B. LA FAILLITE DE LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ

Cette explosion de la délinquance est en grande partie le reflet de l'inadaptation de la politique menée par le précédent gouvernement. Ce dernier n'a pas su mobiliser les moyens nécessaires ni conduire les indispensables réformes d'organisation. Il a en outre imposé à marche forcée une politique de proximité qui s'est révélée être plus un affichage qu'une réalité, au détriment des capacités d'investigation des services.

a) Des moyens insuffisants

Les objectifs d'investissement fixés par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995 ont été abandonnés. Les investissements ont ensuite été décidés sans vision d'ensemble cohérente.

Malgré une priorité affichée pour la sécurité, les budgets successifs de la police nationale ont connu une progression à peine supérieure à celle de l'ensemble des budgets de l'État. Dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2000, la Cour des comptes relève ainsi qu'entre 1997 et 2000, la progression de l'agrégat police a stagné en francs constants, hors dépenses relatives aux adjoints de sécurité.

Dans le même temps, les crédits d'équipement de la gendarmerie ont diminué en valeur réelle.

L'accroissement des effectifs de policiers et de gendarmes a été faible au regard de celui de la délinquance.

Pour la police, la dernière législature a été marquée par un faible nombre de créations d'emplois budgétaires de policiers actifs, les 13 616 créations d'emplois entre 1997 et 2002 s'expliquant essentiellement par l'ouverture de postes d'adjoints de sécurité. Le nombre réel de ces agents n'a cependant jamais atteint l'effectif budgétaire de 20 000, s'établissant à 15 564 au 1 er janvier 2002. S'agissant des policiers actifs, actuellement au nombre de 115 683, les créations de postes budgétaires (2 525) sont intervenues la dernière année, l'année 2001 ayant connu une régression de leur effectif par rapport à 1997.

Les recrutements d'emplois administratifs préconisés à hauteur de 5000 par la loi d'orientation du 21 janvier 1995 pour recentrer les policiers sur leurs missions de sécurité n'ont pas dépassé un millier depuis 1997.

Concernant la gendarmerie, on constate une stabilité des effectifs des militaires d'active depuis 1996, leur nombre n'ayant progressé que de 518 unités pour atteindre 80 912 en 2002, alors que les faits de délinquance augmentaient fortement dans les secteurs géographiques placés sous le contrôle de cette arme.

En outre, le gouvernement n'a pas été en mesure d'accomplir les réformes structurelles indispensables.

b) Une politique de proximité hypothéquée par le manque de moyens

L'article 3 de la loi d'orientation sur la sécurité plaçait parmi les orientations permanentes de la politique de sécurité « l'extension à l'ensemble du territoire d'une police de proximité répondant aux attentes et aux besoins des personnes en matière de sécurité ».

Dans la ligne des orientations définies au colloque de Villepinte en octobre 1997, le gouvernement a progressivement généralisé à l'ensemble du territoire une police de proximité.

Cette politique, imposée à marche forcée, n'a pas reçu l'adhésion des personnels ni des administrations de l'Etat comme en témoignent les rapports de l'inspection générale de la police.

En pratique, le gouvernement n'a pas été en mesure de placer sur le terrain les moyens matériels et humains nécessaires à cette politique .

Le Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 avait prévu le redéploiement de 1200 policiers par an pendant trois ans au bénéfice des zones sensibles. Dans son rapport sur l'exécution du budget 2000, la Cour des comptes fait ressortir que les 26 départements classés les plus sensibles n'ont en réalité bénéficié en 2000 que de l'affectation de 132 policiers supplémentaires, tous fonctionnaires confondus.

Faute d'effectifs suffisants, la police de proximité a reposé en grande partie sur des adjoints de sécurité, emplois jeunes formés en quelques semaines, dont le statut relève du décret n° 2000-800 du 24 août 2000 et auxquels la loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne a accordé des pouvoirs de police judiciaire.

Cette politique allait de pair avec le développement des contrats locaux de sécurité prévus par les circulaires interministérielles des 28 octobre 1997 et 7 juin 1999 avant de recevoir une consécration législative dans la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Cosignés par le préfet, le procureur de la République et le ou les maires concernés, ces contrats associent différents partenaires privés, tels les bailleurs sociaux ou les sociétés de transport. Au 15 juillet 2002, 600 contrats avaient été signés et 194 étaient en cours d'élaboration.

Mais ce relatif succès quantitatif cache l'échec qualitatif de nombre de ces contrats . Comme le révèlent les rapports de l'inspection générale de la police nationale, ils ont souvent été conclus sur la base de diagnostics locaux de sécurité insuffisants et ont fait l'objet d'une faible implication des administrations de l'État et d'un suivi insuffisant. Leur articulation avec la politique de la ville apparaît en outre complexe.

Nombre de maires considèrent par ailleurs qu'ils ne disposent pas en la matière d'un pouvoir d'animation suffisant.

Enfin, essentiellement basée sur la prévention et engagée dans un contexte de pénurie de personnels, cette politique de proximité s'est développée au détriment de la présence nocturne et des capacités d'investigation des services de sécurité, contribuant à une baisse d'efficacité de l'activité répressive .

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