Rapport n° 59 (2003-2004) de M. Dominique LECLERC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 12 novembre 2003

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N° 59

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 novembre 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Dominique LECLERC,


Sénateur.

Tome III : Assurance vieillesse

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 e législ .) : 1106, 1156 , 1157 et T.A. 194

Sénat : 54 (2003-2004)

Sécurité sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

On évoque souvent l'« exception française » pour caractériser, sur un mode positif, les spécificités de notre pays. S'il est, hélas, un domaine où ce terme doit être employé d'une manière plus critique, c'est bien celui des retraites ou plutôt de l'incapacité de la France, de rapports en reports, pendant dix ans, à mener à bien la réforme devant permettre leur sauvetage.

A bien des égards, cette réforme, perpétuellement retardée jusqu'aux limites du possible, faisait figure de question taboue. La seule évocation d'une réflexion sur la pérennité des régimes de retraite spéciaux a suffi, on s'en souvient, à provoquer des mouvements sociaux, d'une ampleur considérable, dans des entreprises publiques. En France, et en France seulement, une large partie des formations politiques et syndicales a prôné une hausse massive des prélèvements obligatoires pour faire face au problème du financement. Huit ans après l'échec du plan Juppé, les travaux menés par le conseil d'orientation des retraites (COR) ont permis de prendre la mesure du problème, mais la nécessité de partager l'effort en prévoyant une augmentation de la durée de cotisations est demeurée largement contestée, dans son principe comme dans ses modalités éventuelles. Certains responsables politiques ont préféré un discours purement incantatoire, réclamant simplement qu'un financement soit trouvé.

C'est dire que la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites fera date. Elle restera, dans l'histoire sociale de notre pays, comme la plus grande réforme de l'assurance vieillesse depuis la Libération. Nous souhaitons saluer ici le courage du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, et en particulier de MM. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et de Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire qui ont su, en collaboration avec les deux assemblées, mener à son terme ce grand chantier.

Cette réforme constitue une étape décisive dans le processus de sauvetage de notre régime de retraite par répartition, auquel notre attachement n'est plus à démontrer.

Nous formulons le voeu que la France parvienne à suivre l'exemple du « Pacte de Tolède » de 1995. Cet accord, que la quasi-totalité des forces politiques espagnoles vient d'ailleurs de renouveler pour cinq ans, consiste, au nom de l'intérêt général, à ne pas utiliser la question des retraites comme une « arme électorale ».

Nous souhaitons également rendre ici hommage à l'esprit de responsabilité de ceux des partenaires sociaux qui ont mesuré l'enjeu qui s'attachait à la préservation de notre pacte social et ont choisi de participer au processus de concertation jusqu'à son terme.

Même si les progrès réalisés ont été considérables, il nous reste encore beaucoup à faire. Notre régime de retraite demeure complexe, insuffisamment transparent et parfois inégalitaire.

En définitive, le vote de la loi « Fillon » constitue, à nos yeux, à la fois un motif de regret, une grande satisfaction et un sujet de réflexion. Un sujet de réflexion d'abord, dans la mesure où il nous faut d'ores et déjà penser à préparer les prochaines étapes du processus d'adaptation de notre régime d'assurance vieillesse. Une grande satisfaction ensuite, en raison de l'ampleur de l'effort structurel qui sera réalisé. Et un regret enfin, car l'opposition n'a pas offert, durant les six semaines de débat parlementaire, d'alternative crédible, semblant oublier l'immobilisme de la précédente législature.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ne comporte qu'un seul article consacré à l'assurance vieillesse : l'objectif de dépenses. Mais ce projet de loi de financement de la sécurité sociale nous donne l'opportunité de faire le point sur la réforme engagée, de rappeler les conditions de sa réussite et de tracer les prochaines étapes du processus de sauvetage de l'assurance vieillesse.

I. LA LOI SUR LES RETRAITES DE 2003 : LA PLUS IMPORTANTE RÉFORME DE L'ASSURANCE VIEILLESSE DEPUIS 1945

La loi du 21 août 2003, adoptée à l'issue d'une démarche courageuse du Gouvernement accompagnée par une partie des partenaires sociaux, consacre l'adoption de la plus importante réforme de l'assurance vieillesse conduite dans notre pays depuis 1945.

A. UNE RÉFORME INDISPENSABLE

Le caractère inéluctable de la réforme des retraites, repose en France, comme dans tous les pays occidentaux, sur une conjonction de facteurs qui conduit à s'interroger sur la viabilité du système par répartition, tel qu'il a été conçu à la Libération. Ces facteurs structurels sont identifiés depuis longtemps. Il s'agit notamment de l'augmentation du nombre de retraités consécutive à l'accroissement de l'espérance de vie, ainsi que de l'arrivée à l'âge de la retraite des nombreuses classes d'âge issues du « baby boom » d'après-guerre. A ces facteurs strictement démographiques s'ajoutent un taux de chômage élevé et la diminution, depuis vingt ans, des taux d'activité avant l'âge de vingt-cinq ans et après l'âge de cinquante-cinq ans qui fragilisent les comptes de la CNAV.

a) La fragilité des comptes de la CNAV

La branche vieillesse sera légèrement excédentaire en 2003, comme les années précédentes. Cette situation appelle deux observations :

- la branche est d'ores et déjà délestée du poids des avantages non contributifs , pris en charge par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) depuis 1993 ;

- le versement par la CNAF d'une contribution destinée à financer l'allocation vieux parents au foyer (AVPF) soulage chaque année les comptes de la CNAV , au détriment de ceux de la branche famille, pour un montant estimé à 3,996 milliards d'euros en 2004 .

Sous la précédente législature, la branche vieillesse n'a pas pu profiter d'une situation démographique exceptionnelle pour préparer l'avenir.

Les années 1998-2002 ont, en effet, constitué des années « exceptionnelles » pour la branche vieillesse du régime général, car la situation démographique y était alors très favorable et la conjoncture économique très dynamique.

Evolution des cotisants et retraités du régime général

(en milliers)

Comme le montre ce graphique, la progression du nombre de retraités a été quasiment parallèle à celle du nombre de cotisants avec un écart important entre les deux courbes. Les recettes de la branche vieillesse ont alors bénéficié d'une croissance dynamique de la masse salariale.

Résultats de la CNAV 1998-2003 en droits constatés et en millions d'euros

 

1998

1999

2000

2001

2002

Prév. 2003

Produits

59.399

62.067

63.482

68.573

70.334

73.478

Charges

58.967

61.300

63.688

67.055

68.675

71.958

SOLDE

431

767

- 206

1.518

1.659

1.520

Source : CCSS septembre 2003

Après un excédent de 1,66 milliard d'euros en 2002, la CNAV devrait dégager un résultat positif de 1,52 milliard d'euros en 2003.

Les perspectives de la CNAV jusqu'en 2006 laissent entendre que la caisse affichera vraisemblablement un résultat négatif en 2004, en raison de l'impact du dispositif « carrières longues » de la « loi Fillon », et que la réforme permettra de réaliser des économies à partir de 2006/2008.

b) L'impact du vieillissement de la population

Le vieillissement de la population française remet en cause l'équilibre et la pérennité même du régime de retraite par répartition, dans la mesure où notre pays se trouve confronté à une véritable déformation de la structure de sa pyramide des âges. Elle sera plus fragile encore à l'avenir, comme l'illustre le graphique suivant qui projette, à l'échéance 2050, la composition par tranches d'âge, de la population française actuelle.

Source : INED - revue population et sociétés (n° 383 d'octobre 2002).

L'allongement de l'espérance de vie a pour conséquence d'accroître chaque année la part relative des personnes âgées au sein de la population totale. Inversement, la proportion relative des moins de vingt ans ne cessant de diminuer depuis 1966, le vieillissement de la population française apparaît comme un phénomène largement « inéluctable ».

Quelles que soient les hypothèses formulées sur la fécondité, la mortalité et les flux migratoires, la croissance de la population métropolitaine devrait se poursuivre jusqu'en 2025 au moins. En 2050, selon les différents scénarios retenus, la France métropolitaine compterait entre 58 et 70 millions d'habitants. Plus du tiers de sa population serait âgé de plus de soixante ans, contre un cinquième en 2000. La part des plus de soixante ans dans la population totale serait plus élevée que celle des moins de vingt ans dans tous les cas de figure. Le nombre de personnes en âge de travailler devrait diminuer dès 2006, en raison du départ en retraite des premières générations du « baby-boom » . Enfin, la majeure partie des gains sur la mortalité est réalisée à des âges élevés : le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt cinq ans passerait ainsi de 1,2 à 4,5 millions entre 2000 et 2050.

(En milliers)

 

Population totale
au 1 er janvier

Moins
de 20 ans

20-59 ans

60 ans
et plus

Dont 85 ans et plus

2000

59.412

15.390

31.871

12.152

1.236

2005

60.642

15.181

32.850

12.611

1.055

2010

61.721

14.923

32.697

14.102

1.514

2015

62.648

14.670

32.362

15.617

1.853

2020

63.453

14.435

32.029

16.989

2.099

2025

64.177

14.288

31.532

18.357

2.205

2030

64.790

14.169

31.006

19.615

2.310

2035

65.212

14.015

30.406

20.791

3.048

2040

65.374

13.823

30.308

21.244

3.677

2045

65.301

13.625

30.003

21.673

4.104

2050

65.098

13.457

29.673

21.967

4.474

Source : Insee , Mortalité tendancielle - Fécondité 1,8 - Migrations nettes + 50.000 par an

L'augmentation continue de la proportion des personnes âgées, dans un contexte où la population active diminue, représente pour la France, comme pour l'ensemble des pays industrialisés, une situation inédite. Les bases mêmes du régime par répartition se trouveront inévitablement affectées par la dégradation du rapport entre les cotisants et les retraités qui devrait passer, selon le rapport Charpin :

- de 1,7 en 1998 à 0,9 en 2040 pour le régime général ;

- de 3,3 en 1998 à 1,0 en 2040 pour le CNRACL ;

- de 2,4 en 1998 à 1,0 en 2040 pour l'AGIRC ;

- de 3,6 en 1998 à 1,1 en 2040 pour l'ensemble de la CNAVPL ;

- et même de 7,9 en 1998 à 0,9 en 2040 pour la seule section CARPIMKO, au sein de la CNAVPL.

c) Le défi de la « soutenabilité » à long terme des finances publiques françaises

Le problème des régimes de retraite, et plus largement d'ailleurs celui de notre protection sociale, est celui de son financement. Au-delà des contraintes liées à nos engagements européens, notre pays ne pourra faire face, simultanément sur longue période, à un déficit du budget de l'État dont on connaît l'ampleur et aux besoins de financement social.

La dégradation tendancielle de l'assurance vieillesse doit donc être enrayée à tout prix, et ce d'autant plus que le déficit de la branche maladie se situe d'ores et déjà à un niveau très élevé. Il convient par ailleurs de mentionner que la prise en charge de la dépendance mobilisera, à l'avenir, des besoins de financement considérables.

L'absence de marge de manoeuvre sur les finances de l'État n'autorise aucun déficit de l'assurance vieillesse. Le niveau de la dépense publique et celui de la dette publique dépassent, en effet, respectivement 54 % et 61 % de la richesse nationale. On remarquera d'ailleurs que, contrairement à la plupart des autres pays européens, la France n'a pas mis à profit la reprise économique de la seconde partie des années 1990 pour enrayer « l'effet boule de neige » dégradant l'équilibre de ses finances publiques : alors que la dette publique française augmentait encore de 0,9 % de PIB entre 1996 et 2000, la Suède, la Belgique ou le Danemark parvenaient à réduire la leur de vingt points en seulement cinq ans.

Une véritable réforme structurelle de l'assurance vieillesse apparaissait donc indispensable, sauf à provoquer une hausse continue de la dette publique, qui viendrait peser sur les générations futures. Le besoin de financement des retraites, avant la réforme « Fillon », était évalué à 2 % du PIB en 2002 et au double en 2040.

d) Une hausse des prélèvements sociaux incompatible avec la compétitivité de notre économie

Les débats parlementaires de la loi du 21 août 2003 ont été caractérisés par une critique récurrente, mais dénuée de fondement, sur le financement de la réforme. Pour les tenants de cette thèse, faire face aux besoins de financement de l'assurance vieillesse nécessitait principalement, voire exclusivement une hausse des cotisations sociales à hauteur des besoins. Ils expliquaient qu'entre 1959 et 2000, la part des prestations vieillesse a déjà plus que doublé pour passer de 5,4 % à 12,6 % du PIB.

 

1959

1970

1975

1980

1990

2000

Prestations du risque vieillesse-survie en % du PIB

5,4

7,3

9,1

10,3

11,2

12,6

Source : COR.

Tabler sur la simple poursuite de cette tendance ne nous semble pas judicieux et encore moins réaliste, compte tenu de l'absence totale de marges de manoeuvre initiale dont disposent aujourd'hui nos finances publiques et nos comptes sociaux. Selon les estimations réalisées en 1999 par le commissariat général du plan, les dépenses de retraite devraient, en effet, s'accroître fortement en passant de 12,6 % du PIB aujourd'hui à 14/15 % en 2020 et 16/17 % en 2040. Ne pas envisager d'économies face à de tels besoins est, à nos yeux, inconséquent.

Notre pays est également caractérisé par des coûts salariaux élevés et un niveau de prélèvements obligatoires nettement supérieur à celui des pays concurrents. Il ne nous semble pas possible, sauf à dégrader la compétitivité de la France, de poursuivre dans cette voie. La logique miraculeuse d'une simple hausse des cotisations est ainsi largement « incantatoire ».

Il convient de remarquer également que le poids des prestations sociales dans le PIB s'est accru de près de 2,6 %, passant de 26,5 % en 1990 à 29,1 % en 2002 Le taux de socialisation des revenus, qui mesure la part du revenu disponible brut des ménages issue des transferts sociaux a continué à s'accroître au cours de la dernière décennie : il atteignait 44,3 % du revenu disponible en 2002, contre 42,4 % en 1990.

Poids des prestations sociales dans le PIB

En points de PIB

1990

2002

Santé

9,1 %

10,1 %

Vieillesse - Survie

11,2 %

12,7 %

Maternité - Famille

2,9 %

2,9 %

Emploi

2,3 %

2,1 %

Logement

0,8 %

0,9 %

Pauvreté - Exclusion sociale

0,2 %

0,4 %

Prestations totales

26,5 %

29,1 %

Source : Annexe PLF pour 2004

On le sait, les hausses des cotisations sociales se répercutent sur le coût du travail et dégradent la compétitivité de notre économie. Comment envisager raisonnablement une hausse illimitée des prélèvements sociaux, alors que la France est une économie ouverte sur les échanges internationaux et cherche à promouvoir l'accueil des investissements étrangers ?

B. UNE RÉFORME COURAGEUSE APRÈS DES ANNÉES D'IMMOBILISME

Depuis la parution en avril 1991, à l'initiative de M. Michel Rocard alors Premier ministre, du « Livre blanc sur les retraites », le diagnostic d'ensemble et les perspectives d'avenir de notre régime de retraite par répartition étaient connus. De nombreux autres rapports ont suivi et confirmé l'analyse. Les retraites constituent ainsi le domaine sans doute le mieux expertisé de l'action publique. Il en résultait que l'équilibre de l'assurance vieillesse était condamné, à échéance 2010-2020, par le statu quo et que les seules mesures possibles consistaient ou bien à augmenter significativement l'âge de départ effectif en retraite, ou bien à augmenter fortement les cotisations, ou bien à diminuer le montant des retraites, ou encore à combiner entre elles de la meilleure façon possible ces différentes solutions.

S'appuyant sur l'expertise des travaux du conseil d'orientation des retraites (COR) et sur une longue concertation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement a fait le choix de viser un haut niveau de pension. Pour le reste, la réforme des retraites nécessitera effectivement des efforts de la population. Ces décisions difficiles sont justifiées par l'importance de l'enjeu : sauvegarder notre pacte social.

a) Un diagnostic connu depuis 1991


Les principaux rapports officiels sur la question des retraites

Avril 1991 : « Livre blanc » sur les retraites.

Octobre 1995 : Rapport du Commissariat général du plan, Perspectives à long terme des retraites.

Juillet 1998 : Rapport de M. François Morin « Retraite et épargne » , Conseil d'analyse économique.

Mars 1999 : Rapport de M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan « L'avenir de nos retraites ».

Janvier 2000 : Avis du Conseil économique social « L'avenir des systèmes de retraites » , présenté par M. René Teulade.

Rapport de M. Dominique Taddei, « Retraites choisies et programmées » , Conseil d'analyse économique.

Janvier 2001 : Rapport du Gouvernement au Parlement sur les retraites agricoles

Décembre 2001 : Premier rapport du Conseil d'orientation des retraites : « Retraites : renouveler le contrat social entre les générations ».

Mars 2002 : Rapport de M. Michel Aglietta « Démographie et économie », Conseil d'analyse économique.

Avril 2003 : Rapport particulier de la Cour des comptes « Les pensions des fonctionnaires civils de l'État ».

Outre les travaux du COR, la synthèse d'ensemble la plus récente et la plus complète de la problématique des retraites a été fournie par le rapport Charpin de 1999. Quelles que soient les hypothèses retenues, ce rapport faisait apparaître que les besoins de financement de l'ensemble des régimes allaient s'accroître entre 2000 et 2040. Cette progression devrait être la plus forte entre 2005 et 2020 et continuerait au-delà de cette date.

La situation reste cependant contrastée et il est possible de distinguer trois catégories de régimes :

•  ceux qui ont actuellement de fortes ressources de compensation démographique, et qui apparaissent de fait comme ayant un déséquilibre initial (CANCAVA, ORGANIC, régimes agricoles, régime des marins, régime des mines, régime des ouvriers de l'État et SNCF), verraient leurs besoins de financement évoluer le plus faiblement. Ces régimes devraient cependant perdre les ressources de compensation qui assurent actuellement en partie leur équilibre financier global ;

•  ceux, tels l'AGIRC, l'ARRCO, la CNAVPL ou les régimes complémentaires des professions libérales, dont la situation démographique se dégrade rapidement mais qui, grâce à la stabilité de leur pension moyenne liée aux hypothèses d'indexation, parviendraient à limiter la dégradation de leur solde ;

•  ceux (en particulier le régime général, le régime des fonctionnaires de l'État, la CNRACL, l'IRCANTEC et le régime EDF-GDF) dont la situation démographique initiale est favorable. Ces régimes subissent une forte dégradation démographique qui n'est pas compensée par un écart important d'évolution entre salaire moyen et pension moyenne. Leurs besoins de financement (ou la hausse relative de la contribution d'équilibre de l'employeur) s'accroissent fortement.

Dans ce contexte, le rapport Charpin examinait plusieurs pistes de réformes susceptibles d'assurer la viabilité du système de retraite par répartition : l'allongement à cent soixante dix trimestres de la durée d'assurance nécessaire à l'obtention du taux plein, la constitution de réserves permettant d'amortir le choc démographique, l'élargissement de l'assiette des cotisations et l'aménagement de différents dispositifs susceptibles d'avoir un impact sur le besoin de financement des régimes.

L'orientation retenue par le rapport visait à inciter au décalage de l'âge de départ à la retraite entre soixante et soixante-cinq ans et non à contraindre au travail au-delà de soixante-cinq ans. Dans l'hypothèse où les actifs feraient le choix de reporter leur départ en retraite afin d'obtenir une liquidation à taux plein, la population active serait majorée de 420.000 personnes en 2010, 920.000 personnes en 2020 et d'environ 1,4 million en 2040. Les cotisations supplémentaires résultant de l'augmentation de la population active avaient limité, mais pas supprimé, les besoins de financement du système.

En conclusion, ce rapport recommandait d'engager sans attendre la réforme du système de retraite, avant que le choc démographique ne fasse sentir ses effets, c'est-à-dire avant 2006.

Bref, à l'exception du rapport Teulade, dont votre commission avait souligné les erreurs de construction et les hypothèses irréalistes, tous les rapports publiés depuis 1991 avaient confirmé la nécessité et l'urgence de réformer notre système de retraite. Ils ont, en fait, largement inspiré la « loi Fillon ».

b) L'aboutissement des travaux du COR et du dialogue social

La loi du 21 août 2003 constitue le résultat d'une longue concertation avec les partenaires sociaux. Cette réforme n'a pas été imposée « d'en haut », comme avait pu l'être, en son temps, la réforme des trente-cinq heures.


Chronologie de la réforme des retraites

15-16 mars 2002 - Conclusions de la présidence du Conseil européen de Barcelone : les États membres sont invités à mettre en oeuvre la stratégie pour l'emploi de Luxembourg en faisant en sorte que l'âge moyen effectif de cessation de l'activité professionnelle augmente progressivement, dans les pays de l'Union, de cinq ans d'ici à 2010.

3 juillet 2002 - Déclaration de politique générale du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin.

3 septembre 2002 - Prolongation de l'accord sur le financement à taux plein de la retraite complémentaire des salariés du secteur privé à 60 ans jusqu'au 1 er octobre 2003.

3 février 2003 - Le Premier ministre lance, devant le Conseil économique et social, un débat national sur la réforme des retraites.

6 février 2003 - Le ministre des Affaires sociales, François Fillon, entame une série d'entretiens avec les partenaires sociaux.

28 février 2003 - Première réunion du « groupe confédéral » composé de représentants des syndicats et du patronat, ainsi que de conseillers ministériels afin de définir les principes généraux de la réforme des retraites.

29 mars 2003 - Les membres du « groupe confédéral » sont invités à présenter leur avis avant le 8 avril 2003 sur les principes, les objectifs et les moyens de la réforme des retraites.

11 avril 2003 - Présentation des « principes généraux de la réforme des retraites ».

18 avril 2003 - Remise aux partenaires sociaux de deux documents « propositions soumises à concertation » et « mobilisation nationale pour l'emploi des plus de 55 ans ».

7 mai 2003 - Présentation en Conseil des ministres d'une communication sur l'avant-projet de loi sur les retraites.

14 mai 2003 - Annonce par le Gouvernement des modifications à l'avant-projet de loi.

15 mai 2003 - Relevé de décisions des nouvelles adaptations à l'avant-projet de loi.

28 mai 2003 - Adoption du projet de loi en Conseil des ministres.

10 juin 2003 - Début de l'examen du projet de loi portant réforme des retraites par l'Assemblée nationale.

3 juillet 2003 - Adoption du projet de loi par l'Assemblée nationale.

18 juillet 2003 - Adoption du projet de loi par le Sénat.

23 juillet 2003 - Réunion de la commission mixte paritaire.

24 juillet 2003 - Adoption par l'Assemblée nationale et le Sénat du texte proposé par la commission mixte paritaire.

14 août 2003 - Décision n° 2003-483 DC du Conseil constitutionnel

22 août 2003 - Publication au Journal Officiel de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

Autant que les rapports mentionnés ci-dessus, les travaux du COR ont largement inspiré la rédaction des dispositions de la loi du 21 août 2003. Dans le cadre de cette structure consultative a été débattue, en effet, la plus grande partie des options finalement retenues.

A bien des égards, le COR avait pu être considéré, lors de sa création, comme une nouvelle commission destinée à masquer une absence de décision et à gagner du temps jusqu'aux échéances électorales suivantes. Mais, à l'évidence, il a acquis au fil du temps une véritable crédibilité. Il est devenu en définitive une « boîte à idée » indispensable pour la réforme.

En témoigne son premier rapport, du 6 décembre 2001, qui a présenté un ensemble d'éléments chiffrés et d'analyses, largement diffusé et qui s'est accompagné de l'organisation de colloques à l'adresse d'un large public, soulignant ainsi la nécessité d'une véritable pédagogie de la réforme des retraites.


Thèmes des réunions du COR depuis son rapport de décembre 2001

- Contributivité et redistribution dans les régimes de retraites (24 janvier 2002)

- Cycle de vie et retraite, critères déterminant le choix du moment du départ en retraite (6 mars 2002)

- Prospective des retraites et inégalités : régime général, indexation, prélèvements sociaux et fiscaux des actifs et retraités (4 avril 2002)

- Avantages familiaux et conjugaux (2 mai 2002)

- Les assouplissements possibles des conditions de départ à la retraite (11 juin 2002)

- Retraite par répartition et compléments de retraite (12 septembre 2002)

- Egalité de traitement entre hommes et femmes (2 octobre 2002)

- Egalité de traitement entre générations (7 novembre 2002)

- Quelques réformes récentes à l'étranger : premiers bilans (5 décembre 2002)

- Articulation des questions d'emploi et de retraite dans les réformes étrangères (23 janvier 2003)

- Parcours de vie : problématique générale (13 février 2003)

- Droit à l'information (1 er avril 2003)

c) Des décisions politiques éternellement reportées

Le Gouvernement Jospin, comme avant lui les gouvernements Rocard, Cresson et Bérégovoy, a fait « l'impasse » sur la question des retraites et plus encore sur celles du secteur public et des régimes spéciaux.

Aucune mesure n'a été prise entre 1990 et 1993, à la suite de la publication du Livre blanc commandé par M. Michel Rocard.

Le bilan de la législature 1997-2002 apparaît presque aussi maigre. Il se borne en fait à deux initiatives qui ont surtout servi à faire patienter jusqu'aux échéances suivantes : la mise en place du conseil d'orientation sur les retraites et la création du fonds de réserve des retraites (F2R) qui a vocation à lisser, sur plusieurs générations, l'effort d'adaptation de notre régime d'assurance vieillesse entre 2020 et 2040.

Le 19 juin 1997 pourtant, dans sa déclaration de politique générale devant le Parlement, M. Lionel Jospin, Premier ministre, avait affirmé « la volonté de défendre la retraite des Français et, pour cela, de garantir les régimes par répartition » 1 ( * ) .

« Il est du devoir du Gouvernement d'attirer l'attention des partenaires sociaux et de l'ensemble des citoyens sur le caractère brutal de ce choc démographique inéluctable, et de les appeler à débattre des conséquences de cette évolution pour nos régimes de retraite » ajoutait-il moins d'un an plus tard 2 ( * ) , avant de conclure : « Ne pas l'anticiper conduirait à prendre, dans l'urgence, des mesures douloureuses ».

Rapproché de ce discours déterminé et de cette lucidité incontestable, le bilan de la précédente législature est très limité. Il s'apparente en réalité à la perte d'un temps précieux qui rend aujourd'hui douloureux les ajustements nécessaires en particulier pour assurer plus d'équité entre le secteur privé et le secteur public.

d) L'expression d'une vraie détermination en 2003

Le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, et particulièrement ses ministres des affaires sociales et de la fonction publique ont eu le courage d'élaborer et de mener à bien une réforme nécessairement difficile car elle supposait de choisir entre plusieurs options toutes défavorables. Les travaux du COR avaient en effet mis en évidence qu'en cas de maintien du statu quo, il faudrait, à l'horizon 2040, ou bien augmenter les cotisations de 60 % ou bien repousser de neuf ans l'âge de la retraite ou bien encore accepter une chute du taux de remplacement de 45 % .

Le Gouvernement a fait le choix de viser un haut niveau de retraite et de préserver la compétitivité de notre économie en limitant la hausse des taux de cotisation. La plus grande partie de l'ajustement repose donc sur l'augmentation de la durée de cotisation afin d'enrayer la dégradation du rapport entre cotisants et retraités.

De façon générale, plus une réforme est tardive, plus elle apparaît douloureuse. La « décennie perdue » 1993-2003 a creusé de fortes inégalités entre les salariés des secteurs privé et public dont les conséquences seront durables. Ainsi, l'alignement de la durée de cotisation du secteur public sur quarante années ne sera pas atteint avant 2008, ce qui retarde jusqu'à cette date la reprise de l'augmentation de la durée de cotisation dans le secteur privé.

La réforme du régime de base des retraites intervient donc juste avant le choc démographique attendu de 2006 mais elle est tardive. Le statu quo passé l'a conduite à être brutale.


Il n'y a pas de solution miracle :
l'équation d'équilibre de la retraite par répartition

Un calcul basique permet d'apprécier la situation :

- autrefois, chacun arrivait à l'âge de la retraite avec une espérance de vie (réversion comprise) de 18 ans. Il avait alors travaillé quarante ans.

Pour bénéficier d'un revenu équivalent à 70 % de son revenu d'activité, il lui fallait donc répartir l'équivalent de 12 ou 13 ans de salaires (18 x 70 %) sur l'ensemble de sa carrière professionnelle. Sur les 40 années de travail, cet effort correspondait à 30 % du salaire (12,5/40 = 30 %).

- aujourd'hui, le départ en retraite se fait avec une espérance de vie (réversion comprise) de 25 ans alors même que la période active s'est réduite dans les faits à trente-sept ans. Il faudrait mettre de côté 48 % du salaire pour conserver le même taux de remplacement.

C. UNE RÉFORME GLOBALE ET ÉQUILIBRÉE

La loi du 21 août 2003 est à la fois globale et équilibrée. Globale dans la mesure où, contrairement à la réforme de 1993 qui n'avait concerné que les salariés du régime général et ceux des régimes alignés, elle présente cette fois un caractère général : les salariés de la fonction publique, à l'exception il est vrai de ceux relevant des régimes spéciaux, participent aussi à l'effort de redressement que s'impose la Nation pour sauver la retraite par répartition.

a) La confirmation des grands principes de la retraite par répartition

La loi du 21 août 2003 confirme et conforte les principes traditionnels de notre système de retraite : la répartition, la contributivité et l'équité.

La loi portant réforme des retraites a confirmé le choix de la répartition.

D'un point de vue social et politique, le choix de la répartition garde toute sa pertinence : l'esprit de notre système d'assurance vieillesse obligatoire, tel que conçu à la Libération, est de réaliser un lien entre les générations et d'affirmer, au-delà de l'assurance individuelle ou professionnelle, le caractère solidaire de notre protection sociale. La répartition, parce qu'elle distribue des droits d'une génération sur l'autre, est en fait condamnée à perdurer : il n'est pas possible de « changer de cheval en chemin » sauf à sacrifier une génération dans son ensemble.

La réforme des retraites a également réaffirmé le caractère contributif de l'assurance vieillesse.

Ce principe est le corollaire du choix de la répartition. Les assurés acquittent des cotisations en proportion de leurs revenus d'activité et perçoivent, lors de leur départ, une pension liquidée en référence à ces mêmes revenus.


Les exceptions au principe de contributivité :
les financements spécifiques des dépenses non contributives des régimes de retraite

Si les régimes assument financièrement la charge de leur minimum contributif, un certain nombre de dépenses non contributives sont prises en charge par des tiers :

Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour les allocations du minimum vieillesse, les majorations de pensions pour enfant et pour conjoint à charge. En outre, ce fonds assure la prise en charge de cotisations pour les chômeurs, les préretraités, les volontaires du service national et les anciens combattants.

La Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) prend en charge des cotisations au régime général au bénéfice des personnes relevant de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), personnes ayant interrompu leur activité pour s'occuper d'un ou plusieurs enfants.

L'Unedic verse des cotisations aux régimes complémentaires AGIRC-ARRCO pour certains chômeurs indemnisés au régime conventionnel.

L'article 3 de la loi du 21 août 2003 a enfin affirmé le principe d'équité entre les assurés au regard de leurs droits à retraite, indépendamment de leurs carrières respectives et du ou des régimes dont ils relèvent.

Cet article entérine le fait que des disparités importantes existent aujourd'hui entre les assurés. Certains régimes contributeurs nets au titre de la solidarité nationale offrent, en effet, des conditions de retraite à leurs propres assurés moins favorables que celles des régimes qu'ils financent.

Du fait des efforts consentis suite à la « réforme Balladur » de 1993 et au sauvetage de l'ARRCO et de l'AGIRC en 1996, les écarts entre les régimes des salariés du privé et d'autres régimes, notamment publics, se sont accrus. Le vote de la loi du 21 août 2003 a notamment eu pour but de rétablir la justice entre assurés.

L'application du principe d'équité à l'assurance vieillesse soulève, en outre, deux questions supplémentaires : quelle doit être la place présente et future des retraités dans l'économie nationale et comment régler la situation spécifique de ceux qui appartiennent à plusieurs régimes du fait d'une carrière partagée.

Le Gouvernement 3 ( * ) a confirmé que le principe d'équité recouvrait, à son sens :

- l'équité entre les régimes, par la recherche d'une convergence à partir de la définition d'un « socle commun » en matière de retraite ;

- l'équité entre les générations en préservant les grands équilibres dans le partage de la valeur ajoutée entre cotisants et retraités ;

- l'équité entre les Français, notamment les plus modestes et ceux qui, relevant de plusieurs régimes, se trouvent pénalisés du fait des réglementations.

b) Une réforme d'ensemble

Les dispositions de la loi du 21 août 2003 proposent notamment la création d'un « objectif de retraite » de base et complémentaire à hauteur de 85 % du SMIC net pour les personnes ayant effectué une carrière complète au SMIC, ainsi que la reconnaissance d'un droit à l'information pour les assurés. Afin d'accroître le taux d'activité des salariés âgés, le texte assouplit les règles de cumul emploi-retraite, ainsi que les mécanismes de retraite progressive.

Son article 5 prévoit une augmentation de la durée d'assurance pour tenir compte de l'allongement de l'espérance de vie. A partir de 2009, cette durée serait, dans un premier temps, allongée d'un trimestre par an pour atteindre 41 annuités en 2012, puis 42 en 2020.

L'indexation des pensions de retraite sur les prix est également confirmée. Une « surcote » a été instaurée afin de majorer les pensions de retraite de 0,75 % par trimestre pour les personnes continuant leur activité au-delà de 60 ans et au-delà de la durée d'assurance requise pour bénéficier du taux plein. Parallèlement, le taux de la « décote » diminuera de 10 à 5 % par année manquante, progressivement entre 2004 et 2008. Les pensions de réversion seront attribuées sans condition d'âge et sous simple condition de ressources à partir du 1 er juillet 2004. Les assurés pourront également racheter, dans la limite de douze trimestres, les annuités manquantes qui correspondent à leurs études supérieures. Les salariés travaillant à temps partiel auront aussi la possibilité de cotiser sur un équivalent de temps plein.

Les dispositions relatives à la fonction publique prévoient de porter entre 2004 et 2008, la durée de cotisation (pension complète au taux maximum de 75 %), de 150 à 160 trimestres (40 annuités). A partir de 2009, cette durée évoluera de la même façon que dans le régime général. Entre 2006 et 2015, sera mise en place progressivement une « décote » qui atteindra, en fin de période, 5 % par année manquante dans la limite de 5 annuités. Il est prévu que cette « décote » s'annule à un « âge pivot ». La « surcote » créée pour les salariés du régime général et des régimes alignés s'appliquera aux régimes des fonctions publiques à partir de 2004.

Les pensions de la fonction publique seront à cette même date indexées sur les prix tandis qu'un régime de retraite additionnelle obligatoire sera mis en place à partir du 1 er janvier 2005, en intégrant une partie des primes et ce, dans les limites de 20 % du traitement. L'actuel dispositif de bonification d'un an par enfant sera remplacé par une validation des périodes d'interruption ou de réduction d'activité, ouverte, dans une limite de trois ans, aux femmes comme aux hommes pour les enfants nés après le 1 er janvier 2004.

Les dispositions applicables aux régimes des non-salariés consacrent un net rapprochement avec le régime général. Le 1 er janvier 2004 un régime de retraite complémentaire obligatoire par points sera créé pour les industriels et les commerçants, les règles de fonctionnement du régime de base des professions libérales seront modifiées et une cotisation proportionnelle aux revenus professionnels sera alors instituée pour le financement de la retraite de base. S'agissant des exploitants agricoles, il convient de relever la mensualisation, à compter du 1 er janvier 2004, des retraites de base.

Enfin, la loi crée un nouveau plan d'épargne individuelle pour la retraite (PEIR) , dont le projet de loi de finances pour 2004 propose de modifier la dénomination en plan d'épargne retraite populaire (PERP).

c) Une réforme juste et équilibrée

La loi portant réforme des retraites a été élaborée suivant quatre grands axes principaux :

favoriser l'accès, et le maintien dans l'emploi, des salariés âgés ainsi qu'un meilleur choix dans la gestion des temps de la vie. Ceci suppose de faciliter le libre exercice des choix de vie et d'inciter à la poursuite ou à la reprise d'activité des travailleurs ;

assurer l'équité entre les salariés par un rapprochement des différents régimes et par la prise en compte des situations particulières comme la pénibilité du travail ;

garantir l'avenir des retraites en assurant leur financement à long terme ;

améliorer la situation des personnes les moins favorisées.

La réforme demande également aux Français d'accepter de reporter l'âge de liquidation de leur pension et d'accroître leur durée de cotisation. Mais cet effort était inévitable et il permet de rétablir l'équité entre les générations.

Il est aussi une conséquence objective de l'allongement de l'espérance de vie. Une personne née en 1970 et prenant sa retraite à soixante-cinq ans devrait disposer d'une espérance de 18,5 années, soit plus d'un an supérieure à celle d'une personne née en 1930 et liquidant sa pension à soixante ans.

Durée espérée de la retraite pour les hommes selon la génération

Année de naissance

Cas d'un départ à 60 ans

Cas d'un départ à 65 ans

1910

14,4

10,6

1920

15,9

12,0

1930

17,3

13,2

1940

19,0

14,8

1950

20,4

16,1

1960

21,8

17,4

1970

23,0

18,5

Source : INSEE, Blanchet et Montfort, 1996

* La durée espérée de la retraite évalue la durée probable qu'un individu d'une génération donnée passera à la retraite, compte tenu de l'ensemble des risques de mortalité auquel il était ou sera soumis avant l'âge de liquidation. On a calculé ici la durée de retraite espérée pour les hommes ayant atteint quarante ans. Elle se calcule comme le produit de la probabilité de survie de quarante ans à l'âge de la retraite (60 ou 65 ans selon les cas) et de l'espérance de vie au moment de la liquidation.

La loi du 21 août 2003 comporte également de réelles avancées sociales dans la mesure où elle vise à améliorer la situation des personnes les moins favorisées.

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, votre rapporteur avait souligné qu'une solution pour les basses pensions devrait être trouvée dans le cadre de la réforme à venir. En effet, les titulaires de revenus modestes ne disposent souvent pas des moyens de se constituer une épargne longue en vue de leur retraite. En raison de revalorisations inférieures au SMIC au cours des vingt dernières années, le minimum contributif du régime général ne constituait plus une juste protection contre la pauvreté à l'âge de la retraite. Il représentait même un montant inférieur au minimum vieillesse.

La loi a intégré la nécessité de revaloriser le minimum contributif en fixant un objectif de pension minimale à 85 % du SMIC pour les salariés ayant effectué une carrière complète. Par ailleurs, le minimum contributif sera revalorisé de 3 % en 2004, 2006 et 2008, soit 9,3 % d'augmentation totale, afin qu'il constitue une véritable garantie pour les salariés justifiant de longues carrières.

Par ailleurs, les assurés ayant commencé à travailler très jeunes, à 14, 15 ou 16 ans pourront, à partir du 1 er avril 2004 et sous certaines conditions d'âge et de durée de cotisations, partir en retraite respectivement à l'âge de 56, 57 ou 58 ans. La durée minimale d'assurance requise est fixée à 42 ans.

Age du début de carrière

Age de départ

Durée validée

Dont durée cotisée

14 ou 15 ans

56 ou 57 ans

42 ans

42 ans

14 ou 15 ans

58 ans

42 ans

41 ans

16 ans

59 ans

42 ans

40 ans

Source : Réforme des retraites, relevé de décisions du 15 mai 2003.

La loi portant réforme des retraites se traduit, en outre, par un mouvement de rapprochement :

- entre les règles applicables à la fonction publique, à l'exception des régimes spéciaux, et celles du secteur privé ;

- entre les exploitants agricoles et le régime général ;

- entre les différentes professions libérales ;

- entre les artisans et les commerçants ;

- entre l'ensemble des non-salariés et les salariés du régime général.

D. UNE RÉFORME FINANCIÈRE DE FOND

L'impact financier d'ensemble de la « loi Fillon » sera progressif et jouera à plein à l'horizon 2020. A cette date, une économie, correspondant à plus de 1 % du produit intérieur brut, devrait être dégagée. Les besoins de financement des régimes de retraite du secteur public et du secteur privé devraient être réduits respectivement de 46 % et de 41 %. S'agissant de la fonction publique, le solde sera fourni par les « employeurs publics ». Pour ce qui concerne le secteur privé, la hausse des cotisations vieillesse devrait pouvoir être neutralisée par des transferts de l'Unédic vers la branche vieillesse, en raison du retournement démographique.

a) L'acquis de la réforme Balladur de 1993, du plan Juppé de 1995, et des accords AGIRC et ARRCO du 25 avril 1996

L'histoire de la réforme des retraites est donc rythmée par les quatre étapes suivantes : la « réforme Balladur » de 1993,  l'échec du « plan Juppé » en 1995, le sauvetage des régimes complémentaires et le vote de la « Loi Fillon » du 21 août 2003.

La réforme Balladur de 1993

Les mesures prises alors portaient sur le régime général (CNAVTS) et sur trois régimes dits « alignés » : le régime de base des salariés agricoles, géré par la MSA, le régime de base des artisans, géré par des caisses relevant de la CANCAVA et le régime de base des industriels et commerçants géré par les caisses relevant de l'ORGANIC.

Cette réforme prévoyait un allongement de la durée d'assurance prise en compte pour bénéficier d'une pension à taux plein, de 150 trimestres à 160 trimestres, soit 40 annuités, le calcul des pensions du régime général sur la base des 25 meilleures années de carrière, au lieu des dix meilleures années et l'indexation des pensions de retraite sur les prix à la consommation.

Plusieurs dispositions complémentaires sur les recettes ont été, en outre, nécessaires ultérieurement [relèvement d'1,3 point du taux de la contribution sociale généralisée au 1 er juillet 1993, création du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au 1 er janvier 1994].

Au total, la Cour des comptes a estimé dans son rapport 2003 consacré à la sécurité sociale que la réforme de 1993 avait déjà permis de ramener le poids des pensions de retraites des anciens salariés du secteur privé dans le PIB en 2003 de 6,8 % à 6,1 % de la richesse nationale, soit un allégement de 0,7 point au bout de dix années. Cette estimation ne prend en compte qu'une partie des effets de la réforme, dont l'intégralité des dispositions n'entreront en vigueur qu'en 2009.

Le sauvetage des régimes complémentaires

Parallèlement à la réforme des régimes de base, les partenaires sociaux ont pris, eux aussi, dans le cadre des régimes complémentaires qui leur incombent, entre 1993 et 1996, des décisions courageuses qui aboutissent à programmer la diminution du « rendement » de ces régimes et qui organisent une solidarité financière entre l'AGIRC et l'ARRCO.

Il convient, à ce titre, de rappeler la signature, le 10 février 1993, de l'accord trisannuel ARRCO, celle de signature de l'accord d'assainissement financier de l'AGIRC le 9 février 1994 et surtout les accords AGIRC et ARRCO du 25 avril 1996, instituant la compensation financière entre les deux régimes et le passage du taux de cotisation contractuel à 16 % en 1999.

L'accord du 10 février 2001 a permis de maintenir en l'état le système de prise en charge des retraites complémentaires entre 60 et 65 ans ,dans le cadre de l'Association pour la gestion du fonds de financement des régimes complémentaires.

L'échec de 1995

Le plan Juppé souhaitait consolider la réforme du régime général des salariés et des régimes alignés réalisée en 1993 et sauvegarder les autres régimes de retraite par répartition du secteur public.

La création d'une caisse autonome des fonctionnaires était envisagée afin que soit isolé du budget de la Nation, l'effort de l'État et des fonctionnaires en matière de retraite. De même, la durée d'assurance pour l'obtention d'une retraite à taux plein devait passer de 37,5 à 40 ans.

Sous la pression de la rue, le Gouvernement a finalement renoncé à son projet de réforme de la retraite pour les régimes publics, le 10 décembre 1995.

b) Les conséquences financières de la « loi Fillon »

Le schéma d'ensemble du financement de la réforme

Les effets à long terme de la loi du 21 août 2003 ont fait l'objet d'une première évaluation par le ministère des finances présentée dans le cadre du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2004.

Sur cette base, la réforme des retraites représente, à terme, pour les finances publiques et sociales, l'équivalent d'une diminution durable d'un point de PIB (cf. tableau présenté ci-après) du déficit structurel. Cette estimation prend en compte l'ensemble des régimes du secteur public et du secteur privé. L'amélioration pourrait même se monter à 1,5 point de PIB en tenant compte des recettes supplémentaires liées à l'accroissement de la population active que la réforme pourrait susciter. Toutefois, ces évaluations sont affectées par une marge d'incertitude propre aux projections de long terme, notamment relative à l'attitude future des salariés face à la décote pour départ anticipé ou à la surcote pour maintien en activité au-delà de l'âge légal de la retraite.

La même étude prévoit, à partir de 2010, une augmentation de la population active allant jusqu'à 300.000 personnes en 2020 et 400.000 en 2040, qui pourrait conduire, en termes de recettes, à un gain supplémentaire de 0,5 point de PIB.

Il convient de remarquer que le pourcentage relatif des économies réalisées dans la fonction publique (- 46,2 %) apparaît, en première analyse plus important que dans le régime général (- 41,3 %). Mais ce dernier avait déjà fait l'objet d'une première réforme en 1993, contrairement aux régimes publics : ces derniers partaient ainsi de « plus loin ».

On notera également, qu'à l'exception de l'augmentation de la durée de cotisations, de la hausse de celles-ci et de l'alignement des règles d'indexation du privé sur le public, les autres mesures introduites par la « loi Fillon » présentent toutes un bilan net négatif en termes d'économies.

Tableau détaillé du régime général en 2020

(en millions d'euros 2000)

Besoin de financement initial

- 15.000

Allongement durée assurance pour le taux plein, proratisation, allégement de la décote et création de la surcote

+ 6.000

Revalorisation minimum contributif

- 600

Retraite anticipée

- 300

Mesure pluripensionnés

- 1.000

Augmentation de cotisations de 2006 (0,2 point)

+ 900

Solde des mesures

+ 6.200

Affectation de cotisation chômage

+ 9.800

Solde final

0

Tableau détaillé des régimes de la fonction publique en 2020

(en millions d'euros 2000)

Besoin de financement initial

- 28.000

Allongement durée assurance pour le taux plein, proratisation, allégement de la décote et création de la surcote

9.300

Indexation sur les prix

4.500

Création du régime additionnel

- 800

Solde des mesures

+ 13.000

Solde après mesures

- 15.000

Effort supplémentaire des employeurs publics

+ 15.000

Solde final

0

Les besoins de financement des régimes de retraite des secteurs public et privé devraient être notablement réduits. S'agissant de la fonction publique, le solde proviendrait des « employeurs publics », donc, in fine, du contribuable. Pour ce qui concerne le secteur privé, la hausse des cotisations vieillesse devrait pouvoir être neutralisée par des transferts de l'Unédic, par effet mécanique du retournement démographique prévisible.

La suppression de la « surcompensation »

La « surcompensation » ou « compensation spécifique » désigne un mécanisme financier créé en 1985 afin d'assurer des transferts de ressources entre les régimes spéciaux et de prendre en compte ainsi les disparités démographiques qui les affectent.

Les principaux bénéficiaires de ce système sont le régime des mines, de la SNCF. Les principaux contributeurs sont la CNRACL et le régime des fonctionnaires.

Evolution des montant de la surcompensation (en millions d'euros)

Régimes contributeurs

2001

2002

2003

2004

Fonctionnaires civils

1 503,9

1 469,1

1 257,5

1 065,4

CNRACL

1 268,0

1 366,6

1 311,2

1 210,3

EGF

61,7

55,8

35,2

18,0

Total

2 833,6

2 891,5

2 603,9

2 293,7

Régimes bénéficiaires

2001

2002

2003

2004

Fonctionnaires militaires

488,6

584,7

491,0

421,3

FSPOEIE

189,0

182,1

171,2

153,2

CANSSM

1 237,6

1 232,9

1 122,3

986,6

SNCF

498,4

481,1

431,2

378,9

RATP

6,6

1,6

0,2

0,0

ENIM

270,0

268,6

260,2

239,4

CRPCEN

44,6

44,6

44,6

43,6

Banque de France

7,7

7,8

6,7

5,8

SEITA

31,5

31,5

28,6

25,6

CAMR

59,6

56,6

47,9

39,3

Total

2 833,6

2 891,5

2 603,9

2 293,7

Source : CCSS - septembre 2003


Les principales règles de la « surcompensation »

Les régimes concernés sont ceux dont l'effectif des retraités titulaires de pensions de droit direct, âgés de 60 ans ou plus, dépasse 5.000 personnes : fonctionnaires de l'État, CNRACL, ouvriers de l'État (FSPOIE), marins (ENIM), mines (CANMSS), salariés des chemins de fer secondaires (CAMR), EDF-GDF, Banque de France, clercs de notaire (CRPCEN), régimes de la RATP et de la SEITA.

Le calcul de la surcompensation est réalisé en deux temps et correspond à l'addition de deux éléments.

Dans un premier temps, une compensation est calculée entre l'ensemble des régimes participant à la compensation spécifique. Elle se distingue de la compensation généralisée sur plusieurs points : elle concerne à la fois les retraités de droit direct et les retraités de droit dérivé ; les effectifs de retraités incluent tous les retraités de 60 ans et plus (contre 65 ans pour la compensation généralisée) ; les prestations de référence (droit direct et droit dérivé) sont des prestations moyennes et non des prestations minimales . Le coût global est réparti entre les régimes au prorata des rémunérations servant de base au versement des cotisations d'assurance vieillesse.

Dans un second temps, il est opéré une redistribution des transferts versés au titre de la compensation généralisée. Tous, à l'exception de la SEITA et de la CAMR, participent à la compensation généralisée et sont globalement débiteurs. La première étape de la compensation spécifique consiste à redistribuer entre ces régimes, au prorata de leurs masses salariales, le total de leurs versements à la compensation généralisée. Dans ce nouveau calcul, tous les régimes sont débiteurs. On calcule pour chaque régime la différence entre le versement à la compensation généralisée calculé « après redistribution » et le transfert (débit ou crédit) initial à cette compensation.

Pour chaque régime, la somme des deux transferts précédents définit le transfert de compensation spécifique, mais compte tenu des montants excessifs auxquels ces calculs aboutissent, la compensation spécifique n'est appliquée que partiellement. Le taux d'application, de 22 % à l'origine, a été augmenté jusqu'à 38 %, puis ramené à 34 % en 2000 et 30 % en 2001. En outre, le transfert de compensation est limité pour chaque régime à 25 % de ses charges totales de pensions de droits directs de plus de 60 ans et de droits dérivés.

Pour mémoire, la surcompensation fut instituée par la loi de finances pour 1986 avec pour justification « l'homogénéité » de certains régimes spéciaux justifiant la mise en place de mécanismes spécifiques de solidarité. Cette homogénéité était pourtant dès l'origine sujette à caution puisque ni l'assiette de cotisation, ni la qualité des prestations, ni les conditions de financement de ces régimes n'étaient homogènes. En outre, les règles de calcul de la surcompensation étaient elles-mêmes contestables. Contrairement à la compensation généralisée, la prestation servant de référence est très supérieure à la pension moyenne la plus faible des régimes bénéficiaires. Il s'agit de la pension moyenne de l'ensemble des régimes participants. Les modalités de calculs aboutissaient à des niveaux de transfert tellement élevés qu'ils ont dû être plafonnés.

Cette description éclaire en soi la véritable nature de la surcompensation qui n'a jamais été qu'un artifice permettant la captation des réserves de la CNRACL au profit des autres régimes, c'est-à-dire en réalité, du budget de l'État lui-même pouvant ainsi réaliser une économie sur le montant de la subvention d'équilibre qu'il verse à ces régimes.

Les mécanismes de la surcompensation et son principe même faisaient l'objet de critiques croissantes.


« La compensation spécifique a peu de justifications... »

« De fait, la compensation spécifique a peu de justifications. Telle qu'elle fonctionne, elle met à la charge d'un régime des transferts pour d'autres régimes (mines, SNCF, marins...) qui, par ailleurs, sont équilibrés par une subvention de l'État. Sans homogénéité entre les régimes, il est difficile de mettre en place une compensation équitable, qui complète la compensation généralisée. Dans ce cas, il faudrait peut-être recourir à d'autres mécanismes de solidarité, du moins pour les régimes les plus atypiques ou les plus déséquilibrés démographiquement (mines, marins), dont l'équilibre pourrait être assuré par l'État ou par le FSV ».

Rapport de MM. Yves Ullmo et Louis-Paul Pelé,
document remis au Conseil d'orientation des retraites septembre 2001, p. 25
.

La suppression du système de surcompensation a été décidée par la loi du 21 août 2003. Elle sera mise en oeuvre sur une période de neuf ans entre le 1 er janvier 2004 et le 1 er janvier 2013. Un décret prévoira une diminution progressive du taux de surcompensation de 3 % par an.

La fin de la surcompensation permet, à très court terme, d'assurer le sauvetage de la CNRACL en lui permettant de revenir à un résultat net positif qui devrait être de 240 millions d'euros en 2003 et de 420 millions d'euros en 2004.

Il est vrai que la CNRACL a été fortement mise à contribution au titre du mécanisme de « surcompensation » depuis 1985.

Sommes versées par la CNRACL au titre de la surcompensation

(en millions d'euros)

Source : CNRACL

La succession de résultats déficitaires depuis 1992, à l'exception de 1997 et 2001, avait en effet totalement absorbé les réserves de la CNRACL au point que celle-ci a dû recourir à un dispositif d'avance de trésorerie.

II. LES CONDITIONS DE RÉUSSITE DU SAUVETAGE DE L'ASSURANCE VIEILLESSE

La loi « Fillon » était indispensable. Pour autant, elle ne pourra à elle seule assurer le sauvetage du régime français de retraite par répartition, ne serait-ce que parce qu'elle concerne directement les seules retraites de base et non l'ensemble de l'assurance vieillesse. Il nous faut donc étendre la réflexion à l'ensemble des aspects de l'assurance vieillesse et parvenir à remettre en cause certaines tendances de fond de la société française.

Il convient, au préalable, de souligner un point qui sonne comme une évidence : plus la conjoncture économique sera favorable et le taux de chômage bas, plus important sera le transfert, au profit de l'assurance vieillesse, des ressources financières actuellement mobilisées par l'Unédic.

Le succès de la réforme dépend ainsi, en premier lieu, de la croissance économique à venir et de l'évolution du marché du travail. Le plan de financement de la « loi Fillon » prévoit, en effet, que les futurs excédents de l'Unédic, résultant de la baisse du chômage consécutive au retournement démographique, pourraient neutraliser ou limiter le relèvement des cotisations vieillesse.

Cette hypothèse repose sur le remplacement des départs en retraite des « baby boomers » par les « classes creuses » des années 1980. Le nombre de départs en retraite devrait ainsi passer de 500.000 par an en moyenne, entre 2000 et 2005, à plus de 800.000 par an à partir de 2006 et se maintenir à ce niveau pendant les trente prochaines années.

Si la population active a fortement augmenté et de façon continue en France depuis les années 1960, notre pays a également connu, de façon transitoire jusqu'ici, un manque de main-d'oeuvre dans certains secteurs économiques. Ainsi, en 2000, dans un contexte économique international alors très favorable, la croissance spontanée de la population active n'a pas suffi à faire face aux besoins de créations d'emplois. A partir de 2006, il est probable que cette situation devienne structurelle.

Le chiffrage, effectué par le COR et repris par le Gouvernement Jospin, était fondé sur une diminution progressive du taux de chômage à 4,5 %, ce taux correspondant au « plein emploi ». Le scénario retenu par le Gouvernement Raffarin est lui aussi « volontariste » mais aussi prudent. En effet, l'affectation des cotisations chômage au financement de l'assurance vieillesse, chiffrée à 8,9 milliards d'euros, repose sur un scénario de diminution du taux de chômage comprise entre 5 et 6 % à l'horizon 2020. Mais si le scénario du COR se réalisait, des marges de manoeuvre supplémentaires pourraient être dégagées.

A. L'IMPLICATION NÉCESSAIRE DES PARTENAIRES SOCIAUX

Il apparaît, également, primordial que le dialogue social soit rénové pour, comme dans les autres pays développés, assurer le suivi de la réforme, améliorer le fonctionnement du marché du travail et des entreprises et susciter la redynamisation de la « seconde partie de carrière » des salariés.

Au-delà des seuls régimes de base, il convient d'avoir à l'esprit que les régimes complémentaires, qui dépendent des partenaires sociaux, sont soumis à des défis financiers d'une ampleur équivalente à ceux du régime général. La mise en oeuvre de la « loi Fillon » concerne, par ailleurs, directement et indirectement l'ARRCO et l'AGIRC. La mise en oeuvre de « l'objectif de retraite » fixé pour les salariés à 85 % du SMIC net, tout comme la mesure d'âge destinée aux personnes ayant débuté leur vie professionnelle de façon précoce, suppose une transposition dans le cadre des régimes complémentaires.

a) Le rôle des partenaires sociaux

Le rôle des partenaires sociaux dans le suivi de l'application des dispositions de la loi portant réforme des retraites est essentiel et porte directement sur trois points principaux : la pénibilité, l'emploi des salariés de plus de cinquante ans et, éventuellement, la revalorisation des pensions.

La pénibilité du travail

Dans un délai de trois ans après la publication de la loi, les partenaires sociaux sont invités à engager une négociation interprofessionnelle sur la pénibilité au travail. Les partenaires sociaux négocieront sur ce thème tous les trois ans dans les branches. Ces négociations porteront aussi sur les conditions de travail et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences des salariés âgés. Un bilan de ces négociations sera établi au moins une fois tous les trois ans par la commission nationale de la négociation collective.

L'emploi des salariés âgés de plus de cinquante ans

Une conférence réunissant l'État, les représentants des salariés et des employeurs sera instituée pour examiner, avant l'élaboration par le Gouvernement, des rapports relatifs à l'allongement de la durée d'assurance qu'il devra présenter au Parlement, les problèmes liés à l'emploi des plus de cinquante ans.

La négociation annuelle obligatoire dans l'entreprise devra aborder désormais tous les trois ans la question de l'accès et du maintien dans l'emploi des salariés âgés.

La revalorisation des pensions de vieillesse

L'article 27 de la loi indique que, par dérogation au mécanisme d'indexation des pensions sur les prix et sur proposition d'une conférence présidée par le ministre chargé de la sécurité sociale et réunissant les organisations syndicales et professionnelles représentatives au plan national, une correction au taux de revalorisation de l'année suivante pourra être proposée au Parlement dans le cadre du plus prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

On notera également l'importance du rôle des partenaires sociaux pour organiser le départ anticipé des salariés à longue carrière dans les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO.

Les partenaires sociaux se trouvent, en outre, confortés indirectement par le renforcement du rôle du COR, dont ils forment la plus grande partie des membres.

La contribution du dialogue social apparaît aussi capitale pour la mise en oeuvre de la loi et pour la mobilisation nationale en faveur de l'emploi des seniors. Elle ne saurait toutefois se limiter à ces seuls aspects.

Il s'agit pour le Gouvernement, d'une façon générale, de faire évoluer les rapports sociaux dans un sens moins conflictuel et de favoriser l'émergence de compromis constructifs.

Nous nous réjouissons, à ce titre, de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 sur l'accès des salariés à la formation professionnelle tout au long de la vie. Pour la première fois, depuis trente ans, les trois organisations patronales (MEDEF, CGPME, UPA) et les cinq organisations syndicales, y compris la CGT, ont signé un texte commun.

Le projet de loi sur le dialogue social, actuellement en cours d'élaboration, a également pour objet de favoriser cette évolution, en modifiant profondément le mode de conclusion des accords.

b) Anticiper sur la dégradation des comptes de l'AGIRC et de l'ARRCO

Après huit années consécutives de déficit, les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC, gérés paritairement par les représentants des salariés et des employés, ont retrouvé une situation positive depuis l'année 2000, grâce à l'amélioration de la situation de l'emploi et à la hausse des cotisations des accords de 1993-1996.

En février 2001, les partenaires sociaux ont signé de nouveaux accords comportant deux mesures principales :

- pour les années 2001, 2002 et 2003, l'indexation du salaire de référence repose sur les prix, comme la valeur du point, ce qui permet de maintenir le rendement des régimes au niveau atteint en 2001 et donc d'arrêter la baisse du taux de remplacement consécutive aux réformes précédentes ;

- l'Association pour la gestion du fond de financement (AGFF) de l'AGIRC et de l'ARRCO se substitue à l'Association pour la structure financière (ASF) et ses excédents seront affectés à l'AGIRC et à l'ARRCO selon une clé de répartition (75 % pour l'ARRCO et 25 % pour l'AGIRC en 2003).

ARRCO - Données générales

(effectifs au 1 er juillet et montants en millions d'euros)

 

2000

2001

%

2002

%

2003

%

2004

%

Cotisants vieillesse

18.743.961

19.450.000

3,8

19.547.250

0,5

19.805.892

0,3

19.801.951

1,5

Bénéficiaires vieillesse

9.822.609

9.960.126

1,4

10.089.608

1,3

10.200.594

1,1

10.333.201

3,1

Produits

42.207,6

43.545,8

3,2

45.186,7

3,8

48.442,2

7,2

48.534,2

0,0

dont cotisations

24.350,9

25.474,2

4,6

26.988,4

5,9

27.818,8

3,1

28.868,9

23,3

Poids des cotisations dans l'ensemble des produits

57,7 %

58,5 %

 

59,7 %

 

57,4 %

 

59,5 %

 

Charges

38.658,6

39.855,1

3,1

42.280,5

6,1

43.492,9

2,9

44.757,6

3,7

dont prestation

26.597,6

27.831,6

3,9

28.498,4

3,1

29.591,0

3,8

30.785,5

4,1

Poids des prestations dans l'ensemble des charges

68,8 %

69,3 %

 

67,4 %

 

68,0 %

 

68,8 %

 

Résultat net

3.549,0

3.690,6

 

2.906,1

 

4.949,3

 

3.776,6

 

Source : CCSS - Septembre 2003

AGIRC - Données générales

(effectifs au 1 er juillet et montants en millions d'euros)

 

2001

%

2002

%

2003

%

2004

%

Cotisants vieillesse

3.437.401

4,9

3.489.488

1,5

3.541.830

1,5

3.594.958

1,5

Bénéficiaires vieillesse

1.814.111

2,8

1.872.285

3,2

1.930.761

3,1

1.991.142

3,5

Produits

16.478,6

6,7

16.800,4

2,0

17.754,8

5,7

17.746,4

2,0

dont cotisations

12.718,4

7,6

12.913,5

1,5

13.181,5

2,1

13.614,4

0,0

Poids des cotisations dans l'ensemble des produits

77,2 %

 

76,9 %

 

74,2  %

3,5

76,7 %

3,3

Charges

15.145,8

5,3

15.871,8

4,8

16.425,4

4,1

17.033,7

 

dont prestation

14.263,0

4,8

14.869,9

4,3

15.478,3

 

16.111,5

3,7

Poids des prestations dans l'ensemble des charges

94,2 %

 

93,7 %

 

94,2 %

 

94,6 %

4,1

Résultat net

1.332,9

 

928,6

 

1.329,4

 

712,7

 

Source : CCSS - Septembre 2003

Malgré le retournement de la conjoncture économique, les résultats de l'AGIRC et l'ARRCO resteront positifs en 2003 comme en 2004. Ils devraient le demeurer jusqu'en 2015. Au-delà de cette date, les effets des départs en retraite massifs des « baby boomers » l'emporteront sur les économies générées par les réformes de 1993 et 1996. D'autres mesures d'adaptation s'imposeront.

c) Prendre en compte le coût du dispositif en faveur des carrières longues de la « loi Fillon »

Les partenaires sociaux ont entrepris d'évaluer le coût des mesures en faveur des « carrières longues », ce qui est difficile dans la mesure où il dépendra de comportements individuels. Dans l'hypothèse où 75 % des 193.000 salariés concernés (120.000 salariés, 50.000 chômeurs et 23.000 préretraités) utiliseraient cette possibilité, le coût pour la CNAV serait de 1,35 milliard d'euros, en année pleine 4 ( * ) .

La mise en oeuvre de cette mesure supposera une transposition dans les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO. Les projections financières établies par les services de ces deux organismes, et soumises le 7 octobre dernier aux partenaires sociaux, font état de conclusions contrastées :.

- d'une part, la liquidation des pensions complémentaires avant l'âge moyen, du fait des départs anticipés, conduit à une diminution des ressources (cotisations ou versements des régimes de chômage ou préretraite) et à un accroissement des charges pour l'association pour la gestion du fonds de financement AGIRC-ARRCO (AGFF). L'estimation des effectifs des salariés ayant commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans et liquidant leurs pensions à partir de 56 ans est la suivante : 160.000 en 2004, 178.000 en 2008, 128.000 en 2012, 79.000 en 2016, puis 30.000 à partir de 2020. Cette diminution progressive est due à la prise en compte du passage de l'âge minimum de scolarité de quatorze à seize ans. L'impact de la mesure sur les soldes techniques des régimes est estimé à - 840 millions d'euros en 2008, - 147 millions d'euros en 2020 et de - 151 millions d'euros en 2025 ;

- d'autre part, à l'inverse, l'allongement de la durée d'assurance, prévu par la réforme, devrait fournir aux régimes un surcroît de cotisations et décale la date de liquidation des pensions. Il s'agit, au demeurant, d'estimations basses en matière d'économie, dans la mesure où les âges d'entrée en activité devraient être plus tardifs pour les générations suivantes, en raison de l'entrée en vigueur de la scolarité obligatoire à seize ans et de l'allongement général des études.

B. TROUVER DE NOUVEAUX FINANCEMENTS POUR LE FSV ET LE F2R

Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le fonds de réserve des retraites a pour objet d'alimenter à partir de 2020 et jusqu'en 2040, les différents régimes de retraite, par les sommes qui auront été mises en réserve.

D'abord géré par le fonds de solidarité vieillesse, le FRR a été transformé, par le titre II de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, en établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle de l'État.

Son financement provient de ressources très diverses :

- une part de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (CSSS) ;

- les excédents éventuels de la CNAV et du FSV ;

- le prélèvement de 2 % sur les revenus du capital ;

- le produit des licences téléphoniques « UMTS », ainsi que des versements de la Caisse des dépôts et des Caisses d'épargne ;

- des intérêts de placement ;

- ainsi que des recettes de privatisation.

a) Le fonds de réserve des retraites doit trouver un second souffle

Dans son rapport de septembre 2003 consacré à la sécurité sociale, la Cour des comptes a mis en évidence que les ressources fiscales permanentes du Fonds de réserve des retraites (F2R) ne représentaient que 28 % des recettes cumulées du fonds et même 19 % pour les seules recettes de l'année 2002.

Le F2R se trouve ainsi confronté à un problème d'alimentation qui provoque un retard croissant par rapport au plan de marche initial. Compte tenu du contexte actuel des finances publiques et des équilibres des régimes sociaux, le Gouvernement ne peut actuellement doter le fonds de mesures nouvelles mais envisage, dès que possible, de lui attribuer des recettes tirées de futures privatisations.

Notre collègue Alain Vasselle avait déjà souligné en 2001, dans son rapport d'information consacré au Fonds de réserve des retraites, le retard pris par rapport au plan de financement d'origine. L'objectif initial était de disposer, à l'horizon 2020, d'un montant total de réserve de 152 milliards d'euros de réserves (dont 102 milliards d'euros de capital et 50 milliards d'euros provenant d'intérêts capitalisés). Il ne sera pas atteint : il aurait fallu pour cela respecter un montant annuel moyen d'abondements de 4 à 5 milliards d'euros, ce qui n'a pas été le cas.

Ce fonds disposait de 12,8 milliards d'euros au 31 décembre 2002 et pourrait atteindre 16,5 milliards à la fin de cette année et 19 à 20 milliards d'euros à la fin 2004. Il a donc acquis une taille critique non négligeable. Le problème réside essentiellement dans le caractère exceptionnel des abondements et dans la diminution régulière de leur montant annuel.

Les comptes du F2R

(en millions d'euros)

 

1999

2000

2001

2002

p2003

p2004

PRODUITS

306,4

2.866,0

3.862,0

5.837,4

3.726,9

3.202,1

CSSS

304,9

 
 
 
 
 

Excédent FSV

 
 

286,6

0,0

 
 

Excédent CNAVTS (N-1)

 

767,4

483,5

1.518,2

1.662.3

1519,5

Prélèvement de 2 % sur les revenus du capital

 

890,0

971,9

1.115,5

1156,4

1165,5

Caisses d'épargne

 

718,2

718,2

718,2

492,5

 

Versement CDC

 

457,3

 
 
 
 

Licences téléphoniques UMTS

 
 

1.238,5

619,2

 
 

Recettes de privatisation (ouverture du capital ASF, Crédit Lyonnais...)

 
 

0,0

1.600,0

 
 

Réserves de la Caisse de prévoyance sociale de Mayotte

 
 
 
 

81,8

0,0

Intérêts des placements

1,5

33,1

163,3

266,4

333,9

517,2

Produits sur cessions de titre

 
 

0,0

 
 
 

CHARGES

0,2

3,4

21,9

3,6

20,4

20,0

Frais de gestion administrative

 

0,0

0,0

0,0

20,4

20,0

Fiscalité

0,2

3,4

15,7

0,0

 
 

Charges sur cessions de titre

 
 

6,2

3,6

 
 

Résultat net

306,3

2.862,7

3.840,1

5.833,8

3.706,5

3.182,1

Solde cumulé

306,3

3.168,9

7.009,0

12.842,8

16.550,1

19.732,2

Source : CCSS septembre 2003 (en italique : estimations)
p : prévisions

En définitive, il conviendra, lorsque la conjoncture économique et budgétaire sera meilleure, de donner un second souffle au F2R. Ce dernier représente, d'ailleurs, un enjeu important pour les grandes entreprises françaises. Disposer d'un actionnariat stable, composé d'investisseurs nationaux, favorise le maintien sur son territoire des centres de décision économiques. Et le F2R est susceptible de devenir un investisseur institutionnel de premier plan, alors que notre pays en manque. Près de 45 % du capital des entreprises cotées à l'indice CAC 40 de la Bourse de Paris appartiennent aujourd'hui, en effet, à des investisseurs étrangers, principalement anglo-saxons.

b) Restaurer la trésorerie du fonds de solidarité vieillesse

Le fonds de solidarité vieillesse connaît depuis 2001 une situation déficitaire qui a fini par absorber la totalité des réserves accumulées depuis sa création en 1993. Engagé en 2003, son refinancement doit se poursuivre en 2004.

Le Fonds de solidarité vieillesse a pour mission de « concourir au financement des régimes de base » 5 ( * ) d'assurance vieillesse et ceci notamment, en leur remboursant certaines dépenses ne relevant pas de l'effort contributif des assurés.

Les 12,5 milliards de dépenses du FSV se répartissent en trois blocs :

- les prestations du minimum vieillesse pour 25 % ;

- le remboursement des majorations de pension pour 25 % ;

- le remboursement aux régimes du manque à gagner de la validation des périodes non travaillées pour 50 %.

Traditionnellement prospères en raison d'une évolution de ses recettes supérieure à celle de ses dépenses, les finances FSV ont été durement touchées par des mesures prises sous la précédente législature.

Plusieurs recettes lui ont été distraites, notamment afin d'assurer le financement direct ou indirect du FOREC (les droits alcools, 0,15 point de CSG) ou de l'APA (0,1 point de CSG). De nouvelles dépenses lui ont été affectées, dont le remboursement de la dette de l'Etat à l'égard des régimes AGIRC-ARRCO, les allocations de cessation anticipée d'activité (CATS) et les allocations de fin de formation (AFF) mises en place dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE).

Les comptes du FSV

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

p2003

p2004

Recettes

10.990,1

11.514,4

12.609,0

11.326,4

11.566

11.015

12.482

13.957

dont CSG

8.925,1

9.219,8

10.392,9

10.297,7

9.719

9.078

9.263

9.530

dont prélèvement social 2 %

 
 
 
 

383

350

356

464

dont droits sur les boissons

1.785,6

1.819,4

1.728,9

- 80,0

 
 
 
 

dont C3S

 
 
 

622,7

551

561

 
 

dont versements CNAF

 
 
 

41,6

478

1.004

921

1.894

dont autres et produits financiers

10,8

16,3

17,1

23,5

434

16

1.942

2.069

Dépenses

11.026,9

11.271,2

12.266,7

11.039,8

11.652

12.369

13.344

13.274

Solde

- 36,7

243,2

342,2

286,6

- 86

- 1.353

- 862

683

Solde cumulé (1)

731,0

974,2

1.316,4

1.603,0

1.517

- 123

 
 

Versement a F2R (2)

 
 
 
 

287

 
 
 

Solde cumulé (1)-(2)

731,0

974,2

1.316,4

1.603,0

1.230

- 123

 
 

Source : FSV - PLFSS - Annexe c) 2003
p : prévisions


L'évolution des missions du FSV

Imaginée dès l'élaboration du Livre blanc sur les retraites de 1991, la création du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a constitué un des éléments centraux de la réforme de l'assurance vieillesse mise en oeuvre en 1993. Le FSV, créé par la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993, est un établissement public administratif, placé sous la tutelle des ministères chargés du budget et de la sécurité sociale.

L'objectif de ce fonds, lors de sa création, a été de réaliser une distinction claire entre, d'une part, les dépenses relevant de la solidarité, c'est-à-dire les avantages non contributifs, dont le financement est assuré par des impositions affectées, et, d'autre part, les dépenses relevant de l'assurance vieillesse, dont le financement est assuré par des cotisations salariales et patronales.

La loi de financement de la sécurité sociale n° 98-1194 du 23 décembre 1998 avait créé par ailleurs au sein du FSV un Fonds de réserve pour les régimes d'assurance vieillesse, fonds de lissage destiné à contribuer à la consolidation dans le futur des régimes de retraite par répartition. C'est pourquoi, deux missions ont été confiées au FSV en 1999. La première mission, instituée dès la création du fonds, concerne les « opérations de solidarité ». Elle était gérée dans la première section du FSV. La seconde mission, retracée dans la deuxième section du FSV, concernait le « Fonds de réserve pour les retraites ».

L'article 6 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, a rendu autonome le Fonds de réserve pour les retraites, en créant un établissement public de l'État à caractère administratif, placé sous la tutelle de l'État. La date d'entrée en vigueur est le 1 er janvier 2002. Le lien financier entre les deux fonds perdure sous une autre forme : les excédents du FSV doivent abonder le Fonds de réserve pour les retraites.

En outre, le FSV assure par délégation, la gestion du fonds de financement de l'allocation personnalisée à l'autonomie (FAPA) instauré par la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. Ce fonds est un établissement public à caractère administratif, crée le 1 er janvier 2002.

Compte tenu de la proximité des procédures appliquées et dans un souci de maîtrise des dépenses, une disposition législative inscrite à l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, confie expressément au FSV la gestion du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Ce fonds, créé par la loi de financement de la sécurité sociale n° 99-1140 du 29 décembre 1999 est un établissement public national à caractère administratif, dont la mission est de compenser le coût pour la sécurité sociale, des exonérations de cotisations patronales aux régimes de base.

Enfin, il convient de rappeler qu'ont été mis à la charge du Fonds de solidarité vieillesse, par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, en son article 49, le remboursement aux régimes complémentaires conventionnels ARRCO et AGIRC du coût de la validation au titre de la retraite complémentaire des périodes de perception des prestations dites de « chômage-solidarité » et, en son article 50-II, le coût de la prise en compte par les régimes d'assurance vieillesse, pour la fixation de la durée d'assurance de l'assuré, des périodes de versement de l'allocation de congé solidarité prévue par l'article 15 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000.

Depuis sa création voici dix ans, le FSV a dégagé, jusqu'à l'année 2000, un résultat équilibré ou excédentaire et le montant des réserves accumulées s'établissait alors à 1,6 milliard d'euros. Après un premier déficit, d'un montant limité en 2001, l'année 2002 a été marquée par une inversion brutale de tendance : une hausse des dépenses de 6 %, conjuguée à une diminution de 5 % des recettes, a alors provoqué un déficit de 1,353 milliard d'euros, supérieur aux réserves cumulées du fonds. La situation nette du fonds est ainsi devenue négative, à hauteur de 122 millions d'euros, à la fin de l'année 2002.

Grâce à l'apport de la C3S, le montant global des recettes devrait s'accroître de 11 % tandis que le rythme d'accroissement des dépenses serait limité à 6 %. Cette évolution favorable ne permettrait, au demeurant, que de contenir le déficit de l'année 2003 entre 850 et 900 millions d'euros, tandis que le solde négatif des réserves continuerait à se détériorer pour atteindre 984 millions d'euros 6 ( * ) .

Concernant les perspectives pour l'année 2004, la hausse prévue de 13 % pour les recettes et de 1 % pour les dépenses devrait se traduire par un excédent de 683 millions d'euros permettant, sinon d'apurer la totalité du déficit cumulé, du moins de le limiter à 300 millions d'euros. La raison principale de cette amélioration résidait dans le doublement attendu des recettes de la C3S, qui passeraient de 920 millions d'euros en 2003 à 1,9 milliard d'euros en 2004.

C. ASSURER L'ESSOR DE L'ÉPARGNE RETRAITE

a) Un bilan mitigé du développement de l'épargne-retraite

Jusqu'au vote de la loi portant réforme des retraites du 21 août 2003, l'épargne retraite était demeurée en France insuffisante et d'un accès encore difficile.


Les trois piliers du système de retraite

Le système de retraite français, comme dans d'autres pays européens, est construit sur trois piliers.

Le premier pilier est celui des régimes de retraite obligatoires par répartition qui sont, en France, gérés par l'État, la sécurité sociale ou par des caisses professionnelles autonomes et les régimes complémentaires obligatoires AGIRC et ARRCO ;

Le deuxième pilier se met en place dans le cadre professionnel. C'est là que se trouvent les fonds de pension existants, qui constituent « le troisième étage » de la retraite en supplément du régime de base et des régimes complémentaires. Ils bénéficient de régimes fiscaux particuliers et obéissent aux systèmes prudentiels relevant du code des assurances, du code de la sécurité sociale ou du code de la mutualité. Il est possible d'ajouter à ce système l'épargne salariale et certains régimes supplémentaires obligatoires ;

Le troisième pilier relève de la décision individuelle et est constitué pour tous les produits d'épargne longue, fiscalement bonifiés, à la disposition des ménages (PEA, assurance vie, etc.).

Répartition en France des trois piliers
selon leur participation au financement de la retraite

Premier pilier

Deuxième pilier

Troisième pilier

87 %

4 %

9 %

Source : AFPEN

L'épargne constituée en vue de la retraite représente d'ailleurs un complément significatif de pension pour de nombreux retraités, comme l'a souligné le COR en septembre 2002 :

« Les pensions versées par les régimes par répartition sont souvent complétées par une part, plus ou moins importante, de revenus du patrimoine. On estime en général que les revenus du patrimoine représentent 20 à 25 % des revenus des retraités, avec une forte dispersion en fonction du revenu, cette part étant en outre supérieure à la moyenne chez les anciens non-salariés (professions libérales, artisans et commerçants, agriculteurs) qui ont souvent pu constituer un patrimoine au moment de la retraite en vendant leur commerce, leurs terres ou leur clientèle ».

Pour autant, l'épargne retraite, avant le vote de la loi du 21 août 1983, apparaissait encore opaque, éclatée et, en définitive, inégalitaire et son concept demeurait imprécis comme l'observait à nouveau le COR :

« Parmi les différentes formes d'épargne financière, il n'est pas simple de départager celles qui constituent de l'épargne retraite de celles qui n'en constituent pas. Certains produits constituent par définition de l'épargne retraite : ce sont les dispositifs permettant d'acquérir des annuités viagères, qui couvrent le risque lié à l'incertitude sur la durée de la vie. Les autres formes d'épargne, caractérisées par une sortie en capital, peuvent constituer un produit d'épargne pour la retraite pour certains ménages, mais ceci n'est alors qu'une finalité parmi d'autres ; cette finalité est d'autant mieux caractérisée que l'épargne ainsi constituée est bloquée pour une durée longue ».

A cette opacité, s'ajoute un grand nombre de supports de l'épargne retraite qui conduit alors à alimenter un paysage inadapté et déstructuré. Ainsi, M. Eric Woerth, dans son récent rapport sur l'épargne retraite présenté au nom de la commission des Finances de l'Assemblée nationale 7 ( * ) , précisait :

« De nombreux outils existent pour répondre à ce besoin. Mis en place à des époques différentes, selon des mécanismes différents, pour des populations distinctes, ils se sont accumulés pour former à l'heure actuelle un paysage confus et foncièrement inéquitable, qui, de surcroît, ne couvre pas la totalité des personnes potentiellement intéressées. »

De fait, jusqu'à la loi du 21 août 2003, le régime de l'épargne-retraite n'était pas satisfaisant. S'il existait déjà certains produits financiers spécifiques dédiés à ce mode particulier d'épargne, ils ne restaient accessibles qu'à une partie seulement de la population.

Taux de détention d'une épargne retraite (1) en 2000

 

Répartition des ménages

Epargne retraite

Ensemble 1996

100,0

10,6

Ensemble 1998

100,0

9,2

Ensemble 2000

100,0

11,9

Age de la personne de référence

 
 

Moins de 30 ans

11,6

5,8

De 30 à 39 ans

18,0

15,6

De 40 à 49 ans

20,1

21,6

De 50 à 59 ans

16,8

16,4

De 60 à 69 as

13,9

6,7

70 ans ou plus

19,6

2,1

Catégorie sociale de la personne de référence

 
 

Agriculteur

1,5

37,6

Artisan, commerçant, industriel

4,7

32,6

Profession libérale

0,8

43,3

Cadre

9,2

26,7

Profession intermédiaire

12,9

17,2

Employé

11,3

12,3

Ouvrier qualifié

14,7

12,1

Ouvrier non qualifié

5,3

4,4

Agriculteur retraité

2,9

7,1

Indépendant retraité

3,0

2,6

Salarié retraité

24,8

3,8

Autre inactif

9,0

2,1

Revenu annuel du ménage

 
 

Moins de 60.000 francs

14,4

2,6

De 60 à 100.000 francs

22,0

4,3

De 100 à 150.000 francs

24,5

10,1

De 150 à 240.000 francs

24,7

15,9

De 240 à 300.000 francs

6,9

25,9

300.000 francs ou plus

7,5

31,9

Source : Enquête Patrimoine des ménages 2000. (INSEE).
(1) L'INSEE recense ici les produits d'épargne collectifs ou individuels avec sortie en rente viagère.

La mise en place d'un cadre destiné à l'épargne-retraite figurait parmi les engagements du Président de la République lors de la campagne électorale.

Dans son rapport précité, M. Eric Woerth procédait à plusieurs estimations destinées, sur la base de la législation alors en vigueur, à fournir un ordre de grandeur de l'effort d'épargne nécessaire pour compenser la baisse tendancielle des taux de remplacement des régimes de base et complémentaires. Ainsi, par exemple, 1.000 euros d'épargne annuelle permettraient à un salarié aujourd'hui âgé de trente ans, employé modeste, de préserver, une fois à la retraite, le taux de remplacement de son dernier salaire qui est aujourd'hui de l'ordre de 79 %. A l'autre extrême, il faudrait près de 10.000 euros d'épargne annuelle au cadre supérieur à la carrière rapide et aujourd'hui âgé de cinquante ans pour préserver un taux de remplacement par ailleurs modeste. Entre ces deux hypothèses, les autres simulations sur cas-types attestent de la nécessité et la pertinence d'un supplément de retraite : pour un salarié cadre à carrière moyenne avec un salaire annuel de 40.000 euros, le montant correspondant serait de 4.200 euros par an.

b) Un nouveau cadre de développement

La loi du 21 août 2003 pose le principe du droit, pour toute personne, d'accéder à l'épargne retraite pour compléter sa pension. Deux dispositifs nouveaux le lui permettent : le plan d'épargne individuelle pour la retraite devenu dans le projet de loi de finances pour 2004, plan d'épargne retraite populaire et le plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite.

Le projet de loi de finances pour 2004 complète ces dispositions et détermine, à compter de 2004, l'incitation fiscale devant permettre à chacun de se constituer une épargne retraite en complément des régimes par répartition.

Cet avantage fiscal se présente :

- sous la forme d'une déduction du revenu net global des cotisations versées, à titre facultatif et en dehors de l'activité professionnelle, aux plans d'épargne retraite populaire (PERP) et aux régimes de retraite PREFON et assimilés ;

- dans la limite d'un plafond, exprimé pour chaque membre du foyer fiscal en proportion de ses revenus d'activité et assorti d'un plancher, qui permet d'accorder des possibilités de déduction plus élevées aux titulaires des rémunérations les plus faibles et de couvrir les inactifs, notamment les conjoints au foyer ;

- et sur lequel s'imputent, pour des raisons d'équité, les cotisations qui permettent déjà la constitution en franchise d'impôt dans le cadre de l'activité professionnelle, des droits à retraite en plus des régimes légaux de retraite par répartition : régimes de retraite supplémentaire rendus obligatoires par l'entreprise (dit article 83), régimes facultatifs « Madelin » des non-salariés, abondement de l'entreprise au plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite (PPESVR).

Cet encouragement fiscal à l'épargne retraite s'est accompagné d'une simplification et d'une clarification des règles de déduction des revenus professionnels, des cotisations de retraite et de prévoyance, qui se traduisent par :

- la déduction sans limite des cotisations versées aux régimes légalement obligatoires de retraite complémentaire (ARRCO et AGIRC pour les salariés) ;

- la déduction sous un plafond spécifique des cotisations versées aux régimes obligatoires d'entreprise de retraite supplémentaire « art. 83 » ou aux régimes facultatifs « Madelin » ;

- et la déduction, également sous plafond, des cotisations versées au titre de la prévoyance.


Projet de loi de finances 2004 et épargne-retraite

Le projet de loi de finances pour 2004 propose de fixer comme suit les différentes limites sous lesquelles les cotisations de retraite et de prévoyance seraient désormais déductibles de l'assiette de l'impôt sur le revenu :

Limites de déduction des cotisations versées au titre de l'épargne retraite (PERP)

Les cotisations versées au PERP et, le cas échéant, aux régimes de type PREFON, seraient déductibles pour chaque membre du foyer fiscal dans la limite maximum de 10 % des revenus d'activité professionnelle de l'intéressé ou de 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale (2.920 euros en 2003).

Les revenus d'activité professionnelle ne seraient toutefois retenus que dans la limite de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale (233.472 euros en 2003), soit une déduction annuelle maximum de l'ordre de 23.500 euros.

Limites de déduction des cotisations de retraite des revenus professionnels

Les cotisations salariales et patronales de retraite versées dans le cadre de régimes obligatoires d'entreprise pour les salariés (art. 83) ou des régimes « Madelin » pour les non-salariés seraient déductibles dans la limite d'un plafond spécifique égal :

- pour les salariés, à 8 % de la rémunération annuelle brute retenue dans la limite de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale (233.472 euros en 2003) ;

- pour les non-salariés, à 10 % du bénéfice imposable, retenu aussi dans la limite de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale. Pour tenir compte d'une couverture plus réduite que celle des salariés (ARRCO/AGIRC) et, donc, de possibilités de déduction « hors plafond » plus limitées, les non-salariés bénéficieraient, sur la fraction du bénéfice supérieure au plafond annuel de la sécurité sociale (29.184 euros en 2003) et inférieure à 8 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (233.472 euros en 2003), d'un espace de déduction supplémentaire de 15 %. Les cotisations déductibles à ce titre ne seraient pas imputables sur le plafond de déduction de l'épargne retraite (PERP).

En outre, un plancher annuel de déduction, égal à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale (2.920 euros en 2003), permettrait de prendre en compte la situation des entreprises déficitaires ou faiblement bénéficiaires, compte tenu de la spécificité des modes de détermination des bénéfices professionnels.

Limites de déduction des cotisations de prévoyance des revenus professionnels

Les cotisations de prévoyance (maladie, maternité, invalidité, décès) versées dans le cadre de régimes obligatoires d'entreprise pour les salariés ou de régimes facultatifs « Madelin » pour les non-salariés seraient déductibles dans une limite annuelle respectivement égale à 3 % de la rémunération annuelle brute et 3,75 % du bénéfice imposable, retenus dans la limite de 8 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (233.472 euros en 2003).

Ces limites seraient assorties d'un « plancher » égal à 7 % du plafond annuel de la sécurité sociale (2.043 euros en 2003) afin de prendre en compte la situation des titulaires des salaires ou bénéfices les moins élevés et les entreprises déficitaires.

Pour les non-salariés, la déduction des cotisations facultatives au titre de la perte d'emploi subie s'effectuerait dans la limite de 1,875 % du bénéfice imposable également plafonné à 8 fois le plafond annuel de la sécurité sociale. Un plancher de déduction, fixé à 2,5 % du plafond annuel de la sécurité sociale (730 euros en 2003), serait également applicable.

Source : PLF pour 2004

D. REVALORISER L'EMPLOI DES SENIORS

Faire évoluer la société française sur la question du retrait précoce d'activité des « seniors » constitue aujourd'hui un impératif si l'on souhaite poursuivre l'adaptation de notre système de retraite aux réalités contemporaines.

a) Un large consensus en faveur des préretraites

Le recours aux mesures d'âge - et en premier chef aux préretraites - comme moyen de lutte contre le chômage a été généralisé à partir du début des années 1980. Il a conduit à une éviction durable des salariés âgés du marché du travail, dont les effets continuent de se faire sentir.

Une étude de l'INSEE 8 ( * ) souligne ainsi que « l'effet des préretraites sur le taux d'activité des 55-59 ans a été massif. Il explique l'essentiel de la chute des taux d'activité des hommes de cette tranche d'âge, qui est passée entre 1970 et 1998 d'une valeur moyenne de 84 % à un niveau inférieur de 15 points. L'effet est moins marqué chez les femmes que chez les hommes, sans doute parce que ces derniers représentent l'écrasante majorité des préretraités ».

Il en résulte que, en 2002, la population active était ainsi répartie :

- 2,311 millions de personnes sont âgées de 15 à 24 ans, soit 8,6 % du total ;

- 21,531 millions de personnes ont entre 25 à 54 ans, soit 80,7 % du total ;

- et seulement 2,857 millions de personnes sont âgées de plus de 55 ans (10,7 % de la population active totale).

Si les préretraites ont atteint leur dernier pic en 1997 avec quelque 240.000 bénéficiaires, elles continuent de concerner aujourd'hui 200.000 personnes. L'extinction de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) décidée par les partenaires sociaux à l'occasion de la conclusion de la nouvelle convention d'assurance chômage est en effet en grande partie compensée par la création et la montée en charge de nouveaux dispositifs similaires créés par l'État (PRP et CATS notamment).

Dispositifs de préretraite

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Allocation spéciale du Fonds national de l'Emploi (ASFNE)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

45.837

56.345

49.462

23.683

21.015

21.669

18.672

11.993

7.920

6.740

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

162.558

174.662

179.219

152.409

128.442

107.789

90.654

73.411

59.939

48.045

Préretraite progressive

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

4.517

10.616

22.282

26.858

24.262

20.870

16.717

13.372

11.117

12.357

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

13.114

17.145

30.910

52.520

54.672

55.032

52.112

44.675

42.045

42.764

Allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

 
 
 

2.650

52.211

35.353

43.438

45.170

37.461

21.354

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

 
 
 

2.622

49.523

65.795

76.917

84.519

86.580

73.121

Congé de fin d'activité (CFA)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

 
 
 
 
 

19.168

10.782

15.564

11.888

12.965

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

 
 
 
 
 

10.061

12.117

15.142

18.407

21.579

Cessation d'activité de certains travailleurs salariés (CATS)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

 
 
 
 
 
 
 
 

5.218

5.313

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

 
 
 
 
 
 
 
 

5.218

9.871

Cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (CAATA)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

 
 
 
 
 
 
 
 

3.894

5.803

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

 
 
 
 
 
 
 
 

3.785

9.152

TOTAL

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

50.354

66.961

71.744

53.191

97.488

97.060

89.609

86.099

77.498

64.532

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

175.672

191.807

210.129

207.551

232.637

238.677

231.800

217.747

215.974

204.532

Source : Unédic, ministère de la fonction publique, CNAM, exploitation DARES

On peut considérer que la croissance des préretraites a résulté d'un consensus social implicite entre :

- les entreprises, renouvelant et rajeunissant plus rapidement leurs effectifs ;

- les salariés mettant fin plus tôt à leur activité professionnelle ;

- et les pouvoirs publics, comptant sur ces mesures d'âge pour accroître, à court terme, les sorties du marché du travail et ainsi lutter contre le chômage.

Conçue initialement sur un horizon de court terme, l'incitation publique au retrait précoce d'activité n'a jamais cessé et s'est même accrue avec le temps. Ces mesures, très populaires, sont devenues, malgré leur coût à long terme, difficiles à remettre en cause. Les raisons qui expliquent cette évolution ne sont donc pas uniquement économiques, mais sociales, voire sociologiques.

Evolution du taux d'emploi selon l'âge en 2001

Age

Taux d'emploi (%)

Age

Taux d'emploi (%)

50 ans

79,9

58 ans

45,9

51 ans

78,9

59 ans

38,3

52 ans

78,4

60 ans

31,2

53 ans

74,7

61 ans

14,6

54 ans

73,7

62 ans

9,0

55 ans

70,9

63 ans

8,2

56 ans

61,2

64 ans

6,5

57 ans

55,0

65 ans

5,4

Source : INSEE, enquête emploi, mars 2001.

Parmi les raisons économiques, on note l'importance des restructurations sectorielles. Une étude récente de la Direction de l'animation de la recherche et de la statistique du ministère du travail (DARES) 9 ( * ) illustre cette tendance et montre que le licenciement est souvent utilisé dans notre pays comme outil de gestion des salariés âgés : cette progression des licenciements pour motif personnel peut être attribuée à la diffusion des formes de management par objectifs, mais aussi à l'utilisation de ce mode de rupture du contrat de travail comme « outil de gestion » de la main-d'oeuvre vieillissante. Les salariés âgés sont plus exposés à ce risque, dans la mesure où ils sont plus nombreux à bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée, mais également parce que « dans une logique de productivité focalisée sur une recherche de réduction de la masse salariale, il s'avère plus rentable, à poste égal, de faire partir les personnes qui coûtent le plus cher à l'entreprise (par exemple, les plus âgées) » .

b) Un taux d'activité des plus de cinquante-cinq ans parmi les plus bas d'Europe

En France, la baisse du taux d'emploi apparaît très rapide à partir de 50 ans, et surtout de 55 ans. On remarque que l' écart entre le taux d'emploi de la France et la moyenne européenne est sensible pour les personnes âgées de 60 à 65 ans (9,9 % contre 23,4 %). Mais la différence est impressionnante avec un pays comme la Suède qui conduit une politique visant à promouvoir l'emploi des « seniors » : le taux d'emploi des personnes âgées de 55 à 59 ans s'établit à 77,8 % contre 49,3 % en France, soit 29 points de plus. S'agissant des personnes de 60 à 65 ans ; l'écart est même de 40 points : 50,2 % en Suède contre 9,9 % en France. A l'exception de la Belgique, notre pays est celui dans lequel l'âge moyen de retrait du marché du travail est le plus précoce : 58,1 ans, c'est-à-dire presque deux ans de moins que la moyenne de l'Union européenne (59,9 années), plus de deux ans et demi avant l'Allemagne (60,9 années) et presque quatre ans de moins qu'en Suède (62 années).

Taux d'emploi et âge moyen du retrait du marché du travail
dans quelques pays européens en 2001

 

Taux d'emploi (en %)

Age moyen du retrait du marché du travail

 

50-54

55-59

60-64

65-69

70-74

Total

Belgique

64,6

38,1

12,1

3,0

1,2

57,0 ans

Allemagne

74,5

57,7

20,8

5,3

2,6

60,7 ans

Espagne

60,1

47,3

29,5

3,9

1,0

60,6 ans

France

75,8

49,3

9,9

2,1

0,9

58,1 ans

Italie

60,5

36,2

18,0

6,2

2,5

59,4 ans

Pays-Bas

73,7

56,9

18,5

6,0

4,2

60,9 ans

Suède

84,7

77,9

50,2

13,3

6,1

62,0 ans

Royaume-Uni

77,3

64,7

37,6

10,7

4,4

62,1 ans

Moyenne UE 15

71,3

52,9

23,4

6,7

3,1

59,9 ans

Source : Eurostat.

On peut ainsi parler de « préférence française pour le retrait d'activité des seniors » , même si l'on observe une progression de l'embauche des seniors en contrat aidé, depuis dix ans, qui a fait remonter leur taux d'activité mais sans modifier la tendance générale.

Les chômeurs de plus de cinquante ans ont constitué une des cibles prioritaires des contrats offerts par le secteur non marchand et leur part dans les embauches sous contrat aidé a doublé entre 1994 et 2001. Alors que les seniors sont devenus un public prioritaire, la politique de retrait d'activité est restée, jusqu'à récemment, très soutenue. Le volume des cessations d'activité demeure à un niveau élevé. On a ainsi dénombré, en 2001, 204.532 préretraités, tandis que les dispenses de recherche d'emploi se sont accrues de 28 % entre 1994 et 2001.

c) La nécessité d'un renversement de tendance

La situation actuelle fragilise nos régimes de retraites, déjà confrontés à d'importants besoins de financement compte tenu des évolutions démographiques. Sans évolution des politiques de l'emploi, notamment en faveur des salariés âgés, l'équilibre à venir restera particulièrement difficile à atteindre. On estime ainsi généralement qu'une hausse de un point du taux d'emploi ferait diminuer la part des besoins de financement des retraites exprimés par rapport au PIB de 0,2 à 0,4 point d'ici 2040 .

En outre, le vieillissement de la population active va se traduire par une augmentation de la fraction des plus de quarante-cinq ans dans les actifs. Or les entreprises qui ont souvent recouru aux mesures d'âge restent mal préparées au défi du vieillissement de la main-d'oeuvre, comme l'observe une étude de la DARES : « Si le thème du vieillissement est de plus en plus présent dans le débat public, il ne semble pas inquiéter outre mesure les entreprises, dont la réflexion sur le sujet reste limitée. Moins d'un établissement sur cinq gère aujourd'hui sa pyramide des âges de façon anticipée, et cette pratique est surtout répandue parmi les plus grands établissements. Même ceux qui sont les plus confrontés au vieillissement de leurs effectifs se préoccupent peu de la question et lorsqu'ils prennent des mesures, c'est rarement à titre préventif » 10 ( * ) .

Certes, on assiste aujourd'hui à l'amorce d'un changement d'état d'esprit. Ainsi, les pouvoirs publics, au niveau européen, ont souscrit des engagements particulièrement explicites en faveur du relèvement du taux d'emploi, notamment des plus âgés.


Les conclusions des sommets européens sur l'emploi des seniors

Le sommet de Lisbonne (mars 2000) avait proposé aux États membres de conduire une politique active pour l'emploi se donnant un objectif global consistant « à porter le taux d'emploi des personnes âgées de 15 à 64 ans (actuellement de 61 % en moyenne) à un niveau aussi proche que possible de 70 % en 2010 et à faire en sorte que la proportion des femmes actives (actuellement de 51 % en moyenne) dépasse 60 % d'ici 2010 » .

Le sommet de Stockholm (mars 2001) avait affirmé la résolution des États d'atteindre l'objectif du plein emploi comme moyen de répondre au « défi du vieillissement de la population » . Il proposait des objectifs intermédiaires pour 2005, soit un taux d'emploi de 67 % pour les hommes de 15 à 64 ans et de 57 % pour les femmes. Mais surtout il fixait un objectif spécifique de 50 % pour le taux d'emploi moyen des hommes et des femmes âgés de 55 à 64 ans. Il demandait en outre un rapport sur les moyens d'atteindre ces objectifs.

Le sommet de Barcelone (mars 2002) annonçait une évaluation à mi-parcours, en 2006, des résultats des politiques actives de l'emploi au regard de l'objectif d'élévation des taux d'emploi. Il affirmait que la stratégie européenne pour l'emploi devait « mettre l'accent sur le relèvement du taux d'emploi en encourageant l'aptitude à l'emploi et en supprimant les obstacles ou les freins à l'acceptation d'un emploi et au maintien dans cet emploi, tout en maintenant des normes de protection élevées, propres au modèle social européen » . Il proposait encore de réduire les incitations individuelles à la retraite anticipée, d'offrir aux travailleurs âgés davantage de possibilités de demeurer sur le marché du travail (par exemple par la retraite progressive). Il précisait enfin : « il faudrait chercher d'ici 2010 à augmenter progressivement d'environ cinq ans l'âge moyen auquel cesse, dans l'Union européenne, l'activité professionnelle » .

Source : Rapport « cumul emploi-retraite », Jean-Marc Boulanger, mars 2003.

De même, les entreprises commencent à réfléchir sur la gestion de l'emploi des salariés âgés et reconnaissent qu'une augmentation de la part des salariés de plus de cinquante ans pourrait avoir des effets positifs sur le plan collectif.

La loi du 21 août 2003 a fait le choix de recentrer les mesures d'âge autour de deux dispositifs : un dispositif visant à prendre en compte la pénibilité du travail, dans le cadre des cessations anticipées d'activité des travailleurs salariés (CATS), et un dispositif « plans sociaux ». A cet effet :

- une partie des préretraites d'entreprise a été assujettie à une contribution spécifique afin de dissuader les employeurs d'avoir recours à cette mesure d'âge ;

- les CATS ont été recentrés vers les seuls salariés ayant réalisé des travaux pénibles ;

- le dispositif de la préretraite progressive a été supprimé.

d) Favoriser la mobilisation nationale en faveur de l'emploi des seniors

Dans son rapport 2003 consacré aux perspectives de l'emploi, l'OCDE invite les Gouvernements à redoubler d'efforts pour améliorer la situation de l'emploi des femmes, des travailleurs âgés, des personnes handicapées et des personnes peu qualifiées. Cet organisme souligne que la mise à l'écart de ces catégories aura pour conséquence, à mesure que leur vieillissement s'accentuera, de limiter la croissance des pays occidentaux et pèsera fortement sur les finances publiques.

Selon ses conclusions, « les tendances démographiques futures accentuent la nécessité pour les gouvernements de supprimer les incitations existantes à la retraite anticipée. Les mesures, à cet effet, doivent s'intégrer dans une démarche globale visant à réformer à la fois les régimes de retraite et les autres programmes sociaux, de manière à réduire la désincitation à exercer un emploi à un âge avancé. Cette action devrait faire en sorte que l'impôt implicite sur le revenu découlant d'une année d'activité supplémentaire soit voisin de zéro et que les taux de remplacement soient compatibles à la fois avec des ressources suffisantes à la retraite (en particulier au bas de l'échelle des revenus), avec le maintien d'incitations appropriées à travailler et avec la viabilité budgétaire à long terme. »

Evolution du taux d'emploi des travailleurs âgés de 55 à 64 ans
dans quelques pays de l'Union européenne entre 1995 et 2001

 

Taux d'emploi en 2001

Evolution entre 1995
et 2001 (en points)

Belgique

25,1 %

+ 2,2

Allemagne

37,7 %

0

Espagne

39,2 %

+ 6,8

France

31,9 %

+ 2,6

Italie

28,1 %

- 0,5

Pays-Bas

39,6 %

+ 10,3

Suède

66,8 %

+ 5,1

Royaume-Uni

52,3 %

+ 4,7

Moyenne (UE 15)

38,8 %

+ 2,8

Source : Eurostat

La progression du taux d'emploi des travailleurs âgés constatée ces dernières années reste limitée, notamment en France.

Aussi convient-il aujourd'hui d'agir avec force en faveur de l'amélioration du taux d'emploi des travailleurs âgés : le Gouvernement s'est ainsi fixé comme objectif, dans un premier temps, d'augmenter l'âge moyen de cessation d'activité de un an et demi.

Il pourrait s'inspirer des exemples néerlandais et finlandais :

- aux Pays-Bas, la chute du taux d'emploi s'est stabilisée vers 1995 et a connu une remontée très nette depuis. Pour les 55-59 ans, comme pour les 60-64 ans, en seulement quatre ans, de 1995 à 1999, le taux d'emploi a augmenté respectivement de 7,4 points et de 6,2 points. Globalement, pour le groupe d'âge 55-64 ans, le taux d'emploi se situe désormais 9 points au-dessus de la France ;

- la Finlande connaît également, depuis 1995, une remontée significative du taux d'emploi de la classe d'âge 55-64 ans : entre 1995 et 2000, le gain a été de 12,6 points pour les 55-59 ans et de 5,1 points pour les 60-65 ans.

Ces deux exemples de réussite trouvent, dans les deux cas, leur origine dans un programme national fondé sur une campagne publique d'information, l'accent mis sur la formation professionnelle, une assistance spécifique aux chômeurs âgée et une grande place donnée à l'expérimentation.

III. LES PROCHAINES ÉTAPES DE L'ADAPTATION DE NOTRE SYSTÈME DE RETRAITE AUX RÉALITÉS CONTEMPORAINES

L'adéquation de notre système de retraite aux réalités démographiques et économiques contemporaines nécessitera, à l'avenir, que d'autres étapes soient franchies suivant un processus permanent d'adaptation. On ne doit pas imaginer que le « loi Fillon » était un résultat définitif acquis « pour solde de tout compte ».

A. ORGANISER SON PILOTAGE À LONG TERME

Notre pays devra sans doute s'inspirer des exemples étrangers et engager une réflexion permanente sur les moyens d'assurer, sur le long terme, la pérennité du régime de retraite. Il convient ainsi de réfléchir dès maintenant, au-delà de la perspective de la « loi Fillon », fixée à 2020.

Des exemples étrangers montrent également que le chantier des retraites ne sera jamais terminé et que leur processus d'adaptation nécessite, par définition, de fréquentes réformes.

a) A l'étranger, un processus continu de réforme

Les exemples étrangers montrent que les réformes des retraites ont été fréquentes et généralement plus précoces qu'en France.

Italie

Le système de retraite italien a fait l'objet de deux réformes majeures : la réforme Amato de 1992 et celle des gouvernements Dini et Prodi entre 1995 et 1997.

Allemagne

L'assurance vieillesse allemande a été réformée en 1989, en 1997 et en 1998. Et le Gouvernement Schröder a annoncé l'élaboration prochaine d'un nouveau projet de loi pour compléter les mesures déjà prises.

Japon

Après avoir procédé par petites touches depuis 1984, le Parlement japonais a adopté, en mars 2000, un ensemble de plusieurs projets de loi prévoyant une réduction des pensions et un allongement de la durée de cotisation.

De façon générale dans ce pays, les régimes du système public de retraite sont examinés, tous les cinq ans, pour évaluer les conditions de leur équilibre actuariel à long terme. Et des décisions sont prises lorsque les facteurs de déséquilibre ne les rendent pas soutenables financièrement. Les nouveaux paramètres principaux des régimes sont alors fixés pour une période de 25 ans.

Etats-Unis

S'agissant du système des retraites publiques, le Congrès des Etats-Unis avait voté dès 1983 une loi repoussant progressivement l'âge de départ en retraite, qui doit passer à 67 ans à l'horizon 2017.

Espagne

En Espagne, la « pacte de Tolède » de 1995 vient d'être renouvelé en 2003, pour une nouvelle période de cinq ans.

Deux exemples réussis d'adaptation progressive du système de retraite

Finlande

Le début de la décennie 1990 a été pour la Finlande une période de forte récession. Ce choc brutal a conduit les autorités finlandaises à mettre en oeuvre une série de réformes d'envergure destinées à garantir le système de retraite.

Il est intéressant de rappeler le calendrier progressif d'introduction des nouveaux dispositifs.

- 1993 : introduction d'une cotisation à la charge des salariés alors qu'avant cette date, seuls les employeurs contribuaient au financement des régimes. L'âge de départ à la retraite dans le secteur public est alors porté de 63 à 65 ans.

- 1994 : adoption du principe aboutissant à partager à égalité entre employeurs et salariés, les futures augmentations des taux de cotisation. L'âge minimum de départ anticipé à la retraite est relevé de 55 à 58 ans.

- 1996 : le salaire de référence utilisé pour calculer le montant de la pension devient le salaire moyen des dix dernières années d'activité et non plus celui des quatre dernières.

- 1997 : les règles de calcul des réserves sont modifiées afin de permettre des placements financiers plus risqués, mais plus rémunérateurs.

- 2000 : l'âge de départ anticipé à la retraite est porté de 58 à 60 ans.

Suède

La réforme des retraites votée par le Parlement suédois le 8 juin 1998 est le résultat d'un processus entamé 14 ans plus tôt.

Dès le milieu des années 1980 fut créée une commission de pension fut créée. Elle a présenté ses conclusions en 1990, qui ont alors été publiées pour être commentées.

Parallèlement, un groupe de travail sur les pensions, composé de représentants de sept partis politiques, fut constitué. En 1994, un projet de loi contenant des propositions de réforme du système de pensions vieillesse fut présenté au Parlement. Il fut alors décidé que ces propositions devaient former la base d'une réforme ultérieure.

Un nouveau groupe de travail fut ainsi mis en place, composé de représentants des cinq partis politiques apportant leur soutien à la mise en oeuvre de la réforme. Il prépara l'élaboration de la loi de 1998. Cette réforme, introduisant le nouveau système de pension vieillesse dans le pays, est ambitieuse. Elle conjugue répartition et capitalisation, prévoit un âge de départ à la retraite flexible sur une base actuarielle, lie les cotisations et les dépenses de la partie répartition à la croissance économique et intègre les facteurs démographiques dans le calcul des droits à pension.

b) En France, préparer la période 2020-2040

Des projections aussi lointaines que 2040 sont inhabituelles en France, mais elles se pratiquent couramment dans d'autres pays qui travaillent parfois à des échéances plus lointaines encore de soixante ans, voire soixante-dix ans dans certains cas.

Les réflexions sur l'impact économique du vieillissement démographique et sur l'avenir des retraites procèdent de simulations macro-économiques postulant la pérennité du système économique et social actuel. Les résultats obtenus ne constituent donc que des projections. Les simulations effectuées s'appuient, en effet, sur des hypothèses dont chacune peut être discutée.

Les membres du COR ont choisi d'inscrire leurs travaux sur un horizon de vingt ans (2020) et de quarante ans (2040). Ils fournissent toutefois tous les éléments d'un diagnostic sans ambiguïté, accompagné, de surcroît, d'un solide inventaire de solutions disponibles.

L'horizon de la « loi Fillon » a été fixé à 2020. Il convient toutefois, dès maintenant de réfléchir aux mesures qui devront intervenir après cette date. Le premier rapport du COR a, en effet, souligné que les facteurs structurels aboutissant à dégrader les équilibres de l'assurance vieillesse continueront à agir entre 2020 et 2040.

Il convient donc de se préparer à avoir à faire face alors à une nouvelle dégradation tendancielle de l'assurance vieillesse.

Le système de pilotage des régimes de retraite en France

Dans son rapport 2003 consacré à la sécurité sociale, la Cour des comptes procède à une analyse de la façon dont le système français de retraite est « piloté ».

Elle fournit tout d'abord une définition de cette notion : « Par instrument de pilotage, on entend, d'une part, les méthodes de prévision démographique et financière des effectifs de cotisants et de retraités et les recettes et dépenses en résultant ; et, d'autre part, les indicateurs, relatifs aux retraites et aux conditions d'équilibre des régimes, ainsi que les instruments de rééquilibrage face à des perspectives financières dégradées. »

Le pilotage des régimes de retraite français est fondé sur un système de projections associant le COR et les différents régimes. La Cour porte un jugement d'ensemble sur ce système éclaté plutôt favorable. Elle considère, en effet, qu'il permet d'établir « des diagnostics globaux solides ».

Pour l'améliorer, elle formule les recommandations suivantes :

- réviser périodiquement les projections à moyen et long termes, soit pour l'ensemble du système de projections, soit au moyen des outils centralisés du COR, soit dans les régimes en fonction de leurs évolutions spécifiques ;

- développer, par régime et pour l'ensemble du système, les travaux portant sur l'incidence sur les droits à prestations des périodes non travaillées ou travaillées au sein de régimes différent (polypensionnés) ;

- faire procéder dans tous les régimes et selon des méthodes harmonisées à l'examen de la neutralité actuarielle des dispositifs actuels d'anticipation et de report de la date de liquidation de la pension ;

- intégrer dans le pilotage des régimes un calcul systématique de leur taux de rendement et le comparer avec un taux de rendement d'équilibre ;

- poursuivre les efforts d'amélioration des méthodes de projection, notamment par une meilleure utilisation des fichiers de cotisants.

Source : Cour des comptes - rapport 2003 sur la sécurité sociale - septembre 2003

B. REPENSER LES MODALITÉS DE LA COMPENSATION

Les concepteurs de la sécurité sociale français auraient souhaité, au lendemain de la seconde guerre mondiale, faire prévaloir un régime unique sinon unifié d'assurance vieillesse. Cette solution, défendue notamment par Pierre Laroque a été rapidement abandonnée avec le maintien, « à titre provisoire » de régimes spéciaux.

Près de soixante ans plus tard, notre régime de retraite apparaît à la fois complexe, opaque et inégalitaire notamment en raison de ce choix initial et des multiples ajustements intervenus depuis lors. C'est ainsi que la compensation démographique a été créée en 1974, puis celle-ci s'avérant insuffisante, la « surcompensation » mise en place en 1985. Ces deux systèmes représentent des transferts financiers considérables. Ils aboutissent à des résultats paradoxaux et contestables, l'exemple de la CNRACL l'a montré.

a) Le système de retraite français demeure fondamentalement opaque, complexe et inégalitaire

Une complexité croissante depuis 1945

L'explication de ce constat réside dans les origines mêmes de la construction de l'assurance vieillesse, au lendemain de la Libération et dans son évolution ultérieure.

Le plan du Conseil national de la Résistance prévoyait, en effet, la généralisation de l'assurance vieillesse à toute la population, salariés comme non-salariés, sous la forme d'un régime unique. Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 instauraient en conséquence un régime général de sécurité sociale destiné à regrouper l'ensemble de la population active, à l'exception des régimes agricoles dont les particularismes justifiaient un traitement à part.

Mais, rapidement, cette volonté d'unification des régimes fut contrecarrée. Les régimes spéciaux, maintenus « à titre provisoire » par l'ordonnance du 4 octobre, furent pérennisés par un décret du 8 juin 1946. En 1948, les non-salariés non agricoles obtenaient la création d'organismes autonomes susceptibles d'assurer la prise en charge du risque vieillesse pour ces professions.

En 2003, le régime général ne verse que 52 % des prestations sociales vieillesse, le reste étant distribué par environ 100 régimes historiques dont une majorité est toutefois en voie d'extinction.

Le morcellement de l'assurance vieillesse a nécessairement favorisé des écarts de situation entre les assurés. Ils ont porté sur l'ampleur de l'effort contributif à réaliser, tant en termes de cotisation que de durée d'assurance, sur le montant et la nature des prestations servies et sur les garanties minimales.

Panorama des inégalités de l'assurance vieillesse

D'importantes inégalités d'espérance de vie par catégorie socioprofessionnelle subsistent tout d'abord .

Probabilité de décéder entre 35 et 60 ans par catégorie
socioprofessionnelle - espérance de vie à 60 ans

 

Probabilité de décéder entre 35 et 60 ans (en %)

Espérance de vie à 60 ans

 

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Cadres, professions libérales

8,5

4,5

22,5

26,0

Agriculteurs exploitants

10,0

5,5

20,5

24,0

Professions intermédiaires

10,5

4,5

19,5

25,0

Artisans, commerçants, chefs d'entreprise

12,0

5,0

19,5

25,0

Employés

15,5

5,5

19,0

24,0

Ouvriers

16,0

7,0

17,0

23,0

Ensemble (y compris n'ayant jamais travaillé)

15,0

6,5

19,0

23,5

Source : Conseil d'orientation des retraites

Des disparités existent également dans les niveaux de pension en fonction du sexe et de la catégorie socioprofessionnelle . Les faibles retraites sont surtout concentrées parmi les femmes qui n'ont jamais travaillé ou qui ont eu des carrières courtes, parmi certains artisans et commerçants âgés et parmi les anciens agriculteurs.

Les disparités entre les montants des pensions se réduisent au fil du temps sous l'effet de la montée en charge des régimes, du développement de l'activité féminine et de minimums de pension. Elles demeurent toutefois importantes.

Les disparités entre les régimes de retraite sont significatives pour l' âge de la retraite. Et l'effort contributif varie de façon importante entre les régimes.

Comparaison des taux de cotisation après retraitements réalisés par le COR

Catégorie

Taux globaux corrigés (employeur + salarié) en %

Non-cadres du privé

27,8

Cadres du privé

27,1

Non titulaires de la fonction publique

22,0

CNRACL (fonction publique territoriale et hospitalière)

21,7

Civils

38,6

Militaires

81,9

Artisans

22,6

Commerçants

19,7

Professions libérales

*

* Modifié par la loi Fillon, à préciser par voie réglementaire.
Source : COR

b) Redéfinir la compensation généralisée

La compensation demande à un ensemble de régimes de transférer à d'autres des sommes très élevées au titre de la solidarité, alors même que les règles de cotisations et de prestations de ces régimes sont totalement différentes. Il y a là une incohérence potentiellement porteuse d'injustice qui appelle deux actions : organiser une convergence entre les régimes, au nom de la justice sociale ; accorder à la commission de compensation des moyens accrus pour expertiser et améliorer ces mécanismes de compensation.

L'origine du mécanisme de compensation

Le système français de sécurité sociale est caractérisé par un grand nombre de régimes organisés sur le principe de la répartition au sein d'un groupe socioprofessionnel. Ces régimes, créés à des époques différentes, ont chacun leurs spécificités. Leur démographie varie sensiblement, leurs moyens financiers également. Ces derniers sont d'autant plus élevés que le nombre de cotisants est supérieur au nombre de retraités et que le salaire moyen du groupe sur lequel sont assises les cotisations est important.

Aussi est-il apparu juste, à défaut de la création du régime « unique » souhaité en 1945, d'instaurer un mécanisme de solidarité entre les régimes.

La loi du 24 décembre 1974 a instauré un système de compensation généralisée. Son objet est d'empêcher que certains régimes n'encourent la faillite ou ne soient dans l'obligation de mettre en oeuvre des mesures d'économie sévères pour atteindre un équilibre interne manifestement hors de leur portée. A ce jeu de compensation entre régimes - qui est établie au titre des trois risques 11 ( * ) -, certains sont contributeurs nets et d'autres bénéficiaires nets.

Comme les régimes ne fonctionnent pas selon des règles similaires, il serait inéquitable de répartir les transferts de compensation en se limitant à redistribuer aux uns les excédents des autres. Aussi, le troisième alinéa de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale précise les objectifs des mécanismes de compensation : « La compensation tend à remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes ».

Il s'agit de déterminer la situation des différents régimes si on leur appliquait les caractéristiques d'un régime fictif qui servirait une prestation dite « de référence ». Seuls les régimes de sécurité sociale dont l'effectif des actifs cotisants et des retraités titulaires de droits propres âgés de 65 ans 12 ( * ) ou plus dépasse au total 20.000 personnes participent à cette compensation.

Les modalités de la compensation généralisée

Le dispositif comporte deux étapes :

- une compensation entre régimes de salariés, où les capacités contributives des régimes sont prises en compte puisque les cotisations du régime fictif sont assises sur les masses salariales ;

- une compensation entre les régimes de salariés (ceux-ci étant agrégés dans un seul régime global) et les régimes de non-salariés. Celle-ci repose sur l'application d'un régime fictif, mais la cotisation est uniforme par cotisant et non proportionnelle aux masses salariales.

A l'origine, la prestation de référence retenue fut celle du régime des exploitants agricoles en tant que prestation moyenne la plus basse servie par les régimes en présence. Pour les exercices 1993, 1994 et 1998, elle céda la place à celle de l'ORGANIC, puis à celle de la CAVIMAC en 1999, puis à nouveau à celle l'ORGANIC à compter de 2000.

La compensation généralisée vieillesse

(en millions d'euros)

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

REGIMES CONTRIBUTEURS

 
 
 
 
 
 

Régime général

1.721,9

1.745,1

1.882,7

2.100,7

2.886,0

2.848,7

Fonctionnaires

1.795,2

1.825,5

1.804,7

1.741,1

1.502,4

1.537,5

CNRACL

1.484,1

1.493,0

1.513,0

1.559,1

1.395,7

1.426,8

SNCF

 

11,1

17,2

3,6

 
 

RATP

27,4

27,9

28,7

29,5

25,2

25,3

EGF

114,4

118,5

116,9

103,4

80,4

75,2

Banque de France

5,8

5,4

5,0

5,0

3,7

3,7

CNAVPL

392,1

398,1

405,2

406,7

318,5

332,9

CNBF

43,9

47,2

51,1

54,7

48,5

52,7

TOTAL en euros

5 . 584,9

5 . 671,7

5 . 824,5

6.003,8

6.260,4

6302.8

REGIMES BENEFICIAIRES

 
 
 
 
 
 

BAPSA (exploitants agricoles)

3.981,0

4.046,9

4.149,0

4.228,0

4.294,7

4.295,1

ORGANIC

732,1

745,5

783,8

834,6

946,6

955,2

CANCAVA

299,9

320,5

324,3

361,2

436,5

472,9

CANSSM (mines)

320,5

319,3

317,8

324,5

310,4

307,9

CAVIMAC

171,4

173,4

175,8

178,0

177,1

175,8

ENIM

49,7

51,4

54,3

55,5

57,6

59,6

SNCF

19,4

 
 
 

5,4

1,5

FSPOIE

8,3

12,2

16,4

18,0

23,6

24,3

CRPCEN

2,6

2,5

3,1

3,8

8,6

10,5

TOTAL

5.584,9

5.671,7

5.824,5

6003.6

6.260,5

6.302,8

Source : d'après le PLF pour 2004, annexe E.

La réforme de la compensation est indispensable, mais elle soulève des questions techniques difficiles.

Les mécanismes de compensation atteignent aujourd'hui leurs limites, excellemment décrites par un rapport de MM. Yves Ullmo et Louis-Paul Pelé, remis en septembre 2001 au Conseil d'orientation des retraites.

Les difficultés statistiques du calcul de la compensation

Afin de calculer les sommes dues par chaque régime au titre de la compensation généralisée vieillesse, un double calcul est effectué nécessitant de connaître précisément :

- le décompte des effectifs cotisants,

- la masse salariale.

Les Sources statistiques sont toutefois importantes :

- la CNAVTS ne fournit pas elle-même ses effectifs cotisants. Ceux-ci sont déterminés par l'INSEE dont les évaluations ne sont actualisées qu'au gré des recensements. Ainsi, l'évaluation des effectifs cotisants de la CNAVTS a été brusquement réévaluée de 600.000 personnes en 2002.

- la masse salariale relative au calcul de la compensation des fonctionnaires est fournie par la direction du budget sans que cette donnée puisse faire l'objet d'une expertise contradictoire.

Le système est devenu tout d'abord trop complexe . Comme on l'a vu, il repose sur des règles différentes entre la compensation généralisée et la compensation spécifique également appelée « surcompensation ». La référence à une « prestation minimale » a été, dans les faits, écartée : la Direction du budget a proposé d'exclure les petits régimes de la détermination de cette prestation. Il est certain que la référence au régime « atypique » de la CAVIMAC n'était pas peut-être pertinente. Cependant, les manipulations de variables permettent d'une année sur l'autre des écarts importants, créditant l'idée chez les régimes débiteurs, pas toujours inexacte, que la compensation n'est qu'un savant habillage d'une « ponction ».

Le système est ensuite devenu inéquitable . Certains régimes créditeurs peuvent devoir financer pour les retraités des autres régimes, par l'intermédiaire de la compensation, des prestations supérieures à celles qu'ils versent à leurs propres retraités. Les avantages familiaux pris en charge par le Fonds de solidarité vieillesse sont intégrés dans la prestation de référence. Lorsqu'un régime bénéficie de la compensation, et reçoit un transfert du FSV au titre des majorations familiales, ces majorations lui sont en quelque sorte remboursées deux fois.

Enfin, le système est devenu totalement illisible . Des régimes « contributeurs » de la compensation généralisée sont « bénéficiaires » de la compensation spécifique 13 ( * ) . Les différents mécanismes de plafonnement de la contribution des régimes, en ce qui concerne la compensation spécifique, n'ont pas correctement fonctionné. En effet, ils ne prenaient pas en compte la progression des transferts dus au titre de la compensation généralisée. La situation de la CNRACL, seul régime de retraite officiellement déficitaire , et obligée de recourir à l'emprunt, alors qu'il s'agit d'un régime structurellement excédentaire , illustre au plus haut chef les limites des mécanismes de compensation.

Les solutions possibles

Votre rapporteur constate qu'il existe trois possibilités de réforme.

- le scénario radical consisterait à supprimer tout mécanisme de compensation entre les régimes ;

- le scénario minimal consisterait à tenter de définir des règles stables et des mécanismes de plafonnement, évitant que les régimes soient trop lourdement ponctionnés. Ce scénario minimal aboutirait inévitablement à une complication encore plus grande du système de compensation ;

- le scénario médian nécessite de réformer la compensation généralisée et de supprimer la compensation spécifique (surcompensation). C'est le chemin qui a été choisi par le Gouvernement dans le cadre de la loi du 21 août 2003.

En définitive, l'enjeu principal n'est pas technique ou même financier. Compte tenu des masses financières en jeu, du caractère décisif pour un grand nombre de régimes des contributions versées ou perçues, et des défauts du système actuel, l'enjeu semble être bien davantage politique et pédagogique. Il s'agit, pour le citoyen, le Parlement et les décideurs publics, de rendre les calculs lisibles et transparents.

c) Le renforcement, à l'initiative du Sénat, des pouvoirs de la commission de compensation

L'article 7 de la loi portant réforme des retraites prévoit que la commission de compensation, placée auprès du ministre chargé de la sécurité sociale, est présidée par un magistrat désigné par le Premier président de la cour des comptes, et comprend des représentants de régimes de sécurité sociale et des représentants des ministres en charge de la sécurité sociale et du budget.

Cette commission est consultée pour avis sur la fixation des soldes de la compensation et, éventuellement, sur le versement des acomptes. Elle contrôle les informations quantitatives fournies par les régimes pour servir de base aux calculs.

Tout projet de modification des règles affectant les mécanismes de compensation entre régimes de sécurité sociale fait l'objet d'un avis de la commission, qui est transmis au Parlement.

Votre commission est à l'origine de cette redéfinition ambitieuse des missions de la commission de compensation, dont l'origine remonte, en fait, à la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2002.

Ses membres avaient découvert, à cette occasion, qu'une modification de grande ampleur des bases de calcul de la compensation généralisée entre régimes de base d'assurance vieillesse avait été décidée, sans qu'elle ait donné lieu à la consultation des régimes impliqués. Cette modification consistait à prendre en compte les effectifs de chômeurs, pour lesquels le FSV verse une cotisation au régime général et aux régimes des salariés agricoles, et à soustraire aux prestations de référence les sommes déjà remboursées par le même FSV. La combinaison de ces modifications aboutissait à ce que le régime général supporte à lui seul 98 % de la charge financière de cette modification, évaluée à plus de 850 millions d'euros.

C'est pour éviter que des mesures d'une telle importance soient prises, à l'avenir, dans de telles conditions et sans information préalable du Parlement que le sénat a souhaité renforcer le rôle de la commission de compensation.

Il convient de rappeler également que le Gouvernement entend engager, en 2004, un réexamen des mécanismes de compensation à travers une concertation spécifique avec les partenaires sociaux. Les travaux de la commission de compensation serviront donc de support pour préparer ces discussions .

C. APPROFONDIR LA RÉFORME DES RETRAITES DE LA FONCTION PUBLIQUE

Dans son rapport public particulier d'avril 2003 consacré aux pensions des fonctionnaires civils de l'État, la Cour des comptes avait présenté les perspectives inquiétantes de financement à long terme de ces régimes, les principales caractéristiques et spécificités des règles applicables et l'organisation éclatée et lourde de la gestion des pensions, l'ensemble de cette analyse soulignant, une fois de plus, la nécessité de la réforme.

Ces données ont été prises en compte dans le titre III de la loi du 21 août 2003 qui est entièrement consacré à la fonction publique.

a) Vers une meilleure connaissance des régimes de la fonction publique

Il semble indispensable de progresser vers une meilleure connaissance des régimes des pensions de la fonction publique. Le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances pour 2004 reconnaît d'ailleurs ce besoin en ces termes :

« Le caractère budgétaire du régime des pensions des fonctionnaires ne permet pas d'appréhender directement les équilibres de son financement : les charges (pensions, compensation) et les recettes (retenues pour pension, contribution des employeurs, transferts...) sont retracées à divers endroits du budget de l'État. Les évolutions tendancielles, en particulier les conditions de partage de l'effort contributif entre l'État et ses agents, sont ainsi masquées et les comparaisons et rapprochements avec les autres régimes de retraite sont rendues difficiles. Or, l'évolution des charges du régime des fonctionnaires de l'État constitue un enjeu majeur pour les finances publiques . »

Le tableau présenté ci-dessous reconstitue ce que serait l'équilibre emplois-ressources du régime des fonctionnaires de l'État, dans la perspective de la mise en place du compte d'affectation spéciale qui retracera, à partir du 1 er janvier 2006, les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires en application de l'article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

Compte simplifié du régime des fonctionnaires de l'État

 

2001 Exécution

2002 Exécution

2003 LFI

2004 PLF

2004/2003

Emploi

32.117

34.122

34.958

36.423

4,2 %

Masse des pensions

29.620

31.011

32.383

33.844

4,5 %

Transferts

2.498

3.111

2.575

2.579

0,1 %

Ressources

9.330

9.347

9.706

9.637

- 0,7 %

Cotisations salariales

4.531

4.583

4.702

4.684

- 0,4 %

Contributions des employeurs autres que l'État

4.309

4.439

4.522

4.574

1,1 %

Transferts

490

326

482

379

- 21,3 %

Contribution de l'Etat

22.787

24.775

25.252

26.786

6,1 %

Source : Projet de loi de finances pour 2004 - Rapport économique, social et financier - Tome I

Il convient de souligner que la contribution de l'État, en forte hausse ces dernières années, pourvoit à hauteur de 26,78 milliards d'euros, soit 73,6 % du total des dépenses évaluées à 36,42 milliards d'euros (dont 33,84 milliards de pensions et 2,58 milliards de transferts). La part des cotisations salariales se limite à 4,68 milliards d'euros, c'est-à-dire moins de 13 % du total. Elle est néanmoins complétée par les contributions équivalentes des autres employeurs publics (La Poste et France Télécom, essentiellement).

Dans son rapport précité, la Cour des comptes a procédé à une étude approfondie des régimes de retraite de la fonction publique, qui a mis en lumière :

- un âge moyen de départ en retraite nettement inférieur à 60 ans ;

- des agents privilégiant les départs précoces au détriment de la poursuite de leur carrière ;

- une forte détérioration du rapport démographique d'ici à 2040 ;

- un impact important du coût des bonifications d'annuités ;

- les défauts de l'organisation actuelle du système des pensions ;

- l'importance des dispositifs d'ouverture de droits à pension avant soixante ans.

La Cour estime ainsi que « l'âge moyen de départ en retraite, tous motifs de liquidation confondus, a été, pour les nouveaux retraités de 2001, de 57,35 ans. Cette moyenne a été tirée vers le bas par le nombre très important d'agents publics (20.056, soit 34,9 % du flux 2001) prenant une retraite au titre des services dits « actifs » (54,85 ans en moyenne ) ».


Les recommandations de la Cour des comptes pour améliorer le cadre budgétaire et comptable des pensions des fonctionnaires civils de l'État

La Cour estime que « cette exigence de transparence, ainsi que la logique de responsabilisation des administrations sur leurs coûts et leurs résultats poursuivie par la nouvelle loi organique, doivent conduire à abandonner la pratique actuelle consistant à imputer à chaque ministère les dépenses de pension servies à ses anciens fonctionnaires ; Aux lieu et place de cette imputation qui n'est que la traduction des décisions passées en matière de personnel, devrait être instituée une contribution de chaque ministère aux charges du régime des pensions. Celle-ci devrait correspondre à l'application aux traitements indiciaires servis par chaque ministère à ses agents en activité d'un taux de « contribution employeur » (l'équivalent d'une cotisation patronale) unique fixé de manière à assurer l'équilibre du régime dont relèveraient les agents titulaires de tous les ministères. »

Elle estime également « souhaitable que soient retracées, dès a mise en place du compte d'affectation spéciale, non seulement les charges de pensions elles-mêmes mais également les charges afférentes à la gestion des pensions (préliquidation, concession, paiement, contrôle) actuellement dispersées entre les ministères et souvent mal identifiées. Ce recensement et cette imputation sont en effet indispensables pour appréhender dans leur totalité les charges afférentes aux pensions et mesurer les coûts de gestion du régime. Ils pourraient s'opérer de façon progressive et n'inclure au départ que tout ou partie des coûts des services ministériels exclusivement dédiés à la gestion des pensions (service des pensions rattaché au ministère des finances, centres régionaux de paiement dépendant de la direction générale de la comptabilité publique, services de pensions des différents ministères).

C'est à ces conditions et à travers une lecture large de ce qu'il faut entendre par « opérations relatives aux pensions et avantages accessoires » que l'innovation introduite par la loi organique du 1 er août 2001 produira pleinement les effets recherchés en termes de transparence.

A côté des modalités selon lesquelles doivent être retracés à l'intérieur de chacune des lois de finances les produits et les charges afférents au régime des pensions civiles et militaires de retraite, la Cour a soulevé depuis plusieurs années le problème du traitement dans la comptabilité générale de l'État des engagements pris par ce dernier au titre des retraites dues à ses fonctionnaires. La nouvelle loi organique du 1 er août 2001 n'a pas fourni d'indication particulière quant à la manière de traiter au plan comptable ces engagements de retraite. Trois types de solution sont envisageables :

- la première consisterait à porter au passif du bilan les engagements de retraite bruts (comme le font les Etats-Unis, l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande), mais ce choix ne serait pas cohérent avec la décision d'exclure la dette implicite de la dette publique au sens du traité de Maastricht ;

- la deuxième solution viserait à décrire en annexe au bilan les engagements bruts, préalablement validés par un cabinet d'actuaires agréé par le ministère de l'économie, en précisant la portée et les limites des calculs ;

- la troisième solution tendrait à suivre en annexe au bilan la dérive du besoin de financement additionnel calculé par exemple sur les dix ou vingt exercices suivants.

La Cour souhaite que ces trois modalités fassent l'objet d'un examen approfondi et qu'une solution soit retenue dès que les règles applicables à la comptabilité de l'État à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique auront été arrêtées après avis du comité des normes de la comptabilité publique installé en mars 2002. »

Source : Cour des comptes rapport public particulier - Les pensions des fonctionnaires de l'État - Avril 2003.

b) Un regret : l'échec de la réforme du service des pensions

A l'initiative de votre commission, et sans que le Gouvernement s'y oppose, le Sénat avait voté un amendement tendant à placer la gestion des pensions civiles et militaires de l'État sous la tutelle conjointe des ministres en charge de la fonction publique, des affaires sociales et du budget. L'objectif recherché consistait à conduire les ministres concernés à travailler ensemble pour désigner un chef de file et identifier clairement les responsabilités de chacun.

Finalement, cette disposition a été retirée du texte, le Gouvernement invoquant sa nature réglementaire.

Nous regrettons que cette refonte du service des pensions n'ait pu aboutir.

L'objet de cette initiative sénatoriale résidait dans le souci de prendre en compte les observations sévères formulées par la Cour des comptes dans le rapport précité consacré aux pensions des fonctionnaires civils de l'État. La Cour constatait, en effet, que cette gestion était caractérisée par des insuffisances majeures :

« - l'organisation éclatée et lourde caractérisée par la juxtaposition des niveaux d'instruction et un empilement de contrôles formels assurés dans des services imprégnés par une culture d'examen exhaustif de dossiers accompagnés de leurs pièces justificatives sur support papier ;

« - un système informatique déficient qui reproduit les incohérences de la chaîne de traitement des pensions liées à l'éparpillement des responsabilités ;

« - des coûts de gestion mal cernés et une productivité médiocre liés au fait que l'État n'a jamais cherché à rationaliser cette activité de production de masse en s'inspirant par exemple des techniques employées par des organismes de retraite français. »

L'organisation de la gestion des pensions est un enjeu de toute première importance, à l'heure où la transparence est devenue une exigence quasi constitutionnelle.

L'impossibilité à identifier les coûts de gestion devient, selon les termes mêmes de la Cour , « un obstacle à l'application de la loi organique relative aux lois de finances d'août 2001 (LOLF). L'article 21 de la loi dispose que « les opérations relatives aux pensions » sont, « de droit, retracées sur un compte unique d'affectation spéciale ». Ces opérations devraient en toute logique inclure, en charges, les frais de gestion du régime. Mais ces dispositions sont inapplicables en l'état car force est de constater qu'aucun des « services distincts » participant à cette gestion ne dispose aujourd'hui des moyens de connaître ses coûts ».

En définitive, nous souhaitons qu'une solution soit trouvée aux problèmes relevés par la Cour des comptes : « une organisation éclatée et lourde » , un « système d'information déficient », des « coûts de gestion mal cernés et une efficience médiocre ».

c) Les retraites des fonctionnaires : un « engagement hors bilan » non provisionné de 700 milliards d'euros

Nous disposons désormais d'une première évaluation des engagements « hors bilan » de l'État au titre des retraites de la fonction publique.

Selon le compte général de l'administration des finances (CGAG) publié en 2003 par le ministère de l'économie, les engagements de l'État, au titre des retraites des fonctionnaires et des agents publics relevant de régimes spéciaux se monteraient, fin 2002, à 708 milliards d'euros.

La Direction de la comptabilité publique livre pour la première fois cette évaluation dont l'interprétation est néanmoins délicate. Elle signifie que si, l'État devait régler en une seule fois les pensions versées aux retraités de la fonction publique jusqu'à leur décès (et les pensions de réversion afférentes), ainsi que les retraites des actifs dans l'hypothèse où ils se retireraient, au moment du calcul, le montant correspondant atteindrait alors l'équivalent de 46 % du PIB.

Il est nécessaire d'apprécier ces chiffres avec prudence, en premier lieu parce que la méthode consiste à figer la situation au 31 décembre, sans tenir compte des recrutements futurs ou des évolutions de carrières, puis à évaluer le coût jusqu'à extinction des droits. En second lieu, cette estimation est réalisée à législation constante à l'horizon de 2100 et avec l'hypothèse d'un taux d'actualisation de 3 %. Avec un taux de 2 %, la dette implicite serait de 825 milliards et de 615 milliards avec 4 %.

A la différence d'une entreprise privée qui peut faire faillite, l'État considère ne pas avoir besoin de constituer des provisions.

D'autres pays comme la Nouvelle-Zélande ou Singapour, où le budget est présenté comme les comptes d'une entreprise, ont retenu l'option inverse.

Evaluation des engagements hors bilan
correspondant aux pensions des fonctionnaires

(en milliards d'euros)

 

Droits directs

Droits dérivés

Total

Civiles

480

73

553

Militaires

125

30

155

Total

605

103

708

Hypothèse de construction : taux d'actualisation fixé à 3 %.
Source : Direction générale de la comptabilité publique -
rapport de présentation du compte général de l'administration des finances, page 124.

Ce chiffrage constitue néanmoins un indicateur qui permet d'évaluer le caractère soutenable des régimes de retraite de la fonction publique sur le long terme. Si une trop grande divergence entre les sommes actualisées de revenus et les sommes actualisées des dépenses se précise, un problème risque d'apparaître. La publication de ce « hors bilan » constitue un progrès en matière de transparence financière. Dans l'hypothèse centrale, les engagements de retraites de l'État atteindraient ainsi 708 milliards d'euros. Malgré les précautions prises pour l'interpréter, ce chiffre est, malgré tout, impressionnant.

Au-delà du débat sur le provisionnement, la croissance des besoins de financement est une certitude.

Le besoin de transparence est, en effet, renforcé par les perspectives démographiques et financières inquiétantes des régimes de retraite de la fonction publique.

Sur la base de l'hypothèse centrale de stabilité des effectifs de la fonction publique d'État tout au long de la période, les travaux font apparaître un rapport démographique qui se détériore très fortement jusqu'en 2020, et un besoin de financement qui croît assez régulièrement tout au long de la période et correspond, pour le budget de l'État, à la nécessité de dégager chaque année près d'un milliard d'euros supplémentaire par rapport à l'année précédente.

Cette estimation devra être actualisée pour prendre en compte les économies réalisées dans le cadre de la réforme initiée par la loi du 21 août 2003. Ces chiffres illustrent toutefois la force des tendances spontanées tendant à aboutir à un besoin de financement croissant dans le temps.

Rapport démographique corrigé

 

2000

2005

2010

2015

2020

2040

CNAV

1,7

1,7

1,6

1,4

1,3

1,0

Salariés agricoles

0,3

0,3

0,3

0,3

0,2

0,2

AGIRC

2,1

2,0

1,8

1,5

1,4

0,9

ARRCO

1,7

1,8

1,8

1,5

1,4

1,0

IRCANTEC

1,6

1,3

1,0

0,8

0,6

0,3

FPE*

1,6

1,4

1,2

1,1

1,0

0,9

dont civils

1,9

1,6

1,3

1,2

1,1

0,9

dont militaires

0,7

0,7

0,7

0,7

0,7

0,6

CNRACL

2,9

2,5

2,0

1,6

1,3

0,9

* Fonction publique d'État.
Rapport entre le nombre d'actifs et la somme du nombre de droits directs et la moitié du nombre de droits dérivés - pensions de réversion et d'orphelin - dans les différents régimes).
Source : Conseil d'orientation des Retraites. Premier rapport 2001. Tableau n° 6, p. 319.

L'évolution des facteurs démographiques est tout aussi significative.

Les données relatives à la fonction publique de l'État mettent en évidence que la dégradation du rapport démographique est pratiquement exclusivement imputable au sous-ensemble constitué par les fonctionnaires civils (1,9 actifs par retraité en 2000 - 0,9 en 2040) et que cette détérioration s'opère pour l'essentiel d'ici 2020 (ratio de 1,1 en 2020). D'ici 2016, en effet, plus de la moitié des fonctionnaires aujourd'hui en activité auront pris leur retraite. Il faut y voir, par delà les évolutions démographiques générales, l'impact des politiques massives de recrutement menées dans la fonction publique dans les années 60 et 70. Ainsi, alors que le flux annuel de pensions d'ayants droit doit passer de 70.000 en 2001 à 85.000 environ en 2003, pour atteindre 95.000 personnes par an dans la période 2007-2009. En 2020, sur la base de ces projections, le régime des pensions civiles et militaires de retraite compterait autant de pensionnés que d'actifs.

d) L'indispensable création, à terme, d'une caisse de retraite de la fonction publique d'Etat

Le système actuel du financement des retraites des fonctionnaires s'apparente à une « boîte noire ».

Il est difficile de dresser un constat des recettes et dépenses relatives aux retraites des fonctionnaires civils et militaires de l'État, les dépenses étant équilibrées à due concurrence par une subvention d'équilibre dénommée assez improprement « cotisation fictive employeur ».

En effet, la notion de cotisation suppose une assiette à laquelle on applique un taux. L'État est aujourd'hui le propre assureur de ses fonctionnaires.

Formulé à regret, ce constat conduit votre rapporteur à réitérer sa proposition de création « d'un véritable régime de retraite des fonctionnaires de l'État ou son inclusion dans l'actuelle CNRACL, ce qui aurait l'avantage de regrouper dans la même caisse les trois fonctions publiques et de contribuer à une transparence unanimement souhaitée ».

Lors du vote de la loi du 21 août 2003, votre commission avait d'ailleurs adopté un amendement à ce titre qui fut finalement retiré en séance.

Nous considérons que cette démarche, déjà envisagée en 1995 dans le cadre du « plan Juppé » devra être reprise à l'avenir.

D. LE TABOU FRANÇAIS DES « RÉGIMES SPÉCIAUX »

La question des régimes spéciaux nécessite, à l'évidence, une mention particulière dans le cadre de toute analyse de la branche vieillesse. Il s'agit au demeurant d'un véritable tabou français, puisqu'il avait suffi d'évoquer une réforme du régime spécifique de la SNCF pour provoquer des mouvements sociaux d'une ampleur considérable. Nous comprenons que le Gouvernement ait choisi de disjoindre leur cas de celui de l'ensemble des autres assurés sociaux afin de laisser, ici aussi, le temps de dégager, si possible, un diagnostic partagé, grâce au dialogue social.

Nous ne pouvons néanmoins que renouveler nos inquiétudes quant aux perspectives financières alarmantes de ces régimes. Leur pérennité n'est d'ores et déjà plus assurée, et depuis longtemps, que par la mise à la contribution, sous toutes ses formes, de la solidarité nationale.

a) Des origines anciennes

On peut définir les régimes spéciaux comme des dispositifs prenant en charge certains risques et notamment le risque vieillesse, qui sont applicables aux assurés sociaux ne relevant pas du régime agricole et qui accordent des avantages particuliers que l'on ne retrouve pas dans le régime général. Ces régimes sont visés aux articles L. 711-1 et R. 711-1 du code de la sécurité sociale.

Ils ont une origine historique ancienne. Sans même remonter au système de retraite créé par Colbert au profit des marins, une mosaïque de régimes s'est progressivement constituée depuis le XIX e siècle : Banque de France (1806), Comédie Française (1812), Chemin de fer (1855), mines (1894). Ils se sont développés sur une base proche du régime de retraite de la fonction publique.

Malgré l'ambition universaliste de l'ordonnance du 4 octobre 1945, ces régimes ont finalement alors été maintenus à cause de trois facteurs essentiels. En premier lieu, en raison du niveau de protection sociale supérieur à celui offert aux salariés de droit commun, qui pèse naturellement toujours en faveur du statu quo. La seconde raison, elle aussi toujours actuelle, réside dans le caractère de bastion corporatiste de la plupart des grandes entreprises nationales. Organisés sur une base professionnelle restreinte, ces régimes ont la capacité d'exercer une pression très forte sur la puissance publique. L'exemple type est celui de la SNCF, en 1995, où l'opposition syndicale fut acharnée. La dernière raison tiendrait à la pénibilité des travaux réalisés, qui justifierait notamment un âge particulièrement précoce de départ en retraite. Ce facteur fait, en revanche, l'objet de critiques croissantes. Pourquoi le personnel roulant de la SNCF bénéficierait-il aujourd'hui encore d'une retraite à taux plein à l'âge de cinquante ans, alors que leurs conditions de travail n'ont plus rien de comparables avec celles des premières années du XX e siècle ?

Les régimes spéciaux accordent des avantages spécifiques à leurs bénéficiaires et apparaissent, de ce fait, fort coûteux. Compte tenu d'un rapport démographique généralement défavorable, leur service n'est assuré que par des transferts de l'État et la mise à contribution de la solidarité nationale.On remarque à ce propos que dans tous les cas le nombre de cotisants est ou bien sensiblement égal à celui des retraités (de droits directs et de droits dérivés), comme à la RATP et à EDF/GDF, ou bien encore même nettement inférieur, comme à la SNCF ou pour le régime des mines.

Les principaux régimes spéciaux

Régime de prévoyance des marins français

Régime de sécurité sociale des mines

Régime de retraites de la sécurité nationale des chemins de fer (SNCF)

Régime de retraites de la régie autonome des transports parisiens (RATP)

Régime de retraites des agents soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières (EDF-GDF)

Régime de retraites de la Banque de France

Régime de retraites de l'Opéra, de l'Opéra comique et du Théâtre français

 

SNCF

EDF /GDF

RATP

Mines

Nombre de cotisants

178.062

146.811

43.450

17.752

Nombre de retraités de droits directs

193.000

105.835

30.282

221.768

Nombre de retraités de droits dérivés

115.100

41.987

12.347

158.372

Masse des pensions (ME)

4.558

3.179

4.103

2.400

Source : CCSS sept 2003

Les quatre principaux régimes spéciaux de retraite sont ceux de la SNCF, de la RATP, d'EDF/GDF et des mines. Ils totalisent en 2003 une masse de prestations versées de 10,8 milliards d'euros.

b) Une survie artificielle largement assurée aujourd'hui par la solidarité nationale

La difficulté d'équilibrer la situation financière des régimes spéciaux est fournie par l'exemple de la SNCF en 2003 : pour un montant total de 4,58 milliards d'euros de prestations versées, les cotisations ne dépassaient pas 1,72 milliard d'euros soit 38 % du total. Seule la mise à contribution de l'État pour 2,34 milliards d'euros et de la solidarité nationale pour 437 millions d'euros au titre de la compensation, permettent de faire face aux besoins. Ces ressources externes représentent ainsi respectivement 51,81 % et 9,6 % des produits de la branche vieillesse de la SNCF.

La contribution de la solidarité nationale

Les prestations de retraite des régimes spéciaux mettent largement à contribution la « solidarité nationale », et ce sous toutes ses formes : le contribuable, l'usager et les salariés des autres régimes.

A la RATP comme à la SNCF, les ressources propres du régime de retraite spécial, c'est-à-dire les cotisations sociales, ne couvrent que moins de 40 % des prestations servies. Le solde est donc financé par des ressources externes ou par des cotisations fictives de l'employeur.

Régimes bénéficiant d'une subvention budgétaire

Régimes bénéficiant d'une subvention d'entreprise

- SNCF

- RATP

- Mines

- EGF

- ENIM (marins)

- Banque de France

- SEITA

 

- FSPOIE

Une insuffisance de financement structurelle

En matière d'assurance vieillesse, l'effort contributif demandé aux actifs et à leurs employeurs diffère d'un régime à l'autre.

L'effort contributif des salariés est généralement facile à appréhender dans la mesure où il correspond habituellement au taux de la cotisation vieillesse prélevée sur le salaire. Les salariés relevant des régimes spéciaux ou assimilés acquittent leur part de cotisations d'assurance vieillesse selon le pourcentage principal de 7,85 % (fonctionnaire de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics de santé, mineurs, personnels de la RATP et de la SNCF, agents de l'Opéra de Paris et de la Comédie française, ouvriers de l'État notamment). Les taux concernant certaines professions sont toutefois plus élevés. C'est par exemple le cas des marins et des employés et clercs de notaires.

L'effort contributif des employeurs des régimes spéciaux est en revanche très difficile à mesurer. La très grande opacité qui régit la présentation comptable de ces contributions ne facilite pas l'analyse.

Il n'existe aujourd'hui aucun moyen de connaître précisément la situation réelle des régimes spéciaux, dont le financement est assuré par des cotisations fictives d'employeur ou par une subvention d'équilibre : leur solde est, par définition, toujours nul.

Les cotisations fictives mesurent la contribution des employeurs au financement des régimes d'assurance sociale qu'ils organisent eux-mêmes pour leurs propres salariés ou ayants droit. Selon les règles de la comptabilité nationale, les cotisations fictives équivalent aux cotisations que paierait l'employeur s'il existait un régime d'assurance sociale distinct. Elles sont évaluées par le montant des prestations directes versées, net de la retenue éventuellement demandée aux salariés et, le cas échéant, des transferts reçus de l'État et des versements au titre de la compensation.

L'exemple du régime spécial de retraite de la SNCF

Le régime spécial de la SNCF a été étudié par la Cour des comptes dans son rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1997.

Les cotisations constituent moins de 40 % des recettes (38 % en 2003 contre 31,4 % en 1995). Pour le reste, les recettes proviennent de sources extérieures : les compensations tiennent une part décroissante (9,6 % en 2003 contre 18 % en 1995) tandis que la subvention de l'État, relativement stable (2,345 millions d'euros par an) contribue pour plus de la moitié du total (51,8 % en 2003 contre 48,9 % en 1995).

L'exemple du régime spécial de retraite de la RATP

Le régime spécial de la RATP a également été étudié par la Cour des comptes dans son rapport annuel au parlement sur la sécurité sociale de septembre 1997.

S'agissant du financement des retraites de ce régime, les dépenses ont atteint 714,1 millions d'euros en 2003 ; dans le même temps, les cotisations salariales (au taux de 7,85 %) et d'assurance vieillesse n'ont représenté que 271,8 millions d'euros, soit 38 % du total des dépenses.

Il existe donc une insuffisance de financement structurelle, comblée par une dotation complémentaire de la Régie. La Régie a ainsi affecté, au titre de 2003, 439,9 millions d'euros en insuffisance du compte retraites, soit 62 % des dépenses de pensions de l'année correspondante.

S'il est tenu compte des retenues sur salaires, des contributions théoriques de l'employeur et du versement permettant d'équilibrer « le compte de retraites », et si ce montant est comparé à celui de la masse salariale assujettissable à cotisation de retraites, l'effort contributif de la RATP s'établissait selon la Cour des comptes à 54,48 %.

D'autres régimes spéciaux sont financés pour l'essentiel par les contributions des employeurs comme par exemple celui de la Banque de France (cotisations fictives en 1997 : 74 % des ressources).

Tableau comparatif : Structure des recettes des
quatre principaux régimes spéciaux de retraite en 2003

(en millions d'euros)

Régime des mines

EDF/GDF

SNCF

RATP

Produits totaux : 2.378 (100 %)

Produits totaux : 3.196,5 (100 %)

Produits totaux : 4.521,8 (100 %)

Produits totaux : 714,1 (100 %)

Cotisations sociales : 76 (3,2 %)

Cotisations patronales : 2.581,3 (80,7 %)

Cotisations sociales : 1.716,9 (38 %)

Cotisations sociales : 271,8 (38 %)

Compensations : 1.441,5 (60,6 %)

Cotisations salariales : 339,6 (10,6 %)

Compensations 437 : (9,6 %)

Cotisations sociales fictive employeur : 439,9 (61,6 %)

Contributions publiques : 580 (24,4 %)

Contributions publiques : 269,0 (8,4 %)

Contributions publiques 2.345 : (51,8 %)

 

Autres et divers : 280,5 (11,8 %)

Autres et divers : 6,6 (NS)

Autres et divers : 22,9 (NS)

Autres et divers : 2,4 (NS)

Source : CCSS septembre 2003

Difficiles à évaluer, les contributions des employeurs apparaissent variables selon les régimes. Les difficultés prévisibles dues au vieillissement de la pyramide démographique et l'importance des montants en cause rendent plus que jamais nécessaire l'établissement, pour chaque régime, d'un document annuel détaillé retraçant la totalité des dépenses par risque et les sources de leur financement.

c) Les régimes spéciaux doivent être réformés

Il apparaît indispensable, pour trois raisons principales, de procéder à une réforme des régimes spéciaux :

- la dégradation attendue du rapport démographique entre les cotisants et les retraités aura pour effet de porter les déséquilibres financiers à un niveau insupportable ;

- les avantages spécifiques des régimes spéciaux, largement financés par la solidarité nationale, apparaissent supérieurs à ceux des autres assurés sociaux ;

- les régimes spéciaux ont été volontairement placés en dehors des champs de la loi portant réforme des retraites. Ils ne peuvent demeurer indéfiniment à l'écart de l'effort de l'ensemble des assurés sociaux pour sauver la retraite par répartition.

L'accentuation prévisible des déséquilibres financiers des régimes spéciaux à l'avenir risque d'atteindre un niveau insupportable

Evolution des soldes par régime
en milliards d'euros 2000
Solde technique (cotisations-prestations)

 

2000

2010

2020

2040

SNCF

- 2,7

- 2,7

- 2,7

- 3,0

IEG

0,0

- 0,7

- 1,7

- 1,1

RATP

- 0,4

- 0,4

- 0,6

- 0,7

Source : COR juin 2001

Les avantages spécifiques des régimes spéciaux apparaissent de moins en moins justifiés

Plusieurs règles qui différencient le régime général et les régimes spéciaux sont susceptibles de procurer un avantage relatif appréciable à ces derniers :

- les régimes spéciaux permettent des départs anticipés - la répartition des départs au régime général se concentre aujourd'hui autour de deux âges : à 60 ans, âge minimum légal de la retraite, et à 65 ans, où le taux plein est acquis quelle que soit la durée d'assurance ; dans les régimes d'entreprises, l'âge moyen de départ en retraite est de 53,5 ans à la RATP, de 54,1 ans à la SNCF et de 55,6 ans à EDF-GDF ;

- l'importance des bonifications d'annuité - le taux de liquidation dans les régimes d'entreprises est proche de 70 % malgré une durée de cotisation limitée : 120 trimestres à la RATP, 130 trimestres à la SNCF et au régime des industries électriques et gazières (IEG) ; ceci est dû à l'attribution de bonifications de durée d'assurance, qui atteignent en moyenne, pour les personnels masculins, 3,3 ans à la SNCF, 4 ans aux IEG et 5,4 ans à la RATP ; il en résulte que, dans ces régimes, les retraités de moins de 60 ans représentent entre 15 et 25 % du total des pensions de droit direct.


Les avantages spécifiques des régimes de retraite de la SNCF, d'EDF-GDF

 

SNCF

EDF-GDF

Calcul de la retraite

2 % du salaire moyen (hors primes) sur les six derniers mois d'activité
x nombre d'années de service

2 % du dernier salaire (y compris certaines primes)
x nombre d'années de service

Age minimal de départ en retraite

55 ans
(sauf agents de conduite 50 ans) après 25 ans de service

60 ans
nombreuses possibilités de partir à 55 ans

Nombre d'années de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein

37,5 ans
pas de décote si durée inférieure
bonifications

37,5 ans
pas de décote si durée inférieure
bonifications

SNCF - Le départ à la retraite se fait à 55 ans pour les cheminots et à 50 ans pour les agents de conduite. Les premiers, ceux qui ont pu commencer à cotiser dès 18 ans, totalisent alors 37 années de cotisation, et touchent une pension équivalente à 74 % de leur salaire. Les agents de conduite (qui ne peuvent cotiser que durant 32 ans) bénéficient d'une bonification, de sorte que cinq années de cotisation à la traction comptent pour six. La pension moyenne des retraites de la SNCF est de 1.382 euros mensuels.

RATP - Le calcul est calqué sur celui des fonctionnaires. L'âge de départ est fixé à 60 ans pour les « tertiaires », à 55 ans pour les personnels de maintenance, et à partir de 50 ans pour les roulants s'ils totalisent 25 ans de service. Le montant moyen des pensions est de 1.642 euros par mois.

Comment réformer les régimes spéciaux ?

La solution ayant les faveurs des organisations syndicales consiste à augmenter les taux de cotisation. Compte tenu des niveaux très élevés des avantages spécifiques et des besoins de financement à venir, nous ne considérons pas ce schéma comme étant réaliste.

Il nous semble possible, en revanche, de développer une réflexion sur les axes suivants :

Moderniser la gestion et améliorer la transparence

- créer des organismes de sécurité sociale spécifiques pour gérer les régimes spéciaux comme le proposait le plan Juppé. Une telle réforme permettrait d'associer les représentants du personnel à la gestion du régime et d'améliorer la lisibilité de la transparence des comptes ;

- transformer les subventions d'équilibre de l'État en cotisations de sécurité sociale.

Assurer l'égalité de traitement avec les assurés du régime général

- transposer l'allongement de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une pension à taux maximal en faisant baisser les droits acquis chaque année de 2 % à 1,875 % ;

- revaloriser les pensions sur l'inflation, comme dans le régime général et - depuis la loi du 21 août 2003 - dans les trois fonctions publiques.

Maîtriser les dépenses

- agir sur les départs intervenant avant l'âge de 60 ans, hors cas spécifiques ;

- réexaminer les départs anticipés des catégories dites actives.

Intégrer progressivement ces régimes dans le cadre du régime général .

Il s'agirait ici de fermer aux nouveaux entrants l'accès à ces régimes spéciaux pour les réserver aux seuls salariés et retraités actuels de ces entreprises.

*

* *

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ne comprend qu'un seul article, l'article 53, consacré à l'assurance vieillesse et qui fixe l'objectif de dépenses de la branche vieillesse et veuvage pour 2004 à 146,6 milliards d'euros.

Sous réserve des observations qui précèdent et de l'amendement qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour ses dispositions relatives à l'assurance vieillesse.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

A. AUDITION DE M. MICHEL LAROQUE, PRÉSIDENT, ET M. JACQUES LENAIN, DIRECTEUR DU FONDS DE SOLIDARITE VIEILLESSE (FSV) ET DU FONDS DE FINANCEMENT DE LA RÉFORME DES COTISATIONS PATRONALES DE SÉCURITÉ SOCIALE (FOREC)

Réunie le mardi 21 octobre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a entendu M. Michel Laroque, président, et M. Jacques Lenain, directeur du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).

A titre liminaire, M. Michel Laroque a indiqué que les perspectives portant sur les résultats du FSV pour l'année 2004 sont meilleures que les chiffres définitifs attendus pour l'année 2003, en raison d'une hausse prévisible importante du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) dont le fonds bénéficie. Mais il a aussitôt précisé que cette amélioration ne serait pas suffisante pour reconstituer les réserves du fonds, et qu'une détérioration de la situation de l'emploi pourrait dégrader la situation. Il a considéré, en tout état de cause, que le maintien ultérieur des ressources au niveau actuel n'était pas acquis et que l'année 2005 risquait de se présenter sous un jour moins favorable.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a rappelé que le récent vote de la loi portant réforme des retraites avait permis d'attribuer au FSV des « recettes de poche » supplémentaires. Plus généralement, il s'est interrogé sur les perspectives d'avenir de ce fonds et a demandé comment il avait fait face aux déficits des dernières années.

Revenant sur l'origine des difficultés actuelles, M. Jacques Lenain a tout d'abord rappelé que, depuis sa création voici dix ans, le FSV avait dégagé, jusqu'à l'année 2000, un résultat équilibré ou excédentaire et que le montant des réserves accumulées s'établissait alors à 1,6 milliard d'euros. Il a constaté qu'après un premier déficit, d'un montant limité en 2001, l'année 2002 avait été marquée par une inversion brutale de tendance : une hausse des dépenses de 6 %, conjuguée à une diminution de 5 % des recettes, avait alors provoqué un déficit de 1,353 milliard d'euros, supérieur aux réserves cumulées du fonds. Il a noté que la situation nette du fonds était ainsi devenue négative, à hauteur de 122 millions d'euros, à la fin de l'année 2002, et que les perspectives pour l'année 2003 semblaient moins favorables que les prévisions initiales, en raison notamment d'un moindre dynamisme des recettes tirées de la CSG.

M. Jacques Lenain a mis en avant l'impact de la conjoncture économique sur l'augmentation de la prise en charge au titre des cotisations chômage et de préretraite, qui constitue la moitié des dépenses du FSV : leur montant devrait, en effet, passer de 6,2 milliards d'euros en 2002 à 6,8 milliards d'euros en 2003. Il a précisé que, grâce à l'apport de la C3S, le montant global des recettes devrait s'accroître de 11 % tandis que le rythme d'accroissement des dépenses serait limité à 6 %. Il a estimé que cette évolution favorable ne permettrait, au demeurant, que de contenir le déficit de l'année 2003 entre 850 et 900 millions d'euros, tandis que le solde négatif des réserves continuerait à se détériorer pour atteindre 984 millions d'euros.

Sur les perspectives du FSV pour l'année 2004, il a estimé que la hausse prévue de 13 % pour les recettes et de 1 % pour les dépenses devrait se traduire par un excédent de 683 millions d'euros permettant, sinon d'apurer la totalité du déficit cumulé, du moins de le limiter à 300 millions d'euros. Il a expliqué que la raison principale de cette amélioration résidait dans le doublement attendu des recettes de la C3S, qui passeraient de 920 millions d'euros en 2003 à 1,9 milliard d'euros en 2004.

Il a ensuite exposé les techniques auxquelles le FSV avait eu recours pour faire face à cette situation de trésorerie très difficile. Il a ainsi rappelé que le fonds était lié aux différentes caisses de retraite, et essentiellement à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), par des conventions fondées sur des systèmes d'acomptes infra-annuels. Il a déclaré que le FSV avait été conduit à minorer ces acomptes et que les régularisations correspondantes, atteignant dans le cas de la CNAV pour l'année 2002 un montant de 570 millions d'euros, seraient versées non pas en 2003 mais en 2004. Il a reconnu que, pour respecter l'interdiction d'afficher une trésorerie négative, il avait fallu en réalité ralentir le rythme des dépenses. Il a également précisé que les versements de la C3S pouvaient intervenir à des dates choisies, ce qui offrait ici aussi une certaine souplesse de gestion.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a constaté que la situation actuelle de la CNAV permettait au FSV, provisoirement, d'avoir recours à ce qui apparaît comme un « équilibre des déséquilibres ». Mais dans la perspective d'une dégradation attendue, pour l'avenir, des comptes de la CNAV, il s'est interrogé sur la pérennité de ce type de montage.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, a demandé à MM. Michel Laroque et Jacques Lenain s'il était possible de reconstituer ce que serait aujourd'hui la situation du FSV, si le périmètre de ce dernier était resté conforme à sa vocation initiale et n'avait pas fait l'objet de modifications successives.

M. Jacques Lenain a répondu qu'une telle étude n'avait pas été réalisée, mais que l'on disposait, en revanche, d'un bilan des transferts pour la seule période 2000-2003, réalisé par la direction de la sécurité sociale, qui s'établissait à - 2,7 milliards d'euros.

M. Alain Vasselle a considéré que le FSV avait donc effectivement servi de variable d'ajustement pour les finances sociales.

M. Dominique Leclerc s'est interrogé sur l'impact que pouvait avoir la modification des conditions d'attribution de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) sur le FSV.

M. Jacques Lenain a indiqué que l'incidence exacte de la réforme de l'ASS n'avait pas encore été évaluée. Il a toutefois estimé que cette mesure devrait correspondre, pour le FSV, à une économie de l'ordre de 200 millions d'euros.

M. Michel Laroque a rappelé que les dépenses du FSV relatives à la prise en charge du service national avaient tendance à disparaître.

M. Jacques Lenain a mis en avant le caractère provisoire du niveau attendu, en 2004, pour la recette C3S. Il a considéré qu'il sera en conséquence nécessaire, en 2005, de repenser les équilibres généraux du fonds.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, a demandé à M. Michel Laroque de préciser le montant du solde cumulé prévisionnel du FOREC au 31 décembre 2003, ainsi que la nature et le montant des principaux écarts en recettes et dépenses enregistrés par ce fonds au cours de l'année par rapport aux prévisions votées lors de la loi de financement initiale. Il a également souhaité savoir comment le FSV, organisme liquidateur du FOREC, procédera pour transférer les droits et obligations de ce fonds à l'Etat, en l'absence du remboursement par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) de la dette du FOREC à l'égard des organismes de sécurité sociale.

M. Michel Laroque a précisé qu'il n'appartenait pas au FSV, effectivement organisme liquidateur du FOREC, de connaître les modalités de son apurement puisque la dette était constituée antérieurement à la création juridique du FOREC en 2001.

M. Jacques Lenain a rappelé que si le FOREC avait été doté de six recettes fiscales la première année de son exercice, il en comptait aujourd'hui huit au total. La plus importante provient d'une large part de la taxe de consommation sur les tabacs, suivie de la taxe de consommation sur les alcools, puis d'une série de taxes ou de fractions de taxes, portant sur les contributions à la prévoyance, les conventions d'assurance, les véhicules terrestres à moteur, les activités polluantes, les véhicules de société et la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés. Il a précisé que les prévisions pour l'année 2003 laissent apparaître une diminution des recettes concomitante à une diminution des dépenses. La première étant toutefois supérieure à la seconde, le FOREC présenterait, en 2003, un résultat déficitaire d'environ 220 millions d'euros, ce qui constitue une situation atypique puisque le solde devrait être équilibré par construction. Il a souligné, toutefois, que les exercices 2001 et 2002 du FOREC ayant été excédentaires, respectivement de 265 et 224 millions d'euros, le solde cumulé de ce fonds au 31 décembre 2003 pourrait s'élever finalement à 266 millions d'euros.

Il a rappelé, à ce titre, que les projets de loi de financement de la sécurité sociale et de finances pour 2004 proposant de transférer, au 1 er janvier 2004, les droits et obligations du FOREC à l'Etat, le solde positif du FOREC sera versé au budget général.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, s'est interrogé sur la légitimité d'un retour du solde du FOREC au budget général au regard des conditions initiales d'abondement de ce fonds, largement doté par des recettes distraites aux organismes de sécurité sociale. Il a en outre demandé à M. Michel Laroque les raisons justifiant l'absence de références au service de liquidation dans le projet de financement de la sécurité sociale, alors que ces dispositions figuraient dans la version initiale du projet transmise pour avis aux organismes de sécurité sociale.

En réponse à M. Alain Vasselle, rapporteur, M. Michel Laroque a confirmé que le projet transmis aux caisses détaillait les conditions de liquidation du FOREC alors que le projet déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale demeurait très elliptique à ce sujet, laissant sans doute au décret le soin d'en préciser les modalités. Il a toutefois souligné, qu'en l'état, le projet de loi dispose que la liquidation sera effective au 1 er janvier 2004 sans préciser si cette date inclut une période complémentaire d'inventaire.

M. Claude Domeizel a souhaité savoir pourquoi les recettes et les dépenses n'avaient pas évolué conformément aux prévisions retenues lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

M. Jacques Lenain a indiqué que les dépenses correspondant aux allégements de cotisations sociales « Aubry II » avaient été inférieures de 650 millions d'euros aux prévisions, ce qui s'expliquait très logiquement par la baisse des demandes anticipant sur la suppression du FOREC. Dans le même temps, les ressources provenant des droits de consommation sur les tabacs ont été minorées de 850 millions d'euros, en raison d'une baisse non négligeable de la consommation. Par conséquent, le FOREC accuserait un déficit supérieur à 200 millions d'euros.

M. Jean Chérioux a demandé à M. Michel Laroque s'il pouvait évaluer la charge financière totale résultant, pour le FOREC, de la mise en place des 35 heures.

M. Jacques Lenain a estimé la charge des allégements « Aubry I et II » intervenant au titre de la réduction du temps de travail à 25,6 milliards d'euros, soit 8,79 milliards d'euros en 2001, 10,55 milliards d'euros en 2002 et 6,3 milliards d'euros pour le premier semestre 2003.

B. AUDITION DE MM. MARCEL LESCA, VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION ET PATRICK HERMANGE, DIRECTEUR DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAVTS)

Réunie le mercredi 5 novembre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a entendu MM. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration et Patrick Hermange, directeur de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 .

Après avoir prié de vouloir bien excuser l'absence de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la CNAVTS, M. Nicolas About, président , a invité MM. Marcel Lesca et Patrick Hermange à porter à la connaissance de la commission les réactions des membres du conseil d'administration de la CNAVTS sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Après avoir rappelé les positions exprimées, à cette occasion, par les partenaires sociaux, M. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration de la CNAVTS, a précisé que le décompte des voix s'était établi de la façon suivante : cinq voix pour [Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), deux voix ; Union professionnelle artisanale (UPA) trois voix], neuf voix contre [Confédération générale du travail (CGT), trois voix ; Confédération française démocratique du travail (CFDT), trois voix ; Force ouvrière (FO), trois voix], quatre voix prenant acte [Confédération générale des cadres (CGC), deux voix ; personnes qualifiées deux voix].

M. Nicolas About, président, a demandé si l'ensemble des partenaires sociaux avait approuvé la suppression du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).

M. Patrick Hermange, directeur de la CNAVTS, a précisé que la satisfaction liée à la suppression du FOREC avait été tempérée par deux observations. Il a évoqué, en premier lieu, les ressources qui relevaient de l'assurance maladie avant d'être affectées au FOREC, pour regretter que ces taxes sur les alcools et les tabacs ne soient pas restituées à la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Il a mentionné, en second lieu, les dettes du FOREC, pour estimer que, s'il était normal qu'elles soient honorées, la mise à contribution de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), et donc des assurés sociaux qui payent la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), pour financer les allégements de charge, semblait contestable.

Il a jugé intéressante l'idée de la création d'un comité des finances sociales, introduite à l'Assemblée nationale par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Il a considéré que cette innovation pourrait contribuer à instaurer plus de transparence si, parallèlement, la disparition du FOREC se déroulait dans de bonnes conditions.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , a considéré que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 constituait bien un texte de transition. Il s'est également réjoui de la clarification apportée par la suppression du FOREC, tout en partageant les appréciations de M. Patrick Hermange sur le sort réservé aux ressources du FOREC précédemment attribuées à la CNAM.

Il a considéré que la création d'un comité des finances sociales pourrait représenter une avancée vers plus de transparence, à condition que l'utilisation de la CRDS ne se traduise pas par de nouveaux mécanismes financiers qui pourraient s'apparenter aux « tuyauteries » dénoncées par la commission sous la précédente législature.

Par ailleurs, il a fait état de la parution, au Journal Officiel, du décret déterminant les conditions d'application de l'article 29 de la loi portant réforme des retraites du 21 août 2003 consacré aux salariés ayant débuté leur activité professionnelle à quatorze, quinze ou seize ans. Il a observé que les discussions menées avec les partenaires sociaux avaient conduit à un assouplissement du dispositif, autorisant la prise en compte partielle des périodes de maladie et de service militaire. Revenant sur le coût financier de ces dispositions, qui permettent aux salariés ayant eu une carrière longue de liquider leur pension de retraite avant l'âge de soixante ans, il a souligné que la CNAVTS ne dégagerait pas d'économies nettes avant l'année 2008. En effet, la priorité des premières années d'application de la réforme des retraites consistait à corriger l'injustice de certaines situations.

Il a ensuite interrogé MM. Marcel Lesca et Patrick Hermange sur le chiffrage précis de ces dispositions.

M. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration de la CNAVTS, a estimé que, sur une base de 156.000 demandes à satisfaire, le coût en année pleine devait être de l'ordre de 1,35 milliard d'euros. Il a ajouté que ce montant pourrait être limité à 1,05 milliard d'euros en 2004, dans le cas où la mesure n'entrerait en vigueur que dans le courant de l'année.

M. Patrick Hermange, directeur de la CNAVTS, a précisé que ces calculs étaient fondés sur une hypothèse de 160.000 à 170.000 personnes éligibles aux conditions d'accès, dont 90 % solliciteraient le bénéfice du dispositif. Il a observé que ces estimations ne prenaient en compte que les seuls salariés du régime général et pouvaient varier fortement en raison de la difficulté à évaluer précisément le nombre de personnes qui choisiraient d'en bénéficier.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , s'est interrogé sur les conséquences de ces dispositions sur les comptes de la CNAVTS. Il a noté que la dégradation attendue se traduirait également par une diminution des abondements au Fonds de réserve des retraites (F2R).

M. Marcel Lesca a précisé que le résultat attendu pour la CNAVTS en 2003 serait positif et devrait s'établir à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Pour l'année 2004, il a annoncé que les prévisions tablaient sur un déficit de 200 millions d'euros, pour tenir compte des conséquences de la loi sur les retraites, sans laquelle le résultat aurait été bénéficiaire d'environ 600 millions d'euros.

M. Nicolas About, président , a relevé que cet écart de 800 millions d'euros entre les années 2003 et 2004 ne correspondait pas exactement au coût du dispositif « carrières longues » chiffré à 1,05 milliard d'euros par M. Marcel Lesca. Il s'est interrogé sur les raisons de cette différence.

M. Patrick Hermange, directeur de la CNAVTS, a précisé que les chiffres de la CNAVTS conduisaient de fait à une prévision de déficit pour 2004 supérieure à 200 millions d'euros, et vraisemblablement comprise entre 300 à 400 millions d'euros, montant dont M. Marcel Lesca a précisé qu'il incluait le coût des mesures prises en faveur de la réversion.

M. Nicolas About, président, a fait remarquer que ces prévisions permettaient d'évaluer le coût de la réforme des retraites, pour la CNAVTS, à 900 millions d'euros environ.

Il a ensuite demandé à MM. Marcel Lesca et Patrick Hermange de préciser les perspectives financières de la CNAVTS pour l'année 2005.

M. Patrick Hermange a observé que, si l'on s'en tient aux hypothèses retenues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale d'une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 3 % et de la masse salariale de 4,7 %, la CNAVTS devrait être excédentaire en 2005 et en 2006. Il a toutefois indiqué que, selon d'autres hypothèses moins favorables et sans doute plus réalistes, la CNAVTS devrait afficher un résultat déficitaire, et ce jusqu'à la hausse de 0,2 % des cotisations vieillesse prévue en 2006. Il a également déclaré partager l'appréciation de M. Dominique Leclerc sur le fait que la réforme des retraites ne permettrait, pour la CNAVTS, de dégager des économies qu'à moyen terme.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, s'est ensuite interrogé sur la réaction de la CNAVTS au maintien de la modification introduite en 2002, consistant à intégrer les chômeurs dans ses effectifs pour le calcul de la compensation démographique.

M. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration de la CNAVTS, a souligné que le coût de cette mesure représentait, en 2003, une mise à contribution de la CNAVTS à hauteur de 873 millions d'euros. Il a rappelé que son conseil d'administration avait en son temps désapprouvé cette modification. Il a constaté que le Gouvernement avait néanmoins pris cette année l'engagement de reconsidérer, dans le cadre d'une négociation avec les partenaires sociaux, l'ensemble des modalités de la compensation démographique.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , a jugé que les règles actuelles de la compensation démographique aboutissaient à en discréditer le principe même. Il a regretté que la modification ponctuelle opérée l'an passé ait essentiellement pénalisé la CNAVTS.

M. Patrick Hermange, directeur de la CNAVTS, a estimé que la CNAVTS serait demeurée bénéficiaire en 2004, et sans doute également l'année suivante, si cette disposition n'avait pas été introduite. Il a souligné qu'il ne s'agissait pas uniquement d'une modalité technique intervenant dans le cadre du calcul de la compensation, mais d'un dispositif affectant les équilibres globaux de la Caisse.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a ensuite évoqué la question des régimes spéciaux de retraite qui, s'ils ne rassemblent que 5 % des effectifs des assurés sociaux, mobiliseront à l'avenir, à eux seuls, 20 % des besoins de financement de l'assurance vieillesse. Il a considéré que leur maintien à l'écart de la réforme des retraites poserait un problème aussi bien en termes de crédibilité que de justice. Il a également mentionné la situation des 112.000 employés d'Electricité de France - Gaz de France (EDF-GDF), dont les engagements de retraite à venir pourraient atteindre 44 milliards d'euros. Il a rappelé qu'EDG-GDF devrait prochainement se conformer à de nouvelles règles comptables l'obligeant à provisionner ces « engagements hors bilan ». Il a jugé qu'un adossement sur la CNAVTS, d'une part, et sur les régimes complémentaires Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et Association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO), d'autre part, était indispensable.

M. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration de la CNAVTS, a précisé que le conseil d'administration de la CNAVTS n'avait pas encore été saisi de cette question, mais qu'un comité de pilotage avait entamé des travaux à ce sujet.

M. Patrick Hermange, directeur de la CNAVTS, a confirmé que ce dossier n'en était encore qu'à un stade préliminaire d'investigations techniques. Il a observé que la CNAVTS avait déjà réalisé, dans le passé, l'intégration de plusieurs régimes, mais qu'il s'agissait ici de bâtir un système original, reprenant l'esprit du relevé de conclusions signé avec les partenaires sociaux d'EDF-GDF en décembre 2002. Il a précisé que cette construction visait à mettre en oeuvre un adossement qui ne s'affichait toutefois pas comme une intégration. Il a indiqué qu'une caisse spéciale, dénommée Industrie électrique et gazière (IEG) pension, devrait faire le lien entre les salariés d'EDF-GDF et le régime général, tandis qu'un « régime chapeau » continuerait à assurer les prestations correspondant aux avantages spécifiques de la branche.

Il a considéré qu'il était prématuré, à ce stade, d'avancer des données chiffrées, mais qu'un important travail de simulations actuarielles était en cours. Il a précisé que les principaux points à trancher au cours du débat, tant à la CNAVTS que dans les régimes complémentaires, étaient les suivants : le montant de la contribution financière à acquitter par EDF-GDF lors de la mise en oeuvre de l'adossement ; la nature même d'un adossement « ad hoc » sans réelle intégration ; le montant des cotisations et les garanties à accorder au régime général pour la mise en oeuvre de l'opération.

M. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration de la CNAVTS, a relevé l'importance de ces données sur le plan politique, aussi bien que financier.

Puis M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , s'est interrogé sur la date à laquelle serait publié le décret prévu par la loi portant réforme des retraites, afin de préciser les conditions de rachat des années d'études. Il a demandé à M. Patrick Hermange si, à sa connaissance, la référence choisie comme base de calcul serait celle des premières années de cotisation.

M. Patrick Hermange, directeur de la CNAVTS, a indiqué que ces décrets ne devraient pas être publiés avant le mois de décembre et que les délais apparaissaient désormais particulièrement courts pour permettre une mise en oeuvre à partir du 1 er janvier 2004.

M. Jean Chérioux a insisté sur le vote négatif émis par le conseil d'administration de la CNAVTS au sujet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Il a constaté que cet avis avait d'ailleurs été, au cours des dernières années, fréquemment défavorable. Il a demandé à quand remontait son dernier vote favorable à un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a également observé que la simple juxtaposition des déclarations des organisations membres du conseil d'administration ne permettait pas d'appréhender une position d'ensemble.

S'agissant du régime spécial d'EDF-GDF, il a constaté que M. Patrick Hermange avait formulé une réponse intéressante et habile à la question de M. Dominique Leclerc, sans toutefois communiquer d'informations chiffrées à ce sujet. Il a regretté que la représentation nationale ne dispose pas de ces données, pourtant essentielles, et affirmé que l'explication consistant à dire que le Gouvernement n'avait pas encore précisé ses intentions n'était pas satisfaisante.

M. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration de la CNAVTS, a répondu que l'exemple du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 montrait que le conseil d'administration de la CNAVTS n'avait pas systématiquement émis un avis défavorable. A titre personnel, il a également salué le rôle constructif de l'organisation qui est la sienne : l'UPA. Il a enfin formulé le voeu que le comité de pilotage qui travaille aux modalités d'adossement d'EDF-GDF élabore des propositions constructives.

M. Nicolas About, président, a précisé, pour répondre aux préoccupations exprimées par M. Jean Chérioux, que la commission veillerait à réclamer les données chiffrées dont elle jugera utile de disposer.

M. Gilbert Chabroux a constaté que, seul, un article du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 était consacré à l'assurance vieillesse, se demandant s'il fallait en conclure que le débat sur les retraites était clos, ce qui n'est pas son sentiment. Il a rappelé avoir affirmé, lors des débats pour l'adoption de la loi portant réforme des retraites, que ce dossier n'était pas réglé. Il a enfin observé que, contrairement aux années précédentes, la CNAVTS allait afficher, pour 2004, des résultats déficitaires et qu'il y voyait la preuve que la réforme des retraites n'avait pas été menée de la façon la plus adéquate.

M. Nicolas About, président , a exposé que le caractère juste et équilibré de la réforme des retraites expliquait précisément cette évolution des comptes de la CNAVTS.

M. Gilbert Chabroux s'est également interrogé sur l'avenir du Fonds de réserve des retraites (F2R). Il a déploré que, plutôt que de procéder à des abondements du F2R, le Gouvernement ait choisi d'accorder la priorité aux avantages fiscaux destinés à assurer l'essor des nouveaux plans d'épargne-retraite.

S'agissant de la question de la préparation de la retraite, M. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration de la CNAVTS, a mis en avant la nécessité de changer les mentalités et de convaincre chaque individu d'engager une réflexion à ce sujet le plus tôt possible au cours de sa vie professionnelle.

En réponse à M. Gilbert Chabroux, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a estimé que le but de la loi du 21 août 2003 consistait précisément à garantir l'avenir de la retraite par répartition. Il a observé que le F2R ferait, dès que possible, l'objet d'abondements sous la forme de recettes de privatisation.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, s'est interrogé sur l'apport que pouvait offrir le comité des finances sociales et sur l'opportunité de créer cette structure dès aujourd'hui, plutôt que de l'intégrer dans le cadre de la réforme globale à venir de l'assurance maladie.

M. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration de la CNAVTS, a précisé qu'il n'avait pris connaissance de cette initiative qu'après le vote de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale. Il s'est demandé si le comité des finances sociales aurait vocation à remplacer la commission des comptes de la sécurité sociale, dans la mesure où ces deux structures semblaient faire double emploi.

M. Patrick Hermange, directeur de la CNAVTS, a confirmé qu'il lui apparaissait douteux que ces deux organismes coexistent, estimant que ce comité des finances sociales pourrait contribuer à instaurer plus de transparence dans les finances sociales. Il lui a semblé, en outre, que le domaine de compétences de la commission des comptes de la sécurité sociale, eu égard notamment au rôle croissant des conseils généraux dans le cadre du revenu minimum d'insertion - revenu minimum d'activité (RMI-RMA) et de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), apparaissait désormais étroit, par rapport à l'ensemble de la protection sociale.

Il a précisé néanmoins qu'il adhérait largement aux analyses développées par M. Alain Vasselle. Il a estimé que la mise en place rapide de ce comité des finances sociales s'avèrerait positive pour ce qui concerne la transparence et les relations avec l'État. Il doutait toutefois qu'il en aille de même pour la réalisation des projections et des estimations financières, actuellement diffusées par la commission des comptes de la sécurité sociale. Il a également jugé que ce comité des finances sociales aurait vraisemblablement intérêt à s'ouvrir rapidement sur d'autres acteurs sociaux, comme par exemple les mutuelles.

Rapport sur le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2004

Sommaire abrégé

Tome I - Équilibres financiers généraux et assurance maladie
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

Exposé général sur les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie

Travaux de la commission - Auditions de :

- MM. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , Christian Jacob, ministre délégué à la famille et Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ;

- MM. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes , Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre et Christian Babusiaux, conseiller maître à la 6 e chambre ; Mme Catherine Démier , conseillère référendaire, secrétaire générale adjointe et M. Renaud Séligmann, auditeur à la 6 e chambre ;

- M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la CNAMTS ;

- MM. Pierre Burban, président du conseil d'administration de l'ACOSS et Frédéric Van Roeckeghem , directeur général ;

- MM. Michel Laroque, président du conseil d'administration du FSV et du FOREC et Jacques Lenain , directeur.

Annexe :

- Réponses de la Cour des comptes au questionnaire de la commission

Tome II - Famille
( Rapporteur : M. Jean-Louis Lorrain )

Exposé général sur la famille

Travaux de la commission - Audition de :

- Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la CNAF

Tome III - Assurance vieillesse
( Rapporteur : M. Dominique Leclerc)

Exposé général sur l'assurance vieillesse

Travaux de la commission - Auditions de :

- MM. Michel Laroque, président du conseil d'administration du FSV et du FOREC et Jacques Lenain , directeur ;

- MM. Marcel Lesca, vice-président du conseil d'administration de la CNAVTS et Patrick Hermange, directeur.

Tome IV - Accidents du travail et maladies professionnelles
( Rapporteur : M. André Lardeux)

Exposé général sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

Tome V - Examen des articles
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

Commentaire des articles et propositions d'amendements

Travaux de la commission - Examen du rapport

Tome VI - Tableau comparatif
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

* 1 Selon le rappel qu'il en faisait lui-même le 21 mars 2000 dans sa « déclaration sur l'avenir des retraites ».

* 2 Lettre de mission à M. Jean-Michel Charpin - 29 mai 1998.

* 3 M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, devant la commission des Affaires sociales, le 6 février 2003.

* 4 Cf. audition de M. Marcel Lesca et de M. Patrick Hemange.

* 5 Article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

* 6 Cf. Audition de M. Jacques Lenain.

* 7 Rapport d'information n° 858, douzième législature, mai 2003.

* 8 Prévoir l'évolution des taux d'activité aux âges élevés : un exercice difficile », Economie et statistique, n os 355-356, 2002

* 9 DARES, premières synthèses n° 28- 21 juillet 2003.

* 10 Premières informations et premières synthèses, avril 2002, n° 15-1.

* 11 Maladie, vieillesse et famille.

* 12 Cet âge reste celui de la retraite dans deux régime :les professions libérales et les ministres des cultes.

* 13 C'est le cas de la SNCF et de la RATP.

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