C. LA PRESSE ET LA TÉLÉVISION DE PROXIMITÉ

Lorsque furent lancées les premières télévisions de proximité, à la fin des années 80, les titres de la presse écrite régionale ont perçu ces nouveaux acteurs comme des concurrents, en craignant notamment de perdre une partie de leurs ressources publicitaires.

Mais l'attitude de la presse a progressivement évolué. Vis-à-vis des chaînes de proximité, elle adopte désormais davantage une position de complémentarité que de concurrence frontale et elle cherche à investir elle-même dans la télévision.

De nombreux facteurs légitiment les projets télévisuels de la presse de proximité.

Technologiquement, la numérisation des informations permet leur exploitation sur tous les supports. Il est ainsi possible de réaliser d'importantes économies d'échelle, notamment sur la collecte et la mise en forme des informations.

Sur le plan éditorial, la presse écrite dispose d'une connaissance intime des territoires et des acteurs locaux. Cet actif précieux, fruit de dizaines d'années de journalisme de terrain, peut être réutilisé en télévision, contribuant ainsi à répondre efficacement à la demande de proximité exprimée par de très nombreux téléspectateurs.

D'un point de vue marketing, la presse écrite régionale et locale, qui subit une érosion de son lectorat, surtout en milieu urbain et parmi les moins de 35 ans cherche à toucher une population qui ne consomme l'information que par l'image. En restant cantonnés dans l'écrit, les journaux savent qu'ils s'éloignent de l'attente de certains publics.

Enfin le dernier facteur est purement économique : en vingt ans, le pourcentage du marché publicitaire national recueilli par la PQR a été divisé par deux. Le marché local de publicité télévisée constitue par conséquent une possible expansion de ses ressources publicitaires : elle peut proposer à ses annonceurs un support de publicité complémentaire.

De plus en plus de titres de presse se donnent vocation à devenir des opérateurs multimédia, avec une présence en presse, en télévision et sur l'internet. Il existe une véritable synergie entre ces différents supports  : une présence télévisuelle permet de renvoyer vers le site Internet qui lui-même renvoie vers le journal et lui apporte des recettes.

Toutefois, tous les titres ne disposent pas des mêmes ressources pour se tourner vers le média télé. La presse quotidienne régionale peut assumer les coûts d'un canal 24h/24 à raison de 2h30 à 3h de production fraîche par jour ; en revanche, la presse hebdomadaire régionale et la presse quotidienne départementale ne revendiquent qu'une fenêtre de présence plus modeste et se contenteraient d'un partage de canal : entre un quart d'heure et une demi-heure par jour de production fraîche diffusée. Dans tous les cas, la multi-diffusion des bulletins d'informations produits serait la règle, afin de « toucher » les spectateurs quelle que soit l'heure.

Dans un souci de diversification et de recherche de nouveaux publics, certains groupes de presse ont donc entrepris d'entrer au capital de chaînes existantes ou de lancer de nouvelles chaînes :

• TLT (Télé Toulouse). Créée en 1988, TLT était co-contrôlée à l'origine par la ville de Toulouse (via la société d'économie mixte CTV) et le groupe Vivendi. Au fil des années, l'accumulation des pertes a conduit à plusieurs augmentations de capital. Début 2002, Vivendi a abaissé sa participation à 10%, principalement au profit du groupe Lagardère et de La Dépêche du Midi, qui est devenue, après CTV (34,7%), le deuxième actionnaire de la chaîne avec 22,3%4 ( * ) ;

TLM (Télé Lyon Métropole). Lancée 1989, cette station était contrôlée à l'origine par le groupe Vivendi. En 2000, Le Progrès (groupe Socpresse) 5 ( * ) a racheté les parts de Vivendi et détient désormais 49% de la société SALT, qui édite TLM 6 ( * ) . ;

Clermont 1 ère . La chaîne de l'agglomération de Clermont-Ferrand a été lancée en Octobre 2000 par La Montagne (groupe Centre-France 7 ( * ) ), qui possède 48% du capital 8 ( * ) ;

TV7 Bordeaux . TV7 a commencé son activité en juin 2001 à l'initiative du groupe Sud-Ouest 9 ( * ) qui détient 49% du capital 10 ( * ) ;

Canal 32 (Troyes). France Régions Participations 11 ( * ) (filiale du groupe de presse France-Antilles ) détient 24,2% de la chaîne de l'agglomération troyenne, lancée en novembre 2001.

On constate donc que la presse écrite est donc présente dans le capital de l'ensemble des télévisions « de ville ». En revanche, elle reste pour l'instant à l'écart des 5 télévisions « de pays » : TV8 Mont-Blanc (Savoie, Haute-Savoie et pays de Gex), Aqui TV (Dordogne), TV Sud-Vendée (région de Luçon et Fontenay-le-Comte), Télé 102 (région des Sables d'Olonne) et Télé Hautes-Alpes.

En ce qui concerne la télévision numérique de terre, on peut rappeler que le CSA a décidé d'affecter aux chaînes locales un minimum de trois canaux numériques partout en France 12 ( * ) et que les premiers appels à candidatures devaient être lancés fin 2002, après la parution du décret sur le régime juridique des chaînes locales. En raison de l'initialisation progressive des foyers en récepteurs numériques, les nouveaux entrants potentiels dans la télévision locale souhaiteraient tout d'abord démarrer en analogique. Mais le nombre de fréquences disponibles se trouve réduit par la nécessité de réserver des ressources hertziennes pour la TNT.

Cependant, le 23 avril dernier, le CSA a lancé trois appels à candidatures pour des fréquences analogiques ; ils portent sur les agglomérations de Nantes et Grenoble ainsi que la plaine du Forez 13 ( * ) . A Nantes, il semblerait que Le Télégramme de Brest  et  Presse Océan (groupe Socpresse) envisagent de déposer un dossier de candidature commun 14 ( * ) . La candidature de  Ouest France est également évoquée. En ce qui concerne Grenoble, Socpresse serait également sur les rangs via Le Dauphiné Libéré.

En tout état de cause, l'analyse de l'implication de la presse dans la télévision de proximité ne peut être dissociée de la réflexion sur les secteurs interdits. En effet, les chaînes locales sont aujourd'hui toutes lourdement déficitaires et la levée de l'interdiction de la publicité télévisée pour le secteur de la distribution apparaît, à certains, comme une condition nécessaire (mais pas suffisante) de leur viabilité financière.

* 4 Principaux autres actionnaires : Lagardère Interactive Broadcast : 13,7%, Télévisions locales développement (groupe Vivendi) :10%, Airbus : 8,7%, Bordelaise de banque (groupe CIC) : 5,2%, Caisse d'Epargne Midi-Pyrénées : 5,2%.

* 5 La société Socpresse (éditrice du Figaro et de très nombreux journaux régionaux dont l'autre quotidien lyonnais Lyon Matin ) est détenue à 70% par la famille Hersant et à 30% par le groupe Dassault.

* 6 Principaux autres actionnaires : Crédit Agricole Centre-Est : 21,9%, 2 RBI : 16,6%, Segipa St Olive : 10%.

* 7 Le groupe Centre-France édite quatre quotidiens régionaux et deux hebdomadaires. Il exploite également les radios Centre-France FM (partenariat avec Europe 2).

* 8 Principaux autres actionnaires : Crédit Agricole : 10%, Banque Populaire du Massif Central :10%, Caisse d'Epargne de Clermont-Ferrand : 10%.

* 9 Le groupe Sud-Ouest édite, outre le quotidien éponyme, de nombreux titres de presse départementale et locale.

* 10 Principaux autres actionnaires : Com-one : 16%, Sud médias participation (groupe Fabre) : 10%.

* 11 France Régions Participations possède notamment les quotidiens locaux L'Est Eclair et Libération Champagne.

* 12 Dans certaines régions (notamment en Ile-de-France où est prévu un 7 ème multiplexe), ce chiffre pourra être supérieur.

* 13 La date limite de dépôt des candidatures a été fixée au 30 octobre.

* 14 Non sans lien avec ce projet de chaîne locale, SOCPRESSE a pris le contrôle du football club de nantes-atlantique.

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