IV. LA SITUATION DES INDUSTRIES DE L'ARMEMENT

Il a paru intéressant de consacrer quelques développements à caractère informatif, faisant le point de la situation des deux « navires amiraux » du secteur public de l'armement, que les évolutions récentes ont conduit à prendre leurs distances avec l'État pour s'efforcer de trouver leur place sur des marchés de plus en plus concurrentiels.

1. DCN

Comme cela a été noté au niveau des observations, la future société est confrontée à un marché mondial plutôt porteur, qui devrait faciliter une adaptation des structures qui reste toutefois délicate.

a) Les opérations préalables au changement de statut

En vue de permettre, en application de la loi du qui prévoit, avant la fin 2003, la constitution de D.C.N. en société anonyme, le projet a été découpé en chantiers et en phases.

Si un retard de trois mois a été constaté dans la mise en place de D.C.N, c'est parce que la constitution de la société DCN suppose notamment :

• la détermination des apports en nature et donc un inventaire contradictoire avec les tiers détenteurs, la description ou le cadastrage, la valorisation par la direction générale des impôts (l'avis des commissaires aux apports) ainsi que la détermination de l'apport éventuel en capital en complément des apports en nature ;

• le mode de gestion des agents publics employés par la société anonyme, en parallèle à la mise au point, en concertation avec les partenaires sociaux, des accords d'entreprise ;

• le contrat d'entreprise, prévu par la loi pour signature dans le trimestre suivant la réalisation des apports, qui doit notamment conforter les hypothèses d'activité ;

• l'élaboration d'une procédure de clôture des opérations du compte de commerce des constructions navales.

b) Le plan de charge

Le tableau ci-après précise les plans de charge 2000, 2001 et prévisionnels 2002 et 2003 des établissements de DCN (heures du personnel d'exécution et des cadres), en distinguant les heures consacrées aux études et constructions neuves, à l'entretien et à l'exportation, ainsi que le taux de sous-traitance 2000, 2001 et prévisionnel 2002 par établissements.

Le plan de charge des personnels, exprimé en heures productives, dépend des règles d'imputation des heures aux ouvrages . On note que la charge productive par salarié reste limitée à 850 heures par personne et par an . Les actions entreprises pour répartir la charge entre établissements permettront d'aboutir à des situations satisfaisantes sur tous les sites en 2003.

Plan de charge des personnels d'exécution

et des cadres (en milliers d'heures)

2000

2001

2002

(Prévision)

2003

(Prévision)

CHERBOURG

Etudes & Constructions neuves

1661

1941

2184

1584

Entretien

131

0

19

16

Export & Diversification

559

509

728

663

TOTAL

2351

2450

2932

2263

Taux de sous-traitance

19%

23%

33%

BREST

Etudes & Constructions neuves

647

290

391

1037

Entretien

2591

2841

2447

3233

Export & Diversification

1077

801

741

243

TOTAL

4315

3932

3579

4513

Taux de sous-traitance

20%

26%

16%

LORIENT

Etudes & Constructions neuves

533

203

327

746

Entretien

136

65

1

15

Export & Diversification

1600

1445

1421

1084

TOTAL

2269

1713

1749

1845

Taux de sous-traitance

28%

28%

25%

TOULON

Etudes & Constructions neuves

34

45

27

53

Entretien

2319

1879

2354

2242

Export & Diversification

59

26

20

1

TOTAL

2412

1950

2400

2296

Taux de sous-traitance

24%

21%

24%

NANTES-INDRET

Etudes & Constructions neuves

596

490

678

638

Entretien

121

64

192

127

Export & Diversification

352

387

405

232

TOTAL

1070

941

1275

997

Taux de sous-traitance

14%

11%

25%

RUELLE

Etudes & Constructions neuves

333

277

501

530

Entretien

57

74

144

58

Export & Diversification

396

408

369

550

TOTAL

786

759

1014

1138

Taux de sous-traitance

14%

16%

34%

PAPEETE

Etudes & Constructions neuves

0

0

0

0

Entretien

240

230

234

220

Export & Diversification

13

7

1

7

TOTAL

253

237

235

227

Taux de sous-traitance

17%

19%

-

INGENIERIE (1)

Etudes & Constructions neuves

403

Entretien

83

Export & Diversification

335

TOTAL

820

Taux de sous-traitance

Plan de charge des personnels d'exécution et des cadres

2000

2001

2002

(Prévision)

2003 (Prévision)

(en milliers d'heures)

et des cadres (en milliers d'heures)

(Prévision)

(Prévision)

ING CN (2)

Etudes & Constructions neuves

419

953

775

Entretien

47

0

0

Export & Diversification

332

516

248

TOTAL

798

1469

1023

Taux de sous-traitance

-

33%

SC (2)

Etudes & Constructions neuves

289

426

573

Entretien

273

319

166

Export & Diversification

152

207

303

TOTAL

714

953

1042

Taux de sous-traitance

-

27%

TOTAL DCN

Etudes & Constructions neuves

4206

3954

5486

5936

Entretien

5678

5473

5710

6077

Export & Diversification

4391

4067

4409

3331

TOTAL

14275

13494

15606

15344

Taux de sous-traitance

21%

22%

27%

(1) L'établissement INGENIERIE a été fermé en 2000. (2) : Les établissements de ING CN ET SC ont été créés en 2000

c) Les activités à l'exportation

Le tableau ci-après dresse un bilan des principaux contrats conclus par DCN International qui mène les activités à l'exportation de DCN :

Contrat et matériel exporté

Pays destinataire

Année de signature du contrat

Année de livraison

CM Pakistan 3 chasseurs de mines

Pakistan

1992

1998

BRAVO 6 frégates

Taïwan

1991

1999

AGOSTA 90B 3 sous-marins

Pakistan

1995

2005

SAWARI II 3 frégates

Arabie Séoudite

1994 + avenant 1997

2004

Mouette, carénage 4 frégates, 2 pétroliers

Arabie Séoudite

1994

2000

Scorpène 2 sous-marins

Chili

1998

2005

MU 90

Italie

Allemagne

Danemark

1998

2011

Chasseur de mines type CIRCEE

Turquie

1997

1998

SFX 2 plates-formes pétrolières

Schlumberger

1998

2000

DELTA, 6 frégates

2000

2005

2009

Aviso A69 d'occasion, 6 navires

Turquie

2001

2002

2 sous-marins Scorpène

Malaisie

2002

L'ensemble de ces contrats représente un montant d'environ 9 milliards d'euros de chiffre d'affaires. DCN vise l'obtention d'une part d'environ 30% du marché militaire naval accessible dans le monde7 ( * ), regroupant une vingtaine de pays cibles sur lesquels DCN International concentre ses efforts.

d) Les tentatives de diversification

Les activités de diversification civile considérées comme un apport de complément aux activités militaires en forte réduction au cours des années 90 sont apparues dès 2001 incompatibles de la pénurie de personnel d'étude et de conduite de projets que connaissait DCN.

La politique de DCN a été, en conséquence, dés cette période de clôturer les affaires de diversification existantes et de concentrer l'emploi de ses moyens sur la réussite de ses projets et activités militaires.

Aucune affaire de diversification n'est actuellement en cours. Dans le passé, pour DCN, le terme diversification était relatif à l'ensemble des activités vers une clientèle civile, qu'il s'agisse de valoriser l'outil industriel (diversification « de capacité ») ou de concevoir, développer et mettre sur le marché des produits (diversification « de produits ») :

• La diversification « de capacité » n'a connu une ampleur importante qu'à Brest, avec les contrats SFX 1 et SFX 2 pour la construction de deux plates-formes de forage pétrolier en mer, lesquelles ont été livrées en juin et juillet 2000 au client Transocean Sedco Forex. Le contrat initial des deux affaires SFX (considérées comme un tout) correspondait à un budget prévisionnel de 178 M € ; mais de nombreuses modifications à l'initiative du client ont été effectuées en cours de réalisation. DCNI (le porteur du contrat) a donc présenté à Transocean Sedco Forex des réclamations pour travaux supplémentaires qui - après une négociation très difficile allant jusqu'à l'initiation par DCNI d'une procédure d'arbitrage - ont été soldées en janvier 2001 par un accord transactionnel augmentant le prix du contrat d'un montant de 86 M € . Par ailleurs des remboursements d'assurance, revenus financiers et aléas contribuent aux recettes pour 7,5 M €  à ce jour. L'ensemble des recettes n'a néanmoins pu couvrir l'ensemble des dépenses du projet, qui se solde par une perte pour DCN.

On note que la mise en place à fin 2000-début 2001 par le Délégué interministériel aux restructurations de défense de « Brest Offshore », un GIE à vocation de promotion commerciale rassemblant DCNI (pour compte de l'établissement DCN de Brest) et quatre industriels implantés sur le site de Brest n'a donné lieu à aucun contrat malgré une activité commerciale de plus d'une année et surtout n'a suscité aucun appel d'offres auquel les partenaires de « Brest Offshore » aient été en mesure de répondre par une proposition au nom du groupement. Pour DCN, actuellement en phase de recentrage sur ses activités militaires, l'intérêt d'une poursuite de la diversification civile de capacité peut être mis en question.

• Pour la diversification « de produits » les seuls projets en cours sont des projets existants (à Lorient et Cherbourg) : Portes d'écluses en composite (à Lorient) : DCN a précédemment réalisé plusieurs portes - au gabarit Freycinet - mais aucune affaire nouvelle n'a été conclue depuis un an ; Gamme de caboteurs fluvio-maritimes « Karvor » (à Lorient). Ce projet porte sur des navires spécialisés dans le transport des conteneurs, dont le caractère innovant est l'autonomie de manutention. Développé en partenariat avec Technicatome, ce projet a été soutenu par les services du ministère de l'Equipement (dtmpl et drast) qui voient en « Karvor » un outil susceptible de revitaliser le cabotage sur les voies navigables et les littoraux français. « Karvor » a fait l'objet d'une étude pour le Port de Lille, mais qui ne fait apparaître des perspectives qu'à partir de 2005 au plus tôt. Le Port de Lyon (CNR) ainsi qu'un opérateur privé ont manifesté leur intérêt pour des liaisons Saône-Rhône / côtes méditerranéennes. Générateur sous-marin d'énergie par thermo-électricité (à Cherbourg) pour l'offshore profond, prototype réalisé en partenariat (de développement) avec le groupe pétrolier Total Fina Elf. La commercialisation est depuis plusieurs années en attente d'une décision du groupe pétrolier d'expérimenter in-situ le prototype existant. DCN souhaite trouver un accord avec une société extérieure susceptible de reprendre ses droits et obligations et de commercialiser son savoir-faire dans le domaine.

En conclusion, les activités de diversification civile n'étaient considérées que comme un apport de complément aux activités militaires et apparaissent actuellement incompatibles avec la pénurie actuelle de personnel d'étude et de conduite de projets. La politique de DCN a été en conséquence de clôturer les affaires de diversification existantes et de concentrer l'emploi de ses moyens sur la réussite de ses projets et activités militaires.

e) Les suites de l'attentat de Karachi

L'attentat de Karachi qui a coûté la vie à plusieurs collaborateurs de DCN et en a blessé d'autres conduit, dans le cadre de l'activité export avec transfert de technologie, à considérer de manière différente les aspects liés à la sécurité des hommes au sein des pays à risques.

Les solutions qui seront désormais retenues combineront différents facteurs parmi lesquels : la réduction du volume des équipes expatriées, la limitation des personnes impliquées (pas de séjour en famille), la limitation des temps de séjour et la mise en oeuvre de conditions de sécurité spécifiques, définies au cas par cas, en fonction du contexte.

Dans le cas particulier du Pakistan et de la poursuite du contrat de construction de sous-marins AGOSTA 90B, les mesures suivantes sont en cours d'examen :

• achèvement du contrat sur le site de Karachi, toute autre hypothèse, notamment celle du transfert du chantier sur d'autres régions du monde, s'étant avérée irréaliste à l'examen ;

• maintien d'un groupe réduit de personnels sur le site de Karachi (quinze personnes au plus) dans des conditions de sécurité très adaptées au contexte :

o installation de l'équipe au sein-même de la base navale

o audit de sécurité de la Gendarmerie Nationale, préalable à l'installation

o - sécurité pakistanaise complétée par un dispositif propre français

Le coût de ces mesures devra être supporté par l'État pakistanais, sous forme d'un avenant au contrat.

* 7 Le marché accessible est celui qui fait l'objet d'appels à la concurrence internationale.

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