B. DYNAMISER LA GESTION DES COLLECTIONS MUSÉOGRAPHIQUES

1. Le statut des collections

En prévoyant une exception au principe d'inaliénabilité des collections publiques pour les oeuvres d'art contemporain, l'Assemblée nationale a eu le mérite d'ouvrir un débat que les responsables de la politique nationale des musées ont toujours esquivé.

Au cours des nombreuses auditions auxquelles il a procédé en vue de l'examen du projet de loi, votre rapporteur a pu constater que les mentalités n'étaient pas prêtes à accepter une évolution de ce principe sacro-saint qui a comme corollaire, il faut le rappeler, celui de l'infaillibilité des décisions d'acquisition, ce qui laisse songeur sur la capacité du corps des conservateurs à se remettre en question.

Rares sont les voix qui s'élèvent pour réclamer un droit au repentir.

Sur cette question, les nombreux exemples de relectures historiques -qui n'ont pas manqué d'être cités par les personnalités entendues par votre rapporteur - incitent évidemment à la prudence.

Toutefois, parmi les autres arguments avancés, figure également la crainte de voir les collections publiques -et en particulier celles des collectivités territoriales- mises à l'encan par les élus. Votre rapporteur ne pourra que s'en étonner dans la mesure où le renouveau actuel des musées résulte bien d'une volonté politique et que, si les musées de province ont pu se développer et se rénover, c'est en grande partie grâce au regain d'intérêt des collectivités territoriales pour leur patrimoine.

Au-delà de ces observations, il convient d'éviter de retenir des solutions trop systématiques, qui pourraient mettre en péril la pérennité de certaines collections muséographiques. A cet égard, la disposition adoptée par l'Assemblée nationale qui institue en quelque sorte un doute légal sur l'art contemporain ne paraît pas pertinente.

Convaincue qu'une collection meurt dès qu'elle se fige, votre commission vous proposera donc comme alternative à l'inaliénabilité absolue proposée par le projet de loi de s'en tenir aux règles de droit commun de la domanialité publique, ce qui, à l'évidence, ne pourra être interprété comme iconoclaste, mais présente le mérite de ne pas clore le débat, en laissant aux conservateurs le soin de le conduire.

En effet, soumettre les collections publiques aux règles de droit commun de la domanialité publique permet de conserver une certaine souplesse en ménageant la possibilité de déclassements.

Dans le souci d'éviter des déclassements injustifiés, le dispositif proposé soumet ces décisions à l'avis d'instances scientifiques.

S'agissant du statut prévu pour les collections privées, votre commission a modifié très sensiblement le dispositif proposé par le gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale.

Les paragraphe III de l'article 8 instaure, en effet, un principe de semi-inaliénabilité qui constitue une entorse très significative au droit de propriété des musées privés sur leurs collections. S'il est présenté comme consacrant la pratique actuelle, ce statut ne permet guère d'encourager pour l'avenir la création de musées privés -qui peuvent constituer, comme le montrent les exemples étrangers, un facteur essentiel d'enrichissement du patrimoine national.

Soucieuse de ne pas enserrer les collections privées dans des contraintes comparables à celles des musées publics, votre commission a estimé, en ce domaine, nécessaire de réduire la portée de ce statut protecteur, en prévoyant que la clause d'affectation irrévocable à la présentation au public exigée pour l'octroi du label ne devait concerner que les seules oeuvres acquises avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale. Il semble, en effet, légitime d'éviter que les subventions publiques ne permettent aux musées privés de réaliser des plus-values sur les oeuvres qu'elles ont contribuées à acquérir.

Cette modification met-elle pour autant en péril l'intégrité des collections privées labellisées ?

Cela ne devrait pas être le cas pour celles constituées sous forme de fondations ou d'associations reconnues d'utilité publique. En cas de dissolution ou de liquidation de ces organismes, on rappellera que les procédures de dévolution sont prévues par leurs statuts, statuts approuvés par l'autorité administrative qui, dans ce cadre, peut veiller à ce qu'elle reviennent à des institutions muséographiques. S'agissant des fondations, si les collections font partie de la dotation initiale, elles sont statutairement inaliénables.

Enfin, rien n'interdit à l'Etat et à ces musées, quel que soit leur statut, de conclure au cas par cas des conventions prévoyant l'inaliénabilité ou l'affectation irrévocable à un musée de France de telle ou telle oeuvre ou partie des collections.

A cet égard, votre rapporteur s'est demandé si plutôt que de vouloir encadrer par la loi la gestion des musées privés, solution très maladroite, il n'aurait pas été plus opportun de privilégier la voie contractuelle ou encore d'inciter les nombreux musées constitués sous forme associative à demander la reconnaissance d'utilité publique.

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