C. 2003 : LA TENTATION DE LA DÉBUDGÉTISATION

Pour 2003, les crédits du compte 902-24 ont été évalués à 8 milliards d'euros. Ils constituent moins une prévision de recettes qu'une prévision de dépenses :

Ces dépenses se répartiraient entre :

- 4,8 milliards d'euros de dotations nouvelles (dont RFF et l'EPFR...) ;

- 3,2 milliards d'euros de 2002 non versés.

C'est en fonction de ces besoins financiers que sont évaluées les recettes. Il s'agit donc bien moins d'une prévision de recettes que d'une espérance de recettes.

Les 8 milliards de recettes correspondraient à :

- des cessions de participations minoritaires de l'Etat : 4.200 millions d'euros ;

- des cessions privatisantes pour lesquelles la participation de l'Etat passe en-dessous de 50% : 1.600 millions d'euros ;

- des ouvertures de capital : 2.100 millions d'euros

- un versement différé du paiement d'actions acquises par les salariés d'Hervet et des recettes diverses dont des remboursements relatifs aux fonds publics de capital risque : 100 millions d'euros

Il n'est évidemment pas possible de savoir si cette prévision de 8 milliards d'euros sera tenue. Il est simplement possible de constater qu'elle est très élevée, et témoigne donc d'une forte volonté en termes de privatisations, mais qu'elle est conditionnée par la bonne tenue des marchés financiers. Quatorze participations de l'Etat pourraient être mises en vente au cours des prochains mois :

Sociétés non cotées (part de l'État dans le capital)

EDF

100%

GDF

100%

SNECMA

98%

Sociétés cotées (part de l'État dans le capital

Air France

55,9%

France Télécom

55,5%

Autoroutes du Sud de la France

40,8%

Thalès

32,6%

Renault

25%

Thomson Multimédia

20,99%

Bull

16,3%

Dassault Systèmes

15,6%

EADS

15%

CNP

1,2%

Ces quatorze sociétés sont celles qui on fait l'objet d'un appel d'offres lancé par Bercy pour le choix des banquiers conseils. La cession de certaine de ces sociétés demanderait une adaptation législative (EDF, GDF, France Télécom). Pour d'autres, une cession ne sera possible que si leur équilibre financier est restauré (Bull, France Télécom...). Enfin, outre ces quatorze sociétés, d'autres sont parfois citées : Aéroports de Paris, Areva, Française des jeux etc...

Votre rapporteur spécial ne peut que regretter un oubli majeur dans la prévision de dépenses pour 2003 du compte 902-24. Il s'agit bien entendu de France Télécom. Ne figure pas en effet dans la loi de finances initiale, que l'on examine le budget général ou le compte d'affectation spéciale 902-24 « produits de privatisation et dotations en capital des entreprises publiques » les dépenses liées à une probable recapitalisation de France Télécom dont le coût est évalué jusqu'à 15 milliards d'euros, dont plus de 8 milliards à la charge de l'Etat. La structure qui pourrait être choisie, un établissement public s'endettant en lieu et place de l'Etat et recapitalisant à sa place l'entreprise publique, expliquerait que les dépenses ne soient pas inscrites en lois de finances.

Le choix d'une telle structure paraîtrait contestable à votre rapporteur. Il n'est évidemment pas conforme aux principes d'universalité et de sincérité du budget de l'Etat. En clair, il s'agit d'une débudgétisation qui ne se justifie pas au regard de la nouvelle loi organique relative aux loi de finances. Il ne serait de toute façon vraisemblablement pas neutre sur le plan des critères de Maastricht. Si le choix de l'établissement public permettrait de ne pas peser sur le déficit maastrichtien, il aurait par contre un lourd impact sur la dette maastrichtienne. L'établissement public qui serait créé risquerait fort en effet d'être classé en organisme divers d'administration centrale (ODAC) et d'entrer à ce titre dans la dette des administrations publiques. La dette maastrichtienne, déjà proche des 60 % du PIB (58,8 % prévus pour 2003), pourrait alors tangenter dangereusement cette limite.

Alors que les engagements hors bilan sont dénoncés à juste titre au nom de la vertu budgétaire et de la transparence des comptes de l'Etat, le recours à un établissement public pour recapitaliser France Télécom, avec la garantie implicite de l'Etat, constituerait un hors bilan éminemment critiquable. Financièrement, la dette de cet établissement public serait plus coûteuse qu'une dette négociée directement par l'Etat.

Il faut évidemment reconnaître que, en l'état, le compte 902-24 ne disposera pas des recettes nécessaires à une recapitalisation de France Télécom. Il ne pourra pas davantage financer toutes les dotations en capital promises à l'EPFR et à RFF. Pourquoi la dotation en capital à France Telecom devrait-elle être traitée différemment des autres dotations en capital ? Faut-il dès lors créer un grand établissement public s'endettant pour recapitaliser les entreprises publiques de l'Etat à la place de celui-ci, en complément des cessions d'actifs publics qui seront réalisés ? Votre rapporteur spécial ne le croit pas.

Une solution conforme à l'orthodoxie budgétaire s'impose. Elle passe par l'affectation de nouvelles recettes au compte 902-24. Si un versement du budget général, qui serait limité par l'ordonnance organique à 20 % des recettes, n'est pas à la hauteur du problème, d'autres recettes pourraient être trouvées. Elles doivent être « en relation directe avec les dépenses concernées », conformément à l'article 21 de la nouvelle loi organique du 1 er août 2001. Dès lors, ce sont sans doute les dividendes des entreprises publiques (EDF, Caisse des dépôts...), voire les versements exceptionnels d'établissements publics, qui pourraient le plus légitimement, financer les besoins réels du compte 902-24 . Ne serait-il pas légitime que le dividende France Télécom finance une part de la recapitalisation des entreprises publiques ? Ce ne serait d'ailleurs pas la première fois que des dividendes sont versées sur le compte 902-24 : cela a été le cas pour Thomson SA récemment.

Certes, une telle solution aurait un impact sur le déficit budgétaire. Elle n'en serait pas moins conforme à l'opération vérité que souhaite lancer le gouvernement sur la situation de ces entreprises publiques. Elle permettrait d'avoir une vision plus consolidée de ce que rapportent les entreprises publiques (cessions de titres et dividendes) et de ce qu'elle coûtent (dotations en capital). C'est ainsi également que l'Etat se rapprocherait d'un investisseur plus traditionnel qui choisit de réinvestir ou de répartir ses dividendes. Pour l'heure, les dividendes perçus par l'Etat ont été bien peu réinvestis...

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