EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 14 novembre 2002 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'examen des crédits du travail, de la santé et de la solidarité : II. Santé, famille, personnes handicapées et solidarité et article 69 rattaché , sur le rapport de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial , a indiqué que les crédits du budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité s'établiraient à 15,47 milliards d'euros en 2003, contre 14,80 milliards d'euros en 2002, soit une progression de 4,5 % par rapport à l'année précédente. Néanmoins, ce budget subit des changements de périmètre portant sur des montants relativement importants, soit 92,75 millions d'euros, dont la prise en charge par l'assurance maladie des dépenses des centres de soins spécialisés pour les toxicomanes (CSST), pour 24,70 millions d'euros, et des dépenses afférentes à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), à hauteur de 107,50 millions d'euros, mais aussi la prise en charge, par le budget de l'Etat cette fois, des dépenses relatives aux stages des résidents en médecine, soit 40 millions d'euros. Ainsi, à périmètre constant, les crédits de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité progresseront de 5,2 % en 2003.

Il a souligné que ce budget était avant tout un budget d'intervention, les dépenses du titre IV en constituant 92,8 %. Les moyens des services, qui avaient crû de 4 % en 2002, connaissent une progression beaucoup plus modérée, de 1,9 %, en raison notamment de la suppression de 100 emplois budgétaires. En 2003, le budget comportera six agrégats, au lieu de cinq en 2002, notamment pour tenir compte de l'évolution des structures Gouvernementales. Il convient toutefois de noter que les crédits de ces six agrégats, bien que tous inscrits sur le même fascicule, ne relèvent pas de la compétence d'un même ministre, trois d'entre eux étant gérés par le ministre de la santé, deux par le ministre des affaires sociales et du travail, tandis que le dernier relève d'une compétence partagée.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial , a ensuite présenté les cinq principales observations que lui inspiraient les crédits de la santé pour 2003.

Il a d'abord considéré que la gestion budgétaire 2001 était très critiquable. La Cour des comptes, dans son rapport relatif à l'exécution des lois de finances pour 2001, a formulé de nombreuses critiques sur la gestion des crédits de la santé en 2001. Elle a notamment relevé un fonctionnement perfectible des agences de veille et sécurité sanitaire, dont la mise en place a été relativement lente, si bien que le taux de consommation de leurs crédits ne s'est établi qu'à 73 % ; le non-respect des engagements financiers de l'Etat envers l'hôpital : les crédits prévus par le protocole hospitalier du 14 mars 2000, soit 305 millions d'euros par an sur trois ans, n'ont pu être consommés en 2001 et ont été reportés sur la gestion 2002, faute d'avoir été inscrits en loi de finances initiale mais ouverts en loi de finances rectificative, ce qui a conduit les établissements hospitaliers à faire des avances sur leur dotation globale ; des répartitions de charges peu pertinentes entre l'Etat et l'assurance maladie ; des effets d'affichage, qui n'ont pas non plus épargné le ministère de la santé : certains chapitres, notamment pour les dépenses en capital, ont été faiblement consommés, tandis que le ministère a externalisé la plupart de ses grandes politiques et sollicité la trésorerie de ses partenaires.

Le rapporteur spécial a ensuite estimé que l'application de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances avait débuté mais que le ministère de la santé devait améliorer sa présentation budgétaire. Il a rappelé que le ministre de la santé, au cours de son audition devant la commission, avait indiqué vouloir faire de son ministère un ministère exemplaire et pilote de la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001, et qu'il avait présenté les modifications de périmètre et des agrégats comme permettant de préfigurer les programmes prévus par la loi organique, son objectif étant d'adopter une véritable structure de programmes pour le prochain projet de loi de finances.

Le rapporteur spécial a indiqué que le ministère de la santé avait en effet accompli d'importants efforts sur le plan méthodologique et organisationnel, mais que la présentation budgétaire de ses crédits demeurait perfectible et conduisait à relativiser les ambitions du ministre : ne s'agissant pas d'apprécier des intentions mais des résultats, il a incité le ministère à mieux faire. Il a en effet rappelé que le taux de réponse à son questionnaire à la date fixée par la loi organique était très mauvais, puisqu'il n'atteignait même pas 5 %, bien en deçà de celui d'autres départements ministériels. Par ailleurs, la présentation du fascicule budgétaire reste largement perfectible, d'autant plus qu'il existe une dissociation entre le ministre chargé de gérer des crédits budgétaires et les rapporteurs spéciaux de l'Assemblée nationale et du Sénat chargés d'en contrôler l'emploi, alors que ces crédits sont inscrits sur le même document. En outre, la présentation des indicateurs de coûts et de résultats gagnerait à être améliorée. Les agrégats sont présentés de façon très inégale, les explications les plus longues étant fournies pour les informations les plus faciles à connaître, c'est-à-dire les dépenses de personnel et de moyens de fonctionnement, qui sont aussi celles qui présentent traditionnellement l'inertie la plus grande. Par ailleurs, les objectifs indiqués ont souvent un caractère pour le moins incontestable : qui ne conçoit en effet qu'une politique de santé publique ait notamment pour objectif de lutter contre le SIDA, le cancer ou les maladies infectieuses ? Quant aux indicateurs de résultats ou de performances, ils sont quasiment inexistants.

Puis M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial , a noté que le budget de la santé était un budget extrêmement contraint. Il est en effet consacré, en grande partie, aux dépenses de minima sociaux, revenu minimum d'insertion (RMI), allocation aux adultes handicapées (AAH), allocation pour parent isolé (API) et couverture maladie universelle (CMU), qui sont passées de 10,01 milliards d'euros en 2000 à 10,80 milliards d'euros en 2003, soit une hausse de près de 8 % en quatre ans. Or, cette évolution a absorbé toutes les marges de manoeuvre du budget depuis 1998. Sur l'ensemble de la précédente législature, les dépenses liées aux minima sociaux ont progressé de 3,01 milliards d'euros, pour une augmentation de l'ensemble des crédits de 3,64 milliards d'euros. Cela signifie que près de 83 % de la hausse des crédits observée sur cinq ans a servi à prendre en charge les minima sociaux.

Il a ensuite expliqué que le Gouvernement avait procédé à un indispensable assainissement financier. Au cours des dernières années, le budget de la santé « oubliait » régulièrement d'inscrire certaines dépenses incombant obligatoirement à l'Etat. Ce fut le cas pour le financement du protocole hospitalier du 14 mars 2000. Par ailleurs, l'Etat détenait aussi des dettes au titre de la prise en charge des minima sociaux, dont le montant atteignait 553 millions d'euros au 31 décembre 2001. Le rapporteur spécial a rappelé que le collectif de l'été 2002 avait heureusement ouvert des crédits, afin d'honorer la quasi-totalité de ces dettes qui, dans le domaine social, atteignaient un montant supérieur à 1,32 milliard d'euros. Il s'est ainsi félicité de cette décision, mais a noté que l'Etat détenait encore quelques dettes, notamment à l'égard de l'assurance maladie, pour 12,25 millions d'euros au titre de l'IVG et 11,5 millions d'euros au titre de l'API.

Il a également observé avec satisfaction que le budget 2003 renouait avec la progression des dépenses en capital, alors que les crédits de paiement avaient diminué de 72 % entre 1998 et 2002 mais que, sur la même période, les moyens de l'ensemble du ministère augmentaient de 32,6 %. Le projet de budget pour 2003 renoue ainsi avec l'investissement, les crédits de paiement progressant de 10,6 %. En outre, l'investissement hospitalier va bénéficier du plan « Hôpital 2007 », qui prévoit un plan d'investissement de 1 milliard d'euros sur cinq ans, financé en loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial , a estimé que le projet de budget pour 2003 était axé sur de bonnes priorités, qu'il convenait de saluer. Rappelant que le Président de la République avait annoncé, le 14 juillet dernier, les grandes orientations des cinq années à venir, parmi lesquelles figurent la lutte contre le cancer et l'insertion des personnes handicapées, il a noté que le budget demandé pour 2003 dégageait des moyens nouveaux pour :

- les programmes de santé publique, grâce à une mesure nouvelle de 40 millions d'euros, notamment le programme de prévention et de dépistage du cancer, tous les programmes devant être refondés dans le cadre d'une loi de programmation quinquennale en santé publique qui devrait être discutée au Parlement au cours du 1 er semestre 2003 ;

- les personnes handicapées : le budget 2003 comporte notamment la création de 3.000 places de CAT, de 400 postes d'auxiliaires de vie, de 30 sites pour la vie autonome, de 500 postes d'auxiliaires d'intégration scolaire et de postes pour le maintien à domicile de 103 personnes lourdement handicapées.

Il a indiqué que le Gouvernement avait également mis en oeuvre des premières mesures d'économies sur un certain nombre d'interventions, les interventions interministérielles de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui permettront d'économiser 5,5 millions d'euros en 2003, et la maîtrise des dépenses de personnel, qui se caractérise par une réduction du nombre de postes budgétaires et un gel des mesures catégorielles et indemnitaires.

Puis M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial , a présenté l'article 69 du projet de loi de finances pour 2003, rattaché, pour son examen, aux crédits de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité. Cet article vise à insérer dans le code général des impôts un article 1635-0 bis, qui instaure, au profit de l'Office des migrations internationales (OMI), une taxe à laquelle seront assujettis les étrangers auxquels est délivré un premier titre de séjour d'une durée supérieure à trois mois. L'OMI, qui accomplit à l'égard des étrangers un certain nombre d'actions administratives, sanitaires et sociales au titre de leur introduction sur le territoire, de leur accueil, de leur information, de leur séjour et de leur rapatriement, devrait voir ses dépenses augmenter en raison du contrat d'intégration des étrangers annoncé par le Président de la République. La taxe que l'article 69 tend à créer vise à couvrir ces frais supplémentaires de l'OMI.

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Roland du Luart a souhaité connaître les dotations allouées, en 2002 et 2003, aux handicapés ainsi qu'aux maisons d'accueil spécialisées (MAS). Notant la diminution de 5,5 millions d'euros des crédits de la mission interministérielle pour la lutte contre les drogues et les toxicomanies (MILDT), il s'est interrogé sur le sens de cette mesure en raison de l'importance des problèmes existant en la matière. Enfin, il a souhaité obtenir des informations sur les crédits consacrés à l'investissement hospitalier.

Mme Marie-Claude Beaudeau a indiqué que le récent rapport d'information de la commission des affaires sociales du Sénat sur la compensation du handicap, qui ne comporte pas moins de 75 propositions, avait été bien reçu par les associations travaillant dans ce secteur et avait créé une attente. A cet égard, elle a estimé que ces propositions devaient être prises en compte dans le cadre de la réforme de la loi de 1975. Elle a également noté qu'on ne connaissait pas avec précision le nombre de personnes handicapées. Elle a également souligné l'importance du degré de handicap et rappelé qu'un handicapé formé n'était plus vraiment un handicapé. Elle s'est interrogée sur le fait qu'environ 25.000 personnes, en France, se trouveraient chaque année atteintes d'un handicap suite à des accidents de la route, et a également souligné l'augmentation du nombre de personnes handicapées à la naissance. Elle a également voulu connaître les résultats des actions conduites en matière de lutte contre l'alcoolisme, puis elle a posé la question de la répartition des 450 millions d'euros en faveur de l'hôpital, annoncés par le ministre de la santé.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis des crédits de la solidarité au nom de la commission des affaires sociales , a précisé que la commission des affaires sociales du Sénat avait demandé, à la suite de son rapport d'information sur le handicap, le dépôt d'une proposition de loi sur ce sujet en vue de réformer la loi de 1975. Il a indiqué que cette proposition de loi devrait être déposée avant la fin de l'année et qu'elle devrait faire l'objet d'une discussion commune avec le projet de loi préparé par le Gouvernement. Il a indiqué que les accidents, y compris domestiques, se traduisaient par l'augmentation, chaque année, à hauteur de 1.000 à 1.500 personnes, du nombre de paraplégiques. S'agissant du handicap à la naissance, il a expliqué que certains accidents néonataux demeuraient extrêmement difficiles à éviter, et que plusieurs handicaps n'étaient pas décelables, à l'exemple de l'autisme, dont les cas seraient en augmentation. Il a estimé que l'alcoolisme était dû à des phénomènes de société et touchait de plus en plus les jeunes qui, parfois, mélangent alcool et drogue. Il a confirmé la carence des statistiques dans le domaine du handicap et a rappelé que, en vue de la préparation du recensement de 1999, l'Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE) avait proposé une série de questions destinées à mieux cerner les populations handicapées, mais que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) s'y était opposée. Il a jugé indispensable la réforme annoncée par le ministre de la santé des services de psychiatrie, beaucoup de patients ne recevant pas le suivi nécessaire. Enfin, il a considéré que le handicap pouvait également être perçu de manière différente selon les sociétés, notant que, au Canada par exemple, la vision sociale du handicapé était très différente de celle de la France.

M. Jean Arthuis, président , a estimé qu'il existait un véritable problème des établissements de psychiatrie. Il a noté que des établissements trop spécialisés aboutissaient à stigmatiser les patients et entraînaient des coûts souvent élevés. Il a jugé que, dans ce domaine, l'Etat avait trop souvent sous-traité le suivi des populations souffrant de problèmes psychiques à des associations sur lesquelles il n'exerce aucun contrôle.

En réponse aux différents intervenants, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial , a indiqué que le projet de budget de la santé pour 2003 prévoyait la création de 3.000 places supplémentaires en CAT, et de 2.000 places en MAS, et que l'ensemble des crédits en faveur des personnes handicapées s'élevait à 7,4 milliards d'euros en 2002 et à 7,9 milliards d'euros en 2003, dont près de 6 milliards d'euros de crédits sur le fascicule de la santé. La réduction des crédits de la MILDT vise surtout à rendre plus efficaces les actions de celle-ci, le rapport d'information de M. Roland du Luart ayant mis en évidence les dysfonctionnements de cet organisme. Il a indiqué que les crédits d'investissement à destination des hôpitaux seraient délégués aux agences régionales de l'hospitalisation. Il a confirmé que la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées entendait bien reprendre certaines propositions formulées par la commission des affaires sociales du Sénat dans son rapport d'information sur le handicap, et qu'elle lui avait indiqué son intention de déposer un projet de loi sur ce sujet vers le mois de juin 2003. Il a souligné la mauvaise prise en compte de certains handicaps, tel que l'autisme, qui nécessitent la mise en place de dispositifs variés de prise en charge. Il a formé le voeu que les relations entre le ministère de l'éducation nationale et le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées soient plus proches, estimant que l'intégration scolaire des enfants handicapés ne constituait pas suffisamment une priorité du ministère de l'éducation nationale. Enfin, il a souhaité que le ministre de l'éducation nationale inclue les handicapés dans son projet de réforme de l'enseignement professionnel.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité pour 2003, ainsi que l'article 69 rattaché sans modification.

Réunie le jeudi 14 novembre 2002 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission des finances a procédé à l'examen des crédits du travail, de la santé et de la solidarité : II. Santé, famille, personnes handicapées et solidarité, et article 69 rattaché , sur le rapport de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité pour 2003, ainsi que de l'article 69 rattaché sans modification.

Réunie le jeudi 21 novembre 2002, la commission a confirmé son vote favorable à l'adoption des crédits de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité. Elle a adopté les articles 69, tel qu'amendé par l'Assemblée nationale (devenu l'article 76) , relatif à la taxe au profit de l'office des migrations internationales, et 78 (nouveau) relatif à la revalorisation de la déduction forfaitaire opérée par les organismes d'assurance complémentaire participant à la couverture maladie universelle (CMU).

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