3. L'Agence française de développement : interrogations stratégiques et raréfaction des ressources

L'AFD, « opérateur-pivot » de l'aide française depuis la réforme du dispositif en 1998, représente 25% de l'aide bilatérale et contribue par ses concours financiers (1,3 milliard d'euros d'engagements en 2001, dont 687 millions dans les Etats étrangers) à la réalisation de projets productifs, publics ou privés 24 ( * ) . Elle intervient dans 41 des 48 pays classés par l'ONU comme pays à très faible revenu et emploie 1 396 personnes (dont 966 expatriés), de statut privé depuis 1996.

Principaux instruments d'intervention (hors DOM-TOM)

Conditions

Aide-projets

Dons-projets

Financement de projets relevant des Etats dans les PMA

Prêts souverains

Prêts accordés dans les PRI (Etat ou secteur para-public).

Durée de 15 à 30 ans dont 3 à 10 de différé. Taux de 1 à 5,5 %

Prêts très concessionnels

Prêts accordés dans certains PMA (Etat ou para-public)

Concessionnalité de 65 %

Prêts non souverains

Prêts accordés aux entreprises publiques marchandes

Durée de 8 à 20 ans dont 3 à 7 de différé. Taux de 2,5 à 5,5 %

Prêts de marché

Financement de projets rentables économiquement

Durée de 8 à 12 ans dont 2 à 3 de différé. Taux de marché

Ajustement structurel

Subventions d'ajustement

Subventions accordées aux PMA

Concessionnalité de 100 %

Prêts d'ajustement

Prêts accordés aux PRI

35 % d'élément don

Les activités pour compte propre de l'AFD sont financées selon quatre sources : des subventions budgétaires émanant du chapitre 68-93 du budget du ministère des Affaires étrangères, des ressources de marché bonifiées par le Trésor, des emprunts auprès du Trésor (d'une durée de 30 ans dont 10 ans de différé à 0,25 %) et des emprunts levés sur les marchés sans la garantie de l'Etat.


Origine et évolution des ressources de l'AFD depuis 1998

(millions d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Evolution 2000/2003

Evolution 2002/2003

Ressources bonifiées par le Trésor

327

435

602

463

335

330

-45,2%

-1,5%

Emprunts auprès du Trésor

97

118

136

79

114

100

-26,5%

-12,3%

Ressources budgétaires

203

188

177

180

152

150

-15,2%

-1,3%

Ressources à conditions de marché

440

291

242

297

297

297

22,7%

0,0%

Total

1 067

1 032

1 157

1 019

898

877

-24,2%

-2,3%

Source : Trésor

Les ressources de l'AFD poursuivent leur décrue amorcée en 2000, ce qui contrevient à la volonté affichée de soutenir l'aide bilatérale , et présentent pour 2002 un écart substantiel avec les prévisions, qui étaient de 1.042 millions d'euros. La part des ressources budgétaires tend à se stabiliser depuis 2001 autour de 17 % après avoir connu une diminution.

Le Trésor rappelle que la situation financière du groupe AFD est saine : recouvrement de créances satisfaisant (7,3 % d'impayés fin 2001) compte tenu des risques inhérents, et ratio de solvabilité élevé. Le bilan du groupe s'élève à 17,1 milliards d'euros, dont 65 % d'encours de prêts pour compte propre. Cependant, le décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement, constaté depuis deux ans, s'aggrave dans le projet de budget 2003 avec la hausse de 25 % des AP (équivalentes à celles du FSD) et la reconduction des CP. Votre rapporteur avait relevé l'année dernière les difficultés de paiement que cette situation engendrait en fin d'exercice, qu'il est à nouveau permis de redouter et qui viennent s'ajouter à l'important gel de crédits que l'Agence a connu cette année.

Un examen rapide de la liste des projets vivants met en évidence, comme pour le FSD, un nombre conséquent de projets antérieurs à 1997 et un taux de décaissement moyen assez réduit (34 %). Ce constat révèle une utilisation perfectible des deniers publics et entretient des doutes sur la rentabilité réelle de certaines opérations , alors que le statut de banquier du développement de l'AFD, a l'instar de ses homologues bi- ou multilatéraux, lui confère le respect de normes précises en la matière. Plus fondamentalement, l'AFD a dans la période récente connu une stratégie impressionniste qu'elle tente aujourd'hui de mieux formaliser et de pérenniser, et tend à se repositionner de manière plus sélective et concentrée 25 ( * ) .

Le nouveau Plan d'orientations stratégiques (POS) de l'AFD

A la suite de la lettre de mission adressée par les tutelles à son Directeur général en novembre 2001, l'Agence a décliné en mars 2002 ses objectifs et orientations opérationnelles dans un document stratégique global, fruit d'une mobilisation importante de l'ensemble du personnel et manifestant une réflexion de qualité.

Le POS dresse d'abord le constat réaliste d'une tendance à la marginalisation croissante de la position financière de l'établissement dans le financement du développement , notamment s'agissant des pays les plus pauvres. Il en identifie les corollaires immédiats : impossibilité d'atteindre la masse unitaire critique pour prétendre à l'efficacité, faible lisibilité, dispersion, augmentation des coûts... De manière concomitante, il met en évidence de profondes transformations des méthodes de financement du développement se caractérisant à la fois par de nouvelles approches (programmes plutôt que projets), la tendance à la globalisation des problématiques (notamment les biens publics mondiaux et globaux...) et l'émergence de nouveaux acteurs, nouvelles méthodes qui concourent à cette marginalisation tant en termes financiers qu'en termes de métiers.

Sur la base de ce constat, l'AFD bâtit un scénario stratégique schématiquement articulé autour de trois axes d'action :

- l'amélioration de ses instruments financiers par la promotion d'une politique de prêts plus efficace ;

- le repositionnement de ses actions sur des priorités sectorielles stratégiques -à forte « valeur ajoutée » - où l'AFD dispose d'un avantage comparatif ;

- la meilleure insertion de l'AFD dans le dialogue global sur les enjeux du développement.

Le premier axe d'action proposé par le POS de l'établissement vise à augmenter, même dans l'hypothèse d'une enveloppe budgétaire constante, le volume d'APD mis en oeuvre par ou avec l'appui de l'Agence. Il repose essentiellement sur le principe de maximisation de l'effet de levier tant interne (optimisation de l'utilisation des ressources budgétaires, développement de nouveaux instruments) qu'externe (développement des partenariats financiers avec les autres bailleurs de fonds). Il est appuyé par la mise en oeuvre d'une politique de sélectivité (géographique et sectorielle) accrue, mais concertée et maîtrisée, propice à la lisibilité et à la réalisation d'une masse critique.

Le deuxième axe proposé vise à repositionner les métiers de développeur de l'Agence . A cet effet, l'AFD propose une grille de lecture de ses secteurs d'interventions traditionnels ou potentiels classés, à la fois, en fonction de leur « sensibilité stratégique » en termes de développement et des avantages comparatifs supposés de l'Agence dans ces secteurs. A titre d'exemple, on trouve au plus bas de l'échelle (faible/faible) les grands travaux d'infrastructures et au plus haut (fort/fort) l'environnement et la gestion concertée des ressources naturelles ou l'aménagement du territoire. Cette réflexion sur les secteurs du développement paraît cruciale. Elle rejoint d'ailleurs certaines réflexions conduites au sein du Ministère des Affaires étrangères. Elle implique, afin de prévenir le risque d'un glissement possible des activités de l'Agence vers des secteurs impliquant une forte coopération institutionnelle (pour lesquels elle ne dispose pas de véritables avantages comparatifs), la poursuite d'un dialogue actif entre l'établissement et ses tutelles, notamment les Affaires étrangères, en visant à chaque fois que possible à définir un effet de levier conjoint. Il convient enfin de souligner que, si la réflexion sur le repositionnement des métiers doit effectivement être conduite et intégrée à l'analyse des projets, ce « recentrage » ne figure pas comme un principe d'action systématique , compte tenu de l'utilité encore largement avérée de projets d'études et de travaux en matière d'infrastructures.

Le troisième et dernier axe stratégique mis en avant par le POS insiste sur l'inscription de l'action de l'Agence dans une perspective stratégique globale. Cette démarche ne remet naturellement pas en cause les fondements du dispositif de coopération mis en place par la réforme de la coopération et respecte le cadre d'orientation stratégique de la politique française d'aide au développement (CICID, pôles diplomatique et financier, Documents stratégiques pays...). La création du « pôle de recherche et de gestion du savoir » et son corollaire, la mise en place de la direction de la stratégie , sont menés dans le cadre d'une étroite concertation avec les tutelles. En effet, s'il y a bien une perspective stratégique de l'aide française au développement au sein de laquelle l'AfD, opérateur-pivot, a un rôle à jouer, il n'existe évidemment pas de stratégie autonome de l'AfD, indépendante de celle déterminée au sein des instances mises en place depuis 1999. A cet égard, un protocole de travail entre l'AfD et ses tutelles encadrera ce processus et assurera une véritable synergie des moyens existants, prévenant toute duplication des activités.

Ce plan a été présenté au Conseil de surveillance de l'établissement à la fin du premier trimestre 2002, puis soumis aux Ministres de tutelles de l'Agence qui l'ont approuvé. En termes organisationnels, il s'est notamment traduit par une réorganisation des services de l'AFD comprenant notamment la création d'une direction des opérations et d'une direction de la stratégie, ainsi que d'un secrétariat général en charge du suivi des départements fonctionnels de l'établissement.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

* 24 L'AFD contribue également au soutien des PME françaises dans les pays en crise, et un fonds de garantie est à ce titre en cours d'étude pour la Côte d'Ivoire.

* 25 L'AFD s'est ainsi retirée de certains pays par rapport à la zone d'intervention qui lui avait été assignée avant la réforme de la coopération (Zambie, Malawi, Botswana, Lesotho, Somalie, Soudan, Micronésie). Les nouveaux Etats de la ZSP (Soudan et Yémen) n'ont pour le moment pas fait l'objet d'engagements.

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