à des opérations réciproques en liaison avec d'autres administrations publiques, de continuer à percevoir des sommes jusqu'au 8 mars de l'année suivante. Aujourd'hui, c'est le 31 janvier.

Nous avons une période complémentaire d'un mois, et dans les travaux que nous menons sur la comptabilité en droits constatés, nous nous efforçons de créer les conditions, techniquement compliquées (sur lesquelles nous pourrions donner notre sentiment, si le Sénat le souhaitait) pour supprimer totalement la période complémentaire pour les ordonnateurs, c'est-à-dire qu'il n'y ait que des écritures comptables, et plus de flux financiers passés le 31 décembre. » 28 ( * )

Votre commission a envisagé dans un premier temps, la limitation de la période complémentaire à l'enregistrement comptable des opérations de recette et de dépense, en excluant ainsi toute possibilité d'encaisser des recettes ou encore d'ordonnancer des dépenses. Cette hypothèse posait cependant un problème significatif au regard des crédits qui seraient ouverts par une loi de finances rectificative promulguée au mois de décembre, qui seraient, dans ce cas, largement reportés ou inutilisés. Or, un tel report massif de crédits constituerait une atteinte majeure au principe d'annualité budgétaire, en dénaturant totalement l'objet des lois de finances rectificatives de fin d'année. Dès lors qu'une loi de finances intervient dans les derniers jours de l'année, empêcher tout acte d'engagement et de paiement au titre des crédits ouverts par elle reviendrait à la vider de toute signification. A titre d'exemple, afin de répondre à cette nécessité, les engagements de dépense portant sur les crédits de l'année 2000 ont été autorisés jusqu'au 9 janvier 2001.

La solution envisagée par votre rapporteur aurait donc contraint à modifier le calendrier législatif, en avançant la date d'examen de la loi de finances rectificative de fin d'année, traditionnellement promulguée après le 15 décembre. Or, d'une part, les dates d'examen de la loi de finances rectificative sont largement contraintes par les délais fixés par la Constitution à la discussion des projets de loi de finances initiale et, d'autre part, il convient de souligner l'intérêt des lois de finances rectificative de fin d'année. Lors de son audition par la commission des finances du Sénat constituée en commission d'enquête sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances, le 26 avril 2000, notre collègue Jean Arthuis, ancien ministre de l'économie et des finances, rappelait : « l e processus de la discussion de la loi de finances est assez étonnant. Cinq semaines à l'Assemblée nationale, trois semaines au Sénat, pour une loi de finances qui est devenue quelque peu virtuelle. Comment se fait-il que nous ne parvenions pas à avoir une appréciation rigoureuse sur les effectifs ? C'est presque indicatif. C'est presque un plan média. Oui, j'ai le sentiment que le projet de loi de finances est aujourd'hui un plan de communication ! Une sorte d'image virtuelle !

Le document de vérité, je me permets d'insister sur ce point, c'est la loi de finances rectificative parce qu'elle est fondée sur des constatations en cours d'exercice. Or, elle viendra en discussion à l'Assemblée nationale juste avant Noël. Le débat va durer deux ou trois heures et au Sénat peut-être autant ! Mais c'est le document vérité. » 29 ( * ) .

Votre rapporteur a considéré qu'il n'était pas souhaitable d'empêcher l'ordonnancement des crédits ouverts par une loi de finances rectificative de fin d'année en période complémentaire. Il convient donc de permettre l'engagement de ces crédits sur l'exercice pour lequel ils ont été ouverts. En revanche, il a souhaité limiter l'ordonnancement des dépenses en période complémentaire à ces seuls crédits. Par conséquent, les seules opérations permises aux ordonnateurs pendant la période complémentaire seront celles relatives aux crédits ouverts par une loi de finances rectificative promulguée au cours du mois de décembre de l'année précédente.

Il a été indiqué à votre rapporteur que cette solution pourrait poser problème lorsque des crédits ouverts en loi de finances rectificative visent à abonder la dotation d'un programme afin de permettre de financer une opération lourde pour lesquels les crédits disponibles seraient insuffisants. Par ailleurs, il serait difficile de distinguer les crédits selon qu'ils relèvent de la loi de finances initiale ou du « collectif » de fin d'année.

Ces objections ne semblent que partiellement recevables, des solutions techniques étant disponibles. Dans le cas où un collectif viendrait abonder des crédits afférents à des actions déjà autorisées par une loi de finances antérieure, l'ordonnancement des dépenses en période complémentaire serait limité au montant des crédits ouverts par la loi de finances rectificative de fin d'année. Par conséquent, deux possibilités existent : soit l'opération devant être financée est prête à l'être, sous la seule réserve de la disponibilité des crédits. Dans ce cas, il semble possible techniquement soit d'ordonnancer la dépense avant la fin de l'année civile, soit de procéder à un ordonnancement séquencé, l'un intervenant avant la fin de la fin de l'année civile, l'autre en période complémentaire, la comptabilisation de ces opérations pouvant en tout état de cause avoir lieu au cours de la période complémentaire. Soit les dépenses afférentes à l'opération ne peuvent être ordonnancées avant la fin de l'année civile. Dans ce cas, il convient de reporter les crédits nécessaires à son financement sur l'exercice suivant, ainsi que le permet la rédaction proposée par votre rapporteur pour l'article 9 de la présente proposition de loi organique. Enfin, s'agissant de la distinction entre les crédits qui résultent du vote du collectif de fin d'année et ceux qui relèvent du vote des autres lois de finances afférentes à la même année, celle-ci ne semble pas poser de difficulté, ni pour les gestionnaires, ni pour le Parlement dans le cadre de sa mission de contrôle de l'exécution budgétaire. Il suffira en effet aux contrôleurs financier de restreindre la dépense, sur chaque programme, au montant des crédits ouverts par la loi de finances rectificative de fin d'année. Aucun virement ou transfert de crédits n'étant possible au cours de la période complémentaire, une simple comparaison entre le montant des crédits ouverts sur chaque programme et le montant des ordonnancements permettra de vérifier le respect de la norme ainsi fixée par la loi organique.

Au total, votre rapporteur vous propose de retenir un dispositif qui tout à la fois assure le respect de l'autorisation parlementaire, limite les marges laissées à l'arbitraire et tient compte des contraintes pratiques d'imputation et d'exécution.

Il vous proposera de supprimer ce dispositif pour le reprendre dans un chapitre spécialement dédié à la comptabilité de l'Etat.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

CHAPITRE II : DES AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES

INTITULE DU CHAPITRE II DU TITRE PREMIER

Des autorisations budgétaires

Commentaire : le présent intitulé ouvre le chapitre relatif aux autorisations budgétaires.

L'Assemblée nationale a souhaité créer un chapitre relatif aux autorisations budgétaires, qui décrit le régime d'autorisation des crédits et des emplois, ainsi que les exceptions qui peuvent être apportées au respect du vote du Parlement

Votre rapporteur approuve cette structure, et vous proposera seulement de modifier l'intitulé du chapitre en le dénommant « de la nature et de la portée des autorisations budgétaires » afin d'en préciser le contenu exact.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter l'intitulé de ce chapitre ainsi modifié.

ARTICLE 7

La budgétisation par objectifs : les missions et les programmes

Commentaire : le présent article pose le principe de la budgétisation par objectifs, définit les règles de répartition et de spécialité des crédits comme des emplois, et en précise le régime et les exceptions.

L'article 7 de la proposition de loi organique est au coeur de la réforme budgétaire proposée. Il offre les nouveaux leviers qui permettent d'espérer qu'en même temps que seront modifiées les procédures budgétaires et comptables, l'Etat lui-même s'engagera dans sa propre réforme. Ces leviers s'organisent autour du passage de l'actuelle budgétisation des moyens » à une « budgétisation orientée vers les résultats. Le présent article tire les conséquences de ce choix essentiel pour les crédits comme pour les emplois.

Votre rapporteur adhérant pleinement à la démarche de réforme ainsi entamée partage en tous points le choix de ce nouveau mode de budgétisation. Il vous proposera donc d'y souscrire, sous réserve de modifications qui, sans le remettre en cause, touchent à ses modalités pratiques : interministérialité, nouvelle unité de spécialité, définition plus précise des programmes.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LE RÉGIME DE RÉPARTITION DES CRÉDITS

Le I du présent article énonce les nouvelles règles de répartition des crédits en introduisant et en définissant la mission et le programme, avant de prévoir le cas particulier des pouvoirs publics et les règles de présentation des crédits.

La proposition de loi organique organise un regroupement des crédits par missions d'un ministère. La mission constitue, avec le ministère, l'unité de vote des crédits, ainsi que le prévoit l'article 43. Le texte de l'Assemblée nationale reproduit donc le système à double niveau actuellement en vigueur, qui distingue l'unité de vote de l'unité de spécialité et autorise ainsi, à l'intérieur de la première, des amendements portant sur la seconde. Cette structure a été conçue pour satisfaire le souhait de notre collègue député, le président Henri Emmanuelli, d'assurer le maintien en l'état de l'application du droit d'amendement.

Le deuxième alinéa définit la mission comme un « ensemble cohérent de programmes » pouvant être constitué, à titre exceptionnel, d'un seul programme. Le texte limite à l'initiative gouvernementale la possibilité de créer une mission, celle-ci étant considérée, par l'article 48 de la proposition de loi organique, comme la charge publique au sens de l'article 40 de la Constitution.

Le troisième alinéa, « la concrétisation du triptyque objectifs, résultats, contrôle » selon Didier Migaud 30 ( * ) , définit le programme comme comprenant les « crédits concourant à la réalisation d'un ensemble cohérent d'objectifs définis en fonction de finalités d'intérêt général et de résultats attendus ». Il s'agit donc de budgéter les crédits selon des objectifs à atteindre, qui se définissent, d'une part, par leur caractère de finalités d'intérêt général 31 ( * ) et d'autre part, par les prévisions de résultats formulées au moment de leur élaboration. Il ne s'agit donc pas, selon le rapporteur de la proposition de loi organique à l'Assemblée nationale, de rebaptiser programmes les agrégats actuels, mais bien de mettre en place une nouvelle unité de spécialité fondée sur une logique fonctionnelle et non plus organique.

Au delà du changement conceptuel, cette structure sous-tend une modification substantielle du pouvoir d'amendement des parlementaires. Par le jeu combiné de la mission, du programme et de l'assimilation de la mission à la charge publique au sens de l'article 40 de la Constitution, serait reconnue la possibilité pour des parlementaires de créer des programmes sous le plafond des crédits d'une mission. Les parlementaires pourraient, soit modifier la répartition des crédits entre les programmes d'une même mission, soit créer un nouveau programme au sein d'une mission et y affecter des crédits prélevés sur un ou plusieurs programmes de ladite mission 32 ( * ) .

Le quatrième alinéa prévoit le cas particulier des crédits des pouvoirs publics. L'Assemblée nationale propose de constituer une mission particulière pour les pouvoirs publics, chacun d'entre eux pouvant faire l'objet d'un ou plusieurs programmes spécifiques. Ce système a pour objectif de faire respecter le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs 33 ( * ) , qui s'exprime notamment dans l'autonomie financière des assemblées 34 ( * ) . Ce mécanisme permet de maintenir les règles existantes d'élaboration, de discussion, de vote et de contrôle des crédits des assemblées parlementaires, mais aussi celles des crédits des autres pouvoirs publics 35 ( * ) .

Enfin, le dernier alinéa du I précise que les crédits des programmes sont aussi présentés par titre, soit, selon l'article 4 de la proposition de loi organique, entre les titres pour : dépenses de personnel, dépenses de fonctionnement, dépenses d'intervention et dépenses d'investissement de l'Etat pour son propre compte, les crédits pour dépenses des pouvoirs publics faisant l'objet d'un titre spécifique, ainsi que ceux pour concours financiers 36 ( * ) .

B. LE RÉGIME DE SPÉCIALITÉ DES CRÉDITS

Le II fixe les règles de spécialité des crédits et les exceptions qui y sont apportées.

Le premier alinéa pose le principe selon lequel le programme constitue l'unité de spécialité des crédits. Il remplace ainsi le chapitre budgétaire qui regroupe les crédits selon leur nature ou leur destination. Il s'agit ici de rassembler les crédits selon des objectifs, mais aussi d'opérer une globalisation des crédits puisque le budget passerait d'une spécialisation en environ 850 chapitres à une spécialisation en 150 à 200 programmes.

Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas prévoient une exception à cette spécialisation par le biais de programmes spécifiques dotés de crédits globaux : l'un pour dépenses accidentelles (destiné à faire face à des dépenses liées à des calamités ou à des dépenses imprévues), l'autre pour mesures générales en matière de rémunérations. Il s'agit là de la provision salariale de la fonction publique, qui ne peut être répartie entre les programmes au moment du vote de la loi de finances en raison du non achèvement des négociations salariales. Les crédits globaux seraient donc définis de manière plus restrictive que dans l'ordonnance organique actuelle, afin d'éviter que ne se reproduise une utilisation de ces crédits contraires à leur objet même. Le cinquième alinéa renvoie à l'article 12 les modalités de répartition entre les autres programmes des crédits globaux.

Le dernier alinéa du II pose le principe de la « fongibilité asymétrique des crédits », qui constitue, avec la définition de l'unité de spécialité, le coeur du système de budgétisation par objectifs. La première phrase précise en effet que la répartition entre les titres est indicative (donc, sans caractère contraignant pour le gestionnaire en exécution). La seconde sanctuarise cependant les crédits inscrits au titre des dépenses de personnel, qui peuvent venir abonder les autres titres, mais ne sauraient être augmentés de crédits en provenance desdits autres titres : les crédits votés pour le titre des dépenses de personnel sur un programme constituent donc le plafond de ces dépenses.

Cet alinéa introduit donc une révolution dans le droit budgétaire français en confiant aux gestionnaires une enveloppe fongible de crédits, en lui fixant des objectifs et en prévoyant une information sur la manière dont il a atteint, ou non, ces derniers.

C. LA GESTION DES EMPLOIS PUBLICS

Le III rassemble les dispositions relatives aux emplois.

Il prévoit que les crédits pour dépenses de personnel seront accompagnés des « plafonds d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat », spécialisés par ministère. Ces plafonds ne peuvent être modifiés que par une disposition de loi de finances ou en conséquence de transferts de crédits. Parallèlement, les dispositions relatives à l'information sur les programmes (articles 38 et 46) prévoient que le projet annuel de performances contiendra des développements, pour la loi de finances de l'année, sur « l'utilisation prévisionnelle, par catégorie et par corps ou par type de contrat, du plafond des autorisations d'emplois » et, le rapport annuel de performances, pour la loi de règlement, « la gestion des autorisations d'emplois, en précisant, d'une part, la répartition des emplois effectifs par catégorie et par corps ou par type de contrat, ainsi que les coûts correspondants et, d'autre part, les mesures justifiant la variation du nombre d'emplois par catégorie et par corps ou par type de contrat, ainsi que les coûts associés à ces mesures ».

Le texte du III introduit donc deux nouveautés : une autorisation globalisée sous forme de plafond, par ministère, (sans autres précisions de catégorie, de corps ou de grade, renvoyées en annexes) ; une autorisation étendue aux « emplois rémunérés par l'Etat ».

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

A. L'ACCORD DE PRINCIPE EN FAVEUR DE LA BUDGÉTISATION PAR OBJECTIFS

Votre rapporteur partage la voie ouverte par l'Assemblée nationale de passer d'un budget de moyens à un budget orienté vers les résultats. Il souhaite néanmoins formuler quelques éclairages sur ce que recouvre la réforme, ce qui la motive et ce qui pourrait la limiter.

Le choix d'une budgétisation orientée vers les résultats constitue une préférence donnée pour un mécanisme qui entend formuler un lien itératif entre l'allocation et les résultats recherchés par les politiques menées et financées.

Cette solution conduit à s'interroger sur l'efficacité et l'efficience des dépenses réalisées et sur l'expression de choix par le gouvernement. Les deux dimensions ne se confondent pas : un gouvernement peut ainsi choisir, au nom d'un intérêt supérieur à l'efficience, de privilégier certaines dépenses. Il reviendra au Parlement de sanctionner les choix du gouvernement.

Quatre raisons militent pour l'adoption d'une budgétisation orientée vers les résultats. La première tient à la nécessité pour l'Etat, mis en concurrence, au sein de son propre espace géographique, avec d'autres Etats et avec d'autres acteurs (organisations internationales, secteur privé, organisations infra-nationales) de faire la preuve de son efficacité. La deuxième a trait au besoin croissant d'information de la population qui finance ces politiques et souffre du caractère opaque et peu démocratique de l'utilisation des prélèvements qu'elle consent. La troisième raison tient au besoin qu'a l'Etat de disposer de système d'informations pertinents pour constituer des aides à la décision. Force est de constater que le mécanisme actuel d'allocation des moyens ne le lui fournit pas. Enfin, il est possible d'attendre d'une telle réforme des changements que l'on peut qualifier de « réforme de l'Etat » : évolution des comportements des gestionnaires publics, évolution des structures, évolution des modes de pensée. Cet objectif ambitieux prendra bien entendu des années.

Il s'agit ainsi d'énoncer des politiques, de les doter de moyens, puis de les exécuter et de les évaluer. Votre rapporteur souhaite insister sur ce dernier aspect : le contrôle. La budgétisation orientée vers les résultats ayant pour effet de donner une plus grande liberté aux gestionnaires, mais aussi le lien établi entre chaque augmentation de budget et l'accroissement attendu de performance ou de services qui pourrait en résulter, nécessitent un système d'information efficace sur les performances, l'efficacité et les coûts associés. Ce système d'information devra être global (replacer les programmes et les performances dans une perspective comparative et de moyen terme), et précis (mise en oeuvre d'une comptabilité analytique).

Votre rapporteur a conscience des limites de l'exercice. La budgétisation orientée vers les résultats n'est ainsi pas nécessairement synonyme de vertu : on continuera probablement longtemps à établir des budgets à partir de la reconduction de l'existant. De même, votre rapporteur sait bien que les décisions d'allocation de ressources ne se prendront pas sur le seul critère de la performance et du résultat. Il ne sous-estime pas non plus les changements que cela représentera et donc, les obstacles qu'il conviendra de lever, à commencer par ceux des habitudes. Il sera difficile d'évaluer des résultats et de faire la part entre la qualité de la gestion, la pertinence de la décision politique et le contexte extérieur. Le délai nécessaire peut, lui aussi, sembler à ce point lointain qu'il éveille des doutes sur l'utilité de la démarche. Il ne faut pas non plus oublier que la clarification des situations budgétaires facilitée par le nouveau système risque de faire préférer ici ou là que les résultats ne soient ni mesurés ni évalués.

Il est donc évident que la mise en oeuvre de cette réforme sera progressive. En ce sens, le délai donné par le législateur organique - quatre ans - apparaît à la fois comme assez ambitieux pour tenir compte des bouleversements occasionnés et constituer une incitation à l'action.

De ce point de vue, votre rapporteur considère que le fait que la réforme soit initiée par le Parlement constitue un gage de succès plus qu'un frein à sa réussite. Ceux qui seront appelés à la mettre en oeuvre devront tirer de cette origine parlementaire de la réforme - exemple unique qu'il conviendrait, si elle réussissait, de méditer - un signe fort de sa légitimité, de son caractère démocratique et de ce qu'elle apparaît comme voulue non pas par quelques esprits audacieux mais par la Nation s'exprimant par le biais de ses représentants.

Les agents de l'Etat ne doivent pas non plus se méprendre sur le sens de la responsabilité nouvelle que sous-tend la réforme. Le Parlement ne connaissant que les ministres, il ne saurait être question pour lui de se substituer à eux dans l'appréciation de la responsabilité. En revanche, cette réforme, par le réinvestissement du champ budgétaire par les parlementaires, se traduira nécessairement par des relations plus suivies avec les administrations qui devront y voir davantage un signe de démocratie que la preuve d'une attention inquisitoriale.

Les trois grands défis de la budgétisation orientée vers les résultats seront donc ceux de l'utilisation des résultats pour la prise de décision, du suivi de la budgétisation, et des nouvelles procédures d'évaluation et de contrôle. Votre rapporteur s'est attaché à essayer de leur donner, dans le corps de la proposition de loi organique, leur juste place.

B. DES PROPOSITIONS DE MODIFICATIONS DE LA TRADUCTION DE CE NOUVEAU MODE DE BUDGÉTISATION DES CRÉDITS

1. Consacrer et préserver la notion de programme

a) Une définition plus conforme au concept

Votre rapporteur a souhaité apporter un soin tout particulier à la définition du programme : il s'agit d'une notion fondatrice, qui sera opposable au Parlement et au gouvernement, qui servira à la construction de la structure budgétaire. Cette définition est donc constitutive de la réforme.

L'Assemblée nationale a eu raison dans son énumération des volets du triptyque du programme objectifs, réalisation et contrôle. Cependant, la définition forgée à partir de ces termes a semblé à votre rapporteur de nature à présenter un risque de confusion. En effet, en liant trop directement les crédits regroupés aux objectifs, elle risquait de laisser entendre que les crédits finançaient lesdits objectifs alors qu'ils en financent la réalisation. De même, en définissant l'objectif comme fonction de ses finalités d'intérêt général et des résultats attendus, cela rendait les résultats constitutifs des objectifs, alors qu'ils en sont le reflet, qu'ils en forment éventuellement un élément, mais qu'ils ne peuvent s'y résumer.

Votre rapporteur vous proposera donc de définir le programme comme regroupant les « crédits ouverts pour mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions, auquel sont associés des objectifs précis et des indicateurs en mesurant les résultats ».

Les crédits serviront en effet à mettre en oeuvre une politique. Pour éviter les débats sur le sens à donner à ce terme, votre rapporteur a préféré le décliner en parlant d'une action ou d'un ensemble cohérent d'actions. Deux éléments servent à appréhender le caractère plus ou moins artificiel du regroupement de crédits : la cohérence des actions et le fait que les objectifs soient associés non pas à chaque action - ce qui signifierait un découpage du programme en tranches autonomes - mais à leur ensemble. Le programme a des objectifs en tant que tel ; il n'est pas un ensemble de crédits déclinés en sous-programmes ayant chacun ses objectifs et ses indicateurs. Ces notions de cohérence des actions et d'objectifs associés à l'ensemble de celles-ci (ou à la politique correspondante) constituent aux yeux de votre rapporteur les deux éléments qui permettront, dans l'avenir, d'apprécier si un programme correspond bien à l'intention du législateur organique.

Pour donner également un statut organique aux indicateurs, votre rapporteur a souhaité les mentionner dans la définition même du programme. Ils devront rendre possible une mesure de la performance, et non des aspects quantitatifs d'une politique. Parfois, bien entendu, l'aspect quantitatif suffira (par exemple pour savoir si la demande d'accueil d'urgence a pu être satisfaite, le nombre de places constitue un indicateur satisfaisant) ; souvent, il sera trop réducteur. Il ne faudra d'ailleurs pas sous-estimer la difficulté de la tâche que représente cette mise au point. L'expérience réalisée à la direction des relations économiques extérieures du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, évaluée par l'inspection générale des finances, offre un bon exemple de la complexité de l'exercice.

Outre le choix des indicateurs et des objectifs, plusieurs questions devront faire l'objet d'examens attentifs dans l'avenir. Le nombre des programmes sera déterminant. Votre rapporteur considère, comme son homologue de l'Assemblée nationale, qu'un nombre compris entre 150 et 200 constitue une bonne approximation. Il faudra bien entendu que les programmes aient une réalité et donc, une certaine stabilité. Il ne serait pas conforme à l'intention du législateur organique et à l'esprit de la réforme de transformer le programme en outil de communication d'un gouvernement, dont le statut varierait au gré de l'air du temps, ne serait-ce que pour pouvoir disposer d'une continuité dans la mesure de la performance.

Cette question de la permanence introduit celle, délicate, du lien entre le programme - unité de spécialité budgétaire - et les structures administratives. De toute évidence, l'Etat ne saurait les faire coïncider dans les quatre années qui nous séparent de la mise en place de la réforme. Mais, à terme, il est souhaitable que les politiques et les structures administratives se recouvrent si on veut que la logique de responsabilisation soit vraiment à l'oeuvre. C'est en ce sens aussi que la budgétisation orienté vers les résultats constitue un germe de réforme de l'Etat : elle conduit à rechercher autant que possible, dans le temps et progressivement, que des politiques et des structures administratives correspondent. Faut-il alors commencer par les politiques ou par les structures, privilégier les premières ou les secondes ? si la logique de la réforme serait de choisir les premières, le principe de réalisme qui doit s'appliquer à tout réformateur conduira probablement, dans un premier temps, à retenir les secondes, ne serait-ce que pour disposer, pour chaque programme, de responsables politiques et administratifs clairement identifiable. Puis, peu à peu, devant les avantages de la budgétisation par objectifs, mais aussi par la connaissance des coûts qu'elle permettra, pourra se mettre en place une logique de réforme des structures. Elle ne se fera probablement que dans un deuxième temps. Souhaitons qu'elle le fasse ; sinon, la réforme aura manqué un de ses buts principaux, celui de moderniser notre administration et de l'adapter à son temps. Or, un tel rendez-vous ne se présente pas souvent.

b) L'introduction d'une nouvelle unité de spécialité : la dotation

Votre rapporteur a été guidé par le souci de préserver le concept innovant et porteur de réforme de l'Etat que constitue le programme.

Cependant, malgré les potentialités que recèle ce concept, force est de constater que le budget de l'Etat comprendra toujours des crédits qui se prêteront mal à la réunion de l'ensemble des critères constitutifs des programmes. L'Assemblée nationale l'a d'ailleurs reconnu en prévoyant deux programmes et une catégorie de programme particuliers :

• la mission rassemblant les programmes des pouvoirs publics ;

• le programme pour dépenses accidentelles ;

• le programme pour mesures générales de rémunération de la fonction publique.

Dénommer « programme » ces regroupements de crédits peut pourtant soulever des problèmes : en effet, même si la loi organique leur reconnaît un caractère particulier, comment imaginer leur associer des objectifs, et en mesurer la performance. S'agit-il, pour les dépenses accidentelles, d'évaluer la rapidité avec laquelle sont mis à disposition des crédits après une catastrophe naturelle ? Pour les mesures générales en matière de rémunérations de la fonction publique, de l'adéquation avec les revendications syndicales ou du nombre de journées de grèves dans les services publics ? Pour les pouvoirs publics, du nombre d'amendements définitivement adoptés au Parlement, du nombre de communiqués de presse du Président de la République, du nombre d'arrêts rendus par la Cour de justice de la République, ou des annulations prononcées par le Conseil constitutionnel ? De toute évidence, ces critères sont inopérants parce que ces types de dépenses se prêtent mal à une budgétisation orienté vers les résultats.

Or, à cette liste dressée par l'Assemblée nationale, s'ajoutent plusieurs autres types de dépenses qui peuvent susciter les mêmes difficultés : les dégrèvements et remboursements d'impôts, les appels en garantie de l'Etat et les dépenses de pension. Toutes ces dépenses ne sauraient s'appeler « programmes », sauf à reconnaître à cette notion un caractère relatif : elle vaudrait là où les dépenses se prêteraient facilement à une budgétisation orientée vers les résultats, et serait écartée dès que l'appréhension de la performance pourrait poser problème. C'est pourquoi, à la fois pour ne pas dénaturer la notion de programme, mais aussi pour ne pas l'affaiblir, votre rapporteur vous proposera d'instaurer une deuxième unité de spécialité, complémentaire et non concurrente du programme, la dotation.

La dotation, dont la loi organique déterminerait précisément et limitativement le nombre et l'objet, constituerait ainsi un regroupement de crédits destinés à financer une nature particulière de dépenses auxquelles ils n'est pas possible d'associer des objectifs mesurables par des indicateurs de performances. La liste des dotations comprendrait les programmes particuliers prévus par l'Assemblée nationale, les programmes des pouvoirs publics (dont le nombre, et seulement pour ces dotations, pourrait varier) ainsi que les types de dépenses mentionnés au paragraphe précédent.

Votre rapporteur est conscient qu'il pourrait sembler envisageable d'étendre cette liste à d'autres dépenses, et que la budgétisation peut, ici ou là, apparaître de prime abord comme un exercice délicat. Cependant, il souhaite maintenir aux dotations un caractère extrêmement restrictif, précisé par la loi organique sans possibilité d'amodiation, afin de ne pas ouvrir la voie à un détournement de la budgétisation par objectifs. En effet, la souplesse laissée aux gestionnaires dans l'emploi des crédits étant justifiée par les contraintes de fixation d'objectifs et de respect des résultats attendus, mesurés au moyen d'indicateurs, il ne saurait être question pour la représentation nationale d'autoriser la fongibilité sans obtenir les engagements correspondants.

Afin de respecter le principe et la nature des dotations, elles seraient, chacune, assimilées à la mission pour l'appréciation de la charge. De même, si une mission peut regrouper des dotations et des programmes, les procédures de virements et transferts ne pourraient avoir lieu entre des programmes et des dotations, mais seulement au sein des programmes.

Ainsi sera confortée la notion fondatrice de programme sans que la présentation budgétaire en missions et en titres ne soit remise en cause. De ce point de vue, la création des dotations paraît contribuer à la réussite de la réforme souhaitée unanimement par le Parlement et le gouvernement.

2. Ne pas interdire la budgétisation interministérielle des crédits

Guidé à la fois par un principe de réalisme et par le souci de ne pas insulter un avenir dont il est difficile de savoir ce qu'il apportera en termes d'innovations budgétaires, comptables et financières, votre rapporteur se montre à la fois surpris et réservé devant la limitation qu'apporte la précision de l'Assemblée nationale faisant des programmes et des missions des unités uniquement ministérielles. C'est pourquoi il vous proposera de lever cette contrainte qu'impose le texte adopté par l'Assemblée nationale aux regroupements de crédits et donc, à l'énoncé des objectifs et des indicateurs qui y sont associés.

Cette restriction se justifierait, selon le rapporteur de la proposition de loi organique à l'Assemblée nationale, par la logique de responsabilité que sous-tend la réforme de la budgétisation orientée vers les résultats : il conviendrait d'identifier clairement un responsable pour chaque programme qui répondrait devant le Parlement du respect des objectifs assignés. S'agissant d'une responsabilité devant le Parlement, son détenteur ne saurait être qu'un membre du gouvernement.

Parallèlement, le ministère du budget a le souci lui aussi d'associer à chaque programme un responsable administratif avec lequel les services du budget pourront dialoguer et qui sera responsable, dans le cadre des procédures actuelles de mise en jeu de la responsabilité des agents publics, de l'utilisation des deniers publics. En ce sens, la budgétisation par programme incitera à faire coïncider dès l'origine chaque programme avec une structure administrative qui, pour les services du budget, ne pourrait être que ministérielle.

Afin de prendre en compte les besoins que nécessite la conduite de politiques interministérielles, l'Assemblée nationale a prévu de mener celles-ci à travers le mécanisme des transferts des crédits, mentionné au II de l'article 13.

Votre rapporteur ne peut que s'étonner devant ces considérations qui font preuve à la fois de frilosité devant les politiques interministérielles déjà menées, et de peu de confiance dans leur avenir.

D'abord, le mécanisme de transfert de crédits, pour satisfaisant qu'il puisse être techniquement, paraît assez inadapté. D'une part, il sera difficilement compatible avec une budgétisation par objectifs, sauf à considérer que plusieurs programmes de ministères différents partagent des objectifs similaires, ce qui ne peut manquer de soulever des interrogations sur les structures administratives ou bien le sens réel du nouveau mode de budgétisation. D'autre part, il présentera le paradoxe de faire voter le Parlement dans des cadres de nomenclature et avec des objectifs qui ne seront pas ceux utilisés par l'administration dans l'exécution budgétaire. En ce sens, il risque de ne pas contribuer à la revalorisation du rôle du Parlement et de la place de l'autorisation parlementaire, qui se trouve pourtant à l'origine de la réforme.

Votre rapporteur tient à faire remarquer que, dès aujourd'hui, des politiques interministérielles nombreuses mobilisent les crédits de ministères distincts autour d'objectifs que l'on peut espérer complémentaires voire communs. Ces politiques sont le plus souvent menées soit sous la houlette d'un ministre responsable (le ministre délégué à la ville par exemple), soit coordonnées par le Premier ministre (la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie par exemple). Dans tous les cas, une structure administrative se charge de la coordination des travaux, animant des comités interministériels d'orientation et / ou de décision. C'est le cas, pour reprendre les exemples déjà mentionnés, de la délégation interministérielle à la ville comme de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Au plan local, l'animation de ces politiques est confiée au coordinateur des services de l'Etat dans le département que constitue le préfet, qui se voit déléguer à cet effet des crédits en provenance de ministères différents. Le préfet peut d'ailleurs mettre en place des « délégations inter-services » donnant à un service chef de file la haute main sur l'animation de cette politique, avec autorité sur les autres services quoique dépendants de ministère différents. Ainsi, la politique interministérielle revêt-elle, déjà des aspects administratifs concrets, avec des responsables qui, pour avoir un caractère ministériel, -toute structure administrative, hormis les services généraux du Premier ministre, en ayant un,- n'en mettent pas moins en oeuvre des crédits de ministères différents sans pour autant qu'il en résulte une dilution des responsabilités. Votre rapporteur a d'ailleurs pu constater, lors de ses entretiens avec des responsables de ministères gestionnaires, que la plupart d'entre eux voyait d'un oeil favorable le regroupement sous un libellé interministériel de crédits d'une telle politique.

Il y a de plus un intérêt et une logique certains à adopter une telle présentation dans la mesure où les politiques interministérielles sont certainement celles qui se prêtent le mieux à la définition d'objectifs et à l'élaboration d'indicateurs de performances, démarche souvent déjà entamée dans la mesure où le besoin de coordination des actions ministérielles a conduit à formaliser un cadre cohérent et mobilisateur, accepté par tous, dont les résultats soient facilement appréhendables.

La représentation nationale doit ainsi pouvoir être en mesure d'examiner ces crédits dans le cadre de référence élaboré par la présente loi organique. Un gouvernement qui le souhaite doit avoir la possibilité de choisir un tel mode de regroupement des crédits, de formaliser des objectifs communs, d'élaborer des indicateurs dépassant le cadre de la politique d'un seul ministère. D'ailleurs, votre rapporteur considère qu'il y aurait un paradoxe à vouloir élaborer un cadre organique prétendant égaler en durée son prédécesseur, ou, au moins, régir le droit financier et budgétaire français pour de longues années, et interdire un mode de regroupement des crédits dont chacun a conscience qu'il peut constituer, à l'avenir, un levier puissant de modernisation et de gain d'efficacité pour l'action de l'Etat.

Les reproches formulés contre cette proposition de lever le verrou ministériel introduit par l'Assemblée nationale s'agissant des regroupements de crédits ne semble d'ailleurs pas résister à l'examen. Rien n'empêchera le gouvernement de désigner un ministre chef de file pour défendre les crédits interministériels devant le Parlement : il en faut bien un dès aujourd'hui pour coordonner l'action de ses collègues. Rien n'empêcherait aussi, soit par le mécanisme de la sous-délégation des crédits à une structure interministérielle au niveau central ou à un responsable interministériel au niveau local, soit par la répartition des crédits entre plusieurs ministres différents, de mettre en oeuvre ces crédits en respectant le principe de responsabilisation des gestionnaires qui se trouve au coeur de la réforme proposée. Et si, malgré ces solutions qui existent déjà, subsistaient de obstacles techniques aujourd'hui difficiles à surmonter, qui dit que dans cinq ou dix ans des solutions ne pourront pas leur être trouvées ? La proposition de votre rapporteur de lever la contrainte du caractère ministériel du regroupement des crédits ne constitue d'ailleurs en rien une obligation et un gouvernement, en fonction des choix politiques qui seront les siens et des contraintes techniques qu'il entendra s'opposer à lui-même ou qu'il souhaitera lever, devra pouvoir choisir de proposer au Parlement une politique interministérielle discutée comme telle au Parlement et non pas voilée entre des transferts budgétaires et des annexes « jaunes » d'information, auxquelles chaque gouvernement reste libre de donner les contours qu'il souhaite selon ses impératifs politiques ou communicationnels.

L'information n'ayant jamais remplacé un débat au Parlement sanctionné par un vote, votre rapporteur préfère ne pas hypothéquer l'avenir et vous proposera de lever toute contrainte ministérielle s'agissant des regroupements afin de permettre, le cas échéant, l'expression d'une autorisation parlementaire au niveau interministériel.

3. Des modifications d'organisation ou de rédaction

Parallèlement à ces trois modifications qui, sans remettre en cause son esprit, apportent à la réforme des amendements d'importance, votre rapporteur vous proposera à la fois de restructurer le texte adopté par l'Assemblée nationale et d'y apporter quelques modifications de rédaction.

La restructuration la plus importante consiste dans le regroupement, à l'article 12, de l'intégralité des dispositions relatives aux crédits globaux. En effet, il convient de réserver au présent article l'énoncé de règles générales applicables aux crédits et aux emplois, et de renvoyer aux articles ultérieurs les exceptions qui peuvent leur être appliquées. C'est pourquoi votre rapporteur vous proposera de supprimer les deuxième à cinquième alinéas du II afin de les faire figurer à l'article 12, tout en tenant compte de la transformation en dotations des programmes particuliers mentionnés à ces alinéas.

De même, il convient de supprimer l'alinéa du I spécifiquement consacré aux crédits des pouvoirs publics, ces derniers faisant l'objet de dotations particulières dans les propositions de votre rapporteur.

Il vous proposera aussi de mentionner au I de l'article 7 la règle, posée par l'article 11, de la mise à disposition des crédits aux ministres. Il va de soi que cette règle ne signifie pas le principe du caractère ministériel des regroupements de crédits, mais seulement celui du caractère ministériel des crédits proprement dits. Les ministres continueront donc à être ordonnateurs principaux des crédits. Cela permettra le maintien des règles actuellement en vigueur s'agissant des crédits des pouvoirs publics, le ministre chargé des finances en étant l'ordonnateur principal et les autorités responsables (le Président de la République, les questeurs des Assemblées, le président du Conseil constitutionnel), les ordonnateurs secondaires.

Pour les mêmes raisons de rassemblement à cet article de l'ensemble des règles générales relatives aux crédits et aux emplois, il paraît cohérent d'y faire figurer le principe de limitativité des crédits, auquel il ne peut être dérogé que par le biais de crédits évaluatifs.

Votre rapporteur, partageant la logique développée par l'Assemblée nationale sur ce point, ne vous proposera pas, sous réserve d'un amendement rédactionnel destiné à assurer les coordinations nécessaires avec les déplacements proposés par ailleurs, de revenir sur la « fongibilité asymétrique » des crédits, qui lui semble constituer un équilibre satisfaisant entre l'esprit de la réforme et le caractère particulier des crédits pour dépenses de personnel. Cependant, il vous présentera des amendements tendant à revoir les dispositions relatives aux titres : en effet, s'il ne saurait être question de remettre en cause le caractère informatif de la répartition des crédits entre eux, la mention de ce caractère indicatif pourrait constituer une source de confusion. En effet, la distinction entre titre des dépenses de personnel et autres titres, de même que la distinction entre les crédits des titres constituant des dotations et les crédits des titres regroupés dans les programmes ne constitueront pas des informations mais s'imposeront au gouvernement et aux gestionnaires. C'est pourquoi votre rapporteur préfère vous proposer de mentionner que les crédits sont présentés selon les titres, cette formulation lui paraissant de nature à éviter toute confusion ultérieure.

C. DES MODIFICATIONS MINEURES S'AGISSANT DES AUTORISATIONS D'EMPLOIS

L'emploi public constitue actuellement un des aspects des finances publiques les plus paradoxaux : il s'agit d'un domaine pour lequel les parlementaires nourrissent la plus grande insatisfaction alors même que l'ordonnance organique leur confère, en la matière, un pouvoir théorique extrêmement large en la matière.

En effet, le Parlement, dans le cadre des lois de finances, décide des crédits affectés aux emplois budgétaires, mais aussi des emplois eux-mêmes, par le biais des tableaux de répartition des crédits, détaillé par « bleus budgétaires », qui expliquent, par catégorie, corps et grade, les mouvements de créations, suppressions et transformations d'emplois. Pour modifier ces indications, le gouvernement ne peut procéder, en cours d'exécution, qu'à des transformations d'emplois par décret, dans la limite des crédits ouverts.

La réalité des ces dispositions nourrit des volumes entiers de rapports de la Cour des comptes, qu'il s'agisse du rapport annuel, des rapports sur l'exécution des lois de finances, ou des rapports particuliers. La précision de l'autorisation parlementaire la rend inopérante et les administrations, pour des raisons de souplesse, utilisent des pratiques condamnables parce qu'elles contreviennent à l'autorisation, mais compréhensibles parce qu'indispensables : rémunération d'agents contractuels sur crédits budgétaires, pratique des « surnombres » où des emplois sont « gagés » ici pour être créés là, absence de connaissance réelle sur le nombre effectif d'agents publics, etc.

L'ensemble des acteurs reconnaissent l'inanité du système actuel qui à la fois brouille l'action publique, altère le consentement démocratique, empêche le contrôle et interdit la souplesse.

Votre rapporteur partage donc le souci de l'Assemblée nationale de mettre en place un nouveau système rompant avec celui de l'actuelle ordonnance. Il estime de ce point de vue que le noyau dur de l'autorisation parlementaire en matière d'emplois doit porter sur les crédits pour dépenses de personnel et non sur le nombre et les caractéristiques précises des emplois.

Cependant, il considère aussi que la suppression pure et simple de toute référence à l'emploi public dans la loi organique relative aux lois de finances n'aurait pas représenté une solution satisfaisante. Plusieurs arguments militent en effet en faveur d'une disposition particulière distincte des seuls crédits de personnel. Il s'agit d'abord de mesurer concrètement la charge future, de matérialiser les conséquences des décisions (recrutements, promotions, etc.) en matière d'emplois. Celles-ci emportant des effets juridiques pour les bénéficiaires et des effets financiers pour le budget de l'Etat, il est justifié de pouvoir les mesurer, ne serait-ce que pour les contrôler. De plus, votre rapporteur comprend le souci exprimé de pouvoir apprécier l'emploi public dans sa dimension fonctionnelle et pas seulement par le biais des crédits affectés au personnel. Il partage également l'inquiétude des représentants du personnel de l'Etat qui craindraient qu'une absence de référence dans la loi organique n'ouvre la voie à une remise en cause du principe de la fonction publique de statut et de carrière. Enfin, une suppression simple de la notion d'emploi public dans la loi organique risquerait de faire basculer la responsabilité de la politique de la fonction publique du champ de la décision politique à celui de la décision technique de gestionnaires raisonnant par rapport aux enveloppes de crédits de personnel ouverts. Il revient au Parlement d'indiquer au gouvernement la manière dont il conçoit la politique menée par l'Etat vis-à-vis de ses agents et des autres personnes dont il assure la rémunération. Ceci n'empêche pas que réussissent des expériences de fongibilité consistant à procéder, de manière marginale, à d'heureuses transformations d'emplois, à l'image de ce qui peut se faire aujourd'hui dans les préfectures dites « globalisées ».

Pour concilier ce double souci de respect de la primauté de l'autorisation parlementaire et de la logique de fongibilité et de responsabilisation que revêt la réforme, votre rapporteur vous propose de retenir, dans ses grandes lignes, l'architecture esquissée par l'Assemblée nationale en première lecture.

S'agissant de l'unité de spécialité des emplois, votre rapporteur estime que le niveau du ministère représente un compromis réaliste. Les crédits étant spécialisés par programme, il aurait été envisageable de retenir le même niveau de spécialité pour les emplois. Cependant, il en aurait résulté d'une part une contrainte excessive pour le gestionnaire du programme, d'autre part un morcellement excessif des emplois alors que certains d'entre eux ne peuvent être affectés aisément entre des programmes. C'est le cas des emplois polyvalents. Retenir un plafond par mission encourait les mêmes reproches. Dès lors, la solution du ministère semblait la mieux à même de préserver le sens de l'autorisation et de limiter, à l'avenir, les risques de non application du système. Votre rapporteur vous proposera seulement de supprimer le lien rédactionnel entre les crédits et les plafonds. En effet, ce lien pourrait laisser entendre que le plafond fixé par ministère se décline ensuite par programme, puisque tel est le niveau de spécialité des crédits. Comme il n'en est rien, votre rapporteur préfère lever toute ambiguïté. Le lien entre crédits et emplois n'est en effet que logique et, en aucune façon, mécanique. Par ailleurs, l'ensemble des crédits de personnel étant concentrés dans un même titre, le seul à valeur contraignante, il n'est pas besoin de préciser qu'aucun autre emploi rémunéré par l'Etat ne pourra l'être sur d'autres titres de dépenses.

La définition des « emplois rémunérés par l'Etat » soulève des difficultés que la jurisprudence constitutionnelle et administrative sera amenée à aplanir. La loi organique ne peut prévoir une liste de tous les cas d'emplois ainsi visés, ce qui justifie le choix d'un terme volontairement large. En revanche, l'intention du législateur organique doit être clairement exprimée. L'Assemblée nationale parle de ce terme comme regroupant « l'ensemble des personnels - titulaires et contractuels - dont le nombre serait exprimé en équivalent temps plein, employés par l'Etat ou rémunérés à partir du budget général ». Votre rapporteur y ajoutera ceux qui, de manière d'ailleurs exceptionnelle, sont rémunérés par le biais des procédures particulières d'affectation, les budgets annexes et les comptes spéciaux. Il s'agit donc d'une définition bien plus large que celle de l'emploi budgétaire visé par l'actuelle ordonnance organique. Son critère principal est celui de la rémunération et non plus celui du statut.

Le nouveau système devrait permettre de mieux s'approcher de la réalité et donner plus de souplesse aux gestionnaires qui pourront ainsi, dans la double limite de l'enveloppe des crédits du programme et des autorisations d'emplois du ministère, procéder à tous les mouvements d'emplois qu'ils souhaiteront afin de parvenir à remplir les objectifs assignés.

Par ailleurs, il convient de réserver aux seules procédures prévues par la loi organique la modification de ces plafonds d'autorisation, ainsi que le fait l'article 11 de la présente proposition de loi organique, disposition que votre rapporteur souhaite insérer dans ce paragraphe consacré aux emplois.

Enfin, il convient de supprimer le principe, posé à l'article 11 de la proposition de loi organique, de la mise à disposition aux ministres des emplois. Cela semble aller de soi s'agissant des emplois qui dépendent directement d'eux, mais pourrait poser des problèmes dans la nouvelle conception des emplois « rémunérés par l'Etat » : un emploi rémunéré par l'Etat et mis à la disposition d'un établissement public ne saurait, par exemple, être mis à la disposition d'un ministre. Prévoir le contraire risquerait de favoriser une conception restrictive de l'emploi public qui pourrait être consacrée par le jurisprudence.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 8

La distinction entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement

Commentaire : Le présent article définit la nature des crédits ouverts par les lois de finances qui seraient composés d'une part, d'autorisations d'engagement et d'autre part, de crédits de paiement.

L'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 pose, dans son article 8, la règle selon laquelle « un même chapitre peut être doté à la fois d'autorisations de programme et de crédits de paiement ». Dans son article 12, elle indique que « les dotations affectées aux dépenses en capital et aux prêts et exceptionnellement les dotations affectées aux dépenses ordinaires de matériel peuvent comprendre des autorisations de programme et des crédits de paiement ». Le rapport de l'Assemblée nationale 37 ( * ) remarque avec juste raison que le caractère exceptionnel de la présence d'autorisations de programme dans les dotations affectées aux dépenses ordinaires et de matériel est respecté par la pratique, puisque « seuls quelques chapitres de dépenses ordinaires du budget de la défense ont été dotés d'autorisations de programme et de crédits de paiement ».

La proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale prévoit d'étendre le mécanisme prévu par l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 à l'ensemble des dépenses, afin d'en faire un support élargi pour la mise en oeuvre de la pluriannualité. La généralisation des autorisations d'engagement à l'ensemble des dépenses n'implique pas une application de la pluriannualité à l'ensemble de celles-ci. En effet, le mécanisme retenu par la proposition de loi organique vise les dépenses qui ont, par nature, un caractère pluriannuel. Il s'agit d'éviter, autant que faire se peut, que le gouvernement engage des dépenses sur plusieurs années dès lors que cette pluriannualité n'est justifiée ni par la nature de la dépense, ni par la rationalité économique d'une telle décision. Par conséquent, le dispositif des autorisations d'engagement est essentiellement destiné à engager des dépenses d'investissement (comme c'est le cas aujourd'hui dans le cadre des dispositions susmentionnées de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959), des dépenses ordinaires de matériel (qui sont aujourd'hui autorisées « exceptionnellement ») et des dépenses de subvention. Il paraît rationnel, en effet, que certaines dépenses de matériel (contrats de fourniture et de maintenance des équipements notamment) qui font l'objet de contrats de prestation de service portant sur plusieurs années puissent bénéficier du système des autorisations d'engagement. Il en va de même de la politique de subventionnement des associations par l'Etat, qui s'appuie généralement déjà sur une contractualisation pluriannuelle au terme de laquelle est appréciée la façon dont l'association a assuré les objectifs fixés par le contrat.

Il convient de souligner, a contrario , que le quatrième alinéa du présent article dispose que « pour les dépenses de personnel, le montant des autorisations d'engagement ouvertes est égal au montant des crédits de paiement ouverts ». Cette précision est importante, dès lors qu'elle revient à exclure les dépenses de personnel du champ de la pluriannualité. Votre rapporteur est particulièrement attaché au caractère strictement annuel des dépenses de personnel. Compte tenu du fait que ces dépenses engagent les finances de l'Etat sur une longue période, il convient d'assurer une pleine visibilité et une pleine autorité à leur vote par le Parlement.

La généralisation du système des autorisations d'engagement est rendue nécessaire par la fongibilité des crédits. En effet, si certains types de dépenses étaient exclus du mécanisme prévu par le présent article, la question se poserait de savoir comment s'exerce la fongibilité des crédits. A titre d'exemple, si les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel n'étaient constitués que de crédits de paiement (ce qui correspond à la volonté d'enfermer ces dépenses dans une annualité stricte), il serait nécessaire de prévoir un mécanisme spécifique afin d'adjoindre aux crédits de paiement des autorisations d'engagement dès lors que ceux-ci seraient, par le jeu de la fongibilité, utilisés à des dépenses de nature pluriannuelle. Il apparaît donc plus simple et plus lisible de prévoir que tous les crédits ouverts sont constitués d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement.

Un autre avantage de la généralisation du mécanisme des autorisations d'engagement est développé dans le rapport de l' Assemblée nationale. Il s'agit de la meilleure identification des étapes de la dépense : l'autorisation budgétaire distinguera désormais clairement l'engagement et les étapes ultérieures que sont l'ordonnancement et le paiement. Cette distinction trouvera sa traduction dans les deux systèmes comptables que la présente proposition de loi organique souhaite voir mis en oeuvre : l'engagement constituera ainsi le fait générateur de l'enregistrement de la dépense dans la comptabilité générale de l'Etat fondée sur le principe de la constatation des droits et des obligations, tandis que le paiement de la dépense constituera le fait générateur de son enregistrement dans la comptabilité budgétaire « en caisse ».

Dans son rapport intitulé « Doter la France de sa nouvelle constitution financière » 38 ( * ) votre rapporteur soulignait le fait que « les dispositions pluriannuelles prévues par l'ordonnance de 1959 et relatives aux dépenses d'investissement n'ont pas été utilisées de manière efficace, ni de manière conforme à l'esprit de l'ordonnance organique. L'absence de limitation de la durée de validité des autorisations de programme a entraîné l'existence d'autorisations de programme « dormantes », c'est-à-dire non utilisées depuis plusieurs années, mais toujours valides juridiquement. (...) Les autorisations de programme ont également été détournées de leur logique initiale en étant régulées par les crédits de paiement. »

Des efforts ont été engagés par le gouvernement afin de réduire le montant des autorisations de programme « dormantes », en annulant régulièrement celles d'entre elles qui n'ont pas été consommées plus de trois ans après leur ouverture. Votre rapporteur ne peut qu'encourager une telle entreprise, dès lors qu'elle évite de constituer des stocks d'autorisation d'engagement qui deviendraient dépourvues de liens avec leur objet initial. Les dispositions relatives aux reports de crédits dont votre rapporteur vous proposera l'inscription à l'article 9 de la présente proposition de loi organique permettront de reporter largement les autorisations d'engagement d'une année sur l'autre, afin d'en faire véritablement le support de la pluriannualité. Si le report des autorisations d'engagement sera très largement autorisé par le dispositif qui vous sera proposé, il sera néanmoins possible, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, de ne pas les reporter, ce qui devrait permettre, à la fin de chaque exercice, de faire le point sur le stock des autorisations d'engagement et de le réguler en fonction des besoins et des objectifs associés à chaque programme.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 9

Le caractère limitatif des autorisations budgétaires

Commentaire : Le présent article a pour objet de donner un caractère limitatif aux autorisations budgétaires, tant pour les crédits que pour les plafonds des autorisations d'emplois.

Le présent article reprend les dispositions du deuxième alinéa de l'article 11 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, qui pose le principe général du caractère limitatif des crédits. Le caractère limitatif des crédits et des plafonds des autorisation d'emplois est un élément indispensable pour conserver à l'autorisation parlementaire toute sa portée. En effet, le Parlement consent l'impôt mais il consent également, par symétrie, la dépense. Le maintien du caractère limitatif des crédits constitue le moyen de s'assurer que ce consentement éclairé sera respecté par l'exécutif.

Votre rapporteur s'accorde avec les principes mentionnées par le présent article, s'agissant du caractère limitatif des crédits. Il souhaite cependant reprendre le premier alinéa de cet article dans son article 7, qui, portant sur la nomenclature budgétaire et la spécialisation des crédits, reprend les règles générales s'appliquant à eux. De même, la mention du caractère limitatif des autorisations d'emplois est reprise au III de l'article 7 qui regroupe les dispositions relatives aux plafonds d'autorisations des emplois rémunérés par l'Etat. Par conséquent, il vous propose de supprimer également le dernier alinéa du présent article.

S'agissant des engagements par anticipation, l'article 11 de l'ordonnance organique n°59-2 du 2 janvier 1959 prévoit qu'une disposition spéciale de loi de finances peut prévoir un engagement par anticipation sur les crédits de l'année suivante. Cette possibilité, reprise au deuxième alinéa du présent, est pratiquement tombée en désuétude. Les engagements de crédits par anticipation s'effectuent en effet principalement sur la base de l'article 8 du décret n°86-451 du 14 mars 1986, qui dispose que « à partir du 1 er novembre de chaque année et dans la limite du quart des crédits de l'année en cours, les engagements de dépenses ordinaires, autres que celles de personnel, peuvent être pris sur les crédits de l'année suivante. Ces engagements stipulent que l'exécution du service ne pourra intervenir avant le 1 er janvier. »

L'Assemblée nationale, en prévoyant également à l'article 6 que des engagements de crédits par anticipation peuvent être autorisés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ne semble pas remettre en cause l'existence de ce décret. Elle prévoit donc deux possibilités d'engager des crédits par anticipation, l'une, par une disposition de loi de finances, l'autre, par la voie d'un décret en Conseil d'Etat.

Votre rapporteur a considéré que, d'une part, il était préférable de conserver une seule procédure pour autoriser l'engagement de crédits par anticipation, et, d'autre part, qu'une loi de finances devait être le support juridique d'une telle autorisation, qui constitue une dérogation importante au principe de l'annualité des crédits.

Il vous propose donc que la loi de finances seule puisse déterminer les conditions dans lesquelles des dépenses budgétaires peuvent être engagées par anticipation sur les crédits de l'année suivante, ce qui n'empêche pas par ailleurs de reprendre un dispositif similaire, par sa portée générale, à celui du décret du 14 mars 1986, qui semble répondre aux attentes des gestionnaires.

Enfin, votre rapporteur a souhaité insérer dans le présent article l'ensemble des dispositions relatives à l'annualité des crédits, et, notamment, celles portant sur les reports des crédits disponibles d'une année sur l'année suivante, en y déplaçant les alinéas figurant à l'article 16 de la présente proposition de loi. Les modifications apportées au régime des reports de crédits sont précisées dans le commentaire relatif à cet article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10

Les crédits évaluatifs

Commentaire : le présent article établit la liste des dépenses pouvant faire l'objet de crédits évaluatifs et précise leur régime.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale modifie en profondeur le régime des exceptions à la limitativité des crédits en supprimant la catégorie des crédits provisionnels et en réformant celle des crédits évaluatifs.

La suppression des crédits provisionnels -crédits limitatifs sous réserve de relèvement par le biais des crédits pour dépenses éventuelles ou, en cas d'urgence, par un décret d'avance particulier- ne devrait guère soulever de difficultés pratiques. En effet, il a toujours été possible de faire face aux dépenses couvertes par des crédits provisionnels (18 chapitres du budget général à l'état G pour 2001) avec la marge faible (inférieure à 5%) offerte par les crédits pour dépenses éventuelles. Votre rapporteur partage l'opinion de son homologue de l'Assemblée nationale selon lequel : « le maintien d'une nature spécifique de crédits pour satisfaire à des besoins de financement imprévus qui n'excèdent pas un faible pourcentage de la prévision initiale, apparaît peu légitime » 39 ( * ) .

Le principe du maintien et de la modification du mécanisme des crédits évaluatifs rencontre le même accord de votre rapporteur. Ils sont indispensables à la couverture d'engagements de l'Etat, et donc de dépenses obligatoires ou quasi obligatoires, dont le montant s'impose à lui en toutes circonstances.

En revanche, leur énumération, telle qu'elle figure dans la texte adopté par l'Assemblée nationale, peut soulever quelques difficultés. L'article 9 de l'ordonnance organique, après avoir défini que les « crédits évaluatifs servent à acquitter les dettes de l'Etat résultant de dispositions législatives spéciales ou de conventions permanentes approuvées par la loi », distingue des dépenses par nature (dette publique, dette viagère, frais de justice, réparations civiles, remboursements, dégrèvements, restitutions) et des dépenses imputables sur des chapitres dont la liste est fixée par la loi de finances (état F).

La réforme proposée vise à supprimer cette dernière catégorie pour ne retenir qu'une énumération par nature de dépenses. Ainsi, l'Assemblée nationale réserve-t-elle les crédits évaluatifs à ceux relatifs : à la charge de la dette de l'Etat, aux remboursements, restitutions et dégrèvements, aux dépenses de pensions et d'avantages accessoires, aux appels en garantie et à la contribution de la France au budget des Communautés européennes. Votre rapporteur, outre des amendements rédactionnels, propose d'apporter trois modifications à cette liste : l'ajout des frais de poursuite et de contentieux qui figurent dans les dépenses en atténuation de recettes au budget des charges communes, la suppression du caractère évaluatif des dépenses de pensions et d'avantages accessoires et la suppression de la contribution de la France au budget des Communautés européennes dont le régime serait maintenu dans la situation existante 40 ( * ) . Le caractère évaluatif des dépenses de pension ne semble en effet plus justifié eu égard aux progrès réalisés dans les prévisions en la matière. De plus, distinguer des crédits limitatifs pour les rémunérations d'activité et des crédits évaluatifs pour les pensions ne semble guère avoir de sens. Par ailleurs, votre rapporteur tient bien entendu à préciser qu'un programme ne pourrait comprendre à la fois des crédits évaluatifs et des crédits limitatifs. La question, certes théorique, pourrait en effet se poser s'agissant des crédits évaluatifs ouverts pour couvrir les charges de la dette, les autres types de crédits évaluatifs constituant une dotation.

S'agissant du régime des crédits évaluatifs, votre rapporteur vous proposera, outre des modifications rédactionnelles de coordination, de reprendre celui adopté par l'Assemblée nationale. Les crédits afférents aux dépenses énumérées, qui sont regroupés dans une dotation particulière afin d'éviter des programmes réservoirs ad hoc , peuvent dépasser les crédits prévus par la loi de finances de l'année. Eu égard à l'exception ainsi faite à la règle de l'autorisation, le troisième alinéa du présent article propose un régime strict d'information des commissions chargées des finances sur les raisons expliquant le dépassement et les perspectives d'exécution. Les dépassements éventuels font systématiquement l'objet d'ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'exercice considéré, afin de préserver le respect du principe de sincérité par ailleurs énoncé par la présente proposition de loi.

Enfin, le quatrième alinéa prévoit de mettre fin aux possibilités, ouvertes aujourd'hui, de gager un décret d'avances par des annulations de crédits évaluatifs, d'annuler des crédits évaluatifs, de les virer et de les reporter. Votre rapporteur partage ce souci d'adopter une rédaction réaliste et propice à la bonne gestion. En revanche, il souhaite exclure de cette interdiction les annulations qui obéissent au régime de l'article 15. Il s'agirait des annulations « sèches » destinées à faire face à une détérioration de l'équilibre financier, et celles qui peuvent être réalisées par une loi de finances rectificative.

Ainsi, le régime des crédits évaluatifs, modernisé, permettra d'assurer un équilibre entre l'exception à l'autorisation budgétaire limitative et les nécessités de la couverture des obligations de l'Etat.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 11

Les modifications réglementaires des autorisations budgétaires

Commentaire : le présent article prévoit la mise à disposition des crédits et emplois aux ministres et, limitativement, les possibilités de modifier, par voie réglementaire, les crédits et les plafonds d'autorisations d'emplois rémunérés par l'Etat qui sont autorisés par les lois de finances.

Votre rapporteur vous propose de supprimer cet article, non en raison d'un désaccord sur son esprit ou sa lettre, à deux réserves près, mais en raison de son déplacement au sein de l'article 7 qui regroupe les dispositions relatives aux emplois.

Le présent article comprend les dispositions qui fondent la primauté des dispositions des lois de finances sur le pouvoir réglementaire en matière d'emplois et de crédits budgétaires, en énumérant de façon limitative les modifications que peut apporter ce dernier aux chiffres adoptés dans les lois de finances.

Le premier alinéa, qui prévoit la mise à disposition des crédits et des emplois aux ministres, soulève deux problèmes. La proposition de loi organique adoptant une conception large des emplois autorisés -les emplois « rémunérés par l'Etat »-, des lois de finances peuvent autoriser des emplois qui ne dépendront pas de l'autorité d'un ministre, mais dont le seul lien avec lui sera la maîtrise, par ce dernier, des crédits servant à rémunérer ledit emploi. Il n'aura pas autorité sur lui, sinon le pouvoir d'engager ou non les crédits correspondants. C'est le cas par exemple des emplois rémunérés par l'Etat qui serviront au fonctionnement d'un établissement public autonome.

Par ailleurs, votre rapporteur exprime une opinion différente de celle de son homologue de l'Assemblée nationale qui considère que la mise à disposition des crédits aux ministères consacre le caractère ministériel des programmes. Ainsi qu'il l'a expliqué dans le cadre du commentaire à l'article 7, votre rapporteur estime que certains programmes pourraient être interministériels et donc contenir des crédits dépendant de plusieurs ministères. Comme ils seront ordonnancés par un ministre, il convient bien de garder le principe de la mise à disposition des crédits aux ministres, mais en lui donnant une portée différente de celle décrite dans le rapport de l'Assemblée nationale 41 ( * ) .

Les deuxième et troisième alinéas de l'article 11 adopté par l'Assemblée nationale énumèrent les cas où le gouvernement peut apporter des modifications aux crédits et aux autorisations d'emplois fixés par les lois de finances. Pour les crédits, il s'agit de la répartition des crédits globaux, des virements, des transferts, des décrets d'avances, des procédures d'annulation, des reports, des fonds de concours et des établissements de crédits. Pour les emplois, il s'agit des modifications résultant des virements et transferts de crédits du titre des dépenses de personnel.

Ces dispositions ont été reprises à l'article 7 et à l'article additionnel après l'article 7.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 12

La répartition des crédits globaux

Commentaire : le présent article prévoit le régime de répartition des crédits globaux.

La proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale maintient, dans un souci de réalisme, des catégories strictement énumérées de crédits globaux destinés à être répartis entre les différents programmes. Il s'agit des crédits des programmes spécialement prévus par le II de l'article 7 : celui pour dépenses accidentelles destiné à faire face à des calamités ou à des dépenses imprévues ; celui pour mesures générales en matière de rémunérations, destiné à faire face à des dépenses de personnel dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits.

Le premier alinéa répartit les crédits du programme pour dépenses accidentelles par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, publié au Journal officiel ainsi que son rapport, sauf en cas de mouvements de crédits revêtant un caractère secret. La formalité du décret et l'exigence de publication du rapport sont motivées par l'exception au principe de limitativité des crédits qu'introduit cet article.

Le second alinéa prévoit un simple arrêté du ministre chargé des finances pour majorer les crédits du titre des dépenses de personnel par des crédits pris sur le programme par mesures générales en matière de rémunérations. Cette formalité assouplie se justifie par le fait que les crédits ainsi répartis ne modifieront en rien la nature du programme bénéficiaire.

Votre rapporteur, outre la substitution de dotations aux programmes spécialement prévus et la substitution du programme pour dépenses accidentelles en une dotation pour dépenses accidentelles destinées à faire face à des calamités et une dotation pour dépenses imprévisibles 42 ( * ) , vous proposera de maintenir le dispositif de répartition des crédits globaux adopté par l'Assemblée nationale, sous réserve de trois modifications ponctuelles :

- la suppression de l'exigence de publication du décret et de son rapport, que votre rapporteur vous proposera de poser de manière générale pour l'ensemble des textes réglementaires prévus par la loi organique, dans un article spécifique introduit dans le titre consacré à l'information ;

- l a suppression de l'exception de publication pour les mouvements de crédits revêtant un caractère secret ; votre rapporteur considère en effet que si l'emploi des crédits peut en effet, dans certains cas strictement énumérés et contrôlés, revêtir un caractère secret, il n'en va pas de même du mouvement desdits crédits dont on ne voit pas quelle raison en justifierait le secret ; le rapport concernant ces mouvements pourra d'ailleurs, et c'est le seul cas, être réduit à sa plus simple expression ;

- l'ajout de la précision que les crédits répartis sont mis à la disposition des ministères bénéficiaires.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 13

Les virements et transferts de crédits entre programmes

Commentaire : le présent article définit le régime des mouvements de crédits entre programmes selon qu'ils relèvent (transferts) ou non (virements) de ministères distincts.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article comporte quatre alinéas :

le premier, relatif aux virements ;

le deuxième, relatif aux transferts ;

le troisième et le quatrième, posant des règles limitatives communes.

A. LES VIREMENTS

Des virements, décidés à la seule initiative du gouvernement, pourraient modifier la répartition des crédits votés par le Parlement. Ils seraient effectués par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances.

La particularité des modifications de crédits opérés par virements est qu'elles changeraient la spécialisation des crédits par programme.

Il s'agit ainsi d'une grave atteinte à l'autorité de la chose votée et c'est pourquoi, mentionne le rapport de l'Assemblée nationale, des limites seraient fixées à la faculté offerte en la matière au gouvernement :

- en premier lieu, les virements ne pourraient intervenir qu'entre les programmes d'un même ministère ;

- en second lieu, le montant cumulé des virements réalisés au cours d'un exercice ne pourrait excéder 3 % des crédits initiaux de chacun des programmes concernés.

B. LES TRANSFERTS

Des transferts, décidés à la seule initiative du gouvernement, pourraient modifier la répartition des crédits votés par le Parlement. Leur particularité serait qu'ils pourraient intervenir entre des programmes relevant de ministères distincts. Toutefois, au contraire de la procédure de virement, les transferts ne devraient pas changer la destination des crédits. Il est en effet prévu qu'ils ne puissent intervenir qu'entre des programmes poursuivant des objectifs similaires.

Des conditions sont posées à leur réalisation :

- les transferts devront être effectués par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances ;

- une information préalable des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat est prévue ;

- l'utilisation des crédits transférés donne lieu à un compte-rendu spécial inséré dans le rapport de performances du programme d'origine annexé au projet de loi de règlement.

Toutefois, nulle limite de montant n'est posée.

C. DES LIMITATIONS COMMUNES AUX VIREMENTS ET TRANSFERTS

Deux règles viendraient encadrer, de la même manière, les possibilités de virements et transferts :

- aucun virement ni transfert, ne pourrait être effectué au profit de programmes non prévus par une loi de finances, afin de prévenir l'utilisation desdites procédures pour contourner le principe de l'autorisation préalable des programmes par les lois de finances ;

- aucun virement ni transfert ne pourrait être effectué au profit du titre des dépenses de personnel à partir d'un autre titre, solution qui répond aux intentions, déjà commentées, sur lesquelles repose le mécanisme de « fongibilité asymétrique des crédits ».

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSSION

A. OBSERVATIONS GÉNÉRALES

1. La situation actuelle est relativement simple

Les virements et les transferts de crédits constituent des souplesses concédées à l'exécutif lui permettant de s'affranchir, en exécution, des ouvertures de crédits votées par le législateur, soit pour des raisons liées à une mauvaise évaluation initiale, soit pour des contraintes pratiques de gestion (par exemple, s'agissant des transferts de crédits contribuant à la mise en oeuvre de politiques interministérielles). Il convient toutefois de souligner que les modifications ainsi apportées aux crédits, sans faire l'objet alors d'une ratification spécifique, sont prises en compte dans les lois de règlement où elles sont fréquemment, mais de façon excessivement sommaire, exposées.

Les virements et transferts de crédits se distinguent, en théorie, nettement par leurs fonctions et par leur montant.

Les virements modifient la nature de la dépense au sein du même titre du budget d'un même ministère. Ils consistent à mouvementer les crédits de chapitre à chapitre. Leur champ d'application en limite naturellement le montant, même si une augmentation de leur volume a pu être observée ces dernières années, comme l'observe la Cour des comptes 43 ( * ) :

« En 1999, ces mouvements ont affecté les crédits à hauteur de 3 904,46 millions, soit une augmentation de 41,6 % par rapport à 1998 (2 756,9 millions), de 47,7 % par rapport à 1997 (2 679,4 millions) et de 107,6 % par rapport à 1996 (1 880,4 millions). »

Les transferts atteignent des montants beaucoup plus considérables et n'ont pas le même rôle. On rappelle que l'article 14 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 prévoit qu'ils modifient la détermination du service responsable de l'exécution de la dépense, mais non la nature de cette dernière, et que les transferts au sein du budget général se sont élevés, en 1999, à 186.335,82 millions, en augmentation de 3 % par rapport à 1998 et après une hausse de 3,6 % en 1997.

Les transferts satisfont, en réalité, deux grandes fonctions :

rattacher en gestion des crédits inscrits dans les différents fascicules budgétaires aux ministères qui les gèrent en pratique (s'agissant des dépenses de pensions, en particulier) ;

dédommager des ministères de leur contribution au fonctionnement d'autres ministères.

Même s'il faut déplorer la commission répétée d'irrégularités et le laconisme des informations concernant ces importantes opérations de gestion, la situation actuelle en matière de virements et de transferts apparaît relativement simple.

Elle contribue sans doute à fluidifier la gestion administrative et paraît économe puisqu'elle consiste, en particulier pour les virements, à financer par redéploiement des dépenses non budgétées.

2. Un contexte largement modifié par la proposition de loi organique

Les modifications apportées à la nomenclature budgétaire par la présente proposition de loi organique sont de nature à renouveler sensiblement la problématique des virements et des transferts de crédits.

Ces mouvements devraient devenir moins nécessaires . La globalisation des crédits au sein des programmes permettra, sous les réserves indiquées par ailleurs, de se passer d'actes formels de virement au sein d'un même programme. Ceux-ci ne demeureront nécessaires que pour les crédits de programmes différents. Quant aux transferts, la faculté ouverte de construire des programmes interministériels devrait, si elle était exploitée, réduire leur utilité, sans pour autant la faire disparaître.

Ces mouvements doivent être adaptés, dans leur régime, à la nouvelle nomenclature d'exécution.

C'est d'abord le cas pour les virements. Il n'est plus utile d'en prévoir l'occurrence au sein d'un même programme, et leur réalisation entre programmes distincts a une portée sensiblement différente de celle des actuels virements. Elle est particulièrement attentatoire au principe fondamental de budgétisation par objectif, et non plus par moyens, qui anime la réforme et est susceptible de concerner des unités de spécialisation - les programmes en lieu et place des crédits - dotés de niveaux de crédits beaucoup plus élevés.

Pour les transferts, l'introduction des programmes comme unités de spécialisation des crédits, et leur substitution aux chapitres, modifient l'approche du critère de l'absence de modification de la nature de la dépense, qui en est une condition aujourd'hui.

B. PROPOSITIONS

Les propositions de votre commission découlent des analyses ci-avant, ainsi que des propositions faites par ailleurs.

1. Les virements de crédits

Votre rapporteur part de l'idée que les virements de crédits peuvent constituer un expédient, justifié par un souci d'économies budgétaires, destiné à remédier à des erreurs limitées de calibrage des crédits d'un programme. Plutôt que d'ouvrir de nouveaux crédits, dans le cadre d'un programme, il peut, en effet, être utile et économe de recycler des crédits disponibles sur un autre programme.

Cependant, l'atteinte portée ainsi par l'exécutif à la spécialisation des crédits votés par le Parlement commande d'entourer cette procédure de strictes limites. Dans la version initiale de la proposition de loi organique de l'Assemblée nationale, le plafond des virements était décalqué du texte actuel de l'ordonnance, soit 10 % des crédits concernés. La faculté ainsi ouverte était excessive et l'Assemblée nationale a finalement posé une limite de 3 % des crédits initiaux de chacun des programmes concernés. Votre rapporteur vous propose de ramener ce plafond à 2 % et, de plus, d'instaurer une dualité de références, afin de limiter l'ampleur des virements de crédits de personnel. La limite de 2 % serait alors appliquée, distinctement aux crédits de cette nature. En effet l'application uniforme d'un pourcentage relatif à l'ensemble des crédits d'un programme, alors que les virements peuvent ne concerner qu'une partie des dépenses de ce programme, pourrait conduire à virer une proportion très importante d'un type de crédits particuliers et donc altérer fortement l'autorisation parlementaire.

Comme dans le texte de l'Assemblée nationale, il n'est pas proposé de laisser la faculté d'assortir les virements concernant ces crédits des modifications correspondantes de la répartition des emplois autorisés par ministère. Il convient en effet d'éviter que des économies à caractère ponctuel ne fassent le lit de dépenses répétitives.

La substitution du terme « année » au terme « exercice », que propose votre rapporteur, pour décrire la période de computation des virements n'est pas anodine dans son esprit. Il s'agit, en creux, d'interdire tout virement de crédits au cours de la période complémentaire.

Enfin, alors que l'Assemblée nationale a ouvert la faculté de virer les crédits entre les programmes d'un même ministère, votre rapporteur souhaite privilégier les virements entre programmes d'une même mission, ce afin de limiter l'atteinte portée par les virements à la détermination des dépenses budgétaires effectuée par les lois de finances.

2. Les transferts de crédits

La procédure des transferts de crédits est destinée, dans l'esprit de votre rapporteur, à permettre la gestion pratique des crédits par le service le mieux « outillé » à cet effet. Les responsables d'un programme peuvent souhaiter déléguer certains actes de gestion à d'autres entités administratives. Les transferts sont destinés à le permettre en transportant les crédits correspondants.

Comme le programme de destination des crédits peut regrouper des moyens d'actions poursuivant des objectifs distincts de ceux du programme d'origine, il convient d'ouvrir la faculté de transferts de crédits entre des programmes ne relevant pas de la même mission. Il convient cependant de conditionner ces transferts à un principe de non dénaturation de l'objet du crédit transféré. Cette condition, qui n'est pas posée en matière de virement, est ici indispensable. L'objet du transfert n'est en effet pas d'abonder les moyens d'un programme afin de financer les politiques qui sont poursuivies en propre par lui - objet qui est celui des virements et qui justifie la définition d'une limite de montant - mais de financer les coûts mis à la charge du programme bénéficiaire pour conduire, en son sein, les actions propres à permettre une bonne gestion des actions du programme d'origine.

3. Les obligations de compte rendu

Malgré une rédaction allégée par rapport au texte de l'Assemblée nationale, il entre bien dans les intentions de votre rapporteur que l'utilisation des crédits virés ou transférés fasse l'objet d'un compte rendu spécial inséré aux rapports de performances exigés à l'appui des projets de loi de règlement.

Ce compte-rendu sera, normalement, élaboré par le responsable du programme de destination des crédits ainsi mouvementés.

4. Des mouvements de crédits dont le champ est circonscrit

Le dispositif proposé par votre commission est limité aux crédits spécialisés par programmes. On rappelle que la plupart de ces crédits sont limitatifs. Il n'est ainsi plus nécessaire de prévoir la prohibition des transferts et virements en provenance de dotations évaluatives ou provisionnelles et en direction de dotations limitatives que pour quelques hypothèses seulement. Cette disposition serait introduite à l'article 7 de la présente proposition de loi organique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 14

Les décrets d'avances

Commentaire : le présent article tend à encadrer la dérogation au principe de l'autorisation parlementaire de la dépense que constitue la procédure du décret d'avances.

Les décrets d'avances constituent une atteinte radicale au principe de compétence du pouvoir législatif pour déterminer les charges de l'Etat, compétence qui est de valeur constitutionnelle. C'est pourquoi cette procédure appelle un encadrement tout particulier. L'encadrement strict des décrets d'avances que prévoit le texte adopté par l'Assemblée nationale paraît à votre rapporteur aller dans le bon sens. Mais, celui-ci souhaite y ajouter une précision et une condition supplémentaires.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Opérant, par souci de simplification, une unification du régime des décrets d'avances, l'Assemblée nationale a, à très bon droit, souhaité introduire plus de cohérence et plus de contrôle parlementaire dans une procédure au terme de laquelle le législateur organique admet, pour des raisons pratiques, une exception à la règle constitutionnelle de détermination des charges de l'Etat par les lois de finances.

Comme aujourd'hui, les ouvertures de crédits ainsi réalisées sont conditionnées à la constatation de leur urgence, et une demande de ratification devra être formulée dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée. Cette demande devra être spécifique et formelle, et ne saurait résulter de la simple mention des crédits en cause dans les tableaux récapitulatifs de l'instrument concerné.

Le durcissement du régime des décrets d'avances dans le texte adopté par l'Assemblée nationale provient :

d'une part, de l'obligation de rendre les commissions des finances du Parlement à même d'émettre un avis sur ces ouvertures de crédits ;

d'autre part, de l'obligation de faire figurer dans les décrets d'avances l'intégralité de l'économie de chaque opération. Les décrets d'avances n'étant pas destinés à modifier l'équilibre budgétaire de la loi de finances tel qu'il a été défini par le Parlement, l'ouverture de crédits nouveaux devra être gagée par la constatation de recettes supplémentaires et (ou) par des annulations de crédits. Ces compensations devront faire partie intégrante du dispositif des décrets d'avances. L'on y gagnera en clarté ;

enfin, le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année applicable aux annulations de crédits prévues à l'article 15 s'entendant, y incluses les annulations gageant les ouvertures de crédits réalisées par décrets d'avances, une contrainte particulière est posée s'agissant des seules avances compensées par des annulations de crédits.

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur souhaite apporter quelques précisions au texte adopté par l'Assemblée nationale. Celles-ci ne remettent nullement en cause les intentions qui fondent son économie.

A. LES OUVERTURES DE CRÉDITS DOIVENT POUVOIR PORTER SUR L'ENSEMBLE DU BUDGET DE L'ÉTAT

Dans le texte de l'Assemblée nationale, les seuls crédits pouvant être ouverts par décrets d'avances sont ceux du budget général. Or, des crédits budgétaires sont ouverts sur les budgets annexes et les comptes spéciaux, et il n'est pas impossible que l'urgence puisse commander d'abonder lesdits crédits.

Il est donc souhaitable de lever la restriction posée par le texte de l'Assemblée nationale.

B. IL EST INDISPENSABLE D'INTRODUIRE UN PLAFONNEMENT PROPRE AUX CRÉDITS OUVERTS PAR DÉCRETS D'AVANCES

Comme on l'a indiqué, l'Assemblée nationale a introduit un plafonnement indirect et partiel des ouvertures de crédits réalisées par décrets d'avances, à travers le plafonnement applicable aux annulations de crédits mentionné à l'article 15 de la présente proposition de loi.

Il semble préférable à votre rapporteur de prévoir un plafonnement propre aux ouvertures de crédits, dont le régime est fixé par le présent article. En effet, c'est bien, à titre principal, ces ouvertures qu'il convient d'encadrer, et ce, quelle que soit la forme (constatation de recettes comme annulation de crédits), prise par la compensation financière venant les gager.

Un plafond de 1 % des crédits ouverts dans la loi de finances de l'année paraît constituer un seuil raisonnable. Au-delà, le gouvernement devrait revenir devant le Parlement pour se voir consentir l'ouverture de crédits supplémentaires

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 15

Les annulations de crédits

Commentaire : le présent article tend à définir le régime juridique des annulations de crédits.

Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale aux fins d'encadrer les pratiques de « régulation budgétaire » mises en oeuvre par les gouvernements a fait l'objet de « discussions approfondies avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et la secrétaire d'Etat au budget » 44 ( * ) .

Le texte auquel ces discussions ont abouti porte la marque d'intentions auxquelles votre rapporteur ne peut que souscrire. Cependant, quelques nuances semblent pouvoir lui être apportées dans la lettre, sans rien ôter à sa philosophie d'ensemble.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article comporte, d'une part, l'énoncé des conditions dans lesquelles le pouvoir exécutif peut, priori motu , procéder à des annulations de crédits et, d'autre part, l'instauration d'un régime d'indisponibilité des crédits qui vient s'insérer dans le cours de la procédure législative.

A. LE RÉGIME DES ANNULATIONS DE CRÉDITS OPÉRÉES PAR VOIE ADMINISTRATIVE EST RESSERRÉ

Le régime des annulations de crédits opérées par voie administrative est « durci » par rapport au régime en vigueur résultant de l'article 13 de l'ordonnance organique.

Par rapport à son texte -« Tout crédit qui devient sans objet en cours d'année peut être annulé par arrêté du ministre des finances après accord du ministre intéressé » - , la disposition adoptée par l'Assemblée nationale diffère d'abord par des conditions formelles plus exigeantes.

L'acte d'annulation des crédits serait promu à un rang supérieur. Il passerait d'un simple arrêté du ministre des finances au rang de décret, qui suppose un arbitrage du Premier ministre.

Surtout, le Parlement ne serait plus tenu à l'écart des annulations. Ses commissions des finances seraient systématiquement tenues informées des projets du gouvernement, avant toute publication des décrets d'annulations de crédits.

S'agissant des conditions de fond mises à ces procédures, l'Assemblée nationale a fait le choix de conserver aux annulations de crédits leur objet actuel, qui est de sanctionner la caducité de l'objet du crédit annulé. En revanche, elle a introduit un plafond des annulations de crédits, qui est de 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année. Il est à souligner que ce plafond s'applique non seulement aux annulations de crédits réalisées dans le cadre du présent article, mais aussi aux annulations effectuées dans le cadre de la procédure des décrets d'avances et destinées à « gager » des ouvertures de crédits.

B. UN RÉGIME D'INDISPONIBILITÉ DES CRÉDITS INSÉRÉ DANS LE COURS DE LA PROCÉDURE BUDGÉTAIRE

Malgré une certaine incrédulité, l'Assemblée nationale a consenti à introduire un régime d'indisponibilité des crédits destiné à « sécuriser » les annulations de crédits présentées dans les lois de finances rectificatives.

Il s'est agi de faire droit à l'argumentaire du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie selon lequel les délais entre le dépôt d'un tel projet et son adoption risquent d'être mis à profit par les ministères pour consommer des crédits dont l'annulation, proposée dans le projet de loi de finances rectificative n'étant prononcée par la loi qu'après ces délais, n'aurait pas tout l'efficace souhaitable.

Ainsi, les propositions d'annulations de crédits formulées dans les projets de loi de finances rectificative rendraient lesdits crédits indisponibles jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi les contenant ou, à défaut, jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel interdisant la mise en application de ces annulations.

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur partage pleinement l'aversion de principe à l'égard des remises en cause administratives des votes du Parlement en matière de crédits, aversion que traduit le dispositif adopté par l'Assemblée nationale.

Cependant, il fonde ses appréciations sur la nécessaire conciliation que notre droit doit opérer entre la défense des exigences de la souveraineté parlementaire et d'une gestion efficace des finances publiques.

A. LES CONDITIONS MISES AUX ANNULATIONS DE CRÉDITS DOIVENT ÊTRE ADAPTÉES AUX RÉALITÉS

1. La référence à la notion de crédits devenus sans objet paraît quelque peu obsolète

L'ordonnance de 1959, en conditionnant les annulations administratives de crédits au constat d'une disparition de l'objet des crédits ainsi annulés, posait une condition très stricte. En pratique, cette rigueur s'est estompée et les gouvernements successifs ont usé de la faculté d'annuler des crédits en exécution à des fins différentes.

Il s'est, de fait, agi de dégager des économies jugées nécessaires pour tenir l'objectif de solde budgétaire déterminé par les lois de finances.

Il paraît souhaitable de reconnaître cette donnée et, donc, de réserver les annulations de crédits aux circonstances où il convient de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire défini par les lois de finances.

Cela ne signifie évidemment pas que les crédits devenus sans objet devront être à toute force consommés. Cependant, outre que cette notion devient toute relative dans le cadre du nouveau système de fongibilité des crédits -un crédit dont l'objet initial disparaît peut, dans ce système, trouver un autre objet au gré des gestionnaires-, il paraît quelque peu excessif de limiter les annulations administratives des crédits devenus sans objet à 1,5 % des crédits ouverts en loi de finances.

Si le crédit est définitivement sans objet, le bon sens commande de ne le pas consommer et les rapports annuels de performances ainsi que les dispositions pertinentes de la loi de règlement en expliqueront les raisons.

2. L'application du plafond des annulations de crédits visées au présent article aux annulations effectuées dans le cadre du régime des décrets d'avances est contestable

Les modifications de crédits opérées par la voie des décrets d'avances visent à dégager des moyens nouveaux et urgents dans le respect de l'équilibre budgétaire défini par les lois de finances.

L'objet des annulations de crédits prévus au présent article est, quant à lui, de permettre le respect de cet équilibre.

Les deux procédures ayant des objets distincts, parfaitement légitimes l'un et l'autre dès lors que leur poursuite est encadrée, il paraît inopportun d'appliquer une confusion des conditions imposées dans le cadre de chacune de ces procédures.

C'est pourquoi votre rapporteur vous propose, après avoir défini un plafond propre aux ouvertures de crédits par décrets d'avances, de spécialiser le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année, en en réservant l'application aux seules annulations de crédits visées au présent article.

B. LES INDISPONIBILITÉS DE CRÉDITS PRENANT D'AUTRES FORMES QUE CELLE D'ANNULATIONS FORMELLES DE CRÉDITS DOIVENT ETRE PRISES EN COMPTE

Dans la précédente version des propositions de l'Assemblée nationale, celle-ci avait souhaité couvrir les hypothèses de régulation budgétaire informelle, les contrats de gestion, gel, et autres instructions diverses de mises en réserve des crédits, en particulier les instructions données aux contrôleurs financiers.

Elle a finalement renoncé au régime, un temps envisagé, de suspension des crédits devant les difficultés techniques dont il supposait la résolution.

Votre rapporteur, qui en avait évoqué quelques unes, ne le regrette pas. Mais, il déplore que l'article issu de la première lecture de l'Assemblée nationale puisse déboucher sur le paradoxe d'exigences fortes mises aux annulations de crédits lorsqu'elles sont formalisées et de l'absence totale d'encadrement des pratiques informelles de gel de crédits.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur vous propose de les prendre en considération en posant, pour elles aussi, une obligation d'information du Parlement.

Certains prétendront sans doute que cette obligation pourra être aisément contournée. Ce n'est pas le sentiment de votre rapporteur qui rappelle qu'elle devra être satisfaite par toute personne concernée -y compris par les « ministères dépensiers »- et que les opérations de contrôle parlementaire pourront, le cas échéant, permettre de s'assurer de son respect.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 16

Les reports de crédits

Commentaire : Le présent article définit le régime des reports des autorisations d'engagement et des crédits de paiement d'une année sur l'autre.

I. LE DROIT ACTUEL

Le principe de l'annualité implique normalement qu'au 31 décembre de chaque année, toutes les autorisations budgétaires qui n'ont pas été utilisées sont annulées et ne peuvent être reportées sur le budget de l'exercice suivant. Cependant, l'article 17 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 prévoit que cette règle ne s'applique pas aux autorisations de programme, qui demeurent valables sans limitation de durée. La règle de l'annualité des crédits fait également l'objet de dérogations, s'agissant des crédits de paiement : ceux figurant à l'état H annexé à la loi de finances ainsi que tous les crédits déjà engagés mais non ordonnancés, dans la limite du dixième de la dotation de chaque chapitre, peuvent être reportés.

La pratique budgétaire a permis d'opérer des reports de crédits de manière plus large que ne le permet la lettre de l'ordonnance organique. Ainsi, le versement de crédits à un compte spécial du Trésor ou à un organisme a pu permettre de constituer des réserves de crédits pouvant être utilisés ultérieurement. De même, les pratiques de gel des reports de crédits ont pu permettre de reporter les crédits sur deux ans. Enfin, depuis quelques années, pour les dépenses en capital, les deux tiers des crédits de paiement non consommés sont reportés de droit dès le premier janvier pour la « poursuite des opérations en cours » la totalité des reports étant réputés disponibles par arrêté du ministre de l'économie et des finances.

Les mécanismes de report de crédits autorisés par l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 se sont montrés ainsi dépassés par la pratique, et justifient une modification profonde.

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

Le présent article définit le régime des reports de crédits d'une année sur l'autre, en précisant les dispositions applicables aux autorisations d'engagement d'une part, et aux crédits de paiement, d'autre part. Votre rapporteur vous propose d'inscrire les dispositions du présent article à l'article 9, au sein duquel il a souhaité regrouper l'ensemble des dispositions relatives au principe de l'annualité des crédits, et en particulier, les amodiations qu'il convient d'apporter à ce principe.

Le premier alinéa réaffirme le principe posé par l'article 17 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, selon lequel les crédits ouverts au titre d'une année ne créent aucun droit au titre de l'année ultérieure, sous réserve de la nature spécifique des autorisations d'engagement, qui constituent le support de la pluriannualité. Votre rapporteur n'a pas estimé nécessaire de reprendre la mention des plafonds des autorisations d'emplois. En effet, dès lors que ces plafonds sont limitatifs et sont votés chaque année dans le cadre de la loi de finances initiale, il semble inutile de préciser dans le texte de la loi organique qu'ils ne créent aucun droit au titre des années suivantes. Il est difficile d'imaginer qu'un plafond d'emplois qui n'aurait pas été atteint au cours d'une année pour un ministère donné puisse emporter quelque conséquence que ce soit sur le plafond relatif au même ministère, voté pour l'année suivante.

L'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ne prévoit pas de reports pour les autorisations de programme, renommées autorisations d'engagement par la présente proposition de loi organique. En effet, son article 12 prévoyant que les autorisations de programme ont une durée de validité permanente 45 ( * ) , il ne s'avérait pas nécessaire de prévoir un dispositif de report : les autorisations de programme demeuraient valides tant qu'elles n'avaient pas été engagées. L'article 8 de la présente proposition de loi organique ne conserve pas ce régime de validité permanente pour les autorisations d'engagement. Le présent article prévoit donc un régime de report distinct pour les autorisations d'engagement et pour les crédits de paiement.

Le deuxième alinéa du présent article prévoit que les autorisations d'engagement disponibles à la fin de l'année peuvent être reportées par arrêté du ministre chargé des finances, sous la condition que ce report s'effectue sur le même programme ou, dans l'hypothèse où les périmètres des programmes étaient modifiés, sur un programme « poursuivant les mêmes objectifs ». Le régime de report des autorisations d'engagement est donc relativement souple, mais son utilisation est pleinement et exclusivement confiée au ministre chargé des finances, qui bénéficie ainsi d'une totale liberté d'appréciation quant à l'opportunité d'accorder des reports de crédits aux gestionnaires qui le demanderaient.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

Votre rapporteur indiquait dans son rapport d'information intitulé « Doter la France de sa nouvelle constitution financière » 46 ( * ) que « les reports de crédits (...) sont une exception au principe de l'annualité budgétaire puisque, sans autorisation parlementaire nouvelle, des crédits qui devraient s'éteindre au terme d'un exercice sont rendus disponibles au-delà.

Ils sont également la manifestation concrète que au-delà des procédures formelles prévoyant l'annulation des crédits, des phénomènes de sous-consommation doivent être constatés en pratique. En ce sens, les reports de crédits peuvent être un moyen, marqué d'opacité, de pilotage budgétaire.

Ils sont enfin une exception au principe d'universalité budgétaire. Par définition, les crédits reportés d'un exercice à l'autre ne sont pas retracés dans la loi de finances de l'exercice nouveau. Sous cet angle, les reports de crédits nuisent incontestablement à l'appréciation des moyens demandés dans les lois de finances.

Les reports représentent environ 4 % des crédits ouverts. Ils sont cependant concentrés sur les titres V et VI et concernent certains chapitres de façon structurelle. (...)

Les justifications apportées aux reports de crédits sont de deux ordres, les unes très techniques tiennent à la nature des crédits considérés ; les autres font valoir leur apport à une bonne gestion budgétaire. ».

Votre rapporteur a pesé avec attention les différents arguments favorables comme défavorables aux reports de crédits, afin de tenter de mettre en place un régime intelligent de reports de crédits. Il a été particulièrement sensible aux arguments selon lesquels un régime restrictif des reports de crédits entraînait généralement une accélération de la consommation des crédits en fin d'année, même peu justifiée au regard de l'utilité de cette consommation. La fongibilité des crédits prévue par la présente proposition de loi organique tend à réduire la portée de cet argument : dès lors que les ministères pourront recycler en cours d'année les économies réalisées sur une dépense donnée, les crédits disponibles en fin d'année seront vraisemblablement peu importants (et les phénomènes qui consistent, pour reprendre un exemple connu et extrême concernant le ministère de la défense, à faire rouler les camions en fin d'année afin de consommer totalement les stocks d'essence non utilisés, et d'éviter ainsi une diminution de la dotation pour les années à venir, devraient être limités dans un système de crédits fongibles et de budgétisation par objectifs, où les performances prendront le pas sur l'utilisation des crédits). Cependant, il doit être clair, en dépit des souplesses de gestion permises par la fongibilité des crédits, qu' un crédit inutilisé au 31 décembre d'une année n'en constitue pas pour autant un crédit nécessairement excédentaire par rapport aux besoins .

Malgré l'affaiblissement ainsi constaté de l'argument portant sur le caractère peu économe d'un régime restrictif des reports de crédits, votre rapporteur a considéré qu'il convenait de donner une souplesse de gestion substantielle aux administrations, en s'inscrivant pleinement dans la logique de la réforme, qui consiste, en contrepartie d'une large liberté de gestion pour l'exécutif, à exiger un compte rendu détaillé des performances des gestionnaires et de l'efficacité des politiques publiques dont ils ont la charge. Par conséquent, votre rapporteur a souhaité rendre plus souple que l'Assemblée nationale le régime des reports de crédits, s'agissant notamment des crédits de paiement correspondant à des dépenses effectivement engagées.

Les questions des engagements par anticipation et des reports de crédits sont des sujets essentiels, car ils touchent à a fois à la gestion des crédits et à l'information du Parlement. Plusieurs solutions étaient envisageables, notamment celle d'une interdiction totale des reports de crédits et des engagements par anticipation, solution qui a le mérite de la simplicité et d'un respect strict du principe de l'annualité des crédits, mais qui ne contribue pas à une gestion saine et efficace des crédits pour les gestionnaires. Votre rapporteur a considéré qu'il était conforme à la logique de la réforme de permettre une grande souplesse de gestion en contrepartie d'une information précise du Parlement. C'est dans cet esprit qu'il vous a proposé de modifier les dispositions du texte adopté par l'Assemblée nationale. Votre rapporteur a pleinement conscience du fait que la constitution d'un volant important de crédits reportés fait peser un risque sérieux sur la maîtrise de l'exécution budgétaire. Il considère néanmoins que la possibilité d'annuler des crédits afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l'année concernée, proposée à l'article 15 de la présente proposition de loi organique, permettra au ministre de l'économie et des finances de disposer d'outils suffisants pour piloter l'exécution du budget de l'Etat.

Dans le dispositif de l'article 9 tel que proposé par votre rapporteur, les reports de crédits deviennent de droit pour les autorisations d'engagement disponibles à la fin de l'année, sauf décision contraire prise par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, et sauf pour les autorisations d'engagement disponibles sur le titre des dépenses de personnel, dont le report est interdit. Pour les crédits de paiement correspondant à des dépenses effectivement engagées, les conditions de report seront identiques, dans la limite d'un plafond de 3 % des crédits initiaux, appliqué séparément aux crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel et à l'ensemble des crédits inscrits sur les autres titres, ce plafond pouvant être relevé par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Le sort particulier fait aux crédits du titre des dépenses de personnel résulte de la volonté d'un respect très strict des autorisations annuelles données par le Parlement, s'agissant de dépenses engageant les finances de l'Etat pour plusieurs décennies.

Enfin, les crédits des fonds de concours seront reportés par arrêté du ministre chargé des finances.

Le régime des reports de crédits qui vous est proposé est donc plus souple que celui retenu par l'Assemblée nationale, et limite notamment la capacité du ministre chargé des finances à décider de manière unilatérale des reports de crédits. Votre rapporteur considère que la contrepartie de ce régime souple doit être une meilleure information du Parlement, puisque les reports de crédits altèrent le vote de la loi de finances.

Il vous est donc proposé :

- d'une part, de fixer au 15 mars la date limite pour la publication des arrêtés de report de crédits. Cette mesure permettra d'une part, d'assurer une bonne information du Parlement sur les crédits disponibles, et, d'autre part, de sécuriser la gestion des ministères assez tôt dans l'année ;

- d'autre part, que le gouvernement dépose avant le 31 mars un rapport présentant l'impact sur les crédits disponibles des engagements de crédits par anticipation et des reports de crédits, et justifiant les éventuels relèvements du plafond de 3 % qui s'applique aux reports des crédits de paiement.

Ce dispositif devrait donc offrir la souplesse de gestion nécessaire tout en assurant une bonne information du Parlement.

Votre rapporteur souhaite mentionner à l'article 9 de la présente proposition de loi organique, l'ensemble des dispositions relatives aux reports de crédits et aux engagements par anticipation. C'est la raison pour laquelle il vous propose de supprimer le présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

CHAPITRE III :

DES CONDITIONS D'AFFECTATION DE CERTAINES RECETTES

INTITULÉ DU CHAPITRE III DU TITRE PREMIER

Des conditions d'affectation de certaines recettes

Commentaire : le présent intitulé ouvre le chapitre relatif aux conditions affectation de certaines recettes.

L'Assemblée nationale a souhaité maintenir le choix de l'ordonnance organique de rassembler dans un chapitre spécifique les dispositions relatives aux affectations. Elle a heureusement choisi de ne pas reprendre le titre de 1959 (« des affectations comptables ») mais a retenu un titre dont l'intitulé annonce le caractère restrictif, presque résiduel, des affectations.

Votre rapporteur approuve la structure mais, souhaitant assouplir les dispositions relatives aux affectations du moment qu'elles restent au sein du budget de l'Etat, vous proposera donc d'adopter un titre en conformité : « des affectations de recettes ».

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter l'intitulé de ce chapitre ainsi modifié.

ARTICLE 17

Les dérogations autorisées au principe de non-affectation de recettes

Commentaire : le présent article prévoit les dérogations autorisées au principe de non-affectation des recettes.

Le présent article retient une conception très restrictive des affectations de recettes. Pourtant, il exclut une série de techniques budgétaires qui permettraient au Parlement de se prononcer sur des ressources publiques transitant par le budget de l'Etat.

Votre rapporteur estime nécessaire de revaloriser le principe d'unité budgétaire et de concilier ce souci avec le principe d'universalité budgétaire. Il souhaite ainsi prévoir explicitement le mécanisme du prélèvement sur recettes et maintenir les exceptions actuelles au principe de non-affectation des recettes à des dépenses.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a souhaité d'une part, à l'article 5, rassembler tous les principes budgétaires, d'autre part, à l'article 17, restreindre considérablement les exceptions à ces principes par rapport à l'ordonnance organique.

Ainsi, le premier alinéa du présent article pose le principe des exceptions à la règle de non-affectation des recettes au sein du seul budget général : il s'agit des seules procédures particulières (énumérées à l'article 18, comme celle des fonds de concours et celle de rétablissement de crédits).

Le second alinéa pose une limite à ces exceptions, celle du « droit permanent reconnu par la loi » .

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

A. L'AFFIRMATION DES PRINCIPES

L'universalité et l'unité constituent deux principes, indissociables du droit budgétaire, tous deux justifiés par des soucis démocratiques, mais qui recouvrent des dimensions différentes, qui sont parfois à concilier : l'universalité suppose la non-compensation et la non-affectation, tandis que l'unité suppose le vote d'une document unique.

1. Le principe d'universalité

Le principe d'universalité a été explicité par le Conseil constitutionnel en 1982 47 ( * ) : il « répond au double souci d'assurer la clarté des comptes de l'Etat et de permettre, par là-même, un contrôle efficace du Parlement ; il a pour conséquence que les recettes et les dépenses de l'Etat doivent figurer au budget pour leur montant brut sans être contractées et qu'est interdite l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ».

Traditionnellement, ce principe de l'universalité prend la forme de deux règles.

La première est celle de la non-contraction entre les recettes et les dépenses. Le document soumis au Parlement doit les présenter toutes, distinctement les unes des autres, dans leur montant brut (par exemple, les recettes fiscales doivent être présentées sans que leur soit retranché le coût de leur perception). Votre rapporteur vous proposera de rappeler cette règle, qui ne connaît pas d'exception, dans le premier alinéa de cet article (l'Assemblée nationale la mentionnait à l'article 5).

La seconde règle est celle de non-affectation d'une recette à une dépense. Il s'agit donc (et là, la règle recouvre le principe d'unité) de ne pas découper en séries d'affectations le budget de l'Etat, et de présenter sous forme de masses globales les recettes d'une part, les dépenses d'autre part. Votre rapporteur vous proposera de revenir sur les restrictions apportées par le texte adopté par l'Assemblée nationale aux assouplissements à cette règle permis aujourd'hui par l'ordonnance organique et validés par le Conseil constitutionnel. En effet, cette règle peut conduire à brouiller la lisibilité du coût réel d'un service en ne rapprochant pas les recettes qu'il procure des dépenses qu'il suscite. De plus, elle peut décourager des tentatives d'amélioration de la gestion publique et, parfois, en étant contraire aux règles commerciales, présenter des dangers lorsque l'Etat assure des missions à caractère industriel ou commercial.

2. Le principe d'unité

Votre rapporteur vous propose de faire également figurer à cet article la règle de l'unité budgétaire. Elle prévoit ainsi que toutes les ressources et toutes les charges de l'Etat doivent figurer au sein d'un même document. Cette règle a donc une double dimension : le recensement exhaustif des recettes et des dépenses, et leur présence dans un document unique soumis au vote du Parlement. Cette unité budgétaire se justifie notamment par des soucis de visibilité et de contrôle démocratique mais aussi d'unité de la prévision budgétaire et de l'autorisation parlementaire. Elle permet d'apprécier réellement l'équilibre budgétaire, de connaître de tous les comptes (la pratique ayant montré que les comptes échappant au document unique échappaient aussi à l'autorisation parlementaire), elle doit limiter les débudgétisations qui constituent autant d'économies apparentes, d'apprécier le volume réel des dépenses de l'Etat et de faciliter les choix budgétaires.

Le principe d'unité est susceptible de nombreuses interprétations et il est possible d'en admettre des définitions variables dès lors qu'elles satisfont la contrainte d'exhaustivité de la prise en compte des ressources et des charges de l'Etat dans un document unique. D'ailleurs, non seulement l'histoire budgétaire de la France montre qu'il n'a jamais été possible de retracer dans le seul budget général l'ensemble des recettes et des charges de l'Etat, mais en plus il existe deux cas où l'unité ne peut formellement être respectée :

• celui des opérations particulières réalisées par certains services qui peuvent nécessiter des comptabilités propres ou des instruments permettant de les identifier ;

• celui des opérations de trésorerie.

Afin de concilier ces exigences pratiques avec les avantages du principe de l'unité budgétaire, il est désormais convenu d'apprécier la règle de l'unité au sein du budget de l'Etat qui comprend des opérations budgétaires, réparties entre le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux du Trésor, et des opérations de trésorerie. Les débudgétisations, qui sortent du budget de l'Etat des recettes et les dépenses correspondantes constituent une atteinte absolue au principe d'unité. En ce sens, le recours à cette technique doit être très strictement limité et votre rapporteur se réjouit de ce que le Conseil constitutionnel, depuis 1994 48 ( * ) , examine la conformité au règles constitutionnelles des débudgétisations opérées par le biais du concept des « dépenses de l'Etat par nature ».

La réforme proposée améliore l'information du Parlement et donc, parfait l'exigence d'unité en autorisant de manière plus précise les opérations de trésorerie 49 ( * ) . Cependant, l'Assemblée nationale ayant affaibli cette notion, par la suppression des budgets annexes et la réduction du champ des comptes spéciaux du Trésor, rebaptisés comptes annexes, tout en voulant conforter l'unité, votre rapporteur a souhaité réintroduire des techniques d'identification des recettes et des dépenses au sein du budget de l'Etat, persuadé que, sinon, les gouvernements à venir, confrontés à des règles trop rigides, emploieront d'autres méthodes, plus dangereuses de débudgétisation 50 ( * ) .

B. LES TECHNIQUES PARTICULIÈRES PROPRES À CONFORTER L'APPLICATION DES PRINCIPES

1. L'exception des affectations de recettes à l'intérieur du budget de l'Etat

Les possibilités d'affectation de recettes tant au sein du budget général qu'en dehors de lui (mais tout en restant au sein du budget de l'Etat) constituent des règles permettant de conforter le respect des principes d'unité et d'universalité budgétaires. En effet, elles assurent l'unité permettant de retracer dans un document unique soumis au Parlement l'ensemble des recettes et des dépenses de l'Etat. De même, elles ne dérogent pas à l'universalité, en respectant le principe de la non-contraction. La seule altération qu'elles produisent est celle de la règle de non-affectation, mais cette exception, encadrée, qui se justifie par des contraintes de lisibilité, en évitant que lui soit préférées des débudgétisations, permet de donner tout leur sens à l'unité comme à l'universalité.

Ces techniques prennent la forme, pour ce qui se trouve hors du budget général, des seuls comptes annexes demeurant dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. Votre rapporteur estime 51 ( * ) qu'il s'agit d'une restriction excessive qui risque de favoriser les débudgétisations. Il vous proposera donc de réintroduire ces outils efficaces, modernes, respectueux de l'unité comme de l'universalité, que constituent les budgets annexes et l'ensemble des comptes spéciaux.

Par ailleurs, au sein du budget général, de ces budgets annexes et de ces comptes spéciaux, il existe des procédures particulières 52 ( * ) d'affectation que constituent la procédure de fonds de concours, celle de l'attribution de produits et celle de rétablissement de crédits.

Ces différentes techniques faisant l'objet d'articles particuliers, votre rapporteur vous proposera de les examiner dans le détail, ainsi que de voir leurs avantages et limites, dans le commentaire propre à chacune d'entre elles. Il tient cependant à remarquer qu'il ne proposera pas de les étendre au delà de ce que prévoit aujourd'hui l'article 18 de l'ordonnance organique, considérant que ces dispositions suffisent, et souhaite rester dans le cadre constitutionnel posé par les décisions de 1982 et de 1994 précitées.

Enfin, votre rapporteur ne vous proposera pas de reprendre la limite posée par le dernier alinéa de l'article 17, dont la signification a pu apparaître floue et la pertinence mal établie.

2. Le prélèvement sur recettes

a) L'histoire des prélèvements sur recettes

1. Une création motivée par des besoins pratiques...

La technique du prélèvement sur recettes a été créée en 1969 afin de compenser le produit de la suppression d'impôts locaux. En 1971, la même procédure a été mise en oeuvre s'agissant de la contribution de la France aux Communautés européennes. Puis de nouveaux prélèvements ont été créés : dotation globale de fonctionnement (DGF) et fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) (1979), fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) (1983), dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) (1987), compensations d'exonérations locales (1992) 53 ( * ) .. Le projet de loi de finances initiale pour 2001 évaluait les prélèvements au profit des collectivités locales à 207,5 milliards de francs et ceux au profit de l'Union européenne à 99,5 milliards de francs, soit au total 16,7 % des recettes brutes de l'Etat.

2. ...souhaitée par le Parlement comme le gouvernement...

Cette technique a été toujours plus employée depuis trente ans, et l'évolution récente confirme cette tendance.

Evolution des prélèvements sur recettes de l'Etat

(en milliards de francs)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000 révisé

PLF 2001

Montant constaté (1)

232,6

236,8

234,9

243

252,8

254,4

267,7

284

307

Evolution annuelle (en %)

+ 5,8

+ 1,8

- 0,8

+ 3,4

+ 4

+ 0,6

+ 5,1

+ 6,1

- 8,1

Part dans les ressources nettes du budget général avant prélèvements (en %)

16,8

16,3

16,0

16,0

16,1

15,8

15,4

15,9

16,7

(1) Résultats d'exécution pour les années 1993 à 1998 ; montant révisé pour l'année 2000 ; évaluation en loi de finances initiale pour 2001.

Votre rapporteur a eu l'occasion en octobre dernier 54 ( * ) d'exprimer son attachement à cette technique de financement qui présente de nombreux avantages pour le Parlement :

elle permet d'éviter, de gonfler les charges de l'Etat de sommes qui n'en constituent plus puisque les charges en cause sont désormais celles des collectivités locales et de l'Union européenne ;

elle permet d'éviter, soit une affectation directe de recettes qui brouillerait un peu plus la vision consolidée sur les finances publiques et serait techniquement délicate, soit un traitement en opération de trésorerie que le Parlement autoriserait sans en connaître le détail.

Le gouvernement - outre qu'il profite des avantages d'un traitement démocratique et transparent des sommes en cause énumérés ci dessus - voit aussi dans cette technique une simplification administrative 55 ( * ) . Si les sommes en cause devaient être traitées en dépenses, ainsi que le suggère la Cour des comptes pour la plus grande partie d'entre elles, cela obligerait à déléguer les crédits en cause aux préfets, et nécessiterait la mise en oeuvre de procédures administratives et comptables complexes. De plus, pourrait-on vraiment envisager de rendre fongibles ces crédits ?

Aussi chacun s'accorde-t-il, au Parlement comme au gouvernement, pour reconnaître à cette technique d'évidents avantages sous l'angle des préoccupations démocratiques et du respect des principes budgétaires, tandis que sa suppression pure et simple poserait des problèmes pratiques mais aussi des questions de fond auxquelles il serait difficile de répondre de façon satisfaisante.

3. ... et reconnue par le Conseil constitutionnel

Enfin, le Conseil constitutionnel a reconnu explicitement, par deux fois, la technique du prélèvement sur recettes, et en a profité pour poser des principes qui en limitent l'emploi et dont votre rapporteur s'inspirera pour vous proposer une définition de ces prélèvements dans la proposition de loi organique.

En 1982, le Conseil constitutionnel 56 ( * ) a consacré sept considérants à la question des prélèvements sur recettes. Il en reconnu la conformité à l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ainsi qu'aux « objectifs de clarté des comptes et d'efficacité du contrôle parlementaire » qui l'ont inspirée : ils ne contreviennent pas à la règle de non-contraction des recettes et des dépenses ; ils ne constituent pas une affectation de recettes car les dépenses couvertes par les recettes rétrocédées ne sont pas des dépenses de l'Etat. Ce faisant, il traçait les contours des prélèvements sur recettes en y ajoutant l'exigence d'une définition « dans leur montant et leur destination », « de façon distincte et précise », et de l'assortiment « tout comme les chapitres budgétaires, de justifications appropriées ».

En 1999, le Conseil constitutionnel 57 ( * ) a examiné à nouveau la question et a, à cette occasion, renouvelé ces limites. Il a considéré alors que si certains concours aux collectivités locales, ceux résultant des compensations d'exonérations, de réductions ou de plafonnements d'impôts locaux, constituent « en principe » des dépenses de l'Etat, ils peuvent, « sans méconnaître les principes d'universalité et de sincérité budgétaires » - et non plus la seule lettre, voire le seul esprit de l'ordonnance organique comme en 1982 - « donner lieu à un mécanisme de prélèvement sur recettes ». Le Conseil renouvelait alors les conditions pour qu'une telle technique soit employée : définition distincte et précise du montant comme de la destination du prélèvement en loi de finances, existence de « justifications appropriées » à la manière de ce qui se fait pour les chapitres budgétaires.

La dotation globale de fonctionnement n'est pas en cause et avait été considérée par le Conseil constitutionnel en 1989 comme n'ayant pas le caractère « d'une dépense de l'Etat » 58 ( * ) .

Ainsi, le Conseil constitutionnel a-t-il validé et encadré la technique du prélèvement sur recettes, sans pour autant faire taire les critiques formulées tant par la Cour des comptes que par le Conseil d'Etat.

Décisions du Conseil Constitutionnel sur les prélèvements sur recettes
Décision n° 82-154 DC du 29 décembre 1982

17. Considérant que les prélèvements sur les recettes de l'Etat opérés au profit des collectivités locales et des communautés européennes sont inscrits et évalués, prélèvement par prélèvement, à l'état A annexé à la loi de finances, les éléments de calcul retenus pour leur évaluation étant précisés dans le fascicule des voies et moyens ; que le total de ces divers prélèvements est ensuite déduit du montant de l'ensemble des recettes fiscales et non fiscales pour obtenir le montant brut des ressources affectées au budget, qui est celui porté dans le tableau d'équilibre des ressources et des charges figurant à l'article 40 de la loi de finances ;

18. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que le mécanisme des prélèvements sur recettes est contraire aux deux principes de non-contraction et de non-affectation posés par l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ainsi qu'aux articles 4 et 5 de la même ordonnance et qu'il a, dès lors, pour effet d'entacher d'inconstitutionnalité l'état A et l'article 40 de la loi de finances.

19. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 : "Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé Budget général. Toutefois, certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations spéciales prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux du Trésor ou de procédures comptables particulières au sein du budget général ou d'un budget annexe." ;

20. Considérant que ces dispositions rappellent et développent le principe de l'universalité budgétaire ; que ce principe répond au double souci d'assurer la clarté des comptes de l'Etat et de permettre, par là même, un contrôle efficace du Parlement ; qu'il a pour conséquence que les recettes et les dépenses doivent figurer au budget pour leur montant brut sans être contractées et qu'est interdite l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ;

21. Considérant, en premier lieu, que le mécanisme des prélèvements sur recettes n'introduit dans la présentation budgétaire aucune contraction qui serait contraire à l'article 18 de l'ordonnance organique ; qu'en effet, comme il a été exposé ci-dessus, l'état A énumère et évalue la totalité, avant prélèvement, des recettes de l'Etat, puis désigne et évalue chacun des prélèvements opérés, dont le total est, ensuite, déduit du montant brut de l'ensemble des recettes ; que cette présentation ne conduit pas à dissimuler une recette ou une fraction de recette de l'Etat non plus qu'à occulter une charge ; que, si, dans le tableau d'équilibre inséré à l'article 40, ne figure que le montant des ressources totales de l'Etat diminué des prélèvements, sans que soit reprise la décomposition figurant à l'état A, cette présentation n'est pas contraire au principe de non-contraction, alors surtout que l'article 40 renvoie expressément à l'état A ;

22. Considérant, en second lieu, que les prélèvements opérés au profit des collectivités locales ou des communautés européennes ne sont pas constitutifs d'une affectation de recettes au sens de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; qu'en effet, le mécanisme de ces prélèvements ne comporte pas, comme l'impliquerait un système d'affectation, l'établissement d'une corrélation entre une recette de l'Etat et une dépense incombant à celui-ci ; qu'il s'analyse en une rétrocession directe d'un montant déterminé de recettes de l'Etat au profit des collectivités locales ou des communautés européennes en vue de couvrir des charges qui incombent à ces bénéficiaires et non à l'Etat et qu'il ne saurait, dans ces conditions, donner lieu à une ouverture de crédits dans les comptes des dépenses du budget de l'Etat ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le mécanisme des prélèvements sur recettes, qui répond à des nécessités pratiques, d'ailleurs reconnues par le Parlement au cours des années précédentes, n'est pas contraire aux dispositions de l'article 18 ; qu'il satisfait aux objectifs de clarté des comptes et d'efficacité du contrôle parlementaire qui ont inspiré ces dispositions ainsi que celles de l'ensemble de l'ordonnance du 2 janvier 1959, dès lors que ces prélèvements sont, dans leur montant et leur destination, définis de façon distincte et précise dans la loi de finances, qu'ils sont assortis, tout comme les chapitres budgétaires, de justifications appropriées, enfin qu'il n'y est pas recouru pour la couverture de charges de l'Etat telles qu'elles sont énumérées à l'article 6 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;

Décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998

Considérant, en troisième lieu, que si, en principe, les concours apportés par l'Etat aux collectivités locales en compensation d'exonérations, de réductions ou de plafonnements d'impôts locaux constituent bien des dépenses de l'Etat, et devraient figurer au budget général en application de l'article 18 de l'ordonnance précitée, de tels concours peuvent néanmoins, sans méconnaître les principes d'universalité et de sincérité budgétaires, donner lieu à un mécanisme de prélèvement sur recettes, dès lors que celui-ci est, dans son montant et sa destination, défini de façon distincte et précise dans la loi de finances, et qu'il est assorti, tout comme les chapitres budgétaires, de justifications appropriées ; que tel est le cas des compensations mentionnées par les députés requérants, qui sont intégrées dans les prélèvements retracés et évalués à l'état A annexé à la loi de finances, auquel renvoie l'article 64 de la loi déférée ; que le moyen doit par suite être rejeté ;

b) Les principales critiques formulées

1. Le grief de la contravention aux principes du droit budgétaire

La Cour des comptes a, à de nombreuses reprises, formulé le point de vue selon lequel les prélèvements sur recettes contreviennent, au moins pour une grande partie d'entre eux, aux principes du droit budgétaire.

S'agissant des prélèvements au profit des collectivités locales, la Cour a pris l'habitude de distinguer les prélèvements à caractère compensatoire (qui peuvent selon elle constituer des rétrocessions de recettes) des concours ayant le caractère de subventions (qui devraient être considérés comme charges de l'Etat). Dans les premiers, elle range les compensations d'exonérations relatives à la fiscalité locale, la DCTP, le FCTVA, la dotation spéciale pour logement d'instituteurs. Parmi les seconds, elle place la DGF -au mépris de la décision du Conseil constitutionnel de 1989-, le FNPTP, la dotation « élu local », la dotation au bénéfice de la Corse.

Pour l'Union européenne, sans adopter un point de vue aussi tranché, la Cour distingue les ressources propres traditionnelles, qui sont rétrocédées (droits de douane, prélèvements agricoles, cotisation à la production sur les sucres), des autres ressources (TVA, PNB et fonds de garantie des actions extérieures).

Dans son rapport sur l'exécution du budget de 1998 précité 59 ( * ) , la Cour a considéré que « l'absence de principe lisible régissant le traitement budgétaire de ces concours n'est pas de nature à fournir au Parlement une vision claire et exhaustive des flux financiers correspondants ». Elle concluait en souhaitant « que tous les concours de l'Etat aux collectivités territoriales qui, à l'évidence, ne peuvent s'analyser comme la rétrocession d'une recette que l'Etat aurait, en quelque sorte, encaissée indûment soient inscrits dans la loi de finances, en subvention ».

Elle a renouvelé cette position dans la première contribution adressée à votre commission et publiée dans le rapport d'information de votre rapporteur en octobre 2000 60 ( * ) et dans la contribution adressée par la Cour à la commission spéciale de l'Assemblée nationale (fiche n° 8) 61 ( * ) .

Ainsi, la Cour semble-t-elle moins critiquer la technique même des prélèvements que son application à certaines dotations aux collectivités locales.

Le Conseil d'Etat a pris une position plus tranchée dans son avis formulé, à la demande du gouvernement, le 21 décembre 2000 62 ( * ) , en réponse à des questions relatives aux conditions dans lesquelles peut être modifiée l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Il a ainsi formulé en termes explicites ces analyses en considérant que la pratique des prélèvements sur recettes « déroge au principe d'universalité budgétaire et, notamment, au principe de non-affectation des dépenses et des recettes ». De plus, il a estimé que « les concours apportés par l'Etat aux collectivités territoriales en compensation d'exonérations, de réductions ou de plafonnement d'impôts locaux constituent, pour le budget de l'Etat, des charges permanente. Quel que soit le motif qui les justifie, ils ne sont pas différents des autres dotations. Aucune raison ne peut donc justifier qu'ils soient inscrits en prélèvements sur recettes ».

S'agissant des prélèvements en faveur de l'Union européenne, le Conseil d'Etat a considéré que : « les reversements de recettes fiscales constituent des opérations de trésorerie qui ont vocation à figurer en comptes de trésorerie; les contributions au titre des ressources `TVA' et `PNB' constituent des charges budgétaires, qui doivent être traitées comme telles dans le budget de l'Etat. Aucune disposition n'est nécessaire dans la loi organique relative aux lois de finances pour que ces opérations soient ainsi retracées. Si une disposition est cependant envisagée, elle peut seulement prévoir d'une part que la loi de finances prend en compte le montant prévisionnel des charges budgétaires que supporte l'Etat au titre de sa contribution au budget communautaire, d'autre part que les opérations de perception et de reversement des ressources fiscales communautaires sont retracées en comptes de trésorerie ».

Le Conseil d'Etat a cependant tempéré ces appréciations en estimant qu'elles ne pouvaient être formulées qu'en l'absence d'une autorisation donnée par la loi organique de déroger au principe d'universalité budgétaire. C'est sous cette réserve qu'il a estimé, sans la remettre formellement en cause, que la technique du prélèvement sur recettes devrait être d'un usage très strictement limité puisque lui échapperaient les dotations aux collectivités locales et les prélèvements au profit de l'Union européenne. Ne subsisteraient alors que certains concours aux collectivités locales qui ne constituent pas des subventions mais bien des ressources liées aux transferts de charges. Et encore, le Conseil d'Etat semble, au regard de ses propos sur les ressources propres de l'Union européenne, considérer que de telles rétrocessions trouveraient mieux leur place en opérations de trésorerie.

2. Le grief de la contravention à l'article 40 de la Constitution

Le second grief opposé à la technique des prélèvements sur recettes est lié à l'utilisation qui a pu en être faite au regard de l'article 40 de la Constitution.

En effet, le Conseil d'Etat, dans l'avis précité, a considéré que comme « les conditions de recevabilité des amendements que les membres du Parlement peuvent déposer pendant la discussion d'un projet de loi de finances ne sont pas les mêmes selon qu'ils portent sur des recettes et donc sur des prélèvements sur recettes ou sur des charges budgétaires », et qu'il existe des possibilités de gage des amendements sur les recettes, alors « la possibilité d'inscrire n'importe quelle dépense aussi bien en prélèvement sur recettes qu'en charge pourrait conduire à vider de l'essentiel de sa portée l'article 40 de la Constitution ».

c) Le choix de la clarté

La proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture ne comporte aucune disposition relative aux prélèvements sur recettes. Ce faisant, les députés ont considéré que le silence du texte organique permettrait un maintien de la situation existante, dans la mesure où les prélèvements sur recettes avaient été validés dans le même silence de l'ordonnance organique.

Votre rapporteur a décidé de vous proposer un choix contraire, qui est celui de la clarté et, donc de définir dans le corps de la loi organique la technique des prélèvements sur recettes, dans les strictes limites posées par les règles constitutionnelles mises en évidence par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

1. Les raisons de la mention des prélèvements sur recettes dans le texte organique

(a) Une technique jugée constitutionnelle et pleinement justifiée

Outre la validation à deux reprises, par le Conseil constitutionnel, de cette technique, votre rapporteur considère qu'il existe bien des raisons qui non seulement justifient son existence, mais en plus la rendent compatible avec les principes du droit budgétaire comme l'article 40 de la Constitution.

Sur le fond, seule une faible partie des sommes retracées en prélèvements sur recettes pourrait constituer une charge de l'Etat. En effet, il convient d'avoir à l'esprit que ces prélèvements existent pour financer des charges qui ne relèvent pas de l'Etat. En quelque sorte, le prélèvement sur recettes a été créé pour ne pas affecter directement les impôts correspondants aux collectivités locales comme à l'Union européenne. Il serait vain de croire que la suppression des prélèvements ferait traiter ceux-ci en charges budgétaires. Ils seraient alors transformés en affectations directes de recettes et échapperaient donc au contrôle du Parlement qui n'en connaîtrait qu'au moment de l'autorisation de leur perception. C'est pourquoi votre rapporteur considère qu'il y a quelque naïveté à estimer « contradictoire » le fait d'à la fois vouloir conforter l'universalité et mentionner les prélèvements sur recettes. Bien au contraire, les prélèvements permettent de conserver une conception large de l'universalité budgétaire. Votre rapporteur se permet de préférer cette conception plutôt qu'une incitation aux débudgétisations, dont le Conseil constitutionnel a rappelé les inconvénients au regard du contrôle des finances publiques, et aux affectations directes de recettes. C'est pourquoi il considère que le prélèvement sur recettes conforte, bien plus qu'il ne contredit, les principe d'unité et d'universalité budgétaires, et participe à l'exercice du principe du contrôle sur l'emploi de la contribution commune, qui figure dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Le Conseil d'Etat semble aller dans ce sens quand il estime que certains prélèvements sur recettes, qui sont des rétrocessions de recettes, devraient être traités en opérations de trésorerie et donc échapper à l'information détaillée du Parlement. Votre rapporteur souhaite justement éviter ce risque.

Par ailleurs, considérer que ces prélèvements contreviennent au principe de non-affectation pourrait se concevoir s'il s'agissait de la couverture de dépenses de l'Etat. Mais les dépenses ici en cause ne relèvent pas ou plus de sa responsabilité : elles incombent aux collectivités locales et à l'Union européenne.

Enfin, supprimer les prélèvements sur recettes se traduirait par un recul de l'autorisation parlementaire et des conditions de son contrôle. Or le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence s'est toujours attaché à faire prévaloir ces principes sur les méthodes de comptabilisation choisies. Ainsi, dans sa décision de 1982 précitée, il a indiqué que le principe de l'universalité correspondait au « double souci d'assurer la clarté des comptes de l'Etat et de permettre, par là même, un contrôle efficace du Parlement ». C'est le même souci qui incite votre rapporteur à mentionner explicitement les prélèvements sur recettes.

S'agissant des griefs liés à l'application de l'article 40 de la Constitution, votre rapporteur, qui assume aussi, au Sénat, comme président de votre commission des finances, la fonction de juge de la recevabilité financière des amendements, rappellera que l'assouplissement du régime de recevabilité applicable aux prélèvements sur recettes s'est effectué sous le contrôle du juge constitutionnel qui n'a, jusqu'à présent, jamais censuré une disposition pour ce motif.

De plus, cet assouplissement se trouve limité d'une part par les conditions applicables aux règles de compensation, d'autre part par l'impossibilité de créer un nouveau type de prélèvement sur recettes. Alors président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Dominique Strauss-Kahn répondait ainsi par avance aux craintes du Conseil d'Etat, dans la 2 ème séance du 18 novembre 1988 63 ( * ) : « il n'est pas certain qu'un prélèvement sur recettes puisse être créé par une initiative parlementaire : un tel prélèvement est une forme d'affectation et l'on voit bien comment on pourrait tourner la règle constitutionnelle interdisant la compensation charges-recettes, en déqualifiant une charge pour en faire une « recette » entre guillemets. Vous vous souvenez, mes chers collègues, que Paul Reynaud disait que les charges compensées étaient la ruine des finances publiques. Aussi la Constitution nous interdit-elle de créer des charges nouvelles, fût-ce en les finançant par des recettes nouvelles. Or, un prélèvement sur recettes peut avoir cette conséquence. » Votre rapporteur partage cette conception sur l'impossibilité de créer de nouveaux prélèvements sur recettes et considère que cette vision stricte - d'autant plus stricte que le texte organique définira précisément les prélèvements sur recettes - devrait apaiser des craintes jamais avérées et que le Conseil constitutionnel n'aurait pas manqué de calmer si elles l'avaient été...

Enfin, votre rapporteur estime, comme le Conseil d'Etat, que, s'il appartient à la loi organique de fixer les conditions dans lesquelles sont déterminées les charges de l'Etat, elle peut assortir d'assouplissements des règles qui, excellentes la plupart du temps, se révèleraient inadaptées sur tel ou tel plan.

(b) Une exigence de clarté

Au delà des nécessités relativement à l'universalité, à l'autorisation parlementaire et à l'exercice du contrôle parlementaire, votre rapporteur considère qu'il n'est pas possible au texte organique de ne pas mentionner une technique budgétaire qui couvre 300 milliards de francs, qui est plébiscitée par les parlementaires comme les gouvernements successifs, validée par le Conseil constitutionnel et encadrée par sa jurisprudence.

Il est d'autant moins possible de choisir le silence si chacun s'accorde sur la nécessité de conserver cette technique. Si son absence du texte de 1959 se justifie par l'histoire même d'un prélèvement créé après l'adoption de ce dernier, cette technique existe désormais et est reconnue. Elle doit donc figurer dans la loi organique.

Enfin, maintenant que la jurisprudence constitutionnelle et la pratique des prélèvements peuvent fournir un cadre précis, il semble possible à la fois de définir les prélèvements sur recettes et de prévoir un cadre d'examen pour ceux-ci qui soit de nature à respecter les principes constitutionnels.

2. Le besoin d'une définition strictement encadrée

Respectueux du juge constitutionnel, votre rapporteur vous proposera une définition et un régime des prélèvements sur recettes directement inspiré de la jurisprudence constitutionnelle de 1982, précisée par celle de 1999.

Il convient de faire correspondre la définition du prélèvement sur recettes avec sa nature : il s'agit de prélever sur les recettes brutes de l'Etat, les financements nécessaires à la couverture de dépenses liées à l'exercice de missions de service public qui ne relèvent pas ou plus de lui. Il ne s'agit donc pas de voiler des dépenses de l'Etat ou d'y affecter directement des recettes : ces dépenses ne sont pas des dépenses de l'Etat. Il ne s'agit pas de traiter ces flux en opérations de trésorerie d'une part car les recettes demeurent, formellement, des recettes de l'Etat dont il rétrocède le produit, d'autre part car faire le choix contraire reviendrait à limiter le contrôle du Parlement sur ces sommes qui ne sont contrôlées, sinon, ni par les organes dirigeants des collectivités locales, ni par ceux de l'Union européenne.

Il convient donc d'assortir chaque prélèvement d'un vote. Même la Cour des comptes reconnaît des vertus à ce vote explicite, s'agissant de celui pour l'Union européenne (rapport sur l'exécution du budget de 1998, page 79) : « en ce qui concerne les prélèvements européens, le vote d'un article particulier en loi de finances assure un meilleur contrôle du Parlement ».

De même, les conditions d'exercice de l'examen parlementaire de ces prélèvements se conformerait aux règles posées par le Conseil constitutionnel : évaluation distincte et précise, dans leur montant comme leur destination. Les propositions de votre rapporteur aux articles 31 et 43, relatives aux modalités de discussion et de vote des prélèvements complètent ainsi l'article 17 en prévoyant un vote par prélèvement et une discussion en première partie avant l'examen de l'article d'équilibre. Le Parlement connaîtrait ainsi des prélèvements sur recettes dans des conditions améliorées par rapport à aujourd'hui puisqu'il se prononcerait sur chacun d'entre eux.

Dans l'esprit de votre rapporteur, ces dispositions devraient permettre le maintien de la situation existante en matière de prélèvements sur recettes, qui constituent une garantie pour le respect du principe de l'universalité budgétaire et pour le bon examen, par le Parlement, des 300 milliards de francs qui sont ainsi déduits des recettes brutes de l'Etat en toute transparence et qui risqueraient, sinon, demain, d'être prélevés sur les citoyens dans des conditions démocratiques considérablement amoindries, ce qui serait parfaitement contraire à la volonté du législateur organique.

Votre rapporteur fait aussi confiance au juge constitutionnel pour faire respecter l'application de ces dispositions et s'assurer, notamment, qu'elles n'autorisent aucun détournement de l'article 40 de la Constitution.

*

Au total, votre rapporteur vous propose de faire figurer dans le présent article 17 les principes budgétaires d'unité et d'universalité ainsi que le cadre général des exceptions autorisées par la loi organique, en revenant à celui de l'ordonnance de 1959, et la règle connexe des prélèvements sur recettes. Il vous propose donc une nouvelle rédaction du présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 18

Les procédures de fonds de concours et de rétablissement de crédit

Commentaire : le présent article tend à définir les procédures particulières permettant de déroger, au sein du budget général, au principe de non-affectation des recettes.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Deux procédures particulières d'affectation sont prévues par le présent article : la procédure des fonds de concours ; celle du rétablissement des crédits.

Avant d'en présenter l'économie, il convient de souligner qu'elles sont présentées comme dérogeant au principe de non-affectation des recettes, précision sans doute salutaire compte tenu de certaines incertitudes doctrinales sur ce sujet entretenues par plusieurs affirmations tendant à oublier qu'avant d'être un crédit, les fonds de concours notamment sont une recette de l'Etat.

L'on peut également d'ores et déjà remarquer que l'Assemblée nationale a entendu réserver l'application de ces dispositions au budget général, en excluant ainsi les comptes annexes et les budgets annexes, solution qui paraît discutable.

A. LA PROCÉDURE DES FONDS DE CONCOURS

Le texte adopté par l'Assemblée nationale définit deux catégories de fonds de concours.

La première, les fonds de concours par nature, correspond à la définition actuelle de l'ordonnance organique à ceci près qu'il est très heureusement précisé que nul versement d'origine fiscale ne saurait être considéré comme un fonds de concours, solution d'ailleurs consacrée par le Conseil Constitutionnel à l'occasion de son examen des « faux fonds de concours » du ministère de l'économie et des finances dans sa décision sur la loi de finances pour 1999.

La seconde est constituée par les fonds de concours par assimilation, catégorie prévue, elle aussi, par l'ordonnance organique. Mais, par rapport à l'indétermination du texte de l'ordonnance, la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale a pris l'utile précaution de préciser le champ de cette catégorie. Elle a restreint la faculté d'assimilation aux seules recettes tirées de la rémunération de prestations fournies par l'Etat.

B. LA PROCÉDURE DU RÉTABLISSEMENT DE CRÉDITS

En ce qui concerne la procédure de rétablissement de crédits, l'Assemblée nationale a, là également, fait oeuvre utile.

Cette procédure, qui consiste à neutraliser l'impact de certaines dépenses sur les crédits, en rétablissant à leur niveau antérieur les dotations ainsi consommées est mieux définie qu'auparavant.

II. OBSERVATIONS

Votre rapporteur approuve les intentions poursuivies par l'Assemblée nationale. Cependant, il propose trois modifications, deux mineures, l'autre plus substantielle et consistant à assurer l'exhaustivité du budget présenté dans les lois de finances initiales.

A. DEUX MODIFICATIONS MINEURES

La prise en compte des comptes spéciaux et des budgets annexes paraît recommandable compte tenu de l'application, au sein de ces entités budgétaires, de la règle de non-affectation des recettes.

En outre, plutôt que de perpétuer la catégorie des fonds de concours par assimilation, il semble plus clair à votre rapporteur d'instaurer une nouvelle procédure particulière d'affectation répondant au même objet, celle des attributions de produits.

B. MIEUX GARANTIR L'EXHAUSTIVITÉ BUDGÉTAIRE

Dans le texte initial de sa proposition, le rapporteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale avait souhaité que les fonds de concours soient prévus et autorisés par la loi de finances de l'année. Les informations recueillies au cours de ses travaux l'ont convaincu que cette voie était, en pratique, difficilement envisageable, les recettes rattachées par voie de fonds de concours présentant, à ses yeux, davantage que les recettes fiscales ou non fiscales évaluées dans les lois de finances, un caractère aléatoire peu compatible avec leur prise en compte au titre de l'équilibre budgétaire de l'année concernée. Il a donc choisi de proposer de conserver l'actuelle procédure de rattachement des fonds de concours par nature prévue par l'article 19 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, tout en prévoyant que leur montant soit estimé -mais non prévu- pour l'année en cours et l'année considérée par les annexes explicatives au projet de loi de finances de l'année considérée prévues au d du 5° de l'article 38 de la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale.

En l'état de sa réflexion, votre rapporteur ne partage pas cette conviction. Aussi souhaite-t-il que les fonds de concours soient évalués, en recettes et en crédits, dès le projet de loi de finances de l'année.

Toutefois, afin de tenir compte du caractère aléatoire de ces recettes, caractère présenté à tort comme de plus de conséquences que les aléas entourant les autres recettes de l'Etat 64 ( * ) , votre rapporteur vous propose de conditionner la consommation des crédits ainsi ouverts au rattachement effectif de la recette correspondante en exécution.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article ainsi amendé.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 18

Les budgets annexes

Commentaire : le présent article additionnel définit les règles applicables aux budgets annexes.

Alors qu'ils ne sont qu'une survivance transitoire, mais sans que cette transition soit précisée par un terme, dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, votre rapporteur considère qu'il n'existe pas de motif déterminant pour que les budgets annexes ne soient pleinement pris en compte dans la nouvelle loi organique.

Cette appréciation est d'ailleurs renforcée par le maintien des budgets annexes existants prévu par le texte de l'Assemblée nationale.

Elle est plus fondamentalement assise sur la considération qu'il pourra être jugé utile dans le futur, comme cela a été le cas dans le passé, de disposer d'une entité budgétaire permettant de retracer les opérations financières résultant des activités de production de biens ou de prestations de services donnant lieu à paiement de redevances, et elles seules.

Tel est l'objet des budgets annexes selon votre rapporteur. Il est, on le voit, probablement plus resserré que l'usage qui a pu en être fait dans le passé. Il est également, quoique proche, légèrement différent de celui des comptes de commerce.

D'une part, ceux-ci sont appelés à retracer les activités accessoires de nature industrielle, commerciale ou financière de services de l'Etat dont l'activité principale est autre. D'autre part, les comptes de commerce ont vocation à abriter des recettes commerciales d'une autre nature que les principaux produits évalués dans les budgets annexes, qui sont la contrepartie de redevances pour services rendus. L'on sait que ces redevances se distinguent de la notion de prix par une exigence de proportionnalité avec le service rendu, qui n'est pas posée pour celle-ci.

Le maintien des budgets annexes dans la loi organique est l'occasion de préciser les règles qui leur sont applicables.

Chaque budget annexe constituera une mission et leurs crédits seront spécialisés par programme tout comme pour la plupart des crédits du budget général. Les crédits des budgets annexes seront exécutés comme ceux du budget général. Ainsi, contrairement à la solution adoptée par l'Assemblée nationale qui, en même temps qu'elle a maintenu les budgets annexes existants, a maintenu les règles de l'ordonnance organique comme références de présentation et d'exécution des opérations des budgets annexes survivants, le visa explicite des budgets annexes dans la loi organique permet d'unifier les règles qui s'imposeront à eux.

Il est proposé de construire une nomenclature de présentation des opérations budgétées dans les budgets annexes au plus près des principes du plan comptable général. Deux sections budgétaires seront distinguées : celle des opérations ordinaires ; celle des opérations en capital qui comporterait, comme aujourd'hui, en recettes, celles spécialement affectées à la couverture des dépenses de cette section, dont les recettes d'emprunt, et en dépenses, les investissements et l'amortissement de la dette.

Contrairement au droit existant, les suppléments de recettes constatées par rapport aux évaluations des lois de finances seraient réservés au désendettement des budgets annexes. Autrement dit, elles ne pourraient pas gager des ouvertures de crédits autres que pour ceux destinés à amortir la dette.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE 19

Les catégories de comptes annexes

Commentaire : le présent article tend à définir les catégories de comptes annexes prévues à l'article 17, ainsi que les liens qu'ils entretiennent avec les lois de finances.

Le présent article traduit la défaveur qu'ont inspiré à l'Assemblée nationale les comptes spéciaux du Trésor.

Sans souscrire toujours à l'usage fait de cette formule, votre rapporteur ne partage pas la démarche et les conclusions tirées par l'Assemblée nationale d'une aversion que le mauvais usage des comptes spéciaux du Trésor peut, à ses yeux, expliquer.

Il part de la conviction qu'il appartient aux autorités budgétaire du pays d'exercer leurs responsabilités et de ne pas favoriser les travers auxquels peuvent conduire un usage abusif des comptes spéciaux du Trésor. En même temps, il considère comme quelque peu imprudent d'en figer l'utilisation dans la présente proposition de loi organique.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. DES CONDITIONS FORMELLES PARTIELLEMENT RÉFORMÉES

La proposition de l'Assemblée nationale reprend, pour les comptes annexes, la règle posée par l'article 23 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, selon laquelle les comptes spéciaux du Trésor ne peuvent être ouverts que par une loi de finances. Elle reprend également la règle, posée par l'article 18 de la même ordonnance, selon laquelle l'affectation d'une recette à un compte annexe ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances.

Cependant, partant de l'idée que réserver à la seule initiative gouvernementale, comme cela a été fait dans le contexte particulier de 1959, la possibilité d'affecter une recette à un compte annexe n'est pas opportune, elle ouvre cette faculté à l'initiative parlementaire.

B. UNE NETTE RESTRICTION DU DOMAINE DES COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR

Il n'existerait plus que quatre catégories de comptes spéciaux du Trésor, dont deux ne réuniraient plus qu'un spécimen chacune.

Tel serait le cas pour la catégorie actuelle des comptes d'affectation spéciale, qui ne comprendrait plus que l'actuel compte de gestion des participations de l'Etat (compte n° 902-24) qui serait ainsi « sanctuarisé » dans la loi organique.

De même, la catégorie actuelle des comptes de commerce n'aurait plus comme unique représentant que le compte de gestion de la dette et de la trésorerie, héritier du compte n° 904-22 « Gestion active de la dette et de la trésorerie de l'Etat » ouvert par l'article 8 de la loi de finances rectificative pour 2000 65 ( * ) .

La catégorie actuelle des comptes de règlement avec les gouvernements étrangers serait supprimée, son unique représentant trouvant place parmi les comptes de concours financiers prévus par la présente proposition ou, éventuellement, voyant ses opérations désormais retracées sur le budget général.

Les actuels comptes de prêts et comptes d'avances verraient leur régime unifié et se fondraient désormais au sein de la catégorie unique des comptes de concours financiers.

Enfin, les comptes d'opérations monétaires subsisteraient.

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur vous propose d'adopter une position moins radicale au stade de la présente loi organique que celle affichée, moyennant quelques accommodements, dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

Sa position à l'égard des comptes spéciaux, terme qui, sans peut-être avoir toute l'élégance souhaitable, lui paraît préférable à l'expression « comptes annexes » qui paraît reléguer dans une certaine marginalité des entités budgétaires appartenant pleinement, comme le budget général, au budget de l'Etat, ainsi que certaines considérations constitutionnelles ou pratiques le conduisent, en outre, à une certaine réserve quant aux conditions réglant l'initiative des affectations de recettes.

A. ASSOUPLIR LE DOMAINE DES COMPTES SPÉCIAUX

Votre rapporteur vous propose de prévoir l'existence de quatre catégories de comptes spéciaux : les actuels comptes d'affectation spéciale, les comptes de commerce, les comptes d'opérations monétaires et les comptes de concours financiers. Par rapport au texte de l'Assemblée nationale, les assouplissements portent sur les comptes d'affectation spéciale qui ne seraient plus, nécessairement, réduits à un spécimen et sur les comptes de commerce, avec le même effet.

Votre rapporteur n'ignore rien des abus ou des facilités que ces deux catégories de comptes ont pu susciter.

Il considère que ces travers auraient pu et dû être évités par les pouvoirs publics à l'occasion de l'examen des lois de finances.

Votre rapporteur s'inspire, en outre, d'un souci de pragmatisme. Ne souscrivant pas au dogme de la nocivité, consubstantielle à ces formules, des comptes d'affectation spéciale ou des comptes de commerce, il ne voit nulle raison d'adopter des conclusions que seule une telle approche peut justifier.

Il remarque, au demeurant, que si la présente proposition de loi organique avait été adoptée dans les termes issus des travaux de l'Assemblée nationale, il y a un an, cette même assemblée n'aurait pu procéder, comme elle le fit en loi de finances pour 2001, à la création du « compte-UMTS », que moyennant une réforme de la loi organique. Il en aurait été de même pour le compte de gestion de la dette.

Ce rappel, anecdotique, n'est pas pour autant sans signification. Il importe, à tout prix, dans le courant de la réforme ici entreprise, de ne pas empêcher des pratiques budgétaires dont l'utilité pourrait se révéler dans l'avenir.

Votre rapporteur tient à ajouter qu'à ses yeux, les « pseudo-débudgétisations » évoquées parfois à propos des comptes spéciaux, ne sont en rien de nature à permettre de faire échapper des recettes et des charges de l'Etat aux disciplines démocratiques et financières dont les lois de finances sont l'expression. Bien au contraire ! Dans son esprit, les comptes spéciaux sont aussi des moyens offerts à tout gouvernement soucieux de sincérité de retracer les flux financiers propres à telle politique particulière que l'on souhaite distinguer des opérations du budget général. Plusieurs exemples récents le démontrent. La commission des finances du Sénat, tout en ayant rejeté pour des motifs de fond, l'article créant l'affectation du produit des licences UMTS dans le projet de loi de finances pour 2001, s'est félicitée, sans réserves, du rattachement des opérations projetées dans un compte d'affectation spéciale.

A l'inverse, votre rapporteur partage pleinement la consternation exprimée avec force par de nombreux parlementaires devant les errements constatés à l'occasion du projet de création du sans doute défunt FOREC. Il est tout à fait inadmissible qu'un mécanisme financier destiné à couvrir les coûts collectifs d'une politique publique conduite par l'Etat, comme la réduction du temps de travail, puisse emprunter des canaux permettant l'évitement des disciplines imposées dans le cadre de la gestion du budget de l'Etat.

De tels montages, qui relèvent d'une ingénierie comptable destinée à dissimuler les conséquences financières pour l'Etat des politiques qu'il entreprend, constituent une atteinte à la démocratie d'où résultent toutes les confusions, dénoncées à juste titre dans les travaux du Sénat.

Votre rapporteur dénonce sans concessions ces débudgétisations qui, elles, sont bien réelles et délibérées. Il appelle de ses voeux une vigilance de tous et, en particulier, du Conseil constitutionnel, qui aura l'occasion de préciser la portée de l'obligation de sincérité budgétaire nouvellement énoncée, afin que de telles manoeuvres n'aient désormais plus cours.

Il considère qu'en maintenant la catégorie des comptes d'affectation spéciale, le Parlement ôtera toute excuse à quiconque pour porter atteinte à la nécessaire sincérité du budget de l'Etat, alors que la supprimer constituerait une incitation forte à multiplier les débudgétisations dont le Conseil constitutionnel a, en 1994, dénoncé les « inconvénients inhérents au regard du contrôle sur les finances publiques ».

B. RECONSIDÉRER LES CONDITIONS RÉGLANT L'INITIATIVE DES AFFECTATIONS DE RECETTES À TRAVERS LES COMPTES SPÉCIAUX

Votre rapporteur s'étant reporté aux travaux préparatoires de l'Assemblée nationale a bien noté que selon ceux-ci, il serait désormais loisible à une initiative parlementaire de créer un compte spécial à condition d'y procéder dans une loi de finances.

Il ne partage pas complètement cette appréciation. Il remarque que dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, chaque compte doté de crédits constitue une mission (article 20). Il observe que l'initiative de création d'une mission est réservée au gouvernement (article 7). Il en déduit que le seul champ ouvert à l'initiative parlementaire est, en fait, réduit aux comptes non dotés de crédits, c'est-à-dire, dans la conception qu'il propose au Sénat de promouvoir, aux comptes de commerce, excepté le compte de la dette, et aux comptes d'opérations monétaires.

Dans ces conditions, il ne juge pas utile d'ouvrir à l'initiative parlementaire la faculté de créer des comptes spéciaux.

La solution complémentaire adoptée par l'Assemblée nationale qui consiste à ouvrir à cette initiative la faculté de procéder à des affectations de recettes apparaît alors discutable. L'on doit relever que l'article 40 de la Constitution faisant obstacle à l'instauration d'une charge nouvelle, cette faculté ne déboucherait que sur la constitution de ressources dont le gouvernement serait libre de régler l'usage, en optant soit pour l'ouverture de crédits, soit pour une amélioration du solde budgétaire.

L'intérêt pratique limité de cette faculté, les délégations excessives qu'elle offrirait à l'exécutif et sa compatibilité douteuse avec l'article 39 de la Constitution ont déterminé votre rapporteur à l'écarter.

Comme on l'a indiqué, cette position est sans conséquence pratique par rapport au texte de l'Assemblée nationale. Surtout, elle n'a aucunement pour effet d'encourager le gouvernement à rester sourd aux suggestions des parlementaires. Votre rapporteur se remémore ici les inutiles délais qu'ont mis les gouvernements successifs à satisfaire la suggestion pertinente du rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat pour les crédits de l'aviation civile de créer un compte d'affectation spécial dédié à la sécurité aéroportuaire.

Enfin, la proposition de votre rapporteur n'aura pas pour effet de stériliser l'initiative parlementaire dans le domaine des comptes spéciaux. En effet, chacun de ces comptes constituant une mission, les parlementaires pourront, au sein des comptes, ajuster les différents programmes qu'ils pourraient souhaiter promouvoir.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 20

Les règles générales applicables aux comptes annexes

Commentaire : le présent article tend à préciser certaines règles générales applicables aux comptes annexes dans leur ensemble ou aux seuls comptes annexes dotés de crédits.

Les règles générales applicables aux comptes annexes définies dans le présent article s'inspirent étroitement de celles aujourd'hui mentionnées dans l'article 24 de l'ordonnance organique. Quelques modifications sont toutefois apportées à ces règles par le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

Votre rapporteur vous suggère certaines adaptations destinées, les unes à assurer les coordinations nécessaires, les autres à préserver quelques souplesses, les dernières à clarifier certaines règles.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Par rapport aux règles applicables, les principales modifications adoptées par l'Assemblée nationale peuvent être regroupées ainsi qu'il suit.

A. UNE PROHIBITION STRICTE DE L'IMPUTATION DIRECTE DE DÉPENSES DE PERSONNEL SUR LES COMPTES SPÉCIAUX

Une disposition de principe, applicable à tous les comptes spéciaux, vise à interdire l'imputation directe à de tels comptes de dépenses de personnel. L'ensemble des personnels rémunérés par l'Etat devra l'être sur le budget général, cette solution étant justifiée par la considération de la nature des dépenses de personnel qui, selon le rapport de l'Assemblée nationale, ne sauraient être financées par une recette déterminée et affectée.

B. L'APPLICATION AUX COMPTES SPÉCIAUX DOTÉS DE CRÉDITS DES RÈGLES DE DROIT COMMUN

Selon le texte de l'Assemblée nationale, chaque compte spécial doté de crédits constitue une mission, les crédits de ces comptes étant spécialisés par programme.

En outre, excepté les règles particulières prévues pour les opérations du compte de gestion des participations de l'Etat et des comptes de concours financiers, les règles de prévision, d'autorisation et d'exécution de droit commun sont applicables aux comptes spéciaux;

Les exceptions visées concernent :

pour le compte de gestion des participations de l'Etat, seule survivance des comptes d'affectation spéciale, le plafonnement des engagements et ordonnancements par référence aux recettes constatées, la faculté d'ouvrir par arrêté des crédits supplémentaires lorsque des plus-values de recettes surviennent, des règles particulières de report ;

pour les comptes de concours financiers, outre le principe de l'affectation des recettes à des dépenses, une règle particulière d'imputation des pertes probables aux résultats de l'exercice.

C. LA CONSÉCRATION DE LA RÈGLE D'ÉGALITÉ ENTRE AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT ET CRÉDITS DE PAIEMENT

L'Assemblée nationale a hissé au rang de disposition organique la règle selon laquelle, sur les comptes annexes, les crédits de paiement ouverts doivent couvrir la totalité des autorisations d'engagement ouvertes.

D. LA CONFIRMATION DU PRINCIPE DES REPORTS DE SOLDE

Seule une disposition de loi de finances peut déroger au report du solde de chaque compte spécial sur l'année suivante, règle déjà en vigueur.

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

Elles ne varient que sur des détails avec le texte adopté par l'Assemblée nationale.

A. APPORTER DES PRÉCISIONS

L'Assemblée nationale a renoncé à prévoir que la totalité des comptes spéciaux soient considérés comme autant de missions au motif que cette assimilation devrait être réservée aux comptes dotés de crédits. Ainsi, seuls les comptes spéciaux dotés de crédits sont-ils assimilés à des missions et, partant, seuls les crédits de ces comptes spéciaux sont-ils, selon elle, spécialisés par programme.

Votre rapporteur vous suggère au contraire d'appliquer à l'ensemble des charges des comptes spéciaux, crédits, dépenses ou déficits, la nouvelle nomenclature budgétaire.

Chaque compte spécial constitue une mission et toutes les charges sont spécialisées tantôt par programme, tantôt -celles correspondant aux crédits spécialisés par dotation- par dotation.

Si l'ensemble des crédits du budget général sont, selon le droit commun, spécialisés au terme de l'article 7, par programme ou par dotation, votre rapporteur n'y voit pas un argument de nature à interdire d'appliquer à des comptes non dotés de crédits un principe de spécialisation par programme. Il lui apparaît au contraire indispensable de le préciser afin que les règles applicables aux programmes s'appliquent aux comptes spéciaux. La solution contraire, adoptée par l'Assemblée nationale, a pour effet de faire échapper les comptes non dotés de crédits -les comptes d'opérations monétaires et le compte de gestion de la dette, qui, à l'inverse de ce que propose votre rapporteur est, dans la version de l'Assemblée nationale, dépourvu de crédits- aux règles de compte-rendu de performances s'appliquant aux programmes.

B. TIRER UNE CONSÉQUENCE

La nomenclature budgétaire proposée par votre rapporteur, retenant pour certaines catégories de crédits, limitativement énoncées, une règle de spécialisation par dotation à côté de la règle générale de spécialisation par programme, l'assimilation de chaque compte spécial à une mission a, pour corollaire, l'énoncé que les crédits de chaque compte sont spécialisés soit par programme, soit par dotation.

C. CONSERVER DES SOUPLESSES

Les propositions de votre rapporteur allant dans ce sens consistent :

d'une part, à prévoir, qu'à titre exceptionnel, des crédits de personnel pourront être inscrits sur les comptes spéciaux sur décision expresse d'une loi de finances. Cette règle dérogatoire n'a pas vocation à s'appliquer souvent -ce serait contestable pour les motifs excellemment rappelés par l'Assemblée nationale-, mais elle peut être, ponctuellement, utile. Votre rapporteur se réfère en particulier aux comptes de commerce et au compte de pensions.

d'autre part, à ne pas prévoir de consacrer, dans la loi organique, le principe d'égalité des autorisations d'engagement et des crédits de paiement ouverts. Cette règle, qui ne vaut ni pour le budget général, ni pour les budgets annexes a pour effet de gonfler artificiellement les crédits de paiement prévus en lois de finances et de déboucher, mécaniquement, sur la constitution de stocks de crédits de paiement, qu'il faut alors reporter. Elle brouille ainsi inutilement la lisibilité des dotations budgétaires des comptes spéciaux.

D. CLARIFIER LA DISTINCTION ENTRE SOLDE COMPTABLE ET RÉSULTAT BUDGÉTAIRE

Votre rapporteur confirme que le solde de chaque compte spécial est reporté sur l'année suivante. Il s'agit du solde comptable résultant de la différence entre les recettes et les dépenses du compte depuis son ouverture. Ce solde devra toutefois être corrigé, le cas échéant, des pertes et profits constatés. Le report des soldes des comptes spéciaux ne signifie pas que les résultats annuels d'exécution ne soient pas pris en compte pour calculer le résultat du budget de l'Etat.

Bien au contraire, le résultat budgétaire des comptes spéciaux -qui comprend la différence entre leurs recettes et leurs dépenses, leur déficit de fin d'année, et les pertes et profits constatés- devra nécessairement être imputé au résultat budgétaire de l'année, dans les conditions fixées par l'article 34, qui définit le contenu de la loi de règlement.

Le tableau d'équilibre budgétaire présenté à l'appui de la loi de finances de l'année en comportera, quant à lui, une estimation qui devra prendre en compte les consolidations nécessaires.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 20

Les règles particulières applicables aux comptes d'affectation spéciale

Commentaire : le présent article additionnel définit les règles particulières applicables aux comptes d'affectation spéciale.

Le présent article additionnel a pour objet de préciser les règles particulières aux comptes d'affectation spéciale, catégorie de comptes spéciaux dont votre rapporteur vous propose de prévoir le maintien pour les raisons et sous les réserves mentionnées dans le commentaire de l'article 19 ci-avant.

Quelques modifications substantielles sont apportées au régime actuel des comptes d'affectation spéciale et quelques nuances en résultent par rapport au régime du seul compte d'affectation spéciale subsistant dans le texte de l'Assemblée nationale -le compte de gestion des participations de l'Etat- ainsi, bien sûr, que par rapport au régime des comptes d'affectation spéciale survivant à titre transitoire du fait de l'article 50 du même texte 66 ( * ) .

Elles résultent de la volonté de clarifier, à travers les comptes d'affectation spéciale, les conditions de gestion de certaines charges de l'Etat, et de rendre plus transparents certains actes d'exécution délégués au pouvoir exécutif.

I. PRÉAMBULE

Le maintien dans la loi organique de la catégorie des comptes d'affectation spéciale que propose votre rapporteur est motivé par un souci de pragmatisme et par la volonté de « ne pas insulter l'avenir ».

Votre rapporteur a bien conscience, pour autant, des abus auxquels les comptes d'affectation spéciale peuvent donner lieu. Il a ainsi recherché les moyens d'en limiter l'occurrence par un encadrement du recours à cette formule de budgétisation, fondé sur sa mise sous conditions.

Il aurait pu être tentant, en particulier, de resserrer le lien, assez lâche dans le texte de l'ordonnance organique, entre les recettes et les dépenses de ces comptes en énonçant une règle visant à établir une sorte de correspondance naturelle entre les recettes et les dépenses de chaque compte d'affectation spéciale.

A l'examen, une telle démarche, certainement valable dans un grand nombre d'hypothèses, aurait, si elle avait été généralisée, débouché sur des exclusions peu souhaitables. Ainsi, il n'est pas certain que les opérations résultant de la gestion des participations de l'Etat auraient pu, si cette règle avait été posée, être toujours retracées dans un compte d'affectation spéciale alors même que ce rattachement, voulu de droit par l'Assemblée nationale, apparaît en effet souhaitable quelque soient les modalités de financement des charges correspondantes.

Finalement, votre rapporteur en est venu à considérer que plutôt que de poser une règle de principe « introuvable », il était préférable, pour encadrer le recours à la formule des comptes d'affectation spéciale, de s'en remettre à la sagesse du Parlement dans son rôle de législateur financier.

Celle-ci devra le conduire à examiner avec la plus grande exigence les propositions gouvernementales d'affectation de recettes à des dépenses particulières en s'interrogeant systématiquement quant à leurs effets sur le niveau de la dépense publique.

II. LES MESURES PROPOSÉES

A. CLARIFIER LES CONDITIONS DE GESTION DE CERTAINES CHARGES DE L'ÉTAT

Votre rapporteur souhaite que les comptes d'affectation spéciale puissent, comme c'est déjà le cas, servir de réceptacle aux opérations de financement de charges d'une nature particulière. Plusieurs propositions d'adaptation du droit existant en découlent.

1. De l'utilité des comptes d'affectation spéciale pour rétablir le budget de l'Etat dans sa dignité

Outre leur vocation à retracer des opérations financières de recettes et de dépenses liées entre elles par une certaine logique de financement, les comptes d'affectation spéciale peuvent, aux yeux de votre rapporteur, contribuer puissamment à satisfaire les exigences de l'unité budgétaire.

Les comptes d'affectation spéciale devraient être systématiquement utilisés pour transcrire dans le budget de l'Etat les affectations directes de recettes à des organismes tiers lorsque ces affectations consistent à financer une politique relevant fondamentalement de la seule responsabilité de l'Etat et qui n'est confiée à ce tiers que pour des motifs pratiques de gestion .

Cela ne signifie pas que des affectations directes ne puissent être ainsi décidées. Mais cela signifie qu'elles ne doivent pas échapper au budget de l'Etat. Votre rapporteur souhaite que chacun puisse se référer à cette exigence lorsqu'il s'agira d'apprécier la sincérité du budget de l'Etat.

2. Isoler certaines opérations financières particulières

Votre rapporteur se range sans réserves à la proposition de l'Assemblée nationale visant à rattacher de droit les opérations patrimoniales résultant de la gestion des participations de l'Etat à un compte d'affectation spéciale particulier. Il insiste pour que la disposition qui en exclut les opérations de gestion courante (dividendes, subventions sans contrepartie patrimoniale...) en soit distinguée. En revanche, il souhaite que soit donnée au terme « participations de l'Etat » l'interprétation la plus large. Rappelant que l'Etat peut détenir des actifs en-dehors de la possession d'une participation financière dans les structures auxquelles ils sont rattachés (tel est le cas des établissements publics sans capital social), il considère que devraient être retracées dans ce compte toutes les opérations patrimoniales entre l'Etat et des tiers liés à celui-ci par une relation de détention.

Votre rapporteur souhaite également, dans le même esprit, que soient rattachées de droit à un compte d'affectation spéciale les opérations que supposent le financement et le paiement des charges de pensions et d'avantages accessoires. Votre rapporteur attend de cette option qu'elle assure une lisibilité complète des flux financiers relatifs aux pensions, en recettes comme en dépenses. Il souhaite qu'elle favorise la prise en compte des coûts complets des pensions et des charges accessoires alors qu'en l'état des choses seuls les flux nécessaires au financement des pensions servies sont comptabilisés.

Les deux mesures ici proposées ont comme corollaire l'ouverture de la faculté d'inscrire, sans limite, en recettes des comptes d'affectation spéciale, des versements du budget général, versements qui sont aujourd'hui limités au cinquième des dépenses prévues. Si la faculté ainsi ouverte devra être limitée dans son usage -une attention particulière devra être portée à ce sujet-, elle paraît nécessaire compte tenu des perspectives financières des comptes susmentionnés.

B. MIEUX ENCADRER L'EXÉCUTION DES COMPTES D'AFFECTATION SPÉCIALES

Votre rapporteur souhaite mieux encadrer l'exécution des comptes d'affectation spéciale que ce n'est le cas aujourd'hui. A cet effet, il vous propose d'adopter une mesure principale en ce qui concerne les ouvertures de crédits complémentaires en cours d'exécution. Il lui semble également devoir préciser les règles relatives aux reports.

1. Mieux encadrer les ouvertures de crédits

Le texte de l'ordonnance de 1959 a débouché sur une pratique d'ouvertures de crédits en exécution particulière aux comptes d'affectation spéciale, qui est singulièrement peu satisfaisante.

Le second alinéa de l'article 25 de l'ordonnance comporte une disposition de nature à dispenser un montant considérable de dépenses de toute autorisation parlementaire.

Il permet au ministre des finances, par simple arrêté, de majorer les crédits de ces comptes à hauteur des suppléments de recettes qui pourraient être constatés.

Il suffit donc de minorer les évaluations de recettes de ces comptes pour conférer au ministre des finances la possibilité d'arbitrer, comme il le souhaite, leurs dépenses.

Si, in fine , la loi de règlement est appelée à constater les dépenses effectives -les arrêtés du ministre ne font même pas l'objet d'une demande formelle de ratification-, cette entorse au principe d'une autorisation préalable de la dépense par le Parlement est d'autant moins admissible qu'elle porte sur des sommes considérables. Ce phénomène se vérifie tout particulièrement avec le compte n° 902-24 retraçant le produit et l'affectation des cessions de titres publics, comme le montre le tableau suivant.

Comparaison des prévisions et des réalisations (comptes n° 902-24 et n° 904-09)

(en millions de francs et %)

1996

1997

1998

1999

Prévues

Effectives

Var

Prévues

Effectives

Var

Prévues

Effectives

Var

Prévues

Effectives

Var

Dépenses

16.517

18.923

+ 15 %

27.000

60.958

- 126 %

28.000

53.548

+ 91 %

17.500

32.313

+ 85 %

Cette « commodité » heurte le principe essentiel en démocratie d'une autorisation préalable des crédits par le Parlement, et ôte à l'examen des comptes d'affectation spéciale beaucoup de sa crédibilité. Il convient donc de l'encadrer.

Votre rapporteur vous propose ainsi de prévoir, en ce cas, un régime particulier d'information du Parlement analogue à celui prévu dans le cadre de la procédure des décrets d'avances.

2. Préciser le régime des reports

Il est proposé d'appliquer aux crédits des comptes d'affectation spéciale un régime particulier de reports tenant compte de la disponibilité des crédits mais aussi des recettes.

Pour autant, le plafonnement des reports par référence aux recettes effectives est réservé aux reports concernant les crédits de paiement, par cohérence avec le choix d'harmoniser les règles relatives aux autorisations d'engagement des comptes spéciaux avec celles retenues par ailleurs.

Le système d'information prévu à l'article 9 s'appliquerait aux reports des comptes d'affectation spéciale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE 21

Le compte de gestion des participations de l'Etat

Commentaire : le présent article tend à définir le régime du compte de gestion des participations de l'Etat.

Du fait de l'adoption d'un article additionnel qui, consacré au régime des comptes d'affectation spéciale, pose en principe le rattachement de droit des opérations financières résultant des participations de l'Etat à un compte d'affectation spéciale pour toutes les opérations autres que de gestion courante 67 ( * ) , votre rapporteur vous propose la suppression de cet article.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 21

Les règles applicables aux comptes de commerce

Commentaire : le présent article additionnel définit les règles applicables aux comptes de commerce.

I. L'OBJET DES COMPTES DE COMMERCE

L'objet des comptes de commerce est de retracer les recettes et les dépenses résultant des activités à caractère industriel et commercial que peuvent réaliser à titre accessoire les services de l'Etat.

Votre rapporteur concède que cet objet est proche de celui assigné aux budgets annexes. Il en diffère toutefois, en étant plus marqué par l'origine commerciale des opérations que les comptes de commerce sont appelés à accueillir. Cette caractéristique emporte des conséquences sur les recettes et les dépenses des comptes de commerce qui, sous bénéfice de nuances particulières, se distinguent dans leur nature de celles retracées dans les budgets annexes.

Les recettes de ceux-ci sont appelées à être, à titre principal, la contrepartie de redevances pour services rendus, alors que celles des comptes de commerce, réserve faite des recettes destinées à satisfaire le principe du caractère limitatif du déficit autorisé - v. infra- ont vocation à trouver leur origine dans le champ des recettes commerciales.

Côté dépenses, à une exception près - v. infra- les charges des comptes de commerce sont appelées à échapper à la règle, applicable aux budgets annexes comme au budget général, d'une transcription dans le budget de l'Etat sous forme de crédits.

II. LES RÈGLES PARTICULIÈRES AUX OPÉRATIONS DES COMPTES DE COMMERCE

Conséquence du caractère industriel et commercial des opérations retracées dans les comptes de commerce, il est prévu que les prévisions de recettes et de dépenses, qui devront figurer dans les documents budgétaires, sont affectées d'un caractère évaluatif.

Toutefois, comme l'inscription de ces opérations dans les comptes de commerce est justifiée par l'intérêt que présente leur budgétisation -il s'agit de prendre en compte des flux financiers susceptibles d'avoir un impact sur l'équilibre du budget de l'Etat- il est prévu non seulement que les documents budgétaires soient plus exhaustifs qu'aujourd'hui, -les recettes et les dépenses devront être prévues autrement que pour mémoire-, mais encore que le déficit de fin d'année soit, quant à lui, limitatif.

III. PRÉVOIR LE RATTACHEMENT DE DROIT DES CHARGES DE LA DETTE À UN COMPTE DE COMMERCE

Dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, outre les comptes de commerce survivant à titre transitoire en application de l'article 50, il est prévu que soit consacré, au niveau organique, le compte de gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat ouvert par l'article 8 de la seconde loi de finances rectificative 68 ( * ) pour 2000. Ce compte serait régi par des règles très proches de celles des comptes de commerce actuels. Il ne retracerait que les recettes et les dépenses résultant de la gestion active de la dette et de la trésorerie à travers les nouveaux instruments financiers.

Les autres charges de la dette, celles attachées à la « dette subie » seraient retracées dans un programme spécifique, doté de crédits évaluatifs, prévu par l'article 10 du texte transmis par l'Assemblée nationale.

A l'examen, il paraît plus expédient à votre rapporteur de regrouper l'ensemble des opérations courantes -c'est-à-dire hors émission et remboursements considérés comme des opérations de trésorerie non budgétaires- dans un compte unique. Ce regroupement doit permettre d'identifier aisément la charge de la dette qui, dans le texte de l'Assemblée nationale, ne serait appréhendable que par consolidation des crédits consommés sur le programme sus-mentionné avec le résultat du compte de commerce.

Pour autant, votre rapporteur considère qu'il est souhaitable d'entourer ce regroupement d'un certain nombre de précautions.

Tout d'abord, il convient de pouvoir identifier très clairement les opérations de « gestion active » de la dette et de la trésorerie, en recettes, dépenses et soldes. Les modalités et les résultats de l'ingénierie financière mise en oeuvre pour réduire la charge de la dette de l'Etat doivent être soigneusement décrits pour pouvoir être appréciés.

En outre, il est nécessaire de conférer au solde du compte, dans l'hypothèse où celui-ci serait déficitaire, un caractère limitatif. Le budget général serait ainsi appelé à combler l'écart entre le déficit défini par la loi de finances et le résultat effectif du compte afin que soit respectée la limite fixée pour le premier. L'impact des résultats du compte sur ceux du budget de l'Etat transiterait donc par des versements du budget général vers le compte au cas où ses résultats ne seraient pas favorables. Cette exigence, formelle, vise essentiellement à clarifier les enjeux budgétaires liés à la gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat.

Par ailleurs, les opérations comptabilisées dans le compte devraient l'être à la fois dans les termes de la comptabilité budgétaire -la comptabilité de caisse- et dans ceux de la comptabilité générale de l'Etat qui, pour la section du compte relative à la « gestion active » de la dette et de la trésorerie s'inspirerait étroitement des règles applicables aux établissements financiers. Les éventuels écarts de conversion qui résulteraient de la juxtaposition de ces deux ordres comptables seraient explicités ligne à ligne.

Enfin, il est utile de prévoir que la loi de finances déterminera avec précision le format du compte, qu'elle devra en particulier décrire les liens financiers entre le budget général et le compte de commerce et qu'elle précisera les obligations de compte rendu imposées au gouvernement. Celles-ci pourraient consister en des comptes rendus réguliers d'exécution qui ne seraient pas exclusifs d'un rapport annuel général détaillant les conditions de la gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE 22

Le compte de gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat

Commentaire : le présent article tend à définir le régime du compte de gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat.

Du fait de l'adoption d'un article additionnel qui, consacré aux comptes de commerce, pose en principe le rattachement de droit des opérations financières résultant de la dette et de la trésorerie de l'Etat à un compte de commerce, votre rapporteur vous propose la suppression de cet article.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 23

Les comptes d'opérations monétaires

Commentaire : le présent article tend à maintenir dans le nouveau texte organique les comptes d'opérations monétaires.

Votre rapporteur souscrit pleinement aux modifications apportées par l'Assemblée nationale au régime des comptes d'opérations monétaires. Il vous propose cependant d'adopter une précision de rédaction.

I. LES MODIFICATIONS AU TEXTE DE L'ORDONNANCE N° 59-2 DU 2 JANVIER 1959 APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE SONT LES BIENVENUES

Votre rapporteur se félicite que le présent article tende à maintenir dans le nouveau texte organique les comptes d'opérations monétaires, actuellement au nombre de quatre.

Il souscrit aux modifications apportées à leur régime par l'Assemblée nationale au terme desquelles :

- toutes les opérations monétaires, sans exception, devant être inscrites sur ces comptes, lesdits comptes enregistreront les recettes et les dépenses de caractère monétaire et non, comme dans l'ordonnance du 2 janvier 1959, des recettes et des dépenses ;

- alors que l'ordonnance du 2 janvier 1959 rend facultative la présentation des prévisions de recettes et de dépenses pour les comptes d'opérations monétaires, seule la charge nette de ces comptes étant évaluée, la présentation des prévisions de recettes et de dépenses sera désormais obligatoire, la prévision de dépenses ayant un caractère indicatif.

II. DEUX PRÉCISIONS RÉDACTIONNELLES SONT SUGGÉRÉES

Votre rapporteur vous suggère d'adopter deux précisions rédactionnelles.

La première consiste à mentionner explicitement les prévisions de recettes. Le texte de l'Assemblée nationale ayant indiqué que les comptes d'opérations monétaires ont pour objet d'enregistrer les recettes et les dépenses de caractère monétaire ne mentionne ensuite que les prévisions de dépenses pour prévoir que celles-ci ont un caractère indicatif. Il paraît souhaitable à votre rapporteur de compléter ce dispositif par la mention explicite des recettes.

En outre, votre rapporteur préfère recourir à l'expression « retracent » plutôt qu'à l'expression « enregistrent », pour décrire l'objet de ces comptes, ne serait-ce que par un souci d'harmonisation.

La seconde précision propose de substituer au concept de découvert, celui de solde de fin d'année. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés lors du commentaire de l'article 22 et sous les mêmes réserves, il est proposé de se référer, plutôt qu'à la notion de découvert, à celle de déficit de fin d'année. Son caractère limitatif est, bien entendu, maintenu.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 24

Les comptes de concours financiers

Commentaire : le présent article tend à définir le régime des comptes de concours financiers.

Votre rapporteur se félicite du maintien des comptes de concours financiers et souscrit à l'unification entreprise par l'Assemblée nationale des actuels comptes d'avances et de prêts.

Il souhaite cependant que soient introduites deux précisions destinées à accroître la transparence de la gestion des interventions sous revue.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Héritiers des comptes d'avances et de prêts, les comptes de concours financiers permettraient de budgéter les opérations financières constituées du fait de l'octroi de prêts par l'Etat.

Votre rapporteur souscrit aux modifications apportées par l'Assemblée nationale au droit existant. Il souhaite les compléter par un bref commentaire.

A. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE AU DROIT EXISTANT...

Le présent article introduit des modifications substantielles au régime actuel des comptes de concours financiers :

- Les notions de prêts et avances ne sont plus distinguées, alors que l'ordonnance du 2 janvier 1959 fondait cette distinction sur la durée du concours consenti par l'Etat (deux ans renouvelables une fois pour les avances ; plus de quatre ans pour les prêts). En conséquence, le dispositif de consolidation en prêt d'une avance non remboursée au bout de quatre ans disparaît.

- La règle de détermination de l'intérêt applicable à un prêt ou à une avance est précisée et fait référence aux titres d'emprunts d'Etat d'échéance identique ou la plus voisine. La possibilité de déroger à cette règle par décret en Conseil d'Etat est étendue des prêts aux avances.

- Les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l'exception des comptes ouverts au profit des Etats étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs. Cette dérogation à la règle générale de limitativité des crédits de concours financiers résulte de la suppression, prévue à l'article 25 de la présente proposition, de la possibilité de consentir des découverts à ces Etats et banques centrales, sur leur compte courant ouvert dans les écritures du Trésor.

- Le régime des « incidents de paiement » est resserré. D'une part, il est élargi à l'ensemble des concours financiers alors qu'il ne concerne que les avances dans l'ordonnance du 2 janvier 1959. D'autre part, les procédures d'incident de paiement sont mises en oeuvre dès qu'une échéance n'est pas honorée à la date prévue et non plus seulement lorsque le concours (actuellement l'avance) n'est pas remboursé à son terme.

B. ...RECUEILLENT L'APPROBATION DE VOTRE RAPPORTEUR MOYENNANT UN COMMENTAIRE PARTICULIER

Votre rapporteur souscrit pleinement aux modifications introduites par l'Assemblée nationale.

Il rappelle que chaque compte de concours financiers sera considéré comme une mission et que leurs crédits seront désormais spécialisés par programme.

Il souhaite que les projets annuels de performances et les rapports annuels de performances présentés avec ces programmes puissent remédier aux lacunes de l'information produite pour justifier les opérations de prêts de l'Etat et les conditions de leur remboursement.

Il estime souhaitable par ailleurs, que ces documents décrivent, malgré l'unification des comptes d'avances et de prêts ici entreprise, la durée des prêts financés sur les crédits budgétaires proposés aux votes du Parlement.

II. L'INTRODUCTION DE DEUX PRÉCISIONS

Votre rapporteur considère, en l'état, utile d'apporter deux précisions complémentaires au texte de l'Assemblée nationale. Elles visent à garantir une plus grande transparence dans la gestion des interventions sous revue.

A. PRÉVOIR LA PUBLICATION DES DÉCISIONS DE RÉÉCHELONNEMENT

Les incidents de paiement, qui peuvent concerner le capital et les intérêts des concours financiers, doivent pouvoir être gérés avec une certaine souplesse. Ainsi, il est concevable que des plans de rééchelonnement, malgré leur impact sur les recettes budgétaires, puissent être mis au point par l'exécutif sans autorisation formelle du Parlement.

Il n'est toutefois pas admissible que de telles mesures soient prises sans transparence. C'est pourquoi il est souhaitable que les actes procédant au rééchelonnement des dettes des débiteurs de l'Etat soient publiés au Journal officiel.

B. ERIGER LE CONSTAT DES PERTES SUR CONCOURS FINANCIERS EN DISPOSITION DE LOI DE FINANCES

Si les rééchelonnements consentis par l'Etat doivent pouvoir l'être sans excès de formalisme, il est indispensable, en revanche, que le Parlement soit mis à même de constater les pertes sur concours financiers.

Aujourd'hui cette constatation n'est qu'adventice ou indirecte à travers l'article de transport aux découverts du Trésor que comportent les lois de règlement.

Il est souhaitable qu'elle devienne, demain, directe et spécifique en raison de ses conséquences sur la situation budgétaire et comptable de l'Etat.

C'est pourquoi il est prévu que toute constatation de pertes sur concours financiers soit actée par une disposition particulière de loi de finances.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

CHAPITRE IV :

DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE TRÉSORERIE

INTITULÉ DU CHAPITRE IV DU TITRE PREMIER

Des ressources et des charges de trésorerie

Commentaire : le présent intitulé ouvre le chapitre relatif aux ressources et aux emplois de trésorerie

L'Assemblée nationale a souhaité créer un chapitre relatif aux ressources et aux charges de trésorerie, qui détaille leur périmètre et fixe les principes et règles qui y sont applicables.

Votre rapporteur approuve cette structure, et vous proposera seulement de modifier l'intitulé du chapitre en le dénommant « des ressources et des emplois de trésorerie » afin de préciser la terminologie utilisée, la notion d'emploi de trésorerie étant mieux adaptée que celle de charge.

Cette substitution est par ailleurs proposée partout où sont mentionnées les charges de trésorerie dans le texte transmis par l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter l'intitulé de ce chapitre ainsi modifié.

ARTICLE 25

La définition des ressources et des charges de trésorerie

Commentaire : le présent article définit les ressources et les charges résultant des opérations de trésorerie.

Cet article trace la frontière entre les opérations budgétaires et les opérations de trésorerie. Il énumère ainsi ces dernières, définissant les ressources et charges de trésorerie comme celles résultant des opérations qu'il mentionne.

Le rapporteur de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, notre collègue Didier Migaud, a longuement expliqué l'importance de cet article au regard de la pratique de l'ordonnance organique de 1959.

Celle-ci a en effet inauguré un partage entre opérations permanentes et opérations de trésorerie qui réservaient ces dernières, en théorie, à la seule couverture des besoins de financement de l'Etat : émissions et remboursements d'emprunts ; opérations de dépôt sur ordre ou pour compte des correspondants 69 ( * ) . Les charges budgétaires résultant de ces opérations, par exemple les intérêts des emprunts, devaient, quant à elles, bien sûr, être comptabilisées en opérations budgétaires.

Cependant, les précisions apportées à ces dispositions dans le décret de 1962 relatif à la comptabilité publique, ainsi que l'usage qui en a été fait, ont considérablement brouillé cette frontière stricte dans le sens d'une extension des opérations de trésorerie.

Les opérations de trésorerie ont ainsi notamment été utilisées pour ne pas abriter, en dehors de toute décision parlementaire, des opérations à fort impact financier, soit sur les charges permanentes (dépenses budgétaires), soit sur les charges de trésorerie. Ainsi, des opérations de reprise de dettes ou des engagements payables à terme. Ces pratiques ont été vigoureusement dénoncées par la Cour des comptes, qui a été jusqu'à qualifier ces opérations comme constitutives de charges budgétaires. A chaque fois que la question lui a été posée, le Conseil constitutionnel a cependant répondu en confortant une interprétation extensive des opérations de trésorerie, laissant finalement le soin au législateur, par la qualification qu'il accepte de donner à une opération, de définir la nature de cette dernière.

Le texte issu de l'Assemblée nationale a cependant choisi d'entériner dans le texte de la loi organique cette conception extensive des opérations de trésorerie et de tenter de sécuriser la frontière par le biais de trois mécanismes complémentaires :

• vote sur les reprises de dettes et sur les engagements payables à terme ou par annuité ;

• vote sur le tableau de financement retraçant ces opérations ;

• vote sur les comptes de l'Etat en loi de règlement.

Le rapporteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale estime ainsi que ce mécanisme préserve les pouvoirs d'autorisation du Parlement tout en le conduisant à se prononcer sur son contenu.

Votre rapporteur estime que cette question revêt une grande importance dans la mesure où elle constitue un instrument fort de pilotage du solde budgétaire, mais remarque cependant que, dans la comptabilité nationale et dans le cadre des engagements européens de la France, une telle distinction n'a pas grand sens : les opérations sont « retraitées » en fonction de leur impact réel et non de distinctions qui apparaissent le plus souvent obscures...

Il souligne surtout qu'à ses yeux, les opérations affectant directement le bilan de l'Etat constituent bel et bien des opérations affectant son patrimoine, soit en produisant des décaissements et donc des charges budgétaires, à ce titre retracés en comptabilité budgétaire, soit en créant des charges à venir. Toute dette reprise devra être remboursée. Il en conclut que si faire prendre en charge par le budget de l'Etat sous forme de crédits budgétaires, lors de sa reprise, une dette transférée, n'aurait guère de sens (les décaissements sont étalés dans le temps) et risque d'avoir un tel effet sur le solde que tout gouvernement préférera procéder à une débudgétisation de la charge occasionnée (par exemple avec un organisme comme la Caisse d'amortissement de la dette sociale), à l'inverse, ces opérations seront retracées dans les comptes de l'Etat qui feront l'objet d'une approbation. Ainsi, la solution retenue par l'Assemblée nationale, qui revient à traiter en opération de trésorerie l'opération en elle-même, à l'assortir d'une obligation de vote et d'information, à prévoir explicitement que les charges budgétaires résultant de l'opération seront bien effectivement traitées comme telles, lui semble être un compromis satisfaisant.

Dans l'esprit de votre rapporteur, l'expression « autres dettes » figurant au 4° du présent article, dont il peut déplorer le manque de précision, doit donc s'entendre de manière stricte des opérations affectant directement le bilan de l'Etat : reprises de dettes d'organismes tiers et engagements à terme ou par annuités.

Votre rapporteur ne vous proposera donc à cet article que des amendements rédactionnels visant à moderniser les termes employés dont la plupart apparaissent comme un héritage du décret de 1956 et constituent des nuances ayant perdu de leur signification, comme celle entre fonds, disponibilités et encaisses.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 26

Les règles applicables aux opérations de trésorerie

Commentaire : le présent article vise à définir les règles générales applicables aux opérations de trésorerie.

Le présent article reprend et complète les dispositions de l'article 15 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959, qui mentionne les opérations de trésorerie pour les distinguer des opérations permanentes de l'Etat, que le Trésor public exécute sous la responsabilité de l'Etat, et en fixe les règles. Il précise donc le régime applicable aux opérations de trésorerie de l'Etat, qui sont décrites à l'article 25 de la présente proposition de loi organique.

Votre rapporteur ne souhaite pas apporter de modifications substantielles au texte adopté par l'Assemblée nationale. Il vous ne vous proposera que des amendements de précision, certains d'entre eux ayant néanmoins une portée significative, s'agissant des obligations de dépôt des disponibilités des correspondants du Trésor public.

I. LES CONDITIONS DE PLACEMENT DES FONDS

Le 1° du présent article indique que le placement des fonds, disponibilités et encaisses de l'Etat est effectué conformément aux autorisations données par la loi de finances de l'année. Ainsi que l'indique le commentaire du présent article figurant dans le rapport de l'Assemblée nationale 70 ( * ) , « le placement de ces fonds, encaisses et disponibilités requiert une autorisation parlementaire. En plaçant ses fonds auprès d'autres personnes morales, l'Etat expose au risque les deniers publics, de la même façon que lorsqu'il accorde un prêt ou une avance à un tiers ».

Votre rapporteur ne peut que souscrire à cette analyse. Il souhaite alléger le présent alinéa en ne mentionnant que les seules disponibilités de l'Etat, la distinction entre les fonds, les disponibilités et les encaisses ne lui paraissant plus porteuse de sens.

Le 2° du présent article indique que les correspondants ne pourront plus bénéficier de découverts, alors que le dernier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance organique n°59-2 du 2 janvier 1959 prévoyait qu'aucun découvert ne pouvait être consenti à un correspondant du Trésor « sous réserve des dispositions particulières concernant les comptes courants des Etats étrangers et les banques d'émission de la zone franc ». La suppression de cette réserve a pour contrepartie la disposition introduite au second alinéa de l'article 24, qui prévoit que les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, « à l'exception des comptes ouverts au profit des Etats étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont évaluatifs ». Cette disposition permet d'accorder la même souplesse que celle de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959, en l'inscrivant dans un cadre plus transparent. Votre rapporteur qui voit une illustration du caractère nécessairement mouvant du champ des enregistrements budgétaires, souscrit donc pleinement à cette initiative.

II. L'OBLIGATION DE DÉPÔT DES DISPONIBILITÉS AUPRÈS DE L'ÉTAT

Le 3° du présent article prévoit l'obligation de dépôt des disponibilités des collectivités locales et des établissements publics auprès de l'Etat. Tandis que l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 ouvrait une possibilité de s'affranchir de cette règle par une « dérogation admise par le ministre des finances », le texte adopté par l'Assemblée nationale mentionne une disposition de loi de finances, justifiant cette modification par le fait que ces dérogations sont « susceptibles d'affecter de montant des ressources de trésorerie de l'Etat ».

L'obligation pour les collectivités locales de déposer l'ensemble de leurs disponibilités auprès du Trésor public qui figure à l'article 15 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 a fait l'objet de débats importants tant au sein de la commission spéciale que lors de la discussion de cet article à l'Assemblée nationale. Notre collègue député Jean-Jacques Jégou a présenté un amendement proposant de supprimer le 3° de cet article, indiquant que « nous sommes en train de changer de paysage, comme nous nous plaisons à le rappeler, mais il faut qu'il y ait des contreparties. Si le contrat de confiance fonctionne dans un sens, il pourrait fonctionner dans l'autre. En effet, les collectivités sont très encadrées et sont dans l'impossibilité de placer leur trésorerie. On pourrait s'y résigner, mais ce ne sont pas les grosses collectivités qui en pâtissent, ce sont les petites, et nous pensons que c'est injuste, que nous pourrions leur laisser une certaine liberté en la matière, en fixant un cadre qui serait déterminé par décret.

J'entends bien que, par un système de balance des comptes, l'Etat se trouve débiteur dans un sens et créancier dans l'autre. Mais la somme non négligeable, qui s'accroît sans cesse, déposée auprès de lui par les collectivités locales - M. le rapporteur général nous a parlé d'environ 65 milliards - pourrait nous inciter, dans un souci de modernité, à donner aux collectivités la liberté de déposer ou non leurs disponibilités auprès de l'Etat, tout en limitant cette liberté - je pense à la Caisse des dépôts ».

En réponse à cette intervention, le rapporteur indiquait : « je conçois tout à fait que le débat puisse avoir lieu, mais il dépasse, et de loin, le cadre de cette loi organique. Nous pourrons toujours l'avoir dans d'autres circonstances ». Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Henri Emmanuelli, indiquait qu'il partageait le souci de l'auteur de l'amendement mais qu'il ne pensait pas que l'on puisse décider aujourd'hui des choses en la matière. Il ajoutait plus loin que « au moment où l'on parle de deuxième phase de décentralisation, il semble difficile d'écarter, une fois de plus, l'examen d'un éventuel assouplissement des relations. »

Le dispositif retenu par l'Assemblée nationale maintient l'obligation de dépôt pour les collectivités territoriales et les établissements publics, mais réserve à la loi de finances la possibilité d'intervenir sur ce sujet, soit pour en aménager le régime, soit pour en restreindre l'application, soit même pour la supprimer. Cette solution renvoie donc le débat aux lois de finances ultérieures, répondant ainsi aux différentes préoccupations exprimées visant, d'une part, à ne pas figer le système pour les décennies à venir et, d'autre part, à ne pas prendre de décisions précipitées dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances.

III. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR

Votre rapporteur considère que le texte retenu par l'Assemblée nationale est sage. En effet, la question posée est complexe, et soulève des enjeux importants : elle concerne la définition des missions du Trésor public, mais de manière plus large, a trait à la définition des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales. La question de l'obligation de dépôt des disponibilités des collectivités auprès du Trésor public ne peut se traiter indépendamment de cette problématique plus vaste.

Le débat autour des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales ne doit pas s'immiscer dans celui portant sur la réforme de l'ordonnance organique. En effet, bien que l'obligation de dépôt des disponibilités des collectivités territoriales ne découle que de ce seul texte, elle n'en constitue pas moins un sujet détachable, dont les tenants et les aboutissants sont largement indépendants du texte de la loi organique relative aux lois de finances. Seul le lien entre les disponibilités déposés et les recettes de trésorerie qu'elles génèrent pour l'Etat justifie d'ailleurs la présence de cette disposition dans le texte organique.

Votre rapporteur a indiqué son accord, pour l'essentiel, avec le texte adopté par l'Assemblée nationale. Il souhaite cependant préciser que l'obligation de dépôt ne s'applique qu'aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, plutôt qu'à l'ensemble des établissements publics, y compris les établissements publics nationaux.

Les établissements publics nationaux ont fait l'objet de très nombreuses dérogations accordées, conformément à l'article 15 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 par le ministre des finances. Il paraît en donc souhaitable que le régime de dépôt des disponibilités des établissements publics nationaux puisse être décidé par voie réglementaire. La loi ne fixe d'ailleurs, selon les termes de l'article 34 de la Constitution, que les règles concernant la création de catégories d'établissements publics et non le détail de leur régime, qui dépend de leur nature même ainsi que des relations financières qu'ils entretiennent avec l'Etat.

En dépit de ce rétrécissement du champ de l'obligation de dépôt votre rapporteur vous propose de conserver le dispositif retenu par l'Assemblée nationale, qui permettra d'ouvrir un débat sur cette obligation à l'occasion de la discussion d'un projet de loi de finances.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

DIVISION ADDITIONNELLE APRÈS L'ARTICLE 26 :

DES COMPTES DE L'ETAT

Commentaire : la présente division additionnelle a pour objet d'introduire un chapitre regroupant l'ensemble des dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat.

Votre rapporteur a souhaité restructurer le texte de la proposition de loi organique adopté par l'Assemblée nationale afin de regrouper au sein d'un même chapitre toutes les dispositions relatives aux comptes de l'Etat. Cette réorganisation vise à améliorer la lisibilité et la cohérence du texte de la loi organique, comme d'autres modifications qui tendent à l'organiser autour de grands thèmes, notamment la création d'un titre dédié à l'information et au contrôle du Parlement sur les finances publiques. Il s'agit également d'asseoir le statut des dispositions comptables, qui constituent un moyen essentiel d'amélioration de la gestion publique. Votre rapporteur considère en effet que l'affirmation forte des principes et des obligations comptables de l'Etat doit contribuer à la mise à niveau de sa comptabilité, mais doit également faire valoir l'éminence de son rôle dans le processus de réforme de l'Etat que la présente proposition de loi organique souhaite engager.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'insérer la présente division additionnelle.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 26

Les obligations comptables de l'Etat

Commentaire : Le présent article additionnel définit les différentes comptabilités de l'Etat et les principes qui leur sont applicables.

Votre rapporteur a souhaité regrouper les articles relatifs aux comptes de l'Etat dans un chapitre spécifique de la présente proposition de loi organique, afin de mieux affirmer le statut des principes comptables et de faire valoir leur rôle éminent dans le processus de réforme de l'Etat auquel doit contribuer la loi organique relative aux lois de finances.

Le présent article, que votre rapporteur souhaite insérer après l'article 26, vise à introduire ce nouveau chapitre en mentionnant les différentes comptabilités que l'Etat devra tenir, ainsi que les principes qui régissent leur mise en oeuvre.

I. L'INSTAURATION D'UNE DOUBLE COMPTABILITÉ

Le premier alinéa du présent article indique que l'Etat tient une comptabilité de caisse et une comptabilité générale, qui est fondée sur la constatation des droits et obligations. La rédaction retenue par votre rapporteur indique que la comptabilité générale vise un objet plus large que la comptabilité en caisse, qui s'applique aux seules recettes et dépenses budgétaires de l'Etat. Les opérations de trésorerie telles que les recettes d'emprunt ou les remboursements en capital n'apparaissent pas en comptabilité budgétaire, et la comptabilité générale inclut dans le résultat comptable des charges calculées, du type amortissements et provisions, qui ne correspondent pas à des dépenses budgétaires de l'année. Cette rédaction suppose également que les deux comptabilités soient tenues de manière simultanée par les comptables publics. Ainsi, comme l'indique le rapport de l'Assemblée nationale 71 ( * ) dans le commentaire de l'article 29, « à titre d'illustration, un achat de fournitures donnerait lieu à la passation d'une écriture comptable dès la réception de la facture -celle-ci matérialisant la dette de l'Etat vis-à-vis de son fournisseur-, puis donnerait lieu à une imputation budgétaire en dépenses au moment du décaissement (...) ».

On rappellera que la comptabilité générale ne fera pas l'objet d'une prévision en loi de finances, compte tenu des inconvénients d'une telle solution, qui sont développés dans le commentaire de l'article 6 de la présente proposition de loi organique. La présentation d'un solde prévisionnel à la fois en comptabilité budgétaire et en comptabilité générale provoquerait également un problème d'affichage, dès lors que deux soldes divergents seraient alors soumis au vote du Parlement.

II. LA MISE EN oeUVRE D'UNE COMPTABILITÉ ANALYTIQUE

Le deuxième alinéa du présent article vise à contraindre chaque service de l'Etat à mettre en oeuvre un système d'information permettant d'analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes. Votre rapporteur a en effet considéré que la réforme de la loi organique serait incomplète si la mise en oeuvre d'outils de suivi de gestion et de comptabilité analytique ne venaient pas répondre à la double préoccupation d'améliorer la gestion des deniers publics et d'enrichir l'information du Parlement comme des gestionnaires sur le coût des politiques publiques . Votre rapporteur s'est entendu dire parfois que l'édiction d'une telle obligation dans la présente loi organique n'était pas nécessaire, tant l'esprit de la réforme conduirait naturellement à la mise en place de tels outils. Il considère cependant qu'il est essentiel que cette obligation soit généralisée à l'ensemble des services de l'Etat, et doute quelque peu de l'unanimité spontanée de ceux-ci dans ce sens. La mise en oeuvre d'instruments de comptabilité analytique vise à connaître les coûts complets des actions menées dans le cadre des programmes, information utile tant pour les gestionnaires desdits programmes que pour les parlementaires chargés de les contrôler. Une telle information facilitera en effet les comparaisons, tant d'une année sur l'autre que vis-à-vis des autres pays, et doit s'avérer un outil puissant d'évaluation des politiques publiques et de réforme des structures administratives.

Lors d'une intervention en date du 18 décembre 2000 72 ( * ) , M. Jean Bassères, directeur général de la comptabilité publique, soulignait d'ailleurs que « la comptabilité rénovée doit également contribuer à améliorer la prise de décision et la gestion opérationnelle des services publics. Son principal apport en la matière est sa contribution à l'amélioration de la connaissance des coûts.

De ce point de vue, il faut souligner que la réforme comptable ne saurait se concevoir de manière isolée. Elle n'a réellement de sens qu'insérée dans un processus global dont les grandes orientations sont à l'ordre du jour, qu'il s'agisse de la budgétisation orientée vers les résultats ou de la responsabilisation des gestionnaires. »

L'expérience de globalisation des crédits des préfectures menée par le ministère de l'intérieur montre bien l'intérêt de la mise en oeuvre d'une telle comptabilité. Elle a permis de connaître les situations existantes, comme le nombre effectif d'emplois, et a rendu possible une connaissance du coût complet d'un service. Le gestionnaire bénéficie grâce à elle des éléments d'information indispensables pour prendre des décisions éclairées, comme celle conduisant à regrouper des services ou à externaliser une activité.

Il est utile de rappeler que la mise en oeuvre d'outils de comptabilité analytique répond à des conventions sur la base desquels sont répartis les coûts communs à plusieurs actions. Par conséquent, d'une part, il n'est pas réaliste d'envisager une agrégation des comptabilités analytiques mises en oeuvre par les différents services ; d'autre part, il est souhaitable que les conventions sur la base desquelles les calculs des coûts des actions sont effectués soient clairement mentionnées par les gestionnaires, lors de la présentation des résultats issus de la comptabilité analytique en loi de règlement, que votre rapporteur souhaite inscrire à l'article 34 de la présente proposition de loi organique. Enfin, votre rapporteur souhaite que les services séparément chargés d'une même mission adoptent des normes de calcul semblables. Il serait en effet absurde, par exemple, que les coûts de gestion des impôts par la direction générale de la comptabilité publique, la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et des droits indirects, mesurés par la comptabilité analytique de ces services, soient irréconciliables du fait de divergences de méthodes.

III. LE REFUS D'UN SYSTÈME COMPTABLE UNIQUE

Le commentaire de l'article 6 de la présente proposition de loi organique explicite les raisons qui conduisent à privilégier le suivi des autorisations budgétaires dans un système comptable « en caisse ». Le présent article additionnel découle du refus d'un système comptable unique, assis sur le plan comptable général, et opérant une fusion entre les approches comptables et budgétaires, qui découlerait de la comptabilisation des opérations budgétaires selon les principes de la comptabilité générale. Dès lors qu'il est admis que l'Etat ne peut se contenter d'un système d'information unique, il convient de combiner de manière cohérente et complémentaire les sources d'information que constituent la comptabilité budgétaire, la comptabilité générale, la comptabilité nationale et la comptabilité analytique.

En effet, l'objet de ces différents systèmes d'informations comptables est spécifique, même si des recoupements et des clefs de passage doivent pouvoir être établies entre eux :

- la comptabilité budgétaire constitue le support de l'autorisation donnée chaque année par le Parlement, ainsi que le cadre général de la prévision et de l'exécution du budget ;

- la comptabilité générale vise à retraiter les opérations budgétaires de l'Etat dans une optique patrimoniale, afin de présenter, à l'issue de l'exercice, le bilan et le compte de résultat de l'Etat, ainsi qu'une évaluation de ses engagements hors bilan ;

- la comptabilité analytique permet de connaître le coût des différentes actions engagées dans le cadre des programmes, ainsi que l'évolution du coût des services chargés de mettre en oeuvre ces actions ;

- enfin, la comptabilité nationale, qui n'est pas visée par le présent article, mais dont la mention figure à l'article 34 et dans un article additionnel que votre rapporteur vous proposera d'insérer après l'article 48, permet d'évaluer la soutenabilité de la politique budgétaire de l'Etat et d'établir des comparaisons avec les autres pays européens.

Le troisième alinéa du présent article précise les principes que doivent respecter les comptes de l'Etat : ces comptes doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière 73 ( * ) . Il reprend ainsi les principes appliqués aux comptes des entreprises. Le respect de ce principe de sincérité sera notamment apprécié lors de la certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes, prévue au 5° de l'article 46 de la présente proposition de loi organique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 26

La comptabilisation des recettes et des dépenses budgétaires

Commentaire : Le présent article additionnel reprend les dispositions relatives à la comptabilisation des recettes et des dépenses budgétaires qui figurent à l'article 6 du texte adopté par l'Assemblée nationale.

Le présent article que votre rapporteur vous propose d'insérer après l'article 26, résulte du regroupement de l'ensemble des dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat dans un chapitre spécifique. Il reprend les dispositions de l'article 6 du texte transmis par l'Assemblée nationale, dont la suppression vous a été proposée.

Les principales dispositions de l'article 6 et les modifications qui y sont proposées sont abondamment détaillées dans le commentaire de cet article. La principale modification apportée au texte adopté par l'Assemblée nationale concerne les opérations pouvant être effectuées au cours de la période complémentaire. Votre rapporteur propose de conserver la durée maximale de vingt jours retenue par l'Assemblée nationale, mais souhaite limiter les opérations de la période complémentaire à la comptabilisation des recettes et des dépenses budgétaires (qui comprend notamment les opérations de régularisation) d'une part, et à l'ordonnancement des seules opérations prévues par une loi de finances rectificative promulguée au cours du dernier mois de l'année civile, d'autre part.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 26

L'imputation comptable des comptes de trésorerie

Commentaire : Le présent article additionnel reprend les dispositions relatives à l'imputation comptable des comptes de trésorerie qui figurent au dernier alinéa de l'article 25 du texte adopté par l'Assemblée nationale.

Le présent article, que votre rapporteur vous propose d'insérer après l'article 26, résulte du regroupement de l'ensemble des dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat dans un chapitre spécifique. Il reprend les dispositions du dernier alinéa de l'article 25 du texte adopté par l'Assemblée nationale, dont la suppression vous a été proposée.

Cet article prévoit que les ressources et les emplois de trésorerie sont imputés à des comptes de trésorerie par opération, tandis que les recettes et les dépenses budgétaires résultant de ces opérations sont comptabilisés selon le système de la comptabilité de caisse.

Cet amendement vise à garantir un suivi comptable rigoureux des opérations de trésorerie et à établir une distinction entre les ressources et les emplois de trésorerie d'une part, et les recettes et les dépenses budgétaires qui en sont éventuellement la contrepartie, d'autre part.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 26

La comptabilité générale de l'Etat

Commentaire : Le présent article additionnel présente les obligations comptables de l'Etat.

Compte tenu de sa volonté de regrouper les articles relatifs aux comptes de l'Etat dans un chapitre spécifique de la présente proposition de loi organique, votre rapporteur propose de faire figurer dans cet article additionnel une partie des dispositions de l'article 29 du texte adopté par l'Assemblée nationale, dont la suppression vous sera proposée. Il s'agit des deux derniers alinéas de cet article, qui énoncent les principes régissant la comptabilité générale de l'Etat.

I. LES PRINCIPES APPLICABLES A LA COMPTABILITÉ GÉNÉRALE DE L'ÉTAT

Votre rapporteur souhaite, sous la réserve de quelques modifications rédactionnelles, reprendre l'énoncé des principes de la comptabilité générale de l'Etat, dont la mise en place constitue un élément essentiel de la modernisation des systèmes d'information comptables et du renforcement de la qualité de l'information délivrée au Parlement pour lui permettre, à l'occasion de l'examen de la loi de règlement, d'apprécier pleinement le montant des ressources et des charges de l'Etat.

Les modifications rédactionnelles, s'agissant des deux premiers alinéas du présent article, par rapport à l'article 29 du texte transmis par l'Assemblée nationale concernent, pour l'essentiel, l'alinéa prévoyant un rapprochement des règles comptables appliquées à l'Etat avec celles en vigueur dans le secteur privé : la mention des règles applicables à la comptabilité de l'Etat a été préférée à la mention des principes généraux, par souci de symétrie avec la suite de la phrase, qui porte sur les règles applicables aux entreprises, mais surtout pour affirmer pleinement la nécessaire modernisation du système de comptabilité publique. Par ailleurs, votre rapporteur préfère indiquer que les règles de la comptabilité générale de l'Etat ne se distinguent de celles applicables aux entreprises « qu'en raison des spécificités de son action », plutôt « qu'à raison » de celles-ci. En effet, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale fait dépendre les dérogations aux règles de la comptabilité applicable aux entreprises d'une proportionnalité stricte de ces dérogations aux spécificités de l'action de l'Etat, ce qui peut sembler à la fois excessif et difficilement mesurable.

II. LE RÉFÉRENTIEL COMPTABLE DE L'ÉTAT

Votre rapporteur considère que l'établissement du référentiel comptable de l'Etat constitue un élément essentiel de la mise à niveau de la comptabilité de l'Etat, et que les conditions de son élaboration méritent donc d'être encadrées et précisées dans la présente proposition de loi organique. Il vous propose donc d'introduire un alinéa indiquant que les règles applicables à la comptabilité de l'Etat « sont déterminées au terme d'une procédure publique d'examen contradictoire des meilleures pratiques, dans les conditions prévues par une loi de finances ». Il serait excessif de prévoir qu'il revient aux lois de finances de fixer le référentiel comptable de l'Etat . En effet, des modifications fréquentes des normes appliquées aux comptes de l'Etat peuvent se révéler nécessaires pour tenir compte des meilleures pratiques en la matière, à l'instar de ce que font les entreprises. En revanche, le référentiel comptable de l'Etat doit être élaboré au terme d'une procédure qui en garantisse la transparence, et lui permette de s'aligner sur les meilleures pratiques nationales et internationales en la matière 74 ( * ) .

Il ne revient ni au « contrôlé » (le gouvernement), ni au « contrôleur » (la Cour des comptes, à qui la présente loi organique prévoit de confier la certification des comptes de l'Etat), mais à une instance indépendante, d'élaborer ce « référentiel comptable ». Une loi de finances devra donc expliciter une procédure qui pourrait, par exemple, revêtir la forme de la création d'un organisme consultatif (ou l'extension du champ de compétence d'un organisme existant et extérieur à l'Etat) chargé d'examiner les propositions de réforme du référentiel comptable de l'Etat élaborées par la direction générale de la comptabilité publique du ministère de l'économie et des finances et, le cas échéant, de proposer des aménagements à ce référentiel. Après consultation de cet organisme, les modifications du référentiel comptable de l'Etat pourraient entrer en vigueur par voie réglementaire, comme c'est le cas actuellement.

La composition d'un tel organisme devrait garantir le caractère public et contradictoire du débat. Il reviendrait à une disposition de loi de finances de fixer précisément sa composition. Votre rapporteur estime qu'il est souhaitable que la procédure qui sera retenue associe des représentants de l'administration (du ministère de l'économie et des finances, mais également d'autres ministères), des membres du Parlement, des membres de la Cour des comptes, qui sera appelée à certifier les comptes de l'Etat au regard des normes comptables qui seront débattues, et, dès lors, sera susceptible d'en apprécier pleinement la pertinence, et des experts-comptables du secteur privé, puisque les règles applicables à la comptabilité de l'Etat ne doivent s'écarter que de manière exceptionnelle de celles des entreprises.

Le directeur général de la comptabilité publique, Jean Bassères, indiquait dans une intervention en date du 18 décembre 2000 75 ( * ) , que « p ersonne ne doute que ce référentiel doive s'inspirer des principes comptables fondamentaux appliqués par les entreprises, qu'il s'agisse de la permanence des méthodes, de l'indépendance des exercices, des principes de prudence, régularité et sincérité.

Toutefois, si la référence aux principes généraux du plan comptable général va de soi, elle ne sera pas suffisante. Des solutions spécifiques au secteur public, intégrant les recommandations internationales élaborées notamment au sein de l'IFAC, devront être recherchés. Certains thèmes devront faire l'objet d'approfondissement, je pense en particulier, et sans souci d'exhaustivité :

- au traitement des dépenses de transfert, notamment les subventions d'investissement que le plan comptable général appréhende peu sous l'angle de l'actif ;

- au traitement des ressources fiscales qui sont principalement abordées par les entreprises en tant que charges, ce qui ne correspond pas à la situation de l'Etat ;

- une attention particulière devant être également portée au mode de valorisation de l'actif, notamment les biens hors commerce et les droits d'occupation du domaine public ;

- ou encore au champ des engagements futurs de l'Etat, décrits par son système comptable, question qui ne saurait être abordée sans tenir compte des pratiques des autres Etats.

L'Etat devra donc mettre en place un dispositif ouvert,transparent, mais également permanent, d'élaboration de ce référentiel comptable. Dans cette perspective, je suis convaincu qu'une place éminente devra être réservée au « comité des normes », instance spécifique aux comptes de l'Etat créée en 1997 et présidée par M. Prada. »

Il convient de rappeler également ici l'existence du Conseil national de la comptabilité dont les missions, définies par l'article 2 du décret n° 96-749 du 26 août 1996, pourraient inspirer la création d'un organisme nouveau. Ce conseil pourrait également prendre part à la validation des normes comptables retenues, préalablement à leur édiction par arrêté du ministre de l'économie et des finances. Ses missions sont :

- de donner un avis préalable sur toutes les dispositions d'ordre comptable, qu'elles soient d'origine nationale ou communautaire, étudiées par les administrations ou les services publics, les commissions ou comités créés à l'initiative des pouvoirs publics ;

- de donner un avis sur les normes élaborées par les organismes internationaux ou étrangers de normalisation comptable ;

- de proposer toutes mesures relatives à l'exploitation des comptes, soit dans l'intérêt des entreprises et des groupements professionnels d'entreprises soit en vue de l'établissement des statistiques nationales ou des budgets et comptes économiques de la Nation ;

- d'assurer la coordination et la synthèse des recherches théoriques et méthodologiques, de réunir toutes informations, de procéder à toutes études, de diffuser toute documentation relatives à l'enseignement comptable, à l'organisation, à la tenue et à l'exploitation des comptes.

Dans le cadre de ses missions, il peut consulter les organismes, sociétés ou personnes intéressées par ses travaux, et être consulté par eux.

Votre rapporteur rappelle enfin que la certification des comptes de l'Etat sera accompagnée d'une présentation des changements des méthodes et des règles comptables appliquées au cours de l'exercice. La commission des finances du Sénat avait, lors de son enquête sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration des projets de loi de finances et l'exécution des lois de finances 76 ( * ) , déploré l'existence de changements de méthodes comptables aux fins de reports : « ...d'importants reports de recettes fiscales ont eu lieu en 1998. Ces reports ont été rendus possibles par d'importantes modifications comptables. (...) Toutes les remarques de la direction de la prévision, et notamment, l'hypothèse selon laquelle les modes de comptabilisation des droits seraient modifiés deux années de suite en sens inverse, confirment l'utilisation des règles comptables à des fins de pure opportunité politique, et non pour des raisons d'orthodoxie budgétaire. »

La mention des principes de la comptabilité générale de l'Etat et la certification des comptes de l'Etat au regard de règles comptables élaborées dans des conditions qui garantissent leur qualité et leur permanence doivent permettre, à l'avenir, d'empêcher l'utilisation des règles comptables à des fins de pure opportunité politique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 26

Le rôle des comptables publics

Commentaire : Le présent article additionnel reprend les dispositions relatives au rôle des comptables publics qui figurent au dernier alinéa de l'article 29 du texte adopté par l'Assemblée nationale, dont la suppression vous sera proposée.

Le présent article, que votre rapporteur vous propose d'insérer après l'article 26, résulte du regroupement de l'ensemble des dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat dans un chapitre spécifique. Il reprend les dispositions du dernier alinéa de l'article 29 du texte transmis par l'Assemblée nationale qui font l'objet de développement dans le commentaire qui y est associé, et dont la suppression vous sera proposée.

Cet article précise le rôle des comptables publics, qui devrait être accru suite à la mise en oeuvre de la présente proposition de loi organique. Les comptables publics étaient d'ores et déjà chargés du contrôle de la régularité des comptes et du respect des procédures. L'extension de leurs prérogatives au contrôle de la fidélité et de la sincérité des comptes, mais également l'attention qui devra être portée au fait que ces comptes reflètent une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l'Etat, contribue à confier aux comptables publics une mission générale d'appréciation des décisions en matière comptable. Cette mission aura un contenu concret compte tenu de l'introduction des charges calculées, et des notions de provisions et d'amortissement dans le cadre de la comptabilité générale de l'Etat, qui supposent des choix arbitraires, et la mise en place de conventions.

Il s'agit donc d'une extension des compétences des comptables publics, dont il faudra évaluer précisément les conséquences sur le régime de leur responsabilité.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

TITRE II :

DU CONTENU ET DE LA PRÉSENTATION
DES LOIS DE FINANCES
CHAPITRE PREMIER :

DU PRINCIPE DE SINCÉRITÉ

ARTICLE 27

Le principe de sincérité des lois de finances

Commentaire : Le présent article consacre l'obligation de sincérité des lois de finances.

Le chapitre Ier du titre II consacre le principe de sincérité des lois de finances, dont votre rapporteur considère que l'édiction dans la présente proposition de loi organique constitue une innovation importante. En effet, votre rapporteur rappelle que la commission des finances du Sénat constituée en commission d'enquête avait souligné, dans son rapport 77 ( * ) , que « la sincérité des données à partir desquelles sont élaborées les projets de loi de finances n'apparaît pas comme l'une des premières préoccupations du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que ce soit des services mais également des ministres ». Dès lors, même si le Conseil constitutionnel répond depuis 1993 au grief de l'insincérité des lois de finances 78 ( * ) , il revient à la loi organique relative aux lois de finances de définir ce principe, afin d'assurer que les parlementaires votent le budget de l'Etat en bénéficiant de l'ensemble des informations susceptibles d'éclairer leur décision.

Dans son rapport intitulé « Doter la France de sa nouvelle constitution financière » 79 ( * ) , votre rapporteur avait longuement insisté sur la nécessité d'affirmer l'obligation de sincérité. On rappellera que cette obligation existe déjà, par ailleurs, à l'égard des collectivités territoriales, l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales prévoyant expressément qu'un budget est en équilibre réel lorsque les recettes et les dépenses sont évaluées de façon sincère, c'est-à-dire qu'elles ont fait l'objet d'une évaluation excluant toute majoration ou minoration fictive. A défaut, l'évaluation de l'organe délibérant est entachée d'erreur de droit.

L'obligation de sincérité des lois de finances ne peut être mise sur le même plan que celle relative à la sincérité des comptes de l'Etat, dont l'obligation est mentionnée à l'article 29 du texte adopté par l'Assemblée nationale. Si ces deux obligations sont complémentaires (la sincérité doit valoir a priori et a posteriori ), leur application ne peut cependant être appréciée de la même manière au moment de l'élaboration des projets de loi de finances et à celui de la reddition des comptes. Lors de son audition par la commission d'enquête, M. Christophe Blanchard-Dignac, alors directeur du budget, indiquait que « la sincérité du projet de loi de finances initiale (...) est une obligation de moyens, mais cela ne peut pas être une obligation de résultat à ce stade de l'année. Les comptes sont une obligation de résultat. ». Votre rapporteur considère, avec le rapporteur de la présente proposition de loi organique à l'Assemblée nationale, que, s'agissant des lois de finances, la sincérité implique une évaluation de bonne foi des charges et des ressources de l'Etat qui doit s'apprécier « compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Les informations disponibles doivent être appréciées au moment du dépôt du projet de loi de finances sur le bureau de l'Assemblée nationale, ou, le cas échéant, pendant la discussion dudit projet, si des événements majeurs rendaient de toute évidence infondées certaines des évaluations qu'il contient.

En dépit du caractère relatif du principe de sincérité énuméré par le présent article, sa mention dans la présente proposition de loi organique donne un fondement à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle implique que les lois de finances présentent de manière claire, lisible et exhaustive, l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat, et que le solde budgétaire prévisionnel qui découle des évaluations de la loi de finances ne soit pas un solde fictif. Les évaluations doivent donc être réalistes, sans négliger les charges et sans anticiper les produits, sans sous-estimer les dépenses et sans surestimer les recettes, ou encore l'inverse.

Votre rapporteur s'est interrogé sur la possibilité de confier à la Cour des comptes une mission de certification de la sincérité des prévisions sur lesquelles est fondé le projet de loi de finances. Cependant, cette idée se heurte à plusieurs objections : d'une part, ainsi que l'a indiqué M. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes, à votre commission, la cour ne dispose pas d'un corps d'experts économiques ni du pouvoir d'apprécier les sources de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ou de la direction de la prévision du ministère de l'économie et des finances ; d'autre part, une telle pratique serait atypique par rapport aux pratiques prescrites par la comptabilité privée et le droit des sociétés, aucune entreprise ne faisant certifier ses comptes prévisionnels par ses commissaires aux comptes, et son budget prévisionnel ne faisant l'objet que d'une approbation a priori par le conseil d'administration ; enfin, une telle disposition pourrait soulever d'importantes difficultés techniques liées aux délais d'élaboration des projets de loi de finances.

Il reviendra donc seul au Conseil constitutionnel, comme il a déjà commencé à le faire en l'absence de disposition organique, d'apprécier le caractère raisonnable des estimations et des hypothèses retenues par le gouvernement dans ses évaluations.

Les modifications proposées par votre rapporteur au présent article ne sont que des ajustements rédactionnels, et ne modifient pas la portée de la disposition adoptée par l'Assemblée nationale, avec lequel votre rapporteur partage le même souci et vise le même objectif.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 28

L'appréciation de l'incidence de dispositions législatives ou réglementaires sur l'équilibre financier

Commentaire : Le présent article vise à garantir le respect du principe de sincérité des lois de finances de l'année.

Le présent article vise à assurer le respect du principe de sincérité des lois de finances et à garantir l'exhaustivité des informations permettant d'y évaluer l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat. Cet article s'inspire des dispositions du quatrième alinéa de l'article 1 er de l'ordonnance organique n°59-2 du 2 janvier 1959, qui prévoit que « lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance. »

Dans sa décision n°78-95 DC du 27 juillet 1978, le Conseil constitutionnel a limité la portée de cet alinéa et a estimé que ces dispositions avaient pour objet « que l'équilibre économique et financier défini par la loi de finances de l'année, modifié, le cas échéant, par la voie de lois de finances rectificatives, ne soit pas compromis par des charges nouvelles résultant de l'application de textes législatifs ou réglementaires dont les incidences sur cet équilibre, dans le cadre de l'année, n'auraient pu être appréciées et prises en compte par une des lois de finances susmentionnée ».

Le rapporteur de la présente proposition de loi organique à l'Assemblée nationale, Didier Migaud, a entendu s'inspirer de cette décision du Conseil constitutionnel pour rédiger le présent article. Votre rapporteur souhaite y apporter quelques modifications rédactionnelles, sans modifier la substance de l'article adopté par l'Assemblée nationale. Dans son rapport 80 ( * ) , notre collègue député Didier Migaud indique qu'il a proposé une définition exhaustive de l'équilibre financier de l'année en cours, l'impact financier des mesures nouvelles devant être apprécié au regard de l'équilibre budgétaire défini par la loi de finances de l'année, mais également au regard des modalités de financement de l'Etat, telles que définies par le tableau de financement de la loi de finances de l'année en cours. Votre rapporteur souhaite faire valoir cette conception exhaustive de l'équilibre financier de l'année en inscrivant dans le présent article que les conséquences de chaque disposition d'ordre législatif ou réglementaire sur les composantes de l'équilibre financier de l'Etat sont évaluées et autorisées dans la plus prochaine loi de finances afférente à l'exercice concerné. Ces modifications rédactionnelles ne traduisent nullement une divergence entre les deux rapporteurs de la présente proposition de loi organique. Au contraire, votre rapporteur souhaite que les précisions apportées puissent donner plus de force à l'idée selon laquelle l'information fournie au Parlement à l'occasion du vote des lois de finances doit être exhaustive et prendre en considération l'impact de l'ensemble des mesures qui modifient l'équilibre financier défini par la loi de finances de l'année, afin que le principe de sincérité puisse être respecté.

Le premier alinéa du présent article prévoit que toutes les lois et tous les décrets ayant une incidence financière pour l'Etat doivent être publiés avec une annexe précisant leurs conséquences sur l'année en cours et l'année suivante. Cet alinéa impose une obligation complémentaire de celle visée au second alinéa du présent article. L'évaluation de l'impact financier des lois et des décrets pour l'année en cours et pour l'année suivante vise à permettre au Parlement de l'apprécier en année pleine, et à s'assurer qu'il connaît la portée de son vote. Cette obligation renforce l'information du Parlement, et la transparence des lois de finances. De ce point de vue, il convient de rappeler que le Congrès américain bénéficie d'une évaluation sur 5 années de l'impact financier de toutes les mesures législatives, afin que les parlementaires puissent avant d'émettre un vote qui engage l'avenir, bénéficier d'un éclairage plein et entier sur ses conséquences financières.

Cet alinéa constitue le complément du dernier alinéa de l'article 38 de la présente proposition de loi organique qui prévoit que « chacune des dispositions du projet de loi de finances de l'année affectant les ressources ou les charges fait l'objet d'une évaluation chiffrée de son incidence au titre de l'année considérée et, le cas échéant, des années suivantes ».

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 29

La sincérité des comptes de l'Etat

Commentaire : Le présent article consacre le principe de sincérité des comptes de l'Etat et prévoit le passage à une comptabilité en droits constatés pour leur reddition.

I. LA SINCÉRITÉ DES COMPTES DE L'ÉTAT

Le principe de sincérité s'applique aux évaluations des recettes et des dépenses de l'Etat en lois de finances. Ce principe vaut de manière relative, et vise à garantir l'exhaustivité et la lisibilité de la loi de finances, mais également que le gouvernement effectue de bonne foi les évaluations qu'elle contient. Le principe de sincérité trouve cependant une application pleine et entière lorsqu'il s'applique aux comptes de l'Etat : si la sincérité des lois de finances constitue une obligation de moyens, la sincérité des comptes constitue une obligation de résultat.

Une obligation de respect du principe de sincérité des comptes de l'Etat est inséparable du rapprochement des règles de la comptabilité de l'Etat et de celles applicables aux entreprises (dont, selon le quatrième alinéa du présent articles, elles ne peuvent se distinguer « qu'à raison des spécificités de l'action de l'Etat »), de la procédure d'établissement du référentiel comptable de l'Etat (prévue dans un article additionnel dont l'insertion vous a été proposée après l'article 26), de la présentation des changements de méthode et de règles comptable prévue par le 4° de l'article 46 de la présente proposition de loi organique et de la certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes prévue par le dernier alinéa du même article (qui indique que la Cour des comptes certifie la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'Etat). L'ensemble de ce dispositif doit permettre une mise à niveau de la comptabilité de l'Etat ainsi qu'une plus grande transparence de ses comptes, en alignant ses pratiques sur celle du plan comptable général.

La définition de la comptabilité par le plan comptable général trouvera donc pleinement à s'appliquer à compter de l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi organique : « la comptabilité est un système d'organisation de l'information financière permettant de saisir, classer enregistrer des données de base chiffrées et présenter des états reflétant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entité à la date de la clôture.

La comptabilité permet d'effectuer des comparaisons périodiques et d'apprécier l'évolution de l'entité dans une perspective de continuité d'activité ».

Le premier alinéa du présent article s'inspire de la rédaction du quatrième alinéa de l'article 9 du code de commerce, qui prévoit que les comptes d'une entreprise doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine, de sa situation financière et de son résultat. Cet alinéa confirme ainsi l'ancrage de la comptabilité de l'Etat dans le droit commun et rend possible la certification des comptes, à l'instar de ce qu'effectuent les commissaires aux comptes des entreprises, dont l'opinion s'exprime par « la certification sans réserve que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l'entité ».

II. LE PASSAGE À UNE COMPTABILITÉ EN DROITS CONSTATÉS

Le deuxième alinéa du présent article prévoit le passage à une comptabilité en droits constatés, où les opérations sont enregistrées selon le principe de la constatation des droits et des obligations. Sur ce point, votre rapporteur exprime sa pleine et totale identité de vue avec le texte adopté par l'Assemblée nationale. Dans son rapport intitulé « Doter la France de sa nouvelle constitution financière » 81 ( * ) , votre rapporteur avait insisté sur l'ampleur du retard pris par l'Etat français en matière de comptabilité publique, tant par rapport aux autres Etats de l'OCDE 82 ( * ) que par rapport aux collectivités locales françaises, soulignant que comptabilité de l'Etat apparaissait comme la plus « fruste » de toutes celles appliquées par les administrations publiques françaises. Ces considérations étaient nourries notamment par le rapport de la « mission comptabilité patrimoniale » mise en place par notre collègue Jean Arthuis et dirigée par le responsable de l'Agence comptable centrale du Trésor, M. Jean-Jacques François 83 ( * ) , et par le rapport de la « mission comparative des systèmes de gestion de la performance et de leur articulation avec le budget de l'Etat », confié à M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, et remis au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en février 2000. Votre rapporteur avait ainsi mis en avant le fait que la comptabilité de l'Etat était considérablement sous-développée au regard de la comptabilité générale et des obligations qui en découlent pour les entreprises, et, dès lors qu'elle ne permettait qu'un suivi des recettes et des dépenses (sans fournir d'indications sur la situation patrimoniale de l'Etat ainsi que sur ses charges futures, éventuelles ou certaines), s'apparentait à une comptabilité « d'épicier ». De plus, il convient de souligner que les comptes de la Sécurité sociale seront désormais tenus en « droits constatés ». Le maintien d'une seule comptabilité de caisse pour l'Etat empêcherait donc le rapprochement entre ses comptes et ceux de la Sécurité sociale, que votre rapporteur souhaite voir facilité.

Votre rapporteur avait considéré que si la comptabilité d'exercice permettait d'obtenir une bonne appréciation de la situation financière de l'Etat, elle ne fournissait pas, en revanche, le support adapté du suivi de l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement. Il s'accorde donc avec le texte adopté par l'Assemblée quant à la nécessité de conserver une comptabilité de caisse pour permettre un suivi précis de l'exécution des opérations de dépenses et de recettes.

Ainsi que l'indique notre collègue député Didier Migaud, « le système comptable de l'Etat serait réorganisé autour de sa comptabilité générale, de laquelle dériverait la comptabilité budgétaire. (...) Le passage à une comptabilité en droits constatés constitue un changement radical, compte tenu des modalités actuelles d'enregistrement des opérations comptables. La comptabilité de l'Etat devra prendre en compte l'ensemble des ressources et des charges constatées au cours d'un exercice donné, ce qui implique la constitution de provisions et la comptabilisation d'amortissements, qui affecteront le compte de résultat. Elle conduira à élaborer des états de synthèse annuels comme le compte de résultat et le bilan de l'Etat, les facteurs affectant la valeur de son passif et de son actif étant désormais pris en compte. » 84 ( * )

Lors d'une intervention en date du 18 décembre 2000 85 ( * ) , Jean Bassères, directeur général de la comptabilité publique rappelait que l'orientation vers une comptabilité en droits constatés supposait à titre principal deux évolutions :

« - d'une part, il s'agira d'enregistrer, conformément au principe de spécialisation des exercices, les opérations non plus au moment de leur dénouement en caisse mais de manière plus précise dès la constatation du caractère certain de la dette ou de la créance ;

- d'autre part, il conviendra de décrire complètement l'actif et le passif de l'Etat et d'introduire, via les amortissements et les provisions, des opérations de correction de valeur destinées à donner une image fidèle du patrimoine. »

Le troisième alinéa du présent article précise que les principes généraux de la comptabilité et du plan comptable de l'Etat ne se distinguent des règles applicables aux entreprises qu'à raison des spécificités de son action. Il s'agit de faire converger les systèmes comptables de l'Etat vers ceux du secteur privé, étant entendu que les règles applicables aux entreprises ne sont pas toutes transposables telles quelle à l'Etat. En effet, certains concepts du plan comptable général ont une pertinence limitée s'agissant de l'Etat, la comptabilité privée étant dédiée au suivi des activités de caractère marchand. Or, sauf pour une part marginale de ses activités, l'Etat ne vend pas des biens ou des services sur un marché, mais fournit, ou organise la fourniture par des tiers, de services collectifs dont la valeur ne peut se mesurer uniquement par un prix. Si les normes et les obligations de la comptabilité doivent pouvoir être appliquées à l'Etat afin de moderniser et d'encadrer son système comptable, il est en revanche indispensable que celles-ci puissent être adaptées en fonction des spécificités de l'action de l'Etat. Cette idée, qui figure dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, sera reprise par votre rapporteur sous réserve de quelques modifications rédactionnelles.

III. LE RÔLE DES COMPTABLES PUBLICS

Le dernier alinéa du présent article consacre le rôle des comptables publics, qui seront chargés de veiller à la sincérité des enregistrements comptables et au respect des procédures. Il convient d'insister sur l'évolution du rôle des comptables publics qu'impliquent les dispositions de la présente proposition de loi organique. La comptabilité d'exercice exige la tenue simultanée d'écritures comptables correspondant à plusieurs exercices budgétaires (s'agissant notamment de la comptabilisation des créances fiscales non recouvrées à la clôture de l'exercice). Les comptables publics seront également appelés à évaluer les risques associés à certaines opérations, afin de prendre en considération les charges calculées. Enfin, dans le cadre de l'obligation de mettre en oeuvre une comptabilité analytique par service, à laquelle est attachée votre rapporteur, les comptables publics auront un rôle important à jouer afin de définir le cadre et les conventions applicables à cette comptabilité particulière.

Lors d'une intervention en date du 18 décembre 2000 86 ( * ) , le directeur général de la comptabilité publique, Jean Bassères, indiquait que : « l es comptables publics devront devenir les garants du respect des principes du futur référentiel comptable de l'Etat, c'est-à-dire qu'ils devront s'assurer que l'information comptable est fiable, sincère, exhaustive et que tous les éléments de risques ont été portés à la connaissance des décideurs.

Ce rôle changera de nature : le recours aux progiciels intégrés et l'adoption de faits générateurs plus précoces conduiront à la fois à alléger les tâches matérielles et à donner aux comptables un rôle de validation d'opérations qui, à l'exception des plus complexes d'entre elles ou des mouvements financiers, seront initiés par les gestionnaires.

Ce nouveau rôle des comptables publics reste largement à définir. Pour donner à mes propos un caractère plus concret, je voudrais donner des exemples d'interventions nouvelles des comptables publics liées à l'application de deux principes de la comptabilité d'exercice : l'indépendance des exercices et le principe de prudence.

S'agissant du principe d'indépendance des exercices , le comptable public devra s'assurer que toutes les charges et produits afférents à l'exercice lui sont bien rattachés. Pour ce faire, on peut imaginer qu'il devra avoir accès aux applicatifs des gestionnaires, procéder éventuellement à des opérations de circularisation auprès des débiteurs ou créanciers, voire, lorsqu'il disposera d'éléments d'information suffisants, de demander à l'ordonnateur d'émettre des titres de recettes ou des mandats... soit autant de pratiques qui n'existent pas aujourd'hui.

S'agissant du principe de prudence , on pourrait concevoir que le comptable recherche avec l'ordonnateur les principaux risques susceptibles de se produire (tels que les litiges ou la mise en jeu d'une garantie de l'Etat...) afin de constituer une provision ou de faire figurer cette information dans l'annexe. De même, le comptable devrait pouvoir s'assurer de la bonne tenue des inventaires et vérifier l'application des règles de dépréciation des biens immobiliers et mobiliers (amortissement).

Il va de soi que ce nouveau rôle du comptable public devra être encadré et qu'il devra s'inscrire dans un climat de confiance avec les gestionnaires. De ce point de vue, je suis convaincu que l'avenir passe par une approche concertée, débouchant sur l'élaboration de guides de procédures et d'audit de process garants de leur correcte prise en compte.

Ce que nous devrons demain mettre en oeuvre, c'est un plan qualité, définissant les responsabilités opérationnelles des acteurs du processus comptable et nous permettant de nous rapprocher de la norme reconnue ISO 9001.

J'ajoute que, parallèlement à cette démarche, il me paraît indispensable que soit également rénové le rôle du comptable public en tant que payeur chargé du contrôle de la dépense. Il est nécessaire, en la matière, d'éviter les contrôles redondants, de centrer les interventions sur les enjeux les plus significatifs et de progresser vers la notion de contrôles hiérarchisés. Des réflexions sont en cours au sein du réseau du Trésor Public, elles devraient déboucher sur des propositions opérationnelles à la fin du premier trimestre. »

Votre rapporteur souscrit aux dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat adoptées par l'Assemblée nationale, et dont le présent article constitue un élément centrale de la réforme. Il considère que la mise à niveau du système comptable de l'Etat et l'enrichissement de l'information comptable du Parlement constituent des facteurs essentiels de la réforme de l'Etat. C'est la raison pour laquelle il vous a proposé d'inscrire l'ensemble des dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat dans un chapitre spécifique intitulé « Des comptes de l'Etat », afin que celles-ci aient la place qui leur revient dans la présente proposition de loi organique. Compte tenu de cette réorganisation du texte, il convient de supprimer le présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

CHAPITRE II :

DES DISPOSITIONS DES LOIS DE FINANCES

ARTICLE 30

La définition des lois de finances

Commentaire : le présent article définit les lois de finances et leur répartition en trois catégories.

Du fait de l'insertion d'un article additionnel avant l'article 1 er qui couvre le champ du présent article, votre rapporteur, qui renvoie au commentaire dudit article additionnel, vous propose de supprimer le présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 31

Le contenu de la loi de finances de l'année

Commentaire : le présent article définit le contenu de la loi de finances de l'année et précise celui de chacune de ses deux parties.

L'Assemblée nationale a souhaité conserver le principe de la présentation de la loi de finances en deux parties distinctes, à l'image de ce que prévoit aujourd'hui l'article 31 de l'ordonnance organique et de ce qu'avait inauguré le décret de 1956 : la première partie peut être considérée comme celle déterminant l'équilibre, et la seconde comme celle déclinant cet équilibre en matière de dépenses et comprenant toute disposition entrant dans le champ de compétence des lois de finances, mais sans impact sur l'équilibre budgétaire ou financier de l'année. Par ailleurs, le texte adopté par l'Assemblée nationale clarifie la rédaction de cet article par rapport à 1959, prend en compte les innovations apportées par ailleurs, et prévoit l'introduction et le vote d'un tableau de financement.

Votre rapporteur considère comme pertinent le maintien de la distinction en deux parties. Il vous proposera certains amendements rédactionnels, ainsi que, d'une part, de tirer les conséquences sur la structure de la loi de finances des propositions formulées par lui aux autres articles, et, d'autre part, de compléter le texte adopté par l'Assemblée nationale s'agissant de la question essentielle de la dette de l'Etat.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a souhaité conserver la structure actuelle de la loi de finances, ainsi que les grandes lignes du contenu de chacune des deux parties.

A. LA PREMIÈRE PARTIE

La première partie a pour objet de définir les composantes de l'équilibre budgétaire, en recettes comme en dépenses.

Le 1° du présent article reprend le monopole des lois de finances pour autoriser la perception des impôts, en distinguant l'autorisation de percevoir les ressources de l'Etat de celle de percevoir les impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat.

Le 2° précise les dispositions relatives aux ressources de l'Etat qui doivent figurer en première partie : il s'agit de celles qui affectent l'exercice. Ceci reprend la pratique actuelle.

Le 3° prévoit la présence en première partie des dispositions relatives aux affectations de recettes à l'intérieur du budget de l'Etat.

Le 4° exige l'évaluation de chacune des recettes concourrant à la réalisation de l'équilibre. Il s'agirait d'un état annexé, sur le modèle de l'état A actuel qui est, aujourd'hui, rattaché à l'article d'équilibre.

Le 5° prévoit la fixation des plafonds de dépenses et charges, et des autorisations d'emplois pour le budget général et les comptes annexes. L'innovation consisterait ici à faire figurer dans le tableau d'équilibre le nombre des emplois rémunérés par l'Etat.

Le 6° prévoit l'équilibre budgétaire et le tableau d'équilibre qui en détaille les composantes. Ce dernier reprendrait les dispositions des 4° et 5°. Ce faisant, le texte adopté par l'assemblée nationale donne un statut organique à ce tableau qui est apparu en 1962 et existe, dans sa forme actuelle, depuis 1974.

Le 7° constitue une innovation puisqu'il rassemble dans un tableau de financement « les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l'équilibre financier ». En pratique, ce tableau partira du solde budgétaire, y ajoutera les charges de trésorerie (remboursements d'emprunts de l'Etat ou repris par lui) et mettra en regard les ressources de trésorerie de l'Etat.

Le 8° reprend les dispositions de l'ordonnance organique s'agissant de l'autorisation d'émission des emprunts nécessaires à la couverture du besoin de financement de l'Etat.

B. LA SECONDE PARTIE

La deuxième partie décline les dépenses budgétaires entre les ministères et comprend des dispositions n'affectant pas l'équilibre.

Le 1° adapte le mode de fixation des crédits du budget général à la nouvelle nomenclature budgétaire en prévoyant qu'ils sont fixés par ministère et par mission (et non plus par titre et par ministère) et que leur sont assortis les plafonds des autorisations d'emplois, par ministère.

Le 2° prévoit la fixation par programme des autorisations d'engagement par anticipation qui dérogent à la règle de l'annualité budgétaire.

Le 3° procède de même que le 1° s'agissant des crédits ou des découverts des comptes annexes, ceux-ci étant cependant fixés par catégorie de comptes et aucun plafond d'autorisation d'emplois ne leur étant assorti puisqu'ils ne peuvent, selon l'Assemblée nationale, comporter de crédits de rémunération.

Le 4° limite aux lois de finances la possibilité d'octroyer une garantie de l'Etat et d'en fixer le régime, en raison des charges budgétaires éventuelles futures que les garanties recèlent.

Le 5° constitue une des innovations de la proposition de loi organique en ce qu'elle prévoit que la loi de finances autorise les reprises de dettes de l'Etat, et fixe leur régime. Aujourd'hui ces reprises de dettes sont traitées en opérations de trésorerie et ne sont donc pas autorisées de manière explicite par le Parlement. Ce traitement comptable explique par exemple que le Parlement n'ait pas eu à connaître de la reprise, par l'Etat, de la dette de 110 milliards de francs de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) en 1994.

Le 6° énumère les dispositions facultatives des lois de finances qui constituent donc le domaine partagé des lois de finances et des autres lois. Il s'agit, en effet, d'une particularité de la loi de finances que de pouvoir comporter, dans les limites fixées par le législateur organique, des dispositions relevant de la loi ordinaire 87 ( * ) .

Le a) autorise ainsi la seconde partie à comporter des dispositions législatives relatives aux impositions de toute nature qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire (dans le cas contraire, elles doivent figurer en première partie ainsi qu'il est prévu au 2° du I). Il s'agit d'une reprise de l'actuelle ordonnance organique.

Le b) permet que figure dans la loi de finances des dispositions affectant les charges budgétaires de l'Etat sans atteindre l'équilibre budgétaire de l'année en cours, ainsi que le rend possible le jeu combiné des articles 31 et 1 er de l'ordonnance de 1959.

Le c) introduit une innovation en permettant à la seconde partie des lois de finances de comporter des dispositions définissant « les modalités de répartition de concours de l'Etat aux collectivités territoriales », souhaitant inscrire dans la loi organique ce qui constitue jusqu'ici une jurisprudence variable du Conseil constitutionnel.

Le d) permet à la loi de finances d'approuver les conventions financières engageant l'Etat, tirant les conséquences sur la présentation des lois de finances de la reprise à cet article des termes de l'article 2 de l'ordonnance organique qui autorisaient les lois de finances à procéder à de telles approbations sans prévoir leur place à l'article 31.

Le e) donne aux lois de finances une compétence partagée avec les lois ordinaires pour comprendre des « dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques », afin de tenir compte sur ce point de l'avis du Conseil d'Etat, qui considère que cantonner ces dispositions à la loi de finances serait inconstitutionnel.

Enfin, le f) fait de même s'agissant des dispositions relatives au régime de responsabilité pécuniaire des agents publics.

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

A. LA PREMIÈRE PARTIE

1. La reprise de l'essentiel des dispositions prévues par l'Assemblée nationale

Votre rapporteur ne vous proposera pas de changement substantiel par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale, sous réserve de deux ajouts (voir infra ). Il tient cependant à apporter quelques précisions s'agissant des dispositions de première partie prévues dans le texte de la proposition de loi organique.

Le maintien de l'autorisation unique de perception des impositions de toute nature dans la loi de finances de l'année (1° du I) constitue aux yeux de votre rapporteur, la garantie du respect du principe, posé par l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, du consentement de l'impôt 88 ( * ) . L'éclatement de ce consentement entre plusieurs textes (lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale), voire entre plusieurs organes (Parlement et collectivités locales) nuirait à son caractère éclairé qui constitue une garantie démocratique.

De plus, votre rapporteur conçoit cette disposition, liée aux autres propositions relatives aux rémunérations pour service rendu et aux taxes parafiscales, comme un salutaire rappel du caractère principal que revêt la catégorie des impositions de toute nature. Alors que l'ordonnance de 1959 tendait à les considérer comme une catégorie résiduelle s'obtenant par élimination des autres formes de prélèvements obligatoires, la présente loi organique les perçoit comme la règle, les autres prélèvements devant devenir l'exception.

De 1921 à 1979, le législateur financier a ajouté à la disposition d'autorisation de perception l'interdiction formelle d'y contrevenir, ce qui signifiait tout à la fois l'interdiction de lever d'autres impositions et l'obligation de lever toutes celles ayant été autorisées. Cela interdisait ainsi au gouvernement de décider de sa propre initiative de cesser de percevoir une ressource de l'Etat ou bien de ne pas en percevoir une partie. Votre rapporteur estime que l'esprit de cette disposition demeure valable et que l'autorisation de perception revêt bien entendu une double contrainte de « ne percevoir que » et de « percevoir toutes » les recettes prévues.

La rédaction du 2° permet, pour votre rapporteur, de faire figurer en première partie, à cet endroit, les affectations hors du budget de l'Etat (que la loi de finances doit autoriser d'après l'article 33 de la proposition de loi organique) puisque celles-ci reviennent à réduire ses recettes et donc affectent l'équilibre budgétaire.

Au 3°, votre rapporteur vous proposera de simplifier la rédaction retenue par l'Assemblée nationale s'agissant de la présence en première partie des dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget de l'Etat.

Au 5°, votre rapporteur vous proposera, outre la réintroduction des budgets annexes et des comptes spéciaux dans les plafonds de dépenses, à côté de celui du budget général, de supprimer la fixation, en première partie, du plafond des autorisations d'emplois pour renvoyer cette dernière disposition en seconde partie. Cependant, il faut souligner que grâce à la proposition de votre rapporteur, le Parlement pourra se prononcer, à ce moment là, sur l'ensemble des emplois rémunérés par l'Etat et sur sa politique d'emploi. Il n'apparaît pas évident que le nombre d'emplois concourt à l'équilibre alors que ce dernier comprend déjà les crédits pour dépenses de personnel .

Le tableau d'équilibre du 6° pose un problème qu'il conviendra de résoudre dans l'application pratique de la loi organique : celui de l'absence de consolidation des comptes de l'Etat. Le maintien des budgets annexes et des comptes spéciaux, le caractère organique donné à certains d'entre eux, nécessitera des flux budgétaires entre le budget général et ces autres composantes du budget de l'Etat. Ainsi, les versements du budget général vers le compte des pensions constitueront-ils à la fois une dépense du budget général, inscrite en crédits budgétaires de la dotation correspondante, une recette du compte de pension et une dépense de ce dernier. Il en ira de même des flux entre le budget général et le compte de la dette. Peut-être faudra-t-il alors insérer une ligne de consolidation afin d'éviter une lecture imparfaite de la réalité du volume des interventions de l'Etat.

2. Les principales modifications proposées par votre commission

a) Le vote sur chaque prélèvement sur recettes

Conséquence du choix de faire figurer les prélèvements sur recettes dans le corps de la loi organique, il convient de suivre la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de prévoir en première partie un vote distinct sur chaque prélèvement sur recette, c'est-à-dire sur chacun de ceux opérés au profit des collectivités locales et sur celui opéré au profit de l'Union européenne.

Cela permettra de maintenir la tradition de l'organisation d'un débat sur le prélèvement au profit de l'Union européenne et de prolonger l'expérience menée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2001, au Sénat, de l'organisation d'un débat parlementaire portant sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.

Il convient de placer l'évaluation et la fixation du régime de chaque prélèvement avant celles de chacune des recettes budgétaires, ces prélèvements venant en modifier les montants bruts.

b) L'introduction d'un plafond de variation nette de la dette de l'Etat

Lors de la discussion de l'article 31 à l'Assemblée nationale 89 ( * ) , de longs échanges ont eu lieu entre des parlementaires de l'opposition, le rapporteur général, le président de séance et Mme le secrétaire d'Etat au budget s'agissant du vote, distinct ou non de celui relatif au tableau de financement, d'une disposition relative à l'emprunt. Il s'agissait en quelque sorte de donner un contenu à l'autorisation d'émettre des emprunts du 8° en le liant au besoin de financement révélé et exprimé par le tableau de financement. A cette occasion, notre collègue député Jean-Jacques Jégou a accepté de retirer un amendement prévoyant que la loi de finances fixe le plafond des emprunts autorisés contre l'engagement du gouvernement de mettre à profit la navette parlementaire pour trouver une rédaction appropriée.

Lors de son audition ultérieure par le Sénat, Mme Florence Parly a proposé de mettre ses services à la disposition de votre rapporteur afin d'aboutir à cette rédaction. Ce faisant, elle a tracé le cadre que devrait revêtir le contenu donné à cette autorisation d'emprunt :

Audition de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget au Sénat, le 9 mai 2001

« Il est exact que lors de notre débat à l'Assemblée nationale cette question a été soulevée par un certain nombre de parlementaires, notamment ceux qui pratiquent déjà cela dans le cadre des collectivités dont ils assurent la responsabilité. Ils ont souhaité que des améliorations puissent être apportées sur ce terrain et que, notamment, un plafond d'emprunts soit désormais voté par le Parlement au moment du vote de la loi de finances.

« Lors de ce débat, le Gouvernement n'était pas techniquement prêt à apporter une solution clef en main et j'avais eu l'occasion de dire que je me mettrais à la disposition des commissions des Assemblées pour tenter de trouver une solution à cette préoccupation, sachant que pour trouver une solution -si vous m'y autorisez-, il me semble utile de préciser quelles sont et doivent être les préoccupations qui animent le Gouvernement.

« Pour ma part, j'en vois tout au moins deux. S'il devait y avoir un plafond d'emprunts, cela ne devrait pas placer le Gouvernement dans une situation d'incapacité brutale à financer ses dépenses, parce qu'il y aurait une rupture de trésorerie et un retard dans l'encaissement d'une recette importante, par exemple.

« Ce système de plafond existe dans toute sa pureté aux États-Unis et il s'accompagne de temps à autres de fermetures pures et simples des services publics car, quand le plafond est dépassé, tout s'arrête, ce qui ne me paraît pas correspondre à la lumière des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale- à la préoccupation fondamentale des parlementaires. S'il doit y avoir plafond, il faut veiller à ce qu'il ne conduise pas à des mesures qui seraient mal perçues dans notre pays.

« Par ailleurs, il faut également, si ce plafond était mis en oeuvre, qu'il ne porte pas atteinte à un autre objectif auquel on ne peut qu'être attaché, à savoir que la politique de gestion active de la dette soit optimale, parce qu'il s'agit de la bonne gestion de nos finances publiques.

« Dans le respect de ces principes, le ministère des finances et le Gouvernement sont tout à fait prêts à tenter d'avancer sur cette question du plafonnement des emprunts si le Sénat le souhaitait. »

Deux principes ont donc été posés : que le plafond n'empêche pas le gouvernement de faire face à des aléas de trésorerie risquant de mettre l'Etat en cessation de paiement ; qu'il n'empêche pas une gestion optimale de la dette, donc par exemple qu'il n'interdise pas en cours d'année de procéder à des rachats de dettes.

Ce souhait des députés de l'opposition, devenu engagement du gouvernement à leur égard, rejoint en tous points les préoccupations de votre commission des finances, exprimées à la fois par votre rapporteur et par le rapporteur général Philippe Marini. Il semble pleinement justifié que le Parlement tire les conséquences concrètes sur la dette des votes de l'équilibre budgétaire et de l'équilibre financier.

En se prononçant sur la dette, le Parlement décide expressément de la charge imposée aux générations futures. En outre, la comparaison de la variation du stock de dette provoquée par les décisions budgétaires et financières, et du tableau présentant le budget de l'Etat en sections de fonctionnement et d'investissement rendra possible les comparaisons et donc, les appréciations politiques sur le niveau souhaitable de dépenses d'aujourd'hui dont le Parlement reporte le paiement sur les générations futures.

Cependant, les difficultés techniques sont importantes et votre rapporteur partage les limites posées par Mme Florence Parly. En effet, il ne saurait être question de ne pas honorer la signature de l'Etat. Même si les moyens actuels de prévision rendent une telle perspective peu envisageable, il est certain que les aléas qui s'attachent tant aux décaissements qu'aux encaissements de l'Etat justifient que les opérations liées à la tenue de la trésorerie de l'Etat ne soient pas contraintes par un plafond strict, sauf à imaginer des procédures d'urgence complexes 90 ( * ) .

De même, fixer un plafond brut de la dette risquerait de soulever des difficultés pour la gestion de celle-ci. Des techniques financières complexes, qui peuvent conduire à racheter de la dette passée pour en émettre une nouvelle et donc à augmenter les émissions brutes, pouvant permettre de minorer finalement la charge de la dette. Celle-ci représentant la première dépense de l'Etat, il serait désastreux d'en rendre impossible la diminution par des dispositions inappropriées.

Au total, votre rapporteur vous proposera d'ajouter parmi les dispositions de la première partie la fixation du « plafond de la variation nette de la dette négociable de l'Etat d'une durée supérieure à un an, appréciée en fin d'année ». La variation nette permettra d'éviter les biais mentionnés ci-dessus d'un plafond de dette brute ; la prise en compte de la seule dette supérieure à un an permettra d'éviter d'y inclure les émissions de très court terme nécessitées par des besoins ponctuels de trésorerie. Cette variation sera appréciée en fin d'année et le plafond aura une valeur contraignante, qui obligera le gouvernement à en demander le relèvement dans un collectif budgétaire s'il lui paraît ne pas pouvoir être respecté.

Ainsi, votant le tableau de financement de l'Etat, fixant un plafond pour l'augmentation de la dette nette, ayant connaissance de l'ensemble des opérations liées à cette dette par le biais du compte de commerce particulier dédié à cet effet, le Parlement verra son information comme son contrôle sur la dette considérablement améliorés et sera en mesure de jouer pleinement son rôle en la matière, qui est celui d'engager l'avenir.

B. LA SECONDE PARTIE

1. La reprise de l'essentiel des dispositions prévues par l'Assemblée nationale

Votre rapporteur vous propose de ne pas modifier les dispositions prévues aux 4° (autorisation et fixation du régime de l'octroi des garanties) et aux a) (possibilité pour les lois de finances de comporter des dispositions relatives aux impositions de toute nature), c) (possibilité de définir en seconde partie les modalités de répartition des concours de l'Etat aux collectivités territoriales), d) (approbation des conventions financières) et e) (possibilité de comprendre des dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques) du 6°.

2. Les principales modifications proposées par votre commission

a) La préfiguration des modes de vote et de discussion

1. La mission comme seule unité de vote et de discussion

Votre rapporteur considère qu'il convient de faire de la mission à la fois l'unité de vote et l'unité de discussion des crédits, ainsi qu'il l'expliquera au commentaire de l'article 43. C'est pourquoi il vous proposera de supprimer au 1° l'obligation d'une fixation des crédits par ministère ce qui n'a évidemment pas pour conséquence de supprimer la règle selon laquelle les crédits sont ouverts aux ministres.

2. Une discussion globale des autorisations d'emplois

Par cohérence, votre rapporteur souhaite éviter que les plafonds d'autorisation des emplois fassent l'objet d'une discussion et d'un vote par ministère 91 ( * ) . Sans remettre en cause le choix du ministère comme unité de spécialité, il préfèrerait que le Parlement se prononce sur un tableau reprenant les autorisations d'emplois de chaque ministère par un vote unique,. Ce vote intervenant après la discussion des crédits, rendrait possibles d'éventuelles coordinations avec l'adoption d'amendements portant sur les crédits de personnel des programmes. Ces coordinations ne seraient pas automatiques puisqu'il n'y a pas de lien mécanique entre les autorisations d'emplois et les crédits de personnel. L'absence de spécialisation des emplois par programme s'explique par les très grandes difficultés techniques auxquelles elle se heurterait. 92 ( * ) .

La discussion et le vote de ce tableau favoriserait l'organisation d'un débat sur la politique d'emploi de l'Etat que l'Assemblée nationale avait proposé de placer en première partie.

Les parlementaires qui le souhaiteraient pourraient bien entendu présenter des amendements portant sur ce tableau.

b) Les autres modifications

1. Une rédaction plus large pour les autorisations particulières de reprises de dettes

Le 5° du II du texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que la seconde partie de la loi de finances de l'année peut autoriser l'Etat à réaliser des reprises de dettes dans deux cas : la prise en charge d'emprunts émis par des organismes publics ou privés ou un engagement payable à terme ou par annuités. Votre rapporteur partage pleinement le souci de faire statuer explicitement la loi de finances sur chacune des décisions susceptibles d'affecter le bilan de l'Etat et de se traduire par des charges, budgétaires ou de trésorerie, futures. En l'occurrence, ces nouvelles dettes de l'Etat alourdiront le poste « dettes » du passif de l'Etat et se traduiront par des charges d'emprunt qui seront budgétées dans les lois de finances à venir, mais aussi par des remboursements en capital qui, comme opérations de trésorerie, ne seront pas budgétées mais pèseront sur les finances de l'Etat.

Le mécanisme d'une autorisation explicite alliée à un vote sur la variation nette du stock de dette de l'Etat permettra au Parlement de procéder à une autorisation dans de bonnes conditions de ce type d'opérations qui ont pu, dans le passé, produire des effets importants sur les finances publiques, et qui sont d'ailleurs prises en compte, comme telles, dans le cadre des engagements européens de la France.

Votre rapporteur vous proposera cependant d'adopter une rédaction plus large que celle de l'Assemblée nationale afin d'éviter qu'un avenir propice en inventions financières n'en vienne altérer la lettre et donc en réduire la portée.

Il va de soi que cette rédaction plus large, qui viserait la contraction de dettes « sous quelque forme que ce soit », serait distincte de l'autorisation d'émettre les emprunts correspondants à la couverture du besoin de financement de l'Etat votée en première partie.

2. Une rédaction plus restrictive pour les dispositions affectant les charges budgétaires

Le b) du 6° adopté par l'Assemblée nationale prévoit la possibilité de faire figurer en deuxième partie, dans le cadre des articles dits rattachés, des dispositions législatives « affectant les charges budgétaires de l'Etat ».

Il peut sembler étrange de faire figurer en deuxième partie des dispositions qui, pouvant affecter l'équilibre budgétaire de l'année, auront des conséquences sur le tableau d'équilibre. Ainsi, l'adoption de telles dispositions dans les articles rattachés contraint à demander une deuxième délibération pour assurer les coordinations nécessaires dans ce dernier.

Cependant ceci s'explique par la possibilité pour d'autres lois ordinaires de comporter de telles dispositions : ce qui figure en première partie constituant le domaine exclusif des lois de finances, il ne serait pas conforme à l'article 34 de la Constitution de réserver à ces dernières un monopole des dispositions législatives affectant les charges de l'année.

Votre rapporteur souhaite cependant que l'application du b) du 6° n'ouvre pas la voie à un gonflement excessif des dispositions législatives ainsi proposées dans les lois de finances. Il ne faut pas oublier que l'examen de ces dernières est contraint par des délais constitutionnels et que la procédure d'urgence s'y applique de droit. Une augmentation des dispositions rattachées d'une part, risquerait de nuire au bon examen du reste de la loi de finances, et, d'autre part, n'autoriserait pas un débat portant sur lesdites dispositions dans des conditions satisfaisantes.

C'est pourquoi votre rapporteur vous proposera d'en restreindre le champ aux seules « dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l'année ».

3. La coordination avec les autres propositions de votre commission

Votre rapporteur vous proposera par ailleurs de tirer les conséquences sur la seconde partie de certaines de ses propositions :

. la création de la dotation comme unité de spécialité, pour laquelle il convient de permettre la possibilité, expressément fixée par la loi de finances de l'année, d'un engagement par anticipation des crédits ;

. la réintroduction des budgets annexes et des comptes spéciaux, dont les crédits ou les déficits seraient fixés par budget annexe et par catégorie de comptes ;

. l'élargissement du champ de compétence de la loi de finances à certaines dispositions comptables.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 32

Le contenu des lois de finances rectificatives

Commentaire : le présent article définit le contenu et les règles de présentation applicables aux lois de finances rectificatives.

L'Assemblée nationale a décrit dans le premier alinéa du présent article les modifications que peuvent apporter les lois de finances rectificatives aux dispositions des lois de finances de l'année, en faisant référence à l'article 31. En est exclu le 2° de l'article 31 relatif aux recettes budgétaires puisque la loi ordinaire peut aussi apporter des modifications aux recettes budgétaires de l'année, par exemple en comportant des dispositions fiscales directement applicables, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel en 1984 93 ( * ) . Elles peuvent ainsi modifier l'ensemble des dispositions obligatoires et exclusives des lois de finances. De plus, cet alinéa reprend la deuxième phrase de l'article 34 de l'ordonnance organique qui prévoit que les lois de finances rectificatives procèdent à la ratification des ouvertures de crédits opérées par décret d'avances.

Le second alinéa reprend la première phrase de l'article 34 de l'ordonnance organique qui prévoit une présentation des lois de finances rectificatives dans les mêmes formes, en partie ou en totalité, que les lois de finances de l'année. Il s'agit de la présentation en deux parties et donc de l'application des règles concernant cette séparation (en matière de vote et de contenu) aux lois de finances rectificatives. Enfin, l'Assemblée nationale a, par renvoi, prévu l'application des dispositions du dernier aliéna de l'article 38 qui dispose que chacune des disposition d'une loi de finances affectant les ressources ou les charges de l'Etat fasse l'objet d'une évaluation chiffrée au titre de l'année et des années ultérieures.

Votre rapporteur partage ces différentes règles. Il vous proposera cependant des amendements rédactionnels afin :

. de rappeler que le monopole de modification des lois de finances par les lois de finances rectificatives se fait sous réserve des autres dispositions de la loi organique, c'est-à-dire celles encadrant les possibilités de modifications des crédits (et de recettes s'agissant des comptes spéciaux) par voie réglementaire ;

. de tenir compte de sa proposition de prévoir un article spécifique exigeant la ratification de toutes les modifications de crédits opérées par voie administrative dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'exercice concerné (ce qui rend inutile la disposition de la deuxième phrase du premier alinéa) ;

. de tenir compte du déplacement du dernier alinéa de l'article 38 dans un article spécifique de portée plus générale.

Ces modifications, réduites ou de coordination, élargissent quelque peu la portée des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale sans en dénaturer l'esprit.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 33

Les conditions du transfert d'une ressource de l'Etat
vers une autre personne morale

Commentaire : le présent article prévoit que l'affectation d'une ressource de l'Etat à une autre personne morale doit faire l'objet d'une disposition de loi de finances.

La discussion des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2000 et pour 2001 furent l'occasion de discussions multiples liées aux transferts d'impositions de toutes natures établies au profit de l'Etat vers les organismes de sécurité sociale. L'insistance du Parlement à voir figurer ces transferts dans des dispositions de loi de finances autorisant de telles affectations, et à ce que ces transferts soient pris en compte par le biais des évaluations de recettes, en loi de financement, a ainsi recueilli un écho favorable du gouvernement.

Le présent article introduit dans le texte de la loi organique cet usage extrêmement cohérent avec l'habilitation constitutionnelle donnée au législateur organique. La loi organique relative aux lois de finances ayant à préciser les conditions et les réserves dans lesquelles sont déterminées les ressources et les charges de l'Etat, il paraît naturel qu'elle puisse comprendre une disposition prévoyant que le transfert d'une ressource, totale ou partielle, de l'Etat vers une autre personne morale soit décidé par les lois de finances.

En revanche, et même si cela aurait permis utilement de gagner en clarté, donner aux lois de finances un monopole dans l'affectation des impositions de toute nature, y compris celles affectées à des personnes morales autres que l'Etat, pourrait contredire l'article 34 de la Constitution en ce qu'il fait entrer dans le champ de la compétence du législateur ordinaire le régime des impositions de toute nature.

Votre rapporteur considère que cet article est de nature à apporter une certaine lisibilité et à simplifier les transferts de ressources entre les deux textes de nature financière examinés simultanément par le Parlement.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 34

Le contenu de la loi de règlement

Commentaire : Le présent article définit le contenu de la loi de règlement.

La loi de règlement constitue le moment où les comptes de l'Etat pour un exercice sont approuvés par le Parlement. La pratique parlementaire actuelle donne peu d'importance à la discussion des projets de loi de règlement, qui constitue un exercice particulièrement formel. La présente proposition de loi organique tendra, à travers une budgétisation fondée sur une logique d'objectifs et de résultats, mais également du fait de l'enrichissement des informations comptables demandées au gouvernement, à renforcer considérablement le rôle de la loi de règlement, qui devrait devenir -votre rapporteur l'appelle de ses voeux- un moment fort de la vie parlementaire.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le I du présent article indique que la loi de règlement arrête définitivement le montant des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte.

Il détaille également le mode d'établissement du résultat budgétaire de l'année, qui est défini comme la somme du déficit ou de l'excédent du budget général et du déficit ou de l'excédent des comptes annexes.

Le II du présent article énumère les dispositions qui figurent, le cas échéant, dans la loi de règlement.

Le 1° indique que la loi de règlement ratifie les modifications apportées par décrets d'avances aux crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année.

Le 2° prévoit que la loi de règlement approuve les dépassements de crédits résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées, et procède à l'annulation des crédits disponibles à la fin de l'année et n'étant pas reportés sur l'année suivante.

Le 3° prévoit que la loi de règlement apure les pertes constatées sur les prêts et avances accordés par l'Etat.

Le III du présent article dispose que la loi de règlement établit le résultat comptable de l'exercice, détermine son affectation et approuve l'ensemble des comptes de l'exercice permettant d'appréhender l'évolution de la situation financière et patrimoniale de l'Etat.

Le IV du présent article prévoit que la loi de règlement peut, comme les autres lois de finances, comporter des dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques.

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur vous propose de reprendre certaines des dispositions du texte de l'article 34 adopté par l'Assemblée nationale. Il considère en revanche que certains alinéas doivent être supprimés, compte tenu de leur caractère imprécis et de la modification de l'organisation de la proposition de loi organique qui vous est proposée.

Votre rapporteur souhaite, au premier alinéa du I du présent article, introduire la notion de résultat budgétaire, qui découle de l'arrêté définitif des montants des recettes et des dépenses budgétaires de l'année. En revanche, votre rapporteur ne souhaite pas conserver la définition du mode de construction du résultat budgétaire de l'année qui figure dans la suite du I. Il considère en effet que cette description ne tient pas compte des éventuels besoins de consolidation entre les recettes et les dépenses du budget général, d'une part, et les recettes et les dépenses des budgets annexes et des comptes spéciaux, d'autre part. Votre rapporteur attire l'attention sur le fait qu'il est délicat de préciser le mode de construction du résultat budgétaire au sein de la loi organique, dès lors qu'une définition peut s'avérer imparfaite et inexacte, en dépit de ses vertus pédagogiques. Il insiste sur la nécessité de consolider les dépenses et les recettes du budget général et des procédures d'affectation spéciales détaillées à l'article 17 du texte adopté par l'Assemblée nationale, comme de celui qu'il vous propose.

Votre rapporteur souhaite insérer, après le I de cet article, un paragraphe additionnel prévoyant que la loi de règlement arrête le montant définitif des ressources et des emplois de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier de l'exercice, présenté dans un tableau de financement. Une telle disposition permettra au Parlement, au moment de la discussion du projet de loi de règlement, d'effectuer des comparaisons avec le tableau de financement présenté dans la loi de finances initiale afférente à la même année 94 ( * ) . Il s'agit en effet de permettre au Parlement de connaître et de voter les opérations de trésorerie qui assurent le financement de l'Etat à la fois en prévision et en exécution.

Votre rapporteur vous propose de supprimer la possibilité explicitement prévue par le présent article, pour les lois de règlement, de ratifier les modifications de crédits apportées par les décrets d'avances. En effet, votre rapporteur vous proposera d'insérer un article additionnel après le présent article prévoyant de manière générale que toutes les modifications de crédits opérées par voie administrative (y compris les décrets d'avances visés au 1° du II du présent article) sont soumises à la ratification du Parlement dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée. Cette disposition s'appliquant à l'ensemble des projets de loi de finances, elle rend inutile le maintien de l'alinéa prévoyant la ratification des modifications apportées par décrets d'avances par la loi de règlement.

Au 2° du II du présent article, votre rapporteur vous propose de mentionner de manière explicite que le Parlement approuve non pas les dépassements de crédits, mais les ouvertures de crédits correspondant à ces dépassements, ce qui semble plus conforme à l'autorisation de dépenser donnée par le Parlement.

Aux 3° et au 4° de cet article, votre rapporteur vous proposera également quelques modification de nature rédactionnelle et visant à prendre en compte le maintien des budgets annexes et des comptes spéciaux qu'il vous a proposé.

S'agissant des dispositions comptables mentionnées au III du présent article, il souhaite supprimer la mention de l'affectation du résultat comptable, dont les contours lui paraissent flous, et inscrire dans un paragraphe additionnel le fait que la loi de règlement approuve le compte de résultat de l'Etat, son bilan et ses annexes, qui comportent notamment une évaluation des engagements hors bilan de l'Etat. La rédaction qu'il vous propose mentionne ainsi de manière explicite les notions de compte de résultat et de bilan, alors que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne vise que le résultat comptable de l'exercice, déterminé par la différence entre les produits et les charges constatés.

Il convient de mentionner le fait que figureront désormais, dans la loi de règlement, deux soldes : le solde budgétaire, issu de la comptabilité budgétaire, et le résultat comptable, issu de la comptabilité générale de l'Etat. La Cour des comptes indiquait, dans l'une des contributions réalisée à la demande de la commission spéciale de l'Assemblée nationale 95 ( * ) , que « le maintien de deux comptabilités établies selon des principes différents, et donc, presque impossibles à comparer, ne peut qu'entretenir des débats stériles sur les indicateurs les plus pertinents pour décrire la situation financière de l'Etat ». De fait, les deux soldes figurant dans la loi de règlement divergeront sensiblement. Jean-Jacques François, responsable de l'Agence comptable centrale du Trésor, estimait ainsi à 200 milliards de francs les droits constatés non pris en compte dans la méthode actuelle de comptabilisation du budget de l'Etat. Votre rapporteur considère que, loin d'être un facteur de mauvaise compréhension ou de mauvaise interprétation, la différence entre le solde budgétaire et le résultat comptable de l'exercice sera l'occasion d'un examen fort instructif, permettant notamment d'évaluer précisément les charges certaines nées au cours de l'exercice et dont le financement est reporté sur les années futures.

Enfin, votre rapporteur vous propose de supprimer le IV, compte tenu de l'insertion d'un article additionnel avant l'article premier qui prévoit que « les lois de finances peuvent comporter toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, ainsi qu'à la comptabilité de l'Etat et au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ». Cette disposition générale rend inutile la précision d'une telle possibilité -au demeurant plus restreinte dans son champ d'application, puisqu'elle ne mentionne ni la comptabilité de l'Etat, ni le régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics- dans le cadre spécifique de la loi de règlement.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 34

La ratification par le Parlement des modifications de crédits opérées par voie administrative

Commentaire : le présent article impose une obligation de soumettre à la ratification du Parlement les modifications de crédits opérées par voie administrative.

Il s'agit d'introduire une règle générale de ratification expresse, par la plus prochaine loi de finances afférente à l'exercice concerné, des modifications de crédits effectués par voie administrative.

Cette obligation de soumission à la ratification du Parlement ne porterait évidemment pas sur la totalité des actes d'administration des crédits. Elle serait réservée aux actes administratifs ayant pour effet de modifier les crédits, qu'il s'agisse de les augmenter (décrets d'avances, décrets et arrêtés de répartition des crédits globaux, arrêtés prévus par les articles additionnels après l'article 18 et après l'article 20), de les réduire (décrets d'annulation), d'en modifier la spécialisation (transferts, virements) ou le cadre temporel d'exécution (reports).

Décision de la commission : votre commission vous proposer d'adopter le présent article additionnel.

TITRE III :

DE L'EXAMEN ET DU VOTE
DES PROJETS DE LOI DE FINANCES

ARTICLE 35

La préparation des projets de loi de finances

Commentaire : le présent article consacre le rôle du ministre des finances dans la préparation des lois de finances.

Le présent article établit, dans des termes quasiment identiques à ceux l'article 37 de l'ordonnance organique, la phase d'élaboration des lois de finances. Il adapte le texte de 1959 pour tenir compte du texte même de la Constitution (les projets de loi sont « délibérés » en Conseil des ministres) et des possibilités d'évolution de la terminologie ministérielle (ministre « chargé » des finances plutôt que ministre des finances).

La présence comme les termes de cet article peuvent néanmoins surprendre dans une proposition de loi organique discutée en 2001.

En effet, il ne revient pas au législateur, même organique, de s'immiscer dans l'organisation du travail gouvernemental lorsque celle-ci est sans aucun impact sur les relations entre pouvoirs publics. S'il peut éventuellement souhaiter en être informé, le législateur ne peut régler la structure administrative, même dans le cadre de l'habilitation donnée par les articles 34 et 47 de la Constitution au législateur organique.

Votre rapporteur n'entend bien entendu pas remettre en cause le rôle du ministre chargé des finances, consacré d'ailleurs par de nombreux articles de la présente proposition de loi organique. Cependant, la loi organique ne semble pas devoir contenir une précision, qui paraît redondante avec les fonctions traditionnellement attribuées au ministre chargé des finances, et pourrait empêcher, dans l'avenir, une autre organisation de la structure gouvernementale.

Par ailleurs, il semble inutile, compte tenu des termes même de la Constitution, de prévoir la subordination au Premier ministre du ministre chargé des finances. Cette précision pouvait se justifier en 1959 pour rompre avec les dispositions du décret de 1956 qui prévoyait que le ministre des finances prépare les projets de loi de finances sans mention du président du Conseil, mais elle n'a plus guère de sens aujourd'hui 96 ( * ) . Quant à la mention du Conseil des ministres, elle paraissait dès 1959 à la fois superfétatoire, puisque le deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution la prévoit explicitement, et incomplète, puisqu'était oubliée la mention de l'avis du Conseil d'Etat figurant au même alinéa.

Pour toutes ces raisons, dans un souci de respect du contenu de la loi organique et parce que cet article ne semble pas utile devant la précision des dispositions de la Constitution, votre rapporteur vous proposera de le supprimer.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

CHAPITRE PREMIER :

DU PROJET DE LOI DE FINANCES DE L'ANNÉE ET DES PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE

ARTICLE 36

Le rapport d'orientation budgétaire

Commentaire : le présent article a pour objet d'institutionnaliser le débat d'orientation budgétaire et de l'enrichir.

L'Assemblée nationale a souhaité institutionnaliser le débat d'orientation budgétaire dont, au plan national, l'heureuse initiative revient à notre collègue Jean Arthuis, alors ministre de l'économie et des finances.

Votre rapporteur souscrit totalement à l'intention manifestée par l'Assemblée nationale. Il souhaite que le débat d'orientation budgétaire soit un moment fort de la discussion sur la politique des finances publiques et que soit accentuée la dimension, qui doit être la sienne, d'une présentation par le gouvernement de ses choix budgétaires.

Dans ces conditions, la recommandation de la commission visant à supprimer le présent article ne résulte pas d'autre chose que de la volonté de l'insérer dans le titre nouveau relatif à l'information et au contrôle du Parlement.

I . UN DÉBAT À RECOMMANDER

Idéalement, cette présentation devra donner lieu à débat entre le Parlement et le gouvernement comme cela a été la règle depuis 1996, à l'exception de l'année 1997 marquée par la dissolution. Cette pratique est rendue obligatoire par le texte de l'Assemblée nationale. Cependant, les incertitudes constitutionnelles d'une telle solution -résultant en particulier de certaines analyses selon lesquelles elle se heurterait à l'article 48 de la Constitution qui règle les conditions dans lesquelles l'ordre du jour du Parlement est agencé- ont conduit votre rapporteur à écarter l'énoncé de cette obligation. Il a cependant souhaité indiquer, par la mention d'une faculté de débat, les véritables intentions du législateur organique.

Ce choix, ainsi que la nature du rendez-vous que représente l'examen d'étape des orientations budgétaires du gouvernement, conduit votre rapporteur à suggérer que les dispositions y relatives figurent en première place au sein du chapitre, qui serait nouvellement inséré dans la loi organique, relatif à l'information sur les finances publiques. C'est dans cet esprit que l'article 36 de la proposition de loi organique transmise par l'Assemblée nationale serait supprimé pour réapparaître dans un article additionnel après l'article 48.

Par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale, peu de modifications interviendraient.

II . UN DÉBAT DOTÉ D'UN VÉRITABLE CONTENU

Outre des modifications purement rédactionnelles et celle substituant à l'obligation d'un débat parlementaire, sa faculté, dont l'exploitation est fortement souhaitée, votre rapporteur vous suggère :

A. DES PERSPECTIVES A MOYEN TERME

d'affirmer que le rapport demandé au gouvernement devra comporter une présentation à moyen terme des perspectives d'évolution des comptes des administrations publiques, détaillés par sous-secteur, et exprimés selon les conventions de la comptabilité nationale.

Cette exigence, qui devra s'accompagner de la présentation des hypothèses posées pour réaliser les simulations dont les résultats sont ainsi demandées, a pour objectif de révéler, dans leur détail, les contraintes et les opportunités qui entoureront la gestion des finances publiques à moyen terme. Elle doit déboucher sur une mise en perspective des choix réalisés en ce domaine par le gouvernement.

Le choix de privilégier à ce stade les conventions de la comptabilité nationale repose d'abord sur une reconnaissance de l'intérêt de ces conventions pour rendre compte, de manière consolidée, des grands enjeux que suppose la gestion des finances de l'Etat. Il repose également sur la considération que les engagements européens de la France sont exprimés dans les termes de la comptabilité nationale.

En outre, comme ces engagements portent sur les comptes de l'ensemble des administrations publiques, il est demandé que les comptes présentés à l'occasion du rapport sous revue concernent l'ensemble des administrations publiques. Au demeurant, les transferts réalisés entre les sous-secteurs des administrations publiques impliquent, au plan technique, une telle solution.

Il serait assez étrange que le gouvernement qui notifie annuellement un programme de stabilité triennal aux instances européennes qui comporte les perspectives d'évolution des recettes, des dépenses et, du besoin de financement par sous-secteur des administrations publiques, juge excessivement lourde l'exigence mentionnée.

A supposer que les données ainsi notifiées puissent n'être pas fondées sur les perspectives des comptes des administrations publiques développant leurs ressources et leurs emplois, ce que votre rapporteur ne saurait imaginer, il conviendrait de mettre rapidement en oeuvre les outils de simulation nécessaires.

Votre rapporteur note d'ailleurs que ceux-ci, à supposer qu'ils ne soient plus d'usage, existaient il n'y a guère, lorsque, avec leur concours technique, et celui, précieux, des équipes de la direction de la prévision qui en avaient la charge, la délégation du Sénat pour la planification réalisait une projection à cinq ans des finances publiques à partir d'hypothèses dont elle assumait, seule, la paternité politique. 97 ( * ) .

En toute hypothèse, il ne croit pas trop exiger en souhaitant que des projections à moyen terme des finances publiques, suffisamment détaillées, soient jointes à un rapport destiné à provoquer le débat sur la politique budgétaire du gouvernement.

B. UN DÉBAT SUR LA NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE

C'est le même sentiment qui l'anime lorsqu'il souhaite :

que, plutôt que de présenter les perspectives des charges de l'Etat par fonction, comme dans le texte de l'Assemblée nationale, cette présentation colle davantage à la nomenclature budgétaire et soit ainsi faite par missions ;

Il relève que cette mise en perspective pluriannuelle, qui devrait concerner, selon les estimations du nombre futur des missions, une soixantaine de postes est compatible avec les pratiques de pluriannualisation budgétaire rencontrées à l'étranger (Allemagne, Etats-Unis, Suède...), qui paraissent beaucoup plus détaillées ;

que les éléments essentiels de la nomenclature de la loi de finances de l'année suivante soient récapitulés dans le rapport déposé par le gouvernement. Il s'agit de la liste des missions, des programmes et des indicateurs de performances associés à chacun des programmes. Ces données, qui n'auront pas nécessairement à être informées, doivent permettre au Parlement d'appréhender assez tôt ce que sera le squelette du futur budget et, le choix des indicateurs de performance devenant central dans le processus de contrôle de gestion dont le Parlement doit devenir l'acteur le plus éminent, la substance des critères de gestion dont il doit absolument pouvoir juger la pertinence.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 37

Les questionnaires budgétaires

Commentaire : le présent article a pour objet d'inscrire dans la loi organique la procédure des questionnaires parlementaires sur le projet de loi de finances de l'année.

Votre rapporteur vous proposera in fine de supprimer cet article, souhaitant que, moyennant deux amendements mineurs, il soit rétabli sous le chapitre consacré à l'information dans le titre nouveau intitulé « De l'information et du contrôle sur les finances publiques ».

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Absent du texte de la proposition de loi organique déposée au mois de juillet 2000, le présent dispositif, motivé par des considérations juridiques et factuelles qu'il importe, étant donné leur intérêt, de présenter en préambule, vient encadrer la procédure des questionnaires parlementaires qui constitue un moyen particulièrement important d'information et de contrôle du Parlement sur les lois de finances.

A. LES MOTIVATIONS FACTUELLES ET JURIDIQUES DU DISPOSITIF

Le dispositif proposé est assorti de considérations factuelles et juridiques qu'il convient de mentionner.

1. Des considérations factuelles

C'est à très juste titre, que le rapport de l'Assemblée nationale indique d'abord que, malgré quelques progrès de présentation, les annexes aux projets de loi de finances, et en particulier les « bleus » appellent systématiquement des informations complémentaires. Les questionnaires des rapporteurs constituent aujourd'hui le moyen naturel de combler les lacunes de l'information budgétaire telle qu'elle est mise spontanément par le gouvernement à la disposition du Parlement. Ils le resteront demain malgré les efforts entrepris dans le texte sous revue pour rénover l'information budgétaire continue dans les « bleus ».

Il restera de la même manière fondamental que les questionnaires parlementaires reçoivent les réponses qu'elles méritent.

Sous cet angle, l'on ne peut être que consterné par les difficultés que paraît rencontrer l'Assemblée nationale. Elles sont rappelées dans le rapport de cet assemblée dans les termes suivants :

« Votre Rapporteur prendra l'exemple des questionnaires de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2001. Ils ont été adressés, entre le 15 juin et le 15 juillet 2000, à la secrétaire d'Etat au budget. Les réponses de la direction du budget ont été reçues entre le 11 septembre 2000 pour la première, et le 27 novembre 2000 pour la dernière, soit douze jours après l'adoption du projet de loi de finances par la Commission en première lecture, et six jours après son adoption, également en première lecture, par l'Assemblée nationale. De surcroît, le taux de réponse atteint un niveau particulièrement bas : seuls 61 % du nombre total des questions ont reçu réponse, et, sur les 44 questionnaires, 10 n'ont reçu aucune réponse et 13 n'ont pas reçu réponse à la moitié de leurs questions ! L'Assemblée a donc été dans l'obligation de se prononcer sur les crédits de plusieurs fascicules sans avoir reçu de la direction du budget les informations nécessaires. »

2. Des considérations juridiques

Il est intéressant de relever le luxe de précautions juridiques déployées dans le rapport de l'Assemblée nationale pour justifier l'insertion dans la présente loi organique d'une disposition qui, pourtant, ne fait qu'encadrer une pratique coutumière et dont la place dans la Constitution financière de la France semble aller de soi.

Le raisonnement juridique invoqué est le suivant. L'article 47 de la Constitution habilitant le législateur organique à fixer les conditions dans lesquelles le Parlement vote les projets de loi de finances, il est souligné, à très juste titre, que « les questionnaires constituent un élément essentiel de la préparation du vote du projet de loi de finances de l'année ».

Les auteurs du rapport en concluent que « la loi organique est... habilitée à prévoir les conditions dans lesquelles se déroule cette procédure ».

Pour être complet, il convient de mentionner qu'ils relèvent également que, ladite procédure étant un élément de l'organisation des rapports entre le Parlement et le Gouvernement, sa mention dans un texte de rang organique se trouve naturellement justifiée, ajoutant qu'elle n'est prévue, aujourd'hui, par aucun texte.

Votre rapporteur souligne qu'ainsi l'Assemblée nationale n'a nullement hésité à faire mention d'un moyen essentiel de l'information et du contrôle parlementaire dans la loi organique. Il ajoute que cette mention prend la forme d'une injonction au gouvernement, caractéristique qui, à ses yeux comme à ceux de l'Assemblée nationale, n'a pas pour effet de rendre cette disposition non conforme à la Constitution puisqu'aussi bien elle n'est que la déclinaison de la large habilitation constitutionnelle consentie au législateur organique.

II. OBSERVATIONS

Votre rapporteur partage pleinement l'intention à laquelle répond le dispositif de cet article ainsi que les motivations qui le soutiennent. Cependant, il considère devoir apporter quelques compléments et quelques nuances aux analyses présentées dans le rapport de l'Assemblée nationale afin de conférer aux travaux préparatoires au présent texte, une complète exactitude et d'éclairer, pour l'avenir, un certain nombre d'analyses et de pratiques.

A. DES CONSTATS FACTUELS INDÉNIABLES

Même si les difficultés factuelles mentionnées dans le rapport de l'Assemblée nationale sont quelque peu atténuées pour le Sénat en raison de l'agencement du calendrier budgétaire et de l'heureuse pratique souvent suivie consistant à demander transmission des réponses aux questionnaires de celles-ci, il n'en reste pas moins que le taux de réponse à bon terme aux questionnaires n'y atteint jamais une valeur satisfaisante. Il faut en outre relever la très inégale qualité des réponses.

Il faut enfin observer que ces difficultés ne se rencontrent pas exclusivement dans le cadre des lois de finances de l'année mais qu'elles concernent aussi les autres catégories de lois de finances et, plus généralement, l'ensemble des questionnaires adressés aux gouvernements.

Partant de ces constats, votre rapporteur aurait pu être tenté d'élargir l'article 37 à l'ensemble des questionnaires consistant à rechercher les réponses à quelque question que ce soit soulevée par des données relatives aux ressources et aux charges de l'Etat afin de couvrir la totalité de l'éventail des situations susceptibles d'être rencontrées.

Il n'y a renoncé qu'en considération de ce que le droit susceptible de résulter de l'adoption du titre relatif à l'information et au contrôle sur les finances publiques, s'ajoutant au présent article, apporterait satisfaction à cette préoccupation.

En revanche, s'il se félicite que l'Assemblée nationale, guidée par des considérations factuelles, ait accepté d'élargir aux questionnaires des autres commissions la procédure prévue au présent article, il souhaite, à partir de considérations de même sorte, qu'en bénéficient également les questionnaires des délégations parlementaires concernées. Il vous proposera donc un amendement allant dans ce sens.

B. QUELQUES COMPLÉMENTS ET NUANCES JURIDIQUES

Votre rapporteur tient absolument à apporter les quelques compléments et nuances suivants aux arguments juridiques développés dans le rapport de l'Assemblée nationale afin que les travaux préparatoires à la réforme ici entreprise puisse éclairer les pratiques qui s'ensuivront.

1. Les justifications juridiques du présent article ne se limitent pas à la considération de l'article 47 alinéa 1 de la Constitution

Votre rapporteur tient à souligner à nouveau sa conviction qu'il est juridiquement parfaitement fondé de faire figurer dans la loi organique relative aux lois de finances toute disposition relative à l'information et au contrôle du Parlement sur lesdites lois et leurs composantes.

Cette conviction, qui est assise sur le bon sens, est également ancrée dans la considération des textes les plus éminents de notre droit public, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui en constitue le préambule, et notre Constitution, en plusieurs de ses articles.

Qu'on lui permette d'évoquer l'article XIV et l'article XV de la première et de rappeller son interprétation de l'alinéa 17 de l'article 34, ainsi que du premier alinéa de l'article 47.

La pratique des questionnaires budgétaires doit donc être considérée comme assise sur des fondements juridiques aussi diversifiés qu'éminents.

Ainsi, l'insertion du présent article dans le texte de la loi organique relative aux lois de finances lui semble pouvoir reposer :

sur l'alinéa 17 de l'article 34 de la Constitution en ce sens qu'il appartient à ladite loi organique d'indiquer dans quelles conditions et sous quelles réserves les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat, conditions et réserves parmi lesquelles il serait incompréhensible que ne puissent figurer les dispositions essentielles à l'information et, donc, au contrôle du Parlement ;

sur le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution pour les excellents motifs rappelés par le rapport de l'Assemblée nationale ;

et sur la compétence du législateur organique pour préciser la substance des articles XIV et XV de la Déclaration de 1789.

C'est au regard de ces considérations essentielles qu'il convient d'interpréter le présent article comme constituant l'organisation procédurale, particulière aux questionnaires issus du Parlement, d'une obligation, et par symétrie, de prérogatives tout à fait générales.

Dans ces conditions, votre rapporteur, qui préfère la mention de l' examen des projets de loi de finances plutôt que celle de leur vote , pour des raisons liées à l'histoire de notre jurisprudence constitutionnelle, n'aurait pas craint que cet amendement à caractère purement rédactionnel puisse mettre en cause la validité constitutionnelle du présent article.

Par souci de conciliation avec l'Assemblée nationale, il juge possible de procéder à une double référence, visant l'examen et le vote des lois de finances.

2. Les questionnaires parlementaires relatifs aux lois de finances sont susceptibles de trouver des fondements juridiques en dehors du présent article

Les fondements juridiques du présent article, sont tellement éminents qu'ils emportent, pour l'administration, aux yeux de votre rapporteur, une obligation générale de réponse, quelle que soit l'origine, parlementaire ou citoyenne, des questions adressées à elle et quelle que soit l'occasion, lois de finances ou autres, de ces questionnaires.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 38

Les documents joints au projet de loi de finances de l'année

Commentaire : le présent article a pour objet de décrire les documents joints au projet de loi de finances de l'année et de déterminer leur nature juridique.

Le présent article énumère les « exigences minimales d'information » devant être fournies avec le projet de loi de finances initiale que le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, Didier Migaud, a souhaité établir. Il complète et enrichit les informations prévues à l'article 32 de l'ordonnance organique n°59-2 du 2 janvier 1959.

Votre rapporteur a souhaité regrouper dans un titre spécifique les dispositions de la présente proposition de loi organique relatives à l'information et au contrôle. Ce choix, qui vise d'une part, à assurer une plus grande cohérence d'ensemble au texte, et d'autre part, à affirmer de manière forte les exigences en matière d'information et de contrôle, conduit à déplacer certains articles du texte adopté par l'Assemblée nationale. C'est la seule raison qui le conduit à vous proposer la suppression du présent article.

Votre rapporteur n'exprime pas de désaccord avec les demandes d'information présentées, mais, bien au contraire, souhaite étendre quelque peu certaines des exigences formulées par le présent article.

I. LE RAPPORT SUR LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES, SOCIALES ET FINANCIÈRES DE LA NATION

Le 1° du présent article prévoit que le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'un rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation, qui modifie l'appellation mais conserve l'objet et le contenu du Rapport économique et financier prévu par le deuxième alinéa de l'article 32 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959. Votre rapporteur souhaite enrichir les informations qu'il contient. Par conséquent, il vous propose d'inscrire les dispositions le concernant dans un article spécifique, afin d'en affirmer l'importance et le caractère général relativement aux autres annexes mentionnées par le présent article. Dans un article additionnel qu'il vous propose d'insérer après l'article 48, votre rapporteur souhaite ainsi préciser que ce rapport comprend :

la présentation des hypothèses, des méthodes et des résultats des projections sur la base desquelles est établi le projet de loi de finances de l'année ;

une présentation actualisée de certaines informations délivrées à l'occasion du rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, soit, en particulier :

- la description des grandes orientations économiques de la France (...) et les perspectives d'évolution à moyen terme des comptes de l'ensemble des administrations publiques exprimés dans les termes de la comptabilité nationale ;

- l'évaluation à moyen terme, exercice par exercice, des différentes catégories de ressources de l'Etat ainsi que de ses charges, présentées par mission.

enfin, seraient joints à cette annexe les rapports sur les comptes de la Nation qui comportent une présentation des comptes des années précédentes et des comptes prévisionnels pour l'année en cours et l'année suivante (les budgets économiques).

L'enrichissement du contenu du rapport sur la situation et les perspectives économiques sociales et financières de la Nation vise à en faire, encore davantage que ce n'est le cas aujourd'hui, le support de la discussion générale du projet de loi de finances initiale dans les deux assemblées.

II. LES PRÉSENTATIONS DU BUDGET DE L'ÉTAT PERMETTANT DE MIEUX CONTRÔLER L'ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

Le 2° du présent article prévoit que le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'une présentation de l'équilibre du projet de loi de finances selon la structure budgétaire de l'année en cours. Cette disposition doit permettre d'établir des comparaisons sur plusieurs années des crédits ouverts au sein des différents programmes, à structure constante. Sous réserve d'une modification de la rédaction de cet alinéa, votre rapporteur considère qu'une telle présentation est indispensable pour permettre aux parlementaires d'évaluer correctement les modifications de la répartition des moyens entre les différents programmes.

Le 3° du présent article prévoit qu'une ventilation des dépenses et des recettes de l'Etat en une section d'investissement et une section de fonctionnement soit présentée à titre d'information. Votre rapporteur s'accorde pleinement avec l'idée qu'il est indispensable de bénéficier d'une telle information mais qu'il est également peu opportun d'appliquer à l'Etat la contrainte d'équilibre de la section de fonctionnement et de la section d'investissement que les collectivités territoriales sont tenues de respecter.

On rappellera, ainsi que le mentionne le rapport de l'Assemblée nationale, que notre collègue Jean Arthuis alors ministre de l'économie et des finances, avait présenté le budget de l'Etat dans les formes requises par le présent alinéa, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire organisé à son initiative en mai 1996.

Les raisons qui conduisent à écarter l'application d'une contrainte d'équilibre entre la section de fonctionnement et la section d'investissement au budget de l'Etat sont nombreuses. D'une part, il convient de rappeler que la distinction entre les opérations de fonctionnement et les opérations d'investissement n'est pas toujours évidente. Cette difficulté technique implique d'ailleurs que la présentation prévue au 3° du présent article soit accompagnée d'une définition précise de cette distinction et d'une mention des modifications qui y seraient éventuellement apportées d'une année sur l'autre. La permanence des règles et des méthodes constitue en effet une condition indispensable pour permettre des comparaisons sur plusieurs années.

Il faut surtout rappeler l'existence de contraintes européennes importantes pesant sur les finances publiques françaises et visant à assurer la soutenabilité de la politique budgétaire et de la dette publique. Il paraît excessif de renforcer ces contraintes en édictant dans la loi organique des règles qui relèvent exclusivement du champ de la décision politique. Votre rapporteur considère que la liberté consentie au gouvernement par le peuple souverain, par l'intermédiaire de ses représentants, se justifie pleinement dès lors qu'elle est assortie d'une obligation de rendre des comptes et d'assurer la transparence de ses décisions. Votre rapporteur estime que le dispositif prévu au 3° du présent article s'inscrit parfaitement dans cette logique.

III. LES IMPOSITIONS DE TOUTE NATURE AFFECTÉES A DES TIERS

Le 4° du présent article prévoit qu'une annexe explicative relative aux recettes de l'Etat et aux impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat est jointe aux projets de loi de finances. Cette annexe consacre l'existence de l'annexe explicative relative à l' « évaluation des voies et moyens ».

Le rapport de l'Assemblée nationale 98 ( * ) indique que le rapporteur du texte, notre collègue député Didier Migaud, avait envisagé que la première partie de la loi de finances de l'année « récapitule le produit des impositions de toute nature affectées aux organismes de sécurité sociale » pour mettre en évidence les relations financière entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale. Il indique avoir renoncé à cette idée compte tenu de l'avis du Conseil d'Etat qui souligne que l'article 34 de la Constitution « n'habilite pas la loi organique relative aux lois de finances à imposer que les dispositions législatives relatives à l'affectation des impositions de toutes natures soient contenues dans les lois de finances, mais rien ne l'empêche de prévoir que, pour l'information du Parlement, la récapitulation des impositions de toutes natures est annexée au projet de loi de finances. ».

Votre rapporteur, moyennant quelques nuances, ne peut que se rallier à cette appréciation de la situation, après avoir, lui aussi, envisagé de faire figurer dans la loi de finances, l'ensemble des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'Etat et les collectivités territoriales. Le dispositif retenu par l'Assemblée nationale présente l'avantage de respecter le champ de l'habilitation donnée aux lois de finances par l'article 34 de la Constitution, ainsi que le champ de la loi de financement de la sécurité sociale. En outre, dès lors que la loi de finances autorise la perception des impositions de toute nature, et que celles-ci sont détaillées et autorisées dans une annexe explicative, rien n'empêchera les parlementaires d'amender l'article unique autorisant la perception de toutes les impositions de toute nature afin d'en extraire telle ou telle imposition qui ne leur semblerait pas justifiée.

Votre rapporteur vous proposera donc de conserver le dispositif retenu par l'Assemblée nationale, sous réserve de quelques ajustements et de modifications de nature rédactionnelle tendant notamment à préciser la rédaction de cet alinéa en mentionnant que l'annexe explicative visée ici comporte la liste et l'évaluation des impositions de toute nature par bénéficiaire ou catégorie de bénéficiaires.

IV. LES ANNEXES PAR PROGRAMME

Le 5° du présent article prévoit que des annexes explicatives développent, pour chaque programme, le montant des crédits présentés par titre et fixant, par ministère, le plafond des autorisations d'emplois. Il s'agit de la consécration, dans la loi organique, des actuelles annexes explicatives « bleues », qui déclinent les unités de vote en unités de spécialité (les chapitres), et regroupent ainsi les informations sur la base desquelles les parlementaires sont en mesure d'autoriser la dépense. La rédaction retenue par l'Assemblée nationale vise à demander pour chaque programme, la présentation des crédits selon une nomenclature plus détaillée que celle des titres prévue à l'article 4 de la présente proposition de loi organique. Il s'agit en quelque sorte de connaître, pour chaque programme, le « budget prévisionnel » de son gestionnaire. Cette information est importante à plusieurs titres : d'une part, le passage d'une logique de moyens à une logique d'objectifs ne doit pas occulter tout débat et toute appréciation sur les moyens utilisés pour atteindre les objectifs ; d'autre part, les gestionnaires des programmes effectueront pour leur propre compte, et dans le cadre des négociations internes à l'exécutif pour la préparation du projet de loi de finances, des prévisions de dépense précises. Dès lors que ces documents existeront, il apparaît souhaitable de formaliser leur existence et de prévoir leur communication au Parlement.

Le développement des crédits des programmes, qui relève d'une logique de moyens, sera accompagné de projets annuels de performances, qui constituent une innovation importante de la présente proposition de loi organique, dans le cadre de la mise en oeuvre d'une budgétisation par objectifs. En contrepartie de la globalisation des crédits et de la liberté de gestion accordée au gestionnaire, celui-ci devra s'engager sur des objectifs et des résultats et rendre compte, à l'issue de l'exercice, de sa performance au regard des objectifs et des indicateurs qui sont associés à chaque programme. De ce point de vue, les projets annuels de performances ne peuvent être appréciés que conjointement avec les rapports annuels de performances qui en constituent le pendant à l'occasion de la loi de règlement.

Le rapporteur de la présente proposition de loi organique à l'Assemblée nationale, notre collègue député Didier Migaud, précise que le contenu des projets annuels de performance ne préjugent nullement d'aménagements ultérieurs qui pourraient être précisés par les lois de finances. Votre rapporteur s'accorde avec l'idée selon laquelle les projets annuels de performance sont, à partir des dispositions contenues dans le présent article, susceptibles d'évoluer, à l'initiative du gouvernement ou du Parlement. Les actuelles annexes explicatives « bleues » ont ainsi été réformées à plusieurs reprises, notamment pour introduire puis enrichir le concept d'agrégat au cours des dernières années. Il est donc souhaitable de ne pas fermer la porte à un éventuel enrichissement des projets annuels de performances à l'avenir.

Le contenu « a minima » des projets annuels de performances est énuméré dans le 5° du présent article. Ainsi, pour chaque programme, ces projets doivent comprendre :

a) les objectifs, les résultats, les indicateurs et les coûts associés. Il s'agit ici des éléments constitutifs de la définition du programme à l'article 7, dont le texte adopté par l'Assemblée nationale indique qu'il comprend « les crédits concourant à la réalisation d'un ensemble cohérent d'objectifs définis en fonction de finalités d'intérêt général et de résultats attendus. ». Votre rapporteur souhaite préciser les modalités de calcul des coûts associés aux programmes en mentionnant dans un nouvel alinéa que ces coûts sont mesurés par les dépenses budgétaires et fiscales constatées et les charges établies selon les règles de la comptabilité générale de l'Etat. Il s'agit de s'assurer que les projets annuels de performance -tout comme les rapports annuels de performance qui sont annexés aux projets de loi de règlement- présentent les coût complets des actions prévues dans le cadre des différents programmes.

b) la justification de l'évolution des crédits demandés par rapport au montant des dépenses effectives observées au cours de l'année n-1 et des crédits ouverts au cours de l'année n , éventuellement majorés des crédits reportés, ainsi que leur perspective d'évolution.

Votre rapporteur souhaite conserver ce dispositif, qui contraint le gouvernement à justifier le montant des crédits qu'il propose pour chaque programme. En effet, la distinction entre les mesures nouvelles et les services votés disparaîtra dans la présentation des lois de finances régies par la nouvelle loi organique. Il reviendra donc au gouvernement de justifier chaque année le montant des crédits demandés au Parlement « au premier franc » , en développant les justifications des modifications apportées par rapport aux années précédentes.

c) la répartition prévue des emplois rémunérés par l'Etat, titulaires ou contractuels, par catégorie et par métier.

Votre rapporteur considère, comme le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, qu'il est indispensable d'abandonner le cloisonnement actuel de l'autorisation annuelle en matière d'emplois. Cet abandon permettra également de traiter de l'ensemble des emplois rémunérés par l'Etat, qu'ils soient fonctionnaires ou contractuels, dans le cadre de l'information fournie au Parlement. En revanche, votre rapporteur n'a pas souhaité conserver la mention des corps dans le présent alinéa. Il considère en effet que, d'une part, la mention du corps d'origine du fonctionnaire n'a qu'un faible contenu informatif pour le Parlement, dès lors que les corps ne correspondent que partiellement à un niveau de qualification ou à une réalité physique ; d'autre part, votre rapporteur estime qu'il ne revient pas à la loi organique de figer la gestion des ressources humaines au sein de l'administration. Sans se prononcer sur l'utilité du maintien des corps tels qu'ils existent actuellement, votre rapporteur estime qu'il convient de limiter les entraves mises par la loi organique à d'éventuelles réformes de la gestion des personnels dans la fonction publique. La mention du métier, terme générique qui doit être entendu largement, doit permettre de bénéficier d'une information plus consistante et plus évolutive que la référence à la notion de corps, à la fois trop précise et pauvre en informations.

d) une estimation des crédits susceptibles d'être ouverts par voie de fonds de concours pour l'année en cours et l'année considérée.

Votre rapporteur est conscient du caractère relativement aléatoire des crédits ouverts par voie de fonds de concours. Mais, dès lors que les crédits des fonds de concours ne peuvent être engagés qu'après leur versement effectif, on distingue mal les raisons qui pourraient conduire à dispenser le gouvernement d'en évaluer le produit et l'affectation dans les projets de loi de finances.

Dans son rapport intitulé « Doter la France de sa nouvelle constitution financière » 99 ( * ) , il indiquait que « dans les faits, la quasi-totalité des fonds de concours est prévisible, une part essentielle d'entre eux venant d'ailleurs des versements en provenance du budget européen.

Il faut en tirer les conséquences et affirmer que, non seulement les fonds de concours constituent l'une des catégories de ressources de l'Etat dont la perception est autorisée par les lois de finances, mais encore que leur produit doit être évalué dans les lois de finances, ainsi que les crédits qui en sont la contrepartie. ».

Votre rapporteur a donc souhaité que les fonds de concours soient évalués par la loi de finances initiale et vous a proposé d'insérer à l'article 18 de la présente proposition de loi organique, que « les recettes des fonds de concours sont prévues et évaluées par la loi de finances de l'année, qui ouvre les crédits correspondants. ». Par conséquent, il vous propose de supprimer la mention des fonds de concours dans les annexes devant être jointes au projet de loi de finances de l'année.

e) l'échéancier des crédits de paiement associés aux autorisations d'engagement.

La présente proposition de loi organique combine, comme l'ordonnance du 2 janvier 1959, un élément de pluriannualité - les autorisations d'engagement - avec un respect du principe de vote annuel des crédits par le Parlement - les crédits de paiement -. A l'instar du 2° de l'article 32 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, le présent alinéa prévoit qu'une annexe au projet de loi de finances initiale présente l'échéancier des crédits de paiement associé aux autorisations d'engagement.

Le 6° du présent article précise le contenu de l'annexe explicative relative aux comptes annexes jointe aux projets de loi de finances, en reprenant les dispositions du 3° de l'article 32 de l'ordonnance du 2 janvier 1959. Il prévoit que des plans annuels de performance seront présentés pour les comptes annexes dotés de crédits. Votre rapporteur propose de modifier cette rédaction afin de mentionner les budgets annexes et les comptes spéciaux qu'il souhaite voir conservés.

Le 7° du présent article reprend les dispositions du dernier alinéa de l'article 32 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui prévoit l'existence des annexes « jaunes » qui sont distribuées avec le projet de loi de finances, afin d'assurer la bonne information du Parlement.

Enfin, le dernier alinéa du présent article prévoit que le projet loi de finances de l'année est accompagné d'une évaluation de l'incidence financière de chacune de ses dispositions, au titre de l'année considérée, et le cas échéant, des années ultérieures. Votre rapporteur est attaché à ce que les parlementaires puissent disposer d'une évaluation du coût des mesures proposées par le gouvernement sur plusieurs années et a souhaité inscrire cette disposition dans un article spécifique qu'il vous proposera d'insérer après l'article 48, indiquant que « chacune des dispositions d'un projet de loi de finances affectant les ressources ou les charges de l'Etat fait l'objet d'une évaluation chiffrée de son incidence au titre de l'année considérée et, le cas échéant, des années suivantes ». On voit en effet mal les raisons qui justifient de limiter l'application d'une telle obligation d'information à la seule loi de finances de l'année.

Compte tenu de la réorganisation du texte qu'il vous propose, afin de regrouper dans un seul chapitre l'ensemble des dispositions relatives à l'information du Parlement, votre rapporteur vous propose de supprimer le présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer le présent article.

ARTICLE 39

Le dépôt du projet de loi de finances de l'année et de ses annexes

Commentaire : le présent article précise les dates de dépôt du projet de loi de finances de l'année et des annexes qui l'accompagnent.

Le premier alinéa de l'article 38 de l'ordonnance n° 59-2 portant loi organique relative aux lois de finances a prévu le régime du dépôt du projet de loi de finances de l'année et des annexes explicatives qui l'accompagnent, ainsi que son renvoi à une commission parlementaire.

Ainsi, le projet de loi de finances de l'année doit être déposé et distribué à l'Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d'octobre précédant l'année de son exécution, comme le prévoit l'article 47 de la Constitution. Ce dépôt doit être accompagné de celui des annexes explicatives (bleus budgétaires). Ce dépôt commande la mise en oeuvre des délais fixés par l'article 47 de la Constitution pour l'examen du projet de loi de finances.

La pratique et la jurisprudence du Conseil constitutionnel sont venues préciser cette disposition : les documents sont le plus souvent déposés et distribués avant le 1 er octobre, et un retard de distribution de quelques jours n'entraîne pas l'annulation d'une loi de finances, dès lors qu'il n'a pas entravé l'examen du texte 100 ( * ) . Il revient, en pratique, au gouvernement de s'assurer que les documents soient bien mis à la disposition des parlementaires avant le premier mardi d'octobre, même si les délais d'impression peuvent retarder leur distribution généralisée.

Ces dispositions posent cependant quelques problèmes d'application auxquels l'Assemblée nationale a souhaité remédier. Le premier, qui ne s'est jamais produit, a trait à la commission parlementaire saisie du texte. L'Assemblée nationale a ainsi prévu d'inscrire dans la loi organique la compétence de droit de la commission des finances pour examiner le projet de loi de finances de l'année. Cette précision pourrait sembler contrevenir aux dispositions de l'article 43 de la Constitution sur les commissions spéciales et permanentes. Cependant, le rapport de l'Assemblée nationale justifie cet ajout par l'habilitation constitutionnelle des articles 34 et 47 101 ( * ) : la loi organique relative aux lois de finances devant préciser les modalités de discussion des ressources et des charges de l'Etat, il paraît naturel qu'elle comporte des dispositions relatives à la commission compétente. Par ailleurs, ce renvoi de droit à la commission chargée des finances semble la solution la mieux à même d'assurer un plein respect des délais constitutionnels prévus pour l'examen du projet de loi de finances. Les délais de constitution d'une commission spéciale risqueraient en effet d'empiéter fâcheusement sur ces derniers. L'adverbe « immédiatement » de l'article 38 de la présente ordonnance organique recouvre d'ailleurs bien cette nécessité de ne pas perdre de temps avant d'engager l'examen du projet de loi de finances.

Le second problème tient à la distinction entre les annexes explicatives - pour lesquelles les délais de l'actuel article 38 s'appliquent - et les annexes générales - sur les délais de dépôt desquels l'actuelle ordonnance organique est muette.

A de trop nombreuses reprises en effet, l'Assemblée nationale a examiné et adopté des crédits de ministères sans disposer des annexes générales (les « jaunes ») pourtant prévues pour éclairer la discussion. Il est même arrivé que le Parlement ne reçoive de telles annexes générales qu'une fois terminée la première lecture du texte. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a prévu un délai de dépôt de ces annexes, fixé à cinq jours francs avant l'examen des crédits de recettes correspondants.

Enfin, l'Assemblée nationale ayant augmenté la liste des documents annexés au projet de loi de finances de l'année, elle a étendu à ces derniers les délais de dépôt et de distribution.

Votre rapporteur partage en tous points l'ensemble de cette argumentation. Il tient d'abord à préciser l'importance que revêtent à ses yeux ces délais. Les documents auxquels ils s'appliquent, outre le texte même du projet de loi de finances de l'année, constituent des éléments essentiels au bon déroulement de l'examen et à l'exercice du contrôle par le Parlement. En conséquence, leur non respect s'apparente à une entrave à la procédure parlementaire, et le retard correspondant ne saurait s'imputer sur les délais constitutionnels d'examen du texte. Ces derniers doivent donc commencer à courir à compter de la distribution de la dernière annexe explicative et, éventuellement, être suspendus en cas de retard par rapport aux délais prévus pour les annexes générales, faute de quoi il serait loisible au gouvernement d'entraver la procédure parlementaire.

S'agissant des trois modifications apportées par l'Assemblée nationale (la liste des annexes explicatives, la désignation de la commission compétente et l'instauration d'un délai pour les annexes générales), votre rapporteur soutient en tous points le raisonnement de l'Assemblée nationale et ne vous proposera qu'un amendement de coordination sur le renvoi aux articles énumérant les documents joints au projet de loi de finances de l'année.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 40

Les documents joints aux projets de loi de finances rectificative

Commentaire : le présent article a pour objet de prévoir que seront annexés aux projets de loi de finances rectificative des tableaux récapitulant les mouvements de crédits intervenus par voie réglementaire en cours d'année.

Le présent article reprend la première partie de l'article 25 de la loi de finances rectificative pour 1974 qui dispose que les textes réglementaires pris en vertu de l'ordonnance organique n°59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances et qui modifient la répartition des crédits telle qu'elle résulte de la loi de finances initiale, doivent être annexés sous forme de tableaux récapitulatifs au plus prochain projet de loi de finances suivant leur promulgation ou, à défaut, au rapport déposé en vertu de l'article 38 de ladite ordonnance. Il s'agit, à l'occasion de l'examen des lois de finances rectificative, d'informer les membres du Parlement sur les modifications apportées par voie réglementaire au budget voté en loi de finances initiale. Ces modifications des crédits ouverts en loi de finances initiale résultent des décrets de répartition des crédits globaux, des virements et des transferts de crédits, ainsi que des décrets d'annulation.

Votre rapporteur partage le souci de bonne information du Parlement qui justifie l'obligation pour le gouvernement de présenter l'annexe prévue par le présent article pour tout projet de loi de finances rectificative. Il souhaite cependant modifier ce dispositif, et faire en sorte que le Parlement puisse ratifier les modifications de crédits et non seulement en être informé. Par conséquent, il vous a proposé d'insérer un article additionnel après l'article 34 disposant que « toutes les modifications de crédits opérées par voie administrative en vertu des dispositions de la présente loi organique sont soumises à la ratification du Parlement dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'exercice concerné ». Dès lors, votre rapporteur considère que l'objectif du présent article est satisfait par l'article additionnel qu'il a souhaité insérer après l'article 34.

On rappellera par ailleurs que le texte transmis par l'Assemblée nationale prévoit que les virements et transferts sont effectués par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, après information des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances. Il en va de même pour les décrets d'avance pris sur avis du Conseil d'Etat, après avis de ces commissions. Enfin, votre rapporteur propose d'insérer, à l'article 15 de la présente proposition de loi organique, une disposition prévoyant que « tout acte, quelle qu'en soit la nature, ayant pour objet ou pour effet de mettre en réserve des crédits, est communiqué aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ». Cette disposition vise les actes non publiés au Journal officiel , soit, pour l'essentiel, les instructions données par le ministère de l'économie et des finances aux contrôleurs financiers, ayant pour objet de « geler » une part forfaitaire des crédits ouverts par la loi de finances initiale. L'ensemble de ces mesures vise à assurer une bonne information sur l'exécution budgétaire, et à éviter que le gouvernement ne puisse s'affranchir de l'autorisation donnée par le Parlement sans que celui-ci n'ait à donner son accord à une telle modification. Il ne s'agit pas d'empêcher le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d'adapter la gestion des crédits en fonction des contraintes d'exécution et de l'évolution de la conjoncture économique.

Il s'agit, en revanche, de fournir au Parlement l'information nécessaire au bon suivi de l'exécution budgétaire et de lui permettre de ratifier les modifications substantielles qui sont apportées par le gouvernement aux crédits votés en lois de finances.

Le Parlement doit en effet être en mesure de se prononcer sur des annulations massives de crédits ou une mise en réserve de ceux-ci, qui intervient parfois dès le début de l'année.

Votre rapporteur entend préciser que le gouvernement ne doit pas voir dans ces demandes une contrainte supplémentaire. Au contraire, les mouvements budgétaires et, singulièrement, ceux relatifs à la régulation, gagneraient en autorité et en compréhension à s'effectuer ainsi dans la clarté et la transparence. Il serait dangereux de voir dans un acte de démocratie - l'information du peuple par la voie de ses représentants - un frein à l'action gouvernementale alors qu'il s'agit, en réalité, d'un soutien qui lui est accordé.

Décision de votre commission : votre commission vous propose de supprimer le présent article.

ARTICLE 41

Les délais de vote du projet de loi de finances de l'année et des projets de loi de finances rectificative

Commentaire : le présent article fixe les délais de vote des projets de loi de finances de l'année et rectificative.

L'article 47 de la Constitution, précisé par l'article 39 de l'ordonnance organique, prévoit des conditions très strictes pour l'examen des projets de loi de finances. Celles-ci se justifient par les difficultés rencontrées, sous les III e et IV e Républiques, pour voir adopter un budget avant le début de son exercice d'exécution. Ainsi l'Assemblée nationale dispose-t-elle depuis 1959 de 40 jours et le Sénat de 15 jours (20 jours si l'Assemblée a respecté son propre délai) pour l'examen de première lecture, et le Parlement dans son entier de 70 jours pour adopter le texte, faute de quoi les procédures de l'article 44 de l'actuelle ordonnance organique s'appliquent. Par ailleurs, la procédure d'urgence de l'article 45 de la Constitution s'applique de droit.

Ces conditions strictes ont été atténuées par le Conseil constitutionnel. Il a d'abord autorisé l'assouplissement des délais d'examen, portés de 15 à 20 jours en 1971, par le Sénat, en première lecture, en considérant que le délai de 15 jours s'entend seulement en cas d'absence de respect par l'Assemblée nationale des 40 jours qui lui sont impartis 102 ( * ) . Il a ensuite exclu les lois de règlement de l'application de ce dispositif, qu'il s'agisse des délais de vote en première lecture 103 ( * ) , ou de la procédure d'urgence 104 ( * ) . Enfin, il a estimé que le gouvernement pouvait accepter de laisser quelques jours supplémentaires à l'Assemblée nationale, du moment que ce délai supplémentaire n'ampute pas celui dont dispose le Sénat 105 ( * ) .

L'Assemblée nationale a repris le dispositif de l'article 39 de l'actuelle ordonnance organique en précisant, par l'insertion du présent article au chapitre premier du titre III relatif aux seuls projets de loi de finances de l'année et projets de loi de finances rectificatives, son application au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, c'est-à-dire en y soumettant la loi de finances de l'année et les lois de finances rectificatives, mais pas la loi de règlement.

Votre rapporteur comprend cette reproduction du texte de 1959, éclairé par la jurisprudence constitutionnelle. Il s'interroge cependant sur trois points.

Le premier porte sur la compatibilité entre la revalorisation forte de la loi de règlement prévue dans la présente proposition de loi organique et l'absence de délais pour son examen et son vote. Il ne lui semble donc pas opportun d'exclure la loi de règlement du champ d'application de l'article 47 de la Constitution et du présent article 41, et considère que la fixation de délais stricts incitera le Parlement à examiner et voter le projet de loi de règlement d'une année n-1 avant l'examen du projet de loi de finances de l'année n+1. Il vous proposera en conséquence de déplacer cet article dans le chapitre relatif aux dispositions communes pour le rendre applicable aussi aux lois de règlement. 106 ( * )

La seconde interrogation porte sur l'articulation entre les délais constitutionnels de l'article 47 et les prérogatives gouvernementales en matière de fixation de l'ordre du jour de l'article 48. Trop souvent en effet, le gouvernement a inscrit à l'ordre du jour, au milieu de la discussion du projet de loi de finances, des textes dont l'examen a conduit à restreindre les délais constitutionnels. C'est notamment le cas du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vient chaque année prendre plusieurs jours sur l'examen du projet de loi de finances. Votre rapporteur considère que ces entraves mises par le gouvernement ne sont pas acceptables dans leur principe. Les délais de l'article 47 ne constituent en effet pas seulement une protection des prérogatives financières gouvernementales contre d'éventuelles discussions dilatoires de la part du Parlement. Ils doivent aussi se comprendre comme un délai plein et entier dont doit disposer le Parlement pour l'examen du projet de loi de finances de l'année. Votre rapporteur ne vous proposera cependant pas d'amender sur ce point la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale. Il tient cependant à indiquer qu'il lui semblerait indispensable que le juge constitutionnel porte, à l'avenir et en cas d'entrave manifeste, un jugement sur les conditions dans lesquelles le Parlement aura pu, ou non, disposer des délais mis à sa disposition par l'article 47 de la Constitution.

Le troisième point sur lequel votre rapporteur souhaite se pencher porte sur la nature juridique de l'ordonnance prévue au dernier alinéa. Faute de précision contraire du texte constitutionnel sur ce point, il lui semble que la nature et le régime d'une telle ordonnance devraient s'assimiler à ceux des ordonnances de l'article 38 de la Constitution.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

ARTICLE 42

Les conditions de la discussion de la seconde partie
des projets de loi de finances

Commentaire : le présent article précise les conditions de passage à la discussion de la seconde partie des projets de finances.

Le présent article reprend les dispositions de l'article 40 de l'actuelle ordonnance organique qui s'inscrivait dans l'esprit de l'article 50 du décret du 19 juin 1956. Il s'agit de subordonner l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances de l'année et, le cas échéant, du projet de loi de finances rectificative, à l'adoption de la première partie. Le texte adopté par l'Assemblée nationale adapte la rédaction de l'ordonnance de 1959 sur deux points, pour prendre acte de la jurisprudence constitutionnelle.

La première adaptation concerne le remplacement des termes « vote de la première partie » figurant dans l'ordonnance, par les termes « adoption de la première partie ». En 1979, le Conseil constitutionnel a considéré qu'un vote sur la première partie (en l'occurrence un rejet) ne pouvait s'assimiler à un vote de celle-ci et avait, pour ce motif, annulé la loi de finances pour 1980 107 ( * ) . Le présent article retient donc la formulation explicite de l'adoption, ainsi que l'avaient fait les règlements des Assemblées.

La seconde modification tient compte de la décision du Conseil constitutionnel, en 1992, de considérer que l'article 40 de l'ordonnance s'applique aussi aux projets de loi de finances rectificatives lorsque ces dernières, qui doivent être présentée « en partie ou en totalité » dans les mêmes formes que la loi de finances initiale, comportent deux parties 108 ( * ) .

Votre rapporteur considère que cet article doit faire l'objet d'un vrai débat.

Les différentes exigences posées par cet article (adoption des recettes, puis fixation du déficit, puis adoption des dépenses) tendent à donner une dimension responsabilisante aux discussions budgétaires que votre rapporteur n'entend pas remettre en cause. Il lui semble en effet essentiel que les parlementaires définissent les recettes de l'Etat et le niveau, à leurs yeux admissible, du déficit budgétaire avant d'adopter ou de rejeter les crédits. Cependant, l'interdiction faite d'en discuter, en cas de rejet de la première partie, n'apparaît pas comme la conséquence nécessaire de cet enchaînement. En effet, réorientés vers les objectifs et les résultats des programmes, les débats sur les crédits revêtiront dans l'avenir une portée politique plus forte que les discussions actuelles sur les moyens des ministères. Dans ces conditions, autoriser une discussion sans vote des différents programmes aurait certainement pu se justifier. Conditionner cette discussion à l'adoption de la première partie anéantit la faculté du Parlement de débattre sans vote. En ressort privilégiée une conception qui, pour être réellement responsabilisante, suppose que l'équilibre budgétaire voté en première partie ne soit pas totalement dénué de sens. Votre rapporteur remarque qu'il n'existe au demeurant aucune obligation constitutionnelle pesant sur le législateur organique en la matière.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le Conseil constitutionnel distinguait bien dans sa jurisprudence de 1979 les dispositions de la première partie, qui constituent sa raison d'être et sont indispensables pour qu'elle puisse remplir son objet (autorisation de perception, article d'équilibre, autorisation d'emprunt, plafonds de dépenses) des autres. Votre rapporteur souhaite ainsi que l'application du présent article, malgré l'indétermination de l'ensemble des dispositions de la première partie, s'inspire de cette dernière jurisprudence. Cela devrait permettre de résoudre un certain nombre de difficultés comme celles pouvant résulter d'une adoption d'ensemble de la première partie alors que certains des articles essentiels qui le composent auraient pu être rejetés.

Malgré ces remarques, votre rapporteur n'entend cependant pas remettre en question cet article, qui témoigne d'un souci légitime de responsabilisation des parlementaires vis-à-vis des finances publiques.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 43

Les conditions de vote des recettes, des dépenses et des plafonds des autorisations d'emplois

Commentaire : le présent article fixe les conditions dans lesquelles sont votés les recettes, les dépenses et les plafonds des autorisations d'emplois pour le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux.

Les particularités des lois de finances quant au nombre des votes comme aux modalités de discussion justifient l'aménagement d'un régime particulier pour les votes de leurs principales dispositions. Le présent article reprend ainsi les dispositions prévues par l'article 41 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959, en innovant sur chacune des catégories de votes. Votre rapporteur vous en proposera une nouvelle organisation conforme à l'idée qu'il se fait des futures discussions des lois de finances.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LE VOTE DES RECETTES

L'ordonnance organique prévoit des votes d'ensemble pour les évaluations de recettes du budget général, celles de chaque budget annexe et celles de chaque catégorie de comptes spéciaux du Trésor. La pratique actuelle s'est écartée de la lettre du texte puisque les parlementaires se prononcent par un vote unique sur l'ensemble des recettes, qu'il s'agisse des recettes budgétaires, des prélèvements sur recettes, des fonds de concours ou des recettes affectées aux budgets annexes et aux comptes spéciaux.

L'Assemblée nationale, dans le premier alinéa du présent article, a souhaité « aligner le droit sur les faits » 109 ( * ) et prévoir un vote d'ensemble pour toutes les évaluations de recettes, qu'il s'agisse de celles du budget général ou de celles des comptes annexes (les budgets annexes étant supprimés). L'état annexé prévu à l'article 31 récapitule ces recettes et un parlementaire souhaitant, par exemple, refuser une affectation, pourra toujours le faire en amendant cet état.

B. LE VOTE DES DÉPENSES

L'ordonnance organique a séparé le vote sur les services votés, qui se fait de manière unique, des votes sur les « autorisations nouvelles », qui devraient se faire « par titre et à l'intérieur d'un même titre par ministère ». Il s'agit dans ce cas des « mesures nouvelles » qui apportent des modifications aux services votés. Là aussi, la pratique s'est affranchie de la lettre de l'ordonnance puisque, d'une part, les votes sur les mesures nouvelles précèdent celui sur les services votés, et d'autre part, les mesures nouvelles sont examinées par ministère, voire par section de ministère, puis par titre, et non l'inverse. La logique du vote par titre était d'organiser des discussions transversales, mais dès l'examen du projet de loi de finances pour 1960, les ministres comme les parlementaires souhaitant retrouver les schémas du passé, il lui fut préférée une discussion et des votes par ministère. Les états B et C annexés récapitulent les votes intervenus. Malgré cet affranchissement au texte organique, le système a permis de réduire le nombre de votes à un chiffre compris entre 100 et 200 selon la nomenclature ministérielle, au lieu du décuple sous les républiques précédentes.

Par ailleurs, l'ordonnance prévoit un vote des dépenses des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor par budget annexe et par catégorie de comptes avec, le cas échéant, des votes par titre.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale apporte des modifications substantielles à cette architecture.

S'agissant des crédits des ministères, le deuxième alinéa du présent article prévoit un vote par ministère et par mission, qui porte sur les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.

S'agissant des comptes annexes (les budgets annexes ayant disparu), le troisième alinéa du présent article prévoit un vote des crédits ou des découverts par catégorie de comptes.

Le rapporteur à l'Assemblée nationale de la proposition de loi organique, notre collègue député Didier Migaud, justifie le choix de la mission comme unité de vote par le fait que celle-ci soit devenue, à l'article 7, « la première structure à l'intérieur de l'ensemble des crédits d'un ministère » 110 ( * ) . Il fait remarquer que ce système se démarque radicalement du mécanisme actuellement en vigueur :

• par la suppression des services votés et donc un vote portant sur le premier euro;

• par le changement de nature du vote, qui passe d'une décision d'attribution de moyens à l'approbation des politiques et des objectifs reflétés par les programmes cohérents que regroupera la mission.

Il estime entre 60 et 80 le nombre optimal de missions et entre 150 et 200 celui des programmes. Il prévoit par ailleurs la possibilité, comme aujourd'hui, d'un article de récapitulation.

Pour les comptes annexes, le texte adopté par l'Assemblée nationale apporte une exception à cette règle de vote par mission puisque, si chaque compte en constitue une, le vote s'effectue par catégorie de comptes afin d'en limiter le nombre.

C. LE VOTE DES PLAFONDS DES AUTORISATIONS D'EMPLOIS

L'article 7 de la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale a prévu de retenir le ministère comme unité de spécialité des plafonds des autorisations d'emplois. La seconde phrase du deuxième alinéa du présent article fait le choix d'une coïncidence entre l'unité de spécialité et l'unité de vote : seraient votés les plafonds des autorisations d'emplois par ministère en même temps que les crédits, ces plafonds faisant ultérieurement l'objet d'un article de récapitulation.

L'absence de tels plafonds pour les comptes se justifie par l'interdiction d'imputer des dépenses de personnel sur ceux-ci.

Ainsi, qu'il s'agisse des crédits ou des emplois, le texte du présent article fait le choix d'organiser la discussion de ces dispositions, en seconde partie de la loi de finances, autour des ministères, sur le même schéma que celui aujourd'hui à l'oeuvre. Votre rapporteur vous proposera d'adopter une démarche différente centrée autour des missions.

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

A. LE VOTE DES RECETTES

Votre rapporteur partage le souci de l'Assemblée nationale à la fois de réduire le nombre des votes et d'accorder le droit sur la pratique s'agissant des recettes. Mais il souhaite aussi tirer toutes les conséquences des dispositions nouvelles concernant les opérations de trésorerie et introduire un vote d'ensemble sur les ressources de trésorerie.

C'est pourquoi, sous réserve d'un amendement de précision rédactionnelle, il vous proposera d'ajouter ce nouveau vote dans le premier alinéa.

L'Assemblée nationale semble avoir considéré que le tableau de financement et le tableau d'équilibre mentionnés à l'article 31 ne faisant qu'un, malgré une séparation formelle dans la proposition de loi organique, le vote d'ensemble sur les recettes comprendrait alors les recettes budgétaires et les ressources de trésorerie. En pratique, cela reviendrait à gonfler l'état A d'une évaluation des différentes catégories de ressources de trésorerie.

Cependant, faute de précision sur ce point d'importance dans le corps de la proposition de loi organique, dans le rapport écrit et lors des débats à l'Assemblée, votre rapporteur souhaite définir précisément les modalités de vote des évaluations des ressources de trésorerie afin d'éviter de mauvaises interprétations de la lettre de la loi organique et de ses silences.

Il considère ainsi que, sans procéder à un vote par type de ressources, la représentation nationale doit se prononcer par deux votes séparés : le premier sur les évaluations des recettes budgétaires qui figurent dans le tableau d'équilibre avec un état annexé ; le second sur les évaluations des ressources de trésorerie qui figurent dans le tableau de financement, un état annexé retraçant le détail de ces évaluations.

B. LE VOTE DES DÉPENSES

Le choix de l'unité de vote des dépenses, comme celle des plafonds des autorisations d'emplois, constitue le seul point de la loi organique qui pourra prédéterminer la forme à venir des débats budgétaires de seconde partie. Votre rapporteur entend donc vous proposer une rédaction qui à la fois reflète sa vision des futurs débats et n'empêche aucune évolution de ceux-ci, à l'image de ce qui s'est passé dès 1959, si les parlementaires et les gouvernements s'accordaient pour la réaliser.

Il reviendra, dès la discussion de la première loi de finances du nouveau régime, vraisemblablement celle pour 2006, aux conférences des présidents de chacune des deux assemblées de décider de l'organisation des débats. Votre rapporteur n'entend préjuger ni des décisions de ces conférences, ni de celles de leurs successeurs. Il n'ignore cependant pas les réticences naturelles au changement, le statu quo semblant toujours préférable aux incertitudes de la nouveauté. La loi organique ne suffira pas seule à changer des modalités de discussion bien ancrées dans les usages institutionnels.

Cependant, l'insatisfaction semble générale, et chacun, reprenant la formule désormais consacrée du président Edgar Faure, s'accorde pour dénoncer les « tunnels ministériels » que constituent les discussions des crédits des ministères en seconde partie. Il convient cependant de relativiser cet unanimisme de façade dans la contestation, dès lors que chacun -parlementaires comme ministres - semble heureux de prendre la parole durant de longues minutes lors de la discussion des crédits du fascicule l'intéressant. Il n'est qu'à voir les vives réactions de la ministre de l'environnement, Madame Dominique Voynet, lors de la discussion des crédits de son ministère au Sénat en décembre dernier, qui accepta avec quelque mauvaise grâce de transformer le discours programme qu'elle avait préparé en une alternance de questions et de réponses, à la demande de votre rapporteur qui souhaitait rendre plus dynamique cette discussion.

Il semble à votre rapporteur que la réforme de l'ordonnance organique, sans mettre fin aux efforts déployés depuis plusieurs année à l'Assemblée nationale comme au Sénat, peut être l'occasion d'adopter un cadre plus dynamique de discussion des crédits budgétaires. Elle en offre l'occasion en faisant de l'unité de spécialité des crédits - le programme - non seulement un regroupement de crédits destiné à financer des actions, mais un regroupement orienté vers des objectifs précis propres à l'ensemble des actions, en assurant la cohérence, mesurés par des indicateurs. L'unité de spécialité devient une unité de débat politique et non une simple convention de regroupement de moyens.

Il aurait pu sembler logique, dans ces conditions, de faire du programme l'unité de discussion, et donc de vote, des crédits. Cependant, l'Assemblée nationale a choisi, dans le cadre des ministères, de retenir la structure de regroupements de programmes cohérents que constitue la mission, notamment pour ne pas multiplier les votes.

Votre rapporteur partage le choix de la mission, mais n'estime pas opportun celui du ministère. Il ne voit pas ainsi les avantages apportés par l'unité de vote du ministère, a fortiori si, comme il est proposé à l'article 7, les missions peuvent être interministérielles, et s'il existe, avec les dotations, un second type d'unité de spécialité ; en revanche il en perçoit clairement d'ores et déjà les inconvénients. Les débats étant organisés par ministère, le risque est grand de voir se reproduire des discussions générales de plusieurs heures propres à chaque ministère, auxquels succèderont en quelques minutes les votes des crédits des deux, trois ou quatre missions dudit ministère, sans que la discussion ne se soit fixée sur les objectifs, les indicateurs, les politiques, les cohérences reflétés par les programmes et les missions. A l'inverse, prévoir le seul vote par mission, outre qu'il évite les biais mentionnés ci-dessus pour les missions interministérielles, permettrait, si les intervenants le souhaitent en 2005 ou plus tard, d'appeler successivement les missions et d'organiser des débats propres à chacune d'entre elles.

Ces débats par mission permettront d'ailleurs de maintenir la possibilité de discussions sur certains secteurs qui ne pourront, à l'évidence, conserver la spécialité des crédits qu'ils ont aujourd'hui. Si la représentation nationale souhaite l'organisation d'un débat sur la politique de la mémoire et les anciens combattants, qui devraient constituer un programme fondu parmi les missions du ministère de la défense, il trouvera naturellement sa place au sein de la discussion de la mission correspondante du ministère de la défense.

Il existe d'ailleurs un certaine logique à cette organisation des débats par mission que l'on trouve dans l'organisation actuelle de la discussion budgétaire. En effet, la cohérence entre les chapitres, unité de spécialité, ne peut être assurée que par les ministères. Il apparaît donc naturel que ceux-ci constituent, aujourd'hui, l'unité de vote. De même, les missions ayant pour rôle, selon l'article 7, d'assurer la cohérence de plusieurs programmes, il devient logique d'en faire, demain, l'unité de vote. Cette dernière constitue l'échelon cohérent pertinent de discussion des crédits et, avec la réforme, des politiques, des objectifs et des indicateurs qui leur sont associés.

C'est pourquoi votre rapporteur vous proposera de retenir dans la loi organique que le seul niveau de la mission comme unité de vote des crédits.

Les dotations, dont votre rapporteur vous a proposé la création à l'article 7, constituent un second niveau de spécialité des crédits. N'étant pas regroupées par missions, et correspondant chacune à une nature particulière de dépenses, il est logique de prévoir un vote propre à chacune d'entre elles, permettant un débat approprié.

S'agissant des budgets annexes, dont votre rapporteur vous a proposé le maintien de la catégorie, et des comptes spéciaux, ainsi rebaptisés et conservés, votre rapporteur vous propose de retenir la même exception que celle apportée par l'Assemblée au choix de la mission ou de la dotation comme unité de vote, chaque budget annexe et chaque compte constituant une mission. Sous réserve d'amendements rédactionnels destinés à tirer les conséquences du maintien de ces catégories de procédures d'affectations, votre rapporteur vous proposera de retenir le choix d'un vote par budget annexe pour leurs crédits, et par catégorie de comptes spéciaux pour leurs découverts ou leurs crédits.

C. LE VOTE DES PLAFONDS DES AUTORISATIONS D'EMPLOIS

Le même souci d'une rupture formelle avec le ministère comme unité de vote et donc d'organisation de la discussion budgétaire obligatoirement prévue par le texte organique inspire à votre rapporteur la proposition d'une substitution d'un vote unique sur les plafonds des autorisations d'emplois à un vote par ministère.

Il ne s'agit pas bien sûr, ainsi qu'il a été expliqué dans le commentaire relatif au III de l'article 7, de revenir sur le ministère comme unité de spécialité des plafonds des autorisations d'emplois. En revanche, rien n'interdit de retenir une unité de vote différente desdits plafonds. Votre rapporteur vous proposera donc le vote unique d'un tableau des plafonds des autorisations d'emplois, chaque plafond étant spécialisé par ministère.

Le vote de ce tableau rendra possible l'organisation d'un débat transversal sur la politique d'emploi du gouvernement. La représentation nationale pourra toujours amender le tableau pour diminuer le plafond d'un ministère ou bien, dans le cadre de la discussion d'une mission dudit ministère, minorer les crédits du titre des dépenses de personnel correspondants au plafond. Ainsi, la capacité d'intervention du Parlement ne changera pas par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale, mais un débat transversal sera rendu possible, et sera évité le biais d'organisation qu'aurait représenté une discussion par ministère laquelle aurait aussi pu servir de justification à une discussion des crédits par ministère.

C'est pourquoi votre rapporteur vous proposera d'insérer un alinéa prévoyant le vote unique d'un tableau des plafonds des autorisations d'emplois.

Ainsi débarrassé des points d'accroche permettant la reproduction d'un mode de discussion aujourd'hui unanimement critiqué, le nouveau mécanisme des votes rend possible une modernisation de la discussion budgétaire. Il reviendra aux parlementaires et aux ministres, - et ceux qui le seront lors de l'examen de la première loi de finances régie par la loi organique porteront de ce point de vue une lourde responsabilité -, de profiter de cette opportunité pour rendre plus lisible, plus dynamique et plus centré autour des politiques et des objectifs un débat qui constitue un moment essentiel de notre vie démocratique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 44

La répartition des crédits ouverts par les lois de finances

Commentaire : le présent article définit les modalités de répartition des crédits ouverts et des découverts autorisés par les lois de finances.

Le décret de répartition constitue l'instrument juridique de passage entre l'unité de vote et l'unité de spécialité budgétaire.

Cet outil juridique a été créé par le décret du 19 juin 1956 et avait constitué un des éléments principaux des débats lors de la procédure informelle de navette entre les commissions des finances du Conseil de la République et de l'Assemblée nationale ayant précédé la signature du décret. Le décret de 1956 autorisait une discussion des crédits non plus par chapitre mais par titre et par ministère, laissant le soin au gouvernement de répartir, sous le contrôle des commissions des finances, les crédits entre les chapitres conformément aux intentions exprimées par le Parlement.

Ce dispositif a été repris par l'article 43 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, l'intention du législateur financier étant formalisée dans les annexes « bleues » aux projets de lois de finances, éventuellement modifiées par les votes du Parlement. L'article 43 posait également le principe de l'impossibilité pour le gouvernement d'apporter des modifications à la répartition des crédits ainsi décrétée en dehors des procédures prévues par l'ordonnance. Il prévoyait que ces décrets de répartition devaient être pris dès la promulgation de la loi de finances de l'année ou la publication de l'ordonnance prévue à l'article 47 de la Constitution (en cas de non respect du délai de 70 jours imparti au Parlement). Enfin, il établissait un lien entre les mouvements d'emplois et les mesures nouvelles des crédits.

L'Assemblée nationale a reproduit ce mécanisme astucieux qui permet au Parlement d'avoir une connaissance précise des éléments de spécialité, voire des niveaux inférieurs (les « bleus » indiquant la répartition des crédits entre les articles au sein de chaque chapitre), sans alourdir le débat parlementaire et tout en liant le gouvernement. Elle l'a cependant adapté à la nouvelle architecture développée dans la proposition de loi organique.

Ainsi, le premier alinéa prévoit une répartition, aux mêmes moments que ceux prévus par l'ordonnance organique, en y ajoutant le cas des lois de finances rectificatives négligé par les rédacteurs de 1958, des crédits par ministère, par programme et par titre s'agissant des missions, et par programmes pour chacun des comptes annexes. Le deuxième alinéa établit la compétence liée du gouvernement qui doit se conformer aux annexes explicatives jointes aux projets de loi de finances. Le troisième alinéa reprend le principe selon lequel le gouvernement ne peut modifier la répartition des crédits figurant dans ces décrets que par les procédures prévues par la loi organique. Enfin, l'Assemblée nationale n'a pas adopté de disposition relative aux plafonds d'autorisation des emplois pour lesquels, dans son mécanisme, les unités de vote et de spécialité coïncident.

Votre rapporteur vous proposera, outre des amendements rédactionnels, de supprimer la répartition par ministère, de préciser l'exigence de répartition pour les titres et de prévoir le cas de la répartition des autorisations de découverts des comptes spéciaux non dotés de crédits.

Il convient, en effet, par coordination avec la proposition de votre rapporteur de leur conférer une caractère non ministériel, de supprimer toute référence aux ministères pour la répartition des crédits entre les programmes.

Par ailleurs, la rédaction retenue par l'Assemblée nationale s'agissant de la répartition « par titre » peut susciter des difficultés d'interprétation que votre rapporteur entend lever. S'il est très clair dans l'esprit du législateur organique que la fongibilité entre les titres est totale, sous réserve du cas particulier des titres des dépenses de personnel, il n'en reste pas moins que la rédaction du premier alinéa du présent article combinée avec celle du troisième alinéa qui réserve aux procédures prévues par la loi organique le monopole de la modification de la répartition fixée par les décrets, pourrait laisser contredire le principe de la fongibilité dite « asymétrique ». Certes, la loi organique établissant celle-ci primant sur les décrets, il ne fait aucun doute dans l'esprit du législateur organique que le futur « dialogue de gestion » à établir entre la direction du budget et les contrôleurs financiers d'une part, les ministères dépensiers d'autre part 111 ( * ) pourra s'affranchir de la répartition, indicative, des titres, sous réserve de la limite de celui des dépenses de personnel. Cependant, pour lever toute ambiguïté, et bien indiquer que seule la répartition entre dépenses de personnel et autres dépenses sera contraignante pour les gestionnaires, votre rapporteur vous proposera un amendement de précision.

Enfin, certains comptes spéciaux étant dotés d'autorisations de déficits et non de crédits, il convient de préciser que l'autorisation de déficit donnée dans le cadre de l'unité de vote (la catégorie de comptes spéciaux) est ensuite répartie entre les comptes spéciaux eux-mêmes.

Outre ces points, votre rapporteur souhaite préciser que les dotations comme les plafonds d'autorisation des emplois ne lui semblent pas, malgré les propositions de modifications du texte de l'Assemblée, devoir nécessiter de décrets de répartition. S'agissant des dotations, l'unité de vote et l'unité de spécialité coïncidant, le décret de répartition n'aurait pas d'utilité. S'agissant des plafonds d'autorisations des emplois, le vote unique portant sur un tableau spécialisé par ministère, la procédure ultérieure de répartition ne semble également pas non plus nécessaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 45

Les procédures d'urgence

Commentaire : le présent article prévoit les procédures d'urgence rendues nécessaires par l'absence d'adoption, dans les conditions de la loi organique, d'un projet de loi de finances de l'année.

L'article 47 de la Constitution a prévu des procédures d'urgence afin d'assurer la continuité nationale, en cas de non-respect des délais de vote ou d'impossibilité d'adopter le projet de loi de finances avant le début d'un exercice. Dans le premier cas, repris à l'article 41 de la présente proposition de loi organique, les dispositions du projet de loi de finances sont mises en oeuvre par ordonnance. Le présent article prévoit le second cas et y ajoute le cas, non prévu par la Constitution, de l'annulation de la loi de finances par le Conseil constitutionnel.

En cas d'impossibilité d'adopter le projet de loi de finances de l'année avant le début de l'exercice, le gouvernement peut demander l'adoption de la seule première partie ou, à partir du 19 décembre, d'une loi spéciale l'autorisant à percevoir les impôts (il peut aussi utiliser la procédure de la loi spéciale en cas de rejet de la première partie).

L'Assemblée nationale, outre des modifications rédactionnelles, a prévu qu'en cas de censure de la loi de finances de l'année par le Conseil Constitutionnel, le gouvernement peut également déposer un projet de loi spéciale. Cette solution est celle qui avait été retenue par le gouvernement en 1979 et validée par le Conseil Constitutionnel 112 ( * ) .

Ayant obtenu l'autorisation de percevoir les impôts, le gouvernement peut alors, conformément aux dispositions de l'article 47 de la Constitution, prendre des décrets ouvrant les crédits des « services votés ».

La notion, constitutionnelle, de services votés soulève la question de sa définition. L'ordonnance organique en faisait un élément de vote et les définissait, dans son article 33, comme « le minimum de dotation que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre l'exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l'année précédente par le Parlement ».

Cette définition a été critiquée par notre collègue député M. Didier Migaud comme étant par trop « subjective » 113 ( * ) . Il a donc proposé à l'Assemblée nationale, qui l'a accepté, de définir les « services votés » comme devant s'entendre « des crédits ouverts par la dernière loi de finances initiale ».

Cette définition n'est pas anodine, même s'il convient d'en relativiser la portée. Elle est importante dans la mesure où elle peut être amenée à s'appliquer en cas de crise grave. Elle est relative si elle ne s'applique que durant les quelques jours séparant le 31 décembre de l'entrée en vigueur du budget encore en discussion ou rediscuté suite à l'annulation par le Conseil Constitutionnel.

Par ailleurs, cette définition doit s'apprécier au regard de deux impératifs constitutionnels : celui de permettre la continuité de la vie de la Nation et celui imposé au législateur organique de respecter l'article 40 de la Constitution.

C'est cette dernière considération qui amènera votre rapporteur à vous proposer de revenir à la définition actuelle des services votés, considérant qu'elle est propre à assurer la continuité de l'Etat. En effet, les crédits couverts par la dernière loi de finances pouvant comporter des crédits pour dépenses non reconductibles, la référence à ces crédits paraît susceptible de contrevenir à l'article 40 de la Constitution.

Enfin, pour poser une limite aux services votés, et évite ainsi une trop grande part « d'arbitraire », votre rapporteur vous proposera de les plafonner au niveau des crédits ouverts par la loi de finances de l'année précédente.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

CHAPITRE II :

DU PROJET DE LOI DE RÈGLEMENT

ARTICLE 46

Les documents joints au projet de loi de règlement

Commentaire : le présent article définit les documents accompagnant le projet de loi de règlement.

Le présent article énumère les annexes devant être jointes aux projets de loi de règlement. Dans son rapport 114 ( * ) , notre collègue député Didier Migaud indique qu'il a souhaité enrichir sensiblement la teneur des annexes explicatives afin, d'une part, de renforcer les contrôles a posteriori exercés sur le gestionnaire et, d'autre part, d'éclairer l'examen du projet de loi de finances de l'année à venir par le contrôle de l'exécution du dernier budget clos.

Votre rapporteur ne peut que souscrire à cette volonté qui permet de faire vivre et respecter les principes énoncés aux articles XIV et XV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen , qui disposent que « tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi (...) » et que « la société a la droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Le renforcement de l'information associée aux projets de loi de règlement s'inscrit parfaitement dans la logique de la réforme qui doit permettre de faire de son examen un temps fort de la démocratie parlementaire. En effet, votre rapporteur souhaite que la discussion de la loi de règlement puisse constituer un moment privilégié pour évaluer les actions conduites par le gouvernement et l'utilisation qui a été faite des impositions de toute nature autorisées par le Parlement . Les informations délivrées à l'occasion du projet de loi de règlement doivent donc permettre de conduire une évaluation fine de la consommation des crédits et des résultats atteints pour l'année n-1, de manière à préparer la discussion de la loi de finances pour l'année n+1. Votre rapporteur vous proposera, dans un article additionnel avant l'article 48, de soumettre l'examen du projet de loi de règlement aux mêmes délais que ceux qui s'appliquent aujourd'hui aux lois de finances initiales et aux lois de finances rectificatives, en outre de l'article 47 de la Constitution. Par ailleurs, l'article 47 du texte de la proposition de loi organique transmis par l'Assemblée nationale prévoit que le projet de loi de règlement devra être déposé et distribué avant le premier juin de l'année suivant celle de l'exécution du budget auquel il se rapporte, date que votre rapporteur vous proposera de repousser au 15 juin, afin de prendre en considération les contraintes techniques que connaissent la direction générale de la comptabilité publique et la Cour des comptes, s'agissant de la confection des documents associés à la loi de règlement et de la certification des comptes.

Compte tenu de ces dispositions, l'examen du projet de loi de règlement afférent à l'année n-1 -à tout le moins, la première lecture- devra avoir lieu avant la première lecture du projet de loi de finances de l'année n+1 dans les deux assemblées. Par conséquent, la discussion du projet de loi de règlement ne consistera pas seulement à solder les comptes du passé, mais visera également à tirer des enseignements forts pour l'avenir.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le 1° du présent article prévoit qu'une annexe explicative développe, pour chaque programme et par titre, le montant des crédits ouverts, des dépenses constatées et des modifications de crédits demandées. Il s'agit de permettre au Parlement d'apprécier l'exécution budgétaire de chacun des programmes prévu par la loi de finances initiale.

Le 2° du présent article demande que chaque gestionnaire d'un programme présente un rapport annuel de performances, afin de mesurer les résultats atteints au cours de l'année concernée. Ces rapports de performances doivent permettre des comparaisons systématiques avec les projets de performances annexés à la loi de finances initiale. Les rapports annuels de performances comportent des informations détaillées par le présent article:

- le a) prévoit que soient indiqués les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs de performances et les coûts associés à chacun des programmes ;

- le b) prévoit que soient indiqués, pour chaque titre, les dépassements de crédits ainsi que les raisons ayant conduit à ne pas engager des dépenses d'investissement dont l'annulation est proposée ;

- le c) porte sur la gestion des autorisations d'emplois. Les informations demandées visent à connaître l'utilisation des marges de manoeuvre accordées au gestionnaire du programme, dans le respect du plafond ministériel d'autorisations des emplois rémunérés par l'Etat et du montant des crédits du titre des dépenses de personnel. Il s'agit donc de bénéficier d'une information précise sur le nombre d'emplois rémunérés par l'Etat contribuant à la mise en oeuvre des actions prévues par le programme, et l'évolution des coûts correspondants.

Le 3° vise à appliquer aux comptes annexes les demandes d'informations relatives aux programmes, sous réserve des ajustements nécessaires. Ainsi, tous les comptes annexes dotés de crédits devront faire l'objet, à l'instar des programmes, de rapports annuels de performances.

Le 4° du présent article prévoit que le compte général de l'Etat sera joint au projet de règlement, comme l'est actuellement le compte général de l'administration des finances. Seront associées à ce compte une évaluation des engagements hors-bilan de l'Etat, ainsi qu'une présentation des changements des méthodes et des règles comptables apportés au cours de l'année.

Le 5° prévoit que le projet de loi de règlement sera accompagné, comme c'est le cas aujourd'hui, d'un rapport de la Cour des comptes sur l'exécution du budget de l'Etat. Il institue également une certification des comptes de l'Etat, mission confiée à la Cour des comptes pour la bonne application des principes mentionnés à l'article 29 du texte adopté par l'Assemblée nationale.

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Les intentions de votre rapporteur ne divergent pas de celles contenues dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. Il existe en effet une volonté commune de revaloriser le rôle de la loi de règlement, et d'enrichir pour ce faire l'information qui lui est associée. Par conséquent, les modifications que vous proposera votre rapporteur viseront, d'une part, à alléger la rédaction de cet article, et, d'autre part, à compléter les demandes d'informations relatives aux coûts des actions menées dans le cadre des programmes. Toutefois, compte tenu de la réorganisation du texte regroupant dans un titre spécifique l'ensemble des dispositions relatives à l'information et au contrôle, votre rapporteur vous proposera de supprimer le présent article. Il vous sera proposé d'insérer un article additionnel après l'article 48 reprenant les dispositions mentionnées.

Les modifications portant sur le 1° qui vous seront proposées consistent essentiellement en des ajustements rédactionnels.

Votre rapporteur a souhaité simplifier la rédaction du 2° de cet article, en s'attachant à mettre en évidence la symétrie entre les projets annuels de performances et les rapports annuels de performances. Il vous sera donc proposé d'indiquer que les rapports annuels de performance reprennent les mêmes informations que les projets annuels de performances, afin que les résultats de l'exécution budgétaire puissent être aisément évalués au regard des objectifs précis fixés par la loi de finances initiale . Il va de soi que les rapports annuels de performances ne reprendront pas les informations prospectives qui sont demandées dans les projets annuels. L'accent devra être mis, en revanche, sur les écarts constatés avec les derniers résultats connus et les prévisions des projets de loi de finances. L'objet de cette modification est, outre d'alléger la rédaction proposée, de contraindre les gestionnaires à présenter selon les mêmes termes et, dans la mesure du possible, la même structure, les informations délivrées dans les projets annuels de performances. Une présentation identique permettra d'éviter que des artifices de présentation ne viennent nuire à une appréciation rapide et immédiate des performances réalisées.

Au 3° de cet article, votre rapporteur apportera les modifications nécessaires afin de soumettre les budgets annexes et les comptes spéciaux aux obligations d'information prévues pour les programmes au 1° et au 2° du présent article, sous réserve des ajustements nécessaires.

Votre rapporteur souhaite également demander qu'une annexe explicative présente les résultats de la comptabilité analytique mise en oeuvre dans chaque service de l'Etat, conformément à l'obligation mentionnée dans l'article additionnel dont il vous a proposé l'insertion après l'article 26. Cette demande d'information constitue une innovation importante qui permettra de connaître le coût des différentes actions engagées dans le cadre des programmes, ainsi que la manière dont ces coûts sont calculés. Il paraît en effet difficilement exploitable de présenter les résultats issus de la comptabilité analytique sans exposer les conventions et les modalités de calcul qui les déterminent.

Enfin, votre rapporteur vous proposera de reprendre les dispositions figurant au 4° du présent article, prévoyant que le compte général de l'Etat, qui comporte le compte de résultat, le bilan et ses annexes (qui comprennent, en premier lieu, une évaluation des engagements hors bilan de l'Etat), sera joint au projet de loi de règlement, de même que son rapport de présentation, qui indique les éventuels changements des méthodes et des règles comptables appliqués au cours de l'exercice. L'incidence de ces changements devra être calculée. Cette obligation est importante, car l'Etat ne l'a guère respectée jusqu'ici : d'après le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution du budget 1999, la présentation des comptes a été modifiée cette année-là « afin de respecter l'objectif d'une progression des dépenses limitée à 1 % en volume » alors que leur augmentation réelle était de 2,8 %.

Votre rapporteur considère enfin que la certification des comptes de l'Etat constitue un élément essentiel pour donner corps aux principes applicables aux comptes de l'Etat énoncés à l'article 29 de la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale. Cette disposition sera reprise dans un article dont l'insertion vous sera proposée après l'article 48, qui portera spécifiquement sur le contenu de la mission d'assistance de la Cour des comptes au Parlement, telle que prévue à l'article 47 de la Constitution.

Décision de votre commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 47

Le délai de dépôt du projet de loi de règlement

Commentaire : le présent article prévoit que le projet de loi de règlement et ses annexes sont déposés et distribués avant le 15 juin.

Une des conséquences de la réforme proposée étant de faire davantage porter le contrôle parlementaire sur les résultats obtenus et sur les écarts éventuels avec les objectifs fixés par les lois de finances, il était logique de prévoir un dépôt du projet de loi de règlement de l'année n - 1 avant celui du projet de loi de finances de l'année n + 1.

De plus, les progrès réalisés tant du point de vue de la comptabilité de l'Etat que du contrôle, par la Cour des Comptes, de l'exécution des lois de finances, ont permis de raccourcir les délais techniques de confection du projet de loi de règlement.

C'est ainsi à bon droit que le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit de fixer avant l'été la date du dépôt et de la distribution du projet de loi de règlement et des annexes qui l'accompagnent.

L'actuelle ordonnance organique, au deuxième alinéa de son article 38, fixe seulement cette date au 31 décembre.

Cependant, votre rapporteur est conscient des contraintes techniques qu'un tel raccourcissement imposera. Soucieux de concilier l'impératif de contrôle parlementaire et la prise en compte de contraintes pratiques, il vous proposera de ramener du 1 er juin au 15 juin cette date de dépôt et de distribution.

Il ne faut en effet pas sous-estimer la petite révolution que va provoquer l'édiction de ces délais. En 2000, la Cour des Comptes a délibéré sur le rapport sur l'exécution des lois de finances le 9 juin, le projet de loi de règlement étant examiné par le Conseil des ministres le 5 juillet 2000. Un gain de plus d'un mois sur ce calendrier ne serait possible qu'à plusieurs conditions : une loi de finances rectificative d'automne publiée plus tôt qu'aujourd'hui, un raccourcissement supplémentaire de la période complémentaire et une réduction sévère des délais d'établissement formel des comptabilités. Surtout, il ne faut pas négliger le temps que nécessiteront à la fois la rédaction des rapports de performance et les opérations préalables à la certification, par la Cour des Comptes, de la comptabilité de l'Etat. Les 15 jours supplémentaires proposés par votre rapporteur viseraient à rendre moins tendu le délai de dépôt et de distribution effective du projet de loi de règlement et de ses annexes. Peut-être d'ailleurs faudra-t-il, les premières années, apprécier ce délai avec souplesse, s'agissant des rapports de performance.

Au-delà de la date, il importe à votre rapporteur que le projet de loi de règlement et le débat d'orientation budgétaire soient intimement couplés et donc que ce dernier ne se tienne pas sans que les parlementaires disposent du projet de loi de règlement.

Par ailleurs, il conviendrait aussi que le projet de loi de règlement d'une année n soit examiné et voté avant l'examen et le vote du projet de loi de finances de l'année n + 2 115 ( * ) . Sans proposer une stricte subordination des votes qui serait peut être excessive au regard de l'habilitation organique et pourrait poser des difficultés techniques, ni une fusion des deux textes qui soulèverait des problèmes juridiques et techniques d'une grande complexité, votre rapporteur vous proposera donc d'étendre les délais de vote des projets de lois de finances de l'année et rectificatives, qui figurent à l'article 41, au projet de loi de règlement. En effet, cela lui paraît un bon moyen d'inciter les parlementaires à se pencher sur les rapports de performance associés aux programmes, sur le respect des objectifs et les résultats mesurés par les indicateurs. Il serait vain de vouloir rehausser le statut de la loi de règlement et d'en faire un moment fort de la vie démocratique sans contraindre le Parlement à l'examiner et le gouvernement à l'inscrire à l'ordre du jour. Cette contrainte serait d'ailleurs assez légère. L'Assemblée nationale pourrait examiner le projet de loi de règlement entre le 15 et le 30 juin. L'interruption des travaux parlementaires pendant l'été suspendant de droit les délais de l'article 47 de la Constitution, il resterait 55 jours à l'automne pour achever la discussion.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

CHAPITRE III :

DISPOSITIONS COMMUNES

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 48

Les délais de vote des projets de loi de finances

Commentaire : le présent article fixe les délais de vote des projets de loi de finances de l'année, des projets de loi de finances rectificative et des projets de loi de règlement.

Votre rapporteur a indiqué 116 ( * ) qu'il souhaitait appliquer aux projets de loi de règlement les délais prévus par l'article 47 de la Constitution, le Conseil constitutionnel, dans le silence de l'ordonnance organique, les en ayant exclu.

Une telle extension apparaît, tout d'abord, comme pleinement cohérente avec la réforme que constitue la présente loi organique. La revalorisation du rôle de la loi de règlement qu'elle emporte, occasion d'apprécier les résultats obtenus par les gestionnaires, d'examiner les indicateurs, d'étudier les comptes de l'Etat, d'expliquer les variations de son bilan et de son hors-bilan, justifie que le Parlement soit en mesure d'examiner et d'adopter le projet de loi de règlement de l'année n - 1 avant d'engager l'examen du projet de loi de finances de l'année n + 1. De ce point de vue, les exigences imposées au gouvernement en termes de délais de dépôt du projet de loi de règlement et des annexes jointes au projet doivent s'accompagner, au Parlement, d'un examen approfondi et se déroulant avant ou pendant la discussion budgétaire de l'automne. Il n'y a en effet guère de sens à discuter des objectifs assignés à un programme si on n'a pas observé auparavant les résultats acquis. Il paraîtrait donc justifié que la loi organique ne soit pas muette sur ce point.

Votre rapporteur est conscient que les textes ne suffiront pas à bouleverser des habitudes qui tendent à banaliser l'examen de la loi de règlement. Il considère cependant, d'une part que ce travers n'est pas irrémédiable 117 ( * ) , d'autre part que la loi organique peut contenir de fortes incitations à revenir sur cette mauvaise pratique. Le texte adopté par l'Assemblée nationale en contient certaines (délais de dépôt, annexes, certification par la Cour des comptes) mais elles ne paraissent pas encore suffisantes. Votre rapporteur estime que, outre l'intérêt porté par les fonctionnaires, les parlementaires et la presse, seule une contrainte d'ordre du jour pesant sur le Parlement et le gouvernement permettra vraiment de revaloriser le « moment budgétaire » plein et entier que devrait constituer l'examen de la loi de règlement.

Il aurait été possible de réfléchir à une fusion du projet de loi de règlement d'un exercice n - 1 avec le projet de loi de finances de l'exercice n + 1. Cette solution radicale aurait soulevé de telles contraintes pratiques, mais aussi juridiques et démocratiques, que votre rapporteur n'a pas estimé souhaitable de la retenir.

De même, il pouvait être envisagé de subordonner les votes entre le projet de loi de finances de l'année n + 1 et le projet de loi de règlement de l'année n - 1. Cependant, en dehors des difficultés constitutionnelles qu'une telle contrainte d'ordre du jour aurait pu, de prime abord, soulever, cette solution apparaît techniquement délicate à mettre en oeuvre : faut-il subordonner les votes ou les examens ? quel sens donner au « vote » ? que faire en cas de rejet du projet de loi de règlement ?

Votre rapporteur a préféré vous proposer une solution présentant le mérite de la simplicité et de la pureté constitutionnelle, en étendant aux projets de loi de règlement les délais de l'article 47 de la Constitution. Cette extension est autorisée par ledit article qui vise les « lois de finances », la loi organique pouvant qualifier les lois couvertes par une telle définition.

Les délais commenceront à courir au moment du dépôt du projet de loi de règlement, au mois de juin, s'interrompront pendant la suspension des travaux du Parlement, et reprendront à l'ouverture de la session ordinaire en octobre suivant. Ces délais, cumulés à ceux applicables aux lois de finances de l'année, constitueront une contrainte forte à l'examen du projet de loi de règlement, au moins en première lecture, avant le début de la discussion budgétaire de l'automne. Ils pourraient même permettre, si un consensus se faisait jour sur ce point, un certain couplage des discussions.

Certes, la sanction d'une mise en oeuvre du projet de loi de règlement par ordonnance en cas de non respect des délais constitutionnels peut apparaître comme étrange pour un tel projet de loi. Cependant, la responsabilité en incomberait au gouvernement dans la mesure où, d'une part, il a la maîtrise de l'ordre du jour et où, d'autre part, il garde la possibilité de laisser le Parlement de délibérer plus longtemps (la mise en oeuvre par ordonnance n'est qu'une faculté offerte par l'article 47 et non une obligation). De plus, l'ordonnance ainsi prise devra en tout état de cause, comme celles de l'article 38 de la Constitution, faire l'objet d'un projet de loi en demandant la ratification au Parlement, préservant ainsi ses capacités à décider.

Il semble donc à la fois cohérent avec l'esprit comme la lettre de la réforme et sans difficultés techniques à la Constitution de prévoir une telle extension.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE 48

L'exercice du droit d'amendement

Commentaire : le présent article précise les limitations du droit d'amendement.

L'article 48 de la présente proposition de loi organique reprend, en y apportant des modifications fondamentales liées à l'architecture des missions et des programmes, les dispositions relatives au droit d'amendement prévues à l'article 42 de l'actuelle ordonnance organique.

I. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. L'OBJET DES AMENDEMENTS

Le premier alinéa de l'article 42 de l'actuelle ordonnance organique entend faire respecter à la fois l'article 40 de la Constitution (préservant les finances publiques) et le domaine, défini par le législateur organique, des lois de finances. Ce faisant, il interdit les amendements qui n'auraient pour objet ni de supprimer ou réduire une dépense, ni de créer ou d'augmenter une recette, ni d'assurer le contrôle sur les finances publiques. Le Conseil constitutionnel a, par sa jurisprudence, précisé cette lettre très restrictive de l'ordonnance organique. Il a ainsi permis au Gouvernement de proposer des amendements de nature financière, aggravant une charge publique en diminuant des recettes 118 ( * ) , et a utilisé l'article 1 er de l'ordonnance plutôt que l'article 42 pour qualifier de « cavalier budgétaire » une disposition 119 ( * ) .

L'Assemblée nationale a souhaité, par une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article 42, à la fois respecter la jurisprudence constitutionnelle de 1964 et adapter l'application de l'article 40 de la Constitution aux conditions nouvelles de spécialisation et d'examen des charges de l'Etat prévues dans la proposition de loi organique.

Ainsi, la rédaction proposée reprend explicitement la formulation de la Constitution en prévoyant que les parlementaires ne peuvent présenter un amendement à un projet de loi de finances qui « aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».

Par ailleurs, et il s'agit ici de la principale innovation de l'article, l'Assemblée nationale a souhaité considérer que la charge, au sens de l'article 40 de la Constitution, doit s'entendre de la mission, donc d'un ensemble de programmes, constituant une unité de vote. Dans son rapport écrit, notre collègue député, M. Didier Migaud explique ainsi que cette disposition doit permettre, à l'intérieur d'une même mission, de redéployer des crédits entre programmes 120 ( * ) ,voire, puisque les parlementaires pourront en proposer la création, au profit d'un nouveau programme. Il justifie cette innovation en expliquant que l'habilitation de l'article 34 de la Constitution permet au législateur organique de déterminer ce qu'est la « charge ». Enfin, il précise les limites de cet élargissement de l'initiative parlementaire en matière de dépenses publiques en indiquant :

- que le dispositif ne s'appliquera qu'aux lois de finances, seules à même de « déterminer » les charges de l'Etat de manière quantitative et précise ;

- qu'il ne concerne que les crédits afin qu'une augmentation des crédits d'un programme soit bien compensée par une diminution des crédits d'un autre.

Le rapporteur de la proposition de loi organique à l'Assemblée nationale s'est aussi attaché à démontrer l'opportunité et la constitutionnalité de l'innovation qu'il propose. Il a ainsi estimé qu'il était cohérent et logique, dans l'esprit de la réforme, de permettre aux parlementaires d'effectuer des redéploiements de crédits, afin de rendre effective leur appréciation des objectifs et résultats de chacun des programmes.

Parallèlement, il estime le mécanisme parfaitement conforme à la Constitution :

- en le considérant comme une mesure d'application compatible avec l'habilitation donnée au législateur organique par l'article 34 de la Constitution de prévoir les conditions de détermination des « charges » ;

- en remarquant que sur d'autres points, le texte actuel de l'ordonnance organique, d'autres lois organiques ou la présente proposition de loi organique assouplit la lettre de la Constitution ;

- en faisant valoir que l'instauration d'une compensation entre crédits d'une même mission ne dénature pas les dispositions de l'article 40 de la Constitution puisque cette compensation, dans la loi de finances, serait effective ; pour les autres textes, la charge publique, ne pouvant être compensée de la même manière, s'appliquerait toujours avec la rigueur actuelle ;

- en rappelant que la définition proposée pour la charge ne contrevient pas aux autres définitions précisées par le Conseil constitutionnel dans la jurisprudence 121 ( * ) ;

- en remarquant que le texte du présent article 48 respecte l'obligation de ne pas aggraver ou créer « une » charge, celle-ci étant définie à un niveau supérieur au seul crédit ;

- en le voyant comme respectant la jurisprudence du Conseil constitutionnel, sur l'équilibre budgétaire, sur l'application de l'irrecevabilité et sur les critères de réalité et d'immédiateté applicables aux compensations (entre des recettes) existantes.

B. L'EXIGENCE DE MOTIVATION

Le deuxième alinéa de l'article 42 de l'actuelle ordonnance organique oblige les parlementaires et le gouvernement à motiver leurs amendements et à préciser les « moyens qui les justifient ». Cette obligation, reprise, sous réserve d'une modification rédactionnelle, au deuxième alinéa du présent article 48, établit donc une règle organique d'appréciation de la recevabilité des amendements, applicable, par le jeu combiné de cet article, de l'habilitation organique et de l'article 40 de la Constitution, à l'ensemble des amendements quel que soit le texte en discussion. Cette obligation se justifie par le besoin, pour le juge de la recevabilité financière, de disposer d'éléments d'appréciation sur les conséquences financières de l'amendement, par le soin de ne discuter que d'amendements effectifs et non indicatifs, et pour faciliter une application pratique de l'amendement en cas d'adoption (celui-ci ne pouvant, dans son corps même, viser les éléments précis de nomenclature qu'il conviendrait de modifier).

L'Assemblée nationale a repris cette obligation, d'autant plus importante dans la mesure où son dispositif d'appréciation de la charge publique pourrait conduire à une multiplication des amendements de transferts de crédits d'un programme à un autre.

C. LA PROCÉDURE D'EXCLUSION DES AMENDEMENTS IRRECEVABLES

L'effectivité des deux premiers alinéas de l'article 42 de l'actuelle ordonnance organique est assurée par son troisième alinéa qui prévoit la disjonction de droit des amendements y contrevenant. Il s'agit donc de ceux ne respectant pas le domaine des lois de finances, la recevabilité financière et l'exigence de motivation.

L'Assemblée nationale a modifié cet alinéa sur plusieurs points, outre une suppression purement rédactionnelle des « articles additionnels » qui ne se distinguent pas des autres amendements.

La première modification porte sur la référence non plus à la disjonction (terme reprenant des dispositions en vigueur sous les III ème et IV ème Républiques) mais à l'irrecevabilité. Cette précision rédactionnelle, déjà présente dans les dispositions des règlements des Assemblées qui prévoient les procédures de contrôle de recevabilité, est de nature à rendre plus clair le texte de la loi organique.

Le deuxième changement, plus radical, étend les procédures d'irrecevabilité non plus au seul présent article mais à l'ensemble des dispositions de la loi organique. En ce sens, cet alinéa entend protéger le respect des autres dispositions, comme par exemple, celles liées aux affectations, ou bien au contenu respectif de la première et de la seconde partie des lois de finances.

Enfin, le rapporteur de la proposition à l'Assemblée nationale a précisé dans son rapport écrit 122 ( * ) que cette irrecevabilité de droit en cas de contravention à l'ensemble des dispositions de la loi organique vaut pour tous les projets et propositions de loi et les amendements à ceux-ci, d'initiative gouvernementale ou parlementaire. En effet, et il en va de même pour le domaine des lois de financement de la sécurité sociale, le caractère particulier des lois de finances, reconnu par la Constitution et précisé par la loi organique, justifie que ces dernières soient protégées contre des dispositions d'une loi ordinaire qui pourraient y contrevenir.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. APPORTS ET LIMITES EN MATIÈRE DE RECEVABILITÉ FINANCIÈRE

1. La présentation des amendements : une modification inutile

La première phrase du premier alinéa du présent article modifie en profondeur la rédaction de l'article 42 de l'ordonnance organique pour reprendre celle de l'article 40 de la Constitution. Ainsi, elle bouleverse le champ de la recevabilité tirée de cet alinéa en empêchant la présentation des amendements, à n'importe quel texte, contraire à l'article 40 de la Constitution, alors que l'actuel premier alinéa de l'article 42 de l'ordonnance organique empêche celle des amendements à un projet de loi de finances qui soit ne diminuerait pas les charges, soit n'augmenterait pas les recettes, soit n'assurerait pas le contrôle sur les finances publiques. Il y a donc à la fois extension des textes auxquels s'applique cette phrase (tous les projets de loi) et réduction de son champ pour les lois de finances (fin de la protection contre les « cavaliers budgétaires »).

Votre rapporteur estime que cette nouvelle rédaction n'apporte rien par rapport aux dispositions de l'article 40 de la Constitution. Celles-ci étant d'application directe, leur reprise dans le texte organique ne se justifie pas et il vous proposera donc la suppression de cette phrase.

Par ailleurs, cette nouvelle rédaction aurait pu être perçue comme de nature à fragiliser le mécanisme de la recevabilité financière appliqué au Sénat. En réalité, votre rapporteur doute que de telles craintes eussent été fondées. Les conditions actuelles d'appréciation de la recevabilité financière des amendements auraient pu continuer à s'appliquer avec cette nouvelle rédaction. En effet, l'interdiction de présentation imposée par la Constitution et le présent article 48 n'est effective qu'à l'instant où l'irrecevabilité est constatée. En revanche, chaque assemblée, dans son règlement, fixe la procédure qui lui semble la plus appropriée pour apprécier la recevabilité.

Le Sénat aurait donc pu, avec la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, continuer à autoriser la présentation de tous les amendements 123 ( * ) jusqu'à l'invocation de l'irrecevabilité et le prononcé du jugement de la commission des finances par le commissaire présent en séance. Ce mécanisme différent de celui appliqué par l'Assemblée nationale, semble à votre rapporteur un juste équilibre entre la préservation du droit d'amendement, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les dispositions organiques, la lettre de l'article 40 de la Constitution, et l'esprit démocratique de nos institutions.

La procédure du Sénat ayant été reconnue, par le Conseil constitutionnel, comme conforme à la Constitution, et notamment à son article 40, et le règlement du Sénat, aux 1, 2 et 3 de son article 45, ne se référant pas à l'article 42 de l'ordonnance organique, elle pourra être maintenue en l'état, même en cas de suppression de la première phrase du présent article.

2. La définition de la charge : une initiative à relativiser

Votre rapporteur partage depuis longtemps le souci de ne pas proposer, en préalable à une réforme de l'ordonnance organique, de révision de la Constitution, en particulier de son article 40.

Le mécanisme proposé par l'Assemblée nationale lui paraît ainsi respecter ces deux souhaits. C'est pourquoi votre rapporteur ne vous proposera qu'une modification rédactionnelle destinée à tirer les conséquences, sur le premier alinéa du présent article, de sa proposition de création des dotations. Celles-ci correspondant à des natures spécifiques de dépenses, et les crédits qu'elles comparent pouvant être évaluatifs, il convient d'interdire tout transfert entre des dotations et des charges. De plus, le nombre des dotations étant, sauf pour les pouvoirs publics, déterminé dans la loi organique, il ne saurait être question d'en créer de nouvelles.

Cependant, votre rapporteur entend attirer l'attention, notamment en vue de l'application future de cet alinéa, sur les contenus exacts que ce dispositif revêt à ses yeux, qu'il s'agisse de l'appréciation de la charge, de la compensation et de la création de nouveaux programmes.

La jurisprudence constitutionnelle et l'histoire de l'application de l'article 40 de la Constitution montrent bien qu'il n'a jamais été question d'apprécier la « charge publique » dès le premier franc. Une telle interprétation, outre qu'elle aurait quasiment interdit le moindre amendement sur quelque texte législatif que ce soit, n'est donc pas plus d'actualité aujourd'hui qu'hier. Faut-il pour autant ne conserver de notion quantitative, comme le propose l'Assemblée nationale, que pour les seuls crédits budgétaires 124 ( * ) , pour passer à une appréciation globale portant sur des enveloppes de masses différentes ? Si les futures missions présentent des volumes de crédits très différents, et si les dépenses auxquelles se rapportent ces crédits présentent des natures trop différentes, la rigueur de l'article 40 risque en effet de s'appliquer de façon très variable.

Il serait possible de voir cette phrase assimilant la mission à une charge dans sa double dimension : la mission est une charge et donc les missions doivent chacune représenter une charge équivalente. Par ailleurs, à l'intérieur de la charge/mission, les crédits dont le transfert est proposé doivent être eux aussi équivalents à la fois en montant comme en nature des dépenses auxquelles ils se rapportent.

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la compensation ne pourra se faire que si elle est réelle et immédiate. Mais, de toute évidence, certaines compensations n'auront de réelle que l'apparence, quoique portant sur des crédits budgétaires : un transfert de moyens de fonctionnement entre deux directions d'administration centrale appartenant chacune à des programmes différents d'une même mission revêt une dimension réelle ; en revanche, minorer les crédits d'un minimum social (comme le RMI) figurant dans un programme pour majorer ceux des moyens de fonctionnement d'une direction figurant dans un autre programme (comme la direction de la sécurité sociale) ne revêtira guère de réalité dans la mesure où les compensations porteront sur des natures et des proportions de dépenses radicalement différentes et sur des crédits mis en oeuvre avec une immédiatité elle aussi différente. On voit bien, donc, que l'interprétation de l'article 40 ne sera pas radicalement plus souple qu'aujourd'hui et qu'il reviendra au juge de la recevabilité comme au juge constitutionnel d'adopter une jurisprudence très stricte afin de rendre compatible le dispositif avec l'esprit comme la lettre de l'article 40 de la Constitution.

Enfin, la possibilité donnée au législateur par le biais du jeu combiné des articles 7 et 48, de créer dans une mission un nouveau programme et d'y affecter des crédits, en minorant ceux d'autres programmes de la mission, semble devoir être très strictement encadrée et s'interpréter à la lumière de l'ensemble de la réforme proposée. Le regroupement des crédits, sous des missions et des programmes, correspond d'abord à une volonté du législateur organique de passer d'un budget de moyens à un budget orienté vers les résultats. En ce sens, l'intégrité des deux notions fondatrices - mission et programme - et de ce qui les accompagne - cohérence, objectifs, indicateurs, performances, résultats, compte-rendus - apparaît comme l'essence même de la réforme. A partir de là, la possibilité donnée à un parlementaire de créer un programme ou de le modifier en en minorant/majorant les crédits, doit se concilier avec l'objectif de préserver l'intégrité de ces notions. Les amendements tendant à des créations et modifications devront donc respecter les mêmes contraintes que celles s'imposant au gouvernement dans la proposition des programmes soumis à l'examen du Parlement : définition des objectifs, cohérence des moyens accordés et de ces objectifs, engagement sur des résultats, proposition d'indicateurs précis permettant de les apprécier,... De même que le gouvernement ne devra pas proposer de « faux programmes », les parlementaires ne devront pas pouvoir, par leurs amendements, dénaturer les programmes ou, tout du moins, en créer qui ne correspondraient pas à la notion même de programme.

Une initiative parlementaire de création d'un nouveau programme ne pourra, ainsi, en pratique, se faire qu'avec l'accord du gouvernement, ce qui est conforme à l'esprit et à la lettre des institutions de la Vème République auxquelles votre rapporteur est très attaché. Les adaptations informatiques et comptables rendues nécessaires par une telle création ne pouvant être réalisées en quelques jours, la création d'un programme devra être envisagée dès l'été. Ceci rend d'autant plus indispensable l'information, au moment du débat d'orientation budgétaire, sur la nomenclature envisagée par le gouvernement.

Bien sûr, des initiatives de moindre portée pratique mais destinées à esquisser une proposition de « contre-politique » seront, elles, favorisées dans le nouveau système. Mais il convient bien d'avoir présent à l'esprit que de telles propositions resteront d'application pratique immédiate limitée.

Ainsi, l'initiative adoptée par l'Assemblée nationale en matière d'appréciation de la charge budgétaire doit-elle être relativisée à la lumière de l'ensemble de la proposition de loi organique. La dernière phrase du premier alinéa du présent article 48 inaugure ainsi un contrôle à la fois de la taille des missions et de l'intégrité des programmes, qui permettra tout à la fois d'assurer l'effectivité de la révolution proposée en matière de finances publiques, et de relativiser l'innovation en matière d'article 40. Pour cela, l'enjeu de motivation revêtira une importance supérieure à celle qu'elle possède déjà.

B. L'EXIGENCE DE MOTIVATION CONFORTÉE

Le maintien, dans le texte du deuxième alinéa de l'article 48 de la proposition de loi organique, de l'exigence de motivation de l'article 42 apparaît à votre rapporteur de nature à assurer l'effectivité de la réforme en donnant une base organique à la nécessité d'associer aux amendements, notamment de crédits et de nomenclature, des développements sur leurs conséquences en matière d'objectifs, de résultats, d'indicateurs et de compte-rendus. Le juge de la recevabilité doit bien pouvoir s'appuyer sur ces informations pour admettre ou non un amendement modifiant des crédits au sein d'une mission en créant un nouveau programme. Elles seront aussi nécessaires aux autres parlementaires afin de les éclairer sur la portée réelle de l'amendement. De même, le gouvernement aura besoin de ces informations pour modifier les programmes, dans le sens souhaité par le Parlement, dans toutes ses composantes.

La possibilité de prévoir une telle exigence a été acceptée par le Conseil constitutionnel s'agissant de la disposition équivalente applicable aux projets de loi de financement de la sécurité sociale 125 ( * ) . En effet, le deuxième alinéa du III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale a été reconnu conforme à la Constitution, et notamment au droit d'amendement, le législateur organique étant habilité par l'article 34 de la Constitution « à déterminer les conditions et réserves particulières concernant la procédure de vote des lois de financement de la sécurité sociale ».

L'exigence de motivation peut prendre deux formes. Pour les parlementaires et le gouvernement, elle figure à la suite du texte même de l'amendement, sur le document mis en distribution. En revanche, pour les rapporteurs agissant au nom de leur commission, cette motivation peut figurer dans le texte même de leur rapport.

Sous réserve de cette interprétation de forme, et conscient de l'importance de la motivation pour l'exercice effectif du droit d'amendement, particulièrement dans le cadre de l'examen des projets de lois de finances, votre rapporteur vous proposera de reprendre sans modification la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale pour le deuxième alinéa du présent article.

C. LES NUANCES A APPORTER A L'EXTENSION DE L'IRRECEVABILITÉ

En revanche, votre rapporteur souhaite nuancer l'application de l'extension des procédures d'irrecevabilité à l'ensemble du texte de l'ordonnance organique.

S'agissant des amendements définitivement adoptés, le caractère organique et l'intégration de la loi organique dans le bloc de constitutionnalité semblent de nature à assurer, sans mention supplémentaire, le respect des dispositions de la présente proposition de loi organique. Votre rapporteur estime donc que le dernier alinéa de l'article 48 n'apporte rien quant au fond : même sans cet alinéa, un article de loi ordinaire qui empiéterait sur le domaine des lois de finances, ou une disposition d'une loi de finances contraire à la loi organique, seraient censurés pour ce motif par le Conseil constitutionnel.

La portée du troisième alinéa ne concerne donc pas simplement les amendements adoptés définitivement mais plutôt les autres amendements, pour en interdire la présentation après invocation et constatation de leur irrecevabilité, selon les procédures réglementaires propres à chaque assemblée. Il s'agit ainsi de protéger la loi de finances à la fois lors des discussions budgétaires et lors des autres débats contre les initiatives du gouvernement et des membres du Parlement qui tendraient soit à sortir de son domaine, soit à empiéter dessus. Le présent alinéa a donc une grande portée pour le Parlement et concerne l'organisation des travaux parlementaires.

Le Conseil constitutionnel a reconnu conforme à la Constitution les disposition de règlements des Assemblées étendant le régime de la recevabilité financière tirée de l'article 42 à la recevabilité de droit vis-à-vis de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance organique. Ainsi, l'irrecevabilité tirée du non respect du premier alinéa de l'article 42 de l'ordonnance organique est appréciée, au Sénat, sur le fondement du 4 de l'article 45 du règlement du Sénat, alors que celle tirée du non respect de l'article 40 de la Constitution l'est en vertu du 1 du même article. Ce contrôle de recevabilité concerne l'ensemble des dispositions du texte organique, sans que ce dernier n'ait eu besoin de le prévoir puisque le troisième alinéa de l'actuel article 42 de l'ordonnance organique ne couvre que le cas de la recevabilité au regard de cet article. On ne voit pas, dans ces conditions, pourquoi le règlement de chaque assemblée ne pourrait pas tenir le même raisonnement pour protéger les dispositions organiques que celui conduit en 1959 et accepté par le Conseil constitutionnel. De même, ce dernier a déclaré conforme à la Constitution le dernier alinéa du III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale qui prévoit une irrecevabilité de droit des amendements contraires aux dispositions du présent article, en raison, là aussi, de l'habilitation du législateur organique à « déterminer les conditions et réserves particulières concernant la procédure de vote des lois de financement de la sécurité sociale » 126 ( * ) .

Le présent troisième alinéa pourrait se justifier par la nécessité, pour le législateur organique, d'épuiser sa compétence et donc de prévoir les procédures, autres que celle de l'examen par le Conseil constitutionnel, permettant - par une forme d'auto-discipline à vertu pédagogique - de protéger les lois de finances.

Votre rapporteur ne partage pas ce point de vue et note d'une part que le Conseil constitutionnel n'a pas justifié la validation de la disposition du III de l'article L.O. 111-3 par ce motif, et donc au titre d'une compétence obligatoire du législateur organique qui aurait été exercée, mais a considéré qu'elle était permise par la Constitution. Ce raisonnement se comprend d'ailleurs aisément, la Constitution ne prévoyant qu'une irrecevabilité de droit - celle de l'article 40. Les autres irrecevabilités sont permises si elles entrent dans une possibilité ouverte par la Constitution. C'est le cas pour les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale. De plus, si chaque assemblée souhaite reproduire le mécanisme actuel d'irrecevabilité appliquée à l'ensemble du texte organique, il n'y a aucune raison de penser que ce qui a été possible jusqu'à aujourd'hui ne le serait plus demain.

Votre rapporteur se montre donc plutôt réservé sur l'opportunité d'inscrire dans le texte organique une disposition aussi contraignante. Il estime qu'elle pourrait être de nature à amputer à l'excès le droit d'amendement des parlementaires. Le règlement de chaque assemblée lui paraît constituer un véhicule plus souple et plus conforme à l'idée qu'il se fait du contrôle de la recevabilité. En effet, il ne faut pas oublier que ce dernier revient à faire jouer à un parlementaire désigné par ses pairs - actuellement le président de l'Assemblée nationale et le président de la commission des finances du Sénat - le rôle de « juge constitutionnel de la recevabilité ». Il ne s'agit même pas d'un rôle de première instance qui serait sous le contrôle du Conseil constitutionnel puisqu'une décision d'irrecevabilité est sans appel possible. Un amendement déclaré irrecevable ne pouvant pas être présenté ni discuté, le Conseil constitutionnel ne peut valider ou infirmer la décision prise par le juge de la recevabilité contre un de ses pairs. Cette mission revêt donc une dimension telle que votre rapporteur estime qu'il revient à chaque assemblée de la confier explicitement par une disposition de son règlement.

Il est cependant aisé de comprendre pourquoi (encombrement de la discussion, responsabilité du discours parlementaire) une telle procédure existe et doit perdurer en matière d'article 40, et pour certaines autres dispositions de la présente proposition de loi organique (cavaliers budgétaires, affectations de recettes notamment). En revanche, il est plus délicat de l'étendre à l'ensemble des autres dispositions. La comparaison avec la loi de financement de la sécurité sociale n'est d'ailleurs en ce domaine pas pertinente, cette dernière ayant un domaine propre beaucoup plus restreint que celui des lois de finances.

Votre rapporteur estime qu'un partage équilibré est possible entre le texte organique et le règlement des Assemblées, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a laissé s'instaurer, et ce en s'attachant à n'altérer en rien le droit d'amendement ouvert par la Constitution au parlementaire et strictement protégé depuis 1958. Votre rapporteur vous proposera en conséquence de modifier cet alinéa pour réserver l'irrecevabilité de droit des amendements au « coeur » de la loi organique que constituent la motivation des amendements du présent article 48, la définition des missions et des programmes et donc les amendements s'y rapportant (article 7), l'affectation des recettes de l'Etat au sein (article 19) et en dehors (article 33) de la loi de finances et la séparation entre la première et la deuxième partie des lois de finances (article 31). Le règlement de chaque assemblée pourra étendre par la suite ces irrecevabilités sans que le texte organique ne le prévoie explicitement, ainsi qu'il fût fait en 1959.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

DIVISION ADDITIONNELLE APRÈS L'ARTICLE 48 :

DE L'INFORMATION ET DU CONTRÔLE SUR LES FINANCES PUBLIQUES

Commentaire : il s'agit de créer un titre particulier relatif à l'information et au contrôle sur les finances publiques.

Au coeur de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 l'instauration d'un système d'information sur les finances de l'Etat digne de ce nom suppose, en plus que de rénover les conditions de présentation et de vote de la dépense publique, de développer considérablement les informations, qui doivent permettre de l'appréhender dans sa complexité, et le contrôle, qui doit permettre non seulement d'en vérifier la régularité mais encore d'en évaluer l'efficacité et l'efficience.

Le groupe de travail, constitué à l'Assemblée nationale, sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, présidé par M. Laurent Fabius et dont le rapporteur était M. Didier Migaud, rapporteur à l'Assemblée nationale de la présente proposition de loi, avait bien choisi le titre de son rapport en l'intitulant « Contrôler réellement, pour dépenser mieux et prélever moins ».

Au demeurant, la considération des enjeux d'un développement conséquent de l'information et du contrôle, en particulier du contrôle parlementaire, n'est pas nouvelle. Elle marquait déjà la substance de la proposition de loi organique tendant à réformer l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, déposée par des membres du groupe socialiste de l'Assemblée nationale le 14 mai 1980. Cette proposition de loi organique, signée notamment par MM. Laurent Fabius, Jean-Pierre Chevènement, Henri Emmanuelli, Christian Pierret, Michel Rocard et Alain Richard, complétait substantiellement les informations prévues par l'ordonnance et, souhaitant que figurent, dans la loi organique, toute précision utile sur les conditions et les pouvoirs de contrôle des rapporteurs budgétaires, prévoyait de nombreuses dispositions de cette nature tendant notamment à prescrire que les rapports des corps d'inspection et de contrôle aient le caractère de « documents de service » et soient ainsi communicables de droit aux parlementaires chargés du contrôle ou encore que les résultats des enquêtes de la Cour des comptes qui pourraient être demandées soient, « contrairement à la pratique actuelle, obligatoirement communiqués à la commission intéressée qui statue sur leur publication ».

Votre rapporteur considère que s'il faut laisser aux lois de finances la faculté de prévoir toute disposition relative à l'information et au contrôle du Parlement sur les finances publiques, il serait très regrettable que ces deux dimensions ne fassent pas l'objet d'une consécration spécifique dans la présente loi organique.

Il se félicite que l'Assemblée nationale ait déjà beaucoup rénové les informations qui devront entourer les projets de loi de finances.

Il se félicite également qu'elle ait consacré dans le texte organique la procédure des questionnaires parlementaires qui sont un moyen essentiel du contrôle parlementaire et qu'elle ait précisé sur certains points la mission d'assistance de la Cour des comptes au contrôle par le Parlement de l'exécution des lois de finances.

Il ne fait ainsi de doute pour aucune des deux assemblées parlementaires que les dispositions relatives au contrôle, même si la loi organique peut décider d'habiliter la loi de finances pour les compléter et les diversifier, relèvent bien du domaine dévolu au législateur organique.

Votre rapporteur souhaite ajouter que, compte tenu des liens très étroits qui unissent le budget de l'Etat, et plus généralement, ses engagements financiers avec les autres administrations publiques et d'autres agents n'entrant pas dans la sphère publique, il est totalement légitime de prévoir que l'information et le contrôle dont doit disposer, et que doit pouvoir exercer, le Parlement, concernent l'ensemble des questions relatives aux finances publiques.

Si certains observateurs pouvaient être amenés à estimer que cette notion de finances publiques, présente dans notre Constitution financière depuis plus de 42 ans, n'est pas assez précise, qu'il soit permis à votre rapporteur d'indiquer qu'à ses yeux, là où est le denier de l'Etat, là où est l'engagement financier de l'Etat, là sont les finances publiques.

Votre rapporteur souligne enfin que, sur le fond, l'équilibre de la réforme ici entreprise appelle mention du contrôle parlementaire. Le supplément de souplesse accordé aux gestionnaires doit avoir pour contrepartie l'acceptation de la responsabilité qui passe par celle du contrôle . Il est d'ailleurs remarquable que l'un des groupes de travail mis en place pour préparer les lendemains de la réforme au sein du gouvernement, le groupe de travail n° 4, soit précisément consacré aux « Contrôles a priori et a posteriori ».

Décision de la commission : votre commission vous propose d'insérer la présente division additionnelle.

DIVISION ADDITIONNELLE APRES L'ARTICLE 48 :

DE L'INFORMATION

Commentaire : il s'agit d'introduire une division additionnelle portant chapitre relatif à l'information sur les finances publiques.

Le présent chapitre regroupe et développe les informations particulières prévues par l'Assemblée nationale au fil du texte transmis par elle.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'insérer la présente division additionnelle.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

Le débat d'orientation budgétaire

Commentaire : le présent article additionnel vise à définir le contenu du rapport d'orientation budgétaire déposé par le gouvernement au cours du dernier trimestre de la session ordinaire.

L'objet du présent article additionnel et les modifications apportées par rapport à l'article 36 de la proposition de loi organique de l'Assemblée nationale, qui a le même objet, ont été présentés dans le cadre du commentaire dudit article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

Les questionnaires budgétaires

Commentaire le présent article additionnel a pour objet d'inscrire dans la loi organique la procédure des questionnaires parlementaires

L'objet du présent article additionnel et les modifications apportées par rapport à l'article 37 de la proposition de loi organique de l'Assemblée nationale, qui a le même objet, ont été présentés dans le cadre du commentaire dudit article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

Le rapport économique, social et financier

Commentaire : le présent article additionnel vise à apporter quelques précisions sur le contenu du rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances de l'année.

L'objet du présent article additionnel et les modifications apportées par rapport aux dispositions correspondantes du texte de l'Assemblée nationale ont été présentées dans le cadre du commentaire de l'article 38.

Votre rapporteur rappelle les principales modifications souhaitées :

• Il s'agit d'abord d'exiger une présentation détaillée des « budgets économiques », qui constituent les comptes à partir desquels est préparée la loi de finances. Cette présentation, qui portera sur l'année en cours et l'année suivante, devra permettre de rendre fidèlement compte des prévisions économiques du gouvernement. Les hypothèses que suppose de poser un tel exercice de prévision devront être clairement exposées.

• Il s'agit également de prévoir le développement des composantes de l'équilibre budgétaire telles que présentées par le projet de loi de finances dans les termes de la comptabilité nationale, qui est le mode d'expression de nos engagements européens.

• Pour tenir compte de la dimension pluriannuelle des enjeux de la gestion des finances publiques, il est demandé d'actualiser la présentation à moyen terme du compte des administrations publiques et des ressources et des charges de l'Etat établie dans les conditions prévues pour le rapport d'orientation budgétaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

Les documents joints au projet de loi de finances de l'année

Commentaire : le présent article additionnel énonce la liste des documents devant être joints au projet de loi de finances de l'année et détermine leur nature juridique.

Votre rapporteur a souhaité regrouper dans un titre spécifique les dispositions de la présente proposition de loi organique relatives à l'information et au contrôle. Ce choix, qui vise, d'une part, à assurer une plus grande cohérence d'ensemble au texte, et, d'autre part, à affirmer de manière forte les exigences en matière d'information et de contrôle, conduit à déplacer de nombreux articles du texte adopté par l'Assemblée nationale. Ainsi, votre rapporteur vous a proposé de supprimer l'article 38, portant sur les documents joints au projet de loi de finances de l'année. Le présent article additionnel reprend ces dispositions, dont les modifications proposées sont détaillées dans le commentaire associé à l'article 38.

Pour mémoire, il convient de rappeler que les principales modifications portent sur :

- l'enrichissement du contenu du rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation ;

- la présentation des emplois rémunérés par l'Etat par métier plutôt que par corps ;

- la suppression de l'estimation des crédits susceptibles d'être ouverts par voie de fonds de concours, dont votre rapporteur  souhaite qu'ils soient évalués dans la loi de finances ;

- la suppression de l'évaluation de l'incidence financière des dispositions de la loi de finances, au titre de l'année considérée et, le cas échéant, des années ultérieures, qui est demandée pour toutes les lois de finances dans un nouvel article que votre rapporteur vous proposera d'insérer.

Par ailleurs, votre rapporteur vous proposera des modifications de nature rédactionnelle ainsi que tirant les conséquences du maintien des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

Les documents joints aux projets de loi de finances rectificative

Commentaire : le présent article énonce la liste des documents devant être joints aux projets de loi de finances rectificative.

Votre rapporteur vous a proposé de supprimer l'article 40 du texte adopté par l'Assemblée nationale, portant sur les documents joints au projet de loi de finances de l'année. Le présent article additionnel reprend ces dispositions, dont les modifications sont détaillées dans le commentaire associé à l'article 40.

Votre rapporteur souhaite que les projets de loi de finances rectificatives ne soient pas seulement accompagnés de tableaux récapitulant les mouvements de crédits intervenus par voie réglementaire et relatifs à l'année en cours.

Ainsi, il vous propose de prévoir, dans cet article additionnel, que les projets de loi de finances rectificative seront accompagnés d'un rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'il comporte. En effet, une loi de finances rectificative venant modifier les dispositions de la loi de finances initiale doit pouvoir être justifiée au regard de l'évolution de la conjoncture économique et de la situation budgétaire (par exemple, pour tenir compte de plus-values ou de moins-values de recettes fiscales par rapport aux prévisions de la loi de finances de l'année).

Une autre annexe explicative devra détailler les modifications de crédits proposées, afin d'en expliciter l'objet et les justifications ; cette annexe servira de support aux décrets de répartition prévus à l'article 43.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

Les documents joints au projet de loi de règlement

Commentaire : le présent article additionnel énonce la liste des documents devant être joints au projet de loi de règlement.

Votre rapporteur vous a proposé de supprimer l'article 46 du texte adopté par l'Assemblée nationale, portant sur les documents joints au projet de loi de règlement. Le présent article additionnel reprend ces dispositions, dont les modifications sont détaillées dans le commentaire associé à l'article 46.

Pour mémoire, les principales modifications apportées aux dispositions prévues à l'article 46 du texte adopté par l'Assemblée nationale portent sur :

- l'alignement du contenu des rapports annuels de performances sur les projets annuels de performances (à l'exception des informations prospectives) ;

- la présentation des résultats de la comptabilité analytique mise en oeuvre dans chaque service de l'Etat.

Par ailleurs, votre rapporteur vous propose de prendre en compte les modifications nécessaires afin de tirer les conséquences du maintien des budgets annexes et des comptes spéciaux, et de supprimer la mention de la certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes, qui sera prévue dans un article spécifiquement dédié au contenu de la mission d'assistance de la Cour des comptes au Parlement.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

L'impact financier des dispositions des lois de finances

Commentaire : le présent article additionnel vise à exiger que les projets de loi de finances soient accompagnés d'une évaluation de l'incidence financière de leurs dispositions.

Cette disposition étend à toutes les lois de finances les règles posées par le dernier alinéa de l'article 38 du texte adopté par l'Assemblée nationale, qui ne concerne que la loi de finances de l'année.

Il s'agit d'imposer une évaluation de l'incidence financière de chacune des dispositions contenues dans les lois de finances, qu'elles affectent les ressources ou les charges. L'évaluation portera sur l'année considérée, et, le cas échéant, sur les années ultérieures.

Il est, en effet, indispensable que les parlementaires disposent, à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances, d'une idée précise des conséquences financières des mesures proposées à leur vote par le gouvernement.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

La publication des actes administratifs prévus par la loi organique

Commentaire : le présent article additionnel impose une obligation de publier au Journal officiel les actes administratifs prévus par la loi organique.

La proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale ainsi que le texte qui résulterait de l'adoption par le Sénat des propositions de votre commission des finances attribuent un grand nombre de compétences à l'autorité administrative.

Plutôt que de prescrire, dans chacun des articles susmentionnés, une obligation spécifique de publication des actes administratifs pris sur leur fondement, il a été jugé expédient d'énoncer, en un seul article, une obligation à caractère général.

Elle est destinée à s'appliquer tant à l'acte lui-même qu'au rapport qui en constitue le soutien.

Il va de soi que la publication du rapport devra permettre aux lecteurs du Journal officiel d'accéder à la substance de la motivation des différents actes administratifs concernés, sous la réserve, bien sûr, des rapports accompagnant les mouvements de crédits destinés à faire face à des dépenses à caractère secret intéressant la défense nationale et la sécurité extérieure et intérieure de l'Etat.

Aux yeux de votre commission et si cette disposition était adoptée, la simple mention du rapport, sans publication de son contenu, constituerait une trahison de l'intention du législateur.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

DIVISION ADDITIONNELLE APRÈS L'ARTICLE 48 :

DU CONTRÔLE

Commentaire : il s'agit d'introduire une division additionnelle portant chapitre relatif au contrôle sur les finances publiques.

Le présent chapitre regroupe certaines des dispositions relatives au contrôle du Parlement sur les finances publiques.

Décision de la commission : votre commission vous propose de créer cette division additionnelle.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

Les missions et prérogatives de contrôle des commissions chargées des finances

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet de préciser les missions et certaines prérogatives de contrôle des commissions des finances du Parlement.

I. LA CONSÉCRATION DES MISSIONS DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION DES COMMISSIONS DES FINANCES

Cet article vise d'abord à reconnaître dans la présente loi organique les missions de contrôle des commissions des finances du Parlement sur l'exécution des lois de finances.

Votre rapporteur estime que ces missions peuvent amener leurs titulaires à s'intéresser à toute question relative aux finances publiques. Il s'en est expliqué à l'occasion du commentaire de la division additionnelle créant, dans la loi organique, un titre relatif à l'information et au contrôle du Parlement. Il relève d'ailleurs qu'à l'occasion de l'examen dans le premier collectif pour 2000 de plusieurs dispositions relatives au contrôle parlementaire, Mme le secrétaire d'Etat au budget avait privilégié une vision très extensive du domaine du contrôle des commissions des finances. S'agissant des ressources, elle avait considéré qu'entraient dans ce champ la totalité des recettes affectées, résumant son appréciation en ces termes :

« la notion de recettes publiques affectées vise à englober de manière générique tous ces cas de figure : taxes affectées, taxes parafiscales et cotisations sociales . »

II. LA CONSÉCRATION DE CERTAINES PRÉROGATIVES DE CONTRÔLE

Il est nécessaire de définir très largement les prérogatives de contrôle de parlementaires. C'est ce que propose votre rapporteur en énonçant que :

le contrôle peut se dérouler sur pièces et sur place ;

comprendre toute audition jugée utile par le contrôleur ;

et conduire à requérir la communication de tout document d'ordre financier et administratif.

Certaines réserves sont toutefois posées afin de respecter les droits constitutionnels fondamentaux ou la préservation des grands intérêts nationaux.

Votre rapporteur souhaite ici souligner que l'accès aux documents que prévoit cet article doit être le plus large possible. Il inclut notamment les rapports des corps de contrôle interne et externe à l'administration qui sont d'ailleurs communicables, sans restrictions, à la Cour des comptes.

De la même manière, le droit d'audition doit être considéré comme un droit général, applicable aux agents publics et à toute personne capable.

Enfin, votre rapporteur souhaite mentionner que le présent article n'a pas pour vocation d'entraîner l'abrogation des dispositions législatives précisant les matières dont il traite. Il considère, au demeurant, que des mesures d'application législatives ou relevant du règlement des assemblées, pourront utilement préciser les principes ici énoncés.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

La mission d'assistance de la Cour des comptes au Parlement

Commentaire : le présent article additionnel vise à consacrer dans la loi organique certaines des déclinaisons concrètes de la mission d'assistance au Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution.

Jusqu'à la réforme réalisée par la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996, le rôle de la Cour des comptes n'était mentionné dans la Constitution que par le seul article 47 127 ( * ) , qui lui a confié une mission d'assister le Parlement et le gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances.

L'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 n'avait guère développé ce que pourrait représenter cette mission d'assistance. Elle s'était bornée à prévoir, en son article 36, que le projet de loi de règlement serait accompagné « d'un rapport de la Cour des comptes », sans autre précision, et de la « déclaration générale de conformité entre les comptes individuels des comptables et la comptabilité des ministres ».

C'est donc en marge de la loi organique, sur la base de la coutume ou sur celle de lois ordinaires, que se sont développées les relations entre la Cour des comptes et le Parlement.

Votre rapporteur, qui s'en félicite et entend préserver les évolutions ultérieures que pourraient prévoir, dans l'avenir, des lois ordinaires, considère pourtant que la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ne serait pas complète si la très importante institution de contrôle que représente la Cour des comptes n'y voyait pas certaines de ses missions à la fois précisées et consacrées.

C'est parce qu'il a une pleine conscience de la qualité des travaux de la Cour qu'il vous propose, dans le respect des activités juridictionnelles qui sont les siennes et de la protection des magistrats qui la composent, d'en faire l'un des acteurs de cette importante réforme.

I. TRANSFORMER LA DÉCLARATION GÉNÉRALE DE CONFORMITÉ EN UNE CERTIFICATION DES COMPTES DE L'ETAT

A. LA DECLARATION GENERALE DE CONFORMITE, UNE DECLINAISON PARTICULIERE DE LA MISSION D'ASSISTANCE DE LA COUR DES COMPTES...

La première et jusqu'à présent, en dehors du très précieux rapport sur l'exécution des lois de finances, l'unique déclinaison figurant dans un texte organique de la mission confiée à la Cour d'assister le Parlement pour le contrôle de l'exécution des lois de finances, a été l'obligation mise à la charge de la Cour d'établir une déclaration générale de conformité entre les comptes individuels des comptables et la comptabilité des ministres.

Cette obligation a été légèrement modifiée par la loi organique n° 94-1132 relative à certaines dispositions législatives des livres premier et II du code des juridictions financières du 27 décembre 1994. Ce texte ayant, notamment, codifié certaines dispositions relatives aux juridictions financières, une deuxième définition, de nature organique ainsi qu'en a jugé le Conseil constitutionnel 128 ( * ) , fut alors donnée de la déclaration générale de conformité. Celle-ci devint, dans le texte de l'article L.O. 132-1 du code des juridictions financières « la déclaration générale de conformité entre les comptes individuels des comptables et les comptes généraux de l'Etat », comme telle , « annexée au projet de loi de règlement ».

B. ...DONT LA TRANSFORMATION S'IMPOSE

Votre rapporteur ne peut mieux faire que citer la Cour des comptes elle-même 129 ( * ) .

« a) L'actuelle déclaration générale de conformité (DGC) n'est pas exempte de critiques 130 ( * ) .

Selon la loi organique (art. 36), la DGC est établie « entre les comptes individuels des comptables et la comptabilité des ministres ». La réalité n'est pas tout à fait celle-là, et les textes d'application sont imprécis.

Le décret de 1962 précise que la DGC est faite entre les comptes des comptables et le compte général de l'administration des finances (art. 150), lui-même défini à l'article 141 comme comprenant la synthèse des comptes des comptables et le développement des recettes et des dépenses budgétaires par ministère.

La loi du 22 juin 1967 (art. 132-1 du code des juridictions financières) ajoute que la DGC est réalisée entre les comptes des comptables et les comptes généraux de l'Etat.

Concrètement, la DGC est établie entre les comptes des comptables, qui relèvent de la Direction générale de la comptabilité publique, et leur synthèse élaborée par l'Agent comptable central du Trésor, qui relève également de cette direction, dans le compte général de l'administration des finances.

Il s'agit donc d'un exercice de vérification de la cohérence formelle de comptes issus du même réseau administratif ; un tel exercice est nécessaire, et la Cour des comptes doit s'assurer de son bon accomplissement, mais il n'est pas suffisant en lui-même pour attester de la sincérité des comptes.

b) La DGC ne peut s'assimiler non plus à une véritable certification des comptes

- Les textes relatifs à la Cour ne sont pas explicites

Selon le code des juridictions financières (art. L 111-1-2-3), « la Cour des comptes juge les comptes des comptables publics,... elle assiste le Parlement et le gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances,... elle vérifie la régularité des recettes et des dépenses et s'assure du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l'Etat,... ». Il n'est pas prévu que la Cour « certifie » les comptes de l'Etat, c'est-à-dire assure qu'ils sont à la fois réguliers, sincères et donnent une image fidèle (si l'on retient la définition usuelle, en comptabilité privée, de la certification).

Non explicite, ce texte ne paraît pas non plus rédhibitoire. Il existe cependant actuellement deux autres difficultés.

- En l'état actuel de la comptabilité de l'Etat, la certification n'est pas possible.

Dans cette hypothèse, il ne s'agirait pas seulement de vérifier l'exactitude des comptes et la régularité des opérations financières (ce qui est déjà fait, par la Cour des comptes), mais d'assurer, en outre, que les comptes sont sincères et donnent une image fidèle.

La régularité est déjà contrôlée. La sincérité pourrait l'être : il faudrait vérifier que le gouvernement a exprimé, avec vérité, ce qu'il savait au moment de la réalisation du budget, compte tenu des règles en vigueur, de la situation nationale, et des interprétations possibles de la réalité budgétaire par le pays.

En revanche, la fidélité des comptes ne serait pas facile à établir : la Cour devrait dire non seulement si les règles budgétaires et comptables ont été respectées, mais encore si les comptes permettent d'avoir une vision relativement objective de la situation financière de l'Etat et son patrimoine. Or, à l'heure actuelle, la présentation « patrimoniale » des comptes de l'Etat reste trop embryonnaire et ne respecte pas les règles couramment appliquées en la matière.

Ainsi, les comptes de l'Etat ne sont pas aujourd'hui certifiables : la certification serait établie au mieux avec réserve, ce qui donnerait lieu à des débats certainement polémiques.

- Les comptes des comptables sont jugés après l'établissement de la DGC.

L'une des missions essentielles de la Cour des comptes est de juger les comptes des comptables. Or, la Cour est destinataire de ces comptes et de leurs pièces justificatives bien après la réception du compte général de l'administration des finances. En outre, au plan des principes, il n'est pas envisageable que ces comptes soient examinés et jugés dans les délais qui président à l'établissement de la DGC.

c) Toutefois, la DGC peut évoluer de manière substantielle

L'adoption de l'obligation de sincérité rendrait le statu quo difficilement tenable.

Les efforts engagés pour réduire la durée de la période complémentaire vont permettre d'annexer, à nouveau, au projet de loi de règlement, la DGC et le rapport annuel sur l'exécution des lois de finances.

Plus fondamentalement, au-delà de l'examen des opérations d'exécution auquel elle procède, la Cour devrait se prononcer sur la situation patrimoniale de l'Etat et sur la validité de sa comptabilité, pour autant que celles-ci soient établies selon des principes et des bases qui permettent de le faire.

Une telle novation impliquerait que la Cour soit dotée de moyens pour procéder à un tel contrôle.

Par ailleurs, cette novation conduirait également le ministère des finances à fournir à la Cour les comptes des comptables plus tôt dans l'année (dans l'idéal, et conformément aux textes, l'ensemble des comptes devraient être joints au compte général de l'administration des finances). S'agissant des ordonnateurs, une réflexion pourrait être conduite sur l'établissement et la transmission de leurs comptes, qui ne sont actuellement que des « annexes » des comptes budgétaires établi par le ministère des finances.

Cette réforme obligerait enfin la Cour à faire évoluer ses méthodes de contrôle dans ce domaine : elle devrait procéder toute l'année à des sondages, sur pièces et sur place, pour vérifier la qualité de la tenue de la comptabilité par les ministères.

Dans ces conditions, la Cour pourrait être en mesure d'apprécier si le budget et la comptabilité de l'Etat rendent comptent fidèlement de sa situation financière.

Compte tenu de ce qui a été dit s'agissant de la mission juridictionnelle de la Cour, cette DGC modernisée serait réalisée sans préjuger de l'examen au fond des comptes des comptables effectué ultérieurement.

A terme, la DGC ne se distinguerait guère d'une certification des comptes de l'Etat. »

Le principe de la rénovation des comptes de l'Etat étant posé par la présente loi organique, votre rapporteur vous propose de sauter le pas et de confier à la Cour une véritable mission de certification.

Celle-ci sera incluse dans le rapport relatif à l'exécution des lois de finances et il est souhaitable qu'elle soit accompagnée d'une mention des vérifications effectuées.

II. CONSACRER LES FORMES TRADITIONNELLES DE L'ASSIS-TANCE DE LA COUR ET SES TRADUCTIONS PLUS RÉCENTES

La pratique, parfois reprise par le droit (mais ce n'est pas toujours le cas), a vu le développement du nombre des rapports remis par la Cour pour permettre au Parlement d'apprécier l'exécution des lois de finances. Ces formes traditionnelles de l'assistance de la Cour méritent une consécration organique.

Il en va ainsi pour d'autres modalités d'assistance de la Cour, moins éprouvées en pratique, soit parce que prévues par des textes, elles n'ont guère été mises en oeuvre (le droit d'enquête), soit parce que, non organisées, elles n'ont connu de développement que récemment (l'assistance aux missions de contrôle et d'évaluation).

A. UNE CONSÉCRATION DES TRAVAUX DE LA COUR DES COMPTES

La mention dans la loi organique de certaines des modalités d'assistance de la Cour des comptes n'a pas pour objectif et ne doit pas avoir pour effet d'affecter les compétences de la Cour dont la loi organique ne traiterait pas.

Il en va ainsi, bien sûr, pour ses missions juridictionnelles. Dans son activité juridictionnelle, la Cour est et restera totalement indépendante. Même si de principale, la place de cette activité est passée à un rang plus second, la préservation de l'activité juridictionnelle de la Cour, à laquelle votre rapporteur sait que des évolutions pourraient être apportées, devra être assurée.

Votre rapporteur relève cependant que, d'ores et déjà, la Constitution, en conférant à la Cour une mission d'assistance au Parlement, n'a pas considéré que son statut de juridiction opposait quelqu'obstacle que ce soit à une telle activité. D'ailleurs, les activités juridictionnelles du Conseil d'Etat n'empêchent nullement ce dernier d'être aussi le conseil du gouvernement.

La préservation des autres missions de la Cour, c'est aussi celle des missions d'assistance au Parlement que ne mentionne pas le présent article, en matière de lois de finances ou de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que celle des autres activités de contrôle dont la Cour assume la charge.

Les dispositions du présent article ne seraient donc pas exclusives d'autres modalités d'assistance.

Votre rapporteur souligne en particulier l'intérêt de la suggestion émise par M. Pierre Joxe, alors Premier président, de saisir la Cour de certains textes. Il veut en citer l'expression telle qu'elle figure dans l'article « Assister le Parlement » du numéro 59 de la Revue française des finances publiques :

« Enfin, et en guise de conclusion provisoire, pourquoi à l'avenir, ne pas associer davantage la Cour aux travaux législatifs ou même réglementaires ? Pourquoi ne pas la consulter à l'occasion d'un dépôt de projet de loi ou même d'un projet de décret ayant une dimension financière ou budgétaire, comme cela existe dans beaucoup de pays ?

Le président Séguin, il y a trois ans, avait émis l'idée que la Cour devrait être consultée sur le projet de budget, comme l'est le Conseil d'Etat. Le paradoxe est qu'aujourd'hui le Conseil d'Etat est consulté sur le projet de lois de finances mais pas la Cour des comptes ! Pour commencer, il faudrait au moins s'assurer que des projets de lois ou des décrets réglementaires prennent en compte des observations que la Cour a formulées dans le domaine qu'ils ont à couvrir. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas ! ».

Votre rapporteur est bien conscient que le développement des activités de la Cour des comptes est de nature à lui poser des problèmes d'organisation. Il appartient à la Cour des comptes de régler ceux qu'elle peut seule régler et au Parlement et au gouvernement d'apporter leur contribution pour ceux qui relèvent de leur compétence.

B. CONSACRER LES FORMES USUELLES DE L'ASSISTANCE DE LA COUR

Votre rapporteur vous propose de mentionner dans la loi organique le rapport sur l'exécution des lois de finances qui fait déjà l'objet d'une disposition organique, ainsi qu'en a jugé de Conseil constitutionnel dans sa décision précitée, et d'y adjoindre deux mentions nouvelles :

• celle du rapport préliminaire qu'en pratique la Cour remet au moment du dépôt du rapport d'orientation budgétaire du gouvernement ;

• celles de rapports déposés conjointement à tout projet de loi de finances et consacrés aux mouvements de crédits opérés par voie administrative dont la ratification est demandée dans le projet de loi de finances concerné.

Votre rapporteur, qui salue l'utilité des documents transmis par la Cour, n'ignore pas que le contenu du rapport sur l'exécution des lois de finances devra être adapté au nouvel objet des lois de règlement. Celles-ci devront être un moment fort permettant au Parlement d'apprécier les performances des différentes actions publiques. Il est ainsi souhaitable que s'instaure un dialogue entre le Parlement et la Cour afin de préciser au mieux les attentes du Parlement et les conditions dans lesquelles la Cour pourrait les satisfaire.

Votre rapporteur relève, d'ores et déjà, que la démarche entreprise par la Cour d'aborder l'exécution budgétaire à travers des monographies aujourd'hui ministérielles peut constituer un aperçu de ce que sera l'examen par la Cour des futures missions et programmes.

Votre rapporteur souhaite également que la Cour des comptes puisse, en cette occasion, analyser la pertinence formelle des indicateurs dont seront assortis les programmes et puisse s'interroger sur les méthodes utilisées par les administrations pour les informer. Il s'associe pleinement à la préoccupation exprimée par notre collègue, Yves Fréville, à l'occasion de l'audition du Premier Président, M. Logerot, le 9 mai dernier, et voit dans la réponse de celui-ci une promesse pour l'avenir.

Enfin, il veut souligner l'intérêt de la suggestion du Premier président tendant à ce que la Cour puisse, dans le rapport sur l'exécution des lois de finances, adjoindre quelques indications sur la situation du budget en cours d'exécution.

C. CONSACRER LES FORMES MOINS ÉPROUVÉES DE L'ASSISTANCE DE LA COUR

1. Prévoir l'assistance de la Cour aux missions de contrôle et d'évaluation prévues par le présent chapitre

Du fait de leurs qualifications et de leurs fonctions professionnelles, les personnels de la Cour des comptes, magistrats et fonctionnaires, disposent d'une expertise dont le Parlement connaît la qualité à travers les documents transmis à lui.

Cette expertise est d'ailleurs très largement reconnue et va même, paradoxalement, jusqu'à poser quelques difficultés d'organisation à la Cour puisque c'est à cause d'elle que les personnels de la Cour exercent de nombreuses missions extérieures et font l'objet d'un turn over impressionnant, décrit en ces termes par le Premier président Logerot :

« Que ce soit pour la certification ou pour répondre à des demandes supplémentaires du Parlement, nous ne pouvons pas vivre avec une telle limitation et, surtout, une telle instabilité de moyens. Comme vous le savez, parce que nous avons ce statut dit de grand corps comme le Conseil d'Etat ou l'inspection des finances, les ministères, les entreprises, les administrations, viennent puiser à qui mieux mieux dans les effectifs, notamment de conseillers référendaires . Chaque année, 60 à 70 mouvements de personnel ont lieu à la Cour des Comptes. Nous créons une équipe et parfois, trois semaines ,plus tard, elle est déjà détruite parce qu'un jeune conseiller référendaire est appelé à un cabinet ministériel. »

Votre rapporteur ne souhaite pas ajouter à cette confusion.

Mais, se basant sur l'expérience de la collaboration entre la Cour des comptes et la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) créée à l'Assemblée nationale, votre rapporteur considère que la collaboration des personnels de la Cour aux contrôles et évaluations du Parlement, qui est déjà inscrite dans les pratiques, est trop précieuse pour ne pas être fondée dans un texte de droit.

Il comprend pleinement les analyses du Premier président sur cette assistance, qu'il veut citer :

« Certes, je comprends bien que cette idée entre dans le champ du contrôle de l'exécution de la loi de finances. Ce n'est pas contestable mais, nous concernant, c'est en dehors de nos procédures traditionnelles, à savoir en dehors de l'examen des comptes rendus -appuyés de pièces justificatives- à la Cour, car l'on peut penser que ce seront des missions déclenchées, comme les commissions parlementaires en ont le droit, pour vérifier certaines opérations...

C'est une disposition envisageable, devant avoir lieu en toute clarté, à savoir que les services contrôlés sachent qu'il s'agit de contrôles déclenchés par les commissions du Parlement en vertu des pouvoirs dont elles disposent et pour lesquels elles ont demandé une collaboration technique de la Cour. Ces contrôles se dérouleront selon les procédures et les modalités que les commissions des finances ont arrêtées et presque nécessairement, pas selon les méthodes de la Cour, en particulier sans les délais de contradiction écrite ou orale qui, comme vous le savez, s'imposent à nous et sont parfois la raison de la longueur de nos procédures et des délais dans lesquels nous délivrons nos rapports. »

Votre rapporteur est en plein accord avec cette analyse et considère qu'en effet, l'assistance ainsi fournie par la Cour s'exercera dans le cadre propre aux missions de contrôle et d'évaluation du Parlement.

2. Consacrer dans la loi organique le droit de demander des enquêtes à la Cour des comptes

Depuis une loi de 1950, les commissions des finances du Parlement peuvent demander à la Cour de faire porter ses investigations sur tel sujet qu'elles souhaitent.

La commission des finances du Sénat a été la première à user, en 1975, de cette faculté, qui dans les faits, se heurte à de nombreuses difficultés.

De ces difficultés, il résulte en pratique, pour reprendre la formule utilisée par M. Jacques Magnet, Président de chambre à la Cour, dans son article intitulé « Les institutions supérieures de contrôle des comptes et le pouvoir législatif : Aperçu de droit comparé » 131 ( * ) , que « C'est elle seule qui décide, d'après ses charges de travail, l'intérêt qu'elle porte à tel ou tel sujet, ce qu'elle va mettre ou ne pas mettre à son programme de l'année suivante. »

Votre rapporteur considère que, sans mettre le programme de contrôles de la Cour sous la tutelle du Parlement, il importe que ce programme tienne mieux compte qu'aujourd'hui des intérêt manifestés par les représentants de la Nation.

Il a bien entendu les propos du Premier président de la Cour selon lesquels « le problème du moment où ces demandes sont faites est pour nous très important, car une institution comme la Cour ne peut pas travailler sans un programme tenant compte d'un certain nombre de priorités. Celles que nous imposent nos missions premières, nos missions à l'égard du Parlement, de jugement des comptables publics dans un délai raisonnable, la mission de contrôle des comptes des entreprises publiques en groupant trois ou quatre exercices mais, autant que possible, pas plus, et, sur la plage restant libre de notre potentiel, les sujets que nous choisissons. »

Il souligne les propos suivants :

« Bien évidemment, les demandes d'enquête du Parlement doivent être prioritaires et je crois pouvoir dire que, dans le passé, il est déjà arrivé que la Cour soit amenée à modifier son programme en cours de route pour satisfaire une demande dans le cadre du Parlement. Si les demandes du Parlement peuvent nous parvenir au moment où nous constituons nos programmes annuels à l'automne, en octobre-novembre, il est bien plus facile de les intégrer d'emblée sans avoir à désorganiser des équipes et un programme de travail déjà en cours. »

Il souhaite y ajouter qu'il est très souhaitable, pour satisfaire les souhaits légitimes de la Cour, que celle-ci lui transmette systématiquement son projet de programme de contrôle suffisamment tôt pour que les commissions des finances puissent y apporter les suggestions qui conviennent.

Moyennant ces progrès d'organisation, votre rapporteur vous propose de rappeler le caractère prioritaire des demandes du Parlement. Il souhaite en outre qu'elles puissent être satisfaites dans de bons délais.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

La cessation des entraves aux missions de contrôle et d'évaluation

Commentaire : le présent article additionnel vise à instaurer une procédure souple permettant d'obtenir la cessation des entraves exercées à l'encontre des missions de contrôle et d'évaluation du Parlement.

Les dispositions prévoyant le rôle des instances judiciaires pour favoriser l'accomplissement par le Parlement de ses missions de contrôle et d'évaluation ne sont pas inexistantes dans notre droit positif. Cependant, elles sont marquées par le recours exclusif à des sanctions pénales.

Tel est le cas, s'agissant de la résistance manifestée à l'égard des pouvoirs d'audition des commissions parlementaires ou des commissions d'enquête ou pour le refus de communiquer à ces dernières commissions les documents demandés.

Très récemment, la première loi de finances rectificative pour 2000 a adopté un dispositif analogue punissant de 100.000 francs d'amende les obstacles mis à l'exercice des prérogatives de contrôle des commissions des finances.

Votre rapporteur se félicite qu'en pratique, à sa connaissance, de telles sanctions n'aient pas eu à trouver d'application.

Il considère qu'il appartient à la volonté politique de s'affirmer avec suffisamment de force pour que des obstacles de cette nature soient, éventuellement, éliminés par les parlementaires qui, en matière de contrôle, comme lorsqu'ils légifèrent, représentent le souverain.

Il concède que, cependant, des procédures souples, c'est-à-dire faciles de maniement et « dédramatisées », peuvent se révéler utiles pour sortir d'un conflit persistant.

C'est la raison pour laquelle il vous propose de prévoir que les présidents des commissions des finances puissent demander à la juridiction compétente, en référé, de faire cesser, sous astreinte, les obstacles mis à l'exercice des missions de contrôle mentionnées dans le présent chapitre.

Ces obstacles, aux yeux de votre rapporteur, seraient constitués par l'impossibilité pour les commissions concernées, et leurs membres, d'obtenir les renseignements demandés par eux, qu'il s'agisse des documents mentionnés au présent chapitre ou des informations orales transmises lors des auditions, qui constituent l'un des moyens privilégiés du contrôle.

Il va de soi que l'entrave ne pourrait être constatée qu'au terme d'un délai raisonnable apprécié en fonction des difficultés de tous ordres supposées par la communication des renseignements demandés.

Il va également de soi que l'impossibilité matérielle ou intellectuelle de répondre aux demandes formulées par les parlementaires pourrait être constatée par la juridiction saisie afin de rejeter la demande des personnes habilitées à la former.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 48

Les suites données aux observations notifiées au terme des missions de contrôle et d'évaluation des commissions chargées des finances

Commentaire : le présent article additionnel vise à mettre à la charge du gouvernement une obligation de réponse aux observations résultant des travaux de contrôle et d'évaluation du Parlement.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Il s'agit de mettre à la charge du gouvernement une obligation de répondre aux observations résultant des opérations de contrôle et d'évaluation du Parlement.

Cette obligation serait limitée aux observations ayant fait l'objet d'une notification formelle aux ministres concernés. Elle devrait être satisfaite dans les conditions prévues par l'article :

- elle devrait intervenir dans un délai de deux mois après la date de réception de la notification ; évidemment, la réponse devrait être suffisamment circonstanciée.

- la réponse devrait prendre une forme écrite.

II. SA JUSTIFICATION

Si les opérations de contrôle et d'évaluation réalisées par le Parlement sont principalement destinées à vérifier le respect de ses votes et à éclairer ses décisions futures, il paraît essentiel que les observations sur lesquelles elles débouchent soient, une fois notifiées au gouvernement, prises en considération par lui.

Or, la pratique conduit à s'interroger sur ce point et l'hypothèse peut sérieusement être envisagée que, fréquemment, les observations des parlementaires ne sont tout simplement pas lues.

L'instauration d'une obligation de réponse devrait logiquement mettre un peu de sérieux là où demeure souvent une regrettable désinvolture.

Elle constitue, au demeurant, le prolongement naturel du dialogue entre le Parlement et le gouvernement que suppose tout exercice de contrôle et d'évaluation de l'action publique.

Si votre rapporteur reconnaît qu'elle constitue une sorte d'injonction au gouvernement, il souligne que l'habilitation donnée à la loi organique par deux articles de la Constitution pour préciser sous quelles réserves et dans quelles conditions les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat et sont votées par le Parlement conduisent le législateur organique à prévoir un grand nombre de dispositifs de cette nature. Il se réfère en particulier à l'article 37 prévu dans le texte de l'Assemblée nationale pour rationaliser le régime des questionnaires budgétaires.

Au demeurant, le Conseil constitutionnel n'a, heureusement, pas pour habitude de censurer les dispositions comportant l'obligation de dépôt de rapports mise à la charge du gouvernement par les lois de finances. L'obligation de réponse ici instaurée ayant naturellement pour objet de constituer un élément important devant permettre au Parlement d'exercer pleinement les compétences qui sont les siennes dans le domaine des lois de finances, il serait extrêmement regrettable, alors que la pratique qu'elle entend promouvoir apparaît répondre à un souci élémentaire de courtoisie entre les pouvoirs publics, qu'elle puisse être considérée comme remettant en cause les compétences propres du gouvernement et comme élargissant abusivement les pouvoirs constitutionnels des assemblées.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

TITRE IV :

ENTRÉE EN VIGUEUR ET APPLICATION DE
LA LOI ORGANIQUE

ARTICLE 49

La caducité des garanties octroyées sans autorisation du législateur financier

Commentaire : le présent article précise les règles transitoires applicables aux garanties accordées par l'Etat.

Conformément à sa volonté, partagée par votre rapporteur, de faire statuer le législateur, en loi de finances, sur l'octroi des garanties accordées par l'Etat en raison des engagements futurs que celles-ci recèlent (voir le commentaire de l'article 31), l'Assemblée nationale a prévu, dans les dispositions transitoires, un délai de trois ans pour permettre au gouvernement de faire autoriser les garanties qui ne l'auraient pas été. A l'issue de ce délai qui court à partir de la publication de la loi organique, les garanties non encore autorisées tomberaient.

Le deuxième alinéa du présent article permet au gouvernement, dans le cadre du projet de loi de règlement du budget de 2004, de récapituler les garanties encore non autorisées dans une annexe particulière.

Votre rapporteur s'accorde pour considérer que ces garanties doivent être autorisées expressément par des dispositions de loi de finances. Le délai de trois ans prévu au présent article lui semble constituer un délai laissant au gouvernement le temps de recenser celles des garanties, directes et indirectes, qui n'auraient pas encore été identifiées, et de les faire approuver par le Parlement.

Il ne s'agit pas là dans l'esprit de votre rapporteur de revenir, par cette autorisation formelle, sur un droit octroyé précédemment mais, en quelque sorte, de solder les autorisations afin que le nouveau régime prévu par la présente proposition de loi organique puisse s'appliquer pleinement. Il souligne que le travail de recensement devra nécessairement être réalisé par les comptables publics pour l'évaluation des engagements devant désormais figurer en hors bilan de l'Etat.

L'annexe spéciale mentionnée au deuxième alinéa se justifie, quant à elle, par un souci de bonne information du Parlement, qui doit être à même de savoir quelles garanties tomberont faute d'autorisation. Il ne s'agit bien sûr, en aucun cas, d'une autorisation par défaut sous forme d'annexe, mais bien d'un souci d'information exhaustive.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 50

Le maintien à titre transitoire et exceptionnel de certaines affectations de recettes

Commentaire : le présent article tend à ouvrir la possibilité, à titre exceptionnel et transitoire, de maintenir les affectations de recettes constitutives des budgets annexes, des comptes d'affectation spéciale et des comptes de commerce après l'entrée en vigueur de la future loi organique.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit d'abord le maintien, à titre transitoire, des budgets annexes, des comptes d'affectation spéciale et des comptes de commerce ouverts à la date de publication de la présente loi organique.

Il prévoit aussi que ces structures budgétaires particulières resteraient régies par les dispositions pertinentes de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959.

II. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION

Outre que votre commission ne partage pas, pour des raisons de fond, l'aversion de principe que paraît nourrir, à l'encontre des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor, le texte adopté par l'Assemblée nationale 132 ( * ) , il lui faut ajouter trois observations complémentaires.

La première a pour objet de souligner que l'affirmation du caractère transitoire du maintien des entités existantes n'étant accompagnée d'aucune précision de terme, ne saurait être considérée autrement que comme une simple clause de style. Partant, cette disposition paraît révéler une certaine irrésolution qui contraste avec la ferme volonté exprimée par l'article 17 du texte de l'Assemblée nationale de limiter, pour l'avenir, le recours aux budgets annexes et comptes spéciaux du Trésor.

La deuxième observation vient pour préciser que, à supposer que le présent article soit finalement adopté, la suppression des affectations sous revue devrait emprunter la voie d'une disposition de loi de finances. Celle-ci, qui pourrait provenir d'une initiative parlementaire comme d'une initiative gouvernementale, s'impose pour respecter le parallélisme des formes.

La dernière observation vise à regretter que le deuxième alinéa du présent article, à supposer que celui-soit soit finalement adopté, fasse échapper les entités concernées aux dispositions introduites, par ailleurs, par la réforme de l'ordonnance organique. Cette disposition, qui déboucherait sur un budget de l'Etat « à deux vitesses », est d'autant moins admissible que les budgets annexes et comptes concernés se prêtent tout particulièrement aux innovations majeures que constituent en particulier les dispositifs nouveaux tendant à opérer une budgétisation par objectifs (spécialisation par programme, élaboration de rapports de performance...).

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 51

Les dispositions transitoires en matière de reports de crédits

Commentaire : Le présent article définit le régime des reports de crédits applicable lors de l'entrée en vigueur de la future loi organique.

Le présent article vise à appliquer le mécanisme de plafonnement des reports de crédits prévu à l'article 16 du texte adopté par l'Assemblée nationale aux crédits disponibles à l'issue de l'exécution des lois de finances pour 2005.

Il vous a été proposé de supprimer l'article 16 du texte adopté par l'Assemblée nationale et d'inscrire les dispositions relatives aux reports de crédits à l'article 9. Il ne s'agissait pas d'un simple déplacement de l'article concerné, puisque votre rapporteur a souhaité mettre en oeuvre un régime plus souple en matière de reports de crédits, assorti d'une information précise du Parlement visant à présenter l'impact des reports de crédits sur les crédits votés par la loi de finances initiales et à justifier les reports de crédits exceptionnels (soit ceux ayant fait l'objet d'un arrêté de relèvement du plafond de 3 % des crédits de paiement).

Cependant, ces changements n'emportent pas de modifications substantielles au texte de l'article 51 tel qu'adopté par l'Assemblée nationale. Votre rapporteur ne vous proposera donc qu'une modification de portée rédactionnelle, ainsi que des modifications visant à coordonner les références mentionnées à cet article, compte tenu du déplacement des dispositions relatives aux reports de crédits indiqué plus haut.

Les reports de crédits de l'année 2005 sur l'année 2006 seront donc plafonnés à 3 % des crédits initiaux des chapitres concernés, sous réserve que ces crédits correspondront à des dépenses effectivement engagées d'une part, et qu'un arrêté de relèvement du plafond n'aura pas été pris conjointement par le ministre chargé des finances et le ministre concerné, d'autre part. Le régime de report automatique des crédits ouvert par voie de fonds de concours s'appliquera également aux crédits ainsi ouverts au cours de l'année 2005, les fonds reportés devant être employés de manière conforme à l'intention de la partie versante.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 52

Les dispositions transitoires relatives aux taxes parafiscales

Commentaire : le présent article prévoit le régime transitoire applicable aux taxes parafiscales

Le législateur organique entend revenir à la lettre comme à l'esprit de l'article 34 de la Constitution, qui constitue l'origine et le coeur de notre démocratie parlementaire : le consentement à l'impôt. En ce sens, la présente proposition de loi organique ne reprend pas les dispositions du troisième alinéa de l'article 4 de l'actuelle ordonnance organique. Il s'agit ainsi de mettre fin à la parafiscalité en la rapportant à ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être : une fiscalité dont les règles d'assiette, de taux et de modalités de recouvrement sont fixées par la loi.

Les conséquences pratiques de cette suppression ont été exposées dans le rapport de notre collègue député M. Didier Migaud : les taxes parafiscales continueront à être perçues jusqu'à l'entrée en vigueur de leur suppression, sauf disposition législative intervenant avant cette date ; après cette date, elles sont supprimées jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions législatives nouvelles.

Il n'aurait pas été anormal, eu égard au sujet, de rendre cette suppression de la parafiscalité d'application immédiate au 1 er janvier suivant la publication de la présente loi organique. Cependant, le législateur organique a voulu prendre en compte les difficultés pratiques qu'aurait provoquées une telle suppression, par exemple au 1 er janvier 2002 en cas de publication en 2001. Il est vrai que « relégiférer » en un trimestre sur l'ensemble de la parafiscalité aurait risqué de se faire dans une précipitation nuisible au travail parlementaire et engendré des oublis graves. Le texte du présent article laisse donc jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle de la publication de la présente loi organique pour opérer cette oeuvre législative.

Votre rapporteur, alerté sur ce point par les propos de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, lors de la discussion de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, s'inquiète du risque que le délai proposé par le présent article soit encore trop court pour assurer une substitution, dans de bonnes conditions, de la fiscalité à la parafiscalité. Soucieux de ne pas fragiliser les organismes bénéficiaires, de ne pas alourdir la tâche législative du Parlement en la matière en l'enserrant dans des délais trop contraignants, et de donner un peu de temps au Gouvernement pour réaliser ce travail, votre rapporteur vous propose donc d'allonger d'une année le délai figurant au présent article.

Il tient cependant à attirer l'attention du gouvernement sur deux points. Il serait contraire à l'esprit dans lequel a été élaboré cette réforme, irrespectueux à l'endroit du Parlement et dangereux de ne pas profiter de l'intégralité de ce délai pour proposer, de manière étalée dans le temps, cette intégration de la parafiscalité à la fiscalité. Surcharger le projet de loi de finances pour 2004 (ou déposer un projet de loi particulier au dernier trimestre 2003) de telles dispositions au motif qu'il s'agirait du dernier véhicule législatif pour ce faire serait contraire à l'intention du législateur organique ; celui-ci entend permettre au Parlement de se prononcer sur le maintien en l'état de la parafiscalité.

Par ailleurs, votre rapporteur estime qu'il faudra, lors de l'examen de ces dispositions législatives, ne pas oublier le cas des recouvrements en cours et non activés à la date d'entrée en vigueur des nouvelles règles.

Enfin, il convient d'avoir présent à l'esprit qu'une grande partie de la parafiscalité d'aujourd'hui ne satisfait probablement pas les exigences posées pour devenir imposition de toute nature, comme l'a indiqué le Conseil d'Etat dans l'avis qu'il a rendu à la demande du gouvernement sur la proposition de loi organique. Ainsi, plusieurs taxes parafiscales aujourd'hui perçues par certains organismes ne pourront pas être transformées en taxes affectées et nécessiteraient la négociation, entre les professionnels et le gouvernement, d'une solution de remplacement qui pourrait prendre la forme soit d'une subvention budgétaire soit de la création d'une cotisation volontaire. La mise en place de ces solutions appelant un certain délai, l'allongement d'un an proposé par votre rapporteur vise à permettre de faciliter le dialogue et d'étaler dans le temps la lourde transition.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 53

L'application anticipée de la réduction du délai de dépôt du projet de loi de règlement et de la certification des comptes de l'Etat

Commentaire : le présent article prévoit l'application anticipée de la réduction du délai de dépôt du projet de loi de règlement et de la certification des comptes de l'Etat.

L'Assemblée nationale a prévu, au premier alinéa du présent article, que le dépôt du projet de loi de règlement avancé au 1 er juin et la certification des comptes de l'Etat, par la Cour des comptes, annexée à ce texte, s'appliqueraient pour la loi de règlement du quatrième exercice suivant l'entrée en vigueur du texte (2005 en cas d'adoption définitive de la proposition de loi organique en 2001), afin de permettre une discussion éclairée du projet de loi de finances pour 2007.

Le deuxième alinéa du présent article prévoit quant à lui que dès l'entrée en vigueur de la loi organique, le projet de loi de règlement afférent à l'exercice sera déposé avant le 30 juin de l'année suivant l'exécution du budget auquel il se rapporte.

Votre rapporteur vous proposera uniquement de modifier la rédaction de cet article par coordination avec ses propositions relatives aux autres dispositions du texte, et pour préciser que les premiers comptes certifiés et le premier projet de loi de règlement déposé avant le 15 juin 133 ( * ) seraient ceux afférents à 2005, qui lui semble être une formulation plus claire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 54

L'entrée en vigueur anticipée de certaines dispositions de la loi organique

Commentaire : le présent article prévoit l'entrée en vigueur anticipée de certaines dispositions de la loi organique.

L'Assemblée nationale a souhaité prévoir une entrée en vigueur immédiate, au 1 er janvier 2002, de certaines dispositions de la loi qui ne nécessitent pas d'applications informatiques lourdes, de changements de structures administratives ou la mise en oeuvre de nouveaux concepts. Il s'agit ainsi (premier alinéa du présent article) des décrets d'annulation (article 15), des opérations de trésorerie (articles 25 et 26), du principe de sincérité (article 27), de la prise en compte des conséquences sur l'équilibre financier des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire susceptibles d'affecter les ressources et les charges de l'Etat au cours de l'année (article 28), du monopole de la loi de finances pour l'affectation à un tiers d'une ressource de l'Etat (article 33), des questionnaires budgétaires (article 37), des règles de dépôt des annexes générales du projet de loi de finances de l'année (article 39), des tableaux récapitulant les mouvements de crédits intervenus par voie réglementaire, des conditions de passage à la discussion de la seconde partie (article 42). Votre rapporteur, outre quelques modifications de coordination rédactionnelles, vous proposera d'y inclure les dispositions relatives au contrôle qu'il suggère d'adjoindre à la proposition de loi.

Par ailleurs, le texte adopté en première lecture prévoit d'appliquer les dispositions relatives au débat d'orientation budgétaire à compter de 2003 en raison de la tenue, en juin 2002, des élections législatives. Votre rapporteur vous proposera de retenir cette solution non satisfaisante mais réaliste, sous réserve de l'adoption d'un amendement de coordination lié au déplacement, qu'il vous propose, de l'article relatif au débat d'orientation budgétaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 55

L'information des assemblées sur la présentation des futurs
projets de loi de finances

Commentaire : le présent article prévoit les modalités d'information des assemblées sur la nouvelle présentation des projets de loi de finances avant que celle-ci ne soit arrêtée définitivement par le gouvernement.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UNE « PRÉSENTATION À BLANC » DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2005 DANS LA NOMENCLATURE RÉSULTANT DE LA LOI ORGANIQUE

Le premier paragraphe du présent article prévoit une annexe au projet de loi de finances pour 2005 présentant, à titre indicatif, les crédits du budget général selon les principes de la nouvelle loi organique. Cette présentation devrait permettre, en amont, de prendre la mesure concrète des changements impliqués par la loi organique.

Malgré les objections techniques que soulève une telle présentation, votre rapporteur considère, tout comme le rapporteur de l'Assemblée nationale, que les nécessaires ajustements à apporter à la nouvelle nomenclature ne devront pas être effectués, pour la première fois, lors de l'examen par le Parlement du projet de loi de finances pour 2006, mais préalablement à cet examen.

Il ajoute que la juxtaposition des deux présentations de la loi de finances pour 2005 aura une vertu pédagogique et informative puissante.

B. ASSOCIER LES ASSEMBLÉES À L'ÉLABORATION DE LA NOUVELLE NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE

Le second paragraphe du présent article vise à associer les assemblées à l'élaboration de la nouvelle nomenclature budgétaire, au stade de la préparation du projet de loi de finances pour 2006. L'information qu'il prévoit leur permettra de suivre les conséquences tirées par le gouvernement des éventuelles réactions parlementaires au document prévu au paragraphe I.

II. OBSERVATIONS

A. UNE BONNE MESURE...

Votre rapporteur souscrit pleinement à la démarche entreprise par l'Assemblée nationale, qui vise à prévenir tout effet de rupture.

Comme le rapporteur de l'Assemblée nationale, il souhaite que, par-delà les dispositions proposées, le ministère de l'économie et des finances puisse consulter les assemblée plus tôt encore sur la nouvelle présentation des documents budgétaires.

B. ... QUI MÉRITE D'ÊTRE SYSTÉMATISÉE

Il voit dans le dispositif du présent article, ainsi que dans les voeux qui en accompagnent la présentation dans le rapport de l'Assemblée nationale, une justification supplémentaire au dispositif prévu dans l'article 48 bis, qu'il propose d'introduire dans la loi organique, consistant à demander au gouvernement de dévoiler, dans le rapport d'orientation budgétaire déposé lors du dernier trimestre de la session ordinaire, ses intentions quant à la nomenclature budgétaire (missions, programmes, indicateurs...) de la loi de finances de l'année à venir.

Cette disposition devrait systématiser une information qui n'est établie que ponctuellement dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article.

ARTICLE 56

L'abrogation de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et la date d'entrée en vigueur de la loi organique

Commentaire : le présent article abroge l'ordonnance organique et fixe la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique.

Le premier alinéa de l'article 56 prévoit l'abrogation de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances à compter du 1 er janvier 2005. Celle-ci aura donc, si cette disposition entre en vigueur, vécu 45 ans, ce qui constitue un objectif ambitieux à atteindre par la présente loi. Le deuxième alinéa dispose, en conséquence, que cette dernière entrera pleinement en vigueur à compter de la même date, sous deux types de réserves :

- celles figurant dans les autres articles prévoyant les dispositions transitoires ;

- celles relatives aux projets de loi de finances de l'année 2005 qui resteront soumis aux règles de l'actuelle ordonnance organique ; cependant, le projet de loi de règlement afférent à cet exercice devra être déposé avant le 15 juin 2006 et comportera, en annexe, les comptes de l'Etat certifiés par la Cour des comptes.

Ce terme du 1 er janvier 2005 et donc du projet de loi de finances pour 2006 pour la première présentation, sous la nouvelle forme, des ressources et charges de l'Etat, semble à votre rapporteur une date à la fois conforme aux attentes des parlementaires pour un changement rapide, et prenant en compte les nombreuses contraintes pratiques d'application du nouveau texte : modifications informatiques, formations des agents, mise en oeuvre des nouvelles procédures, révision de tous les documents budgétaires. Le délai donné aux administrations apparaît réaliste. Il n'en reste pas moins ambitieux.

Votre rapporteur sait que le dévouement, le professionnalisme, le désir de changement et la motivation des agents publics permettront le respect de ce délai et une réussite pleine et entière de cette réforme budgétaire qui est aussi une réforme de la vie quotidienne de l'Etat. Cependant l'abrogation formelle de l'ordonnance organique ne doit pas faire oublier que des références à celle-ci subsisteront dans les codes et autres lois actuellement en vigueur. Il conviendra donc que le gouvernement saisisse le Parlement, et que celui-ci adopte, avant le 1 er janvier 2005, un projet de loi spécifique reprenant l'ensemble des renvois à des articles de l'ordonnance organique pour soit les supprimer, soit leur substituer des renvois à la présente proposition de loi, soit les remplacer par des dispositions spécifiques. Un travail équivalent devra également être réalisé, par le seul gouvernement pour l'ensemble des textes réglementaires.

Votre rapporteur, souhaitant à la présente loi organique un destin et une autorité au moins comparables à ceux de l'ordonnance organique, vous proposera d'adopter cet article sans modification.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 57

Les décrets d'application de la loi organique

Commentaire : le présent article prévoit la possibilité de décrets en Conseil d'Etat.

Ainsi que le fait l'article 45 de l'actuelle loi organique, le présent article 57 ouvre la possibilité, par des décrets en Conseil d'Etat, de pourvoir, en tant que de besoin, à l'exécution de la loi organique.

Le second alinéa précise le champ de cette habilitation en indiquant qu'il contiendrait notamment ce qui est nécessaire en matière de comptabilité publique et de « bonne gestion des finances publiques ». Cet alinéa reprend, en les synthétisant, les deux derniers alinéas de l'article 45 de l'ordonnance organique, et s'inspire de la pratique (seuls ces domaines ont fait l'objet de mesures d'application).

Votre rapporteur juge utile de préciser la portée du présent article. Le législateur organique agissant en vertu des articles 34 et 47 de la Constitution, ne peut déléguer sa compétence organique. En ce sens, le domaine des décrets d'application est restreint aux simples mesures d'exécution nécessaires et dans les strictes limites posées par la loi, éclairées par les travaux préparatoires qui l'auront précédée. Votre rapporteur considère que les lois de finances constituent le principal véhicule de l'application de la loi organique : ainsi, de nombreux articles de celle-ci font explicitement référence à la compétence du législateur financier.

Ce faisant, le second alinéa lui semble superflu, et source de confusion. Il vous proposera donc de le supprimer afin d'établir clairement que le domaine du pouvoir réglementaire est strictement limité et subordonné à l'application de la présente loi organique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mardi 29 mai 2001 sous la présidence de M. Jacques Oudin, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Lambert , rapporteur, sur la proposition de loi organique n° 226 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, relative aux lois de finances .

M. Alain Lambert, rapporteur , a tout d'abord rappelé que la commission des finances réclamait une réforme de l'ordonnance depuis novembre 1997. Lui-même, comme rapporteur général, puis M. Philippe Marini, dans les mêmes fonctions, en avaient éprouvé les limites à l'occasion des budgets « alternatifs » proposés par le Sénat, puis de l'enquête de la commission sur l'élaboration et l'exécution du budget.

Il a également rappelé que la proposition de loi organique était considérée comme relative au Sénat, par le Conseil d'Etat, plaçant ce dernier face à ses responsabilités.

M. Alain Lambert, rapporteur , a aussi rappelé que le processus de réforme avait reçu le soutien du Président de la République, du Premier ministre et de son prédécesseur, et des Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Il a aussi souligné que la présente proposition de réforme rapprocherait la France des pays ayant adopté les pratiques budgétaires et comptables les plus modernes.

Il a toutefois précisé que son souhait de voir réussir l'entreprise ne signifiait pas l'acceptation de n'importe quelle réforme. Le Sénat a la possibilité de marquer cette proposition d'une empreinte profonde.

M. Alain Lambert, rapporteur , a alors rappelé l'enjeu de la réforme en deux questions : voulons-nous que le produit de l'impôt prélevé sur les Français soit géré dans leur intérêt exclusif ? Voulons-nous que, pour le même impôt payé, le service rendu puisse être le meilleur possible ?

M. Alain Lambert, rapporteur , a ensuite brièvement décrit ce qu'il considère comme les principaux apports du texte adopté par l'Assemblée nationale. Du point de vue de la modernisation de la gestion publique, la proposition de loi en comporte trois principaux :

- la fongibilité des crédits ;

- la rénovation de la comptabilité publique ;

- la modernisation de l'emploi public.

Du point de vue des prérogatives des assemblées, la proposition de loi organique contient six principaux apports :

- l'obligation de sincérité des lois de finances ;

- l'information continue du Parlement sur l'exécution budgétaire et l'institutionnalisation du débat d'orientation budgétaire ;

- le regroupement des crédits dans des missions et des programmes ;

- la possibilité, pour les parlementaires, d'amender les programmes ;

- la limitation assez forte des possibilités de remise en cause, par le Gouvernement, des objectifs votés ;

- la présentation obligatoire, annexée aux lois de finances, en sections de fonctionnement et d'investissement, du budget de l'Etat.

Le rapporteur a alors présenté les deux axes de ses propositions :

- celui de l'exhaustivité et de la lisibilité des comptes publics ;

- celui de la mise en place de mécanismes de nature à engager la réforme de l'Etat.

Sur le premier axe, le rapporteur a proposé :

- de renforcer l'unité et l'universalité budgétaire, ce qui suppose de considérer que les impôts et taxes sont par nature des recettes de l'Etat et aussi de maintenir les comptes spéciaux et les budgets annexes. Les affectations de ressources ne sont pas en elles-mêmes condamnables, mais il ne faut pas que le Parlement en perde la trace. Le maintien des comptes spéciaux et budgets annexes permettra à l'Etat de faire figurer, en loi de finances, des recettes qui, en raison de leur nature, doivent faire l'objet d'une comptabilisation particulière ; le rapporteur a également proposé d'imposer des conditions à l'affection d'une recette de l'Etat à un tiers ;

- de détailler davantage la nomenclature des titres, tout en maintenant leur caractère indicatif ;

- d'évaluer les fonds de concours en loi de finances initiale ;

- d'insérer dans la loi organique un chapitre relatif aux comptes de l'Etat, et de prévoir le principe de la mise en place d'une procédure d'établissement du référentiel comptable de l'Etat, dont le détail sera renvoyé à une loi de finances, afin que toutes les parties intéressées -administrations, Parlement, professionnels du chiffre- participent à cette élaboration ;

- de reconnaître l'existence des prélèvements sur recettes, pour confirmer l'existence des recettes perçues par l'Etat pour compte d'autrui ;

- de demander la traduction de l'équilibre budgétaire en termes de comptabilité nationale. Celle-ci est en effet le langage comptable des engagements européens de la France au titre du pacte de stabilité et de croissance ;

- de créer un compte des pensions de l'Etat, qui fasse l'objet d'un vote au sein de la loi de finances ;

- de créer un compte de la dette de l'Etat retraçant les flux financiers auxquels elle donne lieu. Ce compte viendra compléter l'autorisation en loi de finances des opérations de trésorerie, et celle du financement de l'Etat. Il a également proposé d'intégrer à la loi de finances un vote sur la variation de la dette de l'Etat entre le 1 er janvier et le 31 décembre de l'année ;

- de prévoir que la loi de règlement de l'année n - 1 devra être examinée avant la loi de finances de l'année n + 1 ;

- d'affirmer plus solennellement les nécessités de la prise en compte de la pluriannualité. Cette pluriannualité doit être admise en gestion, ce qui relève de la logique de la fongibilité et de la responsabilisation des gestionnaires : les reports de crédits doivent être encadrés, mais assouplis, à l'exception des crédits de personnel. Cette pluriannualité doit aussi être admise en termes de projections : il est indispensable que le Gouvernement associe à ses propositions des projections à moyen terme de leurs effets.

Sur le deuxième axe, le rapporteur a proposé :

- de pouvoir conférer un caractère interministériel, à la discrétion du Gouvernement, aux missions, unités de vote des crédits, qui regroupent les programmes, unités de spécialité (et d'amendements parlementaires) ;

- de créer, à côté du programme, une autre unité de spécialité, celle de dotation, regroupant des crédits ne pouvant faire l'objet d'un véritable programme, tels que les crédits pour dépenses accidentelles, ceux des pouvoirs publics, ou la provision pour majoration des salaires de la fonction publique ;

- de faire en sorte que l'architecture des missions fasse l'objet du débat d'orientation budgétaire, afin que le Parlement soit consulté, en amont, sur la future nomenclature de la loi de finances ;

- de rendre obligatoire la comptabilité analytique dans les administrations, afin d'établir le coût complet des missions de l'Etat ;

- de soumettre à un débat et à un vote pour chaque mission, plutôt que par ministère, la deuxième partie de la loi de finances (les dépenses de l'année) ;

- de voter en une seule fois le plafond du nombre d'emplois publics, détaillé par ministère ;

- enfin, d'insérer dans la loi organique un titre relatif à l'information et au contrôle. L'information associée au débat d'orientation budgétaire et aux différents projets de loi de finances sera complétée. Le chapitre relatif au contrôle reprendra pour l'essentiel le droit existant en l'érigeant au niveau organique, et en le complétant de dispositions portant sur les relations entre le Parlement et la Cour des Comptes. Il est également proposé de contraindre les administrations à répondre aux observations des parlementaires et de lever les entraves qu'elles pourraient mettre à leurs contrôles. En effet, la budgétisation orientée vers les résultats ne sera pas mise en oeuvre si un véritable contrôle et une véritable évaluation des politiques publiques et des administrations chargées de les servir ne sont pas effectués.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que l'important travail réalisé par le rapporteur permettait d'apporter des avancées très substantielles à la réforme de la loi organique adoptée par l'Assemblée nationale, et a indiqué qu'il souscrivait pleinement aux orientations proposées.

M. Paul Loridant a souhaité que les travaux du rapporteur aboutissent à une plus grande lisibilité du texte de la loi organique ainsi que des lois de finances. Il a souhaité connaître le sentiment du rapporteur sur la mention du pacte de stabilité européen dans la loi organique, indiquant que, pour sa part, il considérait qu'il convenait de ne pas lier les mains du Gouvernement en fonction de principes temporaires et conjoncturels.

Mme Marie-Claude Beaudeau a tout d'abord rappelé que le parti communiste avait toujours combattu l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Elle a souligné que la présente discussion permettait, pour la première fois, de remettre en cause les pratiques budgétaires actuelles. Elle a indiqué qu'elle s'associait à la remarque de Paul Loridant, et qu'elle avait une seconde inquiétude portant sur le rôle du Parlement dans le nouveau système. Ainsi, elle a exprimé la crainte que, le Gouvernement fixant les plafonds de crédits associés aux programmes et aux missions, le Parlement ne dispose que d'un pouvoir d'ajustement à la baisse des crédits.

M. Jean-Philippe Lachenaud a considéré que le moment était venu de réformer l'ordonnance organique de 1959. Il a approuvé les principaux objectifs poursuivis par la réforme, à savoir l'amélioration de la gestion de l'Etat, grâce au développement des instruments de prévision, de gestion et de comptabilité, et l'amélioration de l'équilibre institutionnel entre le Gouvernement et le Parlement, dans le respect du cadre constitutionnel, grâce, notamment, au renforcement des moyens de contrôle du Parlement.

Il a souligné que son soutien apporté aux travaux du rapporteur participait d'une vision à long terme des finances publiques, et qu'il ne s'agissait aucunement de viser, à travers cette réforme, un affaiblissement de la capacité du Gouvernement à piloter l'Etat.

M. Michel Charasse a félicité le rapporteur pour la qualité de ses travaux, rappelant que la réforme de l'ordonnance organique de 1959 était envisagée depuis son entrée en vigueur. Ayant eu à pratiquer ce texte en tant que parlementaire et en tant que membre du Gouvernement, il a souligné l'importance des contraintes constitutionnelles, ainsi que le contexte politique particulier, la réforme supposant qu'un accord soit trouvé entre les deux assemblées.

Il a considéré qu'il convenait d'éviter les risques d'inconstitutionnalité, et de se garder de tenter une révision de la Constitution par le biais de la loi organique relative aux lois de finances. Il a également insisté sur la nécessité de laisser au Gouvernement une capacité de pilotage de l'Etat en toutes circonstances, et a souligné que cela conduisait à maintenir le secret applicable à certaines dispositions.

Enfin, M. Michel Charasse a demandé au rapporteur s'il considérait que les dispositions de la proposition de loi organique pourraient être appliquées à une collectivité territoriale sans que cela n'en rende la gestion impossible.

M. Gérard Braun a indiqué à la commission que les premières conclusions de son étude comparative sur la réforme de l'Etat, réalisée dans 16 Etats occidentaux, mettaient en évidence le lien étroit entre la modernisation de la gestion budgétaire et la réforme de l'Etat.

M. Bernard Angels , après avoir félicité le rapporteur pour l'ampleur et la qualité du travail accompli, a souhaité, pour la réussite de la réforme, que le nombre des amendements ne cache pas autant de sources de désaccords entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Il a rappelé que si le groupe socialiste avait toujours souhaité une réforme de l'ordonnance de 1959, il entendait poser comme préalable qu'elle se fasse dans le respect de l'esprit de la Constitution de 1958, et qu'elle laisse en particulier au Gouvernement la faculté de gouverner et d'appliquer sa politique.

M. Jacques Oudin, vice-président, a mis en exergue l'occasion exceptionnelle qui se présentait, et l'intérêt qu'il y avait à tenter de clarifier les règles de la dépense publique. Il s'est interrogé sur le calendrier prévisionnel de discussion de la proposition de loi organique.

M. Alain Lambert, rapporteur, a répondu aux différents intervenants.

Il a remercié le rapporteur général pour son soutien à la réalisation de cette oeuvre complexe.

A M. Paul Loridant, il a rappelé que cette proposition de loi organique ne constituait en aucune manière un précis de vertu budgétaire et que le Parlement resterait libre d'adopter ou de refuser le budget qu'un gouvernement lui présenterait : en ce sens, la volonté politique continuera à s'exprimer pleinement ; le progrès de démocratie consistera à être en mesure, pour la représentation nationale, d'identifier plus facilement les choix politiques proposés.

A Mme Marie-Claude Beaudeau, il a expliqué que, outre que le caractère limitatif des crédits existe déjà, l'Assemblée nationale avait souhaité introduire la possibilité pour un parlementaire de proposer des transferts de crédits entre programmes d'une même mission, voire la création d'un nouveau programme, le Gouvernement étant obligé, au moment du débat d'orientation budgétaire, de faire part de ses intentions en matière de nomenclature. Il a cru voir dans cette innovation un écho à ses préoccupations. Il a aussi fait observer que, s'agissant des dépenses salariales, le Parlement serait en mesure d'y voir plus clair.

A M. Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur a dit partager pleinement les principes qu'il a énoncés et qu'il s'était essayé, dans ses propositions, de chercher à permettre d'améliorer la performance de l'Etat.

Après avoir souligné combien il avait été sensible au soin que M. Michel Charasse avait mis à éclairer ses travaux, M. Alain Lambert, rapporteur , a souhaité reprendre, dans sa formule selon laquelle respecter la Constitution « c'est peu et c'est beaucoup », la seconde proposition. Il s'est félicité du champ qu'ouvrait en effet la Constitution dans le respect du maintien des prérogatives du Gouvernement en matière de pilotage. S'agissant de l'hypothèse d'une extension, aux collectivités locales, des règles mentionnées dans la loi organique, il s'est dit convaincu que la gestion d'une collectivité locale, même encadrée de règles contraignantes, dépendait du soutien d'une majorité politique.

Il s'est félicité de l'observation de M. Gérard Braun, qui éclaire le fonctionnement de notre propre Etat et illustre combien les travaux des rapporteurs spéciaux ont convergé vers la réforme de l'ordonnance organique de 1959.

M. Alain Lambert, rapporteur, a entendu rassurer M. Bernard Angels sur le nombre d'amendements, en se réjouissant de ce qu'il n'existe pas, à l'Assemblée nationale, d'amour-propre d'auteur face à un travail absolument remarquable, qu'il est normal que la navette vienne préciser et enrichir. Il a redit sa confiance dans les chances de voir ce texte aboutir.

Il a dit partager le souci de M. Jacques Oudin, vice-président, de tendre vers une clarification des règles de la gestion publique et lui a confirmé que l'objectif, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, était de parvenir à un achèvement des travaux le 30 juin prochain.

Enfin, concluant ce débat général, M. Alain Lambert, rapporteur , a confié aux commissaires qu'il lui semblait que cette réforme se devait d'apporter des remèdes à la crise de la représentation que connaît actuellement, à ses yeux, le pays. Il a exprimé son voeu que les Français n'aient plus l'impression que leurs représentants ne disposent pas de l'information dont ils ont besoin pour guider le pays vers l'avenir. Il a indiqué que cette réforme, en ce qu'elle pouvait contribuer à inverser cette tendance, constituait à l'évidence un enjeu de démocratie.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Après avoir adopté un amendement tendant à insérer une division additionnelle avant l'article premier (des lois de finances), la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel avant cet article tendant à définir l'objet des lois de finances.

A l' article premier , la commission a adopté un amendement visant à préciser les conditions auxquelles doivent satisfaire les affectations directes d'impositions de toute nature à des personnes autres que l'Etat et les collectivités territoriales.

A l' article 2 (les ressources budgétaires), après un débat auquel ont participé MM. Alain Lambert, rapporteur, Philippe Marini, rapporteur général , et Michel Charasse, la commission a adopté six amendements tendant globalement à :

- apporter deux précisions rédactionnelles ;

- simplifier l'énumération du 2° ;

- distinguer les revenus courants divers des revenus exceptionnels divers ;

- distinguer le produit des cessions d'actifs.

A l'article 4 , (la définition des charges budgétaires de l'Etat), la commission a adopté un amendement portant définition des charges budgétaires de l'Etat, M. Alain Lambert, rapporteur, ayant précisé à M. Philippe Marini, rapporteur général, que, si n'y figuraient pas les remboursements d'emprunts, cela signifiait que ces derniers étaient examinés en loi de finances en même temps que les opérations de trésorerie.

A l' article 5 , la commission a adopté un amendement de suppression, compte tenu de la réorganisation proposée pour le texte.

A l' article 6 , la commission a adopté un amendement ayant le même objet.

A l' article 7 (la budgétisation par objectifs, les missions et les programmes), elle a adopté quinze amendements tendant globalement à :

- rendre possible des regroupements interministériels de crédits ;

- introduire le concept de dotation comme nouvelle unité de spécialité -budgétaire, et en énumérer limitativement le nombre ;

- inclure parmi les dotations celles pour les crédits des pouvoirs publics, le programme particulier pour dépenses accidentelles et le programme particulier pour mesures générales de rémunération ; par cohérence, supprimer les alinéas relatifs à ces crédits ;

- coordonner la définition des missions avec l'introduction des dotations ; la discussion de cet amendement a donné lieu à un débat entre MM. Michel Charasse, Jean-Philippe Lachenaud et Alain Lambert, rapporteur ;

- après un échange de vues entre MM. Philippe Marini, rapporteur général, Alain Lambert, rapporteur, et Jacques Oudin, vice-président, préciser la rédaction de la définition des programmes pour faire apparaître les actions que les crédits des programmes financent ;

- introduire à cet article les principes de la limitativité des crédits et de leur mise à disposition aux ministres ;

- supprimer le lien entre les crédits et les plafonds d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat, après un large débat auquel ont participé MM. Jean-Philippe Lachenaud, Michel Charasse, Jacques Oudin, vice-président, et Alain Lambert, rapporteur ;

- prévoir des modifications rédactionnelles s'agissant du caractère indicatif de la présentation par titre et des dérogations aux règles de limitativité.

A l' article 8 , la commission a adopté deux amendements de portée rédactionnelle.

A l' article 9 , la commission a adopté un amendement tendant à réécrire le texte de cet article, afin d'y inscrire l'ensemble des dispositions relatives aux engagements par anticipation, ainsi qu'aux reports de crédits. La rédaction proposée assouplit le régime des reports de crédits en y associant des exigences d'information. La discussion de cet amendement a donné lieu à un large débat auquel ont participé MM. Michel Charasse, Denis Badré, Jean-Philippe Lachenaud et Bernard Angels .

A l' article 10 (crédits évaluatifs), la commission a adopté quatre amendements supprimant le caractère évaluatif des dépenses de pensions et d'avantages accessoires, supprimant l'imputation des crédits évaluatifs sur un programme spécifique (deux amendements), et revenant sur l'interdiction d'annuler des crédits évaluatifs en cas de détérioration de l'équilibre financier.

Elle a supprimé l' article 11 (modifications réglementaires des autorisations budgétaires), ses dispositions étant reprises à d'autres articles de la proposition de loi organique.

A l' article 12 (répartition des crédits globaux), elle a adopté deux amendements de coordination avec la création des dotations pour dépenses accidentelles, dépenses imprévisibles et mesures générales en matière de rémunérations.

A l' article 13 (virements et transferts de crédits entre programmes), la commission a adopté trois amendements, le premier précisant le régime des virements, le deuxième, celui des transferts et le troisième, de pure conséquence.

A l' article 14 (décrets d'avances), la commission a adopté quatre amendements, le premier tendant à ouvrir le champ de cette procédure à l'ensemble des crédits du budget de l'Etat, le deuxième tendant à établir un plafond des ouvertures de crédits réalisées grâce à cette procédure, le troisième et le quatrième étant rédactionnels.

A l' article 15 (annulations de crédits), la commission a adopté quatre amendements, le premier tendant à préciser le sens des annulations de crédits, à savoir la prévention de la détérioration de l'équilibre budgétaire, le deuxième visant à définir un plafond particulier des annulations régies par le présent article, le troisième de caractère rédactionnel, et le dernier, dont se sont vivement félicités MM. Philippe Marini, rapporteur général, et Denis Badré, encadrant les pratiques de mise en réserve des crédits.

A l' article 16 , la commission a adopté un amendement de suppression, conséquence de la réécriture de l'article 9.

Avant l'article 17 , elle a adopté un amendement renommant le chapitre III du titre Ier « des conditions d'affectation de certaines recettes ».

A l' article 17 (dérogations autorisées au principe de non-affectation de recettes), après deux interventions de MM. Jacques Oudin, vice-président, et de Jean-Philippe Lachenaud, la commission a adopté un amendement réécrivant l'article pour y inscrire les principes d'universalité et d'unité budgétaires, y prévoir la technique des prélèvements sur recettes, ainsi que les procédures d'affectation de recettes des budgets annexes, des comptes spéciaux et des procédures particulières.

A l' article 18 (procédures d'affectation de recettes au sein du budget de l'Etat), la commission a adopté quatre amendements, visant, le premier à élargir à l'ensemble du budget de l'Etat les procédures visées par l'article, le deuxième à prévoir le régime de budgétisation des fonds de concours, le troisième à supprimer les fonds de concours par assimilation et, le quatrième, à leur substituer une procédure nouvelle d'attributions de produits.

La commission a alors adopté un article additionnel après l'article 18 déterminant les règles applicables aux budgets annexes.

A l' article 19 (catégories de comptes annexes), la commission a adopté quatre amendements prévoyant l'un, une nouvelle dénomination, le terme de comptes spéciaux étant substitué à celui de comptes annexes, l'autre, le rétablissement des comptes d'affectation spéciale, le troisième, celui des comptes de commerce, le dernier le monopole de l'initiative gouvernementale en matière d'affectation de recettes à un compte spécial.

A l' article 20 (règles générales applicables aux comptes annexes), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

Après l'article 20 , la commission a adopté un amendement visant à insérer un article additionnel consacré aux règles particulières applicables aux comptes d'affectation spéciale. Par coordination, la commission a alors supprimé l'article 21 (compte de gestion des participations de l'Etat).

Après l'article 21 , elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel consacré aux règles particulières applicables aux comptes de commerce. Par coordination, elle a alors supprimé l'article 22 relatif au compte de gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat.

A l' article 23 , la commission a adopté quatre amendements de précision rédactionnelle.

A l' article 24 , la commission a adopté cinq amendements, les deux premiers et le dernier, à caractère rédactionnel, le troisième et le quatrième tendant à entourer de plus de transparence les conditions de la gestion des avances de l'Etat.

Avant l'article 25 , elle a adopté un amendement renommant le chapitre IV du titre Ier « des ressources et des charges de trésorerie ».

A l' article 25 (définition des ressources et des charges de trésorerie), elle a adopté cinq amendements précisant ou modernisant la rédaction, ou tenant compte des déplacements de dispositions.

A l' article 26 , la commission a adopté quatre amendements visant globalement à préciser et à simplifier la rédaction du texte ainsi qu'à extraire les établissements publics nationaux de l'obligation de dépôt de leurs disponibilités auprès de l'Etat.

Après l'article 26 , la commission a adopté six amendements tendant, d'une part, à créer un chapitre V intitulé « Des comptes de l'Etat » et, d'autre part, à y inscrire cinq articles comportant l'ensemble des dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat. Ces articles reprennent les dispositions comptables figurant dans le texte de l'Assemblée nationale, en y ajoutant notamment l'obligation, pour les services de l'Etat, de mettre en oeuvre une comptabilité destinée à analyser les coûts de leurs actions, ainsi que les modalités d'élaboration du référentiel comptable de l'Etat.

A l' article 27 , la commission a adopté un amendement de portée rédactionnelle.

A l' article 28 , la commission a adopté quatre amendements de portée rédactionnelle.

A l' article 29 , la commission a adopté un amendement de suppression, les dispositions de cet article étant inscrites dans le chapitre dédié aux comptes de l'Etat.

A l' article 31 (le contenu des lois de finances), elle a adopté treize amendements tendant globalement à :

- simplifier la rédaction des 3° et 4° du I ;

- prévoir en première partie l'évaluation et la fixation du régime de chaque prélèvement sur recettes ;

- tenir compte en première et deuxième parties de la réintroduction des budgets annexes et des comptes spéciaux, ainsi que de la création des dotations ;

- supprimer le vote, en première partie, sur le plafond global des autorisations d'emplois et, en deuxième partie, sur le plafond par ministère de ces autorisations ; les remplacer par un vote en deuxième partie d'un tableau global reprenant les plafonds d'autorisations d'emplois de chaque ministère ;

- introduire le vote sur le plafond de variation, appréciée en fin d'année, de la dette négociable de l'Etat d'une durée supérieure à un an ; la discussion de cet amendement a donné lieu à des interventions de MM. Yann Gaillard et Jean-Philippe Lachenaud , indiquant qu'ils en partageaient totalement l'inspiration ;

- fusionner l'autorisation d'émission des emprunts et l'évaluation des opérations de trésorerie ;

- supprimer, après une intervention de M. Yann Gaillard , le vote des crédits par ministère pour ne retenir que le vote par mission ;

- préciser la rédaction sur les autorisations de reprises de dette par l'Etat et sur les dispositions facultatives de deuxième partie affectant les charges budgétaires de l'Etat ;

- prévoir de faire figurer en deuxième partie les dispositions comptables relevant de la loi de finances.

A l' article 32 (contenu des lois de finances rectificatives), la commission a adopté trois amendements de précision ou de coordination.

A l' article 34 , la commission a adopté douze amendements tendant à améliorer la rédaction de cet article, à supprimer la définition du mode de construction du résultat budgétaire, à permettre au Parlement de voter les opérations de trésorerie exécutées, à introduire de manière explicite les notions de comptes de résultat et de bilan et à tenir compte du maintien des comptes spéciaux.

Après avoir tiré les conséquences d'une suggestion rédactionnelle de M. Jean-Philippe Lachenaud , la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 34 qui prévoit les conditions de ratification par le Parlement des modifications apportées aux crédits par voie administrative.

Elle a supprimé l' article 35 (préparation des projets de loi de finances).

A l' article 38 , la commission a adopté un amendement de suppression, les dispositions de cet article étant insérées dans le titre relatif à l'information et au contrôle du Parlement.

A l' article 39 (dépôt du projet de loi de finances de l'année et de ses annexes), elle a adopté deux amendements rédactionnels.

A l' article 40 , la commission a adopté un amendement de suppression, les dispositions de cet article étant insérées dans le titre relatif à l'information et au contrôle du Parlement.

Elle a supprimé l' article 41 (délais de vote du projet de loi de finances de l'année et du projet de loi de finances rectificative) pour en proposer le rétablissement dans le chapitre relatif aux dispositions communes.

A l'article 43 (conditions de vote des recettes, des dépenses et des plafonds des autorisations d'emplois) et après les interventions de MM. Gérard Braun et Yann Gaillard , la commission a adopté quatre amendements prévoyant :

- un vote sur les recettes budgétaires et un vote sur les ressources de trésorerie ;

-  un vote des crédits par mission ;

- un vote unique sur les plafonds des autorisations d'emplois ;

prévoyant un vote des crédits ou des déficits des budgets annexes et des comptes spéciaux par budget annexe ou par catégorie de comptes spéciaux.

A l' article 44 (répartition des crédits ouverts par les lois de finances), elle a adopté deux amendements de coordination.

A l' article 45 (procédures d'urgence), elle a adopté un amendement de coordination et un amendement modifiant les modalités de calcul des services votés.

A l' article 46 , la commission a adopté un amendement de suppression, les dispositions de cet article étant insérées dans le titre relatif à l'information et au contrôle du Parlement.

A l' article 47 (délai de dépôt du projet de loi de règlement), outre un amendement de coordination, la commission a adopté un amendement reportant du 1er au 15 juin la date limite de dépôt du projet de loi de règlement de l'année précédente.

Elle a ensuite adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 48 déterminant les délais de vote des projets de loi de finances et étendant aux projets de loi de règlement les délais fixés par l'article 47 de la Constitution.

A l'article 48, elle a adopté, après une intervention de M. Jean-Philippe Lachenaud , un amendement de suppression de la première phrase du premier alinéa et de coordination avec la création de la dotation, et un amendement restreignant aux articles 7, 19, 31 et 33 l'irrecevabilité de droit opposable aux amendements déposés sur tous projets ou propositions de loi.

Après avoir inséré deux divisions additionnelles après l'article 48 consacrées à l'information et au contrôle du Parlement, mentions jugées indispensables par M. Alain Lambert, rapporteur , la commission a adopté un amendement tendant à insérer un premier article additionnel après l'article 48 consacré au rapport d'orientation budgétaire, le rapporteur ayant indiqué à M. Bernard Angels, vice-président, que ce rapport devrait être remis au cours du deuxième trimestre de l'année calendaire.

Puis la commission a adopté sept autres amendements portant articles additionnels après l'article 48 :

- le premier, relatif au régime des questionnaires budgétaires ;

- le deuxième, relatif au contenu du rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances de l'année ;

- le troisième visant à introduire un article additionnel reprenant les dispositions de l'article 38 de la proposition adoptée par l'Assemblée nationale ;

- le quatrième visant à introduire un article additionnel reprenant les dispositions de l'article 40 de la proposition adoptée par l'Assemblée nationale ;

- le cinquième visant à introduire un article additionnel reprenant les dispositions de l'article 46 de la proposition adoptée par l'Assemblée nationale ;

- le sixième élargissant à toutes les lois de finances l'obligation d'évaluer l'incidence financière de leurs dispositions ;

- le septième portant sur le régime de publication des actes administratifs prévus par la loi organique.

Après avoir inséré une division additionnelle , consacrée au contrôle, la commission a adopté quatre amendements portant articles additionnels :

- le premier, précisant les missions et prérogatives de contrôle des commissions des finances ;

- le deuxième, récapitulant certains aspects de la mission d'assistance au Parlement confiée à la Cour des comptes ;

- le troisième, instaurant une procédure de cessation d'entrave aux missions de contrôle et d'évaluation ;

- le quatrième, dont se sont félicités MM. Bernard Angels, vice-président, Yann Gaillard et Jean-Philippe Lachenaud , prévoyant les suites données par le Gouvernement aux observations notifiées après les contrôles des commissions des finances.

A l' article 51 , la commission a adopté trois amendements de portée rédactionnelle.

A l' article 52 (dispositions transitoires relatives aux taxes parafiscales), la commission a adopté un amendement tendant à allonger la phase transitoire d'une année, afin de permettre aux professionnels concernés de mettre en place, dans des conditions satisfaisantes, un nouveau système de financement.

A l' article 53 (application anticipée de la réduction du délai de dépôt du projet de loi de règlement et de la certification des comptes de l'Etat), elle a adopté un amendement de coordination.

A l' article 54 (entrée en vigueur anticipée de certaines dispositions de la loi organique), elle a adopté un amendement de coordination étendant la mise en vigueur anticipée aux dispositions relatives au contrôle.

Enfin, à l' article 57 (décrets d'application de la loi organique), elle a adopté un amendement tendant à supprimer le dernier alinéa.

A l'issue de cet examen, la commission a décidé de proposer au Sénat d' adopter la proposition de loi organique ainsi modifiée .

AUDITIONS

I. AUDITIONS DU MERCREDI 2 MAI 2001

A. AUDITION DE M. ALAIN JUPPÉ, ANCIEN PREMIER MINISTRE

M. LAMBERT, Président .- J'accueille M. Alain JUPPE, ancien Premier ministre. Merci d'avoir accepté notre invitation. Nous sommes dans une formation très élargie, car la Commission des Finances a souhaité inviter à ses travaux tous les collègues qui s'intéressent à cette réforme de l'ordonnance de 1959 en raison de son enjeu.

J'ai souhaité pouvoir recueillir votre sentiment sur ce sujet puisque c'est un rendez-vous quelque peu historique. Cette ordonnance a été prise dans les circonstances historiques que nous connaissons ; aujourd'hui, les temps ont changé et il nous faut revoir si cet instrument ne peut pas être modernisé au service de notre pays.

Nous souhaitons recueillir votre avis sur un certain nombre de sujets que je résumerai :

Confirmez-vous l'utilité de cette réforme ?

Vous avez vu ce que l'Assemblée nationale avait voté de son côté. Il serait intéressant pour nous de savoir ce qui vous semble encore imparfait.

L'articulation entre les lois de finances et les lois de financement de la Sécurité Sociale, et la question capitale qui est de savoir s'il faut maintenir l'autorisation de perception en loi de finances et aller jusqu'à l'affirmation qu'il faut qu'une seule loi puisse véritablement autoriser l'ensemble des prélèvements obligatoires. Enfin, plus généralement, est-ce que cette réforme est de nature à être l'instrument d'un pilotage moderne de l'Etat et donc de la réforme de l'Etat, au coeur de l'enjeu de l'avenir de la France ?

Vous avez, Monsieur le Premier ministre, une très grande expérience du Parlement par les fonctions que vous avez occupées. Je vous propose de réagir dans un propos introductif et de vous livrer ensuite au jeu des questions et réponses.

M. JUPPE .- Monsieur le Président, Messieurs les sénateurs, c'est avec beaucoup de plaisir que je me retrouve devant une commission sénatoriale. J'avais perdu l'habitude de cet exercice depuis quelques années et j'ai toujours eu beaucoup de plaisir et d'intérêt à échanger avec vous.

Je partage votre sentiment sur le caractère historique de la réforme dont vous parlez aujourd'hui. Cette ordonnance de 1959 est souvent présentée comme une sorte de constitution financière de notre Cinquième République -le mot n'est pas juridiquement tout à fait adéquat mais montre l'importance de ce texte.

J'en ai été l'utilisateur, notamment quand j'étais ministre délégué chargé du Budget entre 1986 et 1988, et vous comprendrez que, dans le détail technique, mon souvenir ait peut-être faibli. Les enjeux politiques de ce texte sont considérables.

Vous me demandez en introduction si je partage l'opinion selon laquelle cette réforme est nécessaire. Ma réponse est oui. Aujourd'hui, ce texte doit être profondément revu et même réécrit, comme l'Assemblée nationale a entrepris de le faire. Son application au bout de presque un demi-siècle suscite un sentiment de frustration assez général. De la part du Parlement -je le sais, étant moi-même parlementaire-, nous avons le sentiment que notre contrôle sur les lois de finances est souvent superficiel, très partiel -car nous connaissons la part des services votés dans le budget- et inefficace, puisque nous constatons parfois qu'au lendemain de notre vote, le budget est sensiblement modifié par des annulations ou des gels de crédits.

En dépenses, le seul critère d'appréciation, trop souvent utilisé dans la discussion budgétaire, est le taux d'augmentation d'une année sur l'autre, aussi bien pour les parlementaires qui s'intéressent à tel ou tel secteur que pour les ministres gestionnaires. Qu'est-ce qu'un bon budget ? La plupart du temps, c'est un budget dont le taux d'augmentation des dépenses est supérieur à la moyenne générale du budget, ou supérieur à celui de l'année précédente. C'est un critère qui, dans les circonstances actuelles, est de plus en plus imparfait.

En recettes, les évaluations communiquées au Parlement sont peu transparentes, que ce soit volontaire ou involontaire. Je ne jetterai pas la pierre aux services du Budget. Il est souvent extrêmement difficile de faire des prévisions de recettes. L'élasticité des recettes à l'activité économique générale est extrêmement forte et cela donne aux prévisions un caractère souvent approximatif : on se souvient du débat récent sur la « cagnotte ». J'ai moi-même laissé une cagnotte. Pour le budget de 1988 préparé en 1987, nous n'avions pas vu l'incidence extrêmement forte de la reprise de la croissance sur les rentrées de taxe sur la valeur ajoutée et le budget a dégagé des plus-values fiscales considérables. Le manque de transparence n'est donc pas toujours volontaire.

Frustration également du Gouvernement -nous connaissons la formule d'Edgard FAURE- : le débat budgétaire est souvent assez terne. Les budgets des ministères sont discutés en présence d'une petite poignée de spécialistes et il pourrait être utile, pour le Gouvernement, d'avoir de vrais débats sur les orientations de sa politique secteur par secteur ce qui est, hélas, souvent rare.

Frustration des gestionnaires publics enfin quand il s'agit d'exécuter le budget ; l'éclatement du budget en quelque 850 chapitres dans la loi de finances de cette année forme un cadre de gestion extrêmement rigide et peu responsabilisant. Il est vrai qu'il y a eu un progrès puisqu'en 1959 nous sommes partis de 4 000 chapitres -si mes informations sont exactes- et de plusieurs centaines de comptes d'affectation spéciale.

Cela reste encore extrêmement éclaté et nous connaissons les effets pervers du système. (On cite toujours les dépenses de fin d'année destinées à consommer en urgence une ligne budgétaire encore alimentée).

Frustration de l'opinion. Il sera difficile de l'en sortir même avec une réforme de l'ordonnance de 1959. Les Français ont le sentiment que leur argent est gaspillé et que les contrôles sont inefficaces. Nous savons bien que cette idée est profondément ancrée dans les esprits. Le rapport annuel de la Cour des comptes alimente cette conviction.

Nous sommes dans une situation qui n'est plus celle de 1959. A l'époque, il s'agissait de mettre un terme aux dérives de la discussion budgétaire de la Quatrième République, avec des budgets non votés dans les délais et une faiblesse marquée du Gouvernement face à l'ardeur dépensière des députés.

L'ordonnance faisait partie de la panoplie de ce que l'on appelait le « parlementarisme rationalisé » avec d'autres outils, comme l'article 40 de la Constitution.

Aujourd'hui, la situation est sensiblement différente et nous nous trouvons confrontés à deux exigences ou à deux volontés : la première volonté, largement partagée sur tout l'éventail politique à droite comme à gauche, est de donner au Parlement les moyens d'un contrôle plus efficace sur l'élaboration et l'exécution des lois de finances, sans « jeter le bébé avec l'eau du bain » ; nous admettrons qu'un retour de balancier est sans doute souhaitable.

La deuxième exigence et une exigence croissante d'évaluation des performances des actions publiques. Pourquoi cette exigence est-elle plus forte aujourd'hui qu'hier ? L'état d'esprit a peut-être changé, mais le poids des dépenses publiques s'est considérablement alourdi et, avec lui, celui des impôts et de la dette.

J'ajouterai une autre considération qui rend cette exigence d'évaluation plus forte aujourd'hui qu'il y a 30 ou 40 ans : nos relations avec l'Union Européenne. Nous avons aujourd'hui des critères de convergence à respecter. Nous recevons des recommandations adressées par la Commission ou par le Conseil, des procédures de déficit public excessif existent et cela crée l'obligation d'avoir cette approche d'évaluation des dépenses publiques et, en même temps, une vision plus pluriannuelle de la dépense ou de la recette que le grand principe de l'annualité budgétaire ne le permet.

En reprenant des formules que je tire à la fois de l'excellent rapport de votre Président sur ces questions, qui a été publié l'automne dernier, et peut-être d'un ouvrage plus « grand public » qui est consacré à la réforme de l'Etat, je dirais que le problème aujourd'hui est de savoir si nous pouvons passer d'une culture de la dépense à une culture de l'efficacité, ou d'une gestion fondée sur des moyens à une gestion réorientée vers des résultats.

Voilà pourquoi il me semble que ce texte doit être remis en chantier.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale permet-il de répondre à ces questions et de résoudre les problèmes ainsi posés ? Bien que mon groupe ait voté contre en première lecture, je serais tenté de répondre que les orientations du texte me paraissent globalement satisfaisantes. Il n'est pas parfait et c'est la raison pour laquelle l'opposition est dans son rôle en demandant qu'il soit amélioré, mais il me semble être le résultat d'un travail approfondi et que les principales dispositions qu'il propose permettraient vraisemblablement de progresser dans la direction souhaitée.

Tout d'abord concernant l'exercice du contrôle budgétaire du Parlement qui est facilité par toutes sortes de dispositions : les crédits provisionnels sont supprimés, les seuls crédits évaluatifs sont ceux affectés à la dette, les transferts de crédits, les décrets d'avances et les annulations de crédits sont soumis aux Commissions des Finances, les services votés sont supprimés, le Parlement reçoit compétence sur les garanties, les fonds de concours, les opérations de trésorerie, les taxes parafiscales et autres ; des dispositions nouvelles -peut-être encore insuffisantes, mais le sujet est extrêmement complexe- concernent les dépenses de personnels qui feront l'objet désormais de plafonds d'autorisation des emplois.

Sur le deuxième point que j'évoquais, il me semble que des progrès sont réalisés ; je pense à l'évaluation des politiques publiques. La nomenclature budgétaire est profondément modifiée dans cette perspective et une nouvelle approche de la dépense est introduite avec la notion de programmes auxquels sont associés des objectifs, qui se substituent au chapitre budgétaire.

J'ai noté également deux idées intéressantes ; tout le problème sera de voir comment elles seront mises en oeuvre : l'idée d'avoir, en annexe au projet de lois de finances, des projets annuels de performances faisant connaître, pour chaque programme les objectifs, les résultats attendus, les indicateurs et les coûts associés.

Le parallèle, en annexe au projet de loi de règlement, est le rapport annuel de performances par programme reprenant, en exécution, la même idée.

Je relève également un progrès dans le sens de la fongibilité des crédits disponibles au sein d'un programme donné. Cela permettra une certaine souplesse de gestion et une meilleure responsabilisation des gestionnaires. Nous aurions pu faire mieux dans ce domaine (j'aborde ici quelques réserves sur ce texte). En interdisant la fongibilité des crédits de personnels, nous sommes quelque peu en retrait par rapport à certaines expérimentations ayant déjà cours. Je pense à l'une que je connais assez mal : les contrats de préfecture et à une autre que j'ai pratiquée en tant que ministre « dépensier » de façon beaucoup plus précise. Je veux faire référence à ce que j'avais obtenu du ministère du Budget -sur une base purement contractuelle et nullement législative- au ministère des Affaires étrangères puisque nous avions conclu un contrat avec d'un côté des suppressions d'emplois et, de l'autre, un recyclage partiel des crédits correspondants en termes de crédits de formation ou d'informatique. Nous avions obtenu cet accord du Budget : le ministère s'engage dans un plan pluriannuel (2 ou 3 ans) de réduction des effectifs, mais le ministère du budget lui restitue une partie des économies réalisées pour lui permettre de se moderniser en formant mieux son personnel ou en équipant mieux ses services.

D'après moi, la fongibilité est un élément qui doit davantage être exploré. Nous avons fait une expérience avec Jacques Barrot en 1996 en essayant de faire dans un département, un progrès dans la fongibilité des crédits d'aide à l'emploi en permettant aux gestionnaires régionaux ou départementaux de ces crédits de jouer sur les différentes formes de contrat possibles.

Ce texte reste silencieux sur un certain nombre de sujets. La question de l'article 40 n'est pas traitée. Elle est de nature constitutionnelle. Personnellement, je ne le regrette pas. C'est sans doute l'un des piliers de la construction institutionnelle de la Cinquième République et il y a manière et manière d'appliquer l'article 40 : le Sénat l'applique d'une façon qui n'est pas tout à fait celle de l'Assemblée nationale et qui est peut-être une façon dont l'on devrait s'inspirer.

Une question sur laquelle nous reviendrons : les interactions entre la loi de finances et la loi de financement de la Sécurité Sociale. Certaines compétences nouvelles données au Parlement peuvent s'avérer très formelles. Les commissions des finances donneront un avis sur les décrets d'avances ou les gels de crédits, mais quel sera la sanction de cet avis ? Les comptes d'affectation spéciale ou les budgets annexes disparaissent, mais un article du texte -le 19 me semble-t-il- autorise les comptes annexes sous certaines conditions. Est-ce un progrès réel ?

Je souhaiterais soulever l'importance pour l'exercice du contrôle parlementaire, de mon point de vue, de la loi de règlement. Il est très beau de voter des autorisations mais il est beaucoup plus efficace de vérifier si ces autorisations ont été respectées et comment le budget a été exécuté.

Le projet adopté par l'Assemblée prévoit tout un luxe d'annexes qui permettront au Parlement de mieux exercer son rôle de contrôle lors de l'examen de la loi de règlement. Le Parlement, dans cette nouvelle définition et ce nouveau contexte de l'ordonnance ainsi réécrite s'intéressera-t-il davantage à la loi de règlement qu'il ne le fait aujourd'hui ? S'il n'y a pas une forte d'implication du contrôle parlementaire sur la loi de règlement cela restera un texte adopté par quelques techniciens dont certains -l'idée me paraît difficile à mettre en oeuvre- ont proposé de solenniser ce vote sur la loi de règlement par un vote de confiance. Peut-être y a-t-il là une idée à creuser ?

Je terminerai par une question cruciale sur laquelle nous rebondirons peut-être si vous voulez aborder de façon plus générale la question de la réforme de l'Etat. Cette approche par missions, par programmes et par objectifs constituera-t-elle un véritable outil de gestion politique et financière de la dépense publique, ou s'agira-t-il d'un habillage d'une réalité qui n'évoluera pas ?

Nous avons une expérience qui ne s'était pas accompagnée d'une réforme de l'ordonnance de 1959 et avait été faite sur une base purement facultative à l'initiative de l'Administration, celle que nous avons appelée dans les années 70 le P.P.B.S : le Planning Programing Budgeting System, et les Budgets de Programmes des années 70/80 qui ont été très rapidement abandonnés, car ils sont devenus des exercices artificiels.

Pour que ce nouveau concept fonctionne véritablement et change l'approche de la dépense et du contrôle budgétaire, il faut des conditions techniques, des indicateurs clairs et cohérents de mesure des résultats - ce n'est pas facile à définir-. Il faut également une dimension pluriannuelle à laquelle nous restons -avec de bonnes raisons- en grande partie allergiques, même si le nouveau texte introduit une notion d'autorisation d'engagements étendue à toutes les dépenses -et non pas seulement les dépenses d'investissement- sauf aux dépenses de personnel. Il faut aussi, à mon avis, des conditions psychologiques et humaines tout à fait nouvelles, un véritable esprit nouveau dans le fonctionnement des ministères, dans la gestion des crédits et dans les comportements des gestionnaires, bref, une culture de résultats plutôt qu'une culture de moyens et là, la révolution culturelle n'est pas faite, nous le voyons bien dans un grand nombre de débats en cours aujourd'hui.

Nous n'arrivons pas à sortir de cette logique selon laquelle la seule façon d'améliorer le service public est d'augmenter les moyens dont il dispose, en particulier les moyens en personnel. C'est une approche dont on est sorti dans d'autres sphères. La sphère publique ne peut pas s'en exonérer, et la réforme de l'ordonnance de 1959, même si elle peut contribuer à cette évolution, n'y suffira pas.

Je n'ai pas répondu à l'articulation entre loi de finances et loi de financement de la Sécurité Sociale, ou une réflexion plus précise sur la réforme de l'Etat, mais, d'après moi, il sera préférable de le faire en réponse aux questions des commissaires.

M. LAMBERT, Président .- Merci, Monsieur le Premier ministre de cet exposé introductif qui campe bien le décor de nos débats. Compte tenu du fait que je cumule la fonction de Président et de rapporteur, je voudrais néanmoins, avant d'ouvrir le jeu des questions et réponses, insister en effet sur le point que vous venez de rappeler : celui de l'interaction entre la loi de finances et la loi de financement de la Sécurité Sociale.

Nos compatriotes sont désespérés du montant des prélèvements obligatoires. Je crois qu'il y a derrière cette réforme un véritable enjeu de démocratie. On n'est plus en démocratie dans un pays dont on ne connaît plus le montant des prélèvements. Il est capital que la représentation nationale, si elle veut assumer sa fonction et ce pourquoi elle a été créée initialement, puisse elle-même autoriser le prélèvement, et le faire de manière claire et responsable.

Ne pensez-vous pas, dès lors, qu'il est indispensable que ce soit dans un seul document, dans un seul texte législatif, que l'ensemble des prélèvements soient rassemblés ? C'est une question que je vous invite à ne pas traiter techniquement, Monsieur le Premier ministre, mais politiquement, car il me semble que nous sommes au coeur d'un véritable enjeu de démocratie.

Ma deuxième question est plus générale et vous pourrez y répondre rapidement. S'agissant du deuxième enjeu qui est celui de la performances de l'Etat, nos compatriotes sont désespérés du coût de la puissance publique, mais sont peu éclairés sur son efficacité et sa performances. Pour être franc, ils en doutent. Dès lors, il nous faut disposer d'un instrument de pilotage extrêmement efficace ; à l'heure où je suis arrivé de mes travaux, j'en suis à penser qu'il faut donner beaucoup plus de souplesse à l'exécutif, ce qui n'a pas pour effet de faire perdre au Parlement son autorité et, en même temps, être beaucoup plus exigeant sur le contrôle et, en effet, utiliser la loi de règlement pour vérifier si les objectifs initialement fixés ont bien été atteints et si la performances qui a été exigée par le Parlement lors de la loi de finances initiale a bien été au rendez-vous. Ce sont deux aspects qui paraissent essentiels.

M. JUPPE .- Sur l'articulation entre la loi de finances et la loi de financement de Sécurité Sociale, le débat est difficile. Nous en sommes aujourd'hui à voir comment améliorer le système ; l'institution d'une loi de financement de la Sécurité Sociale qui a nécessité une réforme constitutionnelle en 1996 est déjà en soi un progrès important.

Il existe tout au moins, désormais, un rendez-vous annuel au cours duquel la représentation nationale peut discuter non seulement du chiffre de l'ONDAM -l'Objectif National de Dépenses d'Assurance Maladie- mais de la politique de Santé Publique à mettre en oeuvre dans le pays.

Il faut souligner ce progrès.

Est-il possible d'améliorer la liaison entre les deux textes ? Je ne crois pas que l'on puisse purement et simplement les fusionner et faire une seule loi qui intégrerait dans des comptes consolidés à la fois l'Etat et les organismes de Sécurité Sociale. Je n'entre pas dans le détail, car la nature des crédits et des recettes dans la loi de finances n'est pas la même concernant la loi de financement de la Sécurité Sociale, le vote de l'équilibre non plus, et le budget de l'Etat est celui d'une personne morale indivisible, alors que les comptes retracés dans la loi de financement de la Sécurité Sociale concernent un ensemble d'organismes autonomes. Je ne crois pas la fusion possible.

En revanche, pour répondre à votre question, il faut que la totalité des autorisations de perception des impositions de toute nature soit centralisée dans la loi de finances.

C'est le fondement même, à la fois du pouvoir budgétaire du Parlement et de la démocratie que de faire en sorte que la représentation nationale approuve l'impôt et autorise à lever l'impôt sous toutes ses formes. Je crois que par une articulation entre les deux textes (nous avons tenté d'y veiller concernant le calendrier), il faut être attentif à certaines dérives que nous avons pu voir se manifester lors de l'alimentation du Fonds de financement de la réforme des cotisations sociales patronales (FOREC) ou d'autres opérations de ce type.

Il faut réaffirmer -et il nous semble que c'est dans le texte approuvé par l'Assemblée nationale- le principe selon lequel la loi de finances autorise la perception des impositions fiscales de toute nature.

Sur la réforme de l'Etat -je disais précédemment que l'ordonnance ou sa réforme permettaient d'y contribuer-, ce ne sera qu'un des aspects de ce gigantesque chantier qui est peut-être, avec la construction européenne, le chantier essentiel qui nous attend dans les 5 ou 10 prochaines années.

Est-ce que l'Etat -la sphère publique- sera capable de faire ce que la sphère privée a réalisé depuis 10 ou 20 ans, à savoir faire prévaloir les notions d'efficacité, de performances et de compétitivité (il ne faut pas avoir peur du mot) dans les administrations, avec toutes les différences que cela peut comporter par rapport à des entreprises privées, mais avec néanmoins un concept qui ne doit pas être complètement évacué ?

De ce point de vue, j'ai été très intéressé dans votre rapport, Monsieur le Président, par tout ce que vous écrivez sur la nécessité de doter l'Etat d'un outil  comptable moderne. Il y a la loi de finances et la comptabilité de l'Etat, et dans ce domaine, ce dernier est très en retard sur ce qu'il a imposé à ses collectivités locales. Tout en ne négligeant pas l'avantage d'avoir une comptabilité de caisse permettant d'avoir une vision très précise de l'exécution du budget de l'Etat, nous devons continuer à évoluer vers une comptabilité en droits constatés.

Il faut que la comptabilité de l'Etat intègre une dimension patrimoniale. Elle doit également prendre en compte la notion d'amortissement ou de provision mieux que ce n'est le cas aujourd'hui. Il faut passer d'une comptabilité publique exclusivement et historiquement destinée à assurer le respect des lois et règlements ainsi que des budgets, et éviter les abus, à une conception où la notion de rendement du service, d'indicateur de résultats et de critères de performances puisse être servie par la comptabilité.

Je crois que dans le secteur privé, la comptabilité a cette double vocation. Elle permet de vérifier la régularité des écritures et le respect de la loi, mais constitue également un outil de gestion.

Au-delà de cet aspect comptable, je souligne que la réforme de l'Etat ne saurait se satisfaire de la réécriture d'un texte comme celui de l'ordonnance de 1959, fut-il notre Constitution financière. C'est un enjeu politique majeur.

Elle implique une réforme de structure profonde dans l'organisation de la sphère publique, à savoir un nouvel équilibre entre l'Etat et ses administrations et les collectivités locales. Je ne parlerai pas devant le Sénat de la nécessité de franchir une nouvelle étape audacieuse de la décentralisation, mais il n'y aura pas de réforme de l'Etat sans cela.

De plus, il faut pratiquer cette « révolution culturelle » dans nos administrations centrales, car elle est nécessaire. On m'objectera qu'elle est impossible : « Ce n'est pas la peine de rêver, nous n'y arriverons pas, exemple : l'échec de la réforme de l'Administration des finances ».

Je ne me résigne pas à ce pessimisme, à cet abandon, à cette renonciation à toute réforme de services de l'Etat, car il existe des contre-exemples de réforme de grandes institutions publiques, étatiques et régaliennes réussies.

Bien évidemment, il n'est pas très élégant de ma part d'en prendre deux dans la période 1995/1997.

La première que j'évoquerai est la réforme d'une institution dont vous me direz qu'elle est très particulière et régalienne par excellence, qu'il n'y existe pas de syndicat, qu'il s'agit de la « grande muette », et que l'on peut y faire tout ce que l'on veut. Je n'en suis pas si sûr.

Quand on s'attaque à la réforme d'un corps social quel qu'il soit, il peut y avoir des résistances psychologiques ou de comportement qui font que la réforme échoue.

Or, la réforme de la Défense, lancée par le Président de la République en 1995 et qui est une révolution, avec l'abandon du service national, avec la professionnalisation des armées et avec ce que cela implique de dissolutions d'unités, d'abandons de sites et, surtout, de reconfiguration, de reformatage de notre armée, parce qu'elle a survécu à l'alternance, est, d'après moi, aujourd'hui l'exemple d'une évolution en profondeur d'une grande institution publique. Là aussi, elle a été conçue à la lumière de ce qui est évoqué pour la réforme de l'ordonnance de 1959 : quelles sont les missions, les programmes et les objectifs ? Ce raisonnement est peut-être plus facile à faire entrer dans la tête des militaires que des fonctionnaires civils de l'Etat, car c'est leur formation qui les y pousse.

Autre exemple de réforme, à l'autre bout du spectre de ce que j'ai appelé les administrations publiques. C'était déjà une entreprise publique : France Télécom. Là aussi, quand nous avons abordé cette réforme, les blocages potentiels étaient redoutables. Je rappelle que l'on a fait accepter au personnel de France Télécom en 1995 une réforme profonde et définitive de son statut ; restaient fonctionnaires les agents de France Télécom en poste ; ne l'étaient plus les nouveaux agents recrutés à partir d'une certaine date.

C'est le contraire de ce qui a été prévu pour l'ouverture d'électricité de France (E.D.F) à la concurrence puisque là, au lieu de faire évoluer le statut du personnel d'E.D.F, il a été prévu que les entreprises privées participant à la production d'énergie électrique devaient adopter le statut d'E.D.F.

Il ne faut pas désespérer de la capacité de réformer soit de grandes administrations régaliennes, soit de grandes entreprises publiques, car nous y sommes parvenus dans ces deux domaines. Il faut beaucoup de pédagogie et, en matière de pédagogie, tout ce qui peut tirer argument de l'harmonisation européenne ou des comparaisons internationales est précieux.

Cela a été un choc pour l'opinion publique quand ont été publiés certains chiffres sur le coût comparé du recouvrement de l'impôt en France et dans d'autres pays de l'Union Européenne. Il faut jouer -c'est une idée chère à beaucoup d'entre nous- sur l'expérimentation. Avant de se lancer dans une réforme applicable à son département, il faut expérimenter : j'ai évoqué le cas d'une expérimentation sur la fongibilité des crédits d'aide à l'emploi en 1996.

Cette réforme de l'Etat devrait être présentée différemment. Trop souvent, nous la présentons comme une opération punitive contre des fonctionnaires inefficaces, paresseux et jouissant d'un statut privilégié. Si nous restons sur cette ligne, nous avons peu de chance de réussir et de convaincre. Il faut essayer de faire comprendre à la Fonction Publique que la réforme de l'Etat peut être « gagnant/gagnant », que l'usager peut y gagner par un service public de meilleure qualité à un moindre coût ainsi que ceux qui rendent le service public ; il faut introduire une nouvelle dialectique entre l'augmentation indéfinie des effectifs et la recherche d'une meilleure qualité de vie et de travail.

Pour être plus précis, la bonne solution pour redorer le blason de l'administration n'est pas forcément d'augmenter indéfiniment le nombre de professeurs ou de contrôleurs des impôts, mais d'avoir une meilleure approche de leur utilisation, de leurs conditions de travail, de leur déroulement de carrière, de la réduction du temps de travail dans l'administration, de leur pouvoir d'achat et autres. C'est une nouvelle dialectique à introduire pour bien montrer que cette réforme de l'Etat peut préserver un certain nombre de droits acquis et ne signifie pas une dégradation de la situation des fonctionnaires. Dans de nombreuses entreprises privées, ce sont des méthodes de gestion du personnel pratiquées avec un certain bonheur.

M. LAMBERT, Président .- Merci.

M. OUDIN .- Monsieur le Premier ministre, vous nous avez fait un exposé très intéressant. Je partage votre propos sur la réforme de l'Etat qui sous-tend toutes les autres réformes qui en découleront en matière de finances publiques.

Vous avez évoqué les expériences passées de la rationalisation des choix budgétaires dans les années 70 et 80 et l'amertume qui en est résultée.

Il y a eu une tentative réelle et approfondie qui est tombée dans l'oubli et en quenouille. C'était du côté de l'Etat. Du côté du Parlement, nous avons essayé de créer des offices parlementaires d'évaluation des politiques publiques qui sont également tombés en quenouille. Le milieu est difficile à remuer. Je souhaite que l'on puisse avancer dans ce système d'évaluation et dans cette expertise.

Le deuxième point a été évoqué entre finances publiques et sociales : actuellement, nous sommes dans un système où à la fois les dépenses et les recettes de chaque secteur -public et social- sont supervisées par deux commissions différentes des assemblées sans aucune coordination. Nous notons que les dernières impositions ont été faites « à vocation sociale », ce qui est assez particulier.

La coordination tout au moins s'impose sur toute la fiscalité des prélèvements, sans oublier un problème crucial qui est celui de l'endettement. Je me souviens de la façon dont vous avez résolu le problème de l'endettement social avec la création de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) ; actuellement, nous avons deux problèmes d'endettement non résolus : le problème global de l'endettement de l'Etat -que va-t-on faire de la dette accumulée- et le problème de l'endettement ferroviaire : 150 milliards de francs dont personne ne sait comment amorcer le remboursement.

Parler de la coordination des prélèvements sans parler du sort des emprunts publics me paraît insuffisant.

Troisième point, qui est une pierre d'achoppement entre le Parlement et le Gouvernement : l'obligation de l'information. On peut avoir les meilleures intentions du monde, si les pouvoirs publics se crispent et refusent l'information au Parlement qui n'est pas à même de reconstituer l'information de son côté, comme les Etats-Unis savent le faire, nous n'aurons jamais de dialogue constructif. Il a fallu que la Commission des Finances du Sénat se transforme en commission d'enquête pour aller chercher des renseignements à Bercy, ce qui est scandaleux dans une démocratie.

Le fait que les ministres refusent de répondre à des questions écrites ou ne répondent pas volontairement à des questions orales donne à notre système démocratique français une connotation très particulière, surtout en comparaison avec les démocraties anglo-saxonnes ou américaine.

M. CHARASSE .- Mes chers collègues, Monsieur le Premier ministre, j'ai écouté ce que vous avez indiqué, et compte tenu qu'il n'est pas possible d'aborder tous les points, d'autant plus qu'il y aura d'autres auditions et d'autres occasions, je me contenterai de parler de trois points :

Le texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale et dont j'ai cru comprendre que vous ne l'avez pas voté ou que vous vous êtes abstenu (il n'a pas eu l'accord de l'opposition), comporte des dispositions qui obligent pratiquement à tout dépenser, à continuer à dépenser sur l'exercice suivant même si l'on n'en a plus besoin, à conserver des services inutiles, à ne pas améliorer la productivité, à ne pas mettre un terme à certaines dérives (au cours de l'exécution budgétaire), à ne jamais renoncer à une action inutile, et fixe même le montant maximum des économies que le Gouvernement peut réaliser sans l'accord du Parlement à 1,5 %, pourcentage maximum des crédits qui peuvent être annulés.

On passe de l'autorisation de dépenser, qui est l'un des points fondamentaux de la constitution budgétaire de la Cinquième République, à l'obligation de dépenser.

Je souhaiterais savoir, si un jour ce système doit être adopté et étendu aux collectivités locales, que pense le maire de Bordeaux de cette obligation absolue de vider la caisse en toutes circonstances en cours d'année.

Concernant les performances, j'ai entendu ce que vous avez dit Monsieur le Premier ministre. Nous avons des corps de contrôle, notamment la Cour des comptes, qui fonctionnent très bien et nous donnent des photographies tout à fait évidentes. Or, pratiquement jamais, aucune des suggestions des corps d'inspection de la Cour des comptes n'est reprise par le Parlement et quand elle l'est par le Gouvernement, généralement les cortèges descendent dans la rue et le Gouvernement recule, étant entendu que soit le Parlement se tait, soit il soutient sournoisement ceux qui défilent.

En dehors du masochisme, pourquoi attacher autant d'importance à la performances dont tout le monde se gargarise en théorie et se moque en pratique ?

La perception des emplois en France coûte cher : « Impossible de réformer ».

La redevance télévisuelle pourrait être perçue d'une autre manière, plus simplement, avec la taxe d'habitation : « On ne peut pas supprimer le service de la Redevance car l'Etat n'étant plus le « patron » de ces fonctionnaires, il ne peut plus les muter où il en a besoin ».

Les collèges ruraux de moins de 100 élèves coûtent cher et ne sont pas toujours très bons : « Raison de plus pour les maintenir ».

La répartition des moyens hospitaliers sur l'ensemble du territoire est lamentable ; il y en trop ici et pas assez là : « Surtout ne faisons rien ».

Je ne vous rappelle pas l'affaire des commissariats et gendarmeries.

Par conséquent, je trouve que fonder une grande partie de la réforme de la loi organique sur cet indicateur de performances dont on se moque dans la réalité, est peut-être une escroquerie morale à l'égard des Français.

Je m'adresse à celui qui a exercé dans une période difficile les pouvoirs de direction du Gouvernement. Monsieur le Premier Ministre, en matière d'exécution du budget, la loi organique qui nous est transmise par l'Assemblée donne au Gouvernement des pouvoirs beaucoup plus limités qu'actuellement et dans certains cas les supprime totalement, et le Gouvernement risque, à la sortie, sur le plan budgétaire, d'être plus proche de l'autorité des gouvernements de la Quatrième que de la Cinquième République, alors que la Quatrième, tout au moins, avait réglé le problème avec les décret-lois.

Les dispositions votées par l'Assemblée nationale vous paraissent-elles de nature à permettre au Gouvernement d'assurer en toute circonstance le principe constitutionnel de préservation des grands intérêts nationaux et de la continuité de la vie nationale ?

M. BLIN .- Je me contenterai de prolonger l'une des questions posées par notre collègue Jacques Oudin.

Je crois comme lui que le problème de la dette publique est lourd, grave, et pèse sur chaque budget. De plus, il est totalement inconnu des Français qui lui sont suprêmement indifférents. On y parvient quelquefois en traduisant, au niveau des ménages, ce que représente effectivement l'endettement de l'Etat. C'est un artifice de présentation.

Serait-il possible d'imaginer que, comme dans d'autres parlements, en particulier dans un pays du nord que je connais un peu, la dette publique fasse l'objet d'un débat particulier avec une appréciation, vote ou rejet du Parlement, à part du budget ?

Pourquoi la dette ? Parce qu'il y a déficit. Que fait-on des emprunts ? Là aussi, c'est la confusion la plus totale. Est-il absurde et téméraire d'imaginer que demain l'on interdise purement et simplement à l'Etat d'utiliser les emprunts qu'il contracte à des fins autres que celle de l'investissement ? Je sais bien que ce serait une contrainte douloureuse, rigoureuse et difficile, mais puisqu'on l'interdit aux collectivités locales, la logique voudrait qu'on l'interdise également à l'Etat.

J'ai le souvenir que, dans des budgets qui ne sont pas si lointains, il est arrivé que pour financer ses fonctionnaires, l'Etat ait recourt à l'emprunt. C'est tout à fait inadmissible et choquant et j'estime que cette distinction clé fondamentale, simple et que tout le monde comprend et que le plus modeste des Français comprendrait, la différence entre investir pour le long terme ou payer pour le court terme devrait être mise en valeur et présentée dans le budget de façon beaucoup plus claire. Cela avait été tenté en 1996 et abandonné depuis. Je l'ai dit aux ministres qui se sont succédé ; ils m'ont répondu que l'on ne pouvait pas faire de différence entre l'investissement et les frais de personnel.

Prenez l'Education nationale : « Les professeurs, leur rémunération, c'est pour demain donc, c'est de l'investissement ». Avec ces jeux de mots on masque une réalité essentielle .

M. BOURDIN .- Au coeur des discussions, nous avons le problème de l'information en général et de celle du Parlement. Il est clair que le Parlement, en matière d'information est « sous perfusion » ; il doit lever le petit doigt pour disposer d'informations en provenance de l'exécutif. Quand on a le malheur de vouloir une information complémentaire, il faut avoir l'autorisation d'un Directeur pour tenter de l'obtenir.

Dans les réflexions que nous avons en ce moment, d'une manière essentielle n'avons-nous pas l'organisation en matière d'information économique ? Quel est votre sentiment sur ce sujet ? Doit-on aller vers un système qui permettrait au Parlement de pouvoir puiser, comme l'exécutif, dans nos organismes d'information économique avec les mêmes droits, ou le Parlement lui-même doit-il se doter d'une force de frappe en matière de recherche indépendante comme cela existe aux Etats-Unis avec le Congressional Budget Office , qui est une organisation budgétaire à la totale disposition du Congrès, à savoir la Chambre des Représentants et le Sénat ?

Ne croyez-vous pas, Monsieur le Premier ministre, que nous devrions avoir pour obligation, quand nous examinons un projet de loi, de demander au Gouvernement, qui dépose le projet, de nous produire une analyse en termes de coûts des incidences de ladite loi en s'appuyant sur un organisme indépendant ? Là encore, aux Etats-Unis, tout texte de loi est accompagné d'une évaluation -même succincte- des coûts directs entraînés par le texte, provenant du General Accounting Office .

M. LACHENAUD .- Deux questions : compte tenu de la manière dont le débat sur la réforme de l'ordonnance de 1959 est engagé, après le vote de l'Assemblée nationale, vous estimez que la réforme de l'ordonnance est nécessaire. Mais est-elle opportune ? Les conditions d'une réforme de ce texte sont-elles réunies avec un consensus assez large ? Le texte n'est-il pas trop faible et insuffisamment ambitieux, et ne vaudrait-il pas mieux, finalement, reporter cette opération à des temps meilleurs plutôt que de faire une mini réforme, une « réformette », qu'ensuite nous aurons de la peine à remettre en chantier ?

En résumé : nécessité de la réforme ; opportunité de la voter et qualités réelles du texte qui nous est proposé.

La deuxième question concerne l'institution, qui avait été une bonne idée, du débat d'orientation budgétaire.

Nous voyons par ailleurs, dans les collectivités locales, que cela fonctionne à peu près. Ici, j'ai le regret d'observer que cela ne fonctionne pas très bien, notamment parce que les gouvernements donnent, au moment du débat d'orientation budgétaire, des informations très faibles sur les objectifs réels de leur politique budgétaire et refusent parfois d'informer sur les prévisions fiscales et de déterminer réellement quel sera l'équilibre prévisionnel du budget. Par ailleurs, et cela rejoint la réforme de l'ordonnance de 1959, on ne débat pas de programmes, ce qui est le cas dans une collectivité locale où l'on dit, au moment des orientations budgétaires : « J'ai tel programme d'aménagement, d'investissement, de fonctionnement de tels services, d'actions sociales. Voilà quels seront les résultats que je vais essayer de mettre en oeuvre, voilà la mise en oeuvre des services votés, mais voilà aussi les actions et les mesures nouvelles qui seront inscrites dans le budget de l'année prochaine. » Cela se fait avant les vacances, à un moment où des inflexions sont encore possibles.

Peut-on réellement donner plus de valeur et de validité aux débats d'orientation budgétaire ?

M. MARINI .- Monsieur le Président, comme mes collègues Maurice Blin et Jacques Oudin, j'ai une obsession de la dette. Comment progresser pour l'évaluer et la faire figurer dans les documents budgétaires dans des conditions compréhensives ? Est-il supportable de continuer à avoir dans la loi de finances une dette qui n'est appréhendée qu'au niveau des intérêts et à laquelle ne correspond aucune prévision de remboursement du capital ?

Comment s'organiser pour que l'Etat résiste à ses tentations ? En situation de conjoncture basse, la tentation est bien évidemment de faire ce que l'on appelle de la relance budgétaire et, par conséquent, de maximiser le recours à l'emprunt.

Ceux qui souhaitent plus de discipline en ce domaine se tournent en général vers l'exemple allemand : pour la Direction du Budget, c'est l'horreur des horreurs.

Nous avons des argumentaires issus de la Direction du Budget qui détaillent toutes les raisons pour lesquelles il ne leur semble pas possible d'aller dans le sens d'une restriction du recours à l'emprunt pour payer des dépenses répétitives, des dépenses ordinaires. Cette problématique est au coeur de notre analyse et des questions que nous nous posons.

Pouvez-vous nous aider dans cette réflexion et nous éclairer sur ces aspects concernant la dette et son affectation à telle ou telle catégorie de dépenses ?

M. JUPPE .- Je répondrai à M. Charasse qui a situé le débat à un niveau très politique en m'envoyant une balle quelque peu douloureuse pour un gaulliste réputé jacobin et en me demandant si après approbation éventuelle de ce texte le Gouvernement pourra à l'avenir assurer le respect des grands intérêts de la nation.

Je ne voudrais pas paraître infidèle à mes racines en lui disant que le Parlement peut aussi, sous certaines conditions, être juge du respect des grands intérêts de la nation. J'ai peut-être une culture de gouvernement, mais je suis également parlementaire. La vision selon laquelle seul le gouvernement est responsable... il y a des références historiques, je le veux bien, mais...

De plus, un texte ne règle rien en la matière, et s'imaginer que c'est en réformant l'ordonnance de 1959 que nous pourrons éviter des dérives est une fausse réponse. L'ordonnance de 1959 telle qu'elle existe a permis des politiques budgétaires radicalement différentes. Il y a eu des périodes de laxisme budgétaire total, avec une multiplication par 3 ou 4 du déficit budgétaire, et des périodes où l'on essayé de réduire le déficit budgétaire. Ce n'est pas l'ordonnance qui fait la politique budgétaire, mais les politiques, le Gouvernement et le Parlement. Le texte peut, en revanche, permettre certaines choses ou faciliter le contrôle du Parlement.

Cela m'amène à aborder une deuxième question, celle de la dette publique, évoquée par MM. Oudin, Blin et Marini, et peut-être par d'autres.

Là encore, vouloir se prémunir contre les dérives de l'endettement de l'Etat par des textes ne suffira pas. Ce n'est pas la bonne méthode.

Que l'on ait une présentation enfin exhaustive et lisible de la dette dans les documents budgétaires et, sous une forme à déterminer, un débat qui permette d'examiner le montant de la dette en capital, le poids des intérêts que cela comporte et les modalités de remboursement, me paraît une bonne idée.

En revanche, faut-il avoir des règles sur ce qui concerne le niveau même de la dette ou de l'endettement annuel ? On évoquera à ce sujet la règle d'or qui, paraît-il, existe ailleurs, et selon laquelle seules les dépenses d'investissements, à savoir des dépenses productives elles-mêmes de ressources à terme ou s'exécutant sur plusieurs exercices budgétaires, pourraient justifier le financement par l'emprunt. Cela ne me gêne pas et nous y sommes obligés, en tant que gestionnaires de collectivités locales, par la loi.

Il est suscité toute une série d'objections à cette formule en faisant remarquer que la notion de dépenses d'investissements dans le budget de l'Etat n'est pas facile à définir et que certains considéraient que cela pouvait favoriser les groupes de pression profitant des investissements publics. Ce n'est pas sérieux.

Je soulignerai l'effet de rupture difficile que cela pourrait provoquer si, du jour au lendemain, on décidait que l'Etat ne pouvait financer que ses dépenses d'investissements par l'emprunt. Cela voudrait dire que ce serait la révolution d'un jour à l'autre.

Un autre concept -plus difficile- serait de se fixer pour objectif un niveau de déficit et un niveau d'endettement permettant la réduction de la dette à terme et d'engager une réduction progressive du niveau de la dette selon un plan pluriannuel, ce qui est facile à calculer. C'est une voie que je suggère ici.

J'en reviens à ma réponse à M. Charasse : c'est un choix politique ; aucun texte, ni une loi organique ni la Constitution, ne pourra dissuader une majorité politique, un gouvernement ou un parlement, de mener une politique budgétaire laxiste ou sérieuse. Nous avons des contraintes européennes aujourd'hui, mais le choix est tout d'abord politique.

Quelle est l'approche que nous avons dans notre pays de la part de la dépense publique et de son efficacité, du déficit et de l'endettement tolérable ? Ce sont des choix politiques et non pas des choix pouvant être inscrits dans un texte et, je le répète, des expériences diverses ont eu lieu avec le même texte depuis 1959.

M. Charasse disait que s'agissant des économies dans un certain nombre de domaines, nous n'avions rien fait ou n'avions jamais tenu compte des observations qui pouvaient être faites sur la dépense. Ce n'est pas tout à fait exact.

Entre 1996 et 1997, le taux d'augmentation des dépenses de santé, des dépenses hospitalières, a été coupé très significativement parce qu'il y a eu volonté politique qui a coûté ce qu'elle a coûté en termes électoraux (nous nous en souviendrons ici et plus particulièrement à l'Assemblée nationale), mais des expériences ont été faites et c'est là aussi un choix politique qui est en cause.

Je reviendrai à d'autres questions plus précises sur l'information qui constituaient la troisième grande série de questions. M. Bourdin me demande si je suis favorable à la création d'une disposition qui pourrait s'inspirer de l'exemple américain en créant un office de contrôle budgétaire mis à la disposition du Parlement.

J'ai toujours une très forte réticence devant l'accumulation des organismes nouveaux que l'on crée, car l'information existe. Une liste indéfinie des organismes publics ou privés est établie. Je me demande (et je me mets dans le lot) si le Parlement ne ferait pas mieux de s'interroger sur la manière d'utiliser les droits dont il dispose. Utilisons-nous suffisamment nos droits, y compris vis-à-vis de l'administration, pour exiger la communication d'informations auxquelles nous avons droit ? Je n'en suis pas sûr. Je lisais dans le rapport de M. Lambert, le texte de l'audition de M. Blanchard-Dignac, ancien Directeur du Budget, qui déclarait qu'il avait reçu une seule fois dans sa longue carrière la visite d'un parlementaire venant sur place consulter des documents ou l'interroger.

Le Parlement ne serait-il pas mieux inspiré d'utiliser les droits d'investigation dont il dispose, qui sont extrêmement larges au regard des textes, plutôt que de créer des mécaniques nouvelles ? C'est une piste que je trace.

M. CHARASSE .- Vaste programme.

M. JUPPE .- Oui, mais le fond du problème, Monsieur le sénateur : voulons-nous remettre de l'ordre ?

M. CHARASSE .- Non.

M. JUPPE .- Si c'est votre conviction que, en tant qu'ancien ministre du budget je pourrais partager en partie, selon laquelle il n'existe aucune volonté politique ni des Français ni de leurs représentants ni de leur Gouvernement, de maîtriser la dépense publique, de faire des économies et de réduire la dette, je suis d'accord avec vous, mais certains considèrent que cette volonté peut exister ici ou là.

Concernant le débat d'orientation budgétaire, je suis partagé. Il est possible de le trouver complètement creux et inutile, y compris dans les collectivités locales. C'est en général un débat de « café du Commerce » ou une pré-discussion budgétaire. Faut-il le supprimer complètement ? Je ne suis pas sûr.

En lisant la littérature distribuée à l'occasion de ce débat, j'ai trouvé deux idées que je vous soumets : coupler le débat d'orientation budgétaire avec l'examen de la loi de règlement, de façon que ce débat s'appuie sur la vérification de ce qui a été exécuté l'année précédente -ce qui lui donnerait plus d'efficacité et de consistance- et de l'accompagner de la part du Gouvernement d'une publication de la liste des programmes qui figureront dans la loi de finances déposée à l'automne. C'est peut-être une façon de donner de la densité au débat d'orientation budgétaire.

Enfin -et ce sera le dernier point-, cette réforme nécessaire est-elle aujourd'hui opportune ? Je suis partagé. Le consensus n'existe pas car, si j'ai bien compris, M. Charasse considère que ce texte mettra à terre tous les fondements de la Cinquième République et coupera les mains du Gouvernement alors que d'autres considèrent qu'elle n'est pas assez ambitieuse. Le consensus est fragile.

Par expérience, je me dis que reporter à des jours meilleurs une réforme est en général l'enterrer, car ces jours meilleurs ne viennent jamais. Je serais d'avis de tenter de faire quelque chose qui soit un progrès, même si ce n'est pas l'écriture d'un texte définitif gravé dans le marbre, plutôt que d'attendre des circonstances différentes qui ne seraient peut-être pas plus favorables.

J'ai bien conscience du caractère rapide et peut-être insatisfaisant pour la Commission de mes réponses, mais j'ai essayé d'indiquer comment je sentais ce débat qui, en toute hypothèse, est fondamental.

M. LAMBERT, Président .- Merci, Monsieur le Premier ministre.

Je vous dis sincèrement que nous avons eu de la joie à vous accueillir dans cette maison qui prend le temps de réfléchir aux questions telles que celles que nous avons évoquées ce matin.

Nous sommes soumis par nos fonctions à moins de pression que vous ne l'êtes à l'Assemblée nationale, et nous sommes dans notre rôle quand nous tentons d'approfondir les sujets de cette importance.

Nous ne voulons pas le faire seuls mais en restant ouverts et votre présence, par votre expérience de Premier ministre mais aussi par celle d'un ministre « dépensier », était utile. Je vous remercie de ce témoignage et je sais par avance que vous resterez à la disposition des sénateurs pour compléter les réponses aux questions qu'ils ont posées et à celles qui ne manqueront pas de surgir.

B. AUDITION DE M. DANIEL VAILLANT, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

M. LAMBERT, Président.- Je remercie M. Daniel VAILLANT, ministre de l'Intérieur, d'avoir bien voulu venir pour débattre de ce sujet très important qui est celui de la réforme de l'ordonnance de 1959.

Il est accompagné de trois directeurs de son administration, lesquels pourront être appelés pour répondre à des questions pratiques qui viendraient à être posées par les Commissaires.

Monsieur le Ministre, votre ministère est en pointe dans cette réforme, il mène des expérimentations sur la fongibilité des crédits, la réforme comptable, la préfiguration de ce que pourraient être les futures missions et programmes et, de ce fait, nous souhaitons connaître votre avis sur cette réforme.

Souhaitez-vous faire un propos introductif ou que nous puissions entrer directement dans les questions ? Vous avez vous-même votre contrainte horaire et devez partir à 13 heures précises. Nous allons organiser nos travaux en fonction de cette situation. Je vous donne la parole, précisément sur les objectifs et les grandes lignes de la réforme, pour que vous donniez votre sentiment sur la question des expérimentations que vous avez déjà engagées.

M. VAILLANT .- Monsieur le Président, l'intention n'est pas a priori d'une intervention liminaire.

Je veux renouveler mon plaisir à être devant vous, même si j'aurais préféré que ce soit dans des conditions de temps plus raisonnables. Je sors du Conseil des ministres et vous avez vos contraintes. Je dois aller aussi à l'Assemblée nationale pour une séance de questions d'actualité, et j'ai quelques opérations urgentes à effectuer au ministère.

Vous avez eu la gentillesse, car nous travaillons bien ensemble sur ce sujet, de m'adresser un questionnaire. J'ai deux ou trois éléments de réponse, ce qui permettrait de gagner du temps pour permettre davantage de souplesse sur d'autres questions qui ne seraient pas traitées dans ces réponses, voire aux trois directeurs que vous avez cités de pouvoir répondre sur des sujets plus techniques ou pointus.

Je dirai peut-être un mot sur mon soutien clair à la réforme.

Vous savez que ce soutien -et vous l'avez indiqué dans votre propos-, est explicite. J'étais favorable à cette réforme quand j'étais ministre des relations avec le Parlement. Je cherchais déjà à travailler avec vous dans la confiance et dans la transparence, et je pense que nous pouvons continuer de la même manière sur la base du texte qu'a déjà voté en première lecture l'Assemblée nationale.

Je n'ai pas changé d'idée en traversant la Seine pour devenir ministre de l'Intérieur, à la tête d'un des plus importants budgets de l'Etat, même s'il faut tout relativiser, car il n'est pas suffisant au regard des enjeux qui sont les nôtres.

La constance de mon analyse ne doit pas vous surprendre, puisque cette réforme vise à permettre un net renforcement des pouvoirs du Parlement -c'est un point important en tant que tel- mais aussi à moderniser la gestion publique en donnant plus de latitude aux responsables des ministères, gestionnaires de crédits.

Ces deux objectifs, poursuivis dans le texte initial de Didier Migaud me paraissent indispensables. Je ne détaille pas les atouts nouveaux, pour le Parlement, contenus dans ce texte. C'est au Parlement de l'apprécier davantage. En revanche, du point de vue des gestionnaires, que je représente quelque peu aujourd'hui (je vous remercie de m'avoir invité et je suis un des premiers à venir devant vous), je veux insister sur deux avancées majeures qui doivent, selon moi, être maintenues dans ce texte.

Tout d'abord, la notion de programmes, à savoir un regroupement cohérent de crédits assortis d'objectifs et d'indicateurs, est essentielle pour donner plus de lisibilité à l'action publique.

Dans le cas du ministère de l'Intérieur, nous pourrions imaginer 5 ou 6 programmes à partir des agrégats de la présentation budgétaire actuelle.

J'insiste toutefois ici sur la nécessité de disposer de programmes larges. Le ministère de l'Intérieur dispose déjà de chapitres de fonctionnement uniques pour la police (le chapitre 34-41) comme pour les préfectures (chapitre 37-10), et souhaite conserver une souplesse de gestion tout au moins comparable.

Des questions techniques ont été évoquées par vous-même, Monsieur le Président et, sur la taille des programmes, il est toujours possible de discuter de ces sujets. Le périmètre des programmes doit rester stable dans le temps pour ne pas contraindre les ministères à changer trop souvent leurs systèmes d'informations et leur propre organisation.

Les gestionnaires au plan local souhaitent également -chacun le sait-, une fongibilité large des crédits au sein de ces programmes. La solution retenue par l'Assemblée nationale, qui exclut de cette fongibilité les dépenses de personnels, me semble un compromis acceptable, même si elle est un peu en retrait par rapport à l'expérience que nous conduisons au sein d'un certain nombre de préfectures.

S'agissant des dépenses de personnel, je crois qu'une autorisation en emplois à un niveau plus élevé qu'aujourd'hui, comme le prévoit le texte, sera utile dans les limites de plafonds d'emplois et de crédits et d'un contrôle financier rénové. Personne n'envisage de dérives.

Le moment est venu, sur ce sujet, dans la tranquillité de cette commission et conjointement, compte tenu des rapports qui sont les nôtres depuis 4 ans, d'être capable de dépasser les clivages partisans et de passer tranquillement à l'acte, chacun prenant sa bonne part d'une réforme positive en se déconnectant des débats politiques et publics que nous ne manquerons pas d'avoir dans la période à venir, et les sujets ne manqueront pas.

Nous rejoindrions ainsi la plupart de nos partenaires européens qui ont rénové leurs procédures budgétaires et leur comptabilité publique au cours des années 90 ; de plus, ce serait un signe fort si le Parlement parvenait à achever cette législature en votant un texte comme celui-là.

Les futurs débats budgétaires y gagneraient en hauteur de vue et pertinence pour un meilleur usage des deniers publics et du débat démocratique.

Voilà la première problématique que vous posez. Je voulais d'entrée de jeu y répondre.

Je veux bien dire un mot des anticipations de la réforme au ministère de l'Intérieur que vous avez évoquées.

M. LAMBERT, Président .- Monsieur le ministre, je serais partisan que vous les évoquiez. Il est vrai que c'est dans la pratique et par la pratique que nous allons pouvoir nous-mêmes mieux comprendre les enjeux. Pour l'instant, nous avons abordé le sujet d'une manière quelque peu générale et technique. Il conviendrait que nous voyons comment, dans la pratique, pour des ministères qui ont mené des expériences, les choses se sont passés. Votre témoignage serait précieux.

M. VAILLANT .- Le ministère de l'Intérieur a anticipé assez largement sur cette réforme, en réalité, en s'engageant dans plusieurs projets innovants pour moderniser dès à présent la gestion de ses crédits. La présence dans cette salle des directeurs : M. Lemas, directeur général de l'administration, M. Burr, directeur de la direction générale des collectivités locales et M. d'Harcourt, directeur de la DPRFI.

Ils pourront vous apporter des précisions concernant ces pratiques nouvelles que nous tentons d'impulser au sein du ministère.

Je pense en premier lieu, à l'expérimentation en cours de globalisation des crédits des préfectures dont les premiers résultats sont, je vous le confirme, tout à fait encourageants.

Les principaux traits de cette expérimentation, définie en accord avec le ministère du Budget, sont les suivants :

- Une hausse garantie de 0,3 % des dotations de ces préfectures ;

- Un engagement pour 3 ans ;

- Une fongibilité totale de crédits, y compris les crédits de personnels et certains crédits d'investissement.

L'expérience est désormais engagée dans 14 préfectures. Nous pouvons d'ores et déjà en tirer les enseignement suivants :

Aucun incident n'a été constaté dans la mise en place de ces nouveaux outils.

La garantie pluriannuelle des crédits et des emplois et les souplesses de gestion permettent aux préfets d'engager des démarches pluriannuelles. Elles leur permettent également de mieux faire face à des surcroîts d'imprévus d'activité et nous savons que la vie ne manque pas d'imprévus, y compris dans les préfectures depuis quelque temps.

Des comportements vertueux apparaissent ; je veux citer la Seine-Maritime, où la préfecture va utiliser les crédits économisés grâce à une meilleure gestion pour engager un programme de maintenance immobilière, régulièrement sacrifiée les années précédentes.

Enfin, un véritable dialogue de gestion s'instaure dans les préfectures concernées, avec les représentants du personnel notamment. C'est la première étape vers la création d'une authentique culture de gestion.

Vous savez également que le ministère de l'Intérieur est pilote dans la mise en place de la nouvelle application informatique budgétaire et comptable de l'Etat. Le programme ACCORD est actuellement en cours de test au sein du ministère de l'intérieur.

Ce logiciel sera ensuite étendu à tous les ministères d'ici 2004, puis aux services déconcentrés. Vous le savez, ACCORD répond aux objectifs de la réforme de l'ordonnance ; il facilite les échanges entre les différents acteurs de la dépense, il améliore la transparence de la gestion publique en enrichissant l'analyse de la dépense, et doit permettre, lors de sa mise en oeuvre, de simplifier les procédures et les organisations.

Nous sommes l'un des ministères les plus avancés dans l'introduction du contrôle de gestion dans l'Administration. Je dispose désormais d'une sous-direction spécialisée, mise à la disposition de l'ensemble des services. Cette sous-direction fait largement appel à des personnels ayant l'expérience du secteur privé. Nous cherchons également à développer ses compétences au plan local.

Dans le respect de l'esprit de la proposition de loi organique, nous commençons également à définir les indicateurs de gestion et de performances pour piloter plus efficacement nos dépenses et rendre des comptes plus clairs et précis au Parlement et donc, à nos concitoyens. Des premiers éléments ont été inscrits dans les documents budgétaires de cette année, et la globalisation des crédits des préfectures nous a conduit à définir un jeu d'indicateurs.

La police de proximité fait l'objet d'une réflexion comparable.

Je crois nécessaire que les ministères développent des démarches stratégiques pluriannuelles et glissantes comme le font toutes les grandes organisations. Il ne s'agit pas de faire voter pour tous les ministères des lois de programmation, mais plutôt en interne à s'efforcer de faire périodiquement une analyse sincère de l'évolution attendue, des missions des services, des moyens dont ils disposent et des résultats auxquels ils parviennent.

Cette réflexion de fond est presque achevée pour les préfectures. Je vais engager très rapidement un exercice comparable pour la police nationale, autour de la notion centrale de la police de proximité.

Voilà, Monsieur le Président, les éléments à la fois concrets et en même temps encourageants que je voulais donner concernant cette expérience menée au sein du ministère de l'Intérieur.

M. LAMBERT, Président .- Merci, Monsieur le Ministre.

En effet, à la suite du texte adopté par l'Assemblée nationale, nous sommes en pleine réflexion sur la question de la pluriannualité. Cela emporte des pratiques différentes au plan du budget. Je souhaiterais que vous me donniez votre sentiment sur ce sujet, sur les virements de crédits, les dépenses de personnels et les autorisations d'emplois (vous connaissez le texte de l'Assemblée sur le sujet).

Une autre question était de vous placer dans l'hypothèse de l'adoption de cette réforme et d'un débat au Parlement où vous auriez à nous proposer des indicateurs de performances et des réformes de structures. Vous êtes-vous déjà placé dans cette situation psychologique nouvelle et peut-être vos directeurs ont-ils déjà réfléchi à cette question ?

Concernant le principe des programmes interministériels, j'ai eu le sentiment -je vous le dis franchement, car nous parlons loyalement au sein de cette commission- que peut-être sous la pression de vos collègues de Bercy, l'interministériel pour les programmes n'a pas été accueilli avec un enthousiasme délirant, alors qu'il me semble que de nombreuses politiques sont interministérielles.

M. VAILLANT .- Tout ce que je viens de dire sur l'intérêt de la réforme de l'ordonnance de 1959 ne signifie pas que le texte voté en première lecture par l'Assemblée nationale soit totalement satisfaisant.

Je crois, au contraire, que le Sénat pourrait encore l'améliorer sur certains points. En effet, notamment sur la première question que vous avez évoquée, celle de la pluriannualité, je pense qu'il est encore très restrictif. Je comprends les problèmes que cela pose, car s'engager est toujours difficile.

Je constate néanmoins que la pluriannualité progresse, même au niveau de l'Europe -nous le voyons par rapport aux prévisions économiques- ou au plan national.

L'article 16 sur les reports de crédits est particulièrement sévère ; contrairement au droit actuel, il n'existe plus dans le nouveau texte de catégorie de crédits dont le report est acquis. Même ceux en provenance d'autres collectivités et rattachés à un ministère par voie de fonds de concours ne sont reportables qu'avec un accord plus général du ministère de tutelle que vous connaissez.

Plus grave encore, seuls les crédits de paiement disponibles correspondant à des dépenses effectivement engagées, pourront être reportés, et seulement dans la limite de 3 % des crédits initiaux.

Cela signifie concrètement que toutes les économies réalisées par les gestionnaires risquent d'être perdues à la fin de l'année, et je pense qu'un tel recul par rapport à la situation actuelle ne peut se concevoir. La conséquence de cette rédaction sera de renforcer les effets de l'annualité budgétaire, puisqu'au plan local les gestionnaires chercheront à dépenser tous leurs crédits avant le 31 décembre, sans garantie sur le report, et l'expérience de globalisation des budgets des préfectures n'aura plus grand sens. Je me demande même si elle ne devra pas s'arrêter.

Au plan central, la modernisation n'est possible que dans un cadre contractuel qui suppose des perspectives pluriannuelles à peu près stables.

Voilà ma position par rapport à la première question que vous avez posée.

La meilleure formule, selon moi, serait de ne pas figer le montant des reports dans un texte à valeur constitutionnelle et de trouver une formule plus souple en renvoyant la fixation de ce montant aux lois de finances.

Je suis également pour ma part attentif à ce que le nouveau cadre budgétaire n'introduise pas de nouvelles entraves au fonctionnement de l'interministérialité.

S'agissant des programmes interministériels eux-mêmes, à savoir d'une autorisation budgétaire accordée à deux ministres voire plus, sur un même programme doté des crédits fongibles, je comprends l'objection du ministère des Finances au regard, notamment de l'objectif de responsabilisation des gestionnaires. C'est une légitime préoccupation qu'il faut savoir prendre en compte.

Ne faut-il pas néanmoins laisser la possibilité d'introduire ultérieurement plus d'interministérialité dans la procédure budgétaire, selon des formes qui restent à déterminer ? La question est posée.

Une présentation interministérielle de certaines politiques publiques devant les assemblées pourrait être envisagée. Pour donner plus de lisibilité et de perspective, une exécution interministérielle efficace au plan local me semble également très importante. Je puis déjà en juger et, notamment autour des préfets, il est normal d'organiser cette interministérialité concrète, locale et perçue par nos concitoyens comme contribuant à l'efficacité des politiques publiques.

Je suis prêt également à aborder avec vous, même si ce n'est pas un sujet actuellement mentionné par le Président Lambert, la question du statut budgétaire des concours de l'Etat aux collectivités locales. Vous connaissez comme moi l'incertitude constitutionnelle qui pèse sur le mécanisme du prélèvement sur recettes, qui a conduit l'Assemblée nationale à ne pas l'évoquer cela dans la loi organique.

De mon point de vue, ce mécanisme conserve pourtant un double intérêt : il donne aux parlementaires une vision d'ensemble des crédits et il est aussi plus simple à gérer que des dotations budgétaires. Je suis personnellement interrogatif tout au moins, sur la disposition de l'article 31 qui dispose que la loi de finances peut inclure les modalités de répartition des concours de l'Etat. De telles modifications adoptées à la fin de chaque année pourraient, d'une certaine manière, introduire beaucoup d'instabilité dans les ressources des collectivités locales et, de ce fait, rendre plus difficile le respect du calendrier d'adoption des budgets locaux.

De ce point de vue, M. Burr pourra apporter d'utiles précisions sur notre analyse. La disparition des crédits provisionnels comme des crédits évaluatifs posera un problème au ministère de l'Intérieur. Il est en effet difficilement imaginable que mon ministère puisse gager sur ses ressources propres, les dépenses imprévues qui peuvent apparaître en cours d'année . Je pense aux élections dont on sait que cela coûte de l'argent, au chapitre 37-61. Un référendum, par exemple, ou des élections partielles, sans parler d'autres dispositions que permet la Constitution (je ne fais aucun appel de ce point de vue !) ou à titre des frais de justice, sur le chapitre 37-91.

Un ou des programmes spécifiques pourraient être créés à ce titre, car c'est un problème qui est posé dans une démocratie aussi vivante que la nôtre. Il faut en tenir compte de ce point de vue.

M. LAMBERT, Président .- Merci de vos réponses.

M. FREVILLE .- Vous avez répondu par anticipation à une partie de ma question avec ce que vous avez indiqué sur les prélèvements. Il est tout à fait étonnant que le texte de l'Assemblée nationale ne fasse aucune référence à la notion de prélèvement.

L'avis du Conseil d'Etat semblait dire que le prélèvement européen n'avait plus de raison d'être et aurait dû être considéré comme une charge budgétaire.

Ne vaudrait-il pas mieux regrouper dans une catégorie à déterminer (qui pourrait être le prélèvement) l'ensemble des concours de l'Etat aux collectivités locales ? Nous sommes actuellement dans une situation de total éparpillement, nous avons des prélèvements, des dotations globales dans le budget de l'Intérieur, à la limite, des dégrèvements sur impôts locaux. Ne conviendrait-il pas de regrouper tout cela dans un grand article de partage des ressources, de présenter à un certain moment, dans la loi de finances, toutes les impositions de toutes natures, et de faire « un paquet » de tout ce qui est donné aux collectivités locales, avec un débat à la clé ?

M. LAMBERT, Président .- Je pense que, s'agissant des prélèvements sur recettes, il existe une forme d'inhibition. Nous avons le sentiment qu'en n'en parlant pas, nous prenons moins de risques constitutionnels. J'appelle nos collègues à la méditation suivante : croyez-vous que le Conseil constitutionnel n'y regarderait pas à deux fois si les deux Chambres venaient à adopter un texte à l'unanimité dès lors qu'il aurait connu un travail en commun aussi approfondi que possible ? Je ne le sais pas. Peut-être suis-je trop rustique sur ces questions, mais j'ai le sentiment que ce serait difficile.

M. VAILLANT .- Vous avez répondu, Monsieur le Président. C'est le problème de basculement d'un système dans l'autre. Il existe un vrai risque. Je ne vois pas comment cela peut se faire rapidement en inscrivant des éléments dans le marbre du Parlement. Je ne sais pas si M. Burr a réfléchi à cette question au cas où le parlement nous réserverait cette surprise, d'une écriture commune sur ce sujet. Pourriez-vous essayer d'apporter des éléments plus précis.

M. BURR .- La question de M. Fréville porte à la fois sur l'information et la bonne connaissance par le Parlement de l'ensemble des dotations qui sont, comme vous le rappeliez, réparties sous des formes diverses, des dotations budgétaires globalisées ainsi que des prélèvements sur recettes, et portent également sur une problématique de gestion qui souvent n'est pas vue, mais qu'il est important de soulever ici au Sénat.

Il faut rappeler que les prélèvements sur recettes représentent 200 milliards de francs au total, sur environ 335 milliards de francs versés aux collectivités locales par l'Etat chaque année. Cela représente environ les deux tiers. Si l'on veut les inclure sous forme de dotations budgétaires de l'Etat, on augmente la masse budgétaire du budget de 200 milliards de francs, ce qui n'est pas une mince affaire, et à laquelle il faut réfléchir.

La deuxième question que posent les prélèvements sur recettes, c'est effectivement l'exercice par le Parlement des compétences et responsabilités que la Constitution lui reconnaît. Nous pouvons considérer qu'actuellement la connaissance par le Parlement des prélèvements sur recettes n'est pas moindre que celle des dotations budgétaires qui sont généralement réparties dans une multitude de lignes, et dont la vision d'ensemble n'est pas évidente.

En revanche, les prélèvements sur recettes sont connus. Ce sont des grandes masses. Je pense à la dotation globale de fonctionnement (DGF), au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), à la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), au remboursement de la compensation de la réduction de la taxe professionnelle concernant la part salaire. Ce sont des masses considérables qui sont mentionnées à la fois dans les bleus budgétaires et dans le jaune budgétaire qui récapitule l'ensemble des montants des concours financiers aux collectivités locales.

Les regrouper ? Oui, mais, dans le budget ou hors budget, car cela pose la question de l'augmentation de la masse budgétaire du budget de l'Etat.

Le second point important à souligner ici est le fait que les prélèvements sur recettes sont aussi une commodité de gestion extrêmement importante. En effet, les dotations budgétaires nécessitent une procédure d'engagement, donc de gestion d'engagement, de délégation de crédits, de répartition, de gestion entre les départements, voire entre 36 000 communes, alors que les prélèvements sur recettes -je tiens à le rappeler ici- sont extrêmement commodes dans la mesure où il n'y a pas de délégation de crédits. Nous envoyons aux préfets les instructions nécessaires pour le calcul ou, quand nous les avons calculés, les montants à verser aux collectivités locales, et le préfet prend un arrêté correspondant, qu'il envoie au TPG qui a lui-même un compte ouvert, sur lequel il tire directement.

Donc, il n'y a aucune procédure de délégation et de transmission de crédits. On peut craindre que la réintégration de 200 milliards de francs sous forme de dotations budgétaires, si l'on poussait à l'extrême le raisonnement, ne crée à la fois des lourdeurs de gestion considérables et puisse se traduire par des problématiques de trésorerie si, d'aventure, ces délégations de crédits ne fonctionnent pas selon le même rythme que peuvent le faire actuellement les prélèvements sur recettes, qui sont une commodité très forte nous concernant, ainsi que pour les collectivités locales.

M. FREVILLE .- Je pensais qu'il convenait de généraliser la notion de prélèvement et que, dans ce cas, il faudrait traiter le prélèvement dans l'ordonnance dans la future loi organique.

M. LAMBERT, Président .- M. Fréville est un grand connaisseur universitaire de cette question et je compte sur son soutien. Il nous faudra « De l'audace, toujours de l'audace », ainsi que le Maréchal Leclerc qui libéra Alençon, le disait à ses troupes.

M. GAILLARD .- Je souhaite poser une question plus politique et sortir de la technique. Monsieur le Ministre, faisons-nous oeuvre utile en ce moment, ou tenons-nous une séance académique ? Pensez-vous que ce texte ait des chances d'aboutir ? Le Gouvernement, qui semble-t-il, n'est pas complètement d'accord sur les propositions de la commission des finances de l'Assemblée (vous avez vous-même fait quelques réserves techniques) y tient-il ? Cette affaire a-t-elle des chances d'être inscrite au calendrier parlementaire ?

Je m'adresse, à travers votre poste actuel, à l'ancien ministre des Relations avec le Parlement que vous avez longtemps été et qui connaît très bien le climat : pensez-vous que nous ayons des chances de revenir à un certain consensus sur cette affaire ?

Nous n'irons pas jusqu'à la remise en cause de l'article 40 dont je ne suis pas partisan, mais est-il possible de faire cette réforme sans, conjointement, revoir les règlements des assemblées ? Une partie de la réforme n'implique-t-elle pas l'assouplissement de certaines conditions de vote ? Augmenter le rôle des commissions ? Réduire le rôle du débat en séance qui fait toujours mauvais effet et autres choses dont nous avions parlé du temps où M. Fabius était Président de l'Assemblée nationale, et qui semblent avoir disparu des perspectives actuelles ?

M. VAILLANT .- Monsieur le Président, très rapidement, la réponse est oui et pour une raison simple : quand le Gouvernement (il faut le dire, largement à la demande des deux Assemblées et de ceux qui sont les plus en pointe sur ces sujets, aussi bien votre Président que le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale et les Présidents des deux assemblées) s'est engagé après des discussions internes, il est normal qu'il y ait de ce point de vue des visions différentes entre un ministère comme on dit « dépensier » et le ministère de l'Economie et des Finances.

Il est vrai que cela arrive souvent sur des problèmes techniques mais qui peuvent aussi avoir des répercussions politiques ou inversement, et il est normal que cet échange ait lieu ; je joue le jeu en venant devant vous, sinon, Alain Lambert me le reprocherait. Il n'existe aucune restriction de la part du Gouvernement et à l'intérieur du Gouvernement sur ce sujet et, de ce fait, ce dernier ne peut en aucun cas être un frein à l'évolution de l'ordonnance de 1959, d'autant que, quand il a décidé d'aller dans le sens de cette réforme, c'était véritablement complètement déconnecté d'un quelconque intérêt d'opinion. Il faut reconnaître entre nous, qu'aujourd'hui encore, c'est un sujet où, à mon avis, beaucoup de pédagogie et de grands médias seraient nécessaires pour attirer l'intérêt de nos concitoyens. C'est un public réservé.

C'est plus un intérêt général bien compris qui, je le crois, nous fait aller dans ce sens.

Par ailleurs, je pensais que cela ne poserait pas de difficulté majeure en dehors des débats internes au Gouvernement et entre les deux Assemblées et des majorités dont je ne pensais pas qu'elles étaient de caractère politique. Quand le débat est venu à l'Assemblée nationale, des voix se sont élevées sur un terrain plus politique en disant « non ». Je constate en même temps que l'intérêt même du Parlement, de la transparence dans la gestion des fonds publics et de l'efficacité sur le terrain, fait qu'à l'Assemblée, les choses ont avancé et qu'elles arrivent au Sénat avec un état d'esprit qui est également de déconnecter ce problème des enjeux qui interviendront en 2002, et qui n'ont pas grand-chose à voir avec ce qui nous préoccupe ce matin.

De ce fait, cela me rend optimiste. J'étais assez pessimiste juste avant que cette question n'arrive à l'Assemblée nationale. J'ai entendu des déclarations qui me laissaient peu optimiste, mais si l'état d'esprit qui prévaut ce matin l'emporte, je me dis : « Pourquoi pas, tout le monde y aurait avantage et pourrait en tirer un légitime profit de l'inscription d'une réforme importante qui servira pour la suite quels que soient ceux qui l'assureront ». Voilà dans quel état d'esprit je me trouve. Je ne suis pas trop inquiet. Je pense qu'il y aura une majorité d'idées pour le réaliser. Je veux souhaiter que les choses avancent. L'intention du Gouvernement est que l'Assemblée nationale se ressaisisse de cette question avant la fin de la session ordinaire unique, à savoir avant le départ en vacances.

Cela témoigne de l'intention du Gouvernement d'aller vers une adoption, et le plus tôt sera le mieux, puisque ce sera déconnecté d'échéances qui viendront après et qui n'ont rien à voir avec l'objet de la réforme.

M. LAMBERT, Président .- Il faut savoir que le bureau de notre Commission a adopté il y a 2 ans et demi, dans son programme la réforme de l'ordonnance de 1959. S'agissant éventuellement d'amour-propre, sinon d'auteur, dans tous les cas d'idée, le nôtre peut ne pas souffrir, mais s'agissant d'un rendez-vous de cette importance je ne crois pas que l'amour propre soit décisif.

Les deux Assemblées (et chacun sait qu'elle doivent être d'accord à défaut de quoi il n'y a pas de réforme) ont travaillé séparément dans un premier temps afin d'investiguer et d'approfondir un rapport d'information approuvé par la commission des Finances du Sénat. Une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale et il se trouve que les travaux menés avec application (j'ignore s'ils sont de qualité) sont convergents.

Sur le contenu, je crois que tout le monde est d'accord pour considérer qu'il ne faut pas revenir sur l'équilibre assez subtil de notre Cinquième République entre l'exécutif et le Parlement. Sur le contenu pratique, il est vrai que l'on peut avoir -chacun étant de bonne foi- une appréhension différente de la question, comme le disait M. Vaillant, selon que l'on est ministre « dépensier » ou de l'Economie et des Finances et du Budget, on peut avoir une approche différente, et c'est bien naturel.

Nous devons gérer ces approches différentes afin de rendre possible cette réforme dont je dis pour ma part -et pardonnez-moi de m'introduire dans ce débat en cet instant- que le Parlement ne sortira de toute façon pas indemne de la décision qu'il prendra, quelle qu'elle soit.

S'il rejette cette réforme il aura  vis-à-vis des Français à rendre compte de la contradiction consistant à dire depuis tant d'années : « Sur le budget, nous n'avons aucune influence » sans avoir saisi la chance de réformer le texte régissant son adoption, ou il aura décidé que son rôle n'est plus qu'un rôle de communication des angoisses des Français, mais sans influence sur les décisions les concernant.

Monsieur le Ministre, pour m'acquitter de mes devoirs de rapporteur, je voudrais me tourner vers vous mais, plus réellement, vers vos directeurs : avez-vous réfléchi et auriez-vous des idées, par exemple, à nous donner en matière d'indicateurs de performances ? C'est un point très pratique, mais qui pourrait nous éclairer en tant que législateurs, sur les enjeux de cette réforme et peut-être sur ce que l'on peut en attendre dans ses résultats. Si des orientations visent à vous obliger à introduire dans vos propositions des indicateurs de performances, avez-vous des exemples à proposer ?

M. LEMAS .- Nous avions en effet, Messieurs les sénateurs, réfléchi à une série d'indicateurs de performances dans la foulée de l'expérience de la globalisation des préfectures. Ce sont des réflexions et des travaux largement engagés, qui sont le prolongement de l'expérience de globalisation des préfectures engagée depuis 1 an et demi, depuis le début de l'année 2000 sur 4 départements, puis sur 10 autres depuis le début de l'année.

Pour donner un aperçu des travaux en cours, je citerai quelques cas :

Tout d'abord, une réflexion a été engagée sur la répartition des effectifs des préfectures. Il y a une dizaine d'années, un travail visant à essayer de déterminer ce que pourrait être un effectif de référence des préfectures avait été engagé. C'est un exercice théorique et une « mission impossible ». Quel est l'optimum quantitatif et la bonne répartition des emplois pour les préfectures ? Il y a 2 ans, nous avons préféré nous orienter vers une autre direction qui était non pas d'essayer de rechercher d'optimum théorique pour lequel une infinité de facteurs, y compris subjectifs, serait à prendre en considération, mais quelle serait la répartition optimale des effectifs entre les préfectures et leurs différentes missions ?

Nous avons bâti un outil « ARCADE » assez sophistiqué qui tente de répartir les missions des préfectures en une série de grandes catégories, et nous tentons d'utiliser cet instrument pour déterminer la meilleure répartition possible des effectifs entre ces missions.

Sur la base de cette répartition entre missions, nous essayons d'atteindre une répartition optimale des effectifs, entre les préfectures de mêmes catégories. Nous testons actuellement la pertinence de cet outil avec les préfectures elles-mêmes, et j'espère que d'ici la fin de l'année, nous pourrons faire une présentation de cet outil.

Deuxième type de travail engagé sur les indicateurs : ventilation analytique des dépenses entre les dépenses de rémunération et les dépenses de fonctionnement dans les préfectures globalisées.

L'expérimentation de la globalisation des préfectures visait à avoir une enveloppe globale regroupant les crédits de rémunération, de fonctionnement et une part des crédits d'investissement et de grandes réparations des préfectures, de manière à avoir une enveloppe globale déléguée dès le début de l'année, et sur lesquelles il existe un engagement pluriannuel sur 3 ans avec nos collègues du ministère du Budget.

Pour que cet outil puisse fonctionner dans de bonnes conditions, il faut disposer d'un indicateur assez précis de ce que peuvent être les dépenses de rémunération et de fonctionnement et, à l'intérieur de chacune des catégories, une ventilation par grandes fonctions.

A côté de cet outil, nous déterminons des indicateurs de résultats et de performances. C'est plus complexe, car nous avons à prendre en considération des éléments qualitatifs et quantitatifs.

Sur ces derniers, nous mettons en place une batterie d'indicateurs -plus d'une quarantaine- dans un outil intitulé INDIGO et fonctionnant déjà dans les préfectures globalisées, en testant sa pertinence avec le ministère du Budget. C'est un outil à tout faire. Il donne une série d'indications sur les résultats et les performances par grandes catégories de missions.

En revanche, nous nous sommes rendu compte -cela aurait pu aller de soi- que ces indicateurs de résultats et de performances ne peuvent servir à tout et que, notamment, du point de vue de la centrale pilotant l'ensemble du dispositif des préfectures, de chacune des préfectures et de chacun des gestionnaires dans les centres de responsabilités des préfectures, il serait utile de mieux cibler ces différents indicateurs. Nous nous y employons de façon à mieux affiner cet outil INDIGO par rapport aux trois types de pilotage.

Nous avons un autre outil plus qualitatif et, de ce fait, plus complexe et plus contestable intitulé BALISE, et qui est un outil d'indicateurs de performances à l'égard des préfectures, que nous demandons au préfet de nous adresser une fois par trimestre, et comprenant une série d'indicateurs à la fois quantitatifs (le nombre de contrôles de légalité, de saisines ou d'actes délivrés aux guichets) et qualitatifs en essayant, pour certaines des grandes fonctions de la préfecture difficiles à mesurer (fonctions de représentation ou d'autres types de cette nature), d'apprécier la performances de chacune des préfectures.

Ce ne sont pas des outils d'indicateurs de gestion ou de performances en soi, mais à vocation comparative les unes par rapport aux autres et par rapport aux grandes familles de préfectures.

Cet outil en cours d'élaboration ou de mise au point concerne, pour l'essentiel, les préfectures ; nous réfléchissons, dans le cadre d'un groupe de travail que Monsieur le Ministre a installé, à la manière dont nous pourrions agréger ce type d'outil, avec la prise en compte des nécessités de mesurer les indications de performances pour les administrations centrales qui les pilotent.

Nous sommes au tout début de ce travail de tentative d'agrégation entre l'expérience menée dans les préfectures et les administrations centrales. Nous en sommes au stade où nous travaillons sur une sorte de typologie des missions des différentes administrations centrales de manière, dans un second temps -mais nous n'y sommes pas encore-, à déterminer des indicateurs de gestion et de performances.

M. D'HARCOURT .- Pour élargir le propos de M. Lemas, quand on parle des préfectures et du dispositif évoqué par lui, il s'agit des préfectures globalisées.

On voit directement le lien entre le contenu du projet de réforme de la loi organique qui postule une fongibilité des crédits, et l'appel et la réflexion sur les indicateurs. Sans fongibilité des crédits -c'est ce que permet le texte actuel de la proposition de loi-, ce travail de réflexion et de calage des indicateurs n'existe pas.

Prenons l'exemple de la police. Actuellement dans le document bleu que vous connaissez, il existe un agrégat police dont vous constaterez que la décomposition reflète seulement le travail des directions elles-mêmes, à savoir que l'agrégat actuel n'est pas construit autour d'une logique d'objectifs globaux de la police. Vous n'y trouverez pas l'objectif police de proximité, qui est pourtant au coeur de la réforme de la police et de son activité actuelle.

L'enjeu est de faire en sorte que, dans les nouveaux programmes, parce qu'il y a globalisation des crédits et que ces derniers ne sont plus accrochés à telle ou telle direction opérationnelle, mais à la mise en oeuvre d'une politique transversale au sein de la police, figure comme objectif la mise en oeuvre de la police de proximité et qu'il soit repéré par des indicateurs existants (que Monsieur le Ministre suit dans le cadre d'un comité de suivi, interne au ministère de l'Intérieur).

Actuellement, ce sont des indicateurs de moyens ou d'activité, mais nous voyons que, rapidement, la police réfléchit au problème des indicateurs de performances, ce qui renvoie à la remise à plat des statistiques de la police (l'état 4001). Nous voyons la démarche intellectuelle qui fait qu'en raison de la globalisation il y a fixation d'objectifs transversaux aux différentes Directions. Ce ne sont plus seulement des objectifs de moyens ou d'activité mais, progressivement, des objectifs de performances comme vous le souhaitiez.

M. LAMBERT, Président .- Je rappelle à nos collègues que cet après-midi, à 17 heures, nous entendrons M. Guillaume, inspecteur général des finances, l'auteur d'un rapport sur la gestion budgétaire comparée dans les pays de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (O.C.D.E). Il est allé voir chez nos partenaires de l'O.C.D.E. la façon dont ils ont procédé à des réformes budgétaires. Il sera intéressant de l'entendre. A 18 heures, nous recevrons Mme Mahieux, directeur du Budget.

Je vous remercie d'être venu avec l'équipe qui travaille à vos côtés pour nous donner un témoignage d'un ministère « dépensier », car c'est ainsi qu'il faut travailler, en regardant les différents éléments des deux côtés de la barrière.

C. AUDITION DE M. HENRI GUILLAUME, INSPECTEUR GÉNÉRAL DES FINANCES

M. LAMBERT, Président .- Je souhaite en votre nom à tous la bienvenue à M. Henri Guillaume, inspecteur général des Finances.

Nous avons souhaité l'entendre dans le cadre de notre série d'auditions destinées à préparer la lecture que le Sénat fera de la réforme de l'ordonnance organique de 1959.

M. Henri Guillaume est un expert de ces questions budgétaires puisqu'il a été amené à observer ce qui s'est fait dans d'autres pays de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), et il est très précieux pour nous de ne pas travailler exclusivement avec des « lunettes » franco-françaises, mais de regarder dans d'autres pays où l'on a essayé de rendre de la performances à nos instruments de politique financière et budgétaire.

D'un mot, Monsieur Henri Guillaume, vous avez été à l'Assemblée nationale et vous savez dans quelle démarche législative nous sommes engagés. Je tiens à vous dire que vous n'avez pas à prendre de précautions oratoires, car il n'existe pas, entre les deux chambres, de points de vue foncièrement divergents, mais une recherche pour élaborer la meilleure législation possible en la matière, et nous cheminons les uns et les autres, chacun de notre côté, pour tenter d'approfondir notre réflexion et élaborer le meilleur texte possible.

Il existe des points sur lesquels, venant après l'Assemblée nationale, nous avons le temps devant nous pour tenter de voir comment nous pouvons parfaire le texte adopté. C'est le sens dans lequel l'Assemblée a voté son propre texte. Elle attend que le Sénat y apporte sa contribution et, sur certains points, vous pouvez, par votre expérience, nous apporter des éclairages qui peuvent nous être utiles. Vous nous direz dans quelles conditions vous souhaitez vous exprimer pour donner toute liberté à notre audition, lui donner toute l'intéractivité nécessaire, et nos collègues présents pourront vous poser des questions, ainsi que le Rapporteur général et moi-même.

M. GUILLAUME .- Je vous remercie, Monsieur le Président. Concernant l'audition, Je suis prêt à m'exprimer librement, mais je n'engage que moi-même puisque l'étude que j'avais menée au titre de l'Inspection générale des Finances portait sur 8 pays étrangers et non pas sur la France.

Ce que je pourrais dire sur le cas français n'engage pas l'Inspection des Finances ni, a fortiori, le ministère de l'Economie et des Finances. L'analyse que nous avions menée ne concerne pas la procédure budgétaire, même si elle a des liaisons très étroites avec elle. Il s'agissait d'étudier à la demande du ministre des Finances, comment 8 pays étrangers avaient introduit un système de gestion de la performance. Ces 8 pays représentant un échantillon assez équilibré entre les pays où une inspiration libérale avait marqué les politiques publiques dans les années 1980 et d'autres pays de tradition plus sociale démocrate où la légitimité de l'intervention de l'Etat n'avait jamais été sérieusement remise en question.

C'était un échantillon équilibré, d'où l'intérêt des conclusions parfois convergentes que nous avons pu en tirer.

Concernant le champ de l'étude, qu'appelle-t-on « système de gestion de la performance » ? C'est un système idéal qui n'a été appliqué dans son intégralité dans aucun pays et qui comprend plusieurs composantes : une volonté d'expliciter les objectifs des structures administratives et des politiques publiques, la définition de normes de performances associées à ces objectifs avec des indicateurs de résultats, des formes de contractualisation permettant de donner des souplesses accrues aux gestionnaires publics en contrepartie d'un engagement sur les résultats, et la définition de nouvelles modalités de contrôle a posteriori de l'action publique.

Il nous avait été demandé de préciser les conditions d'introduction de ces systèmes de gestion de la performances et l'articulation avec le budget de l'État. Voilà le thème général de l'étude qui nous avait été confiée, et du rapport dont vous avez eu communication, rendu au ministre il y a maintenant plus d'un an.

M. LAMBERT, Président .- Quelles sont, selon vous, les conditions nécessaires à l'introduction d'un système de gestion de la performances tel que vous venez de le définir  et quels éléments essentiels vous paraissent-ils nécessaires d'introduire dans notre loi budgétaire pour permettre à ce système d'exister et d'en traduire les principaux éléments ?

De ce point de vue, si vous avez eu le temps d'examiner brièvement le texte de la réforme adopté par l'Assemblée nationale, auriez-vous des recommandations pour le parfaire, vu sous cet angle de l'introduction d'un système de gestion de la performance ?

L'objectif d'une présentation et d'un vote du budget portant sur les coûts d'une politique, semble se heurter à des contraintes pratiques qui résultent, d'une part, du caractère interministériel de certaines politiques publiques et, d'autre part, de la polyvalence fonctionnelle de certaines administrations. Des observateurs avouent leur scepticisme sur la faisabilité de bâtir des programmes qui répondraient à la définition qui en est donnée actuellement par le texte de l'Assemblée, à savoir que se pose la question de savoir si ces programmes ne seront pas des agrégats actuels qui porteraient un autre nom.

Partagez-vous un tel scepticisme ou, à l'inverse, avez-vous des solutions qui permettraient de réconcilier la contrainte d'une budgétisation par structures administratives, mais avec l'ambition de disposer d'informations en matière de coûts et de performances pour éclairer la représentation nationale ?

M. GUILLAUME .- Sur la première question, je précise qu'il faut distinguer la réforme de l'Etat et la modernisation de la gestion publique de la réforme de la procédure budgétaire proprement dite. Dans les 8 pays que nous avons étudiés il n'y a pas eu d'emblée de réforme de la procédure budgétaire.

Dans le cas français, c'est néanmoins une condition nécessaire, mais il faut préciser qu'elle n'est pas suffisante. Les pays étrangers n'ont pas pris ce problème sous le même angle que nous. Peut-être faut-il que nous avancions plus rapidement.

Tout système de gestion de la performance s'est appuyé sur des expériences de réforme de l'Etat engagées depuis très longtemps ; pour certains pays, cela remonte au début des années 70 et dans tous les pays depuis au moins 10 ans. Si l'on regarde les éléments communs de ces réformes, j'en citerai quatre :

La première est évidente : on s'est appuyé sur un assainissement de la situation des finances publiques. Sur les 8 pays que nous avons considérés, 7 sont désormais en excédent budgétaire. Cet assainissement des finances publiques n'a pas été obtenu par la gestion de la performance, qui n'est pas un outil de régulation budgétaire. Des méthodes plus brutales ont été utilisées.

La Suède avait un déficit de ses administrations publiques de 12,3 % de son P.I.B, en 1993, et est aujourd'hui en excédent budgétaire. La méthode radicale a été de couper de 10 % tous les crédits des ministères. Ce sont des méthodes brutales qui n'ont rien à voir avec la gestion de la performance. En revanche, la contrainte budgétaire a obligé tous ces pays à engager une réflexion sur l'optimalité des structures administratives et l'efficacité des politiques publiques. C'est ce que l'on appelle l'examen des programmes, sur lesquels je reviendrai ultérieurement.

De cet effort d'assainissement, il faut tirer une conclusion simple: calquer un système de performances sur des structures elles-mêmes inefficaces est un coup d'épée dans l'eau. Le postulat de base est qu'il faut un minimum d'efficience avant de songer à introduire ce système, ce qui plaide pour une expérimentation et une approche progressive.

Deuxième élément commun à tous ces pays : une rénovation des procédures budgétaires, mais pas par les textes. Le modèle budgétaire prévalant dans tous les pays est un système que je qualifierais d' enveloppes globales descendantes. On fixe un niveau de dépenses publiques maximales. Ce niveau de dépenses publiques est ventilé par dépenses par ministère et, à l'intérieur, le ministre technique devient son propre ministre des finances. Il ventile les crédits selon sa propre responsabilité. Ensuite, une déconcentration a lieu : un responsable d'agence ou un Directeur du Ministère a une enveloppe à l'intérieur de laquelle il est libre d'utiliser les crédits.

Le système de contrôle de la dépense publique est global. C'est une caractéristique que l'on retrouve dans tous les pays, hormis aux États-Unis. Pour que ce système fonctionne, la contrainte globale, contrepartie des souplesses de gestion données au ministre ou au responsable administratif, doit être respectée. Il ne s'agit pas, à la moindre difficulté, d'aller voir Matignon en demandant une augmentation de l'enveloppe. La règle du jeu est à respecter dans tous les pays et le parlement et les ministres des finances l'ont respectée. Un plafond est un véritable plafond. Comme dans le cas des Pays-Bas, il peut être fixé pour 3 ou 4 ans dans le cadre d'un accord de coalition.

C'est une véritable réforme des procédures budgétaires qui, par ailleurs, du point de vue des directions du budget, traduit un changement de culture, à savoir qu'au lieu d'effectuer un contrôle extrêmement fin de la dépense publique, on aura un contrôle global -plus efficace s'il est respecté- et un contrôle sur les performances.

Troisième élément commun : une évolution profonde des modes de gestion des ressources humaines dans la fonction publique vers une très forte décentralisation des décisions en termes d'emplois et de salaires. Dans les pays nordiques où l'on a des systèmes d'agences, le directeur général d'agence est responsable de sa politique salariale et des emplois. Cette évolution se retrouve aussi dans les pays où les ministères continuent d'avoir un rôle très important (je pense aux Pays-Bas qui ont divisé leur fonction publique en 8 secteurs homogènes quant à la gestion des carrières).

Ce mouvement s'est opéré partout.

Quatrième élément de ces réformes : un investissement important sur l'information comptable et financière ; passage à des comptabilités d'engagement et patrimoniales et développement de comptabilités analytiques. Toutefois, nulle part l'amélioration de l'outil comptable n'a été considérée comme un préalable à l'introduction de système de gestion des performances. Les différentes évolutions vont de manière parallèle avec un assez grand pragmatisme.

Voilà les éléments de base sur lesquels le système de gestion de la performances s'est appuyée ainsi que sur un effort de réforme de l'Etat qui remonte à 10 ou 20 ans.

En ce qui concerne le mode d'implantation de ces systèmes : je mentionnerai trois axes :

- Une forme de planification stratégique (je fais référence à ce terme emprunté à la sphère de l'entreprise même s'il n'existe pas d'identité entre la démarche de l'entreprise et celle de l'administration) pour mettre en évidence les objectifs des politiques ou des organisations.

En règle générale, dans tous les pays, cet exercice n'est pas un exercice technique mais politique prenant -dans le cas du Royaume-Uni- la forme d'un engagement du ministre sur la gestion de son ministère pendant une période de temps ; au Canada, ce sont les rapports et plans sur les priorités et rendements, soumis au parlement. Partout il existe une forme de réflexion à 3 à 5 ans sur les objectifs, soit des agences (des structures administratives), soit au niveau des politiques publiques.

- La mise en place et l'identification claire de centres de responsabilités ; c'est un point important qui reviendra dans le débat sur les programmes interministériels. Partout, on assiste à la séparation entre les fonctions de définition des politiques et les fonctions de gestion, celles-ci étant décentralisées dans des structures administratives appelées « agences ».

Les agences ne sont pas, dans tous les pays, un démembrement de l'Etat ; ce n'est pas un établissement public au sens français, mais cela peut être un service administratif, ou une direction d'administration centrale, érigée en centre de responsabilités et à laquelle on reconnaît une autonomie de gestion. C'est une identification de responsabilités. Les directions d'administration centrale définissent la politique, évaluent et attribuent les moyens globaux, et les agences -services administratifs autonomes- sont chargées de la gestion.

C'est un point très fort que l'on retrouve dans tous les pays. C'est une vieille tradition dans les pays nordiques que nous avons étudiés, mais il se retrouve également dans d'autres pays.

- Un relâchement, voire de suppression des contrôles a priori , en échange d'engagements sur les performances.

Chaque responsable administratif a son enveloppe budgétaire, de plus grandes libertés en matière de gestion de ses emplois et, en contrepartie, il s'engage sur des objectifs chiffrés, des normes de performances, et sur les modalités d'évaluation et d'audit de ces performances, dans le cadre d'un contrat. Il existe un engagement très fort ; la fameuse notion d' « accountability » anglo-saxonne : chaque responsable doit rendre compte, devant les citoyens, l'opinion publique et le parlement, de son action.

Cela implique une transformation profonde des formes du contrôle, qui progresse de manière très variée suivant les pays. Certains effectuent un pilotage, par la loi, d'autres font preuve d'un très grand pragmatisme. On avance parfois par étapes, comme c'est le cas des Pays-Bas, suivant leurs anciennes traditions.

L'articulation avec le budget : elle est imparfaite dans tous les pays. Plusieurs d'entre eux ont écarté les visions consistant à élaborer une nomenclature d'objectifs de l'action publique, et à allouer les moyens affectés à cet objectif. En effectuant une variation sur les moyens, on devrait mesurer la variation sur les objectifs. Cette vision idéale est écartée par tous les pays car il n'est pas possible d'y arriver.

Concernant la prise en compte de la performance dans les arbitrages budgétaires, elle est très faible dans tous les pays au niveau des enveloppes globales, qui restent des choix politiques. En revanche, elle est importante pour la politique d'affectation des ressources dans les agences et les structures administratives dont je vous ai parlé. Les indicateurs de performances sont véritablement utilisés pour la procédure budgétaire. De même, ils sont utilisés dans certains pays pour l'affectation d'enveloppes ministérielles. Si je prends l'exemple de la Finlande -un pays très intéressant de ce point de vue-, le ministère de l'Enseignement supérieur attribue 10 % ou 15 % de son enveloppe en fonction d'indicateurs de performances. Il existe une allocation de base en fonction du nombre d'étudiants diplômés et une partie variable est attribuée en fonction d'objectifs définis en commun avec les universités ou les centres de recherche.

A ces deux niveaux, les procédures budgétaires sont réellement influencées par les performances. En revanche, au niveau global, cela reste extrêmement marginal.

Dernier point : seul 4 pays sont engagés dans une réforme de leur nomenclature budgétaire dont 2 très sérieusement : le Royaume-Uni et les Pays-Bas. C'est une oeuvre de très longue haleine, engagée depuis 6 ou 7 ans. L'objectif pour le Royaume-Uni était de conclure cette réforme en 2002, mais ils prendront un peu de retard. L'idée est d'avoir une nomenclature d'objectifs et de moyens.

Dans tous les cas, son élaboration est précédée d'un exercice à blanc en termes de comptabilité. L'année précédant la réforme de la procédure budgétaire, un exercice en terme comptable aura lieu.

M. MARINI .- Monsieur l'Inspecteur général, le texte dont nous allons débattre est plus qu'une réforme de procédure. Il comporte de nombreuses dispositions de procédure, mais son ambition est plus large, puisqu'il s'agit de faire évoluer les concepts eux-mêmes sur lesquels portent l'information et le contrôle du Parlement.

De ce point de vue, je voudrais vous poser une question liée à vos travaux : dès lors que l'on estime nécessaire (depuis longtemps, j'ai exprimé une conviction forte en ce sens) d'aller vers une composante réelle de comptabilité patrimoniale dans les comptes de l'Etat, vers une appréciation prévisionnelle de ses charges et de ses ressources, et que l'on s'engage dans cette démarche qui devrait conduire à disposer d'un tableau global de financement de l'Etat, avec les variations qu'il ferait apparaître d'année en année et ne plus se limiter aux aspects annuels d'une comptabilité de recettes et de dépenses, sans doute faudrait-il faire évoluer les notions mêmes d'indicateurs de performances.

Parmi les expériences étrangères que vous avez analysées, et plus précisément, concernant la situation française, comment voyez-vous cette définition des indicateurs de performances en termes de comptabilité patrimoniale ?

Voyez-vous des idées, des conseils concrets dont vous puissiez faire état, nous permettant de mieux intégrer ces éléments réels mais aussi prévisionnels de comptabilité patrimoniale, dans la prise en compte des indicateurs d'efficacité de l'administration et des différents sous-ensembles au sein de l'Etat ?

M. GUILLAUME .- En termes d'indicateurs et de mesures de performances, il existe un débat récurrent que l'on trouve dans tous les pays : mesure-t-on les performances et l'efficacité des organisations ou l'efficacité des politiques, ce qui est différent, sachant que les pays ayant un système très décentralisé d'agences ont mis l'accent sur l'efficience. Ayant été Président d'un établissement public industriel et commercial, je savais définir les objectifs de l'agence que j'ai dirigée, j'étais capable de mettre en place une comptabilité commerciale, de définir les indicateurs d'efficience et de mettre en place une comptabilité analytique, hors budget.

De nombreux pays ont choisi cette voie. Ils ont commencé par tenter d'améliorer l'efficacité au niveau micro-économique. Cela contribue-t-il à l'efficacité des politiques ? C'est un autre problème. Il est relativement possible -mais sur ce point, l'administration française a un certain retard, hormis quelques ministères- de mettre en place des systèmes de comptabilité analytique, de définir des indicateurs de gestion, de rapporter le coût des actions, y compris dans une optique patrimoniale, en prenant en compte les amortissements ou d'autres éléments. Cela a été mis en place dans les autres pays au niveau des agences. C'est un point de vue micro-économique.

Au niveau macro-économique, d'autres pays ont fait le choix d'évaluer l'efficacité des politiques publiques en définissant des indicateurs d'efficacité. Par exemple, si je prends la politique de l'éducation nationale, quel est le niveau des élèves en mathématiques ? Quel est leur débouché suivant les filières ? Il s'agit de définir des indicateurs de politique et de vérifier qu'elle est efficace.

Nous retrouvons toujours ce balancement, dans les différents pays, entre le niveau auquel on choisit de définir et d'auditer la performances, sachant que dans aucun pays n'a été réalisé le passage entre cette mesure au niveau micro-économique et la mesure macro-économique, à savoir être capable de dire : « Toutes mes agences, tous mes services administratifs, sont efficients et contribuent à la performance de mon programme ».

Si l'on doit attendre d'avoir mis en place un système de comptabilité patrimoniale ou de comptabilité analytique dans toute l'administration pour lancer le système de gestion de la performances, nous prendrions du retard. Tous les pays l'ont fait en parallèle.

M. LACHENAUD .- Vous avez fait référence au budget et à la politique de l'Enseignement supérieur en Finlande. Je me demandais s'il était possible de transposer cela dans la structure du budget et du ministère de l'Enseignement supérieur dont je me trouve Rapporteur spécial. Immédiatement apparaît un obstacle à mon sens dirimant : les actions décentralisées dont l'efficacité est susceptible d'être mesurée se situent dans les universités. Ces dernières ne disposent, actuellement en moyens financiers décentralisés, que de 10 % de l'enveloppe. Sur un budget d'environ 50 milliards de francs pour l'Enseignement supérieur en France, un peu moins de 5 milliards de francs sont donc gérés de façon décentralisée. En évitant de marcher sur la tête, est-il possible d'imaginer d'appliquer des méthodes inspirées du cas finlandais -qui m'ont paru intéressantes- à un budget structuré ainsi, où les moyens essentiels, que ce soit l'investissement, qui est faible, mais principalement la gestion des personnels, sont réalisés de manière centralisée ? Comment résoudre cette première contradiction ?

Deuxième question : faut-il être systématique dans l'application des notions de programmes ou ne serait-il pas préférable de se dire que, pour certains ministères régaliens, pour un certain nombre d'actions, une telle application est prématurée et difficile ou qu'il s'agirait peut-être d'une présentation quelque peu en trompe-l'oeil ? Ne pourrait-on pas admettre que coexistent des secteurs avec une gestion plus classique, plus archaïque ou plus traditionnelle en termes de moyens, comme c'est le cas aujourd'hui, et d'autres secteurs, en revanche, où il y aurait des programmes  ?

Il était assez stupéfiant de vous entendre dire qu'il pouvait y avoir des politiques totalement inefficientes, mais particulièrement bien gérées.

Pourrait-on imaginer d'avoir des programmes en nombre plus limité mais plus réellement significatifs, sans vouloir étendre cette notion à l'ensemble de l'action publique, notamment dans les secteurs régaliens ? Si je prends l'exemple du ministère des Affaires Etrangères, je ne vois pas comment s'y prendre.

M. GUILLAUME .- Je suis tout à fait sensible à la première question, car j'ai été universitaire et, en tant qu'Inspecteur général des Finances, j'ai inspecté une université. Cela me paraît être un très bon exemple de ce qu'il nous faudrait faire. Un Président d'université ne connaît pas sa masse salariale, ni celle des chercheurs du Centre national de recherche scientifique (CNRS) qui travaillent chez lui. Il n'a pas de comptabilité analytique, pas de suivi de ce que devient la cohorte de ses étudiants et, pour rejoindre votre propos sur la comptabilité patrimoniale, il n'est pas capable d'établir un bilan.

Au vu des expériences dans les pays étrangers, si l'on veut réaliser une réforme allant vers une gestion de la performance, c'est le minimum qu'il faudrait faire.

J'irai jusqu'à dire que c'est l'exemple typique où il faudra un budget global pour chaque université, ce qui pose d'autres problèmes sur la répartition des pouvoirs en son sein. Il faudrait développer les outils de comptabilité analytique, de gestion et avoir un budget global, évaluant la masse salariale, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'il n'y ait pas de recrutement national des professeurs, mais que l'université pourra être capable de choisir si elle veut un professeur de grec ou de mathématiques, ce qui n'est pas tout à fait le cas aujourd'hui.

Des universités pourraient l'expérimenter. Certaines ont progressé et se sont dotées d'outils comptables développés. Il faudrait expérimenter en leur permettant d'avoir un contrat avec l'Etat. Dans cette logique, ce ne serait plus l'administration centrale qui gérerait l'ensemble du système. Il faudrait une décentralisation au niveau d'un établissement comme l'université, ainsi que cela se fait dans de nombreux pays européens.

Sur la notion de programmes, on retrouve la difficulté que j'évoquais. La notion de programme doit être associée à une responsabilité clairement identifiée ou à une politique qui peut engager plusieurs actions. C'est un débat qui a lieu dans tous les pays.

Je pense que la notion de programmes, telle qu'elle est définie dans la proposition de loi organique, convient. Le problème réside dans l'application. Je pense qu'il faut être extrêmement prudent et prévoir une expérimentation. Il ne faut pas appliquer brutalement cet ensemble d'éléments sur la structure administrative telle qu'elle est. Il faudrait choisir les secteurs où les conditions d'une réussite de la réforme sont possibles et aller dans ce sens. Tous les pays ont prévu une expérimentation.

Je prendrai l'exemple des États-Unis. Il est intéressant. C'est le seul pays qui a utilisé la loi pour appliquer un système de la gestion de la performance sur une base bi-partisane, car une proposition de loi républicaine en 1993 adoptée par le Président Clinton définit sur 1993-2000 tout le calendrier de l'expérimentation, y compris les formes d'expérimentation qui sont effectuées.

J'ignore ce que deviendra la réforme mais, pendant 7 ans, ils ont respecté étape par étape le calendrier établi. J'ai dit à l'Assemblée nationale et je répète ici qu'il serait illusoire de croire que l'on résoudra tous les problèmes techniques d'un coup de baguette en 2 ans. Il faudrait se livrer au minimum à ce qu'ont fait tous les autres pays, à savoir un examen des programmes, des fonctions, des objectifs des administrations, voir si la structure est adéquate et si l'on peut appliquer ce type de système de gestion.

Vous m'objectez que j'ai tenu un propos paradoxal en distinguant des structures efficientes et des politiques qui ne le sont pas. Je prendrai une expérience qui est la mienne. J'ai été Président de l'ANVAR, l'Agence pour l'Innovation en France pendant 8 ans, où j'ai géré un budget de l'Innovation. D'autres acteurs gèrent des aides aux P.M.I. Je pouvais garantir -tous les rapports de la Cour des comptes l'ont démontré- que l'ANVAR était une maison relativement bien gérée et que nous ne dilapidions pas les fonds. Notre structure était donc efficiente.

Pour autant il existe sur le marché toute une série d'acteurs qui distribuent des aides aux P.M.E. Même au sein du ministère de l'économie et des finances, il en existe 3 ou 4 en supplément de l'ANVAR. Faut-il 3 ou 4 distributeurs d'aides publiques pour atteindre les objectifs que l'on se fixe en matière d'innovation ? C'est l'exemple typique d'une structure efficiente et d'une politique qui ne l'est pas forcément.

Il faut regarder ce qu'ont fait les Canadiens ou tous les pays qui ont fait un examen systématique et sérieux, un bilan de leur organisation administrative, de ce qui pouvait être transféré au secteur privé ou confié aux collectivités locales, de ce qui était du ressort des administrations centrales et des services déconcentrés ou des agences. D'après moi, il faudrait faire cela systématiquement avant de figer les programmes dans les textes budgétaires pour des décennies.

M. FREVILLE .- Je reviens à la notion de programmes car, concernant les dépenses, c'est le coeur de la réforme de l'ordonnance organique.

Deux questions :  le problème de la définition des objectifs et la fongibilité des crédits.

Cette définition des objectifs -qui passe par la définition préalable des programmes- est à moyen terme. Comment peut-elle s'organiser dans le cadre budgétaire qui est le nôtre ? A certains moments, le Parlement doit-il être associé à la définition des objectifs et si oui, de quelle manière ? Faudrait-il des votes ou des approbations au moment du débat d'orientation budgétaire ? C'est un problème qu'il me semble nécessaire de clarifier.

Pour reprendre le cas de l'enseignement supérieur, en matière d'action sociale pour les étudiants -c'est un agrégat, cela doit-il devenir un programme, mais supposons que ça le soit-, nous avons des crédits qui dépendent du ministère de l'Education nationale, d'autres crédits -allocations logement- qui dépendent du ministère de l'Equipement, et des dépenses fiscales très importantes avec le quotient familial. Comment définir, dans ce cadre important, les objectifs et qui doit les définir ?

Au niveau de la fongibilité des crédits, nous nous engageons, si j'ai bien compris, vers une fongibilité asymétrique. A savoir, en d'autres termes, que l'on ne peut pas augmenter les dépenses de personnel mais l'on pourra, le cas échéant, prélever sur les dépenses de personnel pour alimenter d'autres types de dépenses.

Ce type de fongibilité asymétrique est-il souhaitable ? Ou faudrait-il -ce serait une autre réforme- admettre une fongibilité symétrique, et de quelle manière ?

De la même façon, une question a été longuement débattue à l'Assemblée nationale : faut-il admettre une fongibilité entre les crédits d'investissement de l'Etat et les crédits de fonctionnement ? Avec une comptabilité en termes d'amortissements, il serait possible de faire accepter une fongibilité mais, en France, n'ayant pas cette comptabilité d'amortissements peut-on avoir une fongibilité des crédits d'investissements et des crédits de fonctionnement ?

M. GUILLAUME .- La définition des objectifs dans tous les pays est du ressort du ministre gestionnaire, en charge de définir les objectifs de son administration ou de sa politique, dans un document public représentant un engagement politique du ministre, de même que, dans la planification stratégique, on définit les programmes. Dans ces pays, il n'y a pas de réforme budgétaire. Le concept de programmes peut être un concept de gestion sans être un concept de discussions budgétaires et d'autorisations parlementaires.

En France, La réforme de la loi est justement engagée. Dans les autres pays, le ministre s'engage sur des objectifs, des programmes et, ensuite, avec une enveloppe globale dont il est responsable, a lieu une ventilation pour la discussion et le contrôle budgétaire, dans une nomenclature existante mais inchangée. On voit toute l'ambiguïté dès lors que le programme est un instrument de modernisation de la gestion publique et un instrument du contrôle parlementaire.

Il faut avoir une démarche progressive dans ce domaine afin de ne pas figer la situation d'un côté comme de l'autre. Quant à prendre purement une optique de contrôle parlementaire, je ne suis pas convaincu que ce soit le bon concept pour le gestionnaire.

La fongibilité est une règle générale sur les dépenses de personnel et de fonctionnement dans tous les pays. Par ailleurs, si vous me posez la question, j'estime qu'elle doit être asymétrique.

Je pense que le moyen de contrôle doit être la masse salariale et la solution masse salariale/plafond d'emploi est un bon système car, concernant l'autorisation d'emploi. Le rapport de la Cour des comptes sur la notion d'emploi est particulièrement illustratif. On est incapable de raisonner. Le véritable indicateur est la masse salariale. Il faut être limitatif et asymétrique.

La fongibilité des crédits ne s'effectue dans les pays qu'au niveau des agences quand on a une comptabilité permettant de définir les amortissements. Pour l'appliquer, il faut que le service administratif pratique une politique d'amortissements et provisionne les crédits.

M. GAILLARD .- Quand on examine une réforme sans y être forcément tout à fait favorable, on dit toujours : « C'est impossible, inutile et insuffisant ».

J'ai l'impression qu'au fond vous ne croyez pas que le cheminement que nous empruntons et qui commence par la réforme de la nomenclature budgétaire soit le bon, et que le bon cheminement est tout d'abord de procéder à une réforme de l'Etat en commençant par des années d'expérimentation sur quelques ministères cibles.

Je suis de ce point de vue quelque peu désappointé, car la réforme de l'Etat me paraît encore plus difficile à réaliser que celle de la nomenclature budgétaire.

Il faut prendre un chemin. Est-il possible, en empruntant ce chemin, d'arriver à quelques résultats tangibles, ou faut-il véritablement voir l'accumulation des problèmes que nous ne parviendrons pas à résoudre ?

M. GUILLAUME .- Je vous ai expliqué ce qu'ont fait les étrangers. Je me suis mal exprimé si j'ai pu donner l'idée de scepticisme sur cette réforme. J'ai dit dès le départ -et je le pense profondément- qu'en France, c'est une condition nécessaire. Si nous ne le faisons pas, nous ne modifierons pas la situation. Effectivement, le changement de la procédure budgétaire est sans doute plus facile que d'entreprendre la réforme de l'Etat.

Je suis un fervent partisan de cette réforme. Mais que risque-t-on en se lançant dans un exercice qui serait de figer pour 2005 toute la nomenclature budgétaire ? De se plaquer sur la situation existante où l'on est tout à fait conscient de l'existence de poches d'inefficience ou de structures non adaptées. Ma proposition d'expérimentation n'est pas dilatoire.

Je pense qu'il faudrait s'inspirer de ce qu'ont fait les Américains dans le texte de loi, à savoir la possibilité d'une expérimentation, qui peut être lancée par l'exécutif sous le contrôle du législatif, et une démarche qui récompense les plus avancés et ceux qui sont prêts à faire le premier pas, plutôt que de le faire de manière généralisée.

Si l'on se dit que l'on fera tout en 2005 sur le plan technique, on risque de rater l'opération globalement. Je tiens à vous dire que personnellement -je l'ai dit à l'Assemblée mais je n'engage que moi-même- je suis favorable à cette réforme. En France, il faut passer par la réforme de l'ordonnance de 1959 pour faire bouger les choses. Peut-être convient-il de s'inspirer des expériences étrangères pour éviter de commettre des erreurs.

Autre argument pour la réforme de l'ordonnance de 1959 : cela permet de rattraper une partie de notre retard par rapport aux autres pays. Faisons attention, toutefois, ne négligeons pas l'aspect technique et ne croyons pas qu'en changeant la nomenclature budgétaire, on changera les comportements de l'administration.

M. LAMBERT, Président .- Ce sont des recommandations d'une très grande sagesse et la sagesse, dans cette maison, est toujours reconnue. La volonté de réforme de l'Etat a été réaffirmée tant de fois et des organismes qui en ont été spécifiquement chargés ont été nombreux. Leurs résultats et leurs performances n'ont pas été complètement démontrés. Il est souhaitable, d'après moi, que le Parlement soit complètement impliqué dans cette réforme de l'Etat.

Après tout, l'ordonnance et sa réforme en sont le bon rendez-vous.

Vous nous mettez en garde sur une ambition qui serait trop grande -surtout dans ce texte qui n'a pas vocation a être modifié tous les ans - en voulant introduire des dispositions si précises et si rigides qu'elles deviendraient vite menacées d'obsolescence.

J'ai quelques questions pratiques à vous poser s'agissant de la nomenclature budgétaire qui a été envisagée à l'Assemblée nationale, sous l'angle de l'articulation mission/programme. Avez-vous eu le temps d'y jeter un coup d'oeil ? La sentez-vous proche des actuels agrégats ou, à l'inverse, avez-vous des avis sur ce point qui pourraient nous être précieux ?

Deuxième question : il est bon de bien voir, dans cette réforme, ce qui est du rôle du Parlement. Je dois dire que dans l'une de vos remarques, vous avez dit que partout, dans tous les pays, la définition des objectifs était de la responsabilité de l'exécutif. Je partage cet avis. Il me semble que si l'exécutif n'est pas pleinement responsable des objectifs, dans un pays comme la France, cela ne fonctionnera pas. Néanmoins, si nous voulons vivre en démocratie, il faut que le Parlement les approuve et puisse contrôler si ces objectifs ont été atteints. Il faut impérativement que l'instrument que nous allons mettre en place nous le permette.

Je voudrais vous demander si vous avez un avis sur le rôle nouveau du contrôle parlementaire dans le cadre d'un système de gestion de la performances.

Compte tenu du fait que l'information est tout à fait entre les mains de l'exécutif dans notre pays et que le Parlement ne dispose pas d'instruments d'information qui lui soient propres, avez-vous une idée sur la manière de partager cette information ou pensez-vous au contraire qu'il faudrait se doter d'instruments complémentaires pour pouvoir y avoir accès ? Ce serait pour nous l'occasion de connaître votre sentiment sur le sujet.

M. GUILLAUME .- Je n'ai pas répondu sur la question des programmes interministériels. Elle cache là parfois le refus de trancher sur les structures ou d'avoir des responsabilités claires. Il faudrait identifier ce qui est le véritable interministériel de ce qui est le fait de ne pas vouloir désigner, pour telle ou telle raison, un acteur principal.

A la limite, si je prends l'exemple de la politique de la Ville, on pourrait considérer qu'il existe un budget de la Ville sous la responsabilité du ministre concerné Je parle à titre purement personnel.

Je trouve qu'avec la formulation actuelle qui est de dire : « On a un programme et des possibilités de transferts de crédits entre différents ministères », il est possible de résoudre les problèmes de la plupart des programmes interministériels. Ensuite, c'est une question de nomenclature et de choix des différents programmes.

Sur les agrégats, je vous réponds de la même manière que précédemment. Il existe des agrégats que je ne prendrai pas comme base pour des centres de responsabilités.

Il n'est pas évident de faire une transposition simple des agrégats actuels pour bâtir des programmes.

Sur le rôle des parlements et l'information, au regard des motivations des pays pourquoi -principalement ceux que j'ai cités- se sont-ils engagés dans ce type de réforme de modernisation de la gestion publique ?

Des contraintes budgétaires, parfois beaucoup plus fortes qu'en France, ont amené ces pays à s'interroger sur la manière dont les dépenses publiques étaient efficaces ou pas, ainsi que deux séries d'objectifs plus politiques. Le thème de la « value for money », des contribuables qui n'y voient pas très clair et disent : « A quoi mon argent est-il utilisé ? ». C'est dans certains pays un argument politique très fort a conduit le gouvernement et le parlement à réagir. Je ne sais pas si c'est le cas en France mais c'est un thème qui était très présent.

Deuxième thème politique très fort : la transparence. C'est dans ce domaine que les parlements ont eu un rôle très important : « L'action administrative n'est pas claire, le contrôle démocratique ne s'exerce pas sur les moyens. Il faut augmenter la transparence de l'action publique ». Ce volet transparence a été le plus important dans les motivations ayant conduit au changement, plus qu'un argument budgétaire, et plus que le fait de vérifier l'efficacité.

Plusieurs exemples : au Canada, la structure budgétaire n'a pas été modifiée mais l'on a associé les rapports sur le plan et les rapports sur les rendements qui mesurent pour chacun des ministères la correspondance entre l'engagement politique des ministres et leurs objectifs, et ce qui a été réalisé. Partout, il existe une généralisation des rapports d'activité, et le Parlement est un cadre privilégié pour débattre de la comparaison. Le débat budgétaire a été coupé en deux : on regarde ce qui a été réalisé et on vote le futur.

Il existe un effort de transparence important mais qui risque de noyer le Parlement. Dans de nombreux pays, on constate que la tentation naturelle est de dire : « Une fois les rapports d'activité établis, on noie les parlementaires sous une masse d'informations » (tactique bien connue mais parfois inévitable). Si l'on définit de nombreux indicateurs d'activité, vous aurez une masse d'informations et le problème est de savoir comment faire la synthèse de ces informations et comment s'exerce le contrôle.

Nous rejoignons le problème du contrôle. C'est là où j'estime que les progrès ont été les plus importants, dans la transformation des formes de contrôle aussi bien au niveau administratif qu'au niveau parlementaire. Au niveau administratif, une évolution a eu lieu vers la suppression des contrôles a priori , avec des contrôles a posterior i beaucoup plus complets. Ce sont de véritables audits comptables qui tendent à devenir des audits sur la performances. Il y a un élargissement et un durcissement du contrôle a posteriori en échange des souplesses de gestion, ainsi qu'un renforcement des corps de contrôle internes des ministères, à savoir de premier niveau. Il n'est pas public.

Deuxième niveau de contrôle : les contrôles externes avec l'intervention des organismes comme la Cour des comptes ou d'organismes rattachés au Parlement. L'exemple typique est celui du General Accounting Office aux États-Unis, organisme dépendant du Parlement.

Partout, les Parlements, à des degrés divers, ont renforcé leur structure de compétence pour analyser les audits réalisés.

Cela pourrait être une MEC (Mission d'évaluation et de contrôle) renforcée, avec des moyens financiers et des spécialistes pour effectuer des audits et des contrôles.

Donc, renforcement des contrôles à deux niveaux et changement du champ des contrôles avec, sans entrer dans le détail technique, des indicateurs une très grande attention portée à la certification des systèmes d'information et des comptes des ministères dans certains pays.

M. LAMBERT, Président .- Je vous remercie au nom de tous mes collègues pour la qualité de cette audition. Les réponses ont été précises. Je pense qu'il était précieux de vous entendre en raison de votre maîtrise de ces sujets, mais aussi des informations que vous avez pu collecter dans l'expérience que vous avez menée dans les pays que vous avez cités.

Je voudrais, chers collègues, vous dire que nous avons maintenant l'audition de Mme Sophie Mahieux, Directeur du Budget. Je suspendrai la séance quelques instants pour accompagner M. Guillaume et accueillir Mme Mahieux.

D. AUDITION DE MME SOPHIE MAHIEUX, DIRECTEUR DU BUDGET

M. LAMBERT, Président .- J'accueille Mme Sophie Mahieux, Directeur du Budget. Nous sommes heureux de vous entendre et de vous recevoir aujourd'hui dans les travaux que nous menons pour ce texte, qui est un rendez-vous législatif très important visant à réformer l'ordonnance de 1959. Nous avons le souhait d'aboutir dans les meilleures conditions. Nous souhaitons entendre le maximum de connaisseurs en la matière, et vous êtes, en qualité de directeur du budget, l'une des personnes qui avez en charge la mise en oeuvre de cette réforme. Il était important pour nous de pouvoir échanger ensemble.

Nous sommes convenus qu'il n'y aura pas de propos introductifs. Je poserai quelques questions pour lancer le débat, que j'ouvrirai ensuite à l'ensemble des commissaires présents.

Sur quels points le texte qui vient au Sénat et qui est issu de l'Assemblée nationale répond-il aux aspirations de la direction du budget et, à l'inverse, sur lesquels vous semble-t-il souhaitable que ce texte puisse être amélioré ?

Seconde question -nous l'évoquions dans une audition précédente- : en quoi la nomenclature des missions et des programmes différera-t-elle de la nomenclature actuelle des agrégats ?

La troisième question pourrait être : quelles modifications de son fonctionnement et de ses approches le système de gestion de la performances qui est porté par la réforme pourrait-il apporter à la direction du budget ?

Dans cette première volée de questions, en quoi les comptes spéciaux du Trésor et les budgets annexes viennent-ils contredire l'universalité budgétaire, puisque c'est un débat que nous avons même parfois entre nous ? En quoi les affectations directes à des fonds où à des établissements publics d'impositions de toutes natures ne contredisent-elles pas ce principe d'universalité ?

Mme MAHIEUX .- Monsieur le Président, sur votre première question, en tant que telle, la Direction du Budget n'a pas d'opinion, elle rend compte. C'est un texte dont il faut avoir en tête qu'il a pour origine une proposition de loi, ce n'est pas un projet du Gouvernement qui aurait été préparé par les services et appliqué par le Gouvernement. C'est une proposition de loi dont il faut noter qu'elle n'a pas donné lieu à des amendements de la part du Gouvernement lors de l'examen par l'Assemblée nationale en première lecture. Le texte dont votre assemblée est saisi recueille largement l'accord du Gouvernement dans ses principes et ses orientations.

Il me semble qu'à cet égard il faut notamment avoir en tête que cet accord du Gouvernement trouve son origine dans un certain nombre de réformes engagées depuis plusieurs années et dont le nouveau texte organique ne ferait que confirmer l'orientation, viser à leur donner une amplitude, une prégnance ou une priorité plus grande.

A cet égard, je retiendrai deux grandes séries d'éléments, car ils me paraissent déterminants dans la gestion des finances publiques aujourd'hui : l'inscription de la gestion des finances publiques dans une démarche stratégique illustrée par le débat d'orientation budgétaire, qui trouve pour la première fois une consécration dans son inscription officielle dans un texte organique et, d'autre part, le souci de mettre la gestion publique en phase avec un certain nombre d'orientations que l'on observe dans les pays étrangers, de nature à « mettre le système sous tension ».

Très clairement, le triptyque sous-jacent au texte dont vous êtes saisis, à la fois aller vers une plus grande globalisation des conditions dans lesquelles les crédits sont mis à la disposition de l'exécutif et, par son intermédiaire, des services, la volonté d'y associer un certain nombre de résultats quantifiables quant à ce que sont les objectifs de l'action publique et la façon dont on va mesurer s'ils sont atteints ou pas avec les moyens qui ont été mis à disposition des services et, enfin, la solennisation d'un principe de compte-rendu enrichi, qui ne soit pas simplement un compte-rendu comptable, mais également d'efficacité, à travers les rapports de performances, est bien un triptyque qui rejoint les démarches qui ont pu être engagées par le Gouvernement. On en a trouvé plusieurs traces à travers des expériences de globalisation comme celle menée pour les préfectures -pour ne citer que celle-ci-, mais aussi la mise en place de comptes-rendus de gestion budgétaire, dont on a fait une première expérience cette année, ou l'accélération du calendrier de la loi de règlement, de telle sorte que le compte rendu soit disponible avant la discussion des crédits de l'année suivante.

Globalement, nous sommes bien dans ce cadre.

Après, du point de vue des services, les questions qui se posent sont de nature plus technique ou d'ajustement, sur la praticabilité d'un certain nombre de dispositions ou le choix précis des formulations pouvant être retenues par le texte et relevant, non pas d'une remise en cause de sa philosophie ou de sa finalité générale, mais davantage de quelques précisions de plume. Si je devais en donner des exemples, je dirais que l'on peut s'interroger sur la définition actuelle des programmes d'un point de vue strictement technique.

Faut-il considérer que l'on met directement des crédits en rapport avec des objectifs ou plutôt en rapport avec des actions ou des politiques auxquelles sont associés des objectifs, car ce qui structure l'action et la gestion publique, ce sont les actions ou les politiques mises en oeuvre. On peut également être amené à s'interroger pour savoir si, dans les délais finalement très courts qui sont ceux du passage à ce nouveau régime ou ce nouveau système, l'ensemble des administrations aura pu être mis en état de satisfaire ces exigences nouvelles et donc s'il ne faut pas, tout au moins à titre transitoire, maintenir la possibilité d'avoir des spécialisations sur des périmètres différents de ceux qui sont envisagés, pour garder une pression nécessaire en contrepartie de ces libertés ?

Sur des points aussi techniques liés aux programmes, on peut avoir également le souci de garder cette logique qui est que la globalisation est une liberté avec des contreparties en termes d'engagement et, de ce point de vue, on peut souhaiter que de manière systématique, y compris quand les programmes seraient créés par voie d'amendements, on retrouve bien la même architecture, à savoir la même capacité à associer des objectifs et des indicateurs aux nouveaux programmes qui pourraient être ainsi créés.

De même, et là encore, on est dans l'ordre de la technique, on peut être amené à s'interroger pour savoir si le délai d'abrogation des textes parafiscaux est praticable par rapport à la masse de ce qui est en cause.

Enfin, dans les motifs d'annulation de crédit, faut-il prévoir deux concepts ou un seul ? Faut-il à la fois prévoir les annulations de crédits devenus sans objet  et celles qui sont nécessaires au respect de l'équilibre financier de la loi de finances, car ils peuvent être des motifs d'annulation distincts ?

Vous voyez que les points relevés sont des points d'ajustement matériel ou technique et non pas des débats de philosophie et de principe.

Sur la question de la nomenclature des programmes et des agrégats, on peut relever plusieurs points : il me semble qu'il existe entre les deux démarches un certain nombre de points de convergence et notamment, si l'on devait illustrer en masse ce que peuvent éventuellement être des programmes,  indubitablement le maillage que représentent les agrégats paraît assez représentatif de la masse critique à laquelle peut être associée efficacement une idée de fongibilité ou de globalisation, et des indicateurs de résultats.

Maintenant, d'un point de vue technique, il est indubitable que l'on ne peut pas considérer la nomenclature actuelle des agrégats comme la préfiguration complète de ce que seront demain les programmes, d'une part parce qu'il y a indubitablement un travail technique approfondi à effectuer avec l'ensemble des administrations, de mise à place des stratégies, des politiques et des actions publiques que l'on veut mener et des moyens d'action des ministères, exercice qui n'a pas complètement été mené dans le cadre des agrégats compte tenu de la priorité relative qui s'y attache dans l'exercice de préparation des lois de finances.

Il est indubitable également, concernant les agrégats, que nous nous sommes donnés, pour des raisons de lisibilité, des contraintes de confection, notamment qui respectent le contour des chapitres et articles actuels, de façon à pouvoir retrouver et établir des tableaux de cohérence pas trop complexes.

Il est certain que demain, dans une nomenclature différente, ce type de contraintes ne se présentera plus et que l'on pourra retrouver une marge de liberté plus grande pour définir ce que serait le périmètre des agrégats.

En revanche, un point me semble important dans la démarche que l'on a esquissé au fil du temps avec les ministères autour de la notion d'agrégat, qui est bien d'essayer de retrouver des entités dont on puisse identifier les responsables. De ce fait, nous avons tenté dans la mesure du possible (il y a toujours des imperfections car je ne prétends pas que nous soyons parvenus à un idéal absolu) et nous nous sommes efforcés, notamment face à des services polyvalents dotés d'une unité de gestion, à retracer dans l'agrégat la globalité du service.

Très clairement, la démarche qui a présidé à la construction des agrégats et dont il nous semble souhaitable qu'elle perdure dans la construction des programmes est un élément qui s'adosse à une réalité de gestion, à des centres de responsabilité, à l'existence d'un « patron » qui sera celui, in fine, qui rendra une partie des arbitrages qu'appellent la nouvelle possibilité de globalisation pour optimiser les résultats que l'on cherche à obtenir. De ce point de vue, la cohérence de responsabilité que l'on trouve dans la façon dont on a essayé de construire les agrégats, il nous paraît souhaitable de la retrouver dans les programmes, quand bien même le fait qu'un service polyvalent puisse réaliser plusieurs catégories d'actions peut se trouver décliné dans des composantes permettant d'identifier les actions, mais de garder cette unité de responsabilité et ne pas prétendre utiliser un seul niveau de nomenclature pour analyser des dimensions qui seraient éventuellement d'une autre nature.

L'autorisation budgétaire ne doit, en tant que telle, ni préfigurer ni diverger de ce que sont les réalités d'organisation.

Du point de vue du fonctionnement de la Direction du Budget -votre troisième question-, je ne sais pas s'il faut dire que tout change ou que rien ne change ; il existe des sujets importants que le texte organique tel qu'il est présenté met probablement davantage en exergue que le texte antérieur, qui représentent sans aucun doute une part importante de ce qu'est de plus en plus et ce que deviendra le travail de la Direction du Budget, à savoir la dimension de soutenabilité des décisions budgétaires et de la politique des finances publiques.

Cette dimension nouvelle que nous nous efforçons de prendre en compte dans notre réactivité pour éclairer la décision des ministres et du Gouvernement aura pour corollaire sans doute -et ce n'est pas à regretter- que nous soyons moins interventionnistes que nous avons pu l'être dans le passé dans la gestion quotidienne des services, ce qui est la contrepartie logique d'un schéma fondé sur davantage de responsabilités et de comptes rendus.

Deuxième aspect qui me paraît important dans le raisonnement présenté : la suppression de la distinction entre les services votés et les mesures nouvelles et l'approche de la construction budgétaire au premier franc, qui est sous-jacente au texte organique dont vous êtes saisis, devraient nous permettre d'entrer avec les ministères dans un débat plus aisé sur le calibrage des dotations budgétaires et leur justification, plutôt que de pratiquer cette budgétisation dite incrémentale consistant à partir du budget de l'année précédente pour n'examiner que ce qu'il convient d'y rajouter.

La dimension de l'efficience et de résultat, qui est nouvelle dans la discussion budgétaire que nous aurons avec les ministères, nous amènera à développer une approche méthodologique nous permettant, autour de ces notions, d'engager un dialogue utile avec les ministères et de pouvoir à la fois examiner quelles conséquences il y a lieu de tirer sur le calibrage des crédits. Nous pourrons également de manière plus formelle -mais c'est déjà dans une certaine mesure ce que nous faisons aujourd'hui-, mettre à la disposition du Gouvernement pour sa décision, des éléments sur l'efficacité socio-économique des politiques publiques, qui peuvent être une des occasions de porter le débat sur l'efficacité des politiques et l'utilité de les maintenir ou de les infléchir, et donc de prendre en compte, dans la façon dont se décide au sein du Gouvernement l'allocation des moyens, à l'intérieur d'un cadre défini par des critères de soutenabilité budgétaire, ce que peut être l'allocation pertinente des moyens.

Pour en revenir au dernier point que vous évoquiez, celui des comptes spéciaux du Trésor et des budgets annexes, je ne l'aborderai pas par un critère juridique qui est celui qui s'esquissait dans votre question à travers la notion d'universalité. Les budgets annexes et les comptes spéciaux sont des exceptions à l'universalité, même s'ils ne sont pas des exceptions à l'unité budgétaire permises par l'actuelle ordonnance organique. En tant que telle, la notion d'universalité ne s'applique pas à ce qui n'est pas une recette qui revient au budget de l'Etat ni, de ce fait, du point de vue de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, à des affectations directes de recettes à des tiers.

La question qui nous est posée relève largement des choix du Parlement et du Gouvernement, dans le texte que l'on s'efforce de construire, en ayant en tête les avantages et les inconvénients de la situation dans laquelle nous sommes, à savoir que les techniques d'affectation de recettes qui sont celles, soit des comptes spéciaux, soit des budgets annexes, dans certains cas, s'appliquent à des opérations dont on peut comprendre la finalité intrinsèque.

Il est clair que les produits de privatisation du secteur public obéissent à des règles qui sont à certains égards des règles d'opportunité ou de marchés qui ne sont pas en tant que telles tout à fait de même ordre que les crédits du budget général.

En revanche, s'agissant de la distinction entre les dotations du Fonds national pour le développement du sport (F.N.D.S.) et du ministère de la Jeunesse et des Sports, on peut s'interroger sur le point de savoir si l'on gagne en lisibilité à avoir la même politique décomposée entre une partie qui est dans le budget général et une partie qui ne s'y trouve pas (même si tous ces éléments sont à l'intérieur du budget de l'Etat), et si c'est totalement logique avec une démarche s'efforçant d'aller vers plus de responsabilités en contrepartie d'un compte rendu sur les résultats. De même, on peut se demander aujourd'hui si l'affectation de recettes sans grand rapport -dans bon nombre de cas- avec les dépenses qu'elles tendent à financer est au fond la meilleure technique d'allocation des moyens, par rapport à ce que serait un budget général extensif, dans lequel se retrouverait l'ensemble des politiques publiques que l'on cherche à financer avec des recettes de l'Etat.

Cela me paraît être une problématique différente de celle consistant à décider que l'on puisse souhaiter que d'autres intervenants que l'Etat mènent un certain nombre d'actions concourant à un intérêt général et, qu'à ce titre, on puisse, le cas échéant, décider de leur affecter des recettes avec une certaine pérennité et dont ils soient responsables de la gestion. Les deux questions ne sont pas forcément antinomiques ou complètement liées l'une à l'autre.

M. MARINI .- Les considérations relatives aux objectifs, aux programmes, aux agrégats, à la meilleure décomposition possible au sein des tâches de l'Etat sont certes, intéressantes, mais à mes yeux ne représentent pas l'essentiel de ce que devrait être une réforme, car celle-ci, semble-t-il, devrait s'attaquer à des questions conceptuelles suscitant nécessairement débat, 40 ans après la mise en application de l'ordonnance organique qui nous gouverne.

Concernant la comptabilité patrimoniale et son intégration dans les processus décisionnels, que faut-il faire à votre avis, Madame le Directeur ? Nous avons été très frappés, il n'y a pas si longtemps, par les déclarations d'un haut magistrat de la Cour des comptes, M. Bonnet, chargé d'un audit en 1997 qui nous disait : « L'Etat dispose d'un système comptable qui est une comptabilité de caisse qui ferait rougir les épiciers de province ».

C'est une déclaration qui nous a vivement intéressés et nous a conduits à reprendre une série de considérations sur la nécessité, pour l'Etat, d'avoir une vision de son patrimoine et la nécessité, s'agissant de la gestion publique, de juger notamment les gestionnaires publics sur la question de savoir s'ils s'enrichissent ou appauvrissent l'Etat, à savoir les générations qui nous succéderont.

Sur cet aspect des choses, Madame le Directeur, quelles sont les considérations que vous pouvez nous livrer et les dispositifs qui vous sembleraient souhaitables d'inscrire dans la loi organique ?

En second lieu, et à titre d'illustration de cette préoccupation générale, quelles sont vos préconisations concernant la dette ? Considérez-vous comme inéluctable et parfaitement convenable, pour l'information tant du Parlement que de l'opinion publique, de maintenir une situation dans laquelle seuls les intérêts apparaissent dans le budget, situation dans laquelle la dette n'est assortie d'aucune information claire, compréhensible et crédible sur son rythme de remboursement et sur la capacité de l'Etat à la rembourser ?

En ce domaine, quels sont vos éléments de diagnostic ou de concept ?

En troisième lieu, au sein d'une commission qui a été fortement impressionnée par l'épisode de l'année 1999 -les graves erreurs de prévisions ayant entaché cet exercice, les phénomènes ayant affecté les recettes tant fiscales que non fiscales-, vous ne serez pas surprise que l'on attache de l'importance à la permanence des concepts et méthodes comptables. Quels vous sembleraient être les bons procédés pour que la représentation nationale et l'opinion publique et internationale soient assurées de la permanence des méthodes ?

Etes-vous favorable à une certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes ? Avez-vous, en ce domaine, des considérations à nous livrer ?

Madame le Directeur, connaissant bien les réticences et même les objections de principe fortes que votre Direction exprime habituellement vis-à-vis de la séparation du budget de l'Etat en section de fonctionnement et en section d'investissement et plus encore vis-à-vis de règles contraignantes susceptibles de limiter le recours à l'emprunt pour financer des dépenses de fonctionnement, je voudrais toutefois vous demander, pour l'information de nos collègues, de les motiver de façon logique et cohérente.

Enfin, concernant l'appréciation globale de la politique des prélèvements obligatoires, l'un de nos soucis est de mieux relier les conditions de prévisions en matière sociale et budgétaire de l'Etat. Nous souhaiterions connaître votre opinion technique sur la possibilité et la manière de réaliser une présentation globale au stade prévisionnel portant sur l'ensemble des prélèvements obligatoires centraux et sur l'affectation de ces prélèvements obligatoires à la couverture des charges, tant de l'Etat que des régimes sociaux.

Mme MAHIEUX .- Je regrouperai le premier groupe de questions que vous avez évoqué -à certains égards les unes et les autres s'y rattachent- sur la question générale de la réforme comptable de l'Etat. Il me semble à cet égard que l'on peut mentionner fondamentalement deux ou trois points :

Le premier d'entre eux est que très clairement -cela fait partie des objectifs que les ministres et le gouvernement ont affirmé de manière précise et répétée et, depuis, cela a été annoncé dans des comités interministériels pour la réforme de l'Etat, rappelé par les ministres à la tribune de votre assemblée- nous sommes engagés, avec la Direction Générale de la Comptabilité Publique, dans un travail de fond pour porter la comptabilité de l'Etat aux standards d'une comptabilité d'exercice.

Cette démarche est en cours, avec des premières traductions dans le compte général de l'Administration des Finances pour 1999, notamment sur le traitement de la dette, des participations et des recettes. Plusieurs éléments ont marqué une première étape en ce sens ; d'autres progrès sont réalisés dans le Compte général de l'administration des finances pour 2000 (CGAF) et nous sommes dans un plan d'actions pluriannuel de définition précise et méthodique des normes comptables permettant de satisfaire pleinement les critères d'une comptabilité d'exercice en droit constaté. C'est un exercice compliqué car, sur un certain nombre de points, les règles applicables aux entreprises ne sont pas directement transposables à l'Etat ne serait-ce que parce que la plupart de ce que l'Etat fait ou détient n'est pas un bien marchand, générateur en tant que tel, de recettes ou de produits, ce qui implique des débats et des choix sur les valorisations et explique que le ministère des Finances et la Cour des comptes participent activement aux travaux d'institutions internationales qui réfléchissent sur ce que peuvent être les meilleures normes comptables applicables aux entités souveraines.

Nous sommes clairement dans une démarche de ce type qui est d'aller vers une comptabilité d'exercice permettant de rattacher complètement les charges et les produits à l'exercice et de mesurer complètement le coût -puisque c'est leur utilité essentielle, l'Etat ne se pilotant pas par un objectif de marge- des actions publiques engagées.

De ce point de vue, nous pouvons observer que le texte de la proposition de loi organique dont votre assemblée est saisie donne toute sa valeur à cet objectif en l'énonçant en tant que tel dans les articles ayant trait à la présentation des résultats comptables de l'Etat.

Ce texte organique retient une distinction entre la comptabilité et le budget, distinction qui repose sur l'idée assez simple qu'un seul produit ou un seul mode de décompte ne rend pas forcément compte de la totalité des aspects de la réalité et de ce qui est intéressant. C'est bien que nous puissions avoir une vision complète selon plusieurs critères et de ne pas forcément penser qu'une seule nomenclature ou un seul principe serait pertinent. De ce point de vue, le texte organique reste dans l'idée que nous pratiquons aujourd'hui, à savoir les autorisations budgétaires et les recettes budgétaires sont, concernant l'autorisation de dépense, gérées en engagement avec un compte rendu en caisse et, concernant les recettes, avec une évaluation en caisse. Nous avons un résultat budgétaire en caisse avec des clefs de passage dont le Compte général de l'administration des finances (CGAF) 1999 a donné un premier exemple de détail, complété par une comptabilité en exercice.

Il ne nous semble pas qu'il y ait lieu de se priver d'aucun de ces deux concepts. Très clairement, si l'on regarde ce que sont les pratiques étrangères, on s'aperçoit que la majeure partie des grands pays, pour des raisons très claires de lisibilité et de clarté, ont conservé une budgétisation de caisse. L'acte budgétaire est une autorisation de dépense par le Parlement et un moyen de mettre une dotation à la disposition de l'exécutif et, à travers lui, à des gestionnaires, pour mener à bien des opérations et réaliser des politiques dont il est rendu compte au Parlement. C'est une finalité différente, à certains égards, de ce qu'est la présentation des comptes.

De ce point de vue, j'enchaînerai sur la question que vous avez soulevée à propos de la dette. Implicitement, je comprends qu'elle porte sur l'opportunité ou non de prévoir, dans les dépenses budgétaires, les opérations de trésorerie et, de ce fait, les variations du nominal de la dette, et non pas simplement les charges financières de ses intérêts.

Au regard de la question que vous y avez associée, à savoir le rythme de remboursement et la capacité de l'Etat à rembourser cette dette, je ne suis pas totalement convaincue, pour ma part, que le fait de faire apparaître dans l'autorisation budgétaire le capital de la dette soit un élément donnant davantage d'information ni sur la variation du stock de dettes ni sur la capacité de l'Etat à le rembourser, que le mode d'inscription budgétaire que nous avons aujourd'hui.

Le déficit tel qu'il apparaît est, hélas, un assez bon indicateur de la variation du stock de dettes et, sur le fond, de la capacité pour l'Etat à la rembourser ; ce que devient la dette est l'un des éléments qui interviennent dans le débat sur les crédits de la dette publique. C'est également, très fondamentalement me semble-t-il, une des finalités de l'examen des stratégies en matière de gestion des finances publiques lors du débat d'orientation budgétaire, que de donner une indication sur l'évolution future de l'endettement et donc la perspective dans laquelle on se place.

Le programme pluriannuel des finances publiques, quand il donne des indications sur l'évolution des besoins et des capacités de financement par sous-secteurs, nous donne des indications sur ce que peut être l'évolution de l'endettement. Du point de vue du texte, très concrètement, je rappelle que celui de l'Assemblée nationale dont vous êtes saisis prévoit, dans l'une de ses dispositions, de rendre compte dans la première partie du projet de loi de finances de l'évolution des ressources de trésorerie.

Evoquant l'épisode dit de la « cagnotte », pour employer ce terme, vous avez évoqué la permanence des concepts et des méthodes comptables. C'est effectivement un élément tout à fait essentiel pour appréhender et comparer d'un exercice sur l'autre la cohérence de l'évolution des différentes grandeurs sous-jacentes à la fois au budget et aux comptes.

A cet égard, je retiens que le texte de l'Assemblée nationale conforte ce qui, empiriquement, s'est traduit par la Charte de Budgétisation présentée cette année à l'appui du projet de loi de finances, au niveau de la présentation de la loi de finances, soit une indication de ce que seraient les grandes évolutions à structures constantes, pour neutraliser dans l'appréhension des évolutions, ce qui serait afférent à des changements de structures et des périmètres de la loi de finances. D'autre part, s'agissant des comptes eux-mêmes, bien évidemment la démarche que j'évoquais, dans laquelle sont engagés les ministres et le Gouvernement, de définition de normes appuyées notamment par un travail avec un Comité des normes comptables, le Conseil National de la Comptabilité, devra nous conduire, dans chaque Compte général de l'administration des finances, à faire apparaître -et ce seront des éléments strictement observés par la Cour des comptes- les variations de normes comptables que l'Etat peut connaître, comme toute entreprise, toute entité ou tout opérateur économique, peut, à un moment ou à un autre et pour des raisons qui sont loin d'être toutes illégitimes, choisir de modifier ses normes comptables.

De ce point de vue, la démarche de certification relève, quant aux conditions de sa faisabilité en tant que telle, d'une appréciation par la Cour des Comptes. Je ne me permettrai pas de me prononcer pour le compte de cette institution.

On peut faire deux observations à cet égard, exclusivement en se fondant sur les expériences étrangères dont vous a parlé M. Guillaume, qui sont que dans la plupart des pays étrangers, les démarches de certification quand elles existent se sont d'abord effectuées par entités plutôt que par le grand total.

Les entités chargées de la simplification des comptes se sont plutôt attachées à certifier tout d'abord les comptes des ministères avant d'entrer par le compte consolidé qui est le compte général de l'Etat, et ces entités, tout au moins fonctionnellement, ne sont, en tant que telles, pas des juridictions. Il existe une distinction entre ce qui relève de la certification des comptes et ce que nous connaissons aujourd'hui.

Quand à la question concernant la section de fonctionnement et d'investissement, à certains égards, elle se rapproche de celle d'une présentation en compte de résultats, éventuellement en tableau de financement ; elle me paraît, dans la façon dont vous l'avez formulée, plus clairement liée à la question de ce que l'on appellera « la règle d'or », pour renvoyer à un terme bien connu ou largement utilisé.

A cet égard, on peut faire référence assez clairement à ce que les ministres ont indiqué lors du débat à l'Assemblée nationale : le texte organique -jusqu'ici- est tout d'abord et fondamentalement un texte de procédure, et l'on peut s'interroger sur l'opportunité d'inscrire dans un élément aussi solennel qu'un texte organique, des dispositions de politique économique qui sont au premier chef des dispositions relevant des choix du Gouvernement (engageant sa responsabilité le cas échéant devant le Parlement mais qui sont des choix gouvernementaux) et qu'il ne paraît pas forcément opportun d'encadrer dans des principes juridiques.

J'ajoute deux éléments indirectement évoqués par les ministres lors du débat :

La France est engagée, à l'égard de ses partenaires européens, dans le cadre de l'Union économique et monétaire, dans une démarche qui est celle du pacte de stabilité et de croissance. Ce pacte nous donne, en matière de gestion des finances publiques, tel qu'il a été énoncé et précisé à Amsterdam, des objectifs au premier chef, notamment l'idée de viser un objectif d'équilibre structurel à moyen terme, tout en admettant que, d'un point de vue conjoncturel, il devrait y avoir des variations autour de ce principe et que celles-ci méritaient d'être appréciées en fonction des circonstances, dans le cadre d'un débat de coordination des politiques économiques au sein de la zone européenne.

Une règle aussi rigide que celle qui résulterait de la contrainte d'équilibre de la section de fonctionnement est une règle qui, en tant que telle, ne fait pas de place au cycle économique. Elle peut donc s'avérer, in fine et dans sa mise en oeuvre, extrêmement pro cyclique dans les deux sens : soit donner apparemment une capacité de dépense extrêmement importante dans des périodes où la conjoncture est favorable, ce qui n'est pas forcément la démarche de gestion des finances publiques la plus prudente soit, à l'inverse, imposer des contraintes supplémentaires de resserrement des objectifs budgétaires à un moment où la conjoncture est défavorable.

C'est très clairement une démarche assez éloignée de celle dans laquelle s'est inscrit le Gouvernement qui est de choisir de se donner un objectif de dépense pluriannuel qui soit un objectif que l'on respecte en tous points du cycle et, inversement, d'accepter sur le volet recettes de la loi de finances, que le jeu de des stabilisateurs automatiques puisse s'exercer dans une logique d'équilibre et de fonctionnement contra-cyclique des finances publiques. Il ne me paraît pas évident que l'on gagne, en termes de politique économique, à une telle règle .

Il ne faut pas sous-estimer la relative contradiction qu'il y aurait à combiner section de fonctionnement et section d'investissement d'un côté, et recherche de la globalisation de l'autre.

La logique de la globalisation est indubitablement de permettre un certain nombre d'arbitrages à l'intérieur d'une masse déterminée de crédits. Même si ces arbitrages doivent être éclairés par des objectifs de cohérence intertemporelle et s'ils peuvent être accompagnés de critères de contrôle de gestion, on ne voit pas comment il serait possible, sans mettre en cause très fondamentalement la logique de la globalisation, de confirmer le caractère asymétrique de la fongibilité, s'agissant des dépenses de personnel, tel qu'il est retenu par le texte issu de l'Assemblée nationale et, conjointement, d'organiser une sanctuarisation des crédits d'investissement d'un autre côté, sans risquer, « ayant retiré deux pattes à l'animal », de le ramener à la portion congrue, et d'avoir une disposition qui, en termes de modernisation et de pertinence de la gestion, ne soit pas forcément raisonnable.

J'ajoute qu'au regard des exemples étrangers, on voit bien que la règle d'or est loin d'être l'élément déterminant des politiques publiques. Ce n'est pas celui qui a été retenu dans les accords de Maastricht par la Communauté Européenne et les Etats membres de l'Euro et, aujourd'hui, aucun Etat n'en fait, de manière réellement opérationnelle, un critère de sa gestion.

S'agissant des prélèvements obligatoires, il me semble que le texte issu de l'Assemblée nationale prévoit l'obligation de récapituler l'ensemble des ressources fiscales affectées à d'autres que l'Etat ; il permet de retrouver à un certain moment l'ensemble de la fiscalité éparse.

Deuxième élément à rappeler : très clairement, le rapport économique et financier accompagnant la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, donne bien d'ores et déjà des indications globales d'évolution des prélèvements obligatoires pour l'Etat et chacun des sous-secteurs des administrations publiques, et permet d'avoir, sur la base des données que l'on peut connaître -mais il reprend systématiquement les historiques et les actualise à ce titre- l'évolution globale du poids des prélèvements obligatoires et leur répartition.

M. LACHENAUD .- Je reviendrai sur la dette. J'avoue que je ne suis pas convaincu qu'une obligation qui s'impose à toutes les collectivités locales (même si les finances de l'Etat sont de nature différente) ne puisse pas trouver sa traduction à la fois dans le document d'orientation budgétaire et dans le document budgétaire. Est-il vraiment impossible de présenter le montant de la dette initiale, le montant des emprunts, le montant de ceux que l'on remboursera et le coût des intérêts ?

En explicitant par ailleurs la fraction qui, dans le budget de l'année suivante, pourrait être affectée, car nous sommes également sensibles aux arguments de politique économique contrats cycliques ou pro cycliques qui peuvent être avancés, mais que tout au moins, en transparence, nous sachions précisément la fraction de l'emprunt qui sera affectée à des dépenses de fonctionnement et des dépenses ordinaires.

Je crois que l'on peut faire un progrès important sur la clarification de la connaissance de la dette et le respect des pouvoirs du Parlement. Nous le faisons dans nos conseils généraux et nos communes, tout en gardant -parce que nous avons conscience que c'est nécessaire- la liberté de gestion de la trésorerie. Il n'est pas question de dire qu'il faudra rembourser ou pas, mais qu'en termes d'objectifs, nous sachions ce que le Gouvernement à l'intention de faire, plutôt que le flou de cette gestion d'une dette perpétuellement renouvelable.

C'est dans cette situation que nous sommes et, vous pourriez garder la liberté du choix des dates, du montant des opérations et du jeu sur le marché monétaire avec les taux que l'on constate actuellement. Je ne vois pas d'arguments qui puissent être opposés à cette clarification.

Les prélèvements : là aussi, je ne suis pas convaincu et je voudrais être assuré que le débat d'orientation budgétaire -et ensuite le débat budgétaire- permettra de voir la totalité des prélèvements et leur nature, notamment une évaluation des effets économiques et écologiques des nouveaux impôts, afin que le Parlement ne se trouve pas dans la situation actuelle, que l'on constate en lisant les journaux, s'agissant du débat sur les impôts nouveaux (il est arrivé à certains ministres des Finances successifs de nous dire au moment des orientations budgétaires) : « Vous verrez les réformes fiscales réfléchies pendant le mois de mars, aboutir pendant le mois d'août et vous n'aurez aucune information pendant le débat budgétaire ».

Sur le prélèvement fiscal, son affectation au budget général, au budget social, sa nature et ses effets économiques, je pense que des améliorations importantes sont à apporter.

Concernant les programmes, je suppose que la loi est votée. Qu'allez-vous faire ? Allez-vous élaborer ? Travailler ? Allez-vous participer très activement, dans un dialogue avec les ministères, pour l'élaboration des programmes, avec une volonté systématique d'imposer votre point de vue ?

Comment allez-vous procéder ? Allez-vous vous faire confiance aux autorités ministérielles pour vous proposer elles-mêmes ces programmes très difficiles à définir ?

Pensez-vous que l'on aurait fait un programme de la loi des 35 heures, de manière à en apprécier globalement le coût et les financements de manière pluriannuelle ?

Mme MAHIEUX .- Je souhaiterais revenir sur les différents points que vous avez évoqués.

S'agissant de la dette, j'ai peut-être un peu de mal à comprendre la question que vous posez et notamment si, in fine, elle est de savoir s'il faut créer pour l'Etat une obligation de remboursement de sa dette. Auquel cas, c'est un débat de politique économique (qui renvoie à la question que nous avons évoquée précédemment et sauf si vous le souhaitez je n'y reviendrai pas), ou si le débat que vous soulevez est celui de savoir s'il faut prévoir un plafond à l'endettement et d'évaluer les ressources d'endettement dans la loi de finances.

A cet égard, je répéterai les éléments suivants sur lesquels j'ai peut-être été insuffisamment claire et précise antérieurement : le texte, dont vous êtes saisis, stipule bien que la loi de finances doit évaluer le montant des ressources d'emprunt et de trésorerie. Cela fait partie des dispositions du texte dont vous êtes saisis.

M. MARINI .- Mais il ne dit pas : « Autorise le plafond des ressources d'emprunts » comme le suggère la Cour des comptes.

Mme MAHIEUX .- Le plafonnement des ressources d'emprunt nous fait entrer dans un débat technique plus compliqué, pour savoir de quoi l'on veut parler. Veut-on instituer un plafond global à l'endettement ou instituer un plafond aux nouvelles émissions, ce qui n'est pas forcément identique, notamment parce que l'existence d'une gestion active de la dette peut, le cas échéant, sans modifier le volume global net des émissions, emporter la volonté d'en faire varier le volume global brut car, à un instant donné, la possibilité existe de substituer une dette moins chère à une plus chère. Ce n'est pas de mauvaise politique ni contraire à l'intérêt de l'Etat.

En faisant l'hypothèse que l'on raisonne sur un plafond net, se pose la question de savoir quelle peut être la nature de ce plafond et ce qu'il doit recouvrir, dans la mesure où, dans le cas de l'Etat, des modifications législatives représentent une procédure lourde. Si l'on est sur un plafond absolu d'endettement en tous points, il faut garder à esprit que la situation varie au cours de l'année, non seulement en fonction de l'exécution budgétaire, mais également en fonction de considérations strictement calendaires qui peuvent ne pas être représentatives d'une évolution de fond de notre situation financière.

A ce jour, l'Etat n'est pas doté en France, et je n'ai pas connaissance que ce soit dans les projets du Gouvernement, de dispositifs comme aux Etats-Unis où, dans l'hypothèse d'un désaccord entre l'exécutif et le Congrès sur le déplacement de ce plafond absolu de d'endettement, on était en situation de mettre à pied les fonctionnaires puisque, le plafond d'endettement ne pouvant pas être dépassé et l'accord ne s'étant tant pas fait, l'Etat était en rupture de paiement.

Je ne crois pas, ou ne suis pas certaine, que ce soit pour l'instant ce qui figurait dans les débats qui ont eu lieu à l'occasion du texte à l'Assemblée nationale.

La question du plafond d'emprunts est une question assez complexe sur laquelle -je l'ai dit, la Direction du Budget en tant que telle n'a pas à se prononcer en opportunités- il est souhaitable que chacun puisse identifier réellement le supplément d'information qu'il attend, quel est le point que l'on cherche à « contraindre » et comment l'on s'attend ou l'on espère gérer l'évolution de la grandeur que l'on voudrait rendre limitative.

De ce point de vue, je ne suis pas sûr que la fixation d'un plafond d'emprunt en loi de finances soit un élément totalement décisif par rapport à l'ensemble des éléments d'information qui peuvent être fournis, soit par l'évaluation de ces ressources d'emprunts, soit par les données très strictement comptables, soit par le fait que l'on a de toutes les façons prévu, dans le texte dont vous êtes saisis, un tableau de financement joint au projet de loi de finances, qui constitue un élément d'information significatif.

Sur la gestion active de la dette, le collectif de 2000 a prévu la création d'un compte de gestion active de la dette, permettant un suivi en tant que tel de ces opérations.

Le solde ayant un caractère prévisionnel, j'ignore s'il faut préalablement ajouter une contrainte de procédure supplémentaire, en ayant un plafond d'emprunts limitatif face à un solde, en revanche prévisionnel.

S'agissant des prélèvements obligatoires, je reviendrai peut-être sur trois aspects : il me semble que le débat d'orientation budgétaire est, par nature, un débat portant sur l'ensemble des administrations publiques, et les dispositions du texte dont vous êtes saisis, prévoient un rappel des impositions affectées, ce qui représente un élément de recensement contribuant à l'information exhaustive du Parlement.

En revanche -ce sera le second point qui paraît important-, il me semble qu'implicitement à travers la question que vous soulevez, se pose un problème juridique délicat qui serait l'institution du monopole du projet de loi de finances pour la création éventuelle d'impôts nouveaux. Je ne suis pas certaine que le texte constitutionnel nous donne aujourd'hui une habilitation à instituer un tel monopole. Je ne suis pas sûr que l'on puisse, par voie de conséquence, le prévoir dans un texte organique.

Le troisième point que vous soulevez, qui sont les conditions de l'échange ou de la discussion sur ce qu'il est convenu d'appeler les paquets fiscaux, entre le Gouvernement et le Parlement, me paraît assez largement relever d'une discussion avec les ministres, sur la façon dont elle doit se nourrir et s'organiser dans le temps.

Je rappelle, pour des raisons strictement techniques, qu'il est très difficile d'avoir complètement, au mois de mars, l'ensemble des éléments de visibilité sur ce que peuvent être les marges de manoeuvre en matière fiscale et c'est aussi en partie parce que c'est le moment où l'on dispose d'évaluations plus affinées sur les recettes, que la décision sur le paquet fiscal soumis au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances est traitée à l'automne.

Sur la dernière question, qui est celle des programmes, comment allons-nous procéder ? Nous serons nécessairement dans un travail interactif avec les ministères ; nous aurons un rôle méthodologique à jouer à l'égard des ministères sur la façon dont on conçoit les programmes et leur périmètre, afin qu'ils s'adossent à des éléments qui puissent être suivis et sur lesquels nous ayons la certitude de pouvoir assurer une traçabilité des conditions d'élaboration et de budgétisation initiale, de la gestion et du compte rendu.

A l'évidence, si l'on souhaite que les programmes répondent de manière pertinente à ce que j'évoquais en réponse aux questions du Président, à savoir à des centres de responsabilités, avec une responsabilité des gestionnaires, auxquels on puisse demander des comptes sur ce qui a été fait de l'argent public, il me semble que nous avons besoin que ce travail soit mené avec la pleine collaboration des ministères et avec eux, car ils sont les plus à même de savoir comment se structure leur organisation et où se situe la réalité des responsabilités.

Quand vous prenez un réseau polyvalent comme l'est aujourd'hui le réseau du ministère de l'Equipement, ce n'est pas la Direction du Budget qui gère les personnels des Directions départementales de l'équipement (DDE). Le ministère de l'Equipement est le mieux placé pour constater que les personnels des Directions départementales de l'équipement constituent un service polyvalent, géré en tel, et qui fournit des prestations de services.

M. CHARASSE .- « Géré » n'est pas forcément le terme adapté.

Mme MAHIEUX .- « Administré ». C'est tantôt à la Direction des routes tantôt à la Direction de la construction et du logement, mais cet ancrage dans la réalité de la gestion du ministère est un point tout à fait important, sachant qu'il sera souhaitable, toutes les fois que cela nous sera possible et donc que cela rendra compte d'une réalité de gestion, de parvenir aussi largement que possible, en déterminant les coûts d'une politique publique, d'avoir des programmes correspondant à des unités pertinentes à la fois de gestion et de lisibilité.

M. LAMBERT, Président .- Merci.

Je voudrais lever une sorte d'ambiguïté. Nous avons rarement l'opportunité d'auditionner le Directeur du Budget en dehors de circonstances particulières comme celle-ci. Il ne s'agit pas, à l'occasion de ce rendez-vous sur la réforme de l'ordonnance de vouloir, par des règles nouvelles, empêcher l'exécutif de mener des turpitudes que nous jugerions manquer de vertu. Nous sommes en République et le souverain est le peuple dont l'incarnation est le Parlement. Les turpitudes ont été votées par le Parlement, car l'exécutif ne peut rien faire d'autres que ce pour quoi il est autorisé.

Nous devons nous poser la question, à chaque fois, si en introduisait des dispositions dans la loi organique qui viendrait à empêcher, dans des circonstances particulières, à piloter les finances publiques telles que la citation l'oblige, nous irions à l'encontre même de ce que nous voudrions faire. M. Lachenaud a insisté sur ce point : nous devons à nos compatriotes, si nous voulons redonner à la politique sa noblesse et confiance au peuple français dans la politique, la clarté, la transparence, la compréhension de tous ces mécanismes. En effet, il est capital que le nominal de la dette puisse être connu de tous les Français et ce n'est pas une précaution inutile, au moment de la discussion budgétaire, que le montant en soit solennellement rappelé.

Il n'est pas inutile, dès lors que nous en venons à emprunter pour les dépenses courantes, que ce soit effectué avec une forme de solennité permettant au Parlement de l'époque de s'excuser à l'endroit des générations futures pour avouer qu'il s'agit là d'emprunter pour des dépenses courantes. Je crois que c'est en ces termes que la question mérite d'être posée et non pas en termes de guet-apens de la part du Parlement à l'endroit de l'exécutif.

Je crois, car qu'il est bon de saisir les occasions de rencontre, avec toute la solennité requise, qu'il convient d'appeler à ce qu'il n'y ait pas cette sorte de doute permanent entre l'exécutif et le Parlement. De toutes les façons, la Cinquième République a sa logique, il y a le fait majoritaire. Le Gouvernement ne peut véritablement déterminer et conduire la politique que s'il a la confiance du Parlement, dans tous les cas de l'Assemblée nationale et, par conséquent, il ne peut pas y avoir, à mes yeux, d'opposition d'intérêt entre le Parlement et l'exécutif ; il faut que nous progressions dans la clarté et dans le pilotage de l'Etat pour que notre pays soit le plus efficient possible.

M. FREVILLE .- Madame le Directeur, depuis 1959, de nombreux changements ont eu lieu et deux sont manifestes : un partage des ressources de l'Etat, impositions de toutes natures, entre l'Etat, les collectivités locales, la Sécurité Sociale, et l'Union Européenne et, deuxièmement, le fait européen.

Concernant le partage des ressources, continue-t-il à être logique, dans un souci de transparence dont parlait le Président, que nous ayons des prélèvements, des dotations globales ou des impôts affectés ? Je pense aux collectivités locales et à la Sécurité Sociale. N'y aurait-il pas lieu, du fait de ce changement, d'avoir une sorte d'article sur les ressources partagées en début de débat où l'on ferait apparaître globalement comment les impositions de toutes natures se partagent avec les collectivités locales, toutes les dotations globales et tous les prélèvements étant réunis, avec la Sécurité sociale pour ce qui est des impositions de toutes natures et avec l'Union Européenne ?

Voilà trois débats à énoncer en première partie.

Je suis frappé que le terme de prélèvement soit banni de la réforme de l'ordonnance organique. On ne pourra pas rester dans cet état d'apesanteur.

Quant à l'Europe, j'approuve tout ce qui a été dit sur le plan de la gestion contra-cyclique nécessaire et non pas pro cyclique. N'aurait-on pas intérêt à caler la présentation de l'article d'équilibre sur la notion de besoin net de financement, qui fonde toutes les interventions européennes ?

Mme MAHIEUX .- Je prendrai à rebours les deux questions que vous avez soulevées et je commencerai par la seconde.

Je crois qu'elle renvoie à la fois à une interrogation que je comprends mais qui ne trouve pas sa solution dans le schéma que vous évoquez.

Il me semble que nous sommes quelque peu, à travers le débat « maastrichtien », dans une situation qui n'est pas très éloignée de la question qu'a soulevée votre Rapporteur général, en m'interrogeant sur le rôle respectif du résultat en caisse et en exercice.

Nous sommes aujourd'hui -vous l'avez rappelé- dans un espace européen où se posent, pour des raisons assez légitimes de coordination, des politiques économiques, des questions de comparabilité entre les Etats. Elles ont amené des débats très importants antérieurement au traité de Maastricht pour savoir comment il était possible de dépasser les différences institutionnelles séparant chacun des Etats membres de l'Union Européenne et de l'Euro où tout le monde n'a pas le même partage par sous-secteurs des administrations publiques, où tout le monde ne distribue pas les responsabilités et les charges de la même manière au sein de son organisation administrative, le périmètre de la Sécurité Sociale n'étant pas le même pour tout le monde, le rôle des collectivités locales, l'existence d'un Etat fédéral ou d'entités régionales ayant des pouvoirs variés.

A un certain moment, dans le débat européen, on s'est arrêté sur ce qui paraissait à tout le monde une unité de mesure se prêtant le mieux à des comparaisons internationales et l'on a choisi de surmonter nos différences institutionnelles, en se référant à un concept de comptabilité nationale qui a été celui du besoin de financement.

On a retenu pour ce faire un référentiel de comptabilité nationale dont il faut avoir en tête qu'il évolue. Au fil du temps, les instances de normalisation de la comptabilité nationale au niveau européen ont évolué d'un schéma à un autre, et le périmètre même des notions retenues par la comptabilité nationale évolue en permanence pour des raisons propres à la comptabilité nationale, qui sont souvent des raisons de cohérence entre les opérateurs, qui n'ont rien à voir avec la variation propre de la situation de l'un ou de l'autre.

C'est un ensemble de conventions que les comptables nationaux européens font varier et sur lequel ils tentent de définir des modes de traitement communs pour ne pas perturber la comparaison de la situation entre les Etats, mais ce n'est pas un référentiel en termes de plan comptable, ni a fortiori des concepts juridiques qui relèvent de la loi organique.

J'ai tendance à en conclure que nous sommes dans une situation un peu délicate, mais commune à beaucoup d'opérateurs, qui est de devoir manier une pluralité de concepts dont je souligne, car cela me paraît important, qu'il ne faut pas considérer qu'ils sont concurrents les uns par rapport aux autres, mais complémentaires et nous permettent de répondre, chaque fois, à une ou plusieurs questions que l'on se pose.

La loi de finances met des dispositions sous l'autorisation du Parlement et des moyens à disposition des gestionnaires. La comptabilité rend compte d'un résultat en exercice et nous permet de mesurer des coûts. La comptabilité nationale nous permet de répondre à des critères de comparabilité européenne.

Aujourd'hui, nous serions bien en peine de convertir l'article d'équilibre de la loi de finances, qui confronte des recettes et des dépenses (tout un cérémonial de présentation dont l'exactitude n'a d'égale que l'obscurité à bien des égards), de faire rigoureusement le même exercice en termes de comptabilité nationale et de comptabilité maastritchienne.

Les grandeurs que manipule le comptable national ne sont pas commensurables à l'unité de compte que nous appliquons en termes budgétaires. La comptabilité nationale est d'autant plus juste qu'elle travaille sur des grandes masses et sur ce qui a un sens en termes de solde.

L'article d'équilibre nous permet de dégager un solde qui a son équivalent en termes de comptabilité nationale, qui est présenté dans le rapport économique et financier, mais chacune des composantes de l'article d'équilibre pourrait très difficilement être traduite dans son équivalent au sens de la comptabilité nationale, sans passer par un ensemble de conventions ou d'incertitudes dont je ne suis pas convaincue que la qualité de l'information et de la transparence y gagnerait.

Il ne s'agit pas de convertir une nomenclature dans une autre mais de rendre compte d'une réalité différente, s'agissant de la comptabilité nationale, qui vise essentiellement à arriver à consolider l'idée d'opérateur économique distincte entre la Nation et le reste du monde.

Je crois que nous vivons avec des conditions distinctes. Nous nous efforçons d'expliquer comment passer d'un solde à l'autre et, dans le compte général de l'Administration des Finances de 1999, de la même façon que nous avons essayé avec la Direction Générale de la Comptabilité Publique de donner les grandeurs qui font le passage de la convention « solde budgétaire » à la convention « solde en exercice », nous avons donné les conditions qui font le passage de cette sorte d'exercice au solde de comptabilité net.

C'est, en termes de transparence, ce que nous devons nous efforcer de faire et ce que nous nous efforçons de faire ; je ne crois pas que l'on puisse le traduire ni en termes juridiques ni en termes techniques en un article d'équilibre.

J'ai du mal à interpréter votre question pour savoir si je dois la comprendre comme étant la reformulation de la précédente sur l'opportunité de refaire un grand total de tous les impôts et taxes ou assimilés existant à un instant donné, sur quoi il nous semble que nous pouvons répondre sans aucun doute par l'affirmative en termes d'information, mais très difficilement en termes d'autorisation, pour des raisons de non monopole de la loi de finances, ou si la question porte spécifiquement sur les prélèvements sur recettes.

Aujourd'hui, je ne peux sur ce point que renvoyer à deux éléments : le texte issu de l'Assemblée nationale dont vous êtes saisis est très explicite s'agissant des concours à l'Union européenne et pour lesquels il les traite, pour la partie qui ne relève pas des ressources propres additionnelles qui sont clairement à affecter directement, et non pas à transiter par les masses du budget de l'Etat mais, pour les ressource dites « produit national brut » (PNB) et « taxe à la valeur ajoutée » (TVA), les traiter en charges est nécessairement en charges évaluatives, pour des raisons juridiques tenant aux compétences propres du Parlement de l'Union.

Il ne dit rien, en revanche, sur les prélèvements au profit des collectivités locales et, à cet égard, je ne peux que rappeler -car je crois que le Président en a eu le texte- l'avis du Conseil d'Etat qui, quand il a été saisi de cette question -puisqu'ainsi que vous le savez le Gouvernement avait souhaité éclairer les débats avec le Parlement à l'aide d'un certain nombre de questions adressées au Conseil d'Etat. Il mettait en doute la constitutionnalité des prélèvements sur recettes, ce sur quoi l'ordonnance organique ne dit rien aujourd'hui.

M. CHARASSE .- Le Conseil constitutionnel les a validés.

Mme MAHIEUX .- Le Conseil d'Etat a assez longuement documenté une analyse qui, notamment au regard de l'interprétation dans l'article 40 de la Constitution, lui paraît conduire à juger que les prélèvements sur recettes ne sont pas une forme adaptée de traitement budgétaire des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.

Dernier point très étranger en tant que tel à un débat purement organique : faut-il aller vers un schéma « à l'allemande » des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, fondé sur l'idée du partage d'une ressource globale ? Il relève à la fois de l'appréciation d'opportunité de la part du Gouvernement et du Parlement, et d'une analyse au regard de ce qu'il implique, quant à la libre administration des collectivités locales.

M. LAMBERT, Président .- Merci pour cette audition.

Désignation de nos candidats pour la Commission paritaire chargée de proposer un texte sur le projet loi du budget (lecture).

(Aucune opposition).

Notre prochaine réunion se tiendra mercredi prochain, salle Clemenceau.

Nous auditionnerons M. Cannac, Président de l'Observatoire de la Dépense publique, M. Sapin, ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l'Etat, Mme Florence Parly, Secrétaire d'Etat au Budget, et M. Logerot, Premier Président de la Cour des Comptes.

II. AUDITIONS DU MERCREDI 9 MAI 2001

A. AUDITION DE M. YVES CANNAC, PRÉSIDENT DE L'OBSERVATOIRE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

M. LAMBERT, Président .- En votre nom à tous, je souhaite la bienvenue à Yves Cannac, Président honoraire de l'Institut de l'entreprise, mais surtout le président de l'Observatoire de la dépense publique. C'est à ce titre que je l'ai invité à participer à notre rencontre de ce matin, afin que nous puissions avoir des échanges sur la réforme de l'ordonnance organique, qui est un rendez-vous important et qui devrait nous permettre -si nous aboutissons, comme nous le souhaitons- de donner plus d'efficience à notre appareil d'Etat.

Yves Cannac, avec une équipe qu'il anime, a beaucoup réfléchi, travaillé et observé et il me semblait essentiel que nous puissions engager sur cette question le dialogue avec lui. Monsieur le Président, encore une fois merci d'avoir accepté notre invitation.

Nos auditions ont un tour très convivial, comme vous le savez. Le but est d'essayer d'y voir le plus clair possible et d'élaborer le meilleur texte possible. Nous vous poserons donc un certain nombre de questions. Dans la mesure où je suis rapporteur, je les ouvre en général, puis mes collègues qui sont autour de cette table posent eux-mêmes celles que suggère le texte qui nous est soumis.

Une première question peut faire débat : il s'agit de celle de l'universalité budgétaire. Un débat a lieu à ce propos sur la question de savoir s'il faut supprimer les comptes spéciaux du Trésor et les budgets annexes. Certains considèrent que c'est la bonne solution, alors que d'autres non, car finalement l'exécutif serait amené à prendre un certain nombre de dispositions qui excluraient complètement du budget un certain nombre de comptes et y substituerait, par exemple, la création d'établissements publics. Nous voudrions connaître votre sentiment sur ce sujet.

Toujours à propos de l'universalité budgétaire, nous souhaitons savoir si, dans le respect des compétences de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales, il vous paraît indispensable que le parlement soit, à l'occasion du débat budgétaire, informé du niveau de prélèvements obligatoires qui résultent des choix qui lui sont proposés.

Concrètement, pourriez-vous donner un point de vue favorable à l'idée de recenser de façon exhaustive tous les impôts et taxes dont la perception est autorisée dans l'article premier des lois de finances, ce qui -j'en conviens parfaitement- ne correspond pas exactement aux prélèvements obligatoires, qui comprennent aussi des cotisations qui ne constituent pas des impositions de toute nature ?

Le second point sur lequel je souhaite vous interroger concerne la pluriannualité.

La responsabilisation des acteurs de la dépense publique nécessite selon nous davantage de pluriannualité, mais dans le même temps il importe d'éviter que les administrations soient tentées de se constituer des réserves de crédits qui seraient reportées d'année en année. Comment rendre compatibles ces deux impératifs ?

M. CANNAC .- Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous remercie très vivement. Je me sens très honoré, et avec moi l'Observatoire de la dépense publique de l'Institut de l'entreprise, d'être ici aujourd'hui.

En un mot, si vous le permettez, l'Institut de l'entreprise est une association de 140 entreprises parmi lesquelles presque toutes les plus grandes. Elle est donc proche du MEDEF de par sa composition, mais complètement indépendante de lui. C'est un lieu de réflexions et d'échanges entre chefs d'entreprise sur le management et l'environnement des entreprises.

L'institut de l'entreprise s'intéresse depuis quelques années aux problèmes de la dépense publique, à la fois parce que les entreprises contribuent largement à son financement, qu'en retour elles en bénéficient en partie et parce que leur expérience et éventuellement leur concours peuvent apporter une contribution substantielle aux problèmes qu'elle pose.

Dans ce cadre, l'Institut de l'entreprise a créé un Observatoire de la dépense publique, ce qui est un grand nom pour une structure modeste de par ses moyens. Il rassemble un certain nombre de chefs d'entreprise dont plusieurs ont eu au préalable une expérience administrative importante ainsi que des universitaires et un consultant international, donc des personnes indépendantes qui ont un intérêt fort pour cette question.

Je souhaiterais faire une dernière remarque générale. Le problème de la maîtrise de la dépense publique concerne à la fois les acteurs et le système. Il dépend beaucoup de ce que font les acteurs politiques et administratifs et de leur façon d'agir, mais aussi du système dans lequel leur action se développe, ce dernier étant très largement conditionné par les dispositions générales que vous examinez aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle ce sujet nous a paru extrêmement important.

Nous avons, dans un rapport qui est à votre disposition, essayé de procéder à une comparaison internationale des principales caractéristiques du système de gestion et de contrôle de la dépense publique, dont il ressort que la France a encore beaucoup de progrès à faire. A la lumière de cette comparaison, étudié la proposition de loi relative à la réforme de l'ordonnance organique de 1959.

Notre position est claire sur ce sujet. Nous sommes convaincus que globalement cette proposition va tout à fait dans la bonne direction, qu'elle est nécessaire et qu'elle constitue un progrès important, mais qu'elle est évidemment améliorable. C'est d'ailleurs dans ce sens que je comprends votre question.

Concernant tout d'abord l'universalité budgétaire, il me semble qu'il est important de distinguer la question de l'affectation de certaines taxes de celle des démembrements de l'Etat et de l'étendue du contrôle du Parlement ainsi que la vision d'ensemble qu'il doit ou non avoir de l'environnement de dépenses dans lequel interviennent ses propres décisions.

En elle-même, l'affectation de taxes et d'impôts ne me paraît pas franchement critiquable lorsqu'elle répond à une justification réelle, par exemple pour préserver un financement de l'arbitraire politique, en affectant aux collectivités locales un pourcentage fixe d'un impôt d'Etat (à savoir un vrai prélèvement sur recettes), ce qui est plus sûr pour elles qu'une subvention.

De même, il peut arriver qu'il existe un lien réel entre l'assiette d'un impôt et la finalité de la dépense qu'il sert à financer. Par exemple, je ne serais pas choqué qu'une fraction de l'impôt sur les alcools serve à financer la lutte contre l'alcoolisme ou que les contraventions servent à financer la sécurité routière ; ce ne serait pas absurde.

En revanche, ce qui n'est pas admissible est de soustraire des dépenses, et les recettes correspondantes, à la procédure budgétaire par des artifices divers. Je citerai à cet égard le FOREC, dont la logique n'est évidemment pas claire.

Ceci étant dit, l'universalité budgétaire répond à une double nécessité, démocratique et économique. Elle est démocratique, car que vaudrait le contrôle du souverain s'il était fractionné arbitrairement et pouvait être contourné par de petites habiletés, et économique, car comment avoir une bonne politique des finances publiques si l'on n'a pas une vision aussi complète que possible des dépenses et recettes publiques de toutes natures ?

Cela soulève plusieurs questions. Tout d'abord, toutes les recettes et dépenses de l'Etat -et elles seules- doivent être retracées dans le projet de loi de finances afin que celui-ci ait une vraie signification et que la comparaison d'une année sur l'autre soit elle-même significative.

A cet égard, il me paraît extrêmement souhaitable que, pour éviter toute tentation manoeuvrière et toute contestation, le projet de loi de finances déposé par le Gouvernement soit accompagné obligatoirement d'une note de la Cour des comptes attestant qu'il rassemble bien toutes les dépenses et recettes de l'Etat et que la comparabilité d'une année sur l'autre est respectée.

Je sais que la Constitution précise que la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'exécution du budget, mais elle n'interdit pas qu'elle fasse de même pour la préparation de celui-ci.

Pardonnez-moi, Monsieur le Président, de répondre de façon large à votre question, mais je ne peux pas résister à la tentation puisque vous avez évoqué l'universalité budgétaire.

La même exigence d'universalité devrait s'appliquer aux excédents éventuels de recettes fiscales -ce que l'on a appelé « la cagnotte ». Aux Pays-Bas, par exemple, le gouvernement est tenu en même temps qu'il dépose un projet de loi de finances d'indiquer ce qu'il fera des recettes supplémentaires s'il y en a.

Cela éviterait au gouvernement d'être ensuite plus ou moins tenté de dissimuler cet excédent de recettes pour mieux résister à des pressions dépensières et cela me semble relever du contrôle normal que le Parlement exerce sur le budget.

Inversement, d'ailleurs, le Gouvernement devrait aussi préciser ce qu'il ferait si les recettes fiscales n'atteignaient pas le niveau prévu. Augmenterait-il le déficit ou réduirait certaines dépenses ? Il serait normal que ce choix soit soumis, en même temps que le projet de dépenses et de recettes, à l'approbation parlementaire.

Il y a en effet quelque chose de parfaitement factice à agir comme si le budget devait être réalisé avec certitude alors que l'on sait bien que ce ne peut pas être le cas. C'est la raison pour laquelle il est normal d'intégrer dans la loi de finances la façon dont seront traités les aléas.

De la même manière, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, devrait avoir un caractère exhaustif et rassembler l'ensemble des dépenses de Sécurité sociale obligatoires ainsi que leur financement. Par exemple, l'absence de l'UNEDIC ôte une partie de sa signification au texte.

Reste la question, que vous avez posée, de la bonne information du Parlement. Il est clair qu'il ne peut pleinement exercer ses responsabilités que s'il a une information complète. C'est la raison pour laquelle il est en effet indispensable de recenser de façon exhaustive les impôts et taxes dont la perception est autorisée par l'article premier de la loi de finances.

Il m'avait d'ailleurs semblé que le quatrièmement de l'article 38 le rendait d'une certaine façon obligatoire, mais je l'ai peut-être mal compris. En tout cas, j'estime que c'est évidemment nécessaire.

Cela étant, l'Etat n'est pas la seule administration centrale. Il existe également ce que l'on appelle les ODAC (les organismes divers d'administration centrale).

Même s'il n'appartient pas au Parlement d'approuver le budget de ces organismes, puisqu'ils sont distincts de l'Etat, la moindre des choses est qu'il connaisse leurs prévisions -au moins approximatives- de dépenses et de recettes, car ils sont sous la tutelle de l'Etat.

Enfin, je rappelle que le programme de stabilité s'applique à l'ensemble des dépenses dites publiques et qu'elles comprennent les dépenses des administrations publiques centrales (Etat et ODAC, des administrations de Sécurité sociale et des administrations publiques locales).

Je ne reviendrai pas sur la Sécurité sociale -ou plus exactement sur ce que la terminologie européenne appelle les ASSO (administrations de Sécurité sociale), puisque j'en ai déjà parlé.

Restent les collectivités territoriales et leurs dépendances, à savoir les APUL (administrations publiques locales).

Là aussi, j'estime que le Parlement doit être informé sur les prévisions de recettes et de dépenses, cette information ne pouvant bien entendu être qu'approximative : il ne s'agit pas de supprimer à cette occasion l'autonomie des collectivités locales ! le Parlement n'a pas à décider à leur place, mais a le droit d'être informé

Le Gouvernement fait d'ailleurs là-dessus une programmation triennale qu'il communique à Bruxelles. Il lui incomberait d'actualiser cette prévision avant de déposer le projet de loi de finances.

Cette prévision serait d'ailleurs tout à fait facilitée si -comme je serai peut-être amené à le suggérer un peu plus tard-, il existait une vraie conférence financière annuelle entre l'Etat et les grandes associations représentatives des collectivités locales. Je serai conduit à cet égard à faire une comparaison avec ce qui se passe en Allemagne, mais je préfère réserver ce point pour l'instant.

En tout cas, il me paraît tout à fait indispensable que le Parlement, au moment où il vote le budget de l'Etat, ait une vision aussi complète que possible de l'ensemble de la dépense publique, car c'est elle qui a un sens économique global. Ce n'est pas sans raison que Bruxelles la considère dans son ensemble.

Voilà, Monsieur le Président, en ce qui concerne l'universalité.

M. LAMBERT, Président .- Merci beaucoup Monsieur le Président. Souhaitez-vous nous dire maintenant un mot de la pluriannualité ?

M. CANNAC .- Il est important de distinguer deux types de pluriannualité : celle des crédits et celle de la programmation. Concernant plus spécifiquement les crédits d'investissement, qui correspondent à des opérations de longue durée, la pluriannualité s'impose et sur ce point je ne suis pas en désaccord avec l'article 16, qui prévoit la possibilité d'un report pour les autorisations d'engagement, en particulier quand elles correspondent à ce que l'on appelle aujourd'hui des autorisations de programme.

En revanche, c'est beaucoup plus discutable pour les opérations courantes, les reports de crédits pouvant être une source d'obscurité.

Je sais bien que, dans la pratique actuelle, si l'on empêche les reports, le risque est de pousser les administrations à consommer au maximum leurs crédits avant le 31 décembre pour être en bonne position de négociation avec la Direction du Budget dans le cadre de la préparation du budget suivant.

Cependant, ces comportements évidemment critiquables s'expliquent par le fait qu'aujourd'hui, les administrations sont dans une logique de moyens. Le jour où les responsables administratifs sauront qu'ils sont jugés sur l'efficience de leur action, ils ne pourront plus se permettre de consommer des crédits à des fins purement tactiques, car ce faisant, ils dégraderaient leurs résultats. A ce moment-là, les inconvénients que nous connaissons aujourd'hui disparaîtront.

Cela ne se fera évidemment pas d'un coup de baguette magique. D'une façon générale, le changement de logique voulu par la proposition en discussion demandera un certain temps pour entrer réellement dans les faits et dans les cultures, mais nous pouvons espérer que ce sera le cas à terme.

Reste la pluriannualité de la programmation. Il faut distinguer la programmation des recettes et dépenses de l'Etat proprement dit de la programmation globale de la dépense publique. J'ajouterai un mot sur le principe d'équilibre.

Concernant l'Etat proprement dit, il est évident qu'une politique budgétaire doit se conduire dans le moyen terme et c'est donc à juste titre que le texte que vous examinez cherche à donner corps à la programmation budgétaire pluriannuelle, mais il me semble qu'en l'état actuel du texte cela reste plutôt un voeu pieux.

En effet, chaque année, tant la loi de finances que la nouvelle programmation peuvent ne tenir aucun compte de ce qui a été énoncé l'année précédente, pourtant dans le cadre d'une programmation pluriannuelle.

Nous sommes loin de la pratique d'autre pays. Je prends comme exemple la Suède, où tous les ans est votée une loi de printemps qui est une loi de programmation sur trois ans par grandes masses de dépenses. Cette loi une fois adoptée, non seulement le budget de l'année suivante doit respecter ce cadrage, mais aussi la loi de programmation de l'année N+1.

Bien sûr, la rigidité n'est pas totale, des modifications pouvant être apportées dans certaines conditions d'une année sur l'autre, soit en raison d'un changement de la prévision conjoncturelle, soit du fait d'un changement de politique, mais c'est fait à chaque fois de façon explicite et à travers un vote.

Par comparaison, la programmation pluriannuelle en France est dépourvue de portée réelle.

Elle ne sera réellement utile à la maîtrise des dépenses publiques que le jour où elle s'imposera aux autres exercices budgétaires, à savoir la loi de finances de l'année et la programmation future, là encore sous réserve d'une révision possible, mais qui devra à chaque fois être explicite et sanctionnée par un vote.

Sinon, le phénomène sera le même qu'aujourd'hui. Nous sommes passés d'une prévision 2000-2002 de 3 % d'augmentation pour l'ensemble des dépenses publiques à 4,5 % pour 2002-2004 sans qu'à aucun moment ce changement n'ait réellement été motivé, ni a fortiori autorisé.

Autrement dit, la programmation pluriannuelle doit être prise plus au sérieux. En particulier, en ce qui concerne la programmation des dépenses de l'Etat au sens budgétaire du terme, il me paraît hautement souhaitable qu'elle soit approuvée par une loi, -une loi de programmation-.

Il existe aujourd'hui deux catégories de lois de finances : celles qui établissent le budget de l'année à venir et les lois de règlement du budget de l'année précédente. Je suggère de créer une troisième sorte de loi de finances : la loi de programmation. Celle-ci, comme je viens de le dire, s'imposerait aux lois de finances ultérieures (budget et loi de programmation de l'année suivante). Cela, naturellement, n'empêcherait pas que des révisions soient effectuées ultérieurement, mais de façon explicite.

D'autre part, de même que la politique annuelle, la programmation pluriannuelle de la dépense publique n'a tout son sens que si elle couvre l'ensemble de la dépense, quelles que soient les personnes publiques qui en sont responsables.

Cette exigence d'exhaustivité est à la fois politique, économique et aussi européenne, puisque désormais le Gouvernement doit remettre à Bruxelles ses prévisions pluriannuelles, qui se rapportent à l'ensemble de la dépense publique, tous les ans.

S'ensuit-il que l'Etat doit méconnaître l'autonomie de ses partenaires publics et notamment celle des collectivités locales ? Nullement, mais il a l'obligation de se concerter avec eux. C'est ce que fait par exemple l'Etat allemand. En effet, quelles collectivités territoriales sont plus autonomes que les Länder ? Néanmoins, une conférence réunit tous les ans le Bund et les Länder pour établir un plan quinquennal précis qui est à la base de la communication que le gouvernement allemand fait à Bruxelles, qui préexistait de longue date aux pratiques européennes.

Mieux encore, le Bund et les Länder se mettent d'accord sur les obligations qui leur incomberaient aux uns et aux autres si un dérapage venait à entraîner une amende de la commission.

C'est dire qu'il s'agit bien d'une vraie concertation, respectueuse de l'autonomie des partenaires, mais responsabilisante pour chacun d'eux. Par comparaison, la communication que notre Gouvernement fait chaque année à Bruxelles dans le cadre du programme de stabilité apparaît relativement peu consistante puisqu'elle ne l'engage pas lui-même et a fortiori pas non plus les collectivités locales.

Cela m'amène à la suggestion que j'ai faite d'une conférence annuelle entre l'Etat et les collectivités locales pour convenir de la prévision faite sur l'évolution des dépenses et recettes des collectivités locales l'année suivante et de la programmation pluriannuelle concernant les collectivités locales à une échéance de trois ans.

Reste la question de la relation entre la prévision ou la programmation pluriannuelle et la règle de l'équilibre budgétaire

Il ne serait évidemment pas raisonnable de vouloir que chaque budget soit en équilibre, car la conjoncture varie. Est-ce à dire que le déficit permanent du budget puisse être considéré comme quelque chose de normal ? Certainement pas. A tout le moins, la nouvelle loi organique, en même temps qu'elle ferait obligation au Gouvernement de présenter un projet de loi de programmation triennal, devrait prévoir qu'au moins, la troisième année du programme de dépenses de l'Etat soit en équilibre. A défaut, le gouvernement serait tenu de se justifier expressément.

M. LAMBERT, Président .- Merci, Monsieur le Président, pour toutes ces réponses très complètes. Je me tourne vers mes collègues afin de donner un peu d'interactivité à nos travaux.

Mme BEAUDEAU .- Merci, Monsieur le Président. Je voudrais poser une question concernant la régulation budgétaire. Dans le rapport écrit que vous nous avez remis, vous abordez le problème de l'engagement de la France vis-à-vis de l'Union Européenne, et je crois comprendre que vous émettez l'idée d'appliquer les règles budgétaires -vous avez dénoncé par exemple le gel des crédits- à nos engagements vis-à-vis de Bruxelles. Or, il me semble que la pratique du gel des crédits est antérieure aux engagements européens.

Je me pose donc la question de savoir si l'on peut placer sous une même contrainte le Parlement et le pacte de stabilité. Il me semble en effet que l'un s'oppose à l'autre en matière de dépenses publiques.

M. CANNAC .- Je n'en suis pas certain. J'ai voulu dire qu'il n'est pas sain que, au moment où le Gouvernement dépose son projet de budget, il feigne de penser (et que le Parlement feigne de penser lui aussi) que cela se passera entièrement comme décrit dans le texte. Nous savons bien, car c'est dans la nature des choses, que les recettes ont de grandes chances d'être soit plus importantes, soit moins importantes que prévu.

Il me semble faire partie normalement du pouvoir du contrôle du Parlement que de se mettre d'accord dès le départ avec le Gouvernement sur ce qui sera fait selon que les recettes seront plus ou moins importantes que prévu. Par exemple, cherchera-t-il à maintenir à tout prix les dépenses, le solde ou les impôts ?

Une telle disposition éviterait au Gouvernement d'improviser au moment où l'événement se produit et de donner l'impression qu'il cache certains éléments, même si c'est parfois pour de bons motifs. De plus, cela donnerait plus de sens au débat budgétaire et à la loi de finances. J'ai cité à cet égard l'exemple hollandais. Mais c'est sans rapport direct avec le programme de stabilité. J'aurais fait la même suggestion si celui-ci n'existait pas.

M. FRÉVILLE .- Je souhaite prolonger la question de Mme Beaudeau sur les problèmes européens. Le problème européen de coordination budgétaire se traduit par le pacte de stabilité, voire un système de sanctions le cas échéant si nous ne le respectons pas, et nous nous rendons très bien compte que l'Etat a de ce fait une double responsabilité : l'une pour le Gouvernement en général -je reprends les termes de l'article 104 du traité-, ce qui le concerne ainsi que les collectivités locales, comme vous l'avez très bien fait remarquer, et l'autre pour lui-même. Toute la difficulté est de savoir comment nous pouvons faire incorporer dans la loi de finances la responsabilité qui concerne le Gouvernement en général.

J'ai toujours pensé qu'il ne serait pas inopportun qu'il existe, avant l'article d'équilibre pour l'Etat stricto sensu , une sorte d'article relatif au partage des ressources entre l'Etat et les collectivités locales pour les seules impositions, de toutes natures, les cotisations de la Sécurité sociale dépendant de cette dernière.

Dans cet article, l'Etat pourrait indiquer qu'il affecte tels impôts à tels ou tels établissements publics et qu'il donne un certain montant de ressources en termes de prélèvement. Je conserverais pour ma part et j'élargirais même la notion de prélèvement, afin que toutes les dotations aux collectivités locales et à la Sécurité sociale deviennent des prélèvements et que la CSG fasse partie des impôts affectés.

Cela représenterait une sorte de première décision sur le plan parlementaire avant de savoir comment l'Etat gérera ses propres ressources. L'on pourrait ainsi savoir comment il les partage entre lui-même, la Sécurité sociale et les collectivités locales pour répondre à l'obligation européenne.

M. CANNAC .- Je trouverais en effet utile qu'un article précise ce que sont l'ensemble des prélèvements obligatoires d'Etat et à quelles collectivités ils sont attribués. Mais il me paraît impossible de qualifier des dotations de « prélèvements ». Cela dit, rien n'empêche de regrouper, si on le souhaite, dans un même article, l'ensemble des prélèvements d'Etat affectés à d'autres personnes morales que l'Etat et des dotations budgétaires consenties à de telles personnes morales. Cela dit, de toute façon, un tel article ne pourra pas couvrir tous les prélèvements obligatoires, puisqu'une grande partie d'entre eux sont constitués soit par les impôts locaux, qui ne sont pas concernés par cette disposition, soit par les cotisations sociales. D'où l'intérêt, à titre d'information donnée au Parlement, que le projet de loi de finances comporte, en annexe, une prévision globale de ces prélèvements non étatiques.

L'important est que le Parlement, quand il prend ses décisions, le fasse en ayant une vision et complète en la matière. Sinon, cela ouvre la porte à toute sorte de tricheries ou de ruses, domaine dans laquelle notre administration des finances a acquis une compétence qu'il faut saluer. Les motifs ne sont pas tous mauvais, mais c'est un exercice malsain qui ôte une bonne partie de sa signification à la loi de finances. D'où le besoin absolu d'une information exhaustive.

M. LAMBERT, Président .- Je propose que nous abordions un enjeu non négligeable de la réforme, qui consiste à doter la France d'un instrument de pilotage de l'Etat, le but étant de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats.

Ce principe étant posé, il faut voir comment le mettre en oeuvre. Je souhaiterais donc, Monsieur le Président Yves Cannac, que vous nous indiquiez, par rapport à l'état actuel du texte qui nous est soumis, quels éléments supplémentaires ou différents vous suggéreriez afin qu'il constitue véritablement un bon instrument de pilotage et aussi de réforme de l'Etat, puisque chacun s'accorde à reconnaître cette nécessité.

M. CANNAC .- Je vous remercie, Monsieur le Président. Je crois en effet que l'un des aspects tout à fait majeurs du texte est de chercher expressément à passer d'une logique de moyens et donc d'obéissance à une logique de résultats et donc de responsabilité, d'où l'articulation proposée des crédits dans le cadre de missions, auxquelles s'applique l'article 40, avec à l'intérieur de chacune d'entre elles un ou plusieurs programmes construits autour d'objectifs, eux-mêmes détaillés en annexes et assortis d'indicateurs, d'où également l'idée d'un rapport annuel de performance par programmes. (C.f. les articles 38 et 46 de la proposition adoptée par l'Assemblée nationale).

Je voudrais faire deux observations. La première porte sur l'ambiguïté de la notion d'objectifs et de résultats et la seconde sur les conditions pour que ce passage d'une logique de moyens à une logique de résultats et de responsabilité soit effectif.

La notion d'objectifs et de résultats n'est pas précisée dans la proposition, alors qu'elle me semble relativement complexe. Une distinction essentielle doit être faite entre ce que j'appellerai les objectifs d'impact et les objectifs de performances opérationnelles.

Par exemple, un objectif d'impact pourrait être de réduire le taux de délinquance de tel pourcentage, alors qu'un objectif de performance opérationnelle consisterait à affecter à la lutte contre la délinquance un plus grand pourcentage d'agents de police.

Il existe évidemment un lien entre ces deux objectifs, mais ils ne sont pas du tout de même nature. Le premier est politique alors que le second concerne la gestion. Il est important de les distinguer.

Les objectifs du Gouvernement et des ministres sont politiques et ils doivent être formulés en termes d'objectifs d'impact. En revanche, les administrations et les services publics doivent se voir assigner essentiellement des objectifs opérationnels. Je ne pense pas que l'on puisse dire à un Directeur de la police qu'il doit réduire le taux de délinquance de 15 %. Il est important de distinguer les uns et les autres et je suis gêné par le fait que le texte ne le fasse pas. Le silence du texte laisse la porte ouverte à toutes les ambiguïtés.

Cela dit, et c'est le deuxième point, j'approuve entièrement le projet, qui est celui de la proposition de loi, de faire passer l'Etat d'une logique de moyens à une logique de résultats. C'est une évolution semblable à celle que les entreprises ont accomplie pour leur part au cours des quinze à vingt dernières années, en substituant à leur organisation « taylorienne » traditionnelle une organisation profondément différente, faisant une large place à l'autonomie et à la responsabilité de chaque collaborateur.

Il me paraît très important que les administrations et les services publics, dans leur domaine et à leur manière, suivent une évolution de ce genre, car elle est productrice de grands progrès.

Mais il ne suffit pas de décréter un tel changement pour que cela se produise, cette nouvelle logique n'a de chance de se mettre en place et la structure budgétaire nouvelle prévue par la proposition de loi organique ne peut y contribuer que dans la mesure où derrière chaque programme ou groupe de programmes l'on trouvera non seulement un ministre -qui est une autorité politique, donc forcément plus lointaine-, mais aussi un responsable opérationnel disposant de l'ensemble des moyens du programme, en hommes et en crédits, et qui sera jugé sur la réalisation des objectifs.

Or, cela, rien ne le garantit dans le texte. Au contraire, dans la mesure où les programmes ne sont ceux de personne sauf du ministre, tout laisse craindre qu'ils soient simplement des architectures théoriques et à la limite, rien d'autre qu'un nouveau nom pour les agrégats, avec le risque majeur que l'art d'administrer reste celui de jongler à plusieurs avec des contraintes formelles plutôt que d'agir en patron responsable d'objectifs clairs.

Par suite, le risque est que l'efficacité de l'Administration et des services publics ne progresse pas comme on le souhaiterait, ni le pouvoir du Parlement, même si celui-ci, à la faveur de la distinction entre missions et programmes, s'est donné une certaine possibilité -à mon avis tout à fait justifiée- de contourner l'article 40 en redéployant les crédits non pas entre les missions, mais à l'intérieur de celles-ci.

En d'autres termes, ce qu'il faut, plutôt qu'une structuration du budget par des programmes abstraits, c'est une structuration par administrations et services responsables, en d'autres termes, par centres de coûts et de responsabilités opérationnels.

C'est à ces centres de responsabilités, derrière lesquels il y a toujours un responsable, et un seul, que devraient être rattachés les objectifs, les performances et leurs indicateurs, de même que les crédits et les emplois. C'est seulement à cette condition que l'on saura complètement de quoi l'on parle et que l'on pourra motiver et y gagner en efficacité.

C'est en même temps la condition pour que, comme vous le souhaitez à juste titre, la nouvelle loi organique conduise à la réforme de l'Etat. En effet, qu'est fondamentalement celle-ci si ce n'est, comme se sont efforcés de le faire avant nous de nombreux pays comparables, passer d'une logique de moyens à une logique de responsabilité et donc restructurer les administrations de gestion et les principaux services publics en centres de responsabilité dotés d'une large autonomie dans l'emploi de leurs moyens tout en étant fortement responsabilisés quant à la réalisation de leurs objectifs ?

Dans le jargon international, notamment celui de l'OCDE, c'est ce que l'on appelle « une logique d'agences », le mot « agence » désignant non pas comme en France une instance chargée de rendre des arbitrages avec impartialité, mais une administration ou un service public doté d'une large autonomie et d'une responsabilité à la dimension de celle-ci.

C'est cette réforme qui est capitale et, si j'insiste sur l'autonomie dans l'emploi des moyens, c'est parce que c'est la condition de l'efficacité. De là résultent deux conséquences importantes, dont l'une concerne le Ministère des finances et l'autre le Parlement.

Dans une logique de moyens, où il est demandé à chacun d'être un bon exécutant, il est normal que le Ministère des finances exerce un contrôle maximum sur la façon dont les administrations emploient leurs crédits, d'où le développement systématique de ses prescriptions et de ses contrôles, notamment depuis le lendemain de la première guerre mondiale, époque à laquelle le contrôle financier a été créé. C'est d'ailleurs à la même époque, celle de la naissance du taylorisme, que les entreprises se sont organisées de façon comparable.

Cependant, dans une logique de responsabilité et de résultats, l'organisation doit être très différente. L'autonomie de chacun devient plus grande et les hiérarchies plus courtes : elles doivent être « aplaties » en contrepartie de responsabilités nouvelles. En conséquence, le rôle du Ministère des finances doit être lui-même beaucoup moins invasif. Le concept d'organisation pertinente est ce que les Anglo-Saxons appellent le « top down budgeting » ; cela signifie que chacun est son propre Ministre des finances.

Le Premier ministre et le Ministre des finances répartissent les crédits entre les ministères et assignent des objectifs à chacun d'entre eux. Puis, chaque ministre répartit les crédits qui lui ont été alloués entre ses principaux responsables opérationnels en même temps qu'il leur assigne des objectifs, ceux-ci s'organisent à leur tour en bons managers, en répartissant eux aussi les crédits et les objectifs. Ce type d'organisation est inhérent à la logique de responsabilité et de résultats à laquelle le texte est attaché.

Or, l'une des faiblesses du dispositif actuel tient au fait qu'il continue à conférer au Ministère des finances des pouvoirs excessifs, puisqu'il revient à celui-ci de valider toute modification dans la répartition des crédits entre programmes, etc. Si vraiment l'on veut mettre en place une responsabilité de résultat, il faut corollairement laisser aux responsables une large autonomie quant à l'emploi de leurs moyens.

En d'autres termes, la réforme de l'Etat devrait consister à distinguer plus clairement le rôle politique du ministre assisté d'équipes légères de réflexion, d'évaluation, etc., qui l'aident à formuler sa politique et ses objectifs ainsi qu'à répartir ses moyens, et celui des administrations de gestion ou des services publics qui, eux, doivent être réellement autonomes et responsabilisés. Il ne faut pas chercher à leur imposer les mêmes contraintes de moyens que celles qui étaient justifiées dans la logique antérieure.

D'une certaine façon, cette remarque vaut aussi pour la relation entre le Parlement et l'exécutif. Si le Parlement souhaite, à juste titre, renforcer son contrôle et pour cela l'organiser sous la forme d'un contrôle de résultats et d'efficacité, il doit lui-même tirer toutes les conséquences de ce choix, c'est-à-dire ne pas chercher à y ajouter un contrôle de type traditionnel, car ce serait contradictoire.

Si on responsabilise une personne dans le cadre de ses actions, il faut lui laisser la plus grande marge d'action possible s'agissant de l'emploi des crédits et des moyens qui lui sont globalement délégués. Un certain nombre de dispositions, dans le projet de réforme organique, relèvent à cet égard plus de l'ancienne logique que de la nouvelle.

Il est vrai, j'en suis conscient, que l'on ne passe pas d'un jour à l'autre d'une logique à une logique profondément différente. Dans les entreprises, un tel changement a pris des années. Je ne vois pas pourquoi, dans les administrations, il pourrait avoir lieu d'un coup de baguette magique. C'est pourquoi il faut sans doute prévoir des dispositions transitoires. Mais, en tout cas, à terme, il faut en tirer toutes les conséquences si l'on veut aller dans le sens d'une logique de résultats et de responsabilités.

M. LAMBERT, Président .- Merci Monsieur le Président. Je vais me permettre de faire une remarque à la suite de votre exposé, qui était très clair, sur la séparation utile entre la politique et sa définition par les politiques et sa mise en oeuvre. Il faut pouvoir évaluer séparément ces deux points si nous ne voulons pas perdre une partie de l'efficacité du nouveau dispositif.

J'ai également apprécié votre interpellation du Parlement, car nous avons à tirer toutes les conséquences de la réforme, sachant qu'en amont vouloir être trop peu actif s'agissant de la définition des moyens est risquer de nous priver de notre légitimité pour juger de la performance. Nous devons être très vigilants sur cette question.

M. LORIDANT .- Monsieur Cannac et Monsieur le Président, je viens d'entendre vos propos et suis dubitatif, mais ma vision de la situation n'est pas encore définitive. Ma préoccupation vient de beaucoup plus loin : que devient dans tout cela le peuple souverain ? Je vous prie de m'excuser pour cette question très philosophique, mais le peuple souverain tel que nous le concevons dans nos institutions aujourd'hui est représenté par des députés et sénateurs et doit toujours avoir le dernier mot. Or, je constate au vu de l'évolution des institutions, de leur mode de fonctionnement, de l'intégration européenne, etc. que l'on a tendance à l'oublier.

L'essentiel pour un parlementaire est le vote du budget, des dépenses et des recettes, ce passage obligé qui parfois -disons-le clairement- irrite les fonctionnaires. Certains de mes amis fonctionnaires sont par exemple ennuyés de se rendre au Parlement.

Dès lors que vous plaidez pour l'autonomie et la fongibilité des crédits -même si vous n'avez pas prononcé ce mot-, nous pouvons nous demander si l'on ne s'éloigne pas du peuple. Plus j'avance en âge dans mon rôle de sénateur, plus je me demande comment s'exerce la souveraineté de ce dernier.

J'ai rédigé à un moment donné un rapport important sur la politique spatiale (les fusées et les satellites), et il m'avait été expliqué au Congrès américain que les crédits de l'espace faisaient partie du même chapitre que les problèmes du logement, dans le cadre d'une fongibilité entre ces deux éléments, ce qui m'a laissé un peu sceptique.

Les Congressistes américains m'ont expliqué qu'ils tenaient à cette compartimentation pour empêcher l'Administration de pouvoir faire passer des crédits n'importe comment et n'importe quand.

Je suis donc partagé. En effet, je suis d'accord avec vous sur le fait que les administrations doivent obtenir des résultats et être performantes, mais nous savons trop souvent que des crédits affectés à certains domaines passent ailleurs. A trop laisser d'autonomie et à trop ouvrir la fongibilité, tout ceci ne se fera-t-il pas finalement contre la volonté du peuple ? C'est une question difficile.

M. FRÉVILLE .- Ma question n'est pas sans rapport avec celle qui vient d'être posée dans la mesure où elle concerne les modalités du contrôle parlementaire. Comment le contrôle parlementaire des résultats doit-il s'organiser dans une organisation budgétaire de performance ?

En effet, nous n'avons pas vocation à devenir une seconde Cour des comptes, et j'ai été tout à fait frappé, en lisant le document que vous avez bien voulu nous remettre, que vous fassiez allusion à la technique britannique des « select committees ». Ma question est de savoir si une organisation de ce type est souhaitable et possible en France. Elle relève d'ailleurs plus du règlement des assemblées que de l'ordonnance organique.

Pour qu'un parlementaire s'engage dans le contrôle, il faut naturellement qu'il ait un retour sur investissement. On ne fait pas du contrôle pour le plaisir ; il faut pour le député que cela corresponde à un retour électoral. Je l'indique clairement. En effet, l'une des raisons pour lesquelles nous ne nous investissons pas dans le contrôle est qu'au fond personne ne fait état des activités des parlementaires en matière de contrôle.

J'ai été frappé de constater que les « select committees » -ils sont une trentaine- fonctionnaient avec efficacité en matière de contrôle. Le ministre vient devant le comité pendant un après-midi, et ce n'est pas une partie de plaisir pour lui. Il est beaucoup plus facile d'aller à la tribune du Parlement expliquer les magnifiques objectifs de son projet de budget. En l'occurrence, il doit répondre à des questions précises devant une quinzaine de parlementaires et des caméras de télévision.

Il faut aller dans cette direction dans une certaine mesure, naturellement à condition d'avoir des informations afin de pouvoir opérer un contrôle politique, et non uniquement comptable, des résultats.

M. LAMBERT, Président .- Je partage totalement le point de vue de Paul Loridant sur l'idée que dans notre République le peuple est souverain et qu'il n'est pas excessif de le répéter de temps à autre puisque cela finit par s'oublier dès lors que notre génération n'a plus à lutter pour le rappeler.

Précisément, où la souveraineté s'exerce-t-elle ? Dans le détail, dans l'examen de la performance ou dans la sanction publique ? Les règles de notre Constitution ne permettent-elles pas au Parlement de rejeter parfois ce qu'il finit par approuver, soit par faiblesse, soit parce qu'il ne veut pas créer de crise politique ? En tout cas, il faut que nous fassions la part des choses entre un défaut de méthode ou l'insuffisance des règles qui nous régissent ou un défaut de courage politique au moment où il devrait être exercé.

Poser à Yves Cannac cette question, qui est de nature exclusivement politique, est peut-être un peu déplacé, mais je lui laisse le soin de ne pas y répondre s'il estime que cela ne relève pas de l'esprit de notre audition de ce matin.

M. CANNAC .- En tant que citoyen, je partage complètement la conviction exprimée par M. le sénateur Loridant, à savoir que le peuple est souverain et que le rôle du Parlement est de le représenter et d'exercer pour son compte cette souveraineté dans l'exercice de ses contrôles.

Or, que veut le peuple, sinon être sûr qu'il en a pour son argent ? Il paie des impôts et veut savoir ce qu'il a en échange. C'est fondamentalement la question que se pose le peuple. Savoir par quels moyens, de façon très détaillée, est créée cette valeur l'intéresse certainement, pour qu'il puisse s'assurer que c'est bien fait et que cela ne pourrait pas être mieux fait.

Cependant, je ne crois pas qu'en soi, le peuple soit directement intéressé par la question de savoir si c'est en accomplissant elle-même telle ou telle opération ou en la faisant faire que l'administration atteint un certain objectif. Le contribuable, par conséquent, souhaite, pour un effort fiscal donné, les meilleurs services possibles et inversement, pour des services donnés, la charge fiscale la plus modérée possible, la question étant de savoir si le Parlement souhaite réellement passer d'une logique de moyens à une logique de résultats et de responsabilités.

Honnêtement, je ne vois pas comment il répondrait non à cette question. D'ailleurs, il s'apprête à répondre oui, à juste titre je crois. Car d'une part l'expérience des entreprises -pardonnez-moi d'en parler à nouveau-, montre que c'est la démarche la plus efficace et d'autre part parce que l'exemple de tous les pays qui nous entourent -qui ne sont pas forcément plus bêtes que nous- plaide dans le même sens. Je ne connais pas de pays comparable qui ne se soit efforcé, souvent avec des résultats importants, d'évoluer dans cette direction.

Cela revient à constater que la pensée ne doit pas être concentrée exclusivement dans l'étage supérieur, tous les autres étant considérés comme des robots. L'ensemble est incomparablement plus efficace si, au contraire, l'on utilise la capacité d'intelligence et de responsabilité qui existe également dans les étages inférieurs, lesquels vont depuis le Directeur d'une grande administration jusqu'au fonctionnaire le plus modeste. Ce qui impose l'aplatissement des hiérarchies et la responsabilisation des personnes et des services.

Dans cette logique, on ne peut pas exiger des agents que non seulement ils obtiennent tel résultat, mais qu'ils le fassent en passant très précisément par tel et tel dédales de moyens, car il n'y a pas de raison que la pensée d'en haut ait une vision plus juste du chemin le plus efficace. Il y a même toutes les chances pour que ce ne soit pas le cas. En effet, c'est celui qui est directement au contact de la réalité qui a la meilleure vision des moyens, dans des limites qu'il faut naturellement lui fixer.

L'on se prive d'énormément de ressources, en matière d'intelligence et de responsabilités, si l'on prétend fixer depuis le sommet (à savoir depuis le Parlement) le détail des moyens qu'un chef de service modeste doit employer, en utilisant plus ou moins de personnes à coût égal. Le Parlement n'est pas en mesure d'en juger, de même que le ministre et souvent même le patron d'une grande administration.

Autrement dit, l'on se prive de beaucoup d'intelligence opérationnelle si l'on entre trop dans une logique de moyens. Celle-ci ne se justifie que comme un substitut à une logique de résultat, et doit s'effacer à partir du moment où l'on estime possible de responsabiliser des services et des personnes sur des objectifs précis. C'est la condition pour que cette responsabilisation soit effective, et non pas simplement un élément décoratif.

Une vraie logique de résultats implique l'autonomisation des étages inférieurs.

Enfin, en ce qui concerne les moyens du contrôle, je crois en effet que l'amélioration décisive de la gestion des finances publiques, qui est l'objectif visé par la réforme, nécessite une très forte amélioration de la qualité de l'information mise à la disposition tant de l'exécutif que du Parlement.

Pour une part, cette amélioration est affaire de système comptable. Vous savez combien notre comptabilité publique est retardataire. Je n'insisterai pas sur ce point puisque la proposition de loi fait à ce sujet des choix essentiels, même s'il ne sera pas forcément facile de les mettre en oeuvre et même s'ils ne sont pas toujours très clairement formulés.

Notamment, je ne suis pas certain que ce que l'on appelle dans le texte le « compte général de l'Etat » soit réellement un bilan. Il faudrait s'exprimer plus clairement. Il n'y a pas de raison de ne pas appliquer la comptabilité générale aux administrations, sous réserve des adaptations nécessaires, et de ne pas faire choix clairement d'une logique de bilan.

A cet égard -le troisièmement de l'article 29 y fait référence-, il vaudrait mieux appeler les choses par leur nom et préciser en effet qu'un vrai bilan de l'Etat doit être établi. Non pas, bien entendu, un bilan de chaque administration, car nous n'en sommes pas, comme en Nouvelle-Zélande, à constituer les administrations ou les « agences » en personnes morales dotées d'un patrimoine et d'un bilan, mais un bilan de l'Etat assorti d'indications sur la contribution de chaque administration. Par exemple, quand un fonctionnaire est recruté, c'est pour quarante ans, avec ensuite une retraite de vingt ans, ce qui alourdit évidemment le passif du bilan. Cela devrait être pris en compte quelque part.

A cette réserve près, le projet est clair en ce qui concerne le principe général du changement de système comptable. Encore faut-il que la collecte et le traitement de l'information eux-mêmes soient aussi de qualité, ce dont nous sommes également loin. C'est le point que je voudrais souligner.

J'en viens ainsi à la question que vous avez soulevée à propos des select committees . Cette information elle-même est double, financière et non financière. Dans les deux cas, il faut que les différentes administrations se mettent en état de produire une information de qualité et que celle-ci, ainsi que les process et choix sur lesquels elle se fonde, soient validés par des autorités compétentes et indépendantes.

Le rôle de la Cour des comptes est clairement de valider l'information financière. D'ailleurs, le 5° de l'article 46 prévoit la certification des comptes publics, ce qui sera une opération très lourde et beaucoup plus significative que la déclaration de conformité actuellement fournie, qui est en réalité simplement une attestation de conformité interne des évaluations du Trésor. Il est très important que chaque loi de règlement puisse ainsi s'appuyer sur un travail de certification rigoureux.

De même, comme je l'ai dit indiqué précédemment, il me paraîtrait normal que chaque projet de loi de finances soit accompagné d'observations de la Cour sur les questions de périmètre et de comparabilité interannuelle.

Reste l'information non financière, c'est-à-dire celle relative à l'évaluation des performances et des résultats. Là aussi, il est indispensable que les administrations fassent tout le nécessaire pour rassembler cette information, élaborer les indicateurs et les renseigner. Cependant, comme l'information financière, elle doit être validée et contrôlée par un organisme extérieur. Sinon, elle risquerait d'être extraordinairement formelle ou de relever de l'autosatisfaction.

Est-ce le rôle de la Cour des comptes ? Personnellement, je ne le pense pas. La Cour des comptes est fondamentalement une institution du contrôle de la régularité financière, et ce serait l'éloigner très profondément de sa mission que de lui demander en même temps de valider le choix, la construction des indicateurs et leur renseignement, qui sont en réalité des fonctions d'opportunité.

De plus, la Cour des comptes est une magistrature et ne peut donc pas être soumise au Parlement. Or, le contrôle dont nous parlons doit directement relever de ce dernier. C'est pourquoi il me semble qu'un office parlementaire d'évaluation reconçu et reconstruit répondrait mieux à cette mission.

Il est clair que l'office existant n'a pas rempli ce rôle, mais il faut convenir que l'ordonnance de 1959 ne lui fournissait aucune base solide, puisqu'elle ne contient aucune référence à l'évaluation des résultats des politiques publiques.

Il en ira tout à fait autrement dès lors que, comme c'est actuellement prévu, la nouvelle loi organique fera aux performances, aux résultats et à leurs indicateurs toute la place qu'ils doivent avoir dans le processus budgétaire, dans une conception fondée sur une logique de responsabilité. Cela sera plus vrai encore si elle précise -ce qui reste à faire- que le Parlement a bien le contrôle, en dernière instance, de la conception, de la définition et de l'élaboration de ces indicateurs

Autrement dit, il y a place pour un vrai office totalement réformé par rapport à l'existant et qui devienne réellement l'interlocuteur des administrations dans ces fonctions d'évaluation, en même temps que l'outil de leur contrôle.

Cet office ainsi réformé, il pourrait examiner de près comment ces indicateurs sont conçus et renseignés, contrôler les rapports de performance prévus au deuxièmement de l'article 46, suggérer aux administrations ou, en cas de désaccord, vous proposer, bien entendu avec un délai de réalisation, les modifications qu'il estimerait indispensables, et procéder lui-même à toute évaluation qui lui paraîtrait nécessaire.

Il me semblerait d'ailleurs normal que la loi assure à l'opposition, dans une certaine proportion, le droit de commander des travaux à cet office. Ainsi, le Parlement français se trouverait dans une situation, toutes choses égales par ailleurs, comparable à celle du Parlement britannique, qui dispose en effet d'une quarantaine de select committees compétents pour contrôler l'action des départements ministériels ou les politiques transversales et qui eux-mêmes s'appuient sur le NAO.

Ainsi, plutôt que de bouleverser la Cour des comptes et de la reconstruire complètement -je ne suis pas certain que ce soit opportun, car c'est une institution riche d'une culture et de traditions de qualité-, il serait probablement plus simple, en tout cas dans un premier temps, que d'une part la Cour continue de vérifier la régularité des finances publiques et que d'autre part un organisme spécifique, directement placé sous votre autorité, contrôle, pour sa part, les programmes, les méthodes et les démarches d'évaluation.

Pour établir une comparaison avec les entreprises, le contrôle de gestion est une chose, celui exercé par les commissaires aux comptes en est une autre. Il leur est demandé non pas de faire du contrôle de gestion, mais de valider les comptes.

De plus, le contrôle de gestion est fondamentalement à la disposition du chef d'entreprise, celui-ci étant lui-même profondément contrôlé par le conseil d'administration et les actionnaires. A ce titre, le comité d'audit que l'on trouve aujourd'hui dans les conseils d'administration des grandes entreprises, dans la logique du gouvernement d'entreprise, a l'autorité sur le contrôle de gestion et peut lui commander tout ce qu'il souhaite. Nous nous situerions dans une position un peu comparable, toutes choses égales par ailleurs.

L'important -sauf si l'on se contente de belles paroles- est que les exercices d'évaluation auxquels l'Administration devra se consacrer soient contrôlés et validés. Néanmoins, ne nous cachons pas que ce sont là des exercices difficiles. Ce n'est pas en un jour que l'on passera d'une logique à l'autre, et il faudra sans doute commencer par réserver les évaluations à ce qui est le plus évaluable et le plus simple.

Là encore -je me permets d'insister-, il faudra distinguer les indicateurs de performance opérationnelle des indicateurs d'impact politique.

Par exemple, dans le domaine de la politique de l'emploi, je n'imagine pas que l'on puisse donner comme objectif à un Directeur de l'emploi de baisser le taux de chômage ; cela n'aurait pas de sens. Il faut lui assigner des objectifs plus précis et plus opérationnels. Et c'est la responsabilité des ministres de le faire, en fonction de leur propre objectif, qui est évidemment d'améliorer l'emploi.

M. CHARASSE .- Il ne faut pas se mettre les fonctionnaires à dos.

M. CANNAC .- Je ne sais si un tel objectif peut être validé par la loi de finances ; ce point me dépasse.

M. CHARASSE .- Non, vous savez parfaitement de quoi je veux parler.

M. CANNAC .- En tout cas, la responsabilité des ministres est de fixer des objectifs politiques, sous le contrôle du Parlement, et de s'assurer que les objectifs opérationnels fixés à leurs administrations sont cohérents avec les objectifs politiques qu'eux-mêmes ont adoptés.

De son côté, le Parlement a le contrôle de cette cohérence.

Je me permettrai, Monsieur le Président, d'ajouter un dernier mot sur ce que me paraissent devoir être les conditions du contrôle parlementaire, lequel est absolument essentiel au progrès de la maîtrise des dépenses publiques. Il s'agit de conditions de disponibilité en temps.

Pardon de soulever un problème délicat : dans les pays où le Parlement pousse ce contrôle très loin, un grand nombre de parlementaires s'y consacrent à plein temps, ce qui pose le problème du cumul des mandats. Il n'existe pas une complète compatibilité entre la multiplicité des responsabilités des parlementaires et l'exercice d'un contrôle très poussé. Je n'en dirai pas plus, mais je crois que l'on ne peut pas complètement éluder ce problème.

En tout cas, il faudra que la loi organique donne au Parlement les pouvoirs nécessaires pour s'assurer que l'évaluation des performances correspond bien aux choix politiques qui sont décidés.

M. LAMBERT, Président .- Merci, Monsieur le Président, de cette audition, très intéressante pour nous, qui a permis tous les échanges souhaités par nos collègues. Nous ne manquerons pas de méditer sur un certain nombre des informations que vous nous avez données et sur les pistes que vous avez ouvertes.

M. CANNAC .- C'est moi qui vous remercie, Monsieur le Président.

B. AUDITION DE M. MICHEL SAPIN, MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT

M. LAMBERT, Président .- Mes chers collègues, en votre nom à tous, je souhaite à la bienvenue à M. Michel Sapin, Ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Monsieur le Ministre, bienvenue dans notre commission, composée de commissaires des finances et de commissaires invités pour entrer dans un dialogue avec vous sur le grand rendez-vous qui est celui de la réforme de l'ordonnance organique de 1959.

Vous êtes le Ministre de la réforme de l'Etat et vous êtes depuis le lancement de cette initiative totalement impliqué dans le processus. Le rapport que j'ai eu l'honneur de rendre public à l'automne sur cette réforme au nom de notre commission des finances indiquait d'ailleurs dans son titre qu'elle constituait un « préalable » à celle de l'Etat.

Par ailleurs, en tant que Ministre de la fonction publique, cette réforme vous concerne au premier chef, puisque la place de la fonction publique dans les dépenses du budget de l'Etat est importante.

Aussi souhaiterez-vous peut-être, dans un exposé que je sais par avance concis, nous expliquer le rôle de votre ministère dans la conduite des réflexions sur la réforme. Nous procéderons ensuite au jeu habituel des questions et réponses.

M. SAPIN .- Merci beaucoup, Monsieur le Président, de m'avoir invité pour parler de la réforme, à laquelle pour ma part -comme vous-même et beaucoup d'entre vous ici- j'attache énormément d'importance.

Je me permettrai de parler assez librement, indépendamment de toute préparation, pour laisser ensuite le plus possible la place aux questions sur des sujets plus précis.

Vous avez déjà discuté de tout cela, mais je tiens à souligner que la réforme de l'ordonnance de 1959 contient deux aspects que l'on veut parfois séparer alors qu'ils sont inséparables.

Le premier aspect concerne le type de débat parlementaire sur le budget, selon quelle procédure, avec quelle précision et -point souvent controversé- quel droit d'amendement, et le second la réforme de la façon dont les administrations dépensent l'argent puisque -pour parler simplement- elle est impliquée par celle dont vous votez la loi de finances, une modification de la façon de voter induisant une modification de la façon de dépenser.

C'est bien entendu au titre de ce deuxième aspect que je me sens particulièrement concerné, tout en portant au premier aspect, en tant que parlementaire chevronné en d'autres temps, beaucoup d'attention. Dans la mesure où ces deux aspects ne peuvent pas être séparés, il faut essayer de raisonner sur l'ensemble.

Second élément de réflexion général : la réforme de l'ordonnance de 1959, qui doit être votée dans les semaines qui viennent, n'aura de plein et total effet que dans quatre ou cinq ans.

Elle a deux caractéristiques. La première est qu'elle laisse à chacun la perspective que ses effets bénéfiques pourront profiter à celles et ceux qui le souhaitent. En effet, d'ici quatre ou cinq ans, chacun peut avoir l'espoir d'en être le bénéficiaire en termes de bonne gestion et d'adaptation de l'Etat à ses missions.

La seconde caractéristique est que malgré tout c'est loin, trop penser précisément à un texte d'aujourd'hui à travers des débats d'hier, d'avant-hier ou même d'aujourd'hui revenant éventuellement à se priver de possibilités d'évolution et d'adaptation dans cinq ans et au-delà.

L'ordonnance de 1959 est ancienne, la nouvelle, sous forme de loi organique, étant aussi appelée à durer. Il faut donc qu'elle ait comme caractéristique de poser des principes forts, durables et pérennes, dont vous considérez au Parlement -puisqu'il s'agit d'une procédure d'initiative parlementaire- qu'ils seront encore valables dans dix ou quinze ans, tout en laissant des possibilités d'évolution au Parlement comme au Gouvernement à travers les propositions qui seront faites devant le Parlement dans les lois de finances, pour que la meilleure capacité d'adaptation aux défis du moment que nous souhaitons à l'Etat soit respectée dans ce texte fondamental pour les années qui viennent.

Il faut faire des choix forts sans pour autant faire obstacle à des évolutions possibles, y compris en matière de capacité d'adaptation de notre façon de voter et de dépenser. C'est en tout cas ce que j'ai en tête, ce que je rendrai plus précis sur quelques sujets.

Si pour moi ce texte est important, c'est parce qu'il porte en lui-même une capacité à rendre plus responsables les ministres et ceux qui travaillent sous l'autorité de ces derniers, par cascades, jusqu'à un niveau relativement faible de responsabilité administrative (chef de bureau, directeur départemental ou chef de subdivision).

C'est une réforme qui trouve sa pertinence à la tête du Parlement et qui a ses effets jusqu'aux plus bas niveaux et au plus proche du terrain, à savoir les lieux de gestion administrative et budgétaire.

La première grande caractéristique nécessaire de cette réforme est pour moi de permettre une plus grande liberté dans la gestion des crédits votés par le Parlement. C'est ce que l'on appelle la fongibilité, à savoir la possibilité de s'adapter en cours d'année et de ne pas être dépendant d'un vote ou de procédures d'affectation ou de réaffectation trop stricts.

La seconde grande caractéristique de la réforme -peut-être faudra-t-il en parler un peu plus- est d'introduire de la pluriannualité, ce qui est d'ailleurs la contrepartie de la contractualisation, à travers la capacité pour le Parlement de contractualiser avec le Gouvernement non pas pour une année, mais dans le cadre d'objectifs sur plusieurs années.

De même, cela représentera la capacité pour un ministre de contractualiser avec son administration non pas pour une année -même si le terme contractualisation n'est pas juridiquement valable en l'occurrence-, mais pour plusieurs, également dans le cadre d'objectifs. Cela signifie que la pluriannualité est nécessaire. En effet, se projeter sur une année est normal dans le cadre de l'annualité budgétaire, mais il faut le faire avec une vision pluriannuelle.

Par ailleurs -peut-être là aussi devrais-je être plus précis, mais je pense que ce sera le cas quand je répondrai à vos questions-, l'une des caractéristiques de la modernité est la capacité pour des ministres de travailler ensemble ou pour des politiques d'être interministérielles.

En effet, s'il ne faut pas faire de l'interministérialité l'alpha et l'oméga de toute action politique ou administrative, il ne faut exclure ni cette possibilité ni son caractère extensif dans les années qui viennent.

Les politiques de la ville sont souvent citées, mais on peut aussi en évoquer beaucoup d'autres. Si je me permettais de parler des politiques de sécurité, je crois que chacun serait d'accord sur le fait qu'elles ne peuvent pas être résumées à l'action de la police, beaucoup d'autres actions dépendant d'autres ministères qui doivent être menées parallèlement, de façon mêlée et intime, avec la politique de sécurité, au sens strict du terme, pour qu'elle puisse porter ses fruits.

Ce sont les raisons principales de l'intérêt que je porte au texte, et je suis persuadé que c'est l'une des plus grandes réformes que nous soyons les uns et les autres en capacité technique et politique d'adopter aujourd'hui.

De même, je suis convaincu que la préparation de la mise en oeuvre de cette réforme demande énormément de travail à nos administrations. Certes, c'est pour dans quatre ans, mais la révolution culturelle est telle, à la fois dans la façon de dépenser et de contrôler -puisque la réforme modifiera complètement celle dont nos administrations de contrôle vont devoir travailler-, qu'il faut s'y préparer dès maintenant.

Comme vous le savez, nous avions décidé l'année dernière, en octobre, la mise en place de groupes de travail, sous le pilotage conjoint du Ministère du budget et de celui la réforme de l'Etat, pour préparer point par point les réformes induites par le vote d'une nouvelle loi organique correspondant à l'ordonnance de 1959. C'est un travail très important.

Concernant le contrôle, à partir du moment où l'on fixe des objectifs et où l'on donne des moyens dont l'utilisation est plus libre, le contrôle est d'une toute autre nature. Au lieu d'être principalement un contrôle a priori , il devient ce que l'on appellerait en termes d'administration privée un contrôle de gestion, ce terme devant devenir un terme de l'action gouvernementale et administrative.

Cela signifie, y compris pour le Parlement, que le débat sur le vote des moyens affectés à des programmes et à des objectifs est bien entendu important, puisque c'est celui qui autorise la perception d'impôts et la dépense, mais surtout que le débat sur la mise en oeuvre et les résultats devient, à mon sens, le débat politique principal.

Chacun sait qu'il est discuté de la loi de règlement certainement avec beaucoup d'attention, un grand travail préparatoire étant mené, mais sans que cela corresponde à un vrai débat politique, y compris à l'extérieur.

Cependant, demain, le débat sur la loi de règlement -qu'il faudra d'ailleurs peut-être déplacer dans le temps pour qu'il soit bien articulé avec celui sur la loi de finances initiale, pour l'éclairer- deviendra un moment politique très fort, puisqu'il s'agira du rendu compte par les ministres eux-mêmes et l'administration de ce qui a été fait des autorisations qui ont été données par le Parlement.

La réforme de l'ordonnance de 1959 modifiera profondément le rapport de force entre le Parlement et le Gouvernement et l'Administration, non pas tant parce qu'elle renforcera les pouvoirs en matière d'autorisation, mais parce qu'elle le fera dans le domaine du contrôle des résultats, ce qui me paraît une façon moderne d'exercer le contrôle parlementaire.

En effet, peut-être n'est-ce pas dans le détail du vote d'une loi initiale, mais dans la capacité des pouvoirs à contrôler cette application que l'on retrouvera demain un Parlement rétabli dans ses prérogatives, adaptées au monde moderne et à une administration elle-même efficace et ayant modifié sa culture.

Voilà, Monsieur le Président, ce que je voulais vous dire en commençant cette rencontre. Je sais que beaucoup de points méritent d'être explicités dans le détail, mais je voulais vous montrer que, pour moi comme pour vous, cette réforme de l'ordonnance de 1959 est un grand moment de notre vie parlementaire et administrative .

M. LAMBERT, Président .- Merci, Monsieur le ministre, de ses propos introductifs. Je voudrais vous indiquer pour y faire écho qu'en effet la réforme a vocation à s'appliquer dans quatre ou cinq ans, ce qui nous a tous appelés ici, bien que les deux majorités ne se recoupent pas entre l'Assemblée nationale et le Sénat, à aborder cette discussion de façon très ouverte et sans aucun réflexe de nature politicienne.

Il s'agit d'élaborer un texte pour la France, afin d'améliorer sa performance, et nous veillerons donc à ce que cette discussion puisse aboutir au meilleur texte possible quelles que soient les majorités qui peuvent exister tant à l'Assemblée qu'au Sénat.

S'agissant des principes que vous avez suggérés de poser d'une façon forte, pérenne et durable, nous sommes partis de l'idée -mais elle est peut-être utopique, puisque ce n'est plus dans la nature des législateurs modernes- qu'après tout cette nouvelle loi organique pourrait avoir une durée équivalente à celle de l'ordonnance. Par conséquent, plus nous saurons la rédiger clairement, moins nous aurons besoin de la remanier souvent.

Nous appréhendons le texte qui nous est soumis d'une façon tout à fait constructive, notre assemblée n'ayant pas la volonté de critiquer celui de l'Assemblée nationale. Nous souhaitons étudier l'ouvrage tel qu'il nous est proposé pour continuer à l'améliorer et à le parfaire, comme l'Assemblée nationale devra le faire en seconde lecture.

Je souhaite mettre deux aspects en exergue (je vois en cela que nos points de vue ne sont pas opposés) : celui de la pluriannualité et celui de l'interministérialité. Il nous semble que le texte doit pouvoir encore être amélioré sur ces deux points, et j'aimerais que vous nous apportiez votre point de vue pratique sur la fongibilité accrue des crédits et la budgétisation par objectifs.

Je voudrais également, s'agissant de l'interministérialité, vous demander si vous voyez déjà quel pourrait être l'impact de la réforme des structures administratives sur les structures actuelles.

Enfin, pour que ce soit concret dans l'esprit de nos collègues, votre ministère entend-il jouer un rôle important dans la définition des missions, des programmes et des indicateurs de performance qui y seront associés ? En effet, si nous voulons donner un caractère concret à nos débats parlementaires, il faut que nous puissions avoir quelques exemples à défaut d'entrer dans le détail.

Naturellement, la discussion sera ensuite ouverte avec l'ensemble des commissaires présents. Je vous cède la parole si vous avez des précisions à nous apporter sur les trois points que je viens d'évoquer.

M. SAPIN .- Concernant la pluriannualité -dont j'ai dit un mot-, il est indispensable d'en introduire plus qu'aujourd'hui des éléments dans la loi organique.

L'idéal serait pour moi que, de même que des autorisations de programme concernent l'investissement, le fonctionnement comprenne des crédits de paiement pluriannuels qui permettent d'éviter ce que chacun connaît, à savoir des administrations qui dans les derniers mois de l'année ont le sentiment qu'elles ne vont pas pouvoir dépenser tout leur argent et qui donc le font inutilement alors que cela aurait été plus utile et plus efficace dans d'autres domaines au cours des deux premiers mois de l'année suivante.

Nous connaissons la vieille histoire du service des essences des armées, qui faisait tourner ses camions pendant les dernières semaines de l'année pour que son stock soit épuisé et que l'on évite de lui signifier l'année suivante qu'il était trop important.

L'idéal serait des crédits de paiement pluriannuels, mais cela présente un inconvénient grave, que chacun doit avoir en tête au Parlement, et pose la question suivante : quel pilotage l'Etat dans son ensemble (le Ministère des finances et celui du budget) peut-il faire de la consommation au mois le mois et même année après année ?

Nous pouvons imaginer qu'une année les dépenses de fonctionnement seront peu nombreuses -surtout au début, parce que mettre en oeuvre un programme prend du temps- et que tout à coup, au cours de la deuxième ou de la troisième année, l'on se mette à consommer non seulement les crédits de paiement de l'année en cours, mais aussi ceux de l'année précédente, dont une très grande quantité auraient été reportés.

Dans ce cas, il serait très difficile de piloter les finances de la France puisqu'une année on aurait peu dépensé alors que la seconde l'on dépenserait beaucoup, avec tous les inconvénients que cela présente en termes de financement ou d'effet sur la conjoncture globale, les revenus des ménages et l'investissement.

Il faut arriver à rendre compatible la nécessité d'une pluriannualité, avec beaucoup de liberté de la part des gestionnaires dans l'utilisation de ces crédits, et ce pilotage, qui est d'intérêt général quant à l'évolution et au rythme des dépenses de l'Etat.

La position qui figure dans le texte actuellement est la fixation d'un certain chiffre déjà déterminé de report possible sur l'année qui suit. Cependant, cette proposition, qui a ses avantages, a aussi un inconvénient : sa rigidité et surtout le fait qu'elle est considérée comme valable pour toutes sortes de crédits de paiement.

En effet, ce chiffre pourra à certains moments être plus ou moins élevé qu'il ne convient, car des types de dépenses sont plus de nature à connaître des à-coups, avec des possibilités de report d'une année sur l'autre, que d'autres.

La solution se trouve à mon avis dans une liberté laissée à la loi de finances annuelle de prévoir cette possibilité de demande de crédit, mais en lui permettant de fixer dépense par dépense ou programme par programme, dans le cadre des nouveaux mécanismes, les reports qui seraient autorisés par le Parlement d'une année sur l'autre.

Cela répondrait au principe de pluriannualité et représenterait une capacité d'adaptation à l'évolution de ces dépenses ou des besoins de l'Administration, le tout sous le contrôle du Parlement, puisque c'est lui qui voterait les reports.

La question de l'interministérialité est importante. Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu'elle est la solution à tous nos problèmes, mais chacun d'entre nous, qui sommes issus de nos provinces profondes, nous voyons combien le renforcement de la déconcentration est un élément indispensable et parallèle à celui de la décentralisation, un rôle interministériel, en particulier pour les préfets, étant tout à fait indispensable.

Si nous voulons par exemple que la mise au point des projets territoriaux, que vous avez vus les uns et les autres dans chacun de vos départements, se concrétise, il faut permettre de l'interministérialité dans la capacité de vote, pour vous, et dans la capacité des dépenses, pour nous. Si nous ne le prévoyons pas -ce qui est le cas aujourd'hui dans le projet-, nous manquerons quelque chose.

Quelle critique peut-on objecter à une trop grande interministérialité, c'est-à-dire que vous voteriez des crédits qui seraient entre les mains de tel ou tel autre ministre ? Le fait que la responsabilité, qui est une plus grande liberté, correspond aussi à une plus grande identification. Etre responsable est savoir à qui l'on délègue sa responsabilité.

Le fait qu'il existe une relation forte entre votre vote et le ministre qui est ensuite responsable de la dépense, avec pour celui-ci la capacité de savoir qui en est responsable dans l'Administration, est très important.

Par conséquent, trop d'interministérialité floue serait contradictoire avec la responsabilité, mais bloquer toute interministérialité, comme c'est le cas aujourd'hui, me paraîtrait une mauvaise façon de préparer l'avenir. En tout cas, ce ne serait pas suffisant.

Cela signifie que, dans le concret, les lois de finances qui éventuellement mettraient en place cette interministérialité pour certains programmes, dès lors que vous l'auriez autorisé dans la loi organique, devraient également identifier un responsable principal auquel vous demanderiez des comptes en tant que parlementaires, ainsi que, pour chaque ministre, au sein de son administration.

Cependant, le texte de l'Assemblée me semble aujourd'hui trop contraint en termes d'interministérialité, même si je ne suis pas pour que les vannes soient ouvertes à tout va dans ce domaine.

Concernant les programmes et les indicateurs, le coeur de la réforme est un vote par programmes, qui consistent à la fois en des moyens, un responsable et des objectifs. En effet, c'est bien en cela que cela changera, puisque le Gouvernement proposera des objectifs qui seront débattus et adoptés par le Parlement, qui conférera des moyens en hommes et en argent.

La fixation de ces objectifs est un élément déterminant pour vérifier ensuite s'ils ont été atteints ou pas et si par exemple ils l'ont été à 50 % pour de bonnes ou de mauvaises raisons. La pertinence des objectifs est décisive pour celle de la réforme.

Il va bien entendu de soi que mon ministère y est particulièrement attentif, de même qu'à la mise en oeuvre d'un mécanisme de contrôle de gestion qui ait la capacité en cours de dépenses de vérifier que l'on va bien dans le sens des objectifs et quels sont les obstacles pour atteindre ces derniers, afin de pouvoir les surmonter ensemble. C'est d'ailleurs aussi l'un des moyens pour le Parlement de vérifier en cours de dépenses la bonne orientation de la politique des administrations et du Gouvernement.

Je suis particulièrement impliqué dans la définition des programmes, qui doivent être suffisamment précis mais pas trop, sinon nous perdrions, d'une part, à travers trop de précisions, ce que nous aurions gagné, d'autre part, de par la globalisation des crédits. Il faut que ces objectifs soient pertinents et qu'ils puissent être vérifiés, à travers des indicateurs quantitatifs, pour savoir où nous en sommes s'agissant de la capacité à les atteindre.

M. CHARASSE .- Monsieur le Président, je voudrais profiter de la présence du Ministre chargé de la fonction publique pour soulever un point. Après tout, parmi toutes les options que nous avons, c'est budgétairement le ministre qui pèse sans doute le plus lourd, soit horizontalement, soit verticalement, puisque grosso modo le bloc de la fonction publique civile et militaire de l'Etat -y compris les pensions, les anciens combattants, etc.- représente 650 milliards de francs, soit environ le tiers du budget de l'Etat.

Cette réforme, qui est évidemment importante pour l'ensemble du budget de l'Etat et des ministères, a également une importance particulière pour ce qui pèse pour un tiers dans celui-ci.

Ma question est très simple, mais je ne suis pas certain que M. Sapin pourra y répondre tout de suite. J'ai passé une partie de mes deux week-ends précédents -vous pouvez voir que j'ai des amusements !- à lire le tome 2 du rapport de la Cour des comptes sur la fonction publique de l'Etat, paru en avril dernier. Le ministre l'a d'ailleurs certainement lu puisqu'il concerne son secteur. De plus, il analyse plusieurs ministères, comme celui de la justice, de la défense, de l'économie et des finances, ainsi que quelques autres.

Ce rapport, comme ceux qui l'ont précédé, même s'il ne s'agissait pas de rapports particuliers uniquement consacrés à la fonction publique de l'Etat et à quelques ministères, reprend ce qui a déjà été écrit, mais nous constatons qu'au fond la gestion de l'Etat est tellement rigide qu'une partie des éléments contenus dans le rapport sont de véritables turpitudes, jusqu'à faire signer des faux en écriture publique par des magistrats de l'ordre judiciaire, qui n'ont pas eu de problèmes, sachant qu'ils ne seraient pas punis parce qu'ils ne sont pas des élus locaux.

Cependant, ces turpitudes sont -que l'on trouve cela bien ou mal- la respiration et la souplesse nécessaires pour la gestion quotidienne compte tenu des rigidités qui existent par ailleurs.

Ces rigidités et ces souplesses sont des éléments que l'Etat a dû introduire dans sa gestion quotidienne, officiellement ou officieusement, comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, mais cela fonctionne ainsi car, comme tout le monde le sait très bien, il n'est plus patron de la fonction publique.

Ce sont les fonctionnaires qui choisissent leur affectation, ils vont où ils veulent, il n'est pas possible de réformer un ministère, etc., cette rigidité majeure obligeant d'avoir recours à des turpitudes, et encore, nous ne les avons pas toutes vues ! L'on fait par exemple signer par les conseils généraux des accords de contribution financière avec les directions de l'équipement pour permettre de payer des vacations fictives aux cantonniers, notamment en hiver.

Soit la loi organique empêchera cela, ce qui est l'un de nos objectifs, soit ce ne sera pas le cas. Je fais partie de ceux qui pensent qu'elle pourrait l'empêcher, mais dans ce cas, Monsieur le ministre, l'Etat deviendra ingérable si vous ne reprenez pas la main et l'autorité sur les fonctionnaires.

Le passage du système actuel à un nouveau système dans le cadre duquel on ne pourra plus en principe faire ce que l'on faisait jusqu'à présent ne rendra-t-il pas l'Etat complètement ingérable, sauf si vous et vos collègues ministres redevenez des patrons, si un percepteur sortant de l'école peut être affecté là où se trouve une perception, fusse dans le dernier village perdu de France, et si l'on peut encore dire dans un département en perte de population que tel service administratif n'est plus utile, qu'il va être fermé et que le personnel sera envoyé à tel endroit ? Je ne parle pas de la fonction publique hospitalière, des hôpitaux recevant trop de malades et d'autres pas assez, etc.

Bref, si le Parlement reprend un peu de son pouvoir en matière budgétaire, ce qui est l'objectif poursuivi, cela s'accompagnera-t-il d'une reprise du pouvoir du Gouvernement sur l'Etat ?

M. SAPIN .- Je ne répondrai pas à l'amplitude de la question, même si par définition chaque ministre a plutôt intérêt à avoir autorité sur son administration. En tout cas, c'est ainsi que nous pouvons entendre le bon fonctionnement de la République. Le ministre est responsable devant le Parlement, qui lui-même l'est devant les électeurs, le ministre ayant lui-même autorité sur son administration.

C'est le lien qui peut être établi entre le fonctionnaire et le peuple. C'est par le biais de ce mécanisme que cela se passe. Ceci dit, on peut toujours regretter que tel autre principe prévu par la Constitution, comme la protection de la fonction publique contre les aléas politiques, le manque de neutralité de tel ou tel, etc., ait un effet de rigidité auquel M. Charasse a fait allusion et qui, dès lors qu'il est mis en oeuvre de façon trop brutale, peut avoir des effets négatifs sur la gestion de la fonction publique.

Je voudrais en revenir à la question très concrète de la réforme qui est devant vous. Comme chacun le sait aujourd'hui, dans le domaine du personnel, le Parlement a à la fois beaucoup et peu de pouvoir.

Il a beaucoup de pouvoir parce qu'il vote très et trop précisément les créations, les suppressions et les transformations d'emplois, ce qui signifie que dans l'application les administrations sont incapables de les respecter, raison pour laquelle il n'existe pas de vraie relation entre ce que vous avez autorisé en début d'année et ce qui est effectif à la fin de l'année.

D'ailleurs, si vous rentriez dans le détail, vous trouveriez de bonnes raisons à 90 % des cas de non-adéquation. L'Administration a eu de bonnes raisons pour surmonter cette trop grande rigidité.

En sens inverse, vous ne votez pas chaque année pour l'ensemble des emplois, puisque vous ne le faites que pour ce qui est modifié à la marge. Par conséquent, l'une des grandes questions qui se posent à l'Etat est de savoir si le nombre des fonctionnaires affectés à une tâche est conforme aux besoins, en plus ou en moins, étant entendu que vous ne procédez pas au vote du stock de ceux au service de l'Administration. Il faut le reconstituer pour vous permettre de savoir combien il existe de fonctionnaires, ce que nous savons très mal, comme la Cour des comptes l'indique.

Cependant, nous essayons d'améliorer la situation avec l'Observatoire de l'emploi public et je pourrai vous donner d'ici juin -ce sera utile au Parlement- une vision beaucoup plus précise des effectifs réels de l'Administration pour telle tâche, dans tel ministère et dans tel département.

Vous aurez ainsi la possibilité de voter programme par programme un stock d'emplois nécessaire pour leur accomplissement, en établissant une relation entre le nombre d'hommes et les objectifs et en pouvant discuter de l'adéquation entre ces deux éléments.

Ce que je viens d'indiquer -je crois que vous en avez pris conscience, Monsieur le Président- n'est pas forcément ce que souhaitent la plupart des organisations syndicales, qui sont attachées à un vote très précis, d'une part parce que cela permet d'avoir une vision opérationnelle du nombre d'emplois créés dans telle catégorie et dans telle autre, et d'autre part parce que, dans la mesure où chacun sait que cette précision ne peut pas être respectée, cela donne un certain poids dans la capacité à trouver des souplesses dans le cadre d'un dialogue avec les ministères. J'en reviens en cela à votre question, Monsieur le ministre.

Je crois pour ma part que le vote d'une part d'une masse salariale et d'autre part -je crois que c'est nécessaire aujourd'hui encore- d'un nombre d'emplois par mission est une façon pour le Parlement de récupérer un réel pouvoir de décision, tout en laissant dans l'application une marge de manoeuvre suffisante aux administrateurs et aux ministres pour fixer ensuite les catégories d'emplois et éventuellement les modifier.

Chacun sait qu'à certains moments, à la place de 2 ou 3 fonctionnaires de catégorie C, il vaudrait mieux un fonctionnaire de catégorie A, ou parfois l'inverse, mais ce n'est pas fixé une fois pour toute, administration par administration. Cela évolue en fonction des missions, des besoins et des circonstances, et il faut donner cette possibilité, mais pas à travers une masse de rémunérations, ce qui est le raisonnement d'une entreprise privée, qui décide dans son budget prévisionnel de l'année d'une masse salariale, indépendamment du nombre d'emplois. Pour nous, le nombre d'emplois est important et, en particulier pour le Parlement, contrôler et voter ce dernier me paraît très important.

Je pense, Monsieur le ministre, pour répondre à votre question, qu'à travers plus de globalisation, mais moins de précisions dans le vote sur les emplois, le Parlement concourra à une plus grande souplesse dans la gestion et à une plus grande visibilité sur le contenu des décisions prises par les ministres et les administrations, ce qui irait dans le sens du rapport de la Cour des comptes auquel vous faisiez allusion, qui est non pas le premier, mais le deuxième sur la fonction publique, le premier étant paru il y a un peu plus d'un an.

Ce sont des rapports de grande qualité, que pour ma part je considère non pas comme critiques vis-à-vis de l'Etat, mais constructifs pour ceux qui veulent le faire bouger.

M. LORIDANT .- Ma question va prolonger l'interpellation de Michel Charasse. Je voudrais demander au ministre, si la nouvelle ordonnance était votée, concrètement, dans son propre ministère, donc dans le champ de gestion des fonctionnaires d'Etat, quelles décisions il prendrait pour illustrer celle-ci. J'ai en effet compris qu'il avait commencé à y réfléchir et j'aimerais qu'il nous indique concrètement à quelle inflexion cela correspondrait dans tel domaine. Je comprends le souci de fongibilité, mais il faut que le peuple souverain sache ce qui se passe.

M. LAMBERT, Président .- S'agissant des questions relatives à l'emploi public -vous en avez déjà parlé-, j'aimerais que vous nous donniez votre sentiment de ministre sur la fongibilité -que nous appelons tous asymétrique aujourd'hui- et sur les plafonds d'autorisation d'emplois par ministère, afin de lever les différentes inquiétudes qui se seraient exprimées ici ou là.

J'aimerais également que vous nous donniez votre sentiment sur la création d'un programme de mesures générales destiné en matière de rémunérations à faire face à des dépenses de personnel dont la répartition par programmes ne pourrait être déterminée avec précision au moment du vote des crédits.

J'aimerais que vous puissiez nous éclairer sur ces deux aspects afin que nous disposions d'éléments de travail pour notre lecture.

M. SAPIN .- Mon ministère a la particularité de ne disposer que d'un très petit budget, contrairement à ce qu'a indiqué M. Charasse. En effet, le Ministère de la fonction publique peut peser entre un milliard de francs et plus de 700 milliards de francs selon la façon dont on considère la situation.

Je suis favorable au caractère asymétrique de la fongibilité pour une raison de bon sens. Quand une préfecture réalise une année des économies de chauffage parce qu'il a fait particulièrement chaud en hiver, si elle a la possibilité de transformer ces économies en emplois, l'hiver suivant, alors qu'il fera normalement froid et qu'elle aura besoin de dépenser de l'argent pour pouvoir assurer du chauffage à ses fonctionnaires, elle ne pourra pas revenir en arrière parce que des emplois auront été créés.

Si nous voulons -ce qui est nécessaire- maîtriser le nombre des emplois et leur coût, ce caractère asymétrique est absolument indispensable, même si certaines préfectures -le Ministre de l'intérieur a dû vous en parler- expérimentent des possibilités de fongibilité totale plutôt bien utilisées. Cependant, passer de l'expérimentation à la généralisation me paraîtrait dangereux pour le bon contrôle des dépenses publiques, raison pour laquelle je suis favorable à la fongibilité asymétrique telle qu'elle existe aujourd'hui dans la proposition que vous avez entre les mains.

Je suis favorable au vote des moyens et d'un plafond d'emplois, qui est, dans le texte que vous avez sous les yeux, fixé par ministères. Cependant, je me pose la question de savoir si la logique ne voudrait pas qu'il soit fixé par programmes. En effet, il est très important de savoir combien un ministère compte d'emplois, mais la logique de cette réforme est celle des objectifs et des moyens pour les atteindre, la question étant de savoir combien ils incluent de crédits de fonctionnement et d'investissement et de fonctionnaires.

Nous serions plus dans la logique de la réforme en fixant ce plafond d'emplois par programmes plutôt que par ministères, bien entendu dès lors que ces programmes garderaient un caractère général suffisant, pour ne pas arriver à une situation complètement figée au point que nous serions à nouveau obligés de mettre en place toutes les dérives possibles et inimaginables, que la Cour des comptes dénoncerait immédiatement parce que cette trop grande rigidité conduirait à faire passer des fonctionnaires d'un programme à l'autre. Il faut donc maintenir le caractère suffisamment général du programme.

Concernant le programme de mesures générales en matière de rémunérations auquel vous faisiez allusion, chacun voit bien de quoi il s'agit. Quand le Gouvernement élabore et propose et que vous votez, nous ne savons pas forcément tout de l'évolution des rémunérations au cours de l'année suivante.

Pour prendre un exemple que je connais bien, quand vous avez voté le budget pour 2001, le Gouvernement ne savait pas encore quelle serait l'évolution des salaires des fonctionnaires au cours de l'année 2001 puisque des négociations étaient en cours, étant entendu qu'elles se sont terminées par les décisions que vous savez il y a quelques semaines.

Nous ne prévoyons pas, dans chaque ministère, des masses correspondant à l'évolution prévisible, puisque les actes juridiques ou les accords qui engagent l'Etat ne sont pas conclus.

Dans ce cas, nous sommes confrontés à une masse indifférenciée, d'ailleurs souvent insuffisante -cela a été le cas pour la loi de 2001- et nous retrouvons dans une sorte de paquet général une forme d'abstraction qui me paraît contradictoire à la capacité de décision politique du Parlement et de vérification de l'utilisation des crédits.

La solution n'est pas dans l'ordonnance elle-même ; vous serez obligés de prévoir un programme de cette nature. Elle est -je me permets de parler en tant que Ministre de la fonction publique-, en tirant toutes les conséquences des échecs des négociations sur la fixation des salaires pour 2001 et 2002, dans la nécessité -je n'ose pas encore dire l'obligation- pour l'Etat de négocier -ce qui ne veut pas dire forcément d'aboutir à un accord- l'évolution des salaires de l'année N+1 au cours de l'année N et avant que le projet de loi de finances ait été élaboré.

Si cette nécessité s'impose et que cette obligation existe, le Gouvernement bâtira sa loi de finances en connaissance de cause des évolutions pour l'année concernée et le Parlement en débattra en connaissant celles de l'année suivante.

C'est par exemple ce qu'il se passera pour la loi de finances 2002, puisque nous avons pris des décisions, qui sont aujourd'hui connues, qui seront intégrées dans leur totalité dans la loi de finances 2002, ce qui ne s'est pas passé pour celle de 2001. C'est clair pour 2002 -ce qui n'était pas le cas pour 2001- et je souhaiterais que dans l'avenir que ce programme de mesures générales en matière de rémunérations soit en quelque sorte « dégonflé » par des négociations claires, suffisamment en avance, pour qu'elles soient prises en compte dans l'élaboration des documents financiers soumis à votre vote ou à votre appréciation.

Monsieur Loridant, mon ministère compte très peu de fonctionnaires et de moyens, sachant que j'en demande juste un peu plus, ne serait-ce que pour mettre en oeuvre la réforme.

Par conséquent, la question que vous m'avez posée s'agissant de mon ministère n'est pas du tout de même nature que celle que l'on pourrait poser vis-à-vis de celui de l'Equipement ou de l'Intérieur et a fortiori de l'Education Nationale.

Mon ministère se prépare à la réforme de l'ordonnance de 1959 en animant une série de groupes de travail, avec le Budget, pour y préparer les administrations ou offrir des kits à celles qui seront concernées sur la bonne façon de s'y préparer.

Nous avons dit un mot de la fixation des objectifs, la question étant de savoir comment fixer de bons objectifs qui soient valables dans le temps et permettent de savoir où nous en sommes dans notre cheminement vers ces derniers.

Le contrôle, avec tout ce que cela a souvent de contraignant pour les administrations -même si c'est nécessaire en termes de légalité- va progressivement se transformer en un contrôle de gestion.

Nos trésoriers payeurs généraux auront de plus en plus auprès d'eux des personnes capables de vérifier dans n'importe quelle administration se trouvant sur leur territoire l'adéquation des moyens aux objectifs et d'en tirer les conséquences.

De même, il faut préparer les ministères qui travaillent aujourd'hui sur les emplois de la façon que vous connaissez à le faire comme je viens de le décrire. Il faudra savoir comment les stocks d'emplois vont varier d'une année sur l'autre et de quelle façon se préparer aux conférences budgétaires que connaît bien M. Charasse.

Il faudra fixer des objectifs et prévoir les moyens en hommes nécessaires, en pratiquant une gestion prévisionnelle, pour savoir combien de personnes vont partir en retraite, combien d'embauches seront nécessaires et combien de temps il faudra pour préparer les fonctionnaires à celles-ci.

Ce sera une toute autre discussion, qui sera non plus une discussion de « marchands de tapis », mais qui se projettera dans l'avenir et même au-delà de l'année concernée, ce qui sera une transformation culturelle pour les administrations.

Je ne parlerai pas des systèmes d'information qui devront être modifiés au sein de nos administrations et dans la relation avec le Ministère des finances et en tout cas avec celui du budget et l'ensemble de ses échelons territoriaux.

Cela représente un travail considérable, que nous sommes en train de mener pour éclairer vos travaux et vous permettre de savoir où nous sommes, sachant que suis à votre disposition, Monsieur le Président, pour que nos groupes de travail puissent vous communiquer un certain nombre de documents dans ce cadre, et surtout pour rendre possible une bonne application de l'ordonnance.

L'un des risques est que dans trois ans l'administration indique : « Vous avez voté une très belle réforme, mais nous ne sommes pas prêts à l'appliquer et nous vous demandons donc d'en reporter l'application de deux ou trois ans ». Il faut donc qu'il n'existe aucun bon prétexte pour que ce soit possible. C'est une forme de contrainte qui pèse sur l'administration, mais elle est positive et poussera au changement.

M. CHARASSE .- Le calendrier de la réforme n'est-il pas incompatible avec le quinquennat ?

M. MARINI .- Ma question sera beaucoup plus modeste et porte sur un point relativement technique. J'aurais voulu connaître l'avis du ministre sur le principe d'un compte spécifique montrant la correspondance des ressources et des emplois susceptibles d'être affectés aux pensions de retraite de la fonction publique. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Etes-vous favorable, Monsieur le Ministre, à un compte séparé, par exemple un compte d'affectation spéciale montrant la correspondance entre les cotisations et les pensions et présentant à la fois le coût réel des retraites et les conditions de gestion financière de ces régimes ? Que pensez-vous de ces perspectives ? Cela ne serait-il pas une bonne pédagogie ?

M. SAPIN .- Monsieur le rapporteur général sait que sa question est à la fois pertinente et délicate, mais pas parce que ce point serait obscur. Vous disposez aujourd'hui d'un certain nombre de documents -que vous avez déjà certainement étudiés, Monsieur le rapporteur général- qui sont des annexes à la loi de finances et qui vous permettent de savoir très exactement quelles sont les ressources et les dépenses et, par exemple -ce sujet peut vous intéresser-, le taux implicite de cotisations de l'Etat patron pour le régime de retraite.

Je crois de mémoire qu'il s'agit de 39 % pour le personnel civil et de plus de 100 % pour le personnel militaire, qui part plus tôt à la retraite pour des raisons nécessaires à l'efficacité de nos armées.

Ce n'est pas une question de transparence et de contrôle politique et éventuellement de débat autour de la question de savoir si l'Etat cotise trop et si les fonctionnaires ne cotisent pas assez, qui peut exister par ailleurs, le Parlement et les commentateurs politiques ayant aujourd'hui cette information. C'est une question de principe.

S'agissant des personnels de l'Etat -ce n'est pas le cas pour ceux des collectivités territoriales ou des hôpitaux-, le statut général considère que les pensions -certains syndicats de fonctionnaires y sont très attachés- s'inscrivent dans la continuité de l'activité.

Juridiquement, il n'existe pas de différence entre ce que les personnes touchent en activité et à la retraite, ce qui implique un éclairage par des documents annexes et un vote global, qui ne permet pas en lui-même d'établir une relation entre les recettes et les dépenses des pensions. Vous ne votez pas sur ce sujet, même si vous votez sur un ensemble, éclairés par des documents annexes.

Pour ma part, j'estime que l'éclairage et l'information peuvent encore être améliorés, mais je ne pense pas qu'il faille le moment venu revenir sur le principe- auquel un certain nombre d'organisations syndicales sont très attachées- de cette forme de continuité dans la carrière d'un fonctionnaire de l'Etat entre ses revenus dans le cadre de ses activités et de sa retraite.

M. MARINI .- Nous connaissons tous l'assimilation juridique entre la rémunération de l'activité et les pensions de retraite, mais nous sommes ici en train de débattre d'une loi organique pouvant être innovante en termes de concept juridique. Sinon, je ne vois pas très bien quelle serait son utilité réelle.

Je vous demande si vous êtes favorable, Monsieur le ministre, au fait que cette évolution puisse avoir lieu et que cette modification puisse prendre place dans la loi organique, texte de principe, pour permettre à la fois aux salariés de la fonction publique, à l'opinion publique et aux parlementaires de disposer d'éléments plus clairs et plus transparents, dans la ligne de ce qui est réalisé depuis peu d'années, le jaune budgétaire que vous avez évoqué devant peut-être pour une part son existence aux demandes réitérées de la commission des finances du Sénat pendant de nombreuses années ? En effet, si je ne m'abuse, cela ne date que de la loi de finances de 1999. C'est un bon début, qui est positif, mais c'est pour nous un élément encore relativement récent et qui reste à parfaire.

M. SAPIN .- Je m'excuse, Monsieur le rapporteur général, de ne pas avoir été assez clair dans mes propos. Je suis favorable au fait de continuer à améliorer la transparence afin de permettre tous les jugements et débats politiques, car nous n'avons aucune raison d'occulter le moindre débat politique sur un tel sujet, sachant que si le jaune, qui est un élément important de progrès en la matière, paraît devoir être encore amélioré, je suis persuadé que les services du Ministère du budget qui le mettent au point seront attentifs à votre demande.

Par ailleurs, je croyais vous avoir indiqué, mais je vais le répéter, que le temps n'était pas encore venu d'en tirer une conséquence juridique au sens où vous semblez le proposer implicitement dans votre question. Pour le reste, le Parlement, s'agissant en particulier d'une proposition de loi, est maître de ses décisions.

M. LAMBERT, Président .- Merci Monsieur le Ministre.

En raison de l'importance des fonctions que vous occupez et de la maîtrise que vous avez du sujet, puisque vous avez été Ministre de l'économie et des finances,...

M. SAPIN .- Oui, mais le Ministre du budget était particulièrement efficace.

M. LAMBERT, Président .- ... je crois pouvoir indiquer à notre commission que vous restez à notre disposition pour approfondir notre réflexion dans le cadre des travaux préparatoires que nous menons d'ici la première lecture au Sénat, qui aura lieu début juin.

C. AUDITION DE MME FLORENCE PARLY, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU BUDGET

M. LAMBERT, Président.- Je souhaite en votre nom à tous la bienvenue à Mme Florence Parly, secrétaire d'État chargée du budget.

Madame la secrétaire d'Etat, nous sommes en plein travail sur le texte qui vise à réformer l'ordonnance de 1959, et nous procédons à une série d'auditions. Il va de soi que celle de la secrétaire d'État chargée du budget est un rendez-vous important dans ce calendrier de travaux. Nous sommes convenus -vous avez bien voulu l'accepter- de donner un tour très pratique à nos entretiens et de ne pas procéder à des exposés préliminaires mais de vous soumettre immédiatement au jeu des questions et réponses.

Nous alternerons les questions avec les collègues ; moi-même occupant la fonction de Rapporteur, je suis amené à poser un certain nombre de questions.

Madame la secrétaire d'Etat, la réforme modifiera profondément la nomenclature budgétaire actuelle, en mettant la notion de programmes au coeur de la budgétisation par objectifs. Vos services seront largement impliqués dans la construction qui est une oeuvre complexe, nous en sommes conscients, mais le texte adopté par l'Assemblée nationale ouvre aussi au Parlement la faculté d'élaborer à son initiative des programmes. Il s'agirait donc d'une compétence partagée.

J'aimerais que vous puissiez nous dire votre conception des programmes, en quoi celle-ci différera de la nomenclature actuelle des agrégats. Comment voyez-vous le rôle du Parlement dans la construction de cette nouvelle nomenclature ?

Seconde question : une fois les grands principes posés par le texte, des mesures seront naturellement nécessaires pour les appliquer. Cela pose la question des délais ; que pensez-vous des délais à prévoir pour la mise en oeuvre de cette réforme ? Au regard de ces implications pratiques, les délais jusqu'alors évoqués vous semblent-ils réalistes ?

Cela pose également des questions comme celle de la définition du référentiel comptable et celle des indicateurs de performance que nous estimons devoir être les plus pertinents possible ; leur élaboration supposera des débats contradictoires. Avez-vous une idée de la manière dont pourrait s'organiser cette confrontation afin qu'elle soit la plus constructive et la plus transparente possible ?

Notre souhait est que nous ne nous faisions pas plaisir en élaborant un texte nouveau. Il doit être un bon instrument pour progresser .

Mme PARLY.- Je n'avais pas prévu d'exposé liminaire. Je m'autoriserai, si me le permettez, quelques mots très courts d'introduction pour tout d'abord vous remercier de m'accueillir dans cette formation, car les débats que nous aurons dans quelques jours en séance publique auront nécessairement un caractère plus formel que ne l'est l'échange d'aujourd'hui.

Ce texte -d'origine parlementaire- repose véritablement sur « deux jambes », la première étant de rééquilibrer les pouvoirs financiers en faveur du Parlement et la seconde (mais je ne sais pas si l'ordre doit être présenté de cette façon) est de moderniser de manière très profonde la gestion publique. Me concernant, je mettrais ces deux jambes sur le même plan, ce qui garantira que votre oeuvre avance de manière équilibrée.

Ce texte est le résultat d'une réflexion très approfondie menée tant à l'Assemblée nationale qu'ici même sous votre autorité. Ces réflexions sont maintenant engagées depuis de nombreux mois.

Permettez-moi de dire qu'au stade où nous en sommes des débats, et avant de démarrer les échanges et les discussions qui auront lieu au Sénat, il me semble que ce texte est plutôt bon, tel qu'il sort de l'Assemblée nationale.

Sur la forme, je crois qu'il faut avoir le souci d'un texte suffisamment ouvert pour résister à l'épreuve du temps. L'ordonnance organique date de 1959, il est possible de largement commenter à la fois le texte et l'application qui en a été faite, mais il est certain que cela reste jusqu'à présent notre constitution financière. Faisons en sorte que, sur la forme, les rédactions qui seront finalement retenues soient suffisamment ouvertes et en même temps suffisamment précises, car si nous voulons -et je crois que c'est un souhait que nous partageons- que le Parlement exerce son contrôle sur l'action que mènent les administrations publiques à travers l'instrument qu'est le budget de l'Etat, il faut que les définitions soient suffisamment précises.

Quant au fond, vous l'avez compris, je partage très largement les options prises dans la proposition de loi arrivant au Sénat. Je crois qu'il est tout à fait remarquable que ces options aient été prises au-delà de tous les clivages partisans habituels. Ceci est le résultat de la qualité du travail mené en amont. Sans doute ce texte peut-il être amélioré et c'est à cela que je souhaite que nous employons désormais en commun.

Je le répète ici mais, Monsieur le Président, vous le savez, le Gouvernement est bien évidemment très attaché à la réussite de cette réforme, mais il se trouve dans une situation singulière, car il n'est pas courant qu'en matière financière, surtout sur un texte aussi important, il travaille sur la base d'une proposition de loi et non pas sur la base d'un de ses projets. J'y vois pour ma part une des clés du succès de cette réforme et, bien évidemment, le rôle du Gouvernement ne peut être celui qui est le sien traditionnellement dans le cadre d'un projet de loi.

Je le déclinerai de deux manières en disant que sa vocation est à la fois d'éclairer les choix qui seront ceux du Parlement, et de faciliter tout ce qui peut et doit l'être. C'est dans cet esprit que j'aborde notre discussion.

Vous avez abordé dans votre première question ce qui est au coeur de cette réforme : la notion de programmes car, en effet, aujourd'hui nous évoluons dans un univers budgétaire qui est constitué, concernant l'unité de gestion, de près de 850 chapitres budgétaires et vous votez le projet de loi de finances chaque année sur la base des titres.

Demain, nous souhaitons pouvoir doter les gestionnaires qui seront responsables des moyens qui leur seront conférés dans le cadre d'un programme de moyens aussi fongibles que possible, mais contrôlables et c'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix d'identifier le programme à un gestionnaire particulier.

Nous souhaitons également que cette notion de programmes puisse s'intégrer au niveau du vote qu'émet le Parlement dans le cadre de missions (sujet sur lequel nous pouvons peut-être également avoir un échange) et, de ce fait, nous serons dans un univers profondément différent de l'univers actuel pour une raison simple : nous voulons passer d'une culture de moyens à une culture de résultats permettant de définir des objectifs et de vérifier de quelle façon ils ont été atteints.

Véritablement, le programme est au centre et au coeur de cette réforme.

Afin que tout cela fonctionne, encore faut-il que le programme soit défini de façon aussi précise que possible, ainsi que je disais à l'instant.

Dans mon esprit, il devrait reposer sur au moins trois éléments : nous devons pouvoir donner une définition claire du programme, à savoir que nous puissions énoncer des objectifs attachés à ce programme et des priorités clairement identifiables.

D'une part, il faut que nous puissions fonder ce programme sur des indicateurs chiffrés de résultats quitte à ce que ce soit sur plusieurs années, car il est possible que certaines politiques ne puissent pas s'apprécier sur un seul exercice.

Il faut aussi que ces indicateurs de résultats constituent de véritables engagements pour les ministres qui les prendront vis-à-vis du Parlement.

Enfin, il faut que nous puissions disposer d'une répartition indicative des crédits. J'ignore comment baptiser cet agrégat. Faut-il dire « sous-programme » ou faut-il répartir les crédits qui figureront dans le programme par nature de dépenses ? Je crois qu'il faut que nous puissions justifier les crédits demandés et avoir éventuellement un niveau d'identification des crédits au-dessous du programme qui puisse être un instrument de lecture complémentaire.

Cela suppose un très lourd travail et une très forte mobilisation des administrations qui seront chargées en amont de définir leur contenu. Une crainte s'est faite jour, notamment auprès de nos interlocuteurs des différents ministères : la crainte que Bercy ne définisse de manière unilatérale l'ensemble des programmes sans échanges avec les ministères utilisateurs et gestionnaires.

Je souhaite immédiatement la lever pour vous indiquer la manière dont je conçois la situation. Les services du ministère des finances sont là pour contribuer à l'élaboration d'une méthodologie, d'un cadre commun de réflexions sur ce que seront les programmes, réflexion déjà en cours avec nos correspondants des différents ministères, et le ministère des finances tentera de mettre en place une sorte de guide des meilleures pratiques et des meilleurs usages qu'il est possible de suivre, dans tel ou tel ministère, pour élaborer les programmes.

La définition des programmes sera donc l'occasion au sein de l'administration d'un échange approfondi entre le ministère des finances et ses interlocuteurs des différents ministères et, au sein même des ministères, entre les agents chargés de la mise en oeuvre des politiques, car c'est bien ainsi qu'est conçu un programme : ce sont des moyens pour mettre en oeuvre une politique dont l'administration est responsable.

Pour que cela fonctionne, encore faut-il que les personnes véritablement responsables aient droit au chapitre pour l'élaboration de ce concept de programmes.

Je crois que là aussi cette réforme (je n'ai pas eu l'occasion d'en dire un mot) qui s'inscrit dans un cadre plus général qui est celui auquel nous aspirons tous, de la réforme de l'Etat, est un grand projet nécessitant que de petites pierres soient posées les unes sur les autres et il s'agit d'une pierre de taille assez importante que nous tentons de mettre en place aujourd'hui. La définition des programmes dans chacune des administrations sera l'occasion de réfléchir et de mettre à plat les procédures et les politiques, ainsi que leurs raisons d'être et la façon de les mener.

Un autre élément me paraît essentiel quant à la qualité des programmes qui seront élaborés : l'association du Parlement à l'élaboration de cette nomenclature. Il me semble que cette association devrait pouvoir être mise en place tout au long du processus qui doit nous mener de la proposition de loi organique à la mise en oeuvre effective de la réforme, à savoir actuellement, 2006.

J'ai pour ma part -et Laurent Fabius partage ce point de vue-, le souci que les parlementaires ne découvrent pas, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2006, à savoir en décembre 2004, ce que sont les programmes et qu'ils puissent participer au débat dans lequel l'administration a un rôle important à jouer. Je crois que le Parlement doit également pouvoir faire ses observations et affirmer ses points de vue avant même que cela devienne notre règle de discussion des projets de loi de finances.

Aujourd'hui, nous avons d'ores et déjà dans nos « bleus » des agrégats. Ils ne sont qu'une « pâle » préfiguration de ce que devraient être les programmes, car les agrégats tels que nous les connaissons dans les annexes au projet de loi de finances ont été certes longs à élaborer (environ 3 ans ont été nécessaires pour passer du projet à la mise en oeuvre) mais, en dépit de ce temps d'élaboration important, n'ont pas provoqué de remise à plat complète, telle que nous la souhaitons, des procédures et des politiques mises en oeuvre.

C'est là toute la différence entre un programme et un agrégat. Ce dernier est un instrument de lecture qui rend la comprehension de nos documents budgétaires un peu moins difficile et un peu plus vivante, mais ce n'est pas le canal par lequel est conçue et doit être lue la politique budgétaire.

Il faut bien avoir en tête que le programme est un élément très différent du chapitre et qui doit être très différent de l'agrégat figurant d'ores et déjà dans les bleus.

Peut-être me poserez-vous la question de savoir si ces programmes doivent être ministériels ou interministériels pour dire les choses telles qu'elles sont. C'est une question que nous nous sommes bien évidemment posée très longuement car vous constatez comme nous que les politiques publiques ont des dimensions interministérielles plus ou moins prononcées et parfois très prononcées.

Comment envisager une réforme aussi ambitieuse que celle de l'ordonnance organique sans s'interroger sur l'interministérialité des politiques publiques et la manière d'allouer les crédits à ces politiques interministérielles ?

A la réflexion, il nous a paru que le point central restait celui de l'identification du responsable. Et quand je dis « nous », il ne s'agit pas seulement du Gouvernement mais également des parlementaires avec lesquels nous avons eu des échanges, notamment ceux ayant participé aux travaux de la commission Forni.

Si l'on découpe les politiques interministérielles à l'intérieur des responsabilités ministérielles, on risque d'avoir une difficulté, et de déboucher sur une irresponsabilité que nous ne souhaitons pas. Les éléments ne sont pas figés et il est peut-être possible de trouver des améliorations pour mieux prendre en compte que ce n'est le cas aujourd'hui l'interministérialité des politiques publiques à travers les missions.

Si le Sénat souhaite avancer, je pense que vous nous trouverez très ouverts pour le faire mais sous une condition : que l'interministérialité ne nuise pas à la responsabilisation à laquelle nous tenons beaucoup en tant que Gouvernement et à laquelle, d'après moi, l'ensemble des personnes intéressées par cette réforme sont elles-mêmes attachées.

Je terminerai sur ce point en répondant à votre question sur le rôle que doit jouer le Parlement quant à l'élaboration des programmes et de la nomenclature.

Je suis très attachée à ce que vous puissiez donner votre point de vue au fur et à mesure que les travaux d'élaboration des programmes auront lieu. Je crois aussi qu'il faut dire un mot de la manière dont les parlementaires pourront, une fois que nous serons en régime de croisière à partir de 2006, créer ou non des programmes. Sur ce sujet, je crois qu'il faudra une concertation très étroite entre le Gouvernement et le Parlement pour que nous soyons certains que la réalité du droit d'amendement des parlementaires soit bien assurée.

Il importe que le Parlement puisse exercer un contrôle a posteriori aussi plein et entier que possible, sur les crédits qui, je le rappelle, sont globalisés et auront été accordés au gestionnaire. Cela supposera des travaux assez lourds sur lesquels je reviendrai.

Pour conclure, l'association du Parlement à l'élaboration de la nomenclature et la vérification que le droit d'amendement des parlementaires est bien assuré me paraissent être les deux conditions lourdes de mise en oeuvre de cette réforme, s'agissant de ce qui en est le coeur, à savoir les programmes.

Vous m'interrogez sur les délais. Les points de vue sont partagés. Certains trouvent que c'est trop rapide et d'autres trop lent. J'aurais tendance à dire que ces délais sont incompressibles. Le texte tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale prévoit que nous devons être en ordre de marche à la fin de l'année 2004 afin de pouvoir préparer la loi de finances pour l'année 2006, conformément au nouveau texte organique.

Ces délais sont incompressibles car nous devons procéder à différentes opérations. Tout d'abord, il nous faut élaborer un cahier des charges. Vous vous imaginez bien que le passage d'une gestion, aujourd'hui par chapitres, à une gestion par programmes, suppose la remise en chantier total de notre système informatique.

Il faut donc définir un cahier des charges, sur une opération de cette importance, procéder à un appel d'offres européen, assurer le développement et tester, car nous ne pouvons pas nous retrouver fin 2004 avec un système qui ne fonctionne pas.

Au-delà de la mise en oeuvre des outils informatiques, il faut mettre en place au sein de tous les ministères, les instruments de mesures indispensables pour rendre compte de la manière dont les objectifs auront été atteints. Pour ce faire, les administrations devront se doter d'une comptabilité analytique et de systèmes d'information adéquats pour mesurer de quelle manière les objectifs fixés ont été respectés.

Vous évoquiez la question d'un référentiel comptable pour l'Etat. Dans le texte tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale, il est prévu que les principes généraux de la comptabilité et du plan comptable de l'Etat ne se distinguent des règles applicables aux entreprises qu'à raison des spécificités de l'action de l'Etat.

Cette précision me paraît en effet très utile. Reste à élaborer ce référentiel comptable qui, force est de le constater, n'existe pas. Pour ce faire, nous envisageons avec Laurent Fabius de créer une mission qui serait directement rattachée à la direction du budget et à la direction générale de la comptabilité publique, afin d'élaborer des projets de normes comptables et il nous semblerait très utile de disposer d'un comité des normes de comptabilité publique, qui serait chargé d'émettre un avis sur les projets de normes qui lui seraient soumis et seraient ouverts à des spécialistes, y compris extérieurs au ministère des finances.

Une fois ces projets de normes avalisés par ce comité, ils devraient être examinés par le Conseil national de la comptabilité qui rendrait un avis et le ministre des finances déciderait par voie réglementaire d'approuver ce référentiel comptable.

Voilà de quelle manière nous pensons construire progressivement ce référentiel comptable et envisageons d'avoir ce débat contradictoire que vous appeliez de vos voeux, Monsieur le Président.

M. MARINI.- J'aurais souhaité interroger Madame le secrétaire d'Etat sur deux aspects essentiels : d'une part, comment progresser dans la prise en considération consolidée de l'ensemble des données relatives aux prélèvements obligatoires tant sociaux que fiscaux ? Comment permettre, dans le respect des conditions institutionnelles actuelles prévoyant le domaine des lois de financement à la sécurité sociale, que le Parlement soit saisi de ces données consolidées, pour qu'il puisse apprécier tant le niveau que l'évolution et la répartition par grandes masses des emplois faits de ces prélèvements obligatoires ?

Comment progresser dans le sens d'une transparence plus grande des écritures et des prévisions relatives à la dette publique ? Dans le texte que nous examinons et qui prend appui sur l'hypothèse d'une comptabilité patrimoniale, on peut considérer que nous nous doterions d'outils permettant de progresser. Pour autant, serait-ce suffisant et que penseriez-vous d'une formule dans laquelle, indépendamment du vote sur le solde de la première partie de la loi de finances, un vote aurait lieu sur l'autorisation de financement par emprunt pour les opérations de l'exercice ?

Ne pensez-vous pas que dans une optique à moyen et long terme, en considérant que les périodes traversées seront tantôt des périodes fastes, tantôt des périodes plus difficiles, il y aurait lieu de mettre en place un dispositif garantissant au pays et à la représentation nationale le maximum de rigueur en matière de recours à l'emprunt, par exemple en soumettant à une procédure particulière l'affectation de ressources d'emprunts pour couvrir une quote-part des dépenses ordinaires de l'Etat ?

Mme PARLY.- Comment progresser dans une vision plus globale des prélèvements obligatoires ? Vous avez utilement précisé, Monsieur le Rapporteur, que cela devait se concevoir dans le respect des dispositions actuelles et j'y vois une nuance extrêmement importante, car les réflexions qui ont été menées par les uns et les autres sur le terrain de la réforme de l'ordonnance organique l'ont été compte tenu d'un autre texte organique concernant les lois de financement de la sécurité sociale dont, je crois, personne n'a jugé, sinon utile, du moins possible, d'envisager la modification à travers la réforme aujourd'hui sur le métier.

Il est vrai que le fait qu'une partie des prélèvements obligatoires figure dans le texte voté par le Parlement à l'occasion du vote sur le projet de loi de finances et une autre partie, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale, n'est pas d'un maniement très commode de maniement et pourrait laisser entendre que cette notion de prélèvement obligatoire n'est pas correctement retracée dans les documents transmis au Parlement.

En réalité, vous savez qu'il existe d'ores et déjà des éléments d'information sur cette question des prélèvements obligatoires, notamment dans le rapport économique social et financier présenté à l'appui du projet de loi de finances. Mais, ce n'est pas du présent dont nous parlons, mais de l'avenir. Ce qui a été prévu dans le texte, tel qu'il ressort de l'Assemblée nationale à l'article 38, est de prévoir en annexe au projet de loi de finances, figurera un document explicatif qui recenserait de manière exhaustive les impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'Etat et qui en estimerait le rendement.

Cela pour répondre à la préoccupation légitime du Parlement de disposer d'un document exhaustif sur l'ensemble des prélèvements, y compris ceux qui ne sont pas affectés, en dernier ressort, à l'Etat. Bien souvent, j'ai entendu dire qu'il eût fallu que ce soit le budget de l'Etat qui réaffecte à d'autres personnes morales l'ensemble de ces impositions. Je crois que ce ne serait pas conforme au texte de la loi organique relative aux lois de financement de la Sécurité Sociale.

Concernant la dette publique, vous appelez de vos voeux plus de transparence. Dans cet esprit, plusieurs éléments viennent à l'appui de votre préoccupation.

L'article 31 de la proposition de loi organique prévoit d'intégrer à l'article d'équilibre de la loi de finances un tableau de financement qui fera apparaître, de manière claire, l'ensemble des besoins et des moyens de financement associés au projet de loi de finances. C'est un premier élément qui viendra améliorer de manière considérable les informations du Parlement sur ce sujet.

Le second élément nous renvoie à notre discussion d'entrée : le fait que la dette publique doit constituer un programme en tant que tel. Cela signifie qu'il faudra énoncer les objectifs de la politique d'endettement de l'Etat et porter clairement à la connaissance du Parlement les grands choix qui seront proposés par le Gouvernement en matière d'émission ou de gestion active de la dette. De ce fait, le ministre des finances proposera un point d'équilibre entre la prise de risque, à savoir, notamment, la part des émissions à taux variable (mais ce n'est pas le seul élément) et la recherche du moindre coût de gestion de notre dette.

De la même façon que pour les autres ministères, le ministère des finances présentera des indicateurs chiffrés de résultats qui seront proposés au Parlement. Je crois que par rapport à la situation actuelle que vous connaissez, cela constitue deux sources d'information complémentaires très substantielles.

J'ajoute que cela s'inscrit dans un processus en cours, puisque nous avons eu l'occasion d'échanger dans le cadre du collectif de fin d'année sur la création de l'agence de la dette, et il va de soi que ces différents éléments pourront être d'autant mieux mis en oeuvre que cette Agence commence d'ores et déjà à construire les instruments qui serviront à l'élaboration du programme dette et de son suivi.

Vous avez également évoqué la possibilité de soumettre au vote du Parlement une autorisation de financement des dépenses par emprunt.

Il est exact que lors de notre débat à l'Assemblée nationale cette question a été soulevée par un certain nombre de parlementaires, notamment ceux qui pratiquent déjà cela dans le cadre des collectivités dont ils assurent la responsabilité. Ils ont souhaité que des améliorations puissent être apportées sur ce terrain et que, notamment, un plafond d'emprunts soit désormais voté par le Parlement au moment du vote de la loi de finances.

Lors de ce débat, le Gouvernement n'était pas techniquement prêt à apporter une solution clé en main et j'avais eu l'occasion de dire que je me mettrais à la disposition des commissions des Assemblées pour tenter de trouver une solution à cette préoccupation, sachant que pour trouver une solution -si vous m'y autorisez-, il me semble utile de préciser quelles sont et doivent être les préoccupations qui animent le Gouvernement.

Pour ma part, j'en vois tout au moins deux. S'il devait y avoir un plafond d'emprunts, cela ne devrait pas placer le Gouvernement dans une situation d'incapacité brutale à financer ses dépenses, parce qu'il y aurait une rupture de trésorerie et un retard dans l'encaissement d'une recette importante, par exemple.

Ce système de plafond existe dans toute sa pureté aux États-Unis et il s'accompagne de temps à autres de fermetures pures et simples des services publics car, quand le plafond est dépassé, tout s'arrête, ce qui ne me paraît pas correspondre à la lumière des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale- à la préoccupation fondamentale des parlementaires. S'il doit y avoir plafond, il faut veiller à ce qu'il ne conduise pas à des mesures qui seraient mal perçues dans notre pays.

Par ailleurs, il faut également, si ce plafond était mis en oeuvre, qu'il ne porte pas atteinte à un autre objectif auquel on ne peut qu'être attaché, à savoir que la politique de gestion active de la dette soit optimale, parce qu'il s'agit de la bonne gestion de nos finances publiques.

Dans le respect de ces principes, le ministère des finances et le Gouvernement sont tout à fait prêts à tenter d'avancer sur cette question du plafonnement des emprunts si le Sénat le souhaitait.

Enfin, vous vous êtes interrogé, Monsieur le Rapporteur général, sur la manière de rendre aussi rigoureuse et parcimonieuse que possible -c'est ainsi que je l'ai compris- le recours à l'emprunt pour financer les dépenses de fonctionnement.

Je crois que nous entrons dans un débat qui n'est pas qu'un débat d'instruments budgétaires, à savoir de méthodes d'élaboration de nos lois de finances. Nous entrons dans le débat de la politique budgétaire en elle-même, car s'interdire a priori de recourir à l'emprunt pour faire face à des dépenses de fonctionnement, tel que je l'énonce, ne fait bondir personne ; c'est un principe de bonne gestion.

Mais, me semble-t-il, l'Etat est placé dans une situation un peu particulière. Il n'est pas un agent de droit privé ni un ménage, ni une collectivité locale, il a des responsabilités particulières. Il est le garant, en dernier ressort, d'un certain nombre de droits et, par ailleurs, il doit, si tels sont les choix de politique économique, sociale et budgétaire, pouvoir faire face à des crises conjoncturelles dans les meilleures conditions.

Peut-on considérer que ce principe de bonne gestion, qui est d'éviter autant que faire se peut, de financer les dépenses de fonctionnement par l'emprunt, puisse s'appliquer dans toute sa pureté ? C'est un débat de politique budgétaire, mais je ne pense pas qu'il soit souhaitable que cette question soit tranchée a priori dans ce qui deviendra notre constitution financière future.

Il est bon que la représentation nationale puisse s'exprimer année après année sur les choix de politique budgétaire proposés par le Gouvernement et j'en profite pour insister sur un point qui n'est peut-être pas apparu de manière très saillante mais qui le sera, le débat d'orientation budgétaire, qui est une pratique instaurée depuis quelques années sera « organisé » puisqu'il est prévu par le projet de texte, si le Sénat le vote ainsi.

Pour revenir à mon propos liminaire, nous devons faire un texte précis, qui puisse s'appliquer de manière effective et efficace, qui atteigne les objectifs que nous lui avons assignés, à savoir améliorer les pouvoirs du Parlement en matière financière et moderniser les conditions de la gestion publique, mais il faut également que nous réservions aux choix politiques, ce qui relève de ce niveau, notamment les choix de politique budgétaire.

J'ajoute un dernier point si Monsieur le Rapporteur général est encore inquiet : nous sommes depuis plusieurs années engagés dans une politique de convergence européenne du point de vue de nos finances publiques, ce qui nous impose un certains nombre de devoirs, notamment de fournir à la Commission européenne à Bruxelles les programmes de stabilité triennaux, ceux-ci constituant également un bon élément et de bons indicateurs quant à la politique budgétaire suivie et à la manière dont le Gouvernement entend atteindre l'équilibre des finances publiques et réduire la dette publique.

M. CHARASSE.- Monsieur le Président, je rebondirai sur quelques points évoqués par le ministre dans son très intéressant exposé. Il faudra bien des réunions et des débats pour que je comprenne exactement la portée de l'expression « responsable des programmes ». Madame le ministre, s'agit-il d'une responsabilité politique ou administrative ?

Nous vivons, dans le régime institutionnel qui est le nôtre, en régime parlementaire dans lequel le seul responsable politique est le Gouvernement et ses membres. Or, le responsable de l'exécution du budget au terme de la Constitution -et même pas de la loi organique- est chaque ministre sous l'autorité du Premier ministre.

Chaque ministre délègue à ses subordonnés sa signature, mais pas ses pouvoirs, puisqu'il n'existe pas en France de délégation de pouvoirs, hormis dans des cas très exceptionnels comme, par exemple, la possibilité pour le Président de la République de déléguer ses pouvoirs au Premier ministre pour présider le Conseil des ministres, si un jour il est empêché.

Quand vous dites « responsable des programmes », pour moi, lisant la Constitution et même les grands principes, je dis que le responsable politique des programmes politiques, c'est le ministre.

Compte tenu que l'expression semble aller beaucoup plus loin, je m'interroge pour savoir qui, au-dessous, du ministre sera responsable des programmes.

Monsieur le Président, mes chers collègues, il existe deux catégories de fonctionnaires dans notre Etat : ceux qui sont à la discrétion du Gouvernement, à savoir les directeurs d'administration centrale et, s'ils faillissent, on peut les révoquer « ad nutum », comme me souffle le Rapporteur général, sans conseil de discipline. Mais les autres agents et, notamment, tous leurs subordonnés dans l'administration centrale et les services extérieurs des ministères, ne peuvent être sanctionnés que pour des fautes administratives. Va-t-on créer à la suite de la nouvelle loi organique, une nouvelle faute administrative consistant à dire : « N'a pas respecté les objectifs qui lui ont été fixés. » ? Ce peut être une faute administrative. Ne va-t-on pas introduire dans le droit de la fonction publique française une notion de faute administrative qui est en réalité une notion de faute politique, car c'est une sorte de contrat passé entre le Parlement votant l'autorisation budgétaire et le Gouvernement chargé de l'exécuter ; il est sans doute assez difficile de faire retomber cela sur des subordonnés qui ne sont pas responsables devant nous. Aurons-nous la possibilité à l'occasion du vote de la loi de règlement de demander des sanctions contre un chef de bureau ou un directeur départemental de l'équipement, parce qu'il n'aura pas tenu ses objectifs ? C'est impossible.

Il faut faire attention à l'expression « responsable ». Le responsable, chers amis, c'est le ministre, l'autorité politique. La sanction le concernant peut être parlementaire et budgétaire : l'année suivante on lui donne moins de crédits ou on lui supprime un programme s'il l'a mal exécuté.

Le ministre a évoqué, à la suite d'une question du Président : « Programmes ministériels ou interministériels ».

Mes amis, la loi organique ne peut pas modifier l'organisation des pouvoirs publics. Or, je ne vois pas comment le budget pourrait priver un ministre du droit d'exercer les compétences qui sont les siennes. Qui les définit ? Le Président de la République quand il signe le décret de nomination du Gouvernement. C'est un acte purement réglementaire. Ou, éventuellement, quand il signe, après délibération du conseil des ministres, les décrets particuliers pouvant préciser, sur un point ou sur un autre, d'une façon spécifique, les compétences de tel ou tel membre du Gouvernement.

Un ministre peut-il avoir à lui seul tout un programme recouvrant non seulement son domaine de compétences mais des domaines de compétences d'autres ministres ?

Il me paraît très difficile d'inscrire cela dans la loi organique et encore plus dans des textes législatifs ou réglementaires qui seraient pris pour son application et dans les lois de finances elles-mêmes. En revanche, on peut très bien avoir un même programme partagé entre plusieurs ministres chacun ayant un morceau dans son domaine de compétences.

Sur ce point, Madame le ministre, je m'interroge très fortement.

Troisième question que l'on entend dans les couloirs de cette maison après l'avoir entendu dans ceux de l'Assemblée nationale : les parlementaires peuvent-ils créer des programmes ?

Il faut se référer à l'article 7 du texte en provenance de l'Assemblée. Article 7 : « Une mission comprend un ensemble cohérent de programmes ou, à titre exceptionnel, un seul programme. Seule une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale peut créer une mission ».

Une mission : cela signifie que l'on peut créer des programmes.

Je ne comprends pas comment cela s'articule avec l'article 40 de la Constitution. Monsieur le Président, j'ai du mal à imaginer que, dans le cadre d'une mission qui est d'un milliard et comprend 3 programmes de 333 millions de francs environ chacun, on pourra se créer un nouveau programme, sauf en prenant forcément sur l'un des trois autres.

Dans ce cas, le Parlement se reconnaît un droit d'initiative en matière de dépenses. Or, rien dans la Constitution ne permet au Parlement de se reconnaître ce droit d'initiative en matière de dépenses. C'est l'un des points essentiels de la Constitution de 1958, même si l'on ne s'en est pas forcément aperçu au départ.

J'ajoute, Madame le ministre, un point sur lequel vous pourriez peut-être réfléchir avec vos collaborateurs : le Parlement créera un programme et dira (à supposer que soit franchi l'obstacle de l'article 40, ce qui m'étonnerait) : pour tel programme, je mets 200 millions de francs.

Si le Parlement, qui aime parfois se faire plaisir (ou faire des « coups » politiques, cela fait partie de la vie parlementaire et le Gouvernement ne s'en prive pas non plus, c'est un défaut commun), met 200 millions de francs en créant un programme d'une ambition démesurée et fasse très vite apparaître que les 200 millions de francs sont manifestement inadaptés aux objectifs poursuivis, ne pensez-vous pas que la loi de finances sera sous la loupe du Conseil constitutionnel en permanence, au titre de l'erreur manifeste d'appréciation, que le Conseil Constitutionnel applique comme le Conseil d'Etat qui a inventé cette notion dans sa jurisprudence il y a quelques années ?

On pourra répondre que c'est un programme pluriannuel et le Conseil objectera : « Et la règle de l'annualité budgétaire ? »

Il y a une fragilisation de l'initiative parlementaire, à supposer -ce que je ne pense pas- qu'elle ait pu franchir l'article 40.

Entendant notre Rapporteur général rappeler son attachement -que je comprends et que je peux partager- sur le fait qu'il ne faut pas, en temps normal faire financer les dépenses ordinaires ou de fonctionnement par l'emprunt... je voudrais rappeler -et Mme Parly le sait puisque nous en avions parlé un jour et elle-même me l'avait rappelé- qu'en 1965 M. Giscard d'Estaing, alors ministre des finances, avait proposé pour la loi de finances 65, de réfléchir à l'entrée dans la Constitution d'une règle d'équilibre budgétaire, en s'appuyant sur le précédent allemand, en disant : « La constitution allemande comprend une disposition de cette nature, pourquoi pas chez nous ? ». Je crois que l'Allemagne y a renoncé et que plus personne n'en a reparlé, concernant la France dans tous les cas.

Dans ces conditions, Madame le ministre, ne serait-il pas utile de prévoir quelque part dans le texte -mais cette question s'adresse à nous, en tant que responsables de la commission, le Rapporteur général et le Président- tout d'abord une disposition « balai » qui permettrait d'autoriser le Gouvernement dans certaines circonstances exceptionnelles à s'affranchir d'un certain nombre de rigidités, car l'on ne peut pas verrouiller le système à ce point et, d'autre part, Monsieur le Rapporteur général, rien n'interdit à la loi organique de dire que la loi de finances peut décider que les dépenses de fonctionnement ne seront pas financées par l'emprunt.

Il peut s'agir d'une disposition de loi de finances prévue par la loi organique sans nous verrouiller dans le texte organique. Que ce serait-il passé en 1914 quand a été lancé, après la déclaration de guerre, l'emprunt de défense nationale ? Ce grand emprunt a été diffusé dans toutes les écoles de France ; les inspecteurs d'académie et les instituteurs avaient été chargés de sensibiliser les enfants. Nous ne connaîtrons plus, sans doute, les circonstances de la guerre de 14, mais nous pouvons en avoir d'autres : la monnaie, notre économie ou nos grands intérêts nationaux.

Une disposition balai couvrant l'éventualité de circonstances exceptionnelles, car même si le Gouvernement peut se faire donner des pouvoirs, il ne peut le faire que par des ordonnances de l'article 38 qui imposent le respect de la Constitution et des lois organiques et, d'autre part, la possibilité de compléter un article de la loi organique en disant que la loi organique qui détermine les plafonds d'emprunts ou les règles des emprunts comporte également toute disposition relative aux modalités de financement par emprunt des dépenses de fonctionnement et d'investissement.

Cela permettrait de disposer du mou nécessaire. Les années où la situation se passe normalement, interdiction absolue, sinon la loi de finances ou une loi de finances rectificative peut apporter les assouplissements nécessaires.

Mme PARLY.- Sur le premier point : qui est responsable ? Le ministre est responsable et il le restera. Il me semble, Monsieur le Président, que si la rédaction actuelle laissait un doute planer sur le principe selon lequel c'est le ministre qui est et reste responsable de l'exécution du budget de son ministère et des programmes y figurant, je suis tout à fait ouverte au fait que ces précisions soient apportées, pour regarder le texte avec les mêmes lunettes qui sont celles de M. Charasse.

Sur la question des programmes ministériels et interministériels, il existe différents cas de figure : soit les moyens correspondant à une politique interministérielle sont placés sous la responsabilité d'un seul ministre et cela pose des problèmes que vous avez identifiés, soit ces moyens sont répartis entre plusieurs ministères au sein d'un même programme, soit on place l'interministérialité au niveau de la mission. C'est certainement entre les solutions 2 et 3 qu'il faut réfléchir si l'on veut avancer, mais je partage plusieurs des points de vue exprimés par M. Charasse.

Concernant l'articulation avec l'article 40 des missions et programmes, les choix qui ont été faits par la commission Forni me paraissent avoir été pesés longuement, voire soupesés, et peut-être Monsieur le Président souhaitera-t-il intervenir sur ce point. Y a-t-il lieu de penser que l'initiative parlementaire en serait fragilisée ? Je ne me prononcerai pas, mais l'intention n'est pas celle-ci.

M. CHARASSE.- Elle n'existe pas aujourd'hui.

Mme PARLY.- Quant à l'équilibre budgétaire, je souscris pleinement aux points de vue qui ont été exprimés. Je crois véritablement que la vocation du nouveau texte organique qui sera adopté, je l'espère, n'est pas de trancher sur des sujets, qui relèvent de choix de politiques budgétaires, débattus dans les cadres appropriés de débats d'orientations éclairés par des présentations pluriannuelles, et votés chaque année par le Parlement.

Je pense que nous ferions collectivement un mauvais travail à vouloir créer des rigidités qui n'ont pas lieu d'être s'agissant d'un texte qui a vocation à durer.

M. LAMBERT, Président.- Madame la secrétaire d'Etat, vous avez montré que vous étiez à la disposition de la commission des finances. Nous n'avons pu les uns et les autres poser toutes nos questions. Si nous trouvions, dans notre calendrier, le moyen de nous revoir, nous le ferions, ou nous vous transmettrions les questions auxquelles vous pourriez répondre.

D. AUDITION DE M. FRANÇOIS LOGEROT, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

M. LAMBERT, Président. - Monsieur le Président, au nom de la commission des finances et des commissaires qui y siègent ou sont venus la rejoindre dans le cadre de nos travaux sur l'ordonnance, je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue. C'est votre première visite depuis votre nomination dans vos hautes fonctions. Notre commission à la chance de vous connaître depuis plusieurs années en tant que président de la première chambre, et les travaux que nous avons pu mener en commun nous encouragent vivement sur le contenu de la coopération que la Cour pourra nous apporter, dans le futur, pour les missions qui nous sont confiées. Je veux vous exprimer des voeux de chaleureuse bienvenue dans notre commission.

Comme vous le savez, nous sommes engagés dans une oeuvre exigeante qui est celle de la réforme de l'ordonnance de 1959 et nous avions souhaité vous voir pour échanger avec vous sur cet important sujet.

En introduction, je voudrais vous dire que nous savons tous ici que la Cour a des missions à la fois juridictionnelles et de contrôle. Nous souhaiterions savoir, à l'occasion de cette audition, comment vous analysez l'impact du texte de cette réforme sur les différentes missions de la Cour. Nous serions heureux de savoir si ce diptyque spécialisation des crédits par programmes et fongibilité des crédits vous semble de nature à faciliter ou, inversement, à rendre plus difficiles les contrôles de la Cour.

Dans un deuxième aspect, vous serez amené à certifier les comptes de l'Etat. Nous souhaiterions savoir quelles recommandations vous pourriez nous formuler du point de vue procédural, pour que le référentiel garantisse une vraie mise à niveau de notre comptabilité publique qui en a besoin, et la façon dont vous voyez la traduction concrète pour la Cour du passage de simple déclaration de conformité à la certification des comptes, puisque c'est la mission qui vous sera confiée.

Enfin, je voulais vous demander comment nous pouvons envisager de revisiter la relation entre le Parlement, et la Cour, puisque la Constitution prévoit sa mission d'assistance. Nous nous posons la question de savoir, dès lors que le contrôle deviendra de plus en plus exigeant et que les besoins d'évaluation sortiront renforcés de cette réforme, si la Cour sera en mesure de répondre à des commandes qui pourraient lui être passées par le Parlement pour l'assister dans ses contrôles sur pièces et sur place.

Cette idée vous paraît-elle imaginable ? Serait-il possible par exemple de prévoir que les rapports transmis par la Cour à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances soient systématisés et comportent une analyse et certaines annexes explicatives transmises au Parlement par le Gouvernement, de manière à nous permettre de juger de leur sincérité ? Ce sont des éventualités nouvelles et il me semble que cette réforme doit être une occasion de refaire le point sur la mission d'assistance de la Cour au Parlement.

Tous mes collègues, et tout d'abord le Rapporteur général, auront de nombreuses questions à vous poser.

M. LOGEROT.- Monsieur le Président, je vous remercie de votre accueil. J'exprime également le plaisir que j'ai à tenir cette réunion aujourd'hui avec vous. Comme vous l'avez rappelé, j'ai eu l'occasion, en accompagnant M. Joxe, de participer déjà à un certain nombre de vos réunions à propos de l'exécution des lois de finances et, plus récemment encore, vous m'aviez appelé, ès qualité de président de la première chambre, à déposer devant vous, quand vous vous étiez constitués en commission d'enquête sur les conditions d'élaboration et d'exécution des lois de finances.

Je connais les préoccupations du Sénat, je sais le rôle qu'il joue dans le contrôle de l'Etat et, tout particulièrement, de l'exécution de son budget, et je voulais vous donner d'emblée l'assurance que je veillerai à ce que la Cour des comptes réponde aux attentes du Sénat qui sont constitutionnellement légitimes et le sont de toutes les façons puisque le Sénat est l'une des deux Assemblées du Parlement.

Je tenterai de répondre aux questions que vous avez bien voulu poser de façon assez synthétique de manière à laisser à d'autres intervenants le soin de poser également les questions qu'ils souhaiteraient me poser.

Tout d'abord, concernant l'impact du texte tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale et tel qu'il ressortira des travaux des deux Assemblées, je voulais formuler un commentaire très général sur la place de la Cour dans les institutions et notamment sur sa mission d'assistance au Parlement.

Comme vous le savez, la Constitution prévoit expressément l'assistance au Parlement et au Gouvernement, à la fois pour l'exécution des lois de finances et l'examen de l'exécution des lois de financement de la sécurité sociale. Dans la façon dont ce rôle est formulé par la Constitution, je vois une illustration de la position, en quelque sorte médiane, que la Cour occupe à l'égard de cette mission entre le Parlement et le Gouvernement.

C'est une position qui assure son autonomie relative à l'égard des pouvoirs constitutionnels et qui est, par ailleurs, d'après moi, cohérente avec le statut de juridiction que depuis des temps très reculés les Constitutions lui ont donné et reconnu ainsi que les lois et, également, avec la qualité de magistrat de ses membres.

C'est un rappel que je voulais faire pour bien marquer que, par rapport à des institutions supérieures de contrôle de certains pays étrangers -je pense notamment aux auditeurs généraux des pays anglo-saxons- la Cour n'est pas exactement dans la même position puisqu'aussi bien, comme vous le savez, ces institutions sont des auxiliaires directs du Parlement, dont le programme de travail dépend -sinon uniquement du moins en grande partie- du Parlement.

Il est certain que le texte en cours de discussion est tout à fait important et je voulais souligner d'emblée que la Cour ne pouvait que se réjouir pour sa part que le Parlement dans ses deux assemblées ait décidé de prendre à bras le corps le problème de la révision de l'ordonnance de 1959 dont on peut rappeler que, compte tenu de ses conditions d'élaboration et de promulgation, elle était avant tout l'expression de ce que le pouvoir exécutif de l'époque entendait poser comme règles pour l'élaboration et l'exécution des lois de finances.

Non seulement l'environnement et les conditions extérieures ont changé depuis 40 ans mais, également, la volonté d'un certain rééquilibrage des pouvoirs entre les institutions amène à se poser la question du contenu de cette loi organique et de son adaptation aux nécessités de l'époque.

Je pense qu'il faut souhaiter que ce mouvement aille jusqu'à son terme. Vous-même, Monsieur le Président, et de concert avec le Rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, aviez été amené à dire (c'est ainsi que la presse l'a rapporté) : « Malheur à qui ferait échouer cette réforme ! ».

La Cour des comptes s'inscrit tout à fait dans la démarche qu'ont annoncée les deux Assemblées et, par ailleurs, année après année, comme vous le savez, dans nos rapports successifs, nous avions -à de multiples reprises et sur de nombreux points- critiqué les défauts et les dérives du dispositif de 1959 en montrant ses lacunes.

Puisque vous me posez directement la question, ce texte ne peut pas ne pas avoir, pour autant que les orientations qui commencent à se dessiner soient effectives dans le texte définitif, d'impact sur les missions de la Cour.

La distinction à cet égard des missions en forme juridictionnelle de la Cour et celles en forme non juridictionnelle n'est pas nécessairement une division à reprendre. En effet, comme vous le savez, l'un de nos atouts est précisément de mettre en oeuvre simultanément les missions juridictionnelles à l'égard des comptables publics et des missions non juridictionnelles.

Je pense qu'il faudra de toutes les façons maintenir cette dualité de nos missions et leur complémentarité, si le texte de la loi organique n'a pas pour objet et n'a pas directement pour conséquence de remettre en cause les aspects proprement juridictionnels des missions de la Cour.

Je signale au passage que le système de comptabilité publique à la française qui est marqué par les deux principes fondamentaux de séparation des ordonnateurs et des comptables d'une part, et de responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables d'autre part, est lui-même l'objet de réflexions, car l'on s'aperçoit que l'unification des systèmes d'information comptable, la multiplicité des réseaux par lesquels passent les flux financiers de l'Etat, un certain nombre de difficultés quant à la responsabilité des comptables amènent à des réflexions à ce sujet et nous avons entamé, notamment avec la direction générale de la comptabilité publique, des échanges de vues sur ces questions. Ce n'est pas directement dans le texte de la loi organique que l'on trouvera des indications précises sur ces aspects.

Il existe un aspect très particulier dont vous avez fait une question séparée, Monsieur le Président : celui de la mission de certification des comptes de l'Etat qu'il est envisagé de confier à la Cour. Je reviendrai plus en détail sur ce point très important.

Quant à la philosophie générale du projet de loi organique tel que l'Assemblée nationale l'a transmis au Sénat et tel que votre document de travail actuel le prévoit, il y a parmi les innovations centrales l'institution de missions et de programmes qui substituerait une présentation de la loi de finances par objectifs, à sa présentation actuelle par moyens, assortie d'un certain nombre de principes comme une fongibilité très élargie des crédits par rapport à la situation actuelle et, d'une façon générale, une globalisation tout à fait significative des autorisations budgétaires.

La gestion publique elle-même, avant même de savoir le rôle de la Cour, se trouvera-t-elle compliquée ou facilitée ? Sur ce point, il faut avoir une réponse nuancée. Sans doute, sera-t-elle assouplie, puisque les gestionnaires seront dans un ensemble de règles un peu moins contraignant sur les aspects budgétaires, mais avec la contrepartie qui est une responsabilisation croissante des gestionnaires des missions et des programmes.

Cela dit, pour aboutir à cet assouplissement assorti d'un renforcement de la responsabilité, il faut bien évidemment remplir certaines conditions préalables qui sont encore loin de l'être, comme la définition claire du périmètre des programmes, une relative stabilité de ce périmètre de manière que des comparaisons et des bilans sur plusieurs années puissent être établis ; l'explicitation d'objectifs simples et quantifiables et la définition de batteries d'indicateurs, qu'il s'agisse d'indicateurs d'activité, les plus simples à réunir, d'indicateurs de résultats qui sont déjà, dans un certain nombre de cas, plus difficiles à définir et concevoir, et des indicateurs d'impacts ; quels impacts réels les décisions budgétaires et l'exécution budgétaire ont-elles eus sur les situations, les publics et les cibles des actions et des politiques publiques ?

Deuxième question : l'exercice du contrôle en sera-t-il modifié ? Cela facilitera-t-il ou compliquera-t-il l'exercice de sa tâche par la Cour et, nous pouvons le dire, par le Parlement ?

Là aussi, je crois qu'il faut tendre à une situation d'équilibre. L'idéal pour le contrôleur serait sans doute de maintenir une situation qui est un peu le cauchemar du gestionnaire. Pour le contrôleur, plus la grille de références, la grille d'analyse à laquelle il se réfère est serrée et rigide, plus son travail lui est facilité et plus il est amené à observer et constater des dysfonctionnements et des transgressions de la règle.

Ce type de contrôle de régularité, qui a été longtemps le seul auquel se livraient les juges financiers, n'est sans doute pas le plus intelligent et le plus efficace à notre époque et, à la limite, au contraire, on peut considérer qu'il est paralysant et déresponsabilisant.

A l'inverse, l'idéal du gestionnaire serait de disposer d'une très large marge de manoeuvre à l'intérieur de vastes programmes, d'une fongibilité totale des crédits et, à ce moment, ce serait le cauchemar du contrôleur. Si la grille est aussi large, le contrôleur manque de bases pour établir, de façon objective et non pas subjective, ses constatations et ses observations destinées notamment à usage des parlementaires.

Il faut donc trouver un équilibre entre ces deux points. Nous retrouvons là le problème de la définition d'objectifs pas trop larges, à savoir de programmes qui n'embrassent pas la totalité des opérations d'une grande administration d'Etat. Je pense qu'il ne peut pas y avoir un seul programme de la police nationale parce qu'il serait tellement vaste que nous ne saurions plus à quelle aune examiner les résultats et les activités de ce grand service public de l'Etat. Il ne faut pas non plus des programmes trop étroits dont l'impact et les résultats seraient difficiles à discerner dans le cadre de budgets annuels.

J'indique à ce sujet que nous avons essayé de commencer à mesurer la transformation de notre rôle de contrôle de la gestion publique. Depuis l'année dernière déjà, plusieurs ministères ont élaboré des comptes rendus de gestions budgétaires dans lesquels apparaissent des éléments d'activité et des batteries d'indicateurs. Je citerai l'emploi et la solidarité, la justice, l'éducation nationale, la défense, l'aménagement du territoire, l'environnement et la fonction publique.

Nous tenterons, dans le rapport qui vous sera livré au mois de juin, de commenter ces indications préfigurant non pas la structure par programme, puisque nous sommes en présence d'agrégats budgétaires extrêmement larges, mais déjà la nouvelle démarche qui sera, si la loi organique est adoptée, la nouvelle manière de présenter les résultats d'exécution des budgets.

Probablement serons-nous amenés à critiquer l'imprécision des objectifs, la fiabilité et la pertinence d'un certain nombre d'indicateurs et nous allons essayer d'entrer dans cette nouvelle logique.

Le contrôle de la gestion publique par la Cour des comptes n'est évidemment pas contenu en totalité dans les rapports que nous vous remettons sur l'exécution de la de loi de finances. Comment pourrait-il en être ainsi, puisque ce travail est enserré dans un délai de quelques mois, entre la disposition des comptes et la remise des rapports et que, bien entendu, la Cour poursuit par ailleurs son programme de contrôle de fond, sur une base pluriannuelle, qui embrasse successivement les grands aspects de la gestion publique.

De ce point de vue, le rôle du contrôleur, me semble-t-il, ne sera pas modifié puisque les autres cadres de référence, qui sont les autres dispositions légales s'imposant aux gestionnaires, seront certes progressivement -nous l'espérons- modernisées, mais subsisteront. Je pense aux règles de la fonction publique. Je pense au code des marchés et, surtout, aux réglementations comptables.

Sur ce point, ce qui apparaîtra dans les rapports sur l'exécution des lois de finances continuera de n'être qu'un des aspects, l'un des moyens d'information du Parlement à travers les travaux de la Cour des comptes, et cette dernière continuera de fournir au Parlement et, à travers lui, à l'opinion, à travers ses rapports publics annuels, ses rapports publics particuliers, le très important rapport sur la sécurité sociale du mois de septembre, des analyses, des constatations permettant au Parlement de fonder ses propres appréciations.

Enfin -et même si le rattachement de cette question à la question que vous avez posée Monsieur le Président est peut-être un peu artificiel-, je voudrais insister sur l'importance, à côté de la modernisation de la présentation budgétaire, de la modernisation du système comptable de l'Etat.

Vous le savez, je n'ai pas besoin de développer ce point, parmi les grands Etats modernes et démocratiques, la France est plutôt de ce point de vue en retard et, globalement, à l'intérieur des institutions françaises, l'Etat est plutôt en retard par rapport aux collectivités territoriales (aux plus importantes qui appliquent maintenant l'instruction M14 et qui, de ce fait, appliquent un système de comptabilité d'exercice), en retard par rapport aux établissements publics car, d'ores et déjà, des expériences y sont en cours pour appliquer là aussi le système dit des droits constatés, et par rapport aux entreprises.

Ce point est très important puisque la Cour doit porter également une appréciation sur la manière dont la comptabilité de l'Etat est tenue, et un des aspects importants du projet de loi organique est de redéfinir, de replacer les opérations budgétaires dans un cadre comptable général, ce qui peut poser quelques problèmes du point de vue du domaine de la loi puisque, vous le savez -on peut le regretter mais c'est ainsi-, actuellement, l'article 34 de la Constitution ne consacre pas les principes d'organisation comptable générale comme étant du domaine de la loi. Il appartiendra éventuellement au Conseil constitutionnel de se prononcer sur ce point, mais je pense que l'on ne peut pas imaginer qu'une loi organique relative à la loi de finances ne dise rien sur la comptabilité de l'État et ne s'exprime que sur la comptabilité budgétaire.

De ce point de vue, je voudrais vous indiquer que, nous concernant, le fait de continuer, dans le texte de la proposition de loi organique tel qu'il vous a été transmis par l'Assemblée nationale, à distinguer soigneusement la comptabilité budgétaire d'une part, qui continuerait d'obéir aux principes de comptabilisation des encaissements et des décaissements, et la comptabilité générale de l'Etat qui devrait appliquer les principes généraux et, notamment, retracer les charges et les produits ainsi que les charges à payer et les produits à recevoir, nous inquiète.

Je me permets, sur ce point, de vous renvoyer à l'analyse que nous avons faite dans l'une des fiches que nous vous avons transmises, en même temps qu'à l'Assemblée nationale au mois de janvier (la fiche n° 14 sur la comptabilité budgétaire). La Cour, en l'état actuel de la situation, regrette cette séparation, cette dichotomie, car la comptabilité budgétaire n'est qu'une partie, qu'un des éléments de la comptabilité générale de l'Etat, certes tout à fait important, mais le fait d'obliger à un retraitement des résultats budgétaires pour passer en comptabilité générale, de permettre le maintien d'une période complémentaire donnant lieu -nous l'avons bien vu dans les dernières années d'exécution budgétaire- à des ajustements de résultats, de méthodes différentes, d'une année sur l'autre, pour comptabiliser certaines opérations (je vous renvoie à nos derniers rapports), ne nous paraît pas aller dans le sens d'un progrès véritable et nous craindrions que pour 20 ou 30 ans, on continue encore de séparer artificiellement la comptabilité budgétaire de la comptabilité générale.

Bien évidement, il est nécessaire de disposer -et le Parlement en premier- d'un résultat de l'exécution budgétaire en encaissements/décaissements. Cela me paraît très clair. Parce que c'est ce résultat en trésorerie qui commande directement les besoins en trésorerie de l'Etat et donc, les moyens de financements extra-budgétaires que l'Etat met en oeuvre pour financer la charge, non seulement la charge en termes de résultats annuels, mais la charge en termes infra-annuels, au mois le mois et au jour le jour. Cela est clair, mais nous pensons que qui peut le plus peut le moins.

En prévoyant une comptabilisation en charges et en produits on peut à tout moment sortir une situation de trésorerie décaissements/encaissements, alors que la démarche inverse n'est pas possible.

Je me permets de souligner ce souci que nous avons, que tout au moins le texte de la loi organique, même s'il n'impose pas que dès sa promulgation la comptabilité de l'Etat réponde en tous points aux principes généraux comptables ne ferme pas la porte à cette évolution que la plupart des pays connaissent, même s'ils sont à des stades d'avancement très divers actuellement, et je me permets de rappeler au Sénat que, dans le cadre de l' International Federation of Accountants , un organisme international certes non gouvernemental mais qui fait autorité dans la profession comptable, il y a un comité du secteur public où la France est représentée par 2 personnes dont un conseiller maître à la Cour des comptes.

L'IFAC travaille (elle est sur le point d'aboutir) à des recommandations de normes comptables internationalement reconnues pour les organismes publics, retenant, sous réserve d'un certain nombre d'exceptions, les principes généraux de comptabilité d'exercice pour les organismes publics, et il me semble que notre pays ne peut pas rester en retard ou en dehors de cette évolution.

J'en viens au deuxième volet des questions que vous avez posées et qui se relie à ce qui précède: la certification des comptes de l'Etat.

Ainsi que vous l'avez rappelé, la Cour des comptes, pour l'instant, se limite à un exercice assez vain intitulé « déclaration générale de conformité » qui a pu avoir un sens dans le passé et qui consistait à établir une conformité entre ce que l'on appelait les comptes des ministres (des ordonnateurs) et les comptes des comptables, à travers la centralisation qu'en faisait l'agence comptable centrale du trésor.

Depuis que les comptes des ministres n'existent plus en fait et ne sont plus que de simples annexes explicatives en matière budgétaire du compte général de l'administration des finances, certes signées par les ministres ou leurs délégataires, mais établis eux-mêmes par les services du ministère des finances, nous sommes amenés à déclarer une sorte de tautologie, et la vanité de cet exercice nous est apparue depuis plusieurs années.

Nous avons tenté d'élargir cette déclaration de conformité, de la rendre plus riche en l'assortissant d'observations tirées de nos contrôles sur l'exécution des budgets pouvant s'apparenter à des réserves de la part d'un commissaire aux comptes. Nous avons indiqué, sur les comptes de l'année 1999, que l'abus des comptes d'imputation provisoire de recettes était de nature à fausser le résultat budgétaire, en raison d'un montant beaucoup plus important que les années précédentes de recettes fiscales non imputées aux comptes définitifs.

Voilà un type d'observations assortissant notre déclaration générale de conformité qui, déjà, en renforce l'intérêt, mais qui sont loin d'en faire une véritable certification des comptes.

Cette certification des comptes n'est pas possible actuellement. Les comptes de l'Etat ne sont pas certifiables, car, pour ce faire, il faudrait que le contrôleur externe (le commissaire aux comptes d'une entreprise ou, dans le cas qui nous occupe la Cour des comptes), dispose d'un référentiel, à savoir d'un ensemble de normes comptables établies à l'avance et par rapport auxquelles le contrôleur vérifiera l'exhaustivité, la sincérité et la parfaite adéquation des comptes rendus à cet ensemble de normes.

Le premier travail à faire sera de définir les normes comptables de l'État, ce qui signifie remettre en chantier, parallèlement ou dès l'adoption de la loi organique, le règlement général sur la comptabilité publique de 1962.

Nous pensons que cette tâche devrait être confiée non pas seulement aux praticiens, à la direction générale de la comptabilité publique et la direction du budget ni même à la Cour des comptes qui pourra y apporter sa contribution si c'est souhaité, mais à un organisme sans doute ad hoc, peut-être le conseil national de la comptabilité ou une de ses formations spécialisées. Cela ne peut être ni l'exécutif seul ni la Cour des comptes seule ni sans doute le législateur puisque la question se pose de savoir dans quelle mesure le domaine comptable est ou non du domaine de la loi.

Je pense qu'il faudra songer à réunir un comité disposant d'une indépendance suffisante pour définir ce référentiel. A partir de là, il appartiendra à la Cour, progressivement, de se mettre en position d'assurer une véritable certification des comptes, mission nouvelle très consommatrice de moyens dont nous ne disposons pas actuellement, car si vous comparez les effectifs des commissaires aux comptes dans les grands cabinets internationaux, ou même nationaux, et que vous les rapportez au périmètre financier des comptes que la Cour serait censée examiner soit, si l'on y inclut la sécurité sociale, 4.000 milliards de francs d'argent public, les 300 personnes dont dispose la Cour des comptes, magistrats, rapporteurs et assistants - à supposer qu'elles se consacrent entièrement à cette tâche, ce qui est loin d'être le cas car nous avons nos autres missions - ne sont pas à l'échelle de ce problème.

Il est évident que la Cour des comptes devra être dotée des moyens de remplir cette mission que nous n'accomplirons pas du jour au lendemain.

Quelle que soit la rapidité avec laquelle le nouveau référentiel comptable de l'Etat sera défini, il faudra des temps d'adaptation pour l'administration et les comptables publics eux-mêmes. Je suppose, ainsi que nous l'avons indiqué dans l'une des fiches techniques que nous avions remises, que nous serons amenés à procéder à des certifications partielles.

Le périmètre de certification s'étendra peu à peu. On peut penser qu'en matière de recettes publiques, où le problème n'est pas très compliqué, nous aurons assez rapidement les moyens d'une certification. En revanche, à l'autre bout, sur le hors bilan de l'Etat, qui pose des problèmes importants et que nous tentons d'aborder dès le rapport sur la loi de finances 2000 (je vous l'indique au passage, Monsieur le Président) nous aurons beaucoup plus de mal et besoin de plus de délais pour certifier les comptes. Je pense que la Cour des comptes sera amenée à indiquer très clairement ce qui, dans le compte général de l'administration des finances, lui apparaît d'ores et déjà du domaine de la certification et ce qui n'en relève pas encore.

Concernant ce qui sera certifié, nous serons amenés à prononcer (j'ignore comment elles seront dénommées) des observations ou des réserves -pour reprendre la terminologie applicable aux commissaires aux comptes du secteur privé- qui serviront au Parlement à établir lui-même ses appréciations sur l'exécution du budget et les comptes de l'Etat.

Je me permets -et je vous prie, Monsieur le Président, Messieurs les sénateurs, de n'y voir aucune impertinence- de compléter la question que vous m'avez posée. Que fera le Parlement lui-même, et dans quel délai, de la certification des comptes assortie de réserves et d'observations faites par la Cour ?

Il lui appartiendra de déterminer les décisions qu'il prendra. Pourront-elles aller jusqu'à refuser le vote des lois de règlement ? Nous serions alors devant un problème inédit, mais dont la conséquence pratique n'apparaît pas très clairement et je me permets (là aussi sans aucune impertinence) de le dire au Sénat : dans quel délai ces lois de règlement seront-elles votées ? Je constate que le Parlement n'a pas encore voté définitivement (c'est pour bientôt) les lois de règlements 1998 et 1999.

Avec de tels délais d'approbation finale, la sanction donnée par le Parlement à ces projets de loi et, plus tard, à la certification des comptes, manquera probablement d'efficacité ou d'exemplarité. Je pense que les conséquences sur la Cour seront tout à fait évidentes en termes de délais, de moyens de travail et de professionnalisation. C'est tout à fait clair. Je pense aussi que cette certification et le nouveau style des lois de règlement auront nécessairement des conséquences sur le travail parlementaire de contrôle de l'exécution des lois de finances.

J'en viens au troisième volet de votre question, le plus novateur, celui qui interpelle le plus la Cour des comptes, puisque nous l'avons découvert dans toute son ampleur dans le document de travail actuel du Sénat.

De prime abord, les tâches nouvelles que le Sénat entend confier à la Cour et où je vois tout d'abord -et je vous en remercie- une marque de confiance, cette dimension nouvelle de notre rôle, nous paraissent déborder très largement dans les termes mêmes, la mission d'assistance au Parlement telle qu'elle est définie par la Constitution et telle que je l'avais rappelée de façon préliminaire.

Je me permets de rappeler très rapidement ce que la Cour apporte au Parlement : un rapport d'exécution des lois de finances dès le mois de juin. Cela a été en soit un progrès car, pour l'examen du projet de loi de finances de l'année N + 1, le Parlement dispose déjà d'un certain nombre d'analyses, certes non exhaustives, mais relativement détaillées sur les questions du budget de l'année N - 1, ce qui est un progrès par rapport à ce que l'on connaissait autrefois où ce rapport n'était disponible qu'au 1 er décembre au moment où le Gouvernement adoptait le projet de loi de règlement.

J'ajoute que nous l'avons complété, de façon quelque peu prétorienne avec l'assentiment des deux Assemblées, par un rapport préliminaire, beaucoup plus succinct, sur l'exécution budgétaire que nous vous remettons en prévision du débat d'orientation budgétaire et je vous indique, concernant l'année 2000, que ce rapport vous sera remis avant 15 jours.

Nous livrons également le rapport sur la sécurité sociale qui, vous le savez, représente un travail très important, qui se place dans un cadre institutionnel tout à fait différent, puisque les organismes de sécurité sociale, mis à part quelques établissements publics nationaux, ne sont pas des organismes de l'Etat et ne disposent pas de comptables publics et que, par ailleurs, c'est un domaine régi par une loi de financement propre, dont le contenu et l'aspect plus ou moins contraignant sont bien évidemment très différents de ceux des lois de finances, mais c'est un sujet que le Sénat connaît encore mieux que la Cour des comptes.

Nous publions également le rapport public annuel comprenant le plus souvent des monographies thématiques ou organiques sur certains sujets susceptibles d'intéresser une partie tout au moins des rapporteurs des différents budgets et, dans le même esprit, des rapports particuliers. Je mentionnerai ceux que nous avons remis l'année dernière et cette année, par exemple sur la fonction publique de l'État ou sur le soutien de l'Etat au secteur public financier.

Nous vous transmettons chaque année entre 40 et 50 rapports particuliers sur les entreprises publiques, puisqu'il a toujours été prévu depuis que la Cour a reçu cette mission en 1976, que ces rapports étaient directement transmis aux commissions des finances des deux Assemblées et, en vertu d'une disposition plus récente, le nouvel article L.135-5 du Code des juridictions financières, la Cour des comptes transmet aux commissions des finances tous les référés adressés aux ministres, assortis de leurs réponses, tout au moins celles reçues dans les 3 mois.

Cette disposition est de nature à enrichir l'information du Parlement. Nous tentons, quand nous en recevons, de répondre aux questions particulières qu'en vertu de la loi les commissions des finances des deux Assemblées et les commissions des affaires sociales sont habilitées à poser à la Cour, et j'indique également -mais vous le savez- que la Cour a apporté son concours et continue de le faire, à raison d'environ 20 séances par session, aux travaux de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale.

Je ne tire aucune conclusion particulière de tout ce que je viens de rappeler, mais d'ores et déjà, si l'on tente de quantifier la part de nos moyens consacrés directement à des travaux destinés au Parlement ou que le Parlement attend de nous, plus du tiers des moyens de la Cour sont en permanence dévolus à ces tâches.

J'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du chapitre 2 intitulé : « Du contrôle » du document de travail actuel du Sénat . Y figure une première idée qui serait nouvellement inscrite dans la loi de manière que la Cour assiste les Parlementaires dans leur contrôle sur pièces et sur place.

Ceci pose un certain nombre de questions. Certes, je comprends bien que cette idée entre dans le champ du contrôle de l'exécution de la loi de finances. Ce n'est pas contestable mais, nous concernant, c'est en dehors de nos procédures traditionnelles, à savoir en dehors de l'examen des comptes rendus -appuyés de pièces justificatives- à la Cour, car l'on peut penser que ce seront des missions déclenchées, comme les commissions parlementaires en ont le droit, pour vérifier certaines opérations.

Je pense aux opérations de fin de gestion au moment même où elles se clôturent et où vous pourriez avoir besoin de vous entourer d'un concours et d'une coopération technique de la Cour.

Sans que nous ayons pu encore en délibérer, je vous indique ma première réaction. C'est une disposition envisageable, devant avoir lieu en toute clarté, à savoir que les services contrôlés sachent qu'il s'agit de contrôles déclenchés par les commissions du Parlement en vertu des pouvoirs dont elles disposent et pour lesquels elles ont demandé une collaboration technique de la Cour. Ces contrôles se dérouleront selon les procédures et les modalités que les commissions des finances ont arrêtées et presque nécessairement, pas selon les méthodes de la Cour, en particulier sans les délais de contradiction écrite ou orale qui, comme vous le savez, s'imposent à nous et sont parfois la raison de la longueur de nos procédures et des délais dans lesquels nous délivrons nos rapports.

Bien évidemment, cela nous posera un problème de moyens éventuellement. Cela dépendra de la fréquence de ces contrôles, mais je ne me sens pas autorisé à refuser d'emblée ce type d'assistance aux commissions des finances.

La deuxième idée qui a retenu mon attention n'est pas nouvelle, mais entourée de précisions apportées aux contributions que la Cour doit donner au Parlement dès lors qu'elle est saisie par l'une ou l'autre des commissions des finances, de demandes d'enquêtes étant entendu qu'il peut s'agir également de demandes formulées par les commissions d'enquête du Parlement.

Le délai maximum de 8 mois, prévu à votre texte, dans lequel la Cour devrait satisfaire à ces demandes est nouveau.

Nous appliquerons la loi. Mais je voulais vous rendre sensibles au fait que ce délai peut s'avérer très suffisant et peut-être trop long dans le cadre d'une demande d'enquête très ponctuelle mais, en revanche, sur une demande d'enquête impliquant l'examen d'une politique publique ou d'un grand nombre d'institutions, il peut se révéler parfaitement insuffisant.

J'émets quelque scepticisme sur la possibilité d'indiquer d'emblée dans une loi organique un délai de ce type.

Je ne fais que reprendre les remarques que la Cour vous a déjà présentées, Monsieur le Président, ainsi qu'à l'Assemblée nationale dans les temps anciens ; le problème du moment où ces demandes sont faites est pour nous très important, car une institution comme la Cour ne peut pas travailler sans un programme tenant compte d'un certain nombre de priorités. Celles que nous imposent nos missions premières, nos missions à l'égard du Parlement, de jugement des comptables publics dans un délai raisonnable, la mission de contrôle des comptes des entreprises publiques en groupant 3 ou 4 exercices mais, autant que possible, pas plus, et, sur la plage restant libre de notre potentiel, les sujets que nous choisissons.

Bien évidemment, les demandes d'enquête du Parlement doivent être prioritaires et je crois pouvoir dire que, dans le passé, il est déjà arrivé que la Cour soit amenée à modifier son programme en cours de route pour satisfaire une demande dans le cadre du Parlement. Si les demandes du Parlement peuvent nous parvenir au moment où nous constituons nos programmes annuels à l'automne, en octobre-novembre, il est bien plus facile de les intégrer d'emblée sans avoir à désorganiser des équipes et un programme de travail déjà en cours.

Je me permets de rappeler cette demande.

Sur ce point je ferai une dernière observation : je sais que l'exemple des institutions supérieures de contrôle étrangères est présent dans l'esprit d'un certain nombre de parlementaires à l'Assemblée comme ici et, notamment, le rôle que peut jouer le G.A.O. des États-Unis dans l'évaluation des politiques publiques et, plus généralement, comme auxiliaire du Congrès américain.

Je connais un peu le G.A.O. Il faut se garder en cette matière d'erreurs d'optique. Le G.A.O. ne travaille pas uniquement sur commande du Congrès ni même principalement. J'ai connu un de ses directeurs qui m'avait indiqué que 60 % du programme était celui que le G.A.O. définissait lui-même.

Quand des investigations qu'il a menées en vertu de son programme lui paraissent d'un intérêt suffisant pour retenir l'attention des parlementaires, il en informe le Congrès et lui dit : « Nous sommes prêts à vous donner dans quelques mois ou semaines les résultats de nos enquêtes sur tel ou tel type de dépenses fédérales ou telle ou telle agence fédérale ».

J'y vois plutôt une démarche un peu identique à celle que nous tentons d'avoir avec la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, à qui nous indiquons en amont de la définition de son programme de travail : « Voici les domaines sur lesquels -s'ils vous intéressent et si vous souhaitez un concours de la Cour des comptes- vous pourrez avoir rapidement des éléments, car nous achevons ce contrôle ou il l'est déjà, la contradiction est faite et nos observations sont rédigées ».

Je préfère cela à l'idée selon laquelle la Cour des comptes pourrait très rapidement et « au presse-bouton », sur tous les sujets, répondre à toutes demandes d'enquête quelles qu'elles soient. Cela peut être envisagé, mais probablement avec des moyens et une pluridisciplinarité très supérieur à ce dont nous disposons actuellement.

Enfin, j'en viens à un troisième aspect où, comme vous l'avez rappelé Monsieur le Président, il s'agirait de systématiser les rapports que la Cour serait amenée à produire à l'appui des projets de loi de finances et, notamment, des rapports portant sur la pertinence des annexes explicatives, à savoir essentiellement les annexes qui, par ministère, définissent chaque année les moyens dans le nouveau cadre des missions et des programmes.

Je voudrais dire sur ce point que nous avons déjà essayé -et vous le verrez dans le prochain rapport du mois de juin-, de faire par ministère -pour les plus importants- (nous ne le ferons pas encore pour tous) une revue de l'exécution du budget, ce que nous faisons sous forme de monographies annexes. Nous essaierons de le faire systématiquement chaque année en nous appuyant sur les comptes rendus d'exécution budgétaire.

Dans les circonstances actuelles -car nous ne pouvons pas attendre le mois de juin et que les comptes rendus d'exécution budgétaire de 2000 soient rendus par tous les ministères-, nous nous appuierons essentiellement sur les comptes rendus budgétaires de l'année précédente et en sortirons des indications pouvant être utiles au Parlement, dans son appréciation des moyens nouveaux demandés dans le cadre du budget nouveau.

Pour le reste, j'ai bien compris qu'il ne s'agissait pas de demander à la Cour son avis sur la sincérité des prévisions (économiques et, notamment, de leurs conséquences sur les prévisions de recettes. Je crois en effet que cela supposerait soit que la Cour reçoive par la loi un accès direct et un pouvoir de commandement à l'égard de l'INSEE ou de la direction de la Prévision, soit qu'elle se constitue elle-même un corps d'experts économiques en mesure de discuter, à partir des mêmes sources d'information, les prévisions arrêtées par le Gouvernement.

Ce n'est pas ce dont il s'agit, mais plutôt de la pertinence formelle des annexes, par ministère.

Je ferai état à ce sujet de trois interrogations :

Premièrement, ce travail ne pourrait se faire qu'en s'appuyant sur les constatations de l'exercice précédent, en réalité ce qui figurera déjà dans nos rapports sur l'exécution des lois de finances, notamment quant au rythme de consommation des crédits. C'est déjà un élément sur lequel nous essayons de vous apporter des informations et, pour bien faire, il faudrait que ce soit également sur une expertise de la consommation des crédits dans l'exercice courant ; pas seulement N - 1, mais aussi N, de façon à vous éclairer complètement sur les conditions dans lesquelles on vous propose pour N + 1 telle ou telle demande de moyens.

Or, actuellement, la mission de la Cour repose sur des comptes rendus par les administrations et les comptables et sur des pièces justificatives produites à la Cour, soit systématiquement, soit à sa demande.

Déjà, sur ce point, la demande supplémentaire qui est faite ne correspond pas au cadre actuel et il faudra réfléchir à toutes les conséquences que cela pourrait avoir.

Deuxième observation de nature plus subjective : annexer systématiquement à tous les budgets ministériels aux « bleus » tels qu'ils seront dans la nouvelle forme, un avis de la Cour, revient, me semble-t-il, à juxtaposer à une proposition du Gouvernement, à savoir à un arbitrage le plus souvent de nature politique, un avis en principe technique mais dont on aurait du mal à le distinguer.

Une chose est de constater un taux de consommation des crédits qui est une donnée objective, mais ce ne peut être que le taux ressortant de l'exercice précédent, une autre est de formuler des appréciations sur le côté excessif ou l'aspect d'affichage d'une prévision de crédits. Car, après tout, le Gouvernement peut entre-temps s'être rendu compte du mauvais taux d'exécution des crédits, sur un chapitre, et s'être donné les moyens -mais ceci n'apparaît pas nécessairement dans le document budgétaire et demande une enquête et nécessite de poser des questions à l'administration- d'aboutir, dans l'exercice suivant, à un taux d'exécution satisfaisant.

Vous voyez la difficulté dans laquelle se trouvera la Cour pour asseoir sur des données réellement objectives et non pas susceptibles d'interprétations diverses des analyses sur ce point.

Troisième problème qui me paraît dirimant : celui des délais. Si pour apporter un avis systématiquement à toutes les annexes budgétaires, la Cour dispose, comme le Conseil d'Etat sur le projet de loi de finances, d'un délai de 10 ou 15 jours, cela me paraît complètement exclu.

Tout cela explique sans doute que le Conseil d'Etat se consacre surtout -autant que je sois informé- à fournir un avis au Gouvernement sur les dispositions fiscales des projets de loi, et principalement sur celles-là, avec les experts fiscaux dont le Conseil d'Etat dispose.

Ici, il ne s'agit pas d'un avis au Gouvernement, mais pour le Parlement enserré dans des délais extrêmement courts. A supposer que l'on nous donne 3 semaines au mois d'août, cela supposerait que les annexes explicatives soient prêtes début août, alors que ce n'est qu'à partir de fin août que nous commençons à en disposer et que la plupart tombent courant septembre au moment où le projet de loi de finances est adopté par le Gouvernement.

Je ne vois pas comment dans un si court délai, quels que soient les moyens supplémentaires dont nous serions dotés, nous pourrions répondre à cette demande.

Il existe peut-être une façon d'aller dans le sens du souhait du Sénat qui serait d'enrichir et d'actualiser au maximum notre rapport actuel sur l'exécution des lois de finances, disponible en juin, en essayant de donner au Parlement, à ce stade du mois de juin, quelques indications sur la situation du budget de l'année N, à savoir du budget en cours d'exécution.

Cela suppose également des moyens supplémentaires, un changement d'optique et de méthodes de travail, mais nous pourrions, dans le cadre de notre enquête sur l'exécution du budget N - 1, tenter d'actualiser nos observations pour que vous ayez une indication sur le fait que la tendance au report, à la sous-consommation des crédits, qui me paraît un exemple parlant, se retourne ou, bien au contraire, perdure.

Ce serait une indication qui se limiterait à la date de la fin du premier trimestre ou, au maximum, du mois d'avril.

Sur ce troisième volet des nouveautés que vous souhaiteriez inclure dans les missions de la Cour, je vous fais part de mes interrogations très fortes, en vous précisant que ce que je vous dis là l'est très largement en mon nom personnel et après avoir consulté les conseillers maîtres les plus directement intéressés à ce sujet, mais sans avoir pu procéder à une véritable consultation à la Cour et notamment de tous les Présidents de chambres, directement intéressés ; vous comprendrez que, sur ce point, je reste encore relativement prudent et circonspect.

M. LAMBERT, Président.- Merci, Monsieur le Premier Président, de cette communication très approfondie et qui -je comprends parfaitement les réserves que vous avez exprimées- nous permet d'avoir un certain nombre de réponses à des questions qui n'étaient que des pistes et sur lesquelles il était pour nous important d'avoir votre première réaction. Je vous remercie de l'avoir exprimée d'une manière aussi directe et aussi dépouillée de précautions qui auraient rendu le message moins compréhensible pour nous.

Je vous propose de poser vos questions successivement, et Monsieur le Premier Président y répondra.

M. BLIN.- Monsieur le Président a bien voulu à la fin de son propos évoquer le sujet que j'avais en tête en l'écoutant, à savoir la frontière délicate respectée entre la fonction de la Cour des comptes qui est juridictionnelle, normative d'une part et, d'autre part, le problème politique -osons l'adjectif, il est essentiel- qui est un meilleur contrôle des finances de l'Etat à travers les décisions prises par le Gouvernement et le contrôle que peut en faire le Parlement.

Vous avez dit à deux reprises que la Cour, surtout quand l'on envisage de la charger de tâches nouvelles dans des délais beaucoup trop courts n'a pas les moyens de contrôler véritablement 4 000 milliards de francs. Elle fait aussi bien qu'elle le peut, mais ne peut pas davantage. Ne nous faisons pas trop d'illusions.

La question que je me pose depuis longtemps : à condition qu'il le veuille, qu'il lui consacre le temps nécessaire, qu'il ait généralement une compétence relativement suffisante pour pénétrer les arcanes d'un Etat de plus en plus complexe, le parlementaire bien intentionné dispose-t-il des moyens dont il a besoin pour contrôler le suivi de la consommation des crédits ?

Pouvez-vous à la lumière de vos travaux que vous conduisez a posteriori tardivement et dans un esprit tout à fait différent de celui auquel je songe, qui est politique, nous dire si le Parlement peut réellement aujourd'hui assumer cette fonction de contrôle de l'exécutif ?

Vous avez évoqué le G.A.O. américain que nous connaissons bien ; je ne savais pas qu'il n'était pas entièrement à la disposition du Parlement. Peut-on envisager que nous disposions demain d'un organisme de contrôle qui ne serait pas vous, car vous êtes a posteriori, ni nous-mêmes car, soyons clairs, quand nous nous approchons d'un ministre et de ses collaborateurs, ils nous disent ce qu'ils veulent bien nous dire et il nous est difficile d'aller au-delà et quand nous tentons d'aller au-delà, cela fait de vifs grincements de dents et nous sommes frustrés, car nous restons à la marge.

M. CHARASSE.- Monsieur le Président, sur la question qu'a longuement abordée le Premier Président, de la comptabilité publique, je ne partage pas tout à fait l'analyse qui a été faite. C'est l'ordonnance de 1959 qui a placé la comptabilité publique dans le domaine réglementaire, car elle a dit que des décrets déterminent les règles de comptabilité publique.

Or, la loi organique n'a pas été validée par le Conseil constitutionnel à l'époque car il n'a pas vu les ordonnances, sinon l'article 4 sur les taxes parafiscales n'aurait pas passé la barre. Il se trouve que le décret de décembre 1962 sur la comptabilité publique comporte des dispositions à l'évidence réglementaires, mais d'autre qui, à l'évidence, sont législatives comme par exemple tout ce qui touche au droit des personnes, la prescription, les recouvrements forcés, les saisies, ou aux droits des fonctionnaires, à savoir les droits des ordonnateurs et des comptables, les questions de débet et de responsabilité pécuniaire et autres.

Je ne pense pas que la reprise pure et simple des dispositions de l'ordonnance de 1959 sur la comptabilité publique, dans la nouvelle loi organique, soit acceptée sans nuances par le Conseil constitutionnel.

Les règles comptables applicables aux collectivités locales, la M14 par exemple dont le Premier Président a souligné l'intérêt et auxquelles les élus locaux ne comprennent rien, sont fixés au niveau des principes par la loi, mais c'est sans doute au regard de l'article 72 de la Constitution stipulant que : « Les collectivités s'administrent librement dans des conditions fixées par la loi. » On voit mal comment les autorités publiques inférieures seraient mieux protégées que la collectivité supérieure qu'est l'Etat, d'où j'en déduis que la majeure partie du décret de 1962 relève sans doute en fait du domaine de la loi, d'autant qu'il intervient dans des domaines qui engagent la responsabilité du Gouvernement et ne sont pas sans incidence pour le contrôle parlementaire.

Je partage l'analyse du Premier Président sur toutes les questions de contrôle, en particulier sur l'assistance des rapporteurs spéciaux effectuant des contrôles sur place et sur pièces.

Je voudrais dire au Premier Président comme à son prédécesseur que les contrôles sur place et sur pièces que nous effectuons -il m'arrive d'en faire, la commission des finances le sait-, sont transmis maintenant -puisque le Président Lambert l'a bien voulu- systématiquement à la Cour des comptes pour information. Nous n'avons jamais de retour. Ce n'est pas grave. Mais que se passera-t-il le jour où un rapport de la Cour des comptes sur même sujet dira le contraire d'un rapporteur spécial ? N'allons-nous pas nous trouver dans une situation difficile, si nous n'avons pas tout au moins l'assurance que nos conclusions de contrôle sur pièces et sur place sont examinées, si nous ignorons quelle conclusion (en privé) en tire la Cour ?

Quand on signale qu'un centre culturel a été pillé par son directeur, qu'il est parti avec la voiture, la caisse et que l'on n'a pas de retour, ou que 20 millions de francs de crédits pour des adductions d'eau ont été volés dans un pays africain, que se passe-t-il ? Pas de retour. Je ne souhaiterais pas que l'on trouve dans un rapport de la Cour des comptes des éléments qui soient le contraire en termes d'appréciation ou autres et qui mettraient la juridiction dans une situation très difficile vis-à-vis de l'autorité politique que nous sommes, d'autant que les rapports sur pièces et sur place sont soumis à la commission des Finances qui autorise ou pas leur envoi aux diverses administrations concernées et maintenant à la Cour.

M. FREVILLE.- L'exécution du budget sera contrôlée au vu d'indicateurs de performance de résultats. C'est tout à fait différent des indicateurs financiers, des données financières que nous avions. C'est un problème qui deviendra statistique.

Qui élaborera (concernant le choix des indicateurs, nous pourrons trouver des solutions) les chiffres qui nourriront ces indicateurs ? S'agira-t-il des services statistiques des ministères ? Il y en a. L'INSEE ? Et, surtout, qui contrôlera les statistiques ? Or, nous nous apercevons qu'il est infiniment plus difficile de contrôler des indicateurs de résultats que de contrôler des francs ou des euros.

Quand on veut déterminer quelle est la proportion de jeunes Français qui sauront lire et écrire, élaborer des données sur la criminalité -c'est là-dessus que nous devons juger le budget -un problème de déontologie statistique est sous-jacent. Qui devra établir ces règles de déontologie statistique et qui pourra contrôler ?

M. LOGEROT.- La question de M. Blin m'embarrasse beaucoup. Si je dis que la Cour n'aura jamais les moyens de faire ce qu'il faudrait, je dépose le « baluchon » sur le bord de la route, si quelqu'un veut le reprendre à ma place... Je n'ai pas le droit de prendre cette position. De toutes les manières, le problème d'un renforcement, au moins autant qualitatif que quantitatif, de la Cour s'imposera.

Que ce soit pour la certification ou pour répondre à des demandes supplémentaires du Parlement, nous ne pouvons pas vivre avec une telle limitation et, surtout, une telle instabilité de moyens. Comme vous le savez, parce que nous avons ce statut dit de grand corps comme le Conseil d'Etat ou l'inspection des finances, les ministères, les entreprises, les administrations, viennent puiser à qui mieux mieux dans les effectifs, notamment de conseillers référendaires. Chaque année 60 à 70 mouvements de personnel ont lieu à la Cour des comptes. Nous créons une équipe et parfois, 3 semaines plus tard, elle est déjà détruite parce qu'un jeune conseiller référendaire est appelé à un cabinet ministériel.

Je pense que de toutes les façons, il faudra que le Parlement veuille bien nous doter -car c'est de lui que cela dépend- des moyens supplémentaires.

Pour le reste, je ne suis pas sûr qu'il soit très opérationnel pour le Parlement -mais je le dis avec prudence et c'est un avis purement personnel- de se constituer à lui seul un nouvel organisme permanent ; en revanche je pense que sur certains sujets, le Parlement peut parfaitement, dans le cadre de ses moyens, diligenter des audits particuliers, car tout n'est pas non plus dans la gestion financière. La Cour n'a pas la compétence omnisciente. Elle n'est pas capable de donner un avis technique sur des éléments requérant des techniciens, des sociologues, des psychologues, des experts agricoles ou industriels.

Personnellement, je ne réclame pour la Cour des comptes aucune exclusivité dans l'évaluation des politiques publiques, qui se distingue du contrôle proprement dit.

Je note les observations de M. Charasse. S'il est de l'avis que la loi organique peut parfaitement poser les règles comptables de l'Etat, je m'en féliciterai. C'est simplement par souci de précaution (je l'avais cité à M. Migaud à l'Assemblée nationale) que je me demandais si le Conseil constitutionnel accepterait que nous allions très loin sur le domaine comptable dans la loi organique. La Cour le souhaite très fortement.

M. CHARASSE.- La loi ordinaire.

M. LOGEROT.- La loi ordinaire, mais il faudra faire une distinction.

Sur le fait que des constatations, voire le résultat de contrôle de rapporteurs spéciaux, restent sans suite à la Cour, je vous prie de me croire si je vous dis que je découvre ce sujet, Monsieur le ministre, et que j'en prends bonne note.

Qu'il s'agisse d'une information ou même du résultat d'un véritable contrôle exécuté par un parlementaire, c'est pour nous une obligation de mettre à notre programme ce sujet et de vous donner une suite. Je vous donne mon engagement personnel. C'est une question tout à fait essentielle.

M. Fréville a posé une très bonne question. La définition de batteries d'indicateurs et de leur suivi, de la fiabilité des données qui les nourriront, nécessitera que le programme des enquêtes statistiques des ministères qui est approuvé, comme vous le savez, chaque année par un arrêté ou un décret, soit adapté au nouveau statut des indicateurs et qu'en effet le recueil des renseignements statistiques soit le fait de spécialistes, qui obéissent à une déontologie particulière. Les fonctionnaires de l'INSEE sont soumis à des obligations précises qui, en général, sont respectées.

C'est dans ce cadre que l'appareil statistique de l'Etat devra se développer. L'INSEE a, dans la plupart des ministères, des missions ou des cellules détachées -c'est le cas notamment aux affaires sociales ou il existe un très gros appareil statistique. L'INSEE sera de plus en plus mis à contribution. Cela ne sera pas par de simples éléments recueillis dans l'actualité de tous les jours par les services, que l'on pourra trouver les renseignements fiables.

C'est l'un des sujets que nous devrons étudier à partir des premiers éléments que nous avons dans les comptes rendus budgétaires, qui est la fiabilité des renseignements d'ores et déjà récoltés et, aussi, la façon dont il faut les interpréter. Quand les services de police et de gendarmerie notent une extension des contraventions, des délits dans tel ou tel domaine, est-ce parce ce que la criminalité s'est développée ou que l'on a mieux cerné les problèmes ? Les services de police de gendarmerie ont-ils été plus efficaces ?

Je découvrais dans The Economist de ce matin un article critique sur la manière dont les « targets », les objectifs des programmes et la façon de voir leur exécution, étaient traités dans les administrations britanniques car cela avait représenté un projet très important de l'administration Thatcher. Dans ce journal, qui n'est pas spécialement censé faciliter la tâche de l'actuel gouvernement britannique, c'est une réflexion assez désabusée sur les définitions d'objectifs et d'indicateurs. Je crois que ces leçons étrangères sont très importantes.

M. LAMBERT, Président.- Permettez-moi de qualifier cette audition de très prometteuse pour l'avenir de l'assistance de la Cour au Parlement que la Constitution prévoit. Il me semble que vous avez, avec courage et responsabilité, voulu nous ouvrir la porte à revisiter ces relations d'assistance et je pense que c'est très prometteur pour les missions que nous avons reçues les uns et les autres.

III. TABLEAU COMPARATIF

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Texte de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances

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Texte adopté par

l'Assemblée nationale

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Propositions de la commission

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TITRE I er A

DES LOIS DE FINANCES

Article additionnel avant l'article 1 er

Dans les conditions et sous les réserves prévues par la présente loi organique, les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État ainsi que l'équilibre financier qui en résulte. Elles tiennent compte d'un équilibre économique qu'elles décrivent, ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu'elles déterminent.

Elles approuvent le budget de l'État qui décrit l'ensemble de ses recettes et de ses dépenses budgétaires pour un exercice, ainsi que l'équilibre budgétaire qui en résulte. Sans préjudice des dispositions prévues à l'article 26 ter, l'exercice s'étend sur une année civile.

Les lois de finances peuvent comporter toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, ainsi qu'à la comptabilité de l'État et au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics.

Ont le caractère de lois de finances :

1° La loi de finances de l'année et les lois de finances rectificatives ;

2° La loi de règlement ;

3° Les lois prévues à l'article 45.

TITRE I er

DES RESSOURCES ET DES
CHARGES DE L'ÉTAT

TITRE I er

DES RESSOURCES ET DES
CHARGES DE L'ÉTAT

Article 1 er

Article 1 er

Les ressources et les charges de l'État, au sens de l'article 34 de la Constitution, comprennent les ressources et les charges budgétaires ainsi que les ressources et les charges de trésorerie. Elles sont déterminées par les lois de finances dans les conditions et sous les réserves prévues par la présente loi organique.

Les ressources et les charges de l'État comprennent les ressources et les charges budgétaires et les ressources et les emplois de trésorerie.

Les impositions de toute nature autres que celles des collectivités territoriales ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui, et sous les réserves prévues par les articles 31, 33 et 48 quinquies .

CHAPITRE I er

Des ressources et des charges

budgétaires

CHAPITRE I er

Des recettes et des dépenses

budgétaires

Article 3

Article 2

Article 2

Les ressources permanentes de l'État comprennent :

Les ressources budgétaires de l'État comprennent :

Les recettes budgétaires de l'État comprennent :

- les impôts ainsi que le produit des amendes ;

1° Des impositions de toute nature ;

1° Alinéa sans modification.

- les rémunérations de services rendus, redevances, fonds de concours, dons et legs ;

- les revenus du domaine et des participations financières ainsi que la part de l'Etat dans les bénéfices des entreprises nationales ;

2° Les produits de ses activités industrielles et commerciales, les rémunérations de services rendus par lui, les produits et revenus de son domaine, les produits et revenus de ses participations financières , les intérêts des prêts, avances et dotations assimilées consentis par lui, les retenues et cotisations sociales établies à son profit, le produit des amendes, des versements d'organismes publics et privés autres que ceux relevant des opérations de trésorerie et les produits générés par les opérations de trésorerie primes à l'émission d'emprunts de l'État ;

2° Les revenus courants de ses activités industrielles et commerciales, de son domaine, de ses participations financières ainsi que de ses autres actifs et droits, les rémunérations des services rendus par lui, les retenues...

... des amendes, les versements ...

... d'emprunts de l'État ;

3° Les fonds de concours, ainsi que les dons et legs consentis à son profit ;

3° Sans modification

bis Les revenus courants divers ;

- les remboursements de prêts et avances ;

4° Les remboursements des prêts et avances prévus au 2° ;

Les remboursements des prêts et avances ;

- les produits divers.

5° Des produits divers.

Les produits des cessions de ses participations financières ainsi que de ses autres actifs et droits ;

6° Les produits exceptionnels divers.

Article 5

Article 3

Article 3

La rémunération des services rendus par l'État ne peut être établie et perçue que si elle est instituée par décret en Conseil d'État pris sur rapport du ministre des finances et du ministre intéressé.

........................................................

La rémunération de services rendus par l'État peut être établie et perçue sur la base de décrets en Conseil d'État pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Ces décrets deviennent caducs en l'absence d'une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l'année concernée.

Sans modification

Article 6

Article 4

Article 4

Les charges permanentes de l'État comprennent :

Les charges budgétaires de l'État comprennent :

Les dépenses budgétaires de l'État comprennent les catégories suivantes :

- les dépenses ordinaires ;

- les dépenses ordinaires ;

- les dépenses en capital ;

- les dépenses d'intervention ;

- les prêts et avances.

- les dépenses d'investissement.

Les dépenses ordinaires sont groupées sous quatre titres :

Les dépenses ordinaires sont groupées sous quatre titres :

- charges de la dette publique, ainsi que de la dette viagère et dépenses en atténuation de recettes ;

- dépenses de rémunération de la dette de l'État et dépenses en atténuation de recettes ;

- dotation des pouvoirs publics ;

1° Les dotations des pouvoirs publics ;

- dotations des pouvoirs publics ;

2° Les dépenses de personnel ;

- dépenses de personnel ;

3° Les dépenses de fonctionnement, autres que celles de personnel ;

- autres dépenses de fonctionnement courant.

Les dépenses d'intervention ;

Les dépenses d'intervention sont groupées sous quatre titres :

- dépenses de transfert ;

- dépenses de prêts et d'avances ;

- dépenses de subventions de fonctionnement ;

- dépenses résultant des garanties supportées par l'État.

Les dépenses d'investissement sont groupées sous trois titres :

Les dépenses d'investissement de l'État pour son propre compte ;

- dépenses d'investissement de l'État pour son propre compte ;

- dépenses d'aide à l'investissement ;

- dotations en fonds propres et acquisitions d'actifs.

6° Les prêts et avances.

Alinéa supprimé

- dépenses de personnel et de matériel applicables au fonctionnement des services ;

- interventions de l'État, notamment en matière économique, sociale et culturelle.

Les dépenses en capital sont groupées sous trois titres :

- investissements exécutés par l'État ;

- subventions d'investissement accordées par l'État ;

- réparation des dommages de guerre.

Les prêts et avances de l'Etat sont groupés sous quatre titres :

- prêts du fonds de développement économique et social ;

- prêts intéressant le logement ;

- prêts divers consentis par l'État ;

- avances de l'État.

Article 16

Article 5

Article 5

Le budget est constitué par l'ensemble des comptes qui décrivent, pour une année civile, toutes les ressources et toutes les charges permanentes de l'État.

Les ressources et les charges budgétaires de l'État sont retracées dans le budget sous forme de recettes et de dépenses.

Supprimé.

.....................................................

Au sens de l'article 47 de la Constitution, l'exercice s'entend de l'année civile.

Article 18

Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général.

Le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'État. Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses.

.....................................................

L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique, intitulé budget général.

Article 2

.....................................................

Seules les dispositions relatives à l'approbation de conventions financières, aux garanties accordées par l'Etat, à la gestion de la dette publique ainsi que de la dette viagère, aux autorisations d'engagements par anticipation ou aux autorisations de programme peuvent engager l'équilibre financier des années ultérieures. Les lois de programme ne peuvent permettre d'engager l'Etat à l'égard des tiers que dans les limites des autorisations de programme contenues dans la loi de finances de l'année.

.....................................................

Seuls les opérations relatives à la gestion de la dette de l'Etat et de la dette viagère, les autorisations d'engagement, les engagements par anticipation, les garanties accordées par l'Etat et les conventions financières peuvent engager l'équilibre financier des années ultérieures.

Article 16

Article 6

Article 6

......................................................

La comptabilisation des recettes et des dépenses budgétaires obéit aux principes suivants :

Supprimé.

Les recettes sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont encaissées par un comptable public.

1° Les recettes sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont encaissées par un comptable public ;

Les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle les ordonnances ou mandats sont visés par les comptables assignataires ; elles doivent être payées sur les crédits de ladite année, quelle que soit la date de la créance.

2° Les dépenses payables après ordonnancement sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle les ordonnances ou mandats sont visés par les comptables assignataires. Les dépenses payables sans ordonnancement préalable sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont payées par un comptable public. Toutes les dépenses doivent être imputées sur les crédits de l'année considérée, quelle que soit la date de la créance ;

3° Les recettes et dépenses portées aux comptes d'imputation provisoire sont enregistrées aux comptes définitifs au plus tard à la date de l'arrêté du résultat budgétaire. Le détail des opérations de recettes qui, à titre exceptionnel, n'auraient pu être imputées à un compte définitif à cette date figure dans l'annexe prévue par le 4° de l'article 46.

Un décret en Conseil d'État pris sur le rapport du ministre des finances fixe les modalités d'application des principes qui précèdent et les conditions dans lesquelles des exceptions peuvent y être apportées, notamment en ce qui concerne les opérations de régularisation.

Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, des exceptions peuvent être apportées aux principes énoncés au présent article en ce qui concerne les engagements par anticipation susceptibles d'être autorisés sur le budget général, les opérations de régularisation et les autres opérations susceptibles d'être effectuées au cours d'une période complémentaire qui ne peut excéder vingt jours.

CHAPITRE II

Des autorisations budgétaires

CHAPITRE II

De la nature et de la portée des autorisations budgétaires

Article 7

.....................................................

Article 7

Article 7

[ Les crédits ouverts par les lois de finances ] sont affectés à un service ou à un ensemble de services. Ils sont spécialisés par chapitre, groupant les dépenses selon leur nature ou selon leur destination. Toutefois, certains chapitres peuvent comporter des crédits globaux destinés à faire face à des dépenses éventuelles ou à des dépenses accidentelles.

I. - Les crédits ouverts par les lois de finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de l'État sont regroupés par mission relevant d'un ou plusieurs services d'un même ministère.

I. - Les crédits ...

...au titre de chacune des dépenses budgétaires...

...services, d'un ou plusieurs ministères , et sont spécialisés par programme .

Toutefois, sont spécialisés, par dotation, les crédits relatifs :

- aux pouvoirs publics, chacun d'entre eux faisant l'objet d'une ou plusieurs dotations ;

- aux dépenses en atténuation de recettes ;

- aux dépenses résultant des mesures générales en matière de rémunérations dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits ;

- aux dépenses accidentelles, destinés à faire face à des calamités ;

- aux dépenses imprévisibles ;

- aux dépenses de pensions et d'avantages accessoires ;

- aux dépenses résultant des appels en garantie de l'État.

Une mission comprend un ensemble cohérent de programmes, ou, à titre exceptionnel, un seul programme. Seule une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale peut créer une mission.

Une mission comprend un ensemble homogène de programmes ou de dotations. Seule ....

...une mission.

Un programme comprend les crédits concourant à la réalisation d'un ensemble cohérent d'objectifs définis en fonction de finalités d'intérêt général et de résultats attendus.

Un programme regroupe les crédits ouverts pour mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions, auquel sont associés des objectifs précis et des indicateurs en mesurant les résultats .

Les crédits des pouvoirs publics sont regroupés au sein d'une mission comportant un ou plusieurs programmes spécifiques à chacun d'entre eux.

Alinéa supprimé

Les crédits d'un programme sont présentés par titre. Chaque catégorie de charges prévue du 1° au 6° de l'article 4 constitue un titre.

Alinéa supprimé

Les crédits sont ouverts aux ministres.

II. - Les crédits sont spécialisés par programme.

II. - Les crédits sont limitatifs, sous réserve des dispositions prévues aux articles 10 et 24.

Des crédits globaux peuvent également être ouverts pour des dépenses dont la répartition par chapitre ne peut être déterminée au moment où ils sont votés. L'application de ces crédits au chapitre qu'ils concernent est ensuite réalisée par arrêté du ministre des finances.

Toutefois, peuvent comporter des crédits globaux :

Alinéa supprimé

1° Un programme pour dépenses accidentelles, destiné à faire face à des calamités ou à des dépenses imprévues ;

Alinéa supprimé

2° Un programme pour mesures générales en matière de rémunérations, destiné à faire face à des dépenses de personnel dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits.

Alinéa supprimé

La répartition des crédits globaux est effectuée conformément aux dispositions de l'article 12.

Alinéa supprimé

Les crédits sont présentés selon les titres mentionnés à l'article 4.

Article 1 er

......................................................

La présentation des crédits par titre est indicative. Toutefois, les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel de chaque programme constituent le plafond des dépenses de cette nature.

Les crédits...

...dépenses de cette nature. Les crédits ouverts sur chaque programme ne peuvent être modifiés que par une loi de finances ou en application des dispositions prévues aux articles 9, 12 à 15 et 18.

III. - A l'exception des crédits du programme prévu au 2° du II, les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de plafonds d'autorisation des emplois rémunérés par l'État. Ces plafonds sont spécialisés par ministère.

III. - Les lois de finances fixent, par ministère, les plafonds d'autorisations des emplois rémunérés par l'État. Ils sont limitatifs.

La répartition des emplois autorisés entre les ministères ne peut être modifiée que par une loi de finances ou, à titre exceptionnel, en application du II de l'article 13.

......................................................

Article 8

Article 8

Article 8

......................................................

Un même chapitre peut être doté à la fois de crédits d'autorisation de programme et de crédits de paiement.

Les crédits ouverts sur chaque programme sont constitués d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement.

Les crédits ouverts sont constitués d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement.

Article 12

Les dotations affectées aux dépenses en capital et aux prêts et exceptionnellement les dotations affectées aux dépenses ordinaires de matériel peuvent comprendre des autorisations de programme et des crédits de paiement.

Les autorisations d'engagement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées pour le programme considéré . Pour une opération d'investissement, l'autorisation d'engagement couvre un ensemble cohérent et de nature à être mis en service ou exécuté sans adjonction.

Les autorisations...

...engagées. Pour une...

...sans adjonction.

Les autorisations de programme constituent la limite supérieure des dépenses que les ministres sont autorisés à engager pour l'exécution des investissements prévus par la loi. Elles demeurent valables sans limitation de durée jusqu'à ce qu'il soit procédé à leur annulation. Elles peuvent être révisées pour tenir compte, soit de modification technique, soit de variation de prix. Ces révisions sont imputées par priorité sur les autorisations de programme ouvertes et non utilisées ou, à défaut et par priorité, sur les autorisations de programme nouvelles ouvertes par une loi de finances.

Les crédits de paiement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être ordonnancées ou payées pendant l'année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des autorisations d'engagement.

Alinéa sans modification.

Une même opération en capital sous forme de dépenses, de subventions ou de prêts peut être divisée en tranches. Chaque autorisation de programme doit couvrir une tranche constituant une unité individualisée formant un ensemble cohérent et de nature à être mise en service sans adjonction.

Pour les dépenses de personnel, le montant des autorisations d'engagement ouvertes est égal au montant des crédits de paiement ouverts.

Alinéa sans modification.

Les crédits de paiement sur opérations en capital constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être ordonnancées ou payées pendant l'année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des autorisations de programme correspondantes.

Article 8

Article 9

Article 9

Les crédits sont évaluatifs, provisionnels ou limitatifs. Ces trois catégories de crédits doivent faire l'objet de chapitres distincts.

Sauf dispositions spéciales d'une loi de finances prévoyant les conditions dans lesquelles des dépenses budgétaires peuvent être engagées par anticipation sur les crédits de l'année suivante, nulle dépense ne peut être engagée sur les crédits d'une année ultérieure.

......................................................

Les crédits ouverts sur chaque programme sont limitatifs, sous réserve des dispositions prévues aux articles 10 et 24.

Les crédits ouverts au titre d'une année ne créent aucun droit au titre de l'année suivante. Toutefois, et sous réserve des dispositions de l'article 20 bis :

- les autorisations d'engagement disponibles à la fin de l'année, sauf celles ouvertes sur le titre des dépenses de personnel, sont reportées par arrêté du ministre intéressé, sauf décision contraire prise par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs ; la disponibilité s'entend déduction faite des crédits reçus par virement ;

- les crédits de paiement disponibles, à la fin de l'année, au sein d'un programme, correspondant à des dépenses effectivement engagées sont reportés par arrêté du ministre intéressé, sauf décision contraire prise par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, dans la limite, pour les crédits pour dépenses de personnel, de 3% des crédits initiaux de ce titre, et, pour les autres crédits, de 3% des crédits initiaux de l'ensemble des autres titres ; ces plafonds peuvent être relevés par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé ; les reports de crédits effectués en application du cinquième alinéa du présent article ne sont pas pris en compte pour apprécier la limite fixée au présent alinéa ;

- les crédits ouverts en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 18, disponibles à la fin de l'année, sont reportés par arrêté du ministre intéressé dans des conditions assurant le respect de l'intention de la partie versante.

Les arrêtés de report de crédits sont publiés au plus tard le 15 mars de l'année sur laquelle les crédits sont reportés. Avant le 31 mars, le Gouvernement dépose sur le bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport présentant, par programme ou par dotation, l'impact sur les crédits disponibles des reports et engagements prévus au présent article, ainsi que la justification des relèvements du plafond mentionné au quatrième alinéa.

Article 11

Tous les crédits qui n'entrent pas dans les catégories prévues aux articles 9 et 10 ci-dessus sont limitatifs.

Sauf dispositions spéciales d'une loi de finances prévoyant un engagement par anticipation sur les crédits de l'année suivante et sans préjudice des autres exceptions au principe de l'annualité qui pourront être apportées par le décret prévu à l'article 6, les dépenses ne peuvent être engagées et ordonnancées que dans la limite des crédits ouverts.

Alinéa supprimé.

Les plafonds des autorisations d'emplois sont limitatifs.

Alinéa supprimé.

1° Dans la limite d'un crédit global pour dépenses accidentelles, des décrets pris sur le rapport du ministre des finances peuvent ouvrir des crédits pour faire face à des calamités ou à des dépenses urgentes ou imprévues ;

2° En cas d'urgence, s'il est établi, par rapport du ministre des finances au Premier ministre, que l'équilibre financier prévu à la dernière loi de finances n'est pas affecté, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts par décrets d'avance pris sur avis du Conseil d'Etat. La ratification de ces crédits est demandée au Parlement dans la plus prochaine loi de finances ;

3° En cas d'urgence et de nécessité impérieuse d'intérêt national, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts par décrets d'avance pris en Conseil des ministres sur avis du Conseil d'Etat. Un projet de loi de finances portant ratification de ces crédits est déposé immédiatement ou à l'ouverture de la plus prochaine session du Parlement.

Article 9

Article 10

Article 10

Les crédits évaluatifs servent à acquitter les dettes de l'État résultant de dispositions législatives spéciales ou de conventions permanentes approuvées par la loi. Ils s'appliquent à la dette publique, à la dette viagère, aux frais de justice et aux réparations civiles, aux remboursements, aux dégrèvements et aux restitutions, ainsi qu'aux dépenses imputables sur les chapitres dont l'énumération figure à un état spécial annexé à la loi de finances.

Les crédits relatifs à la charge de la dette de l'État, aux remboursements, restitutions et dégrèvements, aux dépenses de pensions et d'avantages accessoires, aux appels en garantie et à la contribution de la France au budget des Communautés européennes ont un caractère évaluatif. Ils sont ouverts sur des programmes spécifiques.

Les crédits relatifs aux dépenses de rémunération de la dette de l'État, aux dépenses en atténuation de recettes et à la mise en jeu des garanties accordées par l'État ont un caractère évaluatif.

Les dépenses auxquelles s'appliquent les crédits évaluatifs s'imputent, au besoin, au-delà de la dotation inscrite aux chapitres qui les concernent.

Les dépenses y afférentes peuvent s'imputer, si nécessaire, au-delà des crédits ouverts sur le programme concerné . Dans cette hypothèse, le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des motifs du dépassement et des perspectives d'exécution du programme jusqu'à la fin de l'année.

Les dépenses auxquelles s'appliquent les crédits évaluatifs s'imputent , si nécessaire, au-delà des crédits ouverts. Dans cette hypothèse, ...

... d'exécution jusqu'à la fin de l'année.

Les dépassements de crédits évaluatifs font l'objet de propositions d'ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée.

Alinéa sans modification.

Les crédits des programmes prévus au premier alinéa ne peuvent faire l'objet des annulations constitutives des mouvements prévus aux articles 13 à 15, ni des mouvements prévus à l'article 16.

Les crédits des programmes prévus au premier alinéa ne peuvent faire l'objet ni des annulations liées aux mouvements prévus aux articles 13 et 14 , ni des mouvements de crédits prévus à l'article 9 .

Article 7

Article 11

Article 11

Les crédits ouverts par les lois de finances sont mis à la disposition des ministres pour les dépenses ordinaires, les dépenses en capital et les prêts et avances.

.....................................................

Les crédits ouverts et les emplois autorisés par les lois de finances sont mis à la disposition des ministres.

Supprimé.

Les crédits ne peuvent être modifiés que par une loi de finances ou, à titre exceptionnel, en application des dispositions prévues aux articles 12 à 16, 18 et 21.

La répartition des emplois autorisés entre les ministères ne peut être modifiée que par une loi de finances ou, à titre exceptionnel, en application du II de l'article 13.

Article 12

Article 12

La répartition des crédits globaux ouverts sur le programme prévu au 1° du II de l'article 7 est effectuée par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances , publiés simultanément au Journal officiel, sauf pour les mouvements de crédits revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale ou la sécurité extérieure de l'État.

En tant que de besoin, les crédits ouverts pour couvrir des dépenses accidentelles destinées à faire face à des calamités et ceux ouverts pour couvrir des dépenses imprévisibles sont , par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, répartis par programme et mis à la disposition des ministres responsables.

Des crédits globaux peuvent également être ouverts pour des dépenses dont la répartition par chapitre ne peut être déterminée au moment où ils sont votés . L'application de ces crédits au chapitre qu'ils concernent est ensuite réalisée par arrêté du ministre des finances.

La répartition des crédits globaux ouverts sur le programme prévu au 2° du II de l'article 7 est effectuée par arrêté du ministre chargé des finances. Cet arrêté ne peut majorer que des crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel.

Les crédits ouverts sur la dotation pour mesures générales en matière de rémunérations sont , par arrêté du ministre chargé des finances, répartis par programme et mis à la disposition des ministres responsables. Cet arrêté ...

... de personnel.

Article 14

Article 13

Article 13

Des transferts et des virements de crédits peuvent modifier la répartition des dotations entre les chapitres. Ils ne peuvent avoir pour effet de créer de nouveaux chapitres.

I. - Des virements peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes d'un même ministère. Ils sont effectués par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, publiés simultanément au Journal officiel. Le montant cumulé au cours d'un même exercice des crédits ayant fait l'objet de virements ne peut excéder 3 % des crédits initiaux de chacun des programmes concernés.

I. - Des virements peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes d' une même mission . Le montant cumulé, au cours d'une même année , des crédits ayant fait l'objet de virements, ne peut excéder 2 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année pour chacun des programmes concernés. Pour les crédits pour dépenses de personnel, ce plafond s'applique aux crédits ainsi ouverts sur le titre concerné de chacun des programmes.

Les transferts modifient la détermination du service responsable de l'exécution de la dépense sans modifier la nature de cette dernière. Ils sont autorisés par arrêté du ministre des finances.

II. - Des transferts peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts, dans la mesure où ces programmes poursuivent des objectifs similaires ; ces transferts peuvent être assortis de modifications de la répartition des emplois autorisés entre les ministères concernés. Ils sont effectués par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, après information des commissions de l' Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances. L'utilisation des crédits transférés donne lieu à l'établissement par le ministre bénéficiaire d'un compte rendu spécial, inséré au rapport établi, en application du  2° de l'article 46, par le ministre auquel les crédits ont été initialement mis à disposition.

II .- Des transferts de crédits entre programmes de missions distinctes peuvent modifier la détermination du service responsable de l'exécution de la dépense dans la mesure où l'emploi des crédits ainsi transférés est conforme aux objectifs du programme d'origine. Ces transferts peuvent être assortis des modifications correspondantes de la répartition des emplois autorisés.

II bis.- Les virements et transferts sont effectués par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, après information des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances. L'utilisation des crédits virés ou transférés donne lieu à l'établissement d'un compte rendu spécial, inséré au rapport établi en application du 2° de l'article 48 septies .

Les virements conduisent à modifier la nature de la dépense prévue par la loi de finances. Ils peuvent être autorisés par décret pris sur le rapport du ministre des finances sous réserve d'intervenir à l'intérieur du même titre du budget d'un même ministère et d'être maintenus dans la limite du dixième de la dotation de chacun des chapitres intéressés. Toutefois, aucun virement de crédit ne pourra être opéré d'une dotation évaluative ou provisionnelle au profit d'une dotation limitative.

III. - Aucun virement ni transfert ne peut être effectué au profit de programmes non prévus par une loi de finances.

III. - Sans modification.

Article 11

Article 14

Article 14

....................................................

Sauf dispositions spéciales prévoyant un engagement par anticipation sur les crédits de l'année suivante et sans préjudice des exceptions au principe de l'annualité qui pourront être apportées par le décret prévu à l'article 16, les dépenses sur crédits limitatifs ne peuvent être engagées et ordonnancées que dans la limite des crédits ouverts ; ceux-ci ne peuvent être modifiés que par la loi de finances sous réserve des dispositions prévues aux articles 14, 17, 21 et 25, ainsi que des exceptions ci-après :

En cas d'urgence, des décrets d'avance pris sur avis du Conseil d'État et après avis des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances peuvent ouvrir, sur le budget général , des crédits supplémentaires sans affecter l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances. A cette fin, les décrets d'avance procèdent à l'annulation de crédits ou constatent des recettes supplémentaires.

En cas d'urgence,...

... peuvent ouvrir des crédits supplémentaires sans affecter l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances. A cette fin, ils procèdent à l'annulation de crédits ou constatent des recettes supplémentaires. Le montant cumulé des crédits ainsi ouverts ne peut excéder 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année.

1° Dans la limite d'un crédit global pour dépenses accidentelles, des décrets pris sur le rapport du ministre des finances peuvent ouvrir des crédits pour faire face à des calamités ou à des dépenses urgentes ou imprévues ;

2° En cas d'urgence, s'il est établi, par rapport du ministre des finances au Premier ministre, que l'équilibre financier prévu à la dernière loi de finances n'est pas affecté, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts par décrets d'avance pris sur avis du Conseil d'État. La ratification de ces crédits est demandée au Parlement dans la plus prochaine loi de finances ;

La commission compétente de chaque assemblée fait connaître son avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui a été faite du projet de décret. La signature du décret ne peut intervenir qu'après réception des avis de ces commissions ou, à défaut, après l'expiration du délai susmentionné.

La commission chargée des finances de chaque assemblée...

...susmentionné.

3° En cas d'urgence et de nécessité impérieuse d'intérêt national, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts par décrets d'avance pris en Conseil des ministres sur avis du Conseil d'État. Un projet de loi de finances portant ratification de ces crédits est déposé immédiatement ou à l'ouverture de la plus prochaine session du Parlement.

La ratification des modifications apportées par décret d'avance aux crédits ouverts par la dernière loi de finances est demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée.

Alinéa supprimé.

Article 13

Article 15

Article 15

Tout crédit qui devient sans objet en cours d'année peut être annulé par arrêté du ministre des finances après accord du ministre intéressé.

Un crédit devenu sans objet peut être annulé par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, publié simultanément au Journal officiel .

I. - Afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l'année concernée, un crédit peut...

... chargé des finances.

Avant sa publication, tout décret d'annulation est transmis pour information aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et aux autres commissions concernées.

Alinéa sans modification.

Le montant cumulé des crédits annulés par décret, sur le budget général, en vertu du présent article et de l'article 14, ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année .

Le montant cumulé des crédits ainsi annulés ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts.

Les crédits dont l'annulation est proposée par un projet de loi de finances rectificative sont indisponibles pour engager ou ordonnancer des dépenses jusqu'à l'entrée en vigueur de ladite loi ou, le cas échéant, jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel interdisant la mise en application de ces annulations en vertu du premier alinéa de l'article 62 de la Constitution.

Les crédits...

...ordonnancer des dépenses à compter de son dépôt jusqu'à l'entrée...

...Constitution.

II. - Tout acte, quelle qu'en soit la nature, ayant pour objet ou pour effet de rendre des crédits indisponibles, est communiqué aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances.

Article 17

Article 16

Article 16

Sous réserve des dispositions concernant les autorisations de programme, les crédits ouverts au titre d'un budget ne créent aucun droit au titre du budget suivant.

Sous réserve des dispositions concernant les autorisations d'engagement, les crédits ouverts et les plafonds des autorisations d'emplois fixés au titre d'une année ne créent aucun droit au titre des années suivantes.

Supprimé.

Les autorisations d'engagement disponibles sur un programme à la fin de l'année peuvent être reportées sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs, par arrêté du ministre chargé des finances, majorant à due concurrence les crédits de l'année suivante.

Toutefois, les crédits de paiement disponibles sur opérations en capital sont reportés par arrêté du ministre des finances, ouvrant une dotation de même montant en sus des dotations de l'année suivante. Avant l'intervention du report, les ministres peuvent, dans la limite des deux tiers des crédits disponibles, engager et ordonnancer des dépenses se rapportant à la continuation des opérations en voie d'exécution au 1 er janvier de l'année en cours.

Les crédits de paiement ouverts sur un programme en application des dispositions du II de l'article 18 et disponibles à la fin de l'année, peuvent être reportés sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs, par arrêté du ministre chargé des finances.

Peuvent également donner lieu à report, par arrêté du ministre des finances, les crédits disponibles figurant à des chapitres dont la liste est donnée par la loi de finances ainsi que, dans la limite du dixième de la dotation du chapitre intéressé, les crédits correspondant aux dépenses effectivement engagées mais non encore ordonnancées.

Sous réserve des dispositions prévues à l'article 21, peuvent également donner lieu à report, dans les mêmes conditions, dans la limite de 3 % des crédits initiaux du programme concerné, les crédits de paiement disponibles correspondant à des dépenses effectivement engagées mais qui n'ont pu être prises en compte au titre de l'année. Les reports de crédits effectués en application de l'alinéa précédent ne sont pas pris en compte pour apprécier la limite fixée au présent alinéa.

CHAPITRE III

Des conditions d' affectation

de certaines recettes

CHAPITRE III

Des affectations

de recettes

Article 18

Article 17

Article 17

....................................................

Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses.

Toutefois, certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations spéciales prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux du Trésor ou de procédures comptables particulières au sein du budget général ou d'un budget annexe.

L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses figurent dans un compte unique, intitulé budget général.

Sur les recettes brutes sont prélevés les financements transférés par l'État à des tiers aux fins de couvrir les charges supportées par eux du fait des missions de service public qu'ils exercent. Ces prélèvements sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon distincte et précise.

Par dérogation à l'article 5, certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de procédures particulières au sein du budget général ou de comptes annexes.

Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations spéciales prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial.

L'affectation à un compte spécial est de droit pour les opérations de prêts et d'avances. L'affectation par procédure particulière au sein du budget général ou d'un budget annexe est décidée par voie réglementaire dans les conditions prévues à l'article 19. Dans tous les autres cas, l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances, d'initiative gouvernementale. Aucune affectation n'est possible si les dépenses résultent d'un droit permanent reconnu par la loi.

Aucune affectation n'est possible si les dépenses résultent d'un droit permanent reconnu par la loi.

Alinéa supprimé.

Article 19

Article 18

Article 18

Les procédures particulières permettant d'assurer une affectation au sein du budget général ou d'un budget annexe sont la procédure de fonds de concours et la procédure de rétablissement de crédits.

I. - Les procédures particulières permettant d'assurer une affectation au sein du budget général sont la procédure de fonds de concours et la procédure de rétablissement de crédits.

I.- Les procédures particulières permettant d'assurer une affectation au sein du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial sont la procédure de fonds de concours, la procédure d'attribution de produits et la procédure de rétablissement de crédits.

Les fonds versés par des personnes morales ou physiques pour concourir avec ceux de l'État à des dépenses d'intérêt public, ainsi que les produits de legs et donations attribués à l'État ou à diverses administrations publiques, sont directement portés en recettes au budget. Un crédit supplémentaire de même montant est ouvert par arrêté du ministre des finances au ministre intéressé. L'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante ou du donateur. Des décrets pris sur le rapport du ministre des finances peuvent assimiler le produit de certaines recettes de caractère non fiscal à des fonds de concours pour dépenses d'intérêt public.

II. - Les fonds de concours sont constitués, d'une part, par des fonds à caractère non fiscal versés par des personnes morales ou physiques pour concourir avec ceux de l'État à des dépenses d'intérêt public et, d'autre part, par les produits de legs et donations attribués à l'État. Ils sont directement portés en recettes au budget général. Un crédit supplémentaire de même montant est ouvert par arrêté du ministre chargé des finances au ministre intéressé. L'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante ou du donateur. A cette fin, un décret en Conseil d'État définit les règles d'utilisation des crédits ouverts par voie de fonds de concours.

II.- Les fonds de concours sont constitués, d'une part, par des fonds à caractère non fiscal versés par des personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d'intérêt public et, d'autre part, par les produits de legs et donations attribués à l'État. Les recettes des fonds de concours sont prévues et évaluées par la loi de finances, qui ouvre les crédits correspondants. Les dépenses afférentes à ces crédits ne peuvent être engagées par le ministre intéressé qu'une fois opéré le rattachement, au cours de l'exercice, de la recette du fonds de concours. Ce rattachement est réalisé par arrêté du ministre chargé des finances, dès le versement effectif des fonds. L'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante.

Des décrets en Conseil d'État pris sur le rapport du ministre chargé des finances peuvent assimiler à des fonds de concours les recettes tirées de la rémunération de prestations régulièrement fournies par un service de l'État. Les crédits ouverts dans le cadre de la procédure de fonds de concours sont affectés audit service. L'affectation de la recette au-delà du 31 décembre de l'année de son établissement doit être autorisée chaque année par une loi de finances.

Alinéa supprimé.

II bis -  Les attributions de produits sont constituées par des recettes tirées de la rémunération de prestations régulièrement fournies par un service de l'État. Les règles relatives aux fonds de concours leur sont applicables.

Peuvent donner lieu à rétablissement de crédits dans des conditions fixées par arrêté du ministre des finances :

III. - Peuvent donner lieu à rétablissement de crédits dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé des finances :

III. - Sans modification.

a) Les recettes provenant de la restitution au Trésor de sommes payées indûment ou à titre provisoire sur crédits budgétaires ;

1° Les recettes provenant de la restitution au Trésor de sommes payées indûment ou à titre provisoire sur crédits budgétaires ;

b) Les recettes provenant de cessions ayant donné lieu à paiement sur crédits budgétaires.

2° Les recettes provenant de cessions entre services de l'État ayant donné lieu à paiement sur crédits budgétaires.

Le décret visé au deuxième alinéa du présent article pourra étendre la procédure des fonds de concours aux cas de rétablissement de crédits non prévus sous les lettres a et b ci-dessus et autorisés par la législation en vigueur.

Article 18 bis

La loi de finances peut créer des budgets annexes pour retracer les seules opérations financières des services de l'État non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances.

Ils comportent, distinctement, une section d'opérations courantes qui regroupe les recettes et les dépenses ordinaires et une section d'opérations en capital qui regroupe les charges d'investissement et d'amortissement de la dette ainsi que les ressources affectées à ces charges.

Chaque budget annexe constitue une mission au sens de l'article 7. Les crédits des budgets annexes sont spécialisés par programme et exécutés dans les mêmes conditions que ceux du budget général. Si en cours d'année, les recettes effectives sont supérieures aux prévisions des lois de finances, les crédits pour amortissement de la dette peuvent être majorés à due concurrence, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé.

Article 23

Article 19

Article 19

Les comptes spéciaux du Trésor ne peuvent être ouverts que par la loi de finances. Ils ne comprennent que les catégories suivantes :

Les comptes annexes ne peuvent être ouverts que par une loi de finances. Les catégories de comptes annexes sont les suivantes :

Les comptes spéciaux ne peuvent ...

...de comptes spéciaux sont les suivantes :

1° Comptes d'affectation spéciale ;

1° Le compte de gestion des participations de l'État ;

Les comptes d'affectation spéciale ;

2° Comptes de commerce ;

2° Le compte de gestion de la dette et de la trésorerie ;

Les comptes de commerce ;

3° Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers ;

4° Comptes d'opérations monétaires;

3° Les comptes d'opérations monétaires ;

3° Sans modification.

5° Comptes de prêts ;

6° Comptes d'avances.

4° Les comptes de concours financiers.

4° Sans modification

L'affectation d'une recette à un compte annexe ne peut résulter que d'une loi de finances.

L'affectation d'une recette à un compte spécial ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale.

Article 24

Article 20

Article 20

Sous réserve des règles particulières énoncées aux articles 25 à 29, les opérations des comptes spéciaux du Trésor sont prévues, autorisées et exécutées dans les mêmes conditions que les opérations du budget général.

Il est interdit d'imputer à un compte annexe les dépenses résultant du paiement de traitements, salaires, indemnités et allocations de toute nature.

Sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances , il est interdit d'imputer directement à un compte spécial des dépenses résultant du paiement de traitements, salaires, indemnités et allocations de toute nature.

Chacun des comptes annexes dotés de crédits constitue une mission au sens de l'article 7. Leurs crédits sont spécialisés par programme. Sous réserve des dispositions particulières prévues aux articles 21 et 24, leurs opérations sont prévues, autorisées et exécutées dans les mêmes conditions que celles du budget général. Sur chacun de ces comptes, le montant des autorisations d'engagement ouvertes est égal au montant des crédits de paiement ouverts.

Alinéa supprimé.

Sauf dispositions contraires prévues par une loi de finances, le solde de chaque compte spécial est reporté d'année en année. Toutefois, les profits et les pertes constatés sur toutes les catégories de comptes, à l'exception des comptes d'affectation spéciale, sont imputés aux résultats de l'année dans les conditions prévues par l'article 35.

Sauf dispositions contraires prévues par une loi de finances, le solde de chaque compte annexe est reporté sur l'année suivante.

Sauf dispositions...

...suivante , les pertes et profits survenant sur chaque compte devant être constatés par une disposition de loi de finances. Ils s'imputent alors au résultat budgétaire de l'année dans les conditions prévues à l'article 34.

Chaque compte spécial constitue une mission au sens de l'article 7. Les dépenses ou les crédits ouverts pour chacun des comptes spéciaux sont spécialisés par programme ou par dotation. Sous réserve des dispositions particulières prévues à l'article 20 bis et à l'article 24, leurs opérations sont prévues, autorisées et exécutées dans les mêmes conditions que celles du budget général.

Sauf dérogations prévues par une loi de finances, il est interdit d'imputer directement à un compte spécial du Trésor les dépenses résultant du paiement des traitements ou indemnités à des agents de l'Etat ou à des agents des collectivités, établissements publics ou entreprises publiques.

Article 20 bis

Les comptes d'affectation spéciale retracent des opérations financées au moyen de ressources particulières complétées, le cas échéant, par des versements du budget général.

Le rattachement à un compte d'affectation spéciale des opérations financières de nature patrimoniale liées à la gestion des participations de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, est de droit. Il en va de même pour les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires, qui sont détaillées par ministère.

Sauf dérogation expresse de la loi de finances, aucun versement au profit du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial ne peut être effectué à partir d'un compte d'affectation spéciale.

Le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d'un compte d'affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées, sauf pendant les trois mois suivant sa création. Dans ce dernier cas, le découvert ne peut être supérieur au quart des dépenses autorisées pour l'année.

Si, en cours d'année, les recettes effectives sont supérieures aux évaluations des lois de finances, les crédits peuvent être majorés à due concurrence, par arrêté du ministre chargé des finances, dans les mêmes conditions que pour les décrets en Conseil d'État prévus à l'article 14.

Les autorisations d'engagement disponibles en fin d'année sont reportées sur l'année suivante, par arrêté du ministre chargé des finances.

Les crédits de paiement disponibles en fin d'année sont reportés dans les mêmes conditions pour un montant qui ne peut excéder la différence entre les recettes et les dépenses effectives.

Le dernier alinéa de l'article 9 s'applique à ces reports.

Article 21

Article 21

Le compte de gestion des participations de l'État retrace, dans les conditions fixées par les lois de finances, les opérations de nature patrimoniale, à l'exclusion de toute opération de gestion courante.

Supprimé .

Ce compte est doté de crédits limitatifs.

Le total des dépenses engagées ou ordonnancées sur ce compte ne peut excéder le total des recettes constatées. Les recettes du compte peuvent être complétées par une subvention inscrite au budget général.

Si, en cours d'année, les recettes effectives sont supérieures aux évaluations des lois de finances, les crédits peuvent être majorés, par arrêté du ministre chargé des finances, dans la limite de cet excédent de recettes. Le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des motifs de cet excédent, de l'emploi prévu pour les crédits ainsi ouverts et des perspectives d'exécution du compte jusqu'à la fin de l'année.

Les autorisations d'engagement disponibles en fin d'année sont reportées sur l'année suivante, par arrêté du ministre chargé des finances, pour un montant qui ne peut excéder la différence entre le montant définitif des recettes et des dépenses constatées.

Les crédits de paiement disponibles en fin d'année sont reportés dans les mêmes conditions pour un montant qui ne peut excéder la somme du montant des autorisations d'engagement reportées en vertu de l'alinéa précédent et du montant des crédits de paiement nécessaires pour couvrir les dépenses effectivement engagées, mais qui n'ont pu être prises en compte au titre du budget de l'année.

Article 21 bis

Les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l'État non dotés de la personne morale. Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif. Seul le déficit de fin d'année fixé pour chacun d'entre eux a un caractère limitatif. Sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances, il est interdit d'exécuter, au titre de ces comptes, des opérations d'investissement financier, de prêts ou d'avances, ainsi que des opérations d'emprunt.

Les opérations relatives à la dette et à la trésorerie de l'État sont retracées dans un compte de commerce, qui distingue les opérations de gestion, dans des conditions prévues par la loi de finances. Celle-ci précise notamment les modalités selon lesquelles des versements du budget général abondent les recettes de ce compte, ainsi que les informations particulières communiquées au Parlement pour rendre compte de ses opérations.

Article 22

Article 22

Le compte de gestion de la dette et de la trésorerie de l'État retrace, dans les conditions fixées par les lois de finances, les recettes et les dépenses induites par les opérations de gestion active de la dette et de la trésorerie de l'État. Ces opérations sont autorisées chaque année par une loi de finances.

Supprimé.

Les prévisions de dépenses de ce compte ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé par la loi de finances de l'année a un caractère limitatif.

Les opérations de ce compte sont enregistrées selon les principes et les règles comptables applicables aux établissements financiers. Les résultats annuels sont établis dans les mêmes conditions.

Article 27

Article 23

Article 23

Les comptes de règlement avec les gouvernements étrangers retracent des opérations faites en application d'accords internationaux approuvés par la loi. Les comptes d'opérations monétaires enregistrent des recettes et des dépenses de caractère monétaire.

Les comptes d'opérations monétaires enregistrent les recettes et les dépenses de caractère monétaire. Pour cette catégorie de comptes, les prévisions de dépenses ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d'entre eux par une loi de finances a un caractère limitatif.

Les comptes d'opérations monétaires retracent les recettes et les dépenses de caractère monétaire. Pour cette catégorie de comptes, les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ont un caractère indicatif. Seul le déficit de fin d'année fixé pour chacun d'entre eux a un caractère limitatif.

Pour ces deux catégories de comptes, la présentation des prévisions de recettes et de dépenses est facultative, le découvert fixé annuellement pour chacun d'entre eux a un caractère limitatif.

Article 29

Article 24

Article 24

Les comptes de prêts retracent les prêts d'une durée supérieure à quatre ans consentis par l'Etat dans la limite des crédits ouverts à cet effet, soit à titre d'opérations nouvelles, soit à titre de consolidation. Lorsqu'une avance doit être consolidée, le taux d'intérêt dont est assorti le prêt de consolidation ne peut être inférieur à celui pratiqué à l'époque de l'opération par la Caisse des dépôts et consignations pour ses prêts aux collectivités locales. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d'Etat.

Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances que le ministre chargé des finances est autorisé à consentir par arrêté. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.

Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.

Les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l'exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

Alinéa sans modification.

Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée. Ils sont assortis d'un taux d'intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d'État.

Alinéa sans modification.

Le montant de l'amortissement en capital des prêts de l'Etat est pris en recettes au compte de prêts intéressé.

Le montant de l'amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé.

Alinéa sans modification.

Article 28

Les comptes d'avances décrivent les avances que le ministre des finances est autorisé à consentir dans la limite des crédits ouverts à cet effet. Un compte d'avance distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.

Les avances du Trésor sont productives d'intérêt. Sauf dispositions spéciales contenues dans une loi de finances, leur durée ne peut excéder deux ans ou quatre ans en cas de renouvellement dûment autorisé à l'expiration de la deuxième année. Toute avance non remboursée à l'expiration d'un délai de deux ans, ou de quatre ans en cas de renouvellement, doit faire l'objet, selon les possibilités du débiteur :

Toute échéance qui n'est pas honorée à la date prévue doit faire l'objet, selon les possibilités du débiteur :

Toute échéance qui n'est pas honorée à la date prévue doit faire l'objet, selon la situation du débiteur :

- soit d'une décision de recouvrement immédiat, ou à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de trois mois ;

- soit d'une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ;

Alinéa sans modification.

- soit d'une autorisation de consolidation sous forme de prêts du Trésor assortis d'un transfert à un compte de prêts ;

- soit d'une décision de rééchelonnement ;

- soit d'une décision de rééchelonnement, faisant l'objet d'une publication au Journal officiel ;

- soit de la constatation d'une perte probable imputée aux résultats de l'année dans les conditions prévues à l'article 35 ; les remboursements qui sont ultérieurement constatés sont portés en recettes au budget général.

- soit de la constatation d'une perte probable imputée sur l'exercice. Les remboursements qui sont ultérieurement constatés sont portés en recettes au budget général.

- soit de la constatation d'une perte probable faisant l'objet d'une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l'exercice dans les conditions prévues à l'article 34. Les remboursements ultérieurement constatés sont portés en recettes au budget général.

CHAPITRE IV

Des ressources et
des charges de trésorerie

CHAPITRE IV

Des ressources et
des emplois de trésorerie

Article 15

Article 25

Article 25

Outre les opérations permanentes de l'État décrites aux articles 3 et 6 ci-dessus, le Trésor public exécute sous la responsabilité de l'État des opérations de trésorerie. Celles-ci comprennent :

Les ressources et les charges de trésorerie de l'État résultent des opérations suivantes :

Les ressources et les emplois de trésorerie de l'État résultent des opérations suivantes :

a) des émissions et remboursements d'emprunts publics ;

1° Le mouvement des fonds , disponibilités et encaisses de l'État ;

1° Le mouvement des disponibilités de l'État ;

b) des opérations de dépôt, sur ordre et pour compte de correspondants.

2° L'escompte et l'encaissement des traites, obligations et effets de toute nature émis au profit de l'État ;

2° L'escompte et l'encaissement des effets de toute nature émis au profit de l'État ;

....................................................

3° La gestion des fonds déposés par des correspondants et les opérations faites pour leur compte ;

3° La gestion des fonds déposés par des correspondants;

Article 30

Les opérations de trésorerie de l'État sont affectées à des comptes de trésorerie distincts, conformément aux usages du commerce.

4° L'émission, la conversion, la gestion et le remboursement des emprunts et autres dettes de l'État. Les ressources et les charges de trésorerie afférentes à ces opérations incluent les primes et décotes à l'émission.

4° L'émission,...

... et les emplois de trésorerie...

...l'émission.

Les ressources et les charges de trésorerie sont imputées à des comptes distincts. En revanche, les ressources et les charges de nature budgétaire résultant de l'exécution d'opérations de trésorerie sont imputées à des comptes budgétaires dans les conditions prévues aux articles 2, 4 et 6.

Alinéa supprimé

Article 15

Article 26

Article 26

...................................................

Les émissions d'emprunts sont faites conformément aux autorisations générales données chaque année par les lois de finances.

Les opérations prévues à l'article 25 sont effectuées conformément aux dispositions suivantes :

Alinéa sans modification.

Sauf disposition expresse d'une loi de finances, les titres d'emprunts émis par l'Etat sont libellés en francs ; ils ne peuvent prévoir d'exonération fiscale et ne peuvent être utilisés comme moyen de paiement d'une dépense publique.

1° Le placement des fonds , disponibilités et encaisses de l'État est effectué conformément aux autorisations générales ou particulières données par la loi de finances de l'année ;

1° Le placement des disponibilités de l'État ...

...de finances de l'année ;

Les remboursements d'emprunts sont exécutés conformément au contrat d'émission.

2° Aucun découvert ne peut être consenti aux correspondants prévus au 3° de l'article 25 ;

2° Sans modification

Les opérations de dépôt sont faites dans les conditions prévues par les règlements de comptabilité publique.

3° Sauf disposition expresse d'une loi de finances, les collectivités territoriales et les établissements publics sont tenus de déposer toutes leurs disponibilités auprès de l'État ;

3° Sauf...

...et leurs établissements publics...

...l'État ;

Sauf dérogation admise par le ministre des finances, les collectivités territoriales de la République et les établissements publics sont tenus de déposer au Trésor toutes leurs disponibilités. Sous réserve des dispositions particulières concernant les comptes courants des États étrangers et des banques d'émission de la zone franc, aucun découvert ne peut être consenti à un correspondant du Trésor.

4° L'émission, la conversion et la gestion des emprunts sont faites conformément aux autorisations générales ou particulières données par la loi de finances de l'année. Sauf disposition expresse d'une loi de finances, les emprunts émis par l'État sont libellés en euros. Ils ne peuvent prévoir d'exonération fiscale. Les emprunts émis par l'État ou toute autre personne morale de droit public ne peuvent être utilisés comme moyen de paiement d'une dépense publique. Les remboursements d'emprunts sont exécutés conformément au contrat d'émission.

4° L'émission, ...

... emprunts sont effectuées conformément...

...moyen de paiement. Les remboursements ...

...au contrat d'émission.

CHAPITRE V

Des comptes de l'État

Article 26 bis

L'État tient une comptabilité des recettes et des dépenses budgétaires et une comptabilité générale de l'ensemble de ses opérations.

En outre, il met en oeuvre, par service, une comptabilité destinée à analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes.

Les comptes de l'État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière.

Article 26 ter

La comptabilisation des recettes et des dépenses budgétaires obéit aux principes suivants :

1° Les recettes sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont encaissées par un comptable public ;

2° Les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l'année au cours de laquelle elles sont payées par les comptables assignataires. Toutes les dépenses doivent être imputées sur les crédits de l'année considérée, quelle que soit la date de la créance.

Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, des recettes et des dépenses budgétaires peuvent être comptabilisées au cours d'une période complémentaire à l'année civile, dont la durée ne peut excéder vingt jours. En outre, lorsqu'une loi de finances rectificative est promulguée au cours du dernier mois de l'année civile, les opérations de recettes et de dépenses qu'elle prévoit peuvent être exécutées au cours de cette période complémentaire.

Les recettes et les dépenses portées aux comptes d'imputation provisoire sont enregistrées aux comptes définitifs au plus tard à la date d'expiration de la période complémentaire. Le détail des opérations de recettes qui, à titre exceptionnel, n'auraient pu être imputées à un compte définitif à cette date figure dans l'annexe prévue par le 5° de l'article 48 septies.

Article 26 quater

Les ressources et les emplois de trésorerie sont imputés à des comptes de trésorerie par opération. Les recettes et les dépenses de nature budgétaire résultant de l'exécution d'opérations de trésorerie sont imputées dans les conditions prévues à l'article 26 ter .

Article 26 quinquies

La comptabilité générale de l'État est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations. Les opérations sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement.

Les règles applicables à la comptabilité générale de l'État ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu'en raison des spécificités de son action.

Elles sont déterminées au terme d'une procédure publique d'examen contradictoire des meilleures pratiques, dans des conditions prévues par une loi de finances.

Article 26 sexies

Les comptables publics chargés de la tenue et de l'établissement des comptes de l'État veillent au respect des principes et règles mentionnés aux articles 26 bis à 26 quinquies. Ils s'assurent notamment de la sincérité des enregistrements comptables et du respect des procédures.

Texte de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances

___

Texte adopté par

l'Assemblée nationale

___

Propositions de la commission

___

TITRE II

DU CONTENU ET DE LA PRÉSENTATION

DES LOIS DE FINANCES

TITRE II

DU CONTENU ET DE LA PRÉSENTATION

DES LOIS DE FINANCES

CHAPITRE I ER

Du principe de sincérité

CHAPITRE I ER

Du principe de sincérité

Article 27

Article 27

Les lois de finances présentent de façon sincère, compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler , l'ensemble des ressources et des charges de l'État.

Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler.

Article 1 er

Article 28

Article 28

...............................................

Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance.

Aucune loi, aucun décret ayant une incidence financière pour le budget de l'État, ne peut être publié sans une annexe financière précisant ses conséquences au titre de l'année de publication et l'année suivante.

Aucune loi, aucun décret ayant une incidence financière pour l'État ne peut être publié sans une annexe financière précisant ses conséquences au titre de l'année d'entrée en vigueur et de l'année suivante.

Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire sont susceptibles d'affecter les ressources ou les charges de l'État dans le courant de l'année, leurs conséquences sur l'équilibre financier doivent être prises en compte dans la plus prochaine loi de finances afférente à cette année.

Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire sont susceptibles d'affecter les ressources ou les charges de l'État dans le courant de l'année, les conséquences de chacune d'entre elles sur les composantes de l'équilibre financier doivent être évaluées et autorisées dans la plus prochaine loi de finances afférente à cette année.

Article 29

Article 29

Les comptes de l'État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine et de la situation financière de l'État.

Supprimé.

Les opérations sont enregistrées selon le principe de la constatation des droits et obligations. Elles sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement.

Les principes généraux de la comptabilité et du plan comptable de l'Etat ne se distinguent des règles applicables aux entreprises qu'à raison des spécificités de l'action de l'État.

Les comptables publics chargés de la tenue et de l'établissement de la comptabilité de l'État veillent au respect de ces principes. Ils s'assurent notamment de la sincérité des enregistrements comptables et du respect des procédures.

CHAPITRE II

Des dispositions des lois de finances

CHAPITRE II

Des dispositions des lois de finances

Article 1 er

Article 30

Article 30

..........................................

Les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent.

Les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent, ainsi que des objectifs retenus et des résultats obtenus et attendus pour les programmes dont elles assurent le financement.

Supprimé .

Article 2

Ont le caractère de lois de finances :

Ont le caractère de lois de finances :

- la loi de finances de l'année et les lois rectificatives ;

1° La loi de finances de l'année et les lois de finances rectificatives ;

- la loi de règlement.

2° La loi de règlement ;

3° Les lois prévues à l'article 45.

......................................................

Article 31

Article 31

La loi de finances de l'année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat.

.....................................................

Article 31

Le projet de loi de finances de l'année comprend deux parties distinctes :

La loi de finances de l'année comprend deux parties distinctes.

Alinéa sans modification.

Dans la première partie, il autorise la perception des ressources publiques et comporte les voies et moyens qui assurent l'équilibre financier ; il évalue le montant des ressources d'emprunts et de trésorerie ; il autorise la perception des impôts affectés aux collectivités et aux établissements publics ; il fixe les plafonds des grandes catégories de dépenses et arrête les données générales de l'équilibre financier ; il comporte les dispositions nécessaires à la réalisation, conformément aux lois en vigueur, des opérations d'emprunts destinés à couvrir l'ensemble des charges de la trésorerie.

I. - Dans la première partie, la loi de finances de l'année :

I. - Sans modification

1° Autorise, pour l'année, la perception des ressources de l'État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'État ;

1° Sans modification

2° Comporte les dispositions relatives aux ressources de l'État qui affectent l'équilibre budgétaire ;

2° Sans modification

3° Autorise les affectations de recettes prévues au deuxième alinéa du II de l'article 18 et comporte toutes autres dispositions relatives aux recettes affectées en application de l'article 17 ;

Comporte toutes dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget de l'État ;

3°bis Évalue et fixe le régime des prélèvements mentionnés à l'article 17 ;

4° Comporte l'évaluation de chacune des recettes qui concourent à la réalisation de l'équilibre budgétaire ;

4° Comporte l'évaluation de chacune des recettes budgétaires ;

5° Fixe les plafonds des dépenses et des autorisations d'emplois du budget général ainsi que les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes annexes ;

5° Fixe les plafonds des dépenses du budget général, des budgets annexes et de chaque catégorie de comptes spéciaux ;

6° Arrête les données générales de l'équilibre budgétaire, présentées dans un tableau d'équilibre ;

6° Sans modification

7° Évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l'équilibre financier, présentées dans un tableau de financement ;

Autorise les opérations prévues à l'article 25 ; évalue les ressources et les emplois de trésorerie ...

...de financement ;

7° bis Fixe le plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année, de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an ;

8° Comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'État prévues à l'article 26.

Supprimé.

Dans la seconde partie, le projet de loi de finances de l'année fixe pour le budget général le montant global des crédits applicables aux services votés et arrête les dépenses applicables aux autorisations nouvelles par titre et par ministère ; il autorise, en distinguant les services votés des opérations nouvelles, les opérations des budgets annexes et les opérations des comptes spéciaux du Trésor par catégorie de comptes spéciaux et éventuellement par titre ; il regroupe l'ensemble des autorisations de programme assorties de leur échéancier ; il énonce enfin les dispositions diverses prévues à l'article 1 er de la présente ordonnance en distinguant celles de ces dispositions qui ont un caractère annuel de celles qui ont un caractère permanent.

II. - Dans la seconde partie, la loi de finances de l'année :

Alinéa sans modification.

1° Fixe, pour le budget général, par ministère et par mission, le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement, ainsi que, par ministère, les plafonds des autorisations d'emplois ;

1° Fixe, pour le budget général, par mission, le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement ;

2° Fixe, par programme, le montant des autorisations d'engagement par anticipation prévues au dernier alinéa de l'article 6 ;

2° Fixe, par programme ou par dotation, le montant...

... l'article 9 ;

2°bis Fixe, par ministère, le plafond des autorisations d'emplois ;

3° Fixe, par catégorie de comptes annexes, le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement ouverts ou des découverts autorisés ;

3° Fixe, par budget annexe et par catégorie de comptes spéciaux , le montant ...

...ou des déficits autorisés ;

4° Autorise l'octroi des garanties de l'État et fixe leur régime ;

4° Sans modification

5° Autorise l'État à contracter des dettes sous forme de prise en charge d'emprunts émis par des organismes publics ou privés ou sous forme d'un engagement payable à terme ou par annuités et fixe le régime de cette prise en charge ou de cet engagement ;

Comporte les autorisations particulières permettant à l'État de contracter des dettes, sous quelque forme que ce soit, et fixe leur régime ;

Article 1 er

......................................................

6° Peut :

Alinéa sans modification.

Les lois de finances peuvent également contenir toutes dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature.

......................................................

a) Comporter des dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire ;

a) Sans modification

b) Comporter des dispositions affectant les charges budgétaires de l'État ;

b) Comporter des dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l'année ;

c) Définir les modalités de répartition des concours de l'État aux collectivités territoriales ;

c) Sans modification

Article 1 er

......................................................

d) Approuver des conventions financières ;

d) Sans modification.

Les dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ou à imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires sont contenues dans les lois de finances.

.

e) Comporter toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ;

e) Sans modification .

f) Comporter toutes dispositions relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics.

f) Comporter toutes dispositions relatives à la comptabilité de l'Etat et au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics.

.....................................................

Article 2

......................................................

Article 32

Article 32

Seules des lois de finances dites rectificatives, peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année.

......................................................

Seules les lois de finances rectificatives peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année prévues aux 1° et 3° à 8° du I et au 1° à 5° du II de l'article 31. Le cas échéant, elles ratifient les modifications apportées par décret d'avance aux crédits ouverts par la dernière loi de finances.

Sous réserve des exceptions prévues par la présente loi organique, seules les lois de finances rectificatives peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année prévues aux 1° et 3° à 8° du I et au 1° à 5° du II de l'article 31.

Article 34

Les lois de finances rectificatives sont présentées en partie ou en totalité dans les mêmes formes que les lois de finances de l'année. Elles soumettent obligatoirement à la ratification du Parlement toutes les ouvertures de crédits opérées par décret d'avances.

Les lois de finances rectificatives sont présentées en partie ou en totalité dans les mêmes formes que la loi de finances de l'année. Les dispositions du dernier alinéa de l'article 38 leur sont applicables.

Les lois ...

...de l'article 48 octies leur sont applicables.

Article 33

Article 33

L'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances.

Sans modification

Article 2

.....................................................

La loi de règlement constate les résultats financiers de chaque année civile et approuve les différences entre les résultats et les prévisions de la loi de finances de l'année, complétée, le cas échéant, par ses lois rectificatives.

Article 35

Article 34

Article 34

Le projet annuel de loi de règlement constate le montant définitif des encaissements de recettes et des ordonnancements de dépenses se rapportant à une même année ; le cas échéant, il ratifie les ouvertures de crédits par décrets d'avances et approuve les dépassements de crédits résultant de circonstances de force majeure.

I. - La loi de règlement arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte.

I. - La loi de règlement...

...auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle.

Il établit le compte de résultat de l'année qui comprend :

Elle établit le résultat budgétaire de l'année, qui comprend :

Alinéa supprimé.

a) le déficit ou l'excédent résultant de la différence nette entre les recettes et les dépenses du budget général ;

1° Le déficit ou l'excédent résultant de la différence entre les recettes et les dépenses du budget général ;

1°  Supprimé.

b) les profits et les pertes constatés dans l'exécution des comptes spéciaux par application des articles 24 et 28 ;

2° Le déficit ou l'excédent résultant de la différence entre les recettes et les dépenses des comptes annexes.

2°  Supprimé.

I bis La loi de règlement arrête le montant définitif des ressources et des emplois de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier de l'exercice correspondant, présenté dans un tableau de financement.

I ter La loi de règlement approuve le compte de résultat de l'État, ainsi que son bilan et ses annexes, afférents à l'exercice concerné tels que présentés dans un état annexé. Ces comptes sont établis selon les règles prévues à l'article 26 quinquies .

c) les profits ou les pertes résultant éventuellement de la gestion des opérations de trésorerie dans des conditions prévues par un règlement de comptabilité publique.

Le projet de loi de règlement autorise enfin le transfert du résultat de l'année au compte permanent des découverts du Trésor.

II. - Le cas échéant, la loi de règlement :

Alinéa sans modification.

1° Ratifie les modifications apportées par décret d'avance aux crédits ouverts par la dernière loi de finances afférente à cette année ;

Supprimé.

2° Approuve les dépassements de crédits résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l'annulation des crédits n'ayant été ni consommés, ni reportés ;

2° Approuve les ouvertures de crédits ... ...

... reportés ;

3° Détermine les soldes des comptes annexes non reportés sur l'année suivante ;

Arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant ;

4° Apure les pertes sur prêts et avances constatées en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 24.

4° Apure les profits et pertes survenus sur chaque compte spécial .

III. - La loi de règlement établit le résultat comptable de l'exercice, déterminé par la différence entre les produits et les charges constatés, dans les conditions prévues à l'article 29.

III. - Supprimé.

Elle détermine l'affectation du résultat comptable et approuve l'ensemble des comptes de l'exercice.

IV. - La loi de règlement peut également comporter toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques.

IV. - Supprimé.

Article 34 bis

Toutes les modifications de crédits opérées par voie administrative en application des dispositions de la présente loi organique sont soumises à la ratification du Parlement dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée.

Texte de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances

___

Texte adopté par

l'Assemblée nationale

___

Propositions de la commission

___

TITRE III

DE L'EXAMEN ET DU VOTE DES PROJETS DE LOIS DE FINANCES

TITRE III

DE L'EXAMEN ET DU VOTE DES PROJETS DE LOIS DE FINANCES

Article 37

Article 35

Article 35

Sous l'autorité du Premier ministre, le ministre des finances prépare les projets de lois de finances qui sont arrêtés en Conseil des ministres.

Sous l'autorité du Premier ministre, le ministre chargé des finances prépare les projets de loi de finances, qui sont délibérés en Conseil des ministres.

Supprimé.

CHAPITRE I ER

Du projet de loi de finances de l'année et des projets

de loi de finances rectificative

CHAPITRE I ER

Du projet de loi de finances de l'année et des projets

de loi de finances rectificative

Article 38

Article 36

Article 36

......................................................

Si aucun projet de loi de finances rectificative n'est déposé avant le 1 er juin, le Gouvernement adresse au Parlement, au plus tard à cette date, un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques.

En vue du vote du projet de loi de finances de l'année par le Parlement, le Gouvernement présente, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques :

Supprimé.

- décrivant les grandes lignes de sa politique économique, au regard du programme résultant des engagements européens de la France ainsi que, le cas échéant, des recommandations adressées à la France sur le fondement des articles 99 et 104 du traité instituant la Communauté européenne ;

- décrivant les objectifs d'évolution des comptes de l'ensemble des administrations publiques ;

- indiquant les perspectives d'évolution des dépenses de l'Etat, ventilées par grandes fonctions ;

- comportant des tableaux récapitulant les mouvements intervenus par voie réglementaire et relatifs aux crédits de l'année en cours, si aucun projet de loi de finances rectificative n'a été déposé depuis le début de l'année ;

- indiquant la liste des missions et des programmes envisagés pour le projet de loi de finances de l'année suivante.

Ce rapport est accompagné d'un rapport préliminaire de la Cour des comptes relatif aux résultats d'exécution de l'année antérieure. Il donne lieu à un débat dans chacune des assemblées.

A l'initiative du Gouvernement, le programme mentionné au deuxième alinéa ou son actualisation peut donner lieu à un débat dans chacune des assemblées.

Article 37

Article 37

En vue du vote du projet de loi de finances de l'année, et sans préjudice de toute autre disposition relative à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et les autres commissions concernées adressent des questionnaires au Gouvernement, avant le 10 juillet de chaque année. Le Gouvernement y répond par écrit au plus tard huit jours francs après la date mentionnée au premier alinéa de l'article 39.

Supprimé .

Article 32

Article 38

Article 38

Le projet de loi de finances de l'année est accompagné :

Sont joints au projet de loi de finances de l'année :

Supprimé.

- d'un rapport définissant l'équilibre économique et financier, les résultats connus et les perspectives d'avenir ;

1° Un rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation ;

2° Une présentation de l'équilibre du projet de loi de finances selon la structure budgétaire de la loi de finances de l'année en cours ;

3° Une présentation des recettes et dépenses de l'État en une section de fonctionnement et une section d'investissement ;

4° Une annexe explicative qui, d'une part, analyse les prévisions de chaque recette de l'Etat et présente les dépenses fiscales associées et, d'autre part, recense les impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat et en estime le rendement ;

- d'annexes explicatives faisant connaître notamment :

1° Par chapitre le coût des services votés tels qu'ils sont définis à l'article 33 ci-après et les mesures nouvelles qui justifient les modifications proposées au montant antérieur des services votés, et notamment les crédits afférents aux créations, suppressions et transformations d'emplois ;

2° L'échelonnement sur les années futures des paiements résultant des autorisations de programme ;

.

5° Des annexes explicatives par ministère développant, pour chaque programme, le montant des crédits présentés par titre et fixant le plafond des autorisations d'emplois. Ces annexes explicatives sont complétées par un projet annuel de performance faisant connaître, pour chaque programme :

3° La liste des comptes spéciaux du Trésor faisant apparaître le montant des recettes, des dépenses ou des découverts prévus pour ces comptes ;

a) Les objectifs, les résultats, les indicateurs et les coûts associés ;

4° La liste complète des taxes parafiscales ;

- d'annexes générales destinées à l'information et au contrôle du Parlement.

b) La justification de l'évolution des crédits par rapport aux dépenses effectives de l'année antérieure, aux crédits ouverts par la loi de finances de l'année en cours et à ces même crédits éventuellement majorés des crédits reportés de l'année précédente, en indiquant leurs perspectives d'évolution ultérieure ;

c) L'utilisation prévisionnelle, par catégorie et par corps ou par type de contrat, du plafond des autorisations d'emplois ;

d) Une estimation des crédits susceptibles d'être ouverts par voie de fonds de concours pour l'année en cours et l'année considérée ;

e) Le cas échéant, l'échéancier des crédits de paiement associés aux autorisations d'engagement ;

6° Une annexe explicative développant, pour chaque compte annexe, le montant du découvert ou des recettes et des crédits proposés par programme. Cette annexe explicative est complétée, pour chaque compte annexe, par un projet annuel de performance faisant connaître :

a)  Les éléments mentionnés au a du 5° ;

b) La justification de l'évolution de ses recettes, crédits ou découvert par rapport aux résultats d'exécution du dernier exercice clos et par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale de l'année en cours, en indiquant leurs perspectives d'évolution ultérieure.

7° Des annexes générales destinées à l'information et au contrôle du Parlement.

Chacune des dispositions du projet de loi de finances de l'année affectant les ressources ou les charges fait l'objet d'une évaluation chiffrée de son incidence au titre de l'année considérée et, le cas échéant, des années suivantes.

Article 38

Article 39

Article 39

Le projet de loi de finances de l'année, y compris le rapport et les annexes explicatives prévus à l'article 32, est déposé et distribué au plus tard le premier mardi d'octobre de l'année qui précède l'année d'exécution du budget. Il est immédiatement renvoyé à l'examen d'une commission parlementaire.

...................................................

Le projet de loi de finances de l'année, y compris les documents prévus aux 1° à 6° de l'article 38, est déposé et distribué au plus tard le premier mardi d'octobre de l'année qui précède celle de l'exécution du budget. Il est immédiatement renvoyé à l'examen de la commission chargée des finances.

Le projet de loi de finances de l'année, y compris les documents prévus aux articles 48 quater et 48 quinquies, est déposé...

... finances.

Chaque annexe générale destinée à l'information et au contrôle du Parlement est déposée sur le bureau des assemblées et distribuée au moins cinq jours francs avant l'examen, par l'Assemblée nationale en première lecture, des recettes ou des crédits auxquels elle se rapporte.

Toutefois, chaque...

...rapporte.

Article 40

Article 40

Sont joints à tout projet de loi de finances rectificative des tableaux récapitulant les mouvements intervenus par voie réglementaire et relatifs aux crédits de l'année en cours.

Supprimé.

Article 39

Article 41

Article 41

L'Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet de loi de finances.

L'Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet de loi de finances.

Supprimé.

Le Sénat doit se prononcer en première lecture dans un délai de vingt jours après avoir été saisi.

Le Sénat doit se prononcer en première lecture dans un délai de vingt jours après avoir été saisi.

Si l'Assemblée nationale n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet dans le délai prévu au premier alinéa, le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié le cas échéant par les amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par lui. Le Sénat doit alors se prononcer dans un délai de quinze jours après avoir été saisi.

Si l'Assemblée nationale n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet dans le délai prévu au premier alinéa, le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié le cas échéant par les amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par lui. Le Sénat doit alors se prononcer dans un délai de quinze jours après avoir été saisi.

Si le Sénat n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet de loi de finances dans le délai imparti, le Gouvernement saisit à nouveau l'Assemblée du texte soumis au Sénat, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui.

Si le Sénat n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet de loi de finances dans le délai imparti, le Gouvernement saisit à nouveau l'Assemblée du texte soumis au Sénat, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui.

Le projet de loi de finances est ensuite examiné selon la procédure d'urgence dans les conditions prévues à l'article 45 de la Constitution.

Le projet de loi de finances est ensuite examiné selon la procédure d'urgence dans les conditions prévues à l'article 45 de la Constitution.

Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans le délai de soixante-dix jours après le dépôt du projet, les dispositions de ce dernier peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans le délai de soixante-dix jours après le dépôt du projet, les dispositions de ce dernier peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

Article 40

Article 42

Article 42

La seconde partie de la loi de finances de l'année ne peut être mise en discussion devant une assemblée avant le vote de la première partie.

La seconde partie du projet de loi de finances de l'année et, s'il y a lieu, des projets de loi de finances rectificative, ne peut être mise en discussion devant une assemblée avant l'adoption de la première partie.

Sans modification

Article 41

Article 43

Article 43

Les évaluations de recettes font l'objet d'un vote d'ensemble pour le budget général et d'un vote par budget annexe ou par catégorie de comptes spéciaux.

Les évaluations de recettes font l'objet d'un vote d'ensemble pour le budget général et les comptes annexes.

Les évaluations de ressources font l'objet d'un vote pour les recettes budgétaires et d'un vote pour les ressources de trésorerie.

Les dépenses du budget général font l'objet d'un vote unique en ce qui concerne les services votés, d'un vote par titre et à l'intérieur d'un même titre par ministère, en ce qui concerne les autorisations nouvelles.

La discussion des crédits du budget général donne lieu, pour chaque ministère , à un vote par mission, portant à la fois sur les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, ainsi qu'à un vote portant sur le plafond des autorisations d'emplois.

La discussion des crédits du budget général donne lieu à un vote par mission. Les votes portent à la fois sur les autorisations d'engagement et sur les crédits de paiement.

Les plafonds des autorisations d'emplois font l'objet d'un vote unique.

Les dépenses des budgets annexes et des comptes spéciaux sont votées par budget annexe ou par catégorie de comptes spéciaux et éventuellement par titre dans les mêmes conditions que les dépenses du budget général.

Les crédits ou les découverts des comptes annexes sont votés par catégorie de comptes dans les mêmes conditions que les crédits du budget général.

Les crédits des budgets annexes et les crédits ou les déficits des comptes spéciaux sont votés par budget annexe et par catégorie de comptes spéciaux .

Article 43

Article 44

Article 44

Dès la promulgation de la loi de finances de l'année ou la publication de l'ordonnance prévue à l'article 47 de la Constitution, le Gouvernement prend des décrets portant, d'une part, répartition par chapitre pour chaque ministère des crédits ouverts et, d'autre part, répartition par compte particulier des opérations des comptes spéciaux du Trésor.

Dès la promulgation de la loi de finances de l'année ou d'une loi de finances rectificative, ou dès la publication de l'ordonnance prévue à l'article 47 de la Constitution, le Gouvernement prend des décrets, d'une part , portant répartition par programme et par titre, pour chaque ministère, des crédits ouverts sur chaque mission et, d'autre part, répartition par programme des crédits ouverts sur chaque compte annexe.

Dès la promulgation de la loi de finances de l'année ou d'une loi de finances rectificative, ou dès la publication de l'ordonnance prévue à l'article 47 de la Constitution, le Gouvernement prend des décrets portant répartition par programme ou par dotation , et par titre, des crédits , et, le cas échéant, par compte spécial, des déficits autorisés.

Ces décrets ne peuvent apporter aux chapitres ou comptes, par rapport aux dotations correspondantes de l'année précédente, que les modifications proposées par le Gouvernement dans les annexes explicatives, compte tenu des votes du Parlement.

Ces décrets répartissent les crédits conformément aux propositions présentées par le Gouvernement dans les annexes explicatives prévues aux 5° et 6° de l'article 38, modifiées, le cas échéant, par les votes du Parlement.

Ces décrets répartissent les crédits conformément aux propositions présentées par le Gouvernement dans les annexes explicatives prévues aux 5° et 6° de l'article 48 quinquies et au 2° de l'article 48 sexies , modifiées, le cas échéant, par les votes du Parlement.

Les dotations fixées par les décrets de répartition ne peuvent être modifiées que dans les conditions prévues à la présente ordonnance.

Les crédits fixés par les décrets de répartition ne peuvent être modifiés que dans les conditions prévues par la présente loi organique.

Alinéa sans modification.

Les créations, suppressions et transformations d'emplois résultent des modifications de crédits correspondantes dûment explicitées par les annexes.

Article 44

Article 45

Article 45

Dans le cas prévu à l'alinéa 4 de l'article  47 de la Constitution, le Gouvernement dispose des deux procédures prévues ci-dessous :

Dans le cas prévu au quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution, le Gouvernement dispose des deux procédures prévues ci-dessous :

Alinéa sans modification.

1° Il peut demander à l'Assemblée nationale, avant le 11 décembre de l'année qui précède celle de l'exécution du budget, d'émettre un vote séparé sur l'ensemble de la première partie de la loi de finances de l'année. Ce projet de loi partiel est soumis au Sénat selon la procédure d'urgence ;

1° Il peut demander à l'Assemblée nationale, avant le 11 décembre de l'année qui précède le début de l'exercice, d'émettre un vote séparé sur l'ensemble de la première partie de la loi de finances de l'année. Ce projet de loi partiel est soumis au Sénat selon la procédure d'urgence.

Alinéa sans modification.

2° Si la procédure prévue par le précédent alinéa n'a pas été suivie ou n'a pas abouti, le Gouvernement dépose, avant le 19 décembre de l'année qui précède celle de l'exécution du budget devant l'Assemblée nationale un projet de loi spécial l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année. Ce projet est discuté selon la procédure d'urgence ;

2° Si la procédure prévue au 1° n'a pas été suivie ou n'a pas abouti, le Gouvernement dépose, avant le 19 décembre de l'année qui précède le début de l'exercice, devant l'Assemblée nationale, un projet de loi spéciale l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année. Ce projet est discuté selon la procédure d'urgence .

Alinéa sans modification.

Si la loi de finances de l'année ne peut être promulguée, ni mise en application, en vertu du premier alinéa de l'article 62 de la Constitution, le Gouvernement dépose immédiatement devant l'Assemblée nationale un projet de loi spécial l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année. Ce projet est discuté selon la procédure d'urgence.

Alinéa sans modification.

Après avoir reçu l'autorisation de continuer à percevoir les impôts, soit par la promulgation de la première partie de la loi de finances de l'année, soit par la promulgation d'une loi spéciale, le Gouvernement prend des décrets portant répartition par chapitre ou par compte spécial du Trésor des crédits ou des autorisations applicables aux seuls services votés, tels qu'ils sont définis par la présente ordonnance, par le projet de loi de finances de l'année et par ses annexes explicatives.

Après avoir reçu l'autorisation de continuer à percevoir les impôts, soit par la promulgation de la première partie de la loi de finances de l'année, soit par la promulgation d'une loi spéciale, le Gouvernement prend des décrets ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés.

Alinéa sans modification.

La publication des décrets portant répartition des crédits de services votés n'interrompt pas la procédure de discussion de la loi de finances de l'année qui se poursuit dans les conditions prévues par les articles 45 et 47 de la Constitution et par les articles 39, 41 et 42 de la présente ordonnance.

La publication de ces décrets n'interrompt pas la procédure de discussion du projet de loi de finances de l'année, qui se poursuit dans les conditions prévues par les articles 45 et 47 de la Constitution et par les articles 41 à 43 et 48 de la présente loi organique.

La publication ...

... les articles 42, 43, 48 A et 48 de la présente loi organique.

Article 33

Les services votés représentent le minimum de dotations que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre l'exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l'année précédente par le Parlement.

Les services votés, au sens du quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution, s'entendent des crédits ouverts par la dernière loi de finances initiale.

Les services votés, au sens du quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution, représentent le minimum de crédits que le Gouvernement juge indispensable à l'exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l'année précédente par le Parlement. Ils ne peuvent excéder le montant des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année .

Les crédits applicables aux services votés sont au plus égaux :

- pour les dépenses ordinaires, aux crédits de la précédente année diminués des inscriptions non renouvelables et modifiés pour tenir compte de l'incidence en année pleine de mesures approuvées par le Parlement ou décidées par le Gouvernement dans la limite des pouvoirs qui lui sont propres ainsi que de l'évolution effective des charges couvertes par les crédits provisionnels ou évaluatifs ;

- pour les opérations en capital, aux autorisations de programme prévues par une loi de programme, aux prévisions inscrites dans le plus récent échéancier ou, à défaut d'échéancier, aux autorisations de l'année précédente éventuellement modifiées dans les conditions prévues au précédent alinéa.

CHAPITRE II

Du projet de loi de règlement

CHAPITRE II

Du projet de loi de règlement

Article 36

Article 46

Article 46

Le projet de loi de règlement est accompagné :

Sont joints au projet de loi de règlement :

Supprimé.

1° D'annexes explicatives faisant connaître notamment l'origine des dépassements de crédit et la nature des pertes et profits ;

1° Des annexes explicatives, par ministère, développant, pour chaque programme et par titre, le montant définitif des crédits ouverts et des dépenses constatées ainsi que les modifications de crédits demandées ;

2° Des rapports annuels de performance, établis par ministère et faisant connaître, pour chaque programme :

a) Les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés ;

b) La justification, pour chaque titre, des mouvements de crédits et des dépenses constatées, en précisant, le cas échéant :

- l'origine des dépassements de crédits exceptionnellement constatés pour cause de force majeure ;

- les circonstances ayant conduit à ne pas engager les dépenses correspondant aux crédits initialement présentés sur le titre des dépenses visées au 5° de l'article 4 et dont l'annulation est proposée ;

c) La gestion des autorisations d'emplois, en précisant, d'une part, la répartition des emplois effectifs par catégorie et par corps ou par type de contrat, ainsi que les coûts correspondants et, d'autre part, les mesures justifiant la variation du nombre des emplois par catégorie et par corps ou par type de contrat, ainsi que les coûts associés à ces mesures ;

3° Une annexe explicative développant, pour chaque compte annexe, le montant définitif des recettes et des dépenses constatées, des crédits ouverts, ou découvert, ainsi que les modifications de crédits ou du découvert autorisé demandées. Cette annexe explicative est complétée, pour chaque compte annexe, par un rapport annuel de performance établi dans les conditions prévues au 2° ;

4° Le compte général de l'État, assorti de son rapport de présentation, auquel sont annexées une évaluation des engagements hors bilan de l'État et, le cas échéant, une présentation des changements de méthodes et des règles comptables apportées au cours de l'année ;

2° D'un rapport de la Cour des comptes et de la déclaration générale de conformité entre les comptes individuels des comptables et la comptabilité des ministres.

5° Un rapport établi par la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances et les comptes, ainsi que la certification par celle-ci de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'Etat. Ce rapport comporte une présentation par ministère de l'exécution des crédits.

Article 38

Article 47

Article 47

......................................................

Le projet de loi de règlement est déposé et distribué au plus tard à la fin de l'année qui suit l'année d'exécution du budget.

.....................................................

Le projet de loi de règlement, y compris les documents prévus à l'article 46, est déposé et distribué avant le 1 er juin de l'année suivant celle de l'exécution du budget auquel il se rapporte.

Le projet ...

...l'article 48 septies, est déposé et distribué avant le 15 juin de l'année ...

... rapporte.

CHAPITRE III

Dispositions communes

CHAPITRE III

Dispositions communes

Article 48 A

L'Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet de loi de finances au sens de l'article additionnel avant l'article premier.

Le Sénat doit se prononcer en première lecture dans un délai de vingt jours après avoir été saisi.

Si l'Assemblée nationale n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet dans le délai prévu au premier alinéa, le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par lui. Le Sénat doit alors se prononcer dans un délai de quinze jours après avoir été saisi.

Si le Sénat n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet de loi de finances dans le délai imparti, le Gouvernement saisit à nouveau l'Assemblée du texte soumis au Sénat, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui.

Le projet de loi de finances est ensuite examiné selon la procédure d'urgence dans les conditions prévues à l'article 45 de la Constitution.

Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans le délai de soixante-dix jours après le dépôt du projet, les dispositions de ce dernier peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

Article 42

Article 48

Article 48

Aucun article additionnel, aucun amendement à un projet de loi de finances ne peut être présenté, sauf s'il tend à supprimer ou à réduire effectivement une dépense, à créer ou à accroître une recette ou à assurer le contrôle des dépenses publiques.

Les membres du Parlement ne peuvent présenter des amendements à un projet de loi de finances lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. Au sens des articles 34 et 40 de la Constitution, la charge s'entend, s'agissant des amendements s'appliquant aux crédits, de la mission ou du compte annexe.

Au sens de l'article 40 de la Constitution la charge s'entend, s'agissant des amendements s'appliquant aux crédits, de la mission ou de la dotation .

Tout article additionnel et tout amendement doit être motivé et accompagné des développements des moyens qui le justifient.

Tout amendement doit être motivé et accompagné des développements des moyens qui le justifient.

Alinéa sans modification.

La disjonction des articles additionnels ou amendements qui contreviennent aux dispositions du présent article est de droit.

Les amendements non conformes aux dispositions de la présente loi organique sont irrecevables.

Les amendements non conformes aux dispositions du présent article, ainsi qu'aux articles 7, 19, 31 et 33, sont irrecevables.

TITRE III BIS

DE L'INFORMATION ET DU CONTRÔLE SUR LES FINANCES PUBLIQUES

CHAPITRE I er

De l'information

Article 48 bis

En vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances de l'année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, comportant :

1° Une analyse des évolutions économiques constatées depuis l'établissement du rapport mentionné à l'article 48 quater ;

2° Une description des grandes orientations de sa politique économique et, au regard des engagements européens de la France ainsi que, le cas échéant, des recommandations adressées à elle sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne, les perspectives d'évolution à moyen terme des comptes de l'ensemble des administrations publiques détaillées par sous-secteurs et exprimés selon les conventions de la comptabilité nationale ;

3° Une évaluation à moyen terme, année par année, des différentes catégories de ressources de l'État ainsi que de ses charges, présentées par mission ;

4° La liste des missions, des programmes, et des indicateurs de performances associés à chacun de ces programmes envisagées pour le projet de loi de finances de l'année suivante.

Ce rapport peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Article 48 ter

En vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances de l'année, et sans préjudice de toute autre disposition relative à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, les autres commissions et les délégations parlementaires concernées adressent des questionnaires au Gouvernement avant le 10 juillet de chaque année. Celui-ci y répond par écrit au plus tard huit jours francs après la date mentionnée au premier alinéa de l'article 39.

Article 48 quater

Est joint au projet de loi de finances de l'année un rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation. Il comprend notamment la présentation des hypothèses, des méthodes et des résultats des projections sur la base desquelles est établi le projet de loi de finances de l'année. Il inclut une présentation actualisée des informations mentionnées aux 2° et 3° de l'article 48 bis et développe les données générales de l'équilibre budgétaire selon les conventions de la comptabilité nationale.

Sont joints à cette annexe les rapports sur les comptes de la Nation qui comportent une présentation des comptes des années précédentes et des comptes prévisionnels pour l'année en cours et, au moins, l'année suivante.

Article 48 quinquies

Sont joints au projet de loi de finances de l'année :

1° Une annexe explicative comportant la liste et l'évaluation, par bénéficiaire ou catégorie de bénéficiaires, des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'État et les collectivités territoriales ;

2° Une analyse des changements de la présentation budgétaire faisant connaître leurs effets sur les recettes, les dépenses et le solde budgétaire de l'année concernée ;

3° Une présentation des recettes et des dépenses budgétaires en une section de fonctionnement et une section d'investissement ;

4° Une annexe explicative analysant les prévisions de chaque recette budgétaire et présentant les dépenses fiscales ;

5° Des annexes explicatives développant, par programme, au sein de chaque titre, les crédits selon leur nature ou leur finalité. Elles présentent le projet annuel de performances de chaque programme qui fait connaître par année, pour l'année en cours, l'année concernée et les années ultérieures :

a) La présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus, mesurés au moyens d'indicateurs précis dont le choix est justifié ;

b) L'évaluation des dépenses fiscales ;

c) La justification de l'évolution des crédits par rapport aux dépenses effectives de l'année antérieure, aux crédits ouverts par la loi de finances de l'année en cours et à ces mêmes crédits éventuellement majorés des crédits reportés de l'année précédente, en indiquant leurs perspectives d'évolution ultérieure ;

d) L'échéancier des crédits de paiement associés aux autorisations d'engagement ;

e) Par catégorie et par métier ou par type de contrat, la répartition prévisionnelle des emplois rémunérés par l'État et la justification des variations par rapport à la situation existante ;

6° Des annexes explicatives développant, pour chaque budget annexe et chaque compte spécial, le montant du déficit, des recettes et des crédits. Elles présentent le projet annuel de performances de chacun d'entre eux, dans les conditions prévues au 5° en justifiant les prévisions de recettes ;

7° Des annexes générales destinées à l'information et au contrôle du Parlement.

Article 48 sexies

Sont joints à tout projet de loi de finances rectificative :

1° Un rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'il comporte ;

2° Une annexe explicative détaillant les modifications de crédits proposées.

Article 48 septies

Sont joints au projet de loi de règlement :

1° Des annexes explicatives développant, par programme ou par dotation, le montant définitif des crédits disponibles et des dépenses effectives, et indiquant les écarts constatés avec la présentation par titre des crédits ouverts ;

2° Les rapports annuels de performances faisant connaître, par programme, pour chacune des informations figurant au 5° de l'article 48 quinquies, les réalisations constatées et mettant en évidence les écarts avec les prévisions, ainsi qu'avec les réalisations constatées dans la dernière loi de règlement ;

3° Des annexes explicatives développant, pour chaque budget annexe et chaque compte spécial, le montant définitif des recettes, des dépenses et des soldes constatés. Elles présentent le rapport annuel de performances de chacun d'entre eux, dans les conditions prévues au 2° ;

4° Des annexes explicatives présentant les résultats de la comptabilité analytique des services ;

5° Le compte général de l'État, qui comprend le compte de résultat, le bilan et ses annexes. Il est accompagné d'un rapport de présentation, qui indique notamment les changements des méthodes et des règles comptables appliquées au cours de l'exercice .

Article 48 octies

Chacune des dispositions d'un projet de loi de finances affectant les ressources ou les charges de l'État fait l'objet d'une évaluation chiffrée de son incidence au titre de l'année considérée et, le cas échéant, des années suivantes.

Article 48 nonies

Les décrets et arrêtés prévus par la présente loi organique, ainsi que le rapport qui en présente les motivations, sont publiés au Journal officiel.

CHAPITRE II

Du contrôle

Article 48 decies

Les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs spéciaux. A cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu'ils jugent utiles.

Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis.

Les personnes dont l'audition est jugée nécessaire ont l'obligation de s'y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel sous les réserves prévues à l'alinéa précédent.

Article 48 undecies

La mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte, notamment :

1° L'obligation de répondre aux demandes d'assistance formulées dans le cadre des missions de contrôle et d'évaluation prévues à l'article 48 decies ;

2° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication ;

3° Le dépôt d'un rapport préliminaire conjoint au dépôt du rapport mentionné à l'article 48 bis relatif aux résultats de l'exécution de l'exercice antérieur ;

4° Le dépôt d'un rapport conjoint au dépôt du projet de loi de règlement, relatif aux résultats de l'exécution de l'exercice antérieur et aux comptes associés, qui, en particulier, analyse l'exécution des crédits. Ce rapport comporte la certification par la Cour des comptes de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'État et rend compte des vérifications effectuées ;

5° Le dépôt d'un rapport conjoint au dépôt de tout projet de loi de finances sur les mouvements de crédits opérés par voie administrative dont la ratification est demandée dans ledit projet de loi de finances.

Article 48 duodecies

Lorsque, dans le cadre d'une mission de contrôle et d'évaluation, la communication des renseignements demandés en application de l'article 48 decies ne peut être obtenue au terme d'un délai raisonnable, apprécié au regard de la difficulté de les réunir, les présidents des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances peuvent demander à la juridiction compétente, statuant en référé, de faire cesser cette entrave sous astreinte.

Article 48 terdecies

Lorsqu'une mission de contrôle et d'évaluation donne lieu à des observations notifiées au gouvernement, celui-ci y répond, par écrit, dans un délai de deux mois.

TITRE IV

ENTRÉE EN VIGUEUR ET APPLICATION DE LA LOI ORGANIQUE

TITRE IV

ENTRÉE EN VIGUEUR ET APPLICATION DE LA LOI ORGANIQUE

Article 49

Article 49

A l'issue d'un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi organique, toute garantie de l'Etat qui n'a pas été expressément autorisée par une disposition de loi de finances est caduque.

Sans modification

Une annexe récapitulant les garanties de l'Etat qui, au 31 décembre 2004, n'ont pas été expressément autorisées par une loi de finances est jointe au projet de loi de règlement du budget de l'année 2004.

Article 20

Article 50

Article 50

Les opérations financières de services de l'Etat que la loi n'a pas dotés de la personnalité morale et dont l'activité tend essentiellement à produire des biens ou à rendre des services donnant lieu au paiement de prix, peuvent faire l'objet de budgets annexes. Les créations ou suppressions de budgets annexes sont décidées par les lois de finances.

Les budgets annexes, les comptes d'affectation spéciale et les comptes de commerce ouverts à la date de publication de la présente loi organique peuvent, à titre transitoire, être maintenus.

Supprimé.

Article 21

Les budgets annexes comprennent, d'une part, les recettes et les dépenses d'exploitation, d'autre part, les dépenses d'investissement et les ressources spéciales affectées à ces dépenses.

Ils demeurent régis par les dispositions de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances dans sa rédaction en vigueur à la date de publication de la présente loi organique.

Les opérations des budgets annexes s'exécutent comme les opérations du budget général. Les dépenses d'exploitation suivent les mêmes règles que les dépenses ordinaires ; les dépenses d'investissement suivent les mêmes règles que les dépenses en capital.

Toutefois, les crédits limitatifs se rapportant aux dépenses d'exploitation et les crédits se rapportant aux investissements peuvent être majorés, non seulement dans les conditions prévues aux articles 14 et 17 ci-dessus, mais également par arrêtés du ministre des finances, s'il est établi que l'équilibre financier du budget annexe tel qu'il est prévu par la dernière loi budgétaire n'est pas modifié et qu'il n'en résulte aucune charge supplémentaire pour les années suivantes.

Article 22

Les services dotés d'un budget annexe peuvent gérer des fonds d'approvisionnement, d'amortissement, de réserve et de provision. Les fonds d'approvisionnement sont initialement dotés sur les crédits d'investissement du budget général.

Article 25

Les comptes d'affectation spéciale retracent des opérations qui, par suite d'une disposition de loi de finances prise sur l'initiative du Gouvernement, sont financées au moyen de ressources particulières. Une subvention inscrite au budget général de l'État ne peut compléter les ressources d'un compte spécial que si elle est au plus égale à 20 % du total des prévisions de dépenses.

Le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d'un compte d'affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes du même compte, sauf pendant les trois mois de la création de celui-ci. Dans ce dernier cas, le découvert ne peut être supérieur au quart des dépenses autorisées pour l'année. Si, en cours d'année, les recettes d'un compte d'affectation spéciale apparaissent supérieures aux évaluations, les crédits peuvent être majorés par arrêté du ministre des finances dans la limite de cet excédent de recettes.

Article 26

Les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel ou commercial effectuées à titre accessoire par des services publics de l'Etat. Les prévisions de dépenses concernant ces comptes ont un caractère évaluatif ; seul le découvert fixé annuellement pour chacun d'eux a un caractère limitatif. Sauf dérogations expresses prévues par une loi de finances, il est interdit d'exécuter, au titre de comptes de commerce, des opérations d'investissement financier, de prêts ou d'avances ainsi que des opérations d'emprunts.

Les résultats annuels sont établis pour chaque compte selon les règles du plan comptable général.

Article 51

Article 51

I. - Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 16 sont applicables aux crédits de dépenses ordinaires et aux crédits de paiement de l'exercice 2005, pour ceux d'entre eux qui sont susceptibles de faire l'objet de reports. La limite prévue audit alinéa s'applique aux crédits initiaux des chapitres concernés.

I. - Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 9 sont ...

... l'objet de reports.

Article 19

Les procédures particulières permettant d'assurer une affectation au sein du budget général ou d'un budget annexe sont la procédure de fonds de concours et la procédure de rétablissement de crédits.

II. - Les crédits ouverts dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 19 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 précitée et disponibles à la fin de l'année 2005 peuvent être reportés sur les programmes permettant l'emploi des fonds conformément à l'intention de la partie versante ou du donateur.

II. - Les dispositions du cinquième alinéa de l'article 9 sont applicables aux crédits ouverts dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 19 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 précitée et disponibles à la fin de l'exercice 2005.

Les fonds versés par des personnes morales ou physiques pour concourir avec ceux de l'Etat à des dépenses d'intérêt public, ainsi que les produits de legs et donations attribués à l'Etat ou à diverses administrations publiques, sont directement portés en recettes au budget. Un crédit supplémentaire de même montant est ouvert par arrêté du ministre des finances au ministre intéressé. L'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante ou du donateur. Des décrets pris sur le rapport du ministre des finances peuvent assimiler le produit de certaines recettes de caractère non fiscal à des fonds de concours pour dépenses d'intérêt public.

Peuvent donner lieu à rétablissement de crédits dans des conditions fixées par arrêté du ministre des finances :

a) Les recettes provenant de la restitution au Trésor de sommes payées indûment ou à titre provisoire sur crédits budgétaires ;

b) Les recettes provenant de cessions ayant donné lieu à paiement sur crédits budgétaires.

Le décret visé au deuxième alinéa du présent article pourra étendre la procédure des fonds de concours aux cas de rétablissement de crédits non prévus sous les lettres a et b ci-dessus et autorisés par la législation en vigueur.

Article 52

Article 52

A défaut de dispositions législatives particulières, les taxes régulièrement perçues au cours de l'année suivant celle de la publication de la présente loi organique en application de l'article 4 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 précitée peuvent être perçues, jusqu'au 31 décembre de cette année, selon l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement en vigueur à la date de leur établissement.

A défaut de ...

...cours de la deuxième année suivant celle ...

...de leur établissement.

Article 53

Article 53

Les dispositions du 5° de l'article 46 et de l'article 47 sont applicables pour la première fois au projet de loi de règlement relatif à l'exécution du budget afférent à la quatrième année suivant celle de la publication de la présente loi organique.

Les dispositions de l'article 47 et du 5° de l'article 48 septies sont applicables pour la première fois au projet de loi de règlement du budget ...

... publication de la présente loi organique.

Les projets de loi de règlement afférents aux années antérieures sont déposés et distribués au plus tard le 30 juin de l'année suivant celle de l'exécution du budget auquel ils se rapportent.

Alinéa sans modification.

Article 54

Article 54

Les dispositions des articles 15, 25 à 28, 33, 37, 39, deuxième alinéa, 40 et 42 sont applicables à compter du 1 er janvier 2002.

Les dispositions des articles 15, 25, 26, 27, 28, 33, du deuxième alinéa de l'article 39, des articles 42, 48 bis , à l'exception des quatrième et sixième alinéas, 48 ter , 48 sexies , 48 decies , 48 undecies , à l'exception du cinquième alinéa, et des articles 48 duodecies et 48 terdecies sont applicables à compter du 1er janvier 2002.

L'article 36, à l'exception du sixième alinéa, est applicable à compter du 1 er janvier 2003.

Alinéa supprimé

Article 55

Article 55

I. - Est joint au projet de loi de finances pour 2005 un document présentant, à titre indicatif, les crédits du budget général selon les principes retenus par la présente loi organique.

Sans modification

II. - Au cours de la préparation du projet de loi de finances pour 2006, les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sont informées par le Gouvernement de la nomenclature qu'il envisage pour les missions et les programmes prévus à l'article 7.

Article 56

Article 56

Sous réserve des dispositions prévues aux articles 49 à 55, l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 précitée est abrogée le 1 er janvier 2005. Toutefois, ses dispositions demeurent applicables aux lois de finances afférentes à l'année 2005 et aux années antérieures.

Sans modification

Sous réserve des articles 49 à 55 et de la dernière phrase de l'alinéa précédent, la présente loi organique entre en vigueur le 1 er janvier 2005.

Article 45

Article 57

Article 57

Des décrets en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre des finances pourvoiront en tant que de besoin à l'exécution de la présente ordonnance.

Des décrets en Conseil d'Etat pourvoient, en tant que de besoin, à l'exécution de la présente loi organique.

Alinéa sans modification.

Ils contiendront notamment toutes dispositions de nature à assurer la bonne gestion des finances publiques et relatives à la comptabilité publique.

Ils contiennent toutes dispositions relatives à la comptabilité publique et à la bonne gestion des finances publiques.

Alinéa Supprimé.

Ils régleront la présentation comptable du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux, et notamment la nomenclature des dépenses ordinaires et en capital, des investissements et des prêts, et le plan comptable de l'État.

* 1 Avis du Conseil d'Etat, publié en annexe du rapport A.N. n° 2908 (2000-2001), pages 605 et 606. Cet avis, a pour conséquence que le texte doit être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées, et pour corollaire que la navette se poursuive jusqu'à cet accord, sans provocation de commission mixte paritaire. Selon les informations de votre rapporteur, le Premier ministre aurait l'intention de suivre cet avis sur ce point .

* 2 Rapport général Sénat n° 85 (1997-1998) - Tome I - pages 89 à 91.

* 3 Y compris les opérations temporaires et les remboursements et dégrèvements d'impôts.

* 4 Articles 11 et 13 et article premier de l'ordonnance. A titre d'exemple, l'arrêté du 10 juillet 1997 annule la quasi totalité des crédits du fonds de gestion de l'espace rural alors même que l'abondement de ce fonds avait fait l'objet de longs débats au Parlement : l'Assemblée nationale et le Sénat avaient « obtenu » une majoration de 150 millions de francs des crédits correspondants.

* 5 L'ordonnance de 1959 dispose judicieusement, en son article 38, que : « si aucun projet de loi de finances rectificative n'est déposé avec le 1 er juin, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques . » Toutefois, et de pratique constante, ce rapport est muet sur l'aspect finances publiques considérées dans l'optique de l'exécution budgétaire.

* 6 « En finir avec le mensonge budgétaire. Enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat ». Sénat n° 485 (1999-2000) -Alain Lambert et Philippe Marini.

* 7 « Doter la France de sa nouvelle constitution financière. Un préalable à la réforme de l'Etat ». Sénat n° 37 (2000/2001) - Alain Lambert.

* 8 « Les lacunes de l'information statistique relative aux administrations publiques » - Sénat n° 203 (2000/2001) - Joël Bourdin.

* 9 « De la démocratie budgétaire en Amérique - L'information économique aux Etats-Unis et les offices du Congrès : quels enseignements pour la France ? » Sénat n° 326 (2000/2001) - Joël Bourdin.

* 10 Sénat n° 348 (2000/2001) - Gérard Braun.

* 11 Une première tentative est mentionnée dans le rapport d'orientation budgétaire pour 2001, faisant apparaître les dettes garanties par l'Etat et les primes d'épargne-logement. Elle reste à compléter par la dette viagère représentée par les futures pensions des fonctionnaires.

* 12 De ce point de vue, votre rapporteur considère que le dispositif retenu convient mieux aux relations entre le Sénat et le Gouvernement qu'entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement, puisque ce dernier n'est pas responsable devant le Sénat où le phénomène majoritaire a moins d'importance.

* 13 N° 2908 (2000/2001) du 31 janvier 2001.

* 14 Voir à ce sujet : « Une réserve de crédits à l'utilisation aléatoire. Les dépenses éventuelles et accidentelles ». Sénat n°444 (1999/2000). Louis-Ferdinand de Rocca Serra

* 15 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances, Sénat, n° 37 (2000-2001), page 90.

* 16 Rapport de M. Didier Migaud fait au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n° 2908 (XIème législature), page 59.

* 17 Cette délégation du pouvoir législatif au pouvoir réglementaire explique l'importance du contrôle du juge administratif sur ce dernier, et le justifie, ainsi qu'en témoigne l'abondante jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de rémunération pour services rendus.

* 18 Rapport fait au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n° 2908 (XIième législature), page 65.

* 19 Rapport Sénat, n° 37 (2000-2001), pages 92 et 93.

* 20 Décision du Conseil constitutionnel n° 94-351 DC du 29 décembre 1994 sur la loi de finances pour 1995.

* 21 Voir le commentaire de l'article 7.

* 22 Rapport d'information au nom de la commission des finances, n°37 (2000-2001), pages 60 et 61.

* 23 Rapport au nom de la commission spéciale, n° 2908 (XIème législature).

* 24 In « En finir avec le mensonge budgétaire - Enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat » Tome II du rapport n° 485 (1999-2000) de la commission des finances du Sénat, page 68.

* 25 26 In « En finir avec le mensonge budgétaire - Enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat » Tome II du rapport n° 485 (1999-2000) de la commission des finances du Sénat, page 165.

* 27 In « En finir avec le mensonge budgétaire - Enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat » Tome II du rapport n° 485 (1999-2000) de la commission des finances du Sénat, page 67.

* 28 In « En finir avec le mensonge budgétaire - Enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat » Tome II du rapport n° 485 (1999-2000) de la commission des finances du Sénat, page 138.

* 29 In « En finir avec le mensonge budgétaire - Enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat » Tome II du rapport n° 485 (1999-2000) de la commission des finances du Sénat, page 56.

* 30 Rapport au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n° 2908 (XIème législature), page 89.

* 31 Précision apportée par la commission spéciale à l'initiative de notre collègue député Jacques Brunhes.

* 32 Voir le commentaire de l'article 18.

* 33 Garanti par l'article XVI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

* 34 Figurant à l'article 7 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, et intégré au bloc de constitutionnalité par la décision n° 94-338 DC du 10 mars 1994 du Conseil constitutionnel au motif que cette ordonnance a été prise en vertu du premier alinéa de l'article 92 de la Constitution.

* 35 Outre l'Assemblée nationale et le Sénat, le titre II actuel comprend les crédits propres de la présidence de la République, ceux du Conseil constitutionnel, de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République. Quoique bénéficiant d'un titre qui lui est dédié dans la Constitution, le Conseil économique et social ne voit pas ses crédits inscrits au titre II mais au budget des Services généraux du premier ministre, ce qui peut constituer une situation étonnante.

* 36 Voir le commentaire de l'article 4.

* 37 Rapport au nom de la commission spéciale, n° 2908 (XIème législature).

* 38 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances, n°37 (2000-2001).

* 39 Rapport au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n° 2908 (XI ème législature), page 116.

* 40 Voir le commentaire de l'article 17.

* 41 Voir le commentaire de l'article 7.

* 42 Voir le commentaire de l'article 7.

* 43 Rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1999.

* 44 Rapport de M. Didier Migaud, au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n° 2908 (XIème législature) page 133.

* 45 « [les autorisations de programme] demeurent valables sans limitation de durée jusqu'à ce qu'il soit procédé à leur annulation ».

* 46 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Séna,t n°37 (2000-2001), p. 115 et suivantes.

* 47 Décision n° 82-154 DC du 29 décembre 1982.

* 48 Décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994.

* 49 Voir le commentaire des articles 25 et 31.

* 50 Il ne faut oublier que dans sa décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a rappelé « les inconvénients inhérents à toute débudgétisation du point de vue du contrôle des finances publiques ».

* 51 Voir les commentaires de l'article additionnel après l'article 18 et de l'article 19.

* 52 Voir le commentaire de l'article 18.

* 53 Voir le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution du budget de 1998, pages 68 et suivantes.

* 54 Rapport d'information au nom de la commission des finances, Sénat, n° 37 (2000-2001).

* 55 Dans la loi de finances pour 1999, le gouvernement a choisi de mettre en place un nouveau prélèvement sur recettes.

* 56 Décision n° 82-154 DC du 29 décembre 1982.

* 57 Décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1999.

* 58 Décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989.

* 59 Page 79.

* 60 Rapport précité, page 175.

* 61 On y lit notamment : « la Cour propose donc de faire figurer en dépense du budget général le montant des prélèvements sur recettes à caractère de subvention. S'agissant des autres prélèvements, sous réserve de la vérification de la constitutionnalité de la technique du prélèvement sur recettes, et sans autre considération de fond sur le mode de traitement des recettes des collectivités territoriales, ils paraissent recevables ».

* 62 Le texte en figure en annexe au rapport fait par M. Didier Migaud, député, au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n° 2908 (XIème législature), pages 604 et suivantes.

* 63 Cité dans le rapport d'information de M. Jacques Barrot, député, au nom de la commission des finances, sur la recevabilité financière des amendements, Assemblée nationale, n° 1273 (Xème législature), page76.

* 64 Compte tenu des masses en jeu, une erreur sur les autres recettes de l'Etat équivaut à une erreur sur les fonds de concours proportionnellement beaucoup plus considérable.

* 65 Loi de finances rectificative pour 2000 n° 2000-1353 du 30 décembre 2000

* 66 Ces règles sont celles de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959.

* 67 Voir le commentaire du précédent article additionnel.

* 68 N° 2000-1353 du 30 décembre 2000.

* 69 Deuxième et troisième alinéas de l'article 15 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 précitée.

* 70 Rapport fait au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n°2908 (Xième législature).

* 71 Rapport au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale n°2908 (XIème législature).

* 72 Intervention au 2 ème Forum international de la gestion publique, publiée dans la Revue du Trésor n° 3-4, mars-avril 2001.

* 73 Ces principes font l'objet de développements dans le commentaire associé à l'article 29.

* 74 De ce point de vue il convient de souligner que l'IFAC travaille à la rédaction d'un référentiel d'une vingtaine de normes visant à définir dans les grandes lignes ce que devraient être les comptabilités publiques. Il va de soi que ces normes devront être prises en considération lors de l'élaboration du référentiel comptable de l'Etat.

* 75 Intervention au 2 ème Forum international de la gestion publique, publiée dans la Revue du Trésor n° 3-4, mars-avril 2001.

* 76 Rapport n°485, 1999-2000.

* 77 Rapport n°485, 1999-2000.

* 78 Voir les décisions du Conseil constitutionnel mentionnées dans le commentaire du présent article figurant dans le rapport de M. Didier Migaud au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n°2908 ( XIème législtature), p. 169.

* 79 Rapport d'information n°37, Sénat (2000-2001), p. 115 et suivantes.

* 80 Rapport au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n°2908 ( Xième législtature), p. 175.

* 81 Rapport n°37 au nom de la commission des finances, Sénat (2000-2001).

* 82 Organisation pour la coopération et le développement économique.

* 83 Rapport de la Mission comptabilité patrimoniale présenté à M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, et M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, le 30 juin 1998.

* 84 Rapport au nom de la commission spéciale Assemblée nationale, n°2908 (XIème législature), p.177 et 178.

* 85 Intervention au 2 ème Forum international de la gestion publique, publiée dans la Revue du Trésor n° 3-4, mars-avril 2001.

* 86 Intervention au 2 ème Forum international de la gestion publique, publiée dans la Revue du Trésor n° 3-4, mars-avril 2001.

* 87 Les lois de financement de la sécurité sociale ont quant à elles un objet défini plus strictement, le domaine partagé étant réduit, d'après le III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, aux « dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ».

* 88 Il convient de rappeler la distinction entre le consentement de l'impôt qui constitue l'acte juridique effectué par les représentants du peuple, du consentement à l'impôt qui est l'acte réalisé par chaque citoyen lorsqu'il s'acquitte de cet impôt.

* 89 Journal officiel des débats, Assemblée nationale , 2 ème séance du 8 février 2001, pages 1350 à 1353.

* 90 Ces procédures existent néanmoins s'agissant des dépenses de la sécurité sociale, puisque le Parlement vote dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale le plafond des avances de trésorerie dont peuvent bénéficier certains régimes, énumérés limitativement. Ce plafond peut être augmenté par décret dont la ratification est demandée dans le plus prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (5° du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale).

* 91 Voir le commentaire de l'article 43.

* 92 Voir le commentaire du III de l'article 7.

* 93 Décision n° 84-170 DC du 4 juin 1984.

* 94 Le 7° du I de l'article 31 du texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que la loi de finances initiale « évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l'équilibre financier présentées dans un tableau de financement ».

* 95 Contribution de la Cour des comptes n° 14 : « l'avenir de la comptabilité budgétaire », 22 janvier 2001.

* 96 D'autant plus que le premier alinéa de l'article 39 donne l'initiative des lois au Premier ministre et non à un ministre.

* 97 Votre rapporteur profite de cette occasion pour souhaiter très vivement que la coopération des services d'expertise économique du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie puisse sous des formes à déterminer, soigneusement mais sans tarder, être acquise au Parlement. Il souligne que ce souhait est clairement exprimé dans l'excellent rapport réalisé par notre collègue Joël Bourdin, au nom de la délégation du Sénat pour la planification. Rapport n° 326 - 2000-2001.

* 98 Rapport n°2908 fait au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale (XIème législature).

* 99 Rapport d'information n° 37 fait au nom de la commission des finances, Sénat (2000-2001).

* 100 Décision n° 82-154 DC du 29 décembre 1982.

* 101 Rapport fait au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale, n° 2908 (XI e législature, page 228.

* 102 Décision n° 71-43 DC du 17 juin 1971.

* 103 Décision n° 83-161 DC du 19 juillet 1983.

* 104 Décision n° 85-190 DC du 24 juillet 1985.

* 105 Décision n° 86-209 DC du 3 juillet 1986.

* 106 Voir le commentaire de l'article additionnel avant l'article 48.

* 107 Décision n° 79-110 DC du 24 décembre 1979.

* 108 Décision n° 92-309 DC du 9 juin 1992.

* 109 Rapport de M. Didier Migaud, député, au nom de la commission spéciale, n° 2908 (Xième législature), page 237.

* 110 Rapport précité, page 239.

* 111 S'il est difficile d'imaginer dès à présent les formes que prendra un tel « dialogue », votre rapporteur souhaite indiquer que, dans son esprit, si certains actes de fongibilité seront probablement nécessaires pour connaître l'état précis de consommation des crédits et les perspectives d'évolution, il conviendra de les réduire au strict minimum et de ne pas entraver la liberté responsabilisante des gestionnaires.

* 112 Décision n° 79-111 DC du 30 décembre 1979.

* 113 Rapport au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale n° 2908 (XIème législature), page 246.

* 114 Rapport au nom de la commission spéciale, Assemblée nationale n° 2908 (XIème législature), p. 249.

* 115 Voir le commentaire de l'article 41.

* 116 Voir les commentaires de l'article 41 et de l'article 47.

* 117 Dans l'histoire des discussions budgétaires, l'examen du projet de loi de règlement a pu être un moment au moins aussi suivi que celui du projet de loi de finances de l'année.

* 118 Décision n° 80-126 DC du 30 décembre 1980.

* 119 Décision n° 64-27 DC du 18 décembre 1964.

* 120 Rapport au nom de la commission spéciale, AN , n° 2908 (XIème législature) page 260

* 121 La charge publique vaut pour l'Etat, les collectivités locales et les régimes obligatoires de sécurité sociale (décision n° 60-11 DC du 20 janvier 1961) et ne concerne pas les tâches de gestion (n° 99-419 DC du 9 novembre 1999).

* 122 op.cit., page 24.

* 123 Sauf l'irrecevabilité tirée du 1. de l'article 46 du règlement du Sénat.

* 124 La charge gardant son sens quantitatif actuel pour les autres textes et amendements.

* 125 Décision n° 96-379 DC du 16 juillet 1996.

* 126 Décision n° 96-379 DC du 16 juillet 1996.

* 127 L'article 13 prévoit, quant à lui, les conditions de nomination des membres de la Cour, conditions qui diffèrent de celles posées pour les magistrats de l'ordre judiciaire.

* 128 Décision n° 94-349 DC du 20 décembre 1994.

* 129 Texte de la deuxième contribution de la Cour des comptes pour la réforme de l'ordonnance organique reproduit dans le rapport n° 37 de M. Alain Lambert au nom de la commission des finances du Sénat -2000-2001.

* 130 Les caractères gras sont issus d'un ajout de votre rapporteur.

* 131 Revue française des finances publiques n° 59-1997.

* 132 Voir les commentaires des articles 18 et 19.

* 133 Voir le commentaire de l'article 47.

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