B. L'OBJET DU PROJET DE LOI ET LES PRINCIPAUX ENJEUX DU TEXTE

1. Harmoniser et consolider les diverses procédures d'enquêtes techniques

A l'instar du secteur aérien depuis la loi précitée du 12 mars 1999, le présent projet de loi a pour but de conférer un statut aux enquêtes techniques dans les domaines terrestre et maritime en pérennisant ou créant des organismes spécialisés , en donnant aux enquêteurs techniques des pouvoirs d'investigation auprès des tiers et en aménageant les rapports entre les enquêtes techniques, d'une part, et les éventuelles procédures judiciaires, d'autre part. L'objectif de l'enquête technique est par ailleurs clairement défini : l'analyse des causes de l'accident en vue de l'émission de recommandations de sécurité, dans une optique de prévention.

Ce faisant, le projet de loi procède à une clarification et une harmonisation du régime des enquêtes techniques en vigueur dans les différents modes de transport.

Concrètement, le projet de loi va faciliter et, surtout, accélérer l'accès des enquêteurs au lieu de l'accident, la mise à disposition des pièces à conviction et l'entretien avec les personnes concernées. De plus, dans le domaine des transports terrestres, la mise sur pied d'un organisme permanent spécialisé au sein du Conseil général des ponts et chaussées permettra de développer des études d'accidentologie pour éclairer les propositions d'enquête faites au Ministre avant qu'il prenne la décision d'y procéder. Enfin, des comparaisons sur les principales thématiques d'accidentologie pourront être réalisées par les différents BEA (influence du facteur humain, objectif de risque, approche probabiliste ou déterministe, etc).

2. Indépendance, transparence et coordination : trois enjeux du projet de loi

L'organisation des enquêtes techniques pose d'abord la question essentielle du degré d'indépendance des enquêteurs, tant par rapport à l'administration de tutelle qu'aux exploitants et constructeurs de matériel ou d'infrastructure.

Cette question est largement abordée ci-dessous, sous le commentaire de l'article 10.

Se pose, ensuite, la question de la communication des résultats de l'enquête technique, non seulement au ministre et personnes concernées par l'accident, mais également aux familles et associations de victimes et au grand public.

Pour ce qui est de la transparence sur le déroulement et les résultats de l'enquête, le projet de loi prend, avec les articles 17 et 18, qui organisent l'information du public, le parti de sortir de la culture du secret qui a longtemps prévalu en ce domaine . Votre Commission des Affaires économiques s'en félicite. Il est en effet particulièrement important pour les familles de victimes, parfois, durement touchées par la perte brutale d'un proche, d'avoir communication des rapports préliminaires et définitifs établis par les bureaux enquête accidents, qui apportent un éclairage sur les circonstances de l'accident, souvent dans des délais rapprochés (moins d'un mois après l'accident pour certains rapports préliminaires d'enquête). Pour autant, la détermination des responsabilités est du ressort exclusif de l'enquête judiciaire, avec laquelle l'enquête technique ne doit pas interférer. C'est pourquoi le rapport d'enquête technique ne comporte pas de mention nominative, en particulier. Votre Commission des Affaires économiques estime que l'équilibre proposé par le projet de loi entre l'impératif du secret de l'instruction judiciaire (qui ne doit pas être violé par le divulgation des résultats de l'enquête technique, qui repose sur les mêmes éléments matériels) et celui de la transparence de l'enquête technique est globalement satisfaisant.

Se pose, enfin, la question de la coordination avec l'enquête judiciaire.

L'enquête technique se déroule parallèlement à une éventuelle enquête judiciaire. L'enquête menée par les autorités judiciaires, avec le concours de leurs propres experts, a pour objet d'apprécier la responsabilité des parties impliquées dans un accident. L'enquête technique tend, elle, à dégager de l'analyse d'accidents ou de simples incidents des recommandations de sécurité . Elle fait l'objet d'un rapport qui préserve l'anonymat des personnes concernées. L'enquête technique n'a donc pour seul objectif que de tirer des enseignements des accidents et incidents afin d'éviter leur répétition. Alors que l'enquête judiciaire s'inscrit dans une logique de répression et éventuellement de réparation envers les victimes, l'enquête technique participe d'une politique de prévention . D'ailleurs, la pratique montre que les conclusions des experts judiciaires peuvent parfois être très différentes de celles des enquêteurs techniques.

Au-delà de la différence d'objet entre enquêtes technique et judiciaire, le rythme d'investigation est également très différent : là où l'autorité judiciaire cherche, dans une démarche exhaustive, à déterminer les comportements fautifs, au terme d'une souvent longue enquête, l'enquête technique n'a qu'un seul but : identifier la cause et l'enchaînement de l'accident pour éviter toute récidive. Bien souvent, le rapport préliminaire d'enquête technique est disponible en un mois environ, et le rapport final en un an, ce qui est sensiblement plus court que les délais des procédures judiciaires.

Il importe donc de coordonner les deux types d'enquêtes. C'est pourquoi, le projet de loi organise des procédures d'information réciproques des enquêteurs judiciaires et techniques et soumet, lorsqu'il y a risque d'interférence, les investigations des enquêteurs techniques à l'accord de l'autorité judiciaire (pour effectuer des prélèvements, par exemple). Ces procédures sont détaillées sous le commentaire des articles 11 à 14 ci-dessous.

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