ARTICLE 69 septies (nouveau)

Extension du régime d'abattement de la taxe professionnelle en faveur des diffuseurs de presse

Commentaire : le présent article vise à étendre à l'ensemble des collectivités territoriales la faculté, actuellement limitée à celles relevant de certaines zones économiquement fragiles, de consentir aux diffuseurs de presse, sur délibération de portée générale, un abattement de leur base de taxe professionnelle, dont le montant serait par ailleurs réévalué à 1.600, 2.400 ou 3.200 euros (au lieu de 1.524 euros), au choix des collectivités concernées.

I. LE DROIT EXISTANT

Conformément aux dispositions de l'article 1458 du code général des impôts, les « éditeurs de feuilles périodiques » et, sous certaines conditions, les agences de presse ainsi que (depuis le 1 er janvier 1995) les correspondants locaux de presse locale et départementale sont exonérés de taxe professionnelle, le coût de cette exonération étant, selon notre collègue Claude Belot, rapporteur spécial des crédits de la presse, pratiquement stable depuis 1999, autour de 180 millions d'euros par an.

En revanche, les grossistes en presse ne bénéficient en matière de taxe professionnelle d'aucun régime spécifique, tandis que les diffuseurs de presse au détail bénéficient d'un régime de faveur d'une portée relativement limitée .

En effet, les diffuseurs de presse au détail ne sont pas exonérés de taxe professionnelle, mais les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent leur appliquer par une délibération de portée générale un abattement de 1.524 euros sur leur base d'imposition à la taxe professionnelle dans des zones limitativement énumérées :

- les zones d'aménagement du territoire éligibles à la prime d'aménagement du territoire (PAT), qui sont désormais définies par le décret n° 2001-312 du 11 avril 2001 ;

- les territoires ruraux de développement prioritaire définis par le décret n° 94-1139 du 26 décembre 1994, modifié par les décrets n° 96-119 du 14 février 1996 et n° 99-339 du 28 avril 1999 ;

- les zones de redynamisation urbaine (ZRU) définies par les décrets n° s 96-1157 et 96-1158 du 26 décembre 1996.

Ce régime d'abattement résulte de l'article 79 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995), codifié à l'article 1469 A quater du code général des impôts. Il concerne l'établissement principal des « personnes physiques ou morales qui vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits au conseil supérieur des messageries de presse ».

Le montant de cet abattement , initialement fixé à 10.000 francs (soit 1.524,49 euros) et arrondi à la baisse à 1.524 euros au moment du passage à l'euro, n'a pas été réévalué depuis 1996 .

Il convient cependant de préciser que cet abattement s'impute sur les bases brutes d'imposition notifiées aux collectivités territoriales, c'est à dire notamment après l'abattement général à la base de 16 % prévu par l'article 1472 A bis du code général des impôts.

II. LA PROPOSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte d'un amendement présenté par notre collègue député Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial des crédits de la presse à la commission des finances de l'Assemblée nationale, auquel celle-ci puis le gouvernement ont donné un avis favorable, ce dernier levant le gage. Il propose :

- d'une part, de « dézoner » la faculté pour les collectivités territoriales et leurs groupements de consentir aux diffuseurs de presse un abattement de taxe professionnelle, c'est à dire de supprimer la condition d'implantation de l'établissement principal des bénéficiaires dans une zone d'aménagement du territoire, un territoire rural de développement prioritaire ou une zone de redynamisation urbaine ;

- d'autre part, de prévoir trois niveaux d'abattement de base possibles, à savoir 1.600 euros, 2.400 euros et 3.200 euros, au lieu du montant actuellement en vigueur de 1.524 euros.

En d'autres termes, le présent article propose à la fois d'étendre à l'ensemble du territoire national la faculté pour les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre de consentir un abattement de taxe professionnelle aux diffuseurs de presse et d'instaurer trois niveaux d'abattement possibles .

Il convient d'observer que, s'agissant de diffuseurs de presse exerçant d'autres activités, ce qui est le cas de la très grande majorité d'entre eux 118 ( * ) , cet abattement porterait pour des raisons techniques évidentes sur l'ensemble de leurs bases de taxe professionnelle et non pas seulement sur celles qui sont liées à leurs seules activités de diffusion de presse.

A supposer que toutes les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre concernés choisissent d'accorder aux diffuseurs de presse le bénéfice de l'abattement à hauteur de 1.600 euros, l'ordre de grandeur du coût de la mesure pour les finances locales pourrait être proche de la dizaine de millions d'euros .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A titre liminaire, il convient de souligner que le dispositif proposé s'inscrit bien dans le cadre du principe d'autonomie fiscale consacré par l'article 7 de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. En effet :

- l'abattement de la base de taxe professionnelle est une faculté offerte aux collectivités territoriales et à leurs groupements dotés d'une fiscalité propre sur délibération de portée générale, et le fait d'arrondir à 1.600 euros (au lieu de 1.524 euros) le montant minimal de cet abattement ne porte guère atteinte aux recettes des collectivités qui l'ont déjà consenti dans le cadre du droit en vigueur, dans la mesure où ce montant de 1.600 euros est légèrement inférieur à celui de 1.524 euros réévalué de l'inflation observée depuis l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 1996 (soit plus de 13 % sur la période 1996-2003) ;

- l'exercice de cette faculté par les collectivités territoriales ou leurs groupements dotés d'une fiscalité propre ne donne lieu à aucune compensation de la part de l'Etat .

D'un point de vue technique, il convient d'ailleurs de saluer la novation que constitue la faculté offerte aux collectivités territoriales de moduler l'abattement éventuellement consenti aux diffuseurs de presse en fonction des spécificités locales , en précisant que la solution retenue (un nombre limité de niveaux d'abattement possibles et non par une fourchette) s'imposait pour faciliter l'établissement et la perception de la taxe professionnelle.

Quoi qu'il en soit, votre commission des finances se félicite de cette initiative opportune, qui constitue une réponse aux difficultés que rencontrent les diffuseurs de presse.

Les premières de ces difficultés sont d'ordre économique . Comme le relevait notre collègue député Patrice Martin-Lalande, le réseau des diffuseurs de presse est en effet économiquement fragilisé par le faible niveau de rémunération des ventes : au cours des trois dernières années 1.600 points de vente sur 32.000 ont ainsi disparu, selon le Conseil supérieur des messageries de presse, et ce, alors que leur nombre est déjà proportionnellement inférieur en France par rapport à l'Allemagne ou au Royaume-Uni.

De même, notre collègue Claude Belot, rapporteur spécial, souligne, dans son rapport sur les crédits de la presse pour 2004, la situation particulière des kiosquiers , dont le nombre a diminué à Paris de 370 à 310 au cours des trois dernières années en raison des effets conjugués de la difficulté de leurs conditions de travail et de la faiblesse de leur rémunération.

Dans ces conditions, et compte tenu du rôle des diffuseurs de presse pour l'animation des territoires et des quartiers, il est légitime de permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent de leur accorder leur soutien . Et la technique de l'abattement, qui bénéficie proportionnellement davantage aux petits professionnels (notamment aux kiosquiers) est également la plus judicieuse.

Au delà des difficultés économiques précitées, les diffuseurs de presse sont aussi confrontés à des problèmes fiscaux particuliers.

En effet, la filière presse est organisée en France sous la forme d'une cascade de mandats. Les diffuseurs de presse exercent ainsi leur activité en tant que « mandataires commissionnaires ». A ce titre, ils sont, comme tous les commissionnaires, assimilés à des « intermédiaires de commerce » par l'article 310 HC de l'annexe II du code général des impôts.

En conséquence, ils relèvent au regard de la taxe professionnelle de deux régimes distincts , selon qu'ils emploient ou non plus de cinq salariés et selon que la part de leurs activités de commissionnaire est ou non prépondérante 119 ( * ) .

En effet, les diffuseurs de presse qui emploient au moins cinq salariés, ou bien ceux dont les activités commerciales annexes (comme les activités de librairie-papeterie ou de vente de confiseries) sont prépondérantes, sont soumis au régime général d'imposition à la taxe professionnelle, c'est à dire que leurs bases de taxe professionnelle sont constituées de la valeur locative des immobilisations corporelles dont ils disposent pour les besoins de leur activité. En pratique, ce régime s'applique à certains bars-tabac-presse, à la plupart des librairies-papeteries-presse, ainsi qu'aux grandes surfaces, aux supérettes et aux stations-service qui diffusent également de la presse.

En revanche, les diffuseurs de presse dont l'ensemble des activités de commissionnaire (diffusion de la presse, vente de tabac et diffusion des jeux de la Française des jeux) sont prépondérantes et qui emploient moins de cinq salariés, c'est-à-dire selon les données rassemblées par l'Union nationale des diffuseurs de presse, près de la moitié d'entre eux, ne relèvent pas du régime général pour la détermination de leurs bases de taxe professionnelle : ils relèvent du régime d'exception applicable aux titulaires de bénéfices non commerciaux, aux agents d'affaires et aux intermédiaires de commerce n'étant pas soumis de plein droit à l'impôt sur les sociétés et employant moins de cinq salariés , selon lequel les bases de taxe professionnelle sont constituées des seules immobilisations passibles de la taxe foncière et surtout d'une fraction des recettes, fixée à 10 % jusqu'en 2002, mais abaissée par la loi de finances pour 2003 à 9 % au titre de 2003, puis à 8 % au titre de 2004 et à 6 % à partir de 2005.

Codifié au 2° de l'article 1467 du code général des impôts, ce second régime résulte d'un amendement introduit lors du remplacement en 1975 de la patente par la taxe professionnelle par l'Assemblée nationale, avec un avis favorable du gouvernement, afin d'appréhender les capacités contributives de redevables disposant généralement de très peu d'immobilisations corporelles pour l'exercice de leur activité, la commission des finances du Sénat, par la voix de son rapporteur général, alors M. Yvon Coudé du Foresto, ayant toutefois d'emblée exprimé des inquiétudes techniques.

De ce fait, il est, par construction, beaucoup moins favorable aux redevables concernés que le régime général, et ce dans des proportions parfois importantes.

Ainsi, à l'occasion de la discussion en séance publique au Sénat d'un amendement de votre commission des finances tendant à réduire la fraction des recettes prise en compte pour l'établissement de la taxe professionnelle des titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC) de moins de cinq salariés, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2002, Mme Florence Parly, alors secrétaire d'Etat au budget, avait indiqué qu'une réforme alternative consistant à réintégrer les titulaires de BNC dans le régime général d'imposition à la taxe professionnelle « conduirait à faire disparaître la quasi-totalité de l'assiette de taxe professionnelle de cette catégorie de redevables. En effet, nous avons expertisé ce scénario sur une direction des services fiscaux, celle des Hauts-de-Seine Nord, qui a recensé 420 redevables imposés sur une fraction des recettes, dont la valeur locative de locaux est inférieure à 10.000 francs et la recette supérieure à un million de francs . Aujourd'hui, leurs cotisations s'élèvent en moyenne à un peu plus de 28.000 francs. Sur la base du taux moyen départemental relevé l'année dernière, c'est-à-dire en 2000, leurs cotisations, calculées sur la valeur locative foncière des locaux et sur celle de matériels d'équipement, seraient en moyenne, par redevable, de moins de 3.000 francs, soit une réduction de près de 90 % par rapport à la situation actuelle, sous réserve, bien entendu, de l'application de la cotisation minimale ».

Or, il semble qu'en pratique, ce second régime n'ait guère été appliqué aux diffuseurs de presse potentiellement concernés jusqu'au milieu des années quatre-vingt-dix, mais le soit depuis lors de plus en plus, sans que l'administration ait été en mesure d'exposer à votre rapporteur général le fait générateur de cette évolution.

De ce fait, la taxe professionnelle acquittée par les diffuseurs de presse a considérablement augmenté au cours de ces dernières années, malgré le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, et les redressements se sont multipliés, accentuant les difficultés des professionnels les plus vulnérables.

Dans ces conditions, la mesure proposée par le présent article apparaît efficace . En effet, au terme de la baisse progressive de la fraction des recettes prise en compte pour l'établissement de la taxe professionnelle des titulaires de BNC de moins de cinq salariés, c'est à dire en 2005 :

- l'abattement éventuel de 1.600 euros reviendrait, pour un redevable ne disposant pas d'immobilisations passibles de la taxe foncière, et compte tenu de l'abattement général des bases de 16 %, à exonérer 31.746 euros de recettes ;

- l'abattement éventuel de 3.200 euros reviendrait pour un redevable ne disposant pas d'immobilisations passibles de la taxe foncière, et compte tenu de l'abattement général des bases de 16 %, à exonérer 63.492 euros de recettes.

Or, selon les chiffres transmis par l'Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP), la commission presse annuelle moyenne d'un diffuseur qualifié, c'est à dire d'un diffuseur pour lequel la presse représente une activité essentielle et qui a bénéficié à ce titre du plan d'amélioration de la rémunération, est de 16.800 euros pour un chiffre d'affaires annuel moyen de 117.400 euros (hors presse quotidienne régionale).

En d'autres termes, l'abattement proposé reviendrait à exonérer de taxe professionnelle la quasi-totalité des activités de diffusion de presse, mais aussi, dans bien des cas, à exonérer de taxe professionnelle une large fraction, voire la totalité, des autres activités des diffuseurs de presse (diffusion des jeux et du tabac, ventes de livres, de papeterie, de confiserie, etc.).

Dans les circonstances économiques actuellement traversées par les buralistes, cette mesure apparaît donc à un double titre bienvenue.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 118 Selon l'Union nationale des diffuseurs de presse, plus de 80 % d'entre eux sont commissionnaires de la Française des jeux, 50 % d'entre eux sont débitants de tabac commissionnaires, plus 70 % exercent des activités (non commissionnées) de vente de librairie-papeterie et 22 % sont également des bars.

* 119 Ce critère résulte de l'article 310 HD de l'annexe II du code général des impôts.

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