EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue dans la matinée du mercredi 24 juillet 2002, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du projet de loi n° 367 (2001-2002) de finances rectificative pour 2002 , sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général .

Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité illustrer la dégradation des comptes de l'Etat, montrer qu'une nouvelle politique fiscale était possible notamment en matière d'impôt sur le revenu, et établir que le « collectif » devait constituer une première étape dans la remise en ordre des finances publiques.

Il a rappelé que la croissance, qui est le premier déterminant lors de l'élaboration du budget, encore limitée à 1,3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2002, est prévue par le consensus des économistes au niveau de 2,8 % du PIB en 2003. Il a expliqué que si le début de reprise observé au premier trimestre 2002 était conforté par une reprise simultanée de l'investissement, de nombreuses hypothèques pèsent à présent sur ce dernier, principalement la situation financière des entreprises en liaison avec la crise boursière, les conséquences prévisibles de l'appréciation de l'euro ainsi que les incertitudes qui pèsent sur la croissance aux Etats-Unis. Il a insisté sur la nouvelle fragilité des anticipations de croissance et d'investissement en raison de l'aggravation récente de la crise boursière, de son impact sur la solvabilité de l'ensemble des agents économiques, dont les comportements évoluent parfois au-delà de toute rationalité.

Il a ensuite indiqué qu'une mise en oeuvre trop stricte du pacte de stabilité, qui constitue un système de surveillance multilatérale en matière de politique budgétaire, et qui a été actualisé à Barcelone en mars 2002 et confirmé à Séville en juin 2002 pour l'échéance de 2004, sous réserve d'un taux de croissance de 3 % en 2003 et 2004, risquerait de trop porter préjudice à la croissance. Il a suggéré les pistes de réflexion suivantes, de nature à permettre de remédier à ces inconvénients : il s'agirait de redéfinir le rôle de la Commission européenne, de prendre en compte le seul déficit structurel, d'appliquer la « règle d'or » interdisant de financer les dépenses courantes par l'emprunt, et enfin de fixer un objectif en termes de dette publique.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite rappelé le caractère trompeur du budget initial pour 2002 mis en lumière par l'audit rédigé par MM. Bonnet et Nasse, qui se concrétisait par le fait que le déficit de 30,45 milliards d'euros initialement prévu a du être porté à 46 milliards d'euros dans le présent collectif .  Il a d'abord expliqué cette dérive tant par les moins-values fiscales qui s'élèvent à 5,37 milliards d'euros, principalement observées en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, que par les moins-values sur les recettes non fiscales à hauteur de 3,27 milliards d'euros résultant notamment de la surévaluation du dividende d'EDF, et par, enfin, les ouvertures nettes de crédit, à hauteur de 4,96 milliards d'euros. Il a ensuite ajouté que la baisse de l'impôt sur le revenu, opportune après cinq années de hausse continue de son produit -d'ailleurs prélevé sur une population toujours plus concentrée-, engendrerait une diminution des recettes fiscales de l'Etat de 2,55 milliards d'euros, dont il a considéré qu'elle sera finalement gagée par des annulations de crédit.

Puis M. Philippe Marini, rapporteur général , a évoqué l'absence de discipline sur les dépenses durant la période 1997-2001 qui avait accru la rigidité de la dépense publique puisque 44 % du budget étaient consacrés aux dépenses de fonction publique, et 14 % à couvrir les charges d'intérêt de la dette. A ce titre, il a estimé que la norme de progression des dépenses retenue par le précédent gouvernement lors de la préparation du budget initial pour 2002 (0,5 % en volume) semblait irréaliste. Il a noté qu'au surplus, la France se retrouvait devant ses principaux partenaires en terme de dépense publique, qui était encore supérieure à 50 % du PIB.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a, en effet, analysé les causes du dérapage des dépenses : une croissance plus lente que prévue, la montée en charge des dispositifs sociaux nouveaux -couverture maladie universelle et 35 heures-, ainsi qu'une accumulation de reports de crédit pour l'exécution du budget de 2002.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a estimé nécessaire de retrouver des marges de manoeuvre, tant en maîtrisant, dans l'absolu, le niveau des dépenses par des mesures de régulation budgétaire qui devraient intervenir dès le second semestre 2002, que par une progression des dépenses limitée à 0,2 % en volume en 2003, afin d'entrer dans un cercle vertueux de diminution de la charge de la dette. A ce titre, il a souhaité que le gouvernement tire parti du départ à la retraite de la moitié des fonctionnaires durant les dix prochaines années, afin de diminuer l'emprise budgétaire du coût des fonctionnaires, et souligné qu'il s'agissait là d'une chance historique qu'il convenait de saisir. Il a chiffré l'économie réalisée, sur la base du remplacement de 75 % des fonctionnaires partant les 10 prochaines années, à environ 5 milliards d'euros en fin de période. Il a précisé que ce chiffre, faible en considération du montant total du budget, devenait appréciable en regard des marges de manoeuvre dont dispose réellement l'Etat lors de l'élaboration du budget. Il a conclu que deux chantiers restaient à ouvrir, d'abord celui de la clarification des comptes publics afin de mettre fin à leur « inextricable dédale » dénoncé par l'audit de MM. Bonnet et Nasse, ensuite celui de la réforme de l'Etat, qui n'a toujours pas été réellement entamée.

A la suite de l'exposé du rapporteur général, M. Jacques Pelletier s'est inquiété de l'opportunité des ponctions que le gouvernement a décidé d'opérer sur les réserves de certains organismes para-agricoles afin de contribuer à l'équilibre du budget annexe des prestations agricoles (BAPSA), pénalisant ainsi ceux dont la gestion était la plus rigoureuse.

M. Bernard Angels a incité à la tenue de propos plus nuancés sur les progrès enregistrés en matière de politique budgétaire, et contesté qu'on applique la norme de progression des dépenses de 0,2 % au budget résultant du présent collectif.

M. François Marc a trouvé encore trop optimiste la prévision d'un taux de croissance du PIB de 2,8 % en 2003, et dès lors s'est inquiété du bien fondé du maintien de la baisse de l'impôt sur le revenu.

M. Maurice Blin a en particulier estimé que la norme, fixée à 0,2 %, de progression des dépenses, était très sévère et il a redouté qu'elle ne se traduise par un recours massif aux gels de crédit.

M. Joël Bourdin, après avoir souligné le danger d'une nouvelle surévaluation de la croissance, s'est également interrogé sur le procédé consistant à financer le BAPSA par des prélèvements opérés sur les caisses de mutualité sociale agricole (MSA), la société Unigrains et le fonds national de gestion des calamités agricoles (FNGCA).

M. Adrien Gouteyron a confirmé l'intérêt du gain de marges de manoeuvre pour l'Etat, qui résulterait de la baisse des effectifs de la fonction publique, puis il a insisté sur l'utilité de l'existence d'excédents au sein des caisses départementales de MSA.

M. Paul Loridant a souligné l'incohérence du procédé consistant à baisser des impôts en présence de forts déficits et de lourdes incertitudes sur la croissance, et a redouté, en conséquence, la pratique de nombreuses annulations de crédit. Concernant la réforme de l'Etat, il a déploré que la gestion privée constituât un horizon indépassable. Il a enfin signalé que le marasme boursier hypothéquait gravement les perspectives de privatisations et de mise en place de fonds de pension.

M. Thierry Foucaud a pour sa part souligné l'importance du soutien au pouvoir d'achat à la consommation en tant que déterminant de la croissance, et il a fait remarquer que les conditions de vie ne s'amélioraient généralement pas avec la réduction des déficits.

M. Jacques Oudin est revenu sur les prélèvements opérés sur la mutualité agricole, qu'il a précisé s'être élevé environ à un tiers des réserves existantes, puis il a insisté sur la nécessité de rassurer le monde agricole pour l'avenir.

M. Jean Arthuis, président, a posé la question de la fiabilité de l'évaluation du rendement de l'impôt sur les sociétés, particulièrement sensible aux variations de conjoncture économique. Il a rapproché le problème du dividende versé par EDF de celui du dividende « fictif » versé par France Telecom. Il a enfin insisté sur la disparité, selon les départements, des prélèvements opérés sur les caisses de MSA, et a posé la question de la succession du BAPSA dont la suppression en tant que budget annexe devrait intervenir en application de la loi organique relative aux lois de finances.

En réponse à ces diverses questions et observations , M. Philippe Marini, rapporteur général , a alors apporté une série de précisions.

S'agissant de la question des prélèvements opérés au profit du BAPSA, il a d'abord rappelé le caractère inéluctable du déséquilibre de ce budget annexe, en raison de la hausse continue des dépenses et de la baisse parallèle de la contribution de l'Etat. Il a ensuite souligné que des rapports de l'Inspection générale de l'agriculture et de l'Inspection générale des finances avaient déjà déterminé les droits de l'Etat sur les organismes ponctionnés, qui ne peuvent donc pas en être surpris. Puis il a noté que le FNGCA ne pouvait plus être, sans réel danger, ponctionné davantage. Quant à la question du devenir du BAPSA, il a préconisé son inclusion dans le domaine de la loi de financement de la sécurité sociale.

A l'intention de M. François Marc, M. Philippe Marini, rapporteur général , a expliqué que le taux de 2,8 % d'augmentation du PIB constituait une moyenne de diverses évaluations et que la baisse de l'impôt sur le revenu devait, de toute façon, être maintenue car il s'agissait de rétablir l'initiative et la confiance.

A l'intention de M. Paul Loridant, M. Philippe Marini, rapporteur général , a évalué le montant des annulations de crédits à intervenir jusqu'à fin 2002, à environ 1,5 milliard d'euros.

Il a accordé à M. Jean Arthuis qu'il est difficile d'évaluer précisément le produit de l'impôt sur les sociétés en présence de fortes fluctuations économiques, mais il a estimé que sa baisse probable n'en changerait pas l'ordre de grandeur.

Il a ajouté que le pacte de stabilité et de croissance ne pourrait être desserré qu'à condition de prendre les mesures nécessaires à la réforme de l'État.

M. Jean Arthuis, président , a alors souligné qu'un consensus devrait nécessairement s'établir pour sortir du dédale inextricable des finances publiques et réformer l'État.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Elle a adopté sans modification l' article 1 er relatif à la réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu à acquitter en 2002, l' article 2 concernant les prélèvements institués au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), et l' article 3 concernant l'équilibre général.

La commission a ensuite adopté sans modification l' article 4 relatif aux dépenses ordinaires des services civils, l' article 5 relatif aux dépenses en capital des services civils, l' article 6 relatif aux dépenses ordinaires des services militaires, l' article 7 relatif aux dépenses en capital des services militaires, ainsi que l' article 8 traitant des dépenses des budgets annexes, et que l' article 9 portant ratification du décret d'avance du 7 février 2002.

A l'article 10 relatif au transfert par l'État du réseau de transport du gaz et à l'exonération des droits de mutations dus à raison de ces opérations, la commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur général tendant à supprimer la nécessité d'une demande des communes, préalable au déclassement et au transfert de propriété prévus.

La commission a adopté l' article 11 (nouveau), relatif au contenu du « jaune budgétaire » énumérant les organismes consultatifs placés auprès du Premier ministre.

A l'issue de cet examen, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de finances rectificative ainsi amendé.

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