CHAPITRE DEUX

LES DÉPENSES DE FONCTION PUBLIQUE : LE GOUVERNEMENT À LA CROISÉE DES CHEMINS

I. L'ÉTAT DES LIEUX

A. LA HAUSSE TENDANCIELLE DES CHARGES DE FONCTION PUBLIQUE

1. Une baisse en trompe-l'oeil des dépenses de fonction publique stricto sensu

Dans le projet de loi de finances pour 2004 , la somme des principales composantes des dépenses de fonction publique du budget général se trouve en diminution apparente de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003, soit une baisse de 1,787 milliard d'euros . Elle s'élève ainsi à 109,87 milliards , répartis de la façon suivante :

Charges de personnel de l'Etat (budget général)

 
 
 

(en euros)

LFI 2003

PLF 2004

Variation

Rémunérations d'activité

 
 
 

civiles

53 786 353 087

50 690 464 066

-5,76 %

militaires

12 592 088 865

12 544 706 363

-0,38 %

Total

66 378 441 952

63 235 169 429

- 4,74 %

Pensions

 
 

civiles

24 156 136 225

25 676 238 098

6,29 %

militaires

8 893 810 000

9 162 995 000

3,03 %

Total

33 049 946 225

34 839 233 098

5,41 %

Cotisations et prestations sociales

civiles

10 837 396 425

10 409 734 470

-3,95 %

militaires

1 388 572 277

1 383 197 704

-0,39 %

Total

12 225 968 702

11 792 932 174

-3,54 %

Total des charges de personnel

 
 

civiles

88 779 885 737

86 776 435 634

-2,26 %

militaires

22 874 471 142

23 090 889 067

0,95 %

Total général

111 654 356 879

109 867 334 701

-1,60 %

Source : ministère de l'économie - direction du budget

Ces chiffres permettent de tirer deux enseignements.

a) La poursuite attendue de la progression des dépenses de pension

Il peut être observé une accélération de l'augmentation des dépenses de pension , dont la progression passe de 3,55 % pour 2003 à 5,41 % en 2004. Il est vrai que pour 2003, la hausse avait été limitée par les mesures prises dans le cadre de la compensation vieillesse ( infra ).

Compte tenu de la progressivité de la réforme des retraites, une inflexion de l'augmentation des dépenses de santé ne peut en être encore attendue ( infra ).

Il est à noter qu'en conséquence de la réforme des retraites, à compter du 1 er janvier 2004, les pensions ne sont plus indexées sur la valeur du point, mais sur les prix.

b) La progression des dépenses de rémunération, vraisemblablement contenue, n'est plus évaluée
(1) Les expérimentations de globalisation au détriment de la précision

La diminution observée (- 4,74 %) ne rend évidemment pas compte de l'évolution des dépenses de fonction publique, mais plutôt du volume des expérimentations destinées à préfigurer la mise en place de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) .

Dans le cadre d'expérimentations de la LOLF ou de dispositifs de contractualisation, certains crédits de dépenses de personnel figurant normalement sur des chapitres de la première et de la deuxième partie du titre III « Moyens des services » ont pu être transférés vers des chapitres de la septième partie « Dépenses diverses » et, pour 2004, vers des chapitres de la neuvième partie 7 ( * ) (créée ad hoc ) « Expérimentations dans le cadre de la loi organique du 1 er août 2001 » du même titre. Les crédits composant ces chapitres comprennent des dépenses de personnel qui ne sont pas immédiatement identifiables , car l'objet de ces expérimentations est justement de laisser les gestionnaires libres de leur utilisation.

Cependant, il eût été souhaitable, au sein des lignes budgétaires concernées, de calculer le montant des crédits afférents aux dépenses de personnel correspondant aux plafonds d'emploi, afin d'obtenir une première prévision de la dépense de personnel.

En effet, la seule information certaine dont il est permis de disposer est le montant des crédits portés par ces lignes de crédits globalisés, qui s'élève à 5,72 milliards d'euros pour 2004. Cette gestion globalisée devrait concerner environ 125.000 agents. Ainsi, le total des charges de personnel oscillerait l'année prochaine entre 109,87 milliards d'euros, en baisse de 1,60 %, et 115,59 milliards d'euros, en hausse de 3,53 %.

Concernant les lignes de crédits globalisés, une évaluation des montant alloués au personnel ne serait en effet disponible qu'à partir du mois de juillet 2004.

(2) Les incertitudes quant à l'évolution de la valeur du point

En outre, il doit être mentionné que les crédits de personnel ont été calculés sans prendre en compte les effets d'une hausse à venir de la valeur du point , dont la réalisation est tout de même probable avant le 1 er janvier 2005.

En particulier, aucun crédit ne figure au chapitre 31-94 « Mesures générales intéressant les agents du secteur public » en vue de financer les effets d'une hausse de la valeur du point qui interviendrait au cours de l'année 2004.

Une éventuelle hausse serait toutefois susceptible d'être absorbée par la réalisation d'économies donnant lieu à des transferts, et par la sollicitation de marges existantes sur la « ligne souple 8 ( * ) ».

Nonobstant ces dernières incertitudes, les dépenses de fonction publique stricto sensu représenteraient ainsi, au maximum, 40,7 % du budget général en 2004, après en avoir représenté 40,8 % pour 2003 , et 40,7 % en 2002 ; ce poste connaîtrait donc un commencement de stabilisation .

2. L'importance de la « dépense induite » par la fonction publique

a) L'évolution de la dépense induite

Le concept de dépense induite par la fonction publique correspond aux dépenses de fonction publique stricto sensu , auxquelles s'ajoutent les subventions à l'enseignement privé, les pensions versées aux anciens combattants, et des dépenses diverses telles que l'aide sociale ou les frais de déplacement.

Ces dépenses s'élevaient en 2002 à 118,3 milliards d'euros 9 ( * ) , en augmentation de 3,9 % par rapport à 2001. Le graphique ci-dessous présente l'évolution des dépenses induites de fonction publique de 1992 à 2002 10 ( * ) :

b) Le découplage partiel des dépenses induites de la valeur du point en 2004

En 2002, 112,42 milliards d'euros, soit plus de 95 % des dépenses induites, étaient indexés sur la valeur du point. Ainsi, une revalorisation de 1 % de la valeur du point de la fonction publique engendrait alors un coût de l'ordre de 1,12 milliard d'euros en année pleine pour le budget de l'Etat.

Pour 2003 , une provision de 875 millions d'euros, qui figure au budget des charges communes, est destinée à hauteur de 725 millions d'euros au financement de la revalorisation de 0,7 % de la valeur du point qui a eu lieu au mois de décembre 2002. Cette provision repose donc sur l'hypothèse d'un coût de 1,04 milliard d'euros pour une revalorisation de 1 % du point. Cette baisse de l'impact de la hausse de la valeur du point n'a reçu d'autres explications qu'une évaluation plus précise du périmètre des rémunérations indexées.

Pour 2004 , en conséquence du changement d'indexation des retraites , une revalorisation de 1 % de la valeur du point de la fonction publique de l'Etat engendrerait un coût ramené à 780 millions d'euros en année pleine pour le budget de l'Etat.

Ce coût est évalué par ailleurs à 350 millions d'euros pour chacune des deux autres fonctions publiques (hospitalière et territoriale).

Pour mémoire, il est indiqué que la dernière revalorisation 11 ( * ) du point, de 0,7 %, a eu lieu en décembre 2002 , en portant la valeur à 52,4933 euros.

B. LE BUDGET DE L'ETAT ACCAPARÉ PAR LES DÉPENSES DE FONCTION PUBLIQUE

1. Malgré les bonnes intentions formulées sous la précédente législature...

Votre rapporteur spécial ne peut pas ne pas évoquer l'accélération de la dérive qui a eu cours à la fin de la précédente législature, dont l'actuel gouvernement semble avoir tiré les enseignements.

Au début de la précédente législature, le gouvernement avait en effet affirmé vouloir « geler » l'emploi public, cette résolution étant motivée tant par des considérations budgétaires que par un souci de bonne gestion. Cette stabilisation du nombre de fonctionnaires devait s'accompagner de redéploiements d'effectifs en direction des secteurs prioritaires, comme la justice ou la sécurité. Parallèlement, l'administration fiscale et celle de l'équipement devaient voir leurs effectifs diminuer. On ne peut qu'être frappé du degré de similitude entre les dispositions gouvernementales d'alors, et celles d'aujourd'hui.

Cette ambition s'est brisée sur des résistances de nature corporatistes. Le graphique ci-après montre les conséquences de l'abandon par le précédent gouvernement, à partir de la loi de finances pour 2001, de son objectif initial de gel de l'emploi public.

2. ...l'héritage est écrasant

L'essentiel de la progression des dépenses de l'Etat résulte des dépenses de fonction publique 12 ( * ) , comme le montre le tableau ci-après, qui provient du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2003 :

Evolution du budget général par catégories de dépenses et par secteur

(en milliards d'euros)

Evolution annuelle 1997-2002
(en %)

LFI 2002 corrigée

PLF 2003

Evolution

(en %)

en % du budget général

Fonction publique (1)

3,2

117,8

120,7

2,4

44,1

Dette publique nette

0,8

37,5

38,3

2,2

14,0

Emploi

0,5

15,5

14,2

-8,3

5,2

Transferts sociaux

3,5

21,0

21,0

0,3

7,7

Défense (hors rémunérations)

-1,9

15,6

17,2

10,3

6,3

Intervention économiques et diverses

2,0

23,7

23,6

-0,6

8,6

Etablissements et entreprises publiques

2,3

16,7

16,7

0,3

6,1

Dépenses en capital civiles

-0,4

7,5

7,9

5,9

2,9

Subventions aux régimes sociaux spéciaux

-1,9

6,7

6,7

0,4

2,5

Fonctionnement de l'État

2,6

6,9

7,1

3,5

2,6

BUDGET GENERAL
à structure constante

2,0

268,9

273,5

1,7

100

(1) Au sens donné par le rapport, ce poste recouvre la fonction publique stricto sensu, à laquelle s'ajoutent les dépenses indexées sur la valeur du point.

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2003

En raison des expérimentations de globalisation des crédits ( supra ), ce tableau n'a pu être actualisé pour 2004.

De 1997 à 2002, les dépenses de la fonction publique ont ainsi augmenté de 3,2 % en moyenne annuelle, quand le budget général augmentait de 2 % en moyenne annuelle, ce différentiel de 1,2 point générant un accaparement croissant des ressources de l'Etat.

Certes, pour 2003, ce différentiel a diminué, pour s'établir à 0,7%. Mais en tendance, les dépenses de fonction publique continuaient encore, ainsi, de croître plus vite que les dépenses de l'Etat.

Au total, ces dépenses, qui représentaient 40,7 % des crédits du budget général dans la loi de finances initiale pour 1997, en mobilisent 44,1 % pour 2003, et, vraisemblablement, une proportion approchante pour 2004.

D'après l'INSEE, les effectifs de la fonction publique de l'Etat ont augmenté de 10 % entre 1990 et 2000, chiffre qui doit être toutefois ramené à 8 % si l'on ne tient compte que des effectifs convertis en équivalents temps plein.

Il est à noter que cinq ministères 13 ( * ) totalisent environ 90 % de l'ensemble des rémunérations d'activité versées par l'Etat aux ministères civils en 2001. A eux seuls, le budget de l'enseignement scolaire et celui de l'enseignement supérieur regroupent plus de 50 % des dépenses salariales du budget général.

* 7 Ces chapitres globalisent des crédits des titres III « Moyens des services » et IV « Interventions publiques », alors que les expérimentations pour 2003 ne permettaient une globalisation des crédits qu'au sein d'un même titre.

* 8 La « ligne souple », intitulée « ajustement pour tenir compte de la situation réelle des personnels », est, théoriquement, destinée à permettre de pallier les imprécisions tenant aux modes traditionnels d'évaluation des crédits nécessaires au paiement des rémunérations principales.

* 9 Ce chiffre n'inclut pas les dépenses de personnel des établissements publics subventionnés par l'Etat.

* 10 Les données pour 2003 et 2004 ne sont pas encore disponibles.

* 11 Succédant à des hausses s'étant successivement établies, depuis janvier 2001, à 0,5 % en mai 2001, à 0,7 % en novembre 2001, et à 0,6 % en mars 2002.

* 12 Au sens donné par le rapport, ce poste recouvre la fonction publique stricto sensu, à laquelle s'ajoutent les dépenses indexées sur la valeur du point.

* 13 Il s'agit de l'éducation nationale (enseignement scolaire et supérieur), de l'économie et des finances, de l'intérieur, et de l'équipement et des transports.

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