B. LE PROTOCOLE ET LA LÉGISLATION FRANÇAISE

Le droit français connaît déjà le délit d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers d'étrangers sur le territoire national (article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945) qui s'apparente à la définition du trafic de migrants visé par le protocole.

Cette infraction est punie de 5 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende (peines portées respectivement à 10 ans et 150 000 € en cas de circonstance aggravante, notamment celle de bande organisée).

Cependant, même si en droit interne les éléments constitutifs de l'infraction sont entendus largement (l'aide à l'entrée, au séjour ou à la circulation des étrangers en France peut être directe ou indirecte, par tous moyens matériels : transport, fourniture de faux documents...) sans que soit nécessaire la preuve d'un but lucratif (lequel constitue toutefois une circonstance aggravante lorsqu'il est établi), il ne sont cependant pas parfaitement identiques à ceux prévus par le protocole.

Le droit interne exige en effet la présence, sur le territoire français ou sur le territoire d'un Etat partie la convention de Schengen, de l'auteur de l'infraction au moment de la commission des faits (article 21 de l'ordonnance de 1945). En outre, l'incrimination est limitée au seul faut d'aider à l'entrée, le séjour et la circulation irrégulière sur le territoire national (sauf pour ce qui concerne les Etats parties à l'accord de Schengen. La notion de territoire au sens de l'ordonnance du 2 novembre 1945 semble en outre strictement définie (article 3 de l'ordonnance précitée).

Ces limites devraient donc justifier, soit une adaptation de l'incrimination, soit l'établissement d'une nouvelle infraction.

Par ailleurs, le protocole prévoit également l'obligation d'introduire pour cette infraction de trafic de migrants des circonstances aggravantes actuellement non prévues par le droit français . En effet, l'infraction de mise en danger d'autrui prévue par l'article 223-1 du code pénal n'est pas spécifiquement applicable au trafic de migrants, même si les circonstances de l'infraction sont susceptibles de permettre son application dans certains cas (violation des règles d'habitabilité des navires, risque de mort ou d'infirmité résultant des conditions du transport). Par ailleurs, il n'existe pas, en droit pénal français, d'infraction relative au transport ou au voyage de personnes dans des conditions contraires à la dignité humaine.

En outre, l'infraction consistant à « soumettre une personne (...) à des conditions de travail et d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine », prévue par l'article 225-14 du code pénal n'a, à ce jour, reçu aucune application jurisprudentielle autre que les « marchands de sommeil », qui proposent à des personnes vulnérables des logements indignes. Cependant, cette incrimination peut, en l'état, juridiquement être utilisée pour fonder des poursuites pénales dans le cas de transport illicite par mer de migrants clandestins sur un navire destiné au transport de marchandises, dans des conditions indignes, comme en témoigne la procédure en cours concernant le vraquier « East Sea » échoué sur les côtes du Var.

En conclusion, l'ensemble de ces infractions ou circonstances aggravantes appelleront donc une adaptation de notre droit interne.

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