B. ENCADRER LES MODALITÉS DE LA CONSULTATION

Votre commission des Lois se félicite que les électeurs de Corse puissent enfin être consultés sur leur organisation institutionnelle.

Cette question, en suspend depuis près de trente ans, serait enfin tranchée de la façon la plus démocratique qui soit, même si la consultation n'aurait juridiquement que la valeur d'un avis pour le Gouvernement et le Parlement.

Votre commission vous propose d'encadrer les modalités de la consultation et vous soumet, à cette fin, 21 amendements , ayant principalement pour objet de :

- préciser, d'une part, que le texte de l' annexe et les bulletins de vote seront adressés en même temps aux électeurs , d'autre part, que cet envoi devra être effectué au plus tard le mercredi précédant le scrutin ( article 2 ) ;

- permettre à la commission de contrôle de la consultation de s'adjoindre des délégués , dans un souci d'efficacité et conformément à ce qui était prévu pour la consultation des électeurs de Mayotte ( article 3 ) ;

- préciser que le secrétariat de la commission de contrôle de la consultation est assuré par les services du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse ( article 3 ) ;

- définir les prérogatives des membres de la commission de contrôle de la consultation, afin de leur donner les moyens effectifs de veiller à la régularité et à la sincérité du scrutin ( article 3 ) ;

- exclure l'application à la consultation des électeurs de Corse des dispositions du code électoral prévoyant la création, dans toutes les communes de plus de 20 000 habitants, d'une commission de contrôle des opérations de vote , dont le rôle serait redondant avec celui de la commission de contrôle de la consultation ( article 4 ) ;

- supprimer la disposition selon laquelle le recours du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse ne pourrait être formé qu'en cas de non respect des formes légales ( article 17 ) ;

- porter à dix jours , au lieu de cinq, le délai de recours devant le Conseil d'Etat contre les résultats de la consultation des électeurs de Corse, le délai de dix jours ayant été retenu tant pour la consultation de la population de la Nouvelle Calédonie en 1998 que pour celle de la population de Mayotte en 2000 ( article 17 ).

C. RELEVER LES AUTRES DÉFIS AUXQUELS LA CORSE EST CONFRONTÉE

L'évolution institutionnelle proposée par le projet de loi permettrait de donner aux Corses la maîtrise de leur devenir au sein de la République française, conformément à l'esprit de la décentralisation.

L'Etat n'en conserve pas moins des responsabilités éminentes et doit, par son action, aider la Corse à relever les deux autres défis auxquelles elle est confrontée : l'arrêt de la violence et le développement économique.

1. Mettre fin aux atteintes récurrentes à la légalité républicaine

La réponse des pouvoirs publics à la persistance de la violence a été trop souvent marquée au sceau de l'irrésolution . Depuis 1975, les politiques gouvernementales se sont traduites par des revirements successifs , alternant phases de répression (1975-1981), d'apaisement (1981-1983), de durcissement (1983-1988), d'ouverture (1988-1996), d'interruption du dialogue à la suite de la conférence de presse de Tralonca 14 ( * ) et d'un attentat contre la mairie de Bordeaux 15 ( * ) en 1996, puis de reprise des discussions sous la pression des attentats spectaculaires contre les services de l'équipement et contre l'URSSAF en 1999.

La commission d'enquête du Sénat sur la conduite de la politique de sécurité menée en Corse, que votre rapporteur a eu l'honneur de présider et dont le rapporteur était le Président René Garrec, a relevé une imbrication évidente de cette violence avec le phénomène nationaliste et une dérive mafieuse des organisations qui se situent dans sa mouvance. Elle a souligné que « l'emprise du grand banditisme sur la Corse, agissant parfois seul, parfois sous couvert d'idéaux nationalistes, est telle que l'on peut légitimement s'interroger sur ses orientations mafieuses 16 ( * ) Tel fut d'ailleurs, l'un des objets du rapport demandé en 2000 par le garde des Sceaux, ministre de la justice, au procureur général de la cour d'appel de Bastia.

Force est de constater la difficulté du travail des services de renseignement en Corse et la longueur inévitable des enquêtes destinées à mettre à jour les réseaux mafieux.

Comme l'a fait observer M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, lors de son audition devant votre commission des Lois, « l'Etat doit agir fermement, de manière continue, mais sans renfort de publicité car il n'est pas souhaitable de donner à la violence l'importance publique que souhaitent ses auteurs . »

La commission d'enquête du Sénat a formulé 17 propositions concrètes destinées à assurer une meilleure coordination et un renforcement des moyens affectés à la sécurité et à la justice en Corse.

Votre rapporteur se félicite des mesures déjà prises par l'actuel Gouvernement pour améliorer la sécurité en Corse, telles que le déploiement des brigades anti-criminalité et des groupements d'intervention régionaux, et des premiers résultats obtenus depuis le mois de mai 2002, avec 45 arrestations pour des violences liées au séparatisme.

Parce que l'éradication de la violence en Corse demandera du temps et de la ténacité, il convient de ne pas perdre une minute pour engager ce combat.

2. Assurer le développement économique de l'île

Votre commission des Lois se réjouit également des initiatives prises par le Gouvernement afin de favoriser le développement économique de la Corse et l'encourage à poursuivre dans cette voie.

Le 22 avril 2002, l'Etat et la collectivité territoriale de Corse ont signé une convention cadre définissant les orientations prioritaires du programme exceptionnel d'investissement et les grandes masses financières nécessaires. Une première convention d'application a été signée le 26 octobre, qui couvre la période 2002-2006 et porte sur des opérations représentant 25 % du total des crédits.

La loi de finances pour 2003 a créé un chapitre budgétaire unique 17 ( * ) au sein du budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur lequel seront regroupés tous les concours de l'Etat, afin d'accélérer la mise en oeuvre du programme exceptionnel d'investissement.

Lors de son audition devant votre commission des Lois, M. Nicolas Sarkozy a indiqué que le taux des avances consenties aux collectivités de Corse sur les subventions du programme serait porté de 5 à 20 %, ce qui nécessite de modifier le décret n° 99-1060 du 13 décembre 1999 relatif aux subventions de l'Etat pour les projets d'investissement.

Il importe désormais, d'une part, que les maîtres d'ouvrage, en particulier les collectivités territoriales de l'île, redoublent d'effort pour faire émerger et mener à bien de véritables projets d'aménagement , d'autre part, que les marchés, encore trop rares, cessent d'être déclarés infructueux en raison de l'insuffisance des offres présentées par les entreprises.

Votre rapporteur se félicite également des premiers résultats des discussions avec la Commission européenne , obtenus notamment à l'issue du déplacement à Bruxelles du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, le 7 janvier dernier, en compagnie d'une délégation d'élus de Corse, qu'il s'agisse de la prorogation de la zone franche, de son cumul avec le crédit d'impôt pour investissement et du doublement du taux de ce crédit ou de la prorogation de la fiscalité sur le tabac, en suspens depuis deux ans. Les discussions doivent encore se poursuivre afin de lever les blocages européens sur les aides aux petites entreprises de l'île.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le projet de loi .

* 14 Dans la nuit du 11 au 12 janvier 1996, à la veille de la venue en Corse du ministre de l'intérieur, une centaine d'hommes fortement armés et encagoulés organisèrent un conférence de presse pour annoncer une trêve. Cette manifestation spectaculaire suscita un vif émoi dans l'opinion publique.

* 15 Le 5 octobre 1996.

* 16 Rapport n°69 (Sénat, 1999-2000), page 33.

* 17 Article 67-50-40, agrégat 21, du budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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