B. LES BESOINS DE L'HOSPITALISATION PRIVÉE TARDIVEMENT PRIS EN COMPTE PAR LE GOUVERNEMENT

Si les établissements de santé privés jouent un rôle important dans le système de soins, ils connaissent aujourd'hui, pour beaucoup, de réelles difficultés.

1. Des difficultés croissantes

La conjugaison d'une enveloppe moins généreuse que celle de l'hôpital public et du passage effectif aux « trente-cinq heures » a profondément fragilisé les cliniques privées. L'avenir de beaucoup d'entre elles paraît pour le moins incertain.

Selon la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), plus de la moitié des établissements privés sont dans une situation financière périlleuse, et déjà 400 d'entre eux auraient disparu lors de restructurations qui ont concerné près de 1.000 cliniques.

La situation difficile que connaissent beaucoup d'établissements de santé privés trouve son origine dans la conjonction d'un double phénomène :

- la création d'emplois -de 7,3 % en un an- consécutive à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les cliniques par application de la loi dite Aubry I puis de l'accord national du 27 janvier 2000 signé entre les fédérations de salariés et les employeurs de l'hospitalisation privée ;

- la pénurie de personnel soignant, notamment infirmier, résultant de la création d'emplois et des différentes mesures d'ordre social prises en faveur des personnels de l'hospitalisation publique, au travers des protocoles successifs.

Les cliniques redoutent que l'annonce, par le Gouvernement, de la création de 45.000 emplois à l'hôpital sur trois ans à compter du 1 er janvier 2002 ne se traduise par le départ de leurs infirmières les plus expérimentées vers les établissements publics, le niveau de rémunération que les cliniques proposent au personnel soignant étant en effet inférieur de 15 à 30 % à celui du public.

Il est de fait vraisemblable que les hôpitaux publics ne pourront réussir à pourvoir ces nouveaux postes qu'à la condition de vider les établissements privés d'une partie de leur personnel.

2. Un effort du Gouvernement tardif et limité

Si le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 fait la part belle aux hôpitaux publics qui voient leur dotation progresser de 4,8 %, dont 1,2 % au titre des « 35 heures », les cliniques privées, qui sont pour leur part déjà passées aux « 35 heures » depuis le 1er janvier 2000, ne bénéficieront que d'une progression de 3,5 % de l'enveloppe qui leur est allouée.

Ce taux d'évolution paraît nettement insuffisant pour permettre aux cliniques d'aligner progressivement les rémunérations de leurs salariés sur celles du secteur public.

La FHP a pour sa part demandé au Gouvernement une enveloppe de 6,35 milliards de francs pour lui permettre d'assurer le développement de ce secteur d'activité et de mieux rémunérer les personnels soignants, notamment les infirmières, qui pourraient être attirés par des emplois de la fonction publique hospitalière.

Dans ce contexte, la dotation du Fonds de modernisation des cliniques privées (FMCP) en 2002, qui figure à l'article 13 du projet de loi, paraît extrêmement faible : le fonds devrait être doté de 22,87 millions d'euros (150 millions de francs), soit exactement le même montant qu'en 2001.

L'objectif de ce fonds était de favoriser la restructuration de l'offre de soins privée. Le secteur hospitalier privé a connu un fort mouvement de restructuration dont la dynamique est, aujourd'hui, en voie d'essoufflement. Ces restructurations se sont traduites par des fermetures (4.000 lits en dix ans) et des regroupements d'établissements (jusqu'à 40 par an en moyenne sur la période de 1991 à 1998, une vingtaine en 1999 et 2000).

Si des fermetures ne manqueront pas d'intervenir encore dans un contexte de rentabilité décroissante et quasi-nulle, les regroupements risquent de ne pas se poursuivre, alors même qu'ils constituent la base d'une réorganisation de l'offre hospitalière prenant en compte les besoins des populations d'une part et la complémentarité publique et privée, d'autre part.

Confrontées à une forte dégradation de leur situation économique et financière, les cliniques privées n'ont plus les moyens de financer ces regroupements. Or, la faible dotation du FMCP ne permet en réalité que de soutenir 7 à 8 opérations par an.

Votre rapporteur a souhaité par conséquent que le fonds de modernisation des cliniques privées puisse disposer d'une dotation sensiblement plus élevée afin d'accompagner les restructurations qui s'imposent.

Il a semble-t-il été partiellement entendu par le Gouvernement qui a annoncé mercredi 7 novembre au matin 35 ( * ) , à l'issue d'une négociation avec les représentants de la FHP, « un programme pluri-annuel de financement » en faveur des cliniques.

Le communiqué de presse du ministère de l'emploi et de la solidarité fait valoir que « la discussion a permis d'aboutir aux dispositions suivantes :

« un programme pluriannuel de financement engagé dès 2001, dont 1,7 milliard de francs de mesures nouvelles :

« - au titre de 2001, un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale sera déposé en première lecture au Sénat afin de majorer de 600 millions de francs la dotation du fonds de modernisation des cliniques privées. Les missions du fonds, actuellement limitées à l'aide à l'investissement, seront élargies pour contribuer à la politique sociale et salariale.

« - au titre de 2002, le même amendement permettra de porter la dotation du fonds de modernisation des cliniques privées à 600 millions de francs.

« En outre, une enveloppe de 500 millions de francs sera consacrée aux revalorisations salariales dans le cadre de l'accord fixant les tarifs des prestations des cliniques pour l'année 2002 (qui sera conclu début 2002).

« - en 2003, ces efforts seront poursuivis pour assurer la continuité de cette démarche et réduire les inégalités entre établissements.

« Ces mesures s'ajoutent aux mesures déjà acquises dans le cadre de la préparation du PLFSS, soit au total un effort financier 2001-2002 de 3,1 milliards de francs. »

Votre rapporteur observe tout d'abord que le 1,7 milliard de francs de mesures nouvelles doit être amputé des 150 millions de francs de dotation au FMCP qui figuraient déjà à l'article 13 du projet de loi : l'effort supplémentaire ne serait en réalité que de 1,55 milliard de francs.

En outre, il s'interroge sur l'enveloppe de 500 millions de francs accordée dans le cadre de l'accord fixant les tarifs des cliniques pour 2002 : cette somme venant en majoration de l'objectif de dépenses des cliniques privées en 2002, votre rapporteur espère que le Gouvernement majorera l'ONDAM 2002 en conséquence.

Il attend donc avec impatience le dépôt par le Gouvernement de ces amendements, lors de l'examen du projet de loi par notre assemblée. Eux seuls permettront de juger de la réalité de l'effort annoncé en faveur des cliniques.

* 35 Soit le jour même où votre commission des Affaires sociales examinait le présent rapport.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page