B. LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE DU 28 MARS 2003

Avec la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la Polynésie française a obtenu, dans le cadre plus large relatif aux collectivités territoriales de la République, sous une formulation impersonnelle susceptible de s'appliquer, le cas échéant, à chacune des collectivités d'outre-mer, la confirmation de certaines des possibilités offertes par le projet de loi constitutionnelle adopté pour la seule Polynésie française en 1999.

La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a d'abord introduit une nouvelle classification juridique des collectivités d'outre-mer et précisé, par ailleurs, pour la nouvelle catégorie des collectivités d'outre-mer, un cadre constitutionnel ouvert permettant l'élaboration de statuts sur mesure.

La réforme a d'abord défini une nouvelle classification juridique des collectivités situées outre-mer . D'une part, l'article 73 fixe le statut des départements et régions d'outre-mer (la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion). D'autre part, l'article 74 consacre une nouvelle catégorie juridique sous le vocable de « collectivités d'outre-mer » qui se substitue à celle de territoire d'outre-mer. Sont rattachées à cette nouvelle catégorie : la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna en tant qu'anciens territoires d'outre-mer, et les collectivités de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette classification permet de réunir dans un même cadre constitutionnel les collectivités régies par le principe de spécialité législative . Contrairement au régime de l'assimilation législative, les lois et règlements ne sont pas applicables de plein droit à ces collectivités et requièrent une mention expresse d'extension. Les « collectivités d'outre-mer » présentent deux autres points communs : elles exercent des compétences propres qui leur sont dévolues par une loi statutaire et leur permettent d'intervenir dans les domaines qui, en métropole, relèvent de la loi ; en outre, elles se trouvent dans une situation identique vis-à-vis de l'Union européenne : elles ne font pas partie intégrante de l'Union mais lui sont rattachées en tant que pays et territoires d'outre-mer (PTOM), par un lien d'association.

Restent à l'écart de cette classification dualiste la Nouvelle-Calédonie, régie de façon autonome par le titre XIII de la Constitution et les Terres australes et antarctiques françaises, dernier territoire d'outre-mer en vertu de sa loi statutaire du 6 août 1955.

Par ailleurs, le nouvel article 74 fixe un cadre constitutionnel souple permettant d'élaborer des statuts « à la carte » en fonction des spécificités et des aspirations de chaque collectivité d'outre-mer. Il détermine des dispositions générales, communes à l'ensemble de ces collectivités et des dispositions particulières, propres aux collectivités dotées de l'autonomie .

Comme il était déjà prévu pour les territoires d'outre-mer, la définition et la modification du statut des collectivités d'outre-mer relèvent de la loi organique . Comme l'a souligné le Constituant de 1992, la référence à la loi organique est justifiée par la double volonté d'assurer une certaine stabilité aux lois statutaires et de tenir compte du fait que ces collectivités exercent un pouvoir normatif dans des matières qui, en métropole, relèvent du domaine de la loi.

L'article 74 énonce ensuite les mentions qui figureront dans la loi organique statutaire pour chaque collectivité en distinguant un premier groupe de mentions obligatoires, puis un second groupe de mentions réservées aux collectivités d'outre-mer ayant atteint un certain degré d'autonomie.

Les mentions obligatoires concernent :

- la définition du régime législatif applicable, comprenant une dose plus ou moins forte de spécialité ;

- les compétences de la collectivité, sous réserve de certaines matières d'essence régalienne insusceptibles de transfert ;

- les règles d'organisation et de fonctionnement institutionnelles et le régime électoral de l'assemblée délibérante ;

- les conditions de consultation de la collectivité sur les projets de textes législatifs ou réglementaires la concernant et sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans des matières relevant de sa compétence.

Pour les collectivités dotées de l'autonomie , il est prévu que la loi organique statutaire comprenne également les mentions suivantes :

- les conditions d'exercice d'un contrôle juridictionnel spécifique devant le Conseil d'Etat sur certains actes de la collectivité intervenus dans des matières relevant en métropole du domaine de la loi ;

- une procédure de « déclassement » par le Conseil constitutionnel de dispositions législatives empiétant sur les compétences de la collectivité ;

- les conditions d'adoption par la collectivité de mesures préférentielles en faveur de sa population en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement et de protection du patrimoine foncier ;

- les conditions dans lesquelles la collectivité peut participer à l'exercice des compétences de l'Etat , sous le contrôle de celui-ci.

Le contenu de la loi organique statutaire pourra ainsi être adapté à la situation et aux aspirations de chaque collectivité d'outre-mer.

La révision constitutionnelle a retenu sous une forme modifiée deux des principales innovations du projet de réforme de 1999.

D'une part, elle reconnaît le principe d'un contrôle juridictionnel spécifique pour les actes de l'assemblée délibérante relevant des compétences de la collectivité et intervenant dans le domaine de la loi. Le projet de loi constitutionnelle initial ne précisait pas l'autorité juridictionnelle chargée de ce contrôle. Lors de l'examen de la réforme constitutionnelle devant le Sénat, votre commission des Lois, a souhaité que soit tranchée cette question et elle s'est ralliée à un amendement présenté par le Gouvernement et adopté par notre Haute Assemblée prévoyant que ce contrôle serait effectué par le seul Conseil d'Etat. Comme le rappelait Monsieur le Président René Garrec : « les actes pris par l'assemblée délibérante de la collectivité dans les matières relevant en métropole du domaine de loi, demeurent des actes de nature réglementaire, ce qui prédispose le Conseil d'Etat à en être le juge naturel » 4 ( * ) . De même, la notion de « loi du pays » n'a pas été reprise dans la Constitution. Comme le précisait le président de la commission des Lois, M. René Garrec, au cours des débats « dans la Constitution, le mot " loi " n'est utilisé que pour désigner les actes pris par le Parlement » .

En second lieu, sans faire mention d'une citoyenneté propre aux populations des collectivités d'outre-mer, l'article 74 de la Constitution admet, en vertu des « nécessités locales » que la collectivité peut déroger au principe d'égalité au bénéfice de la préférence locale en certains domaines (accès à l'emploi, droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle, propriété foncière).

Le constituant n'a repris ni la notion de « pays d'outre-mer », ni la possibilité pour la Polynésie française de devenir membre d'une organisation internationale.

En revanche, il a permis deux avancées supplémentaires : la première en faveur de la protection des compétences propres de la collectivité puisqu'il est prévu une procédure de déclassement permettant à la collectivité de se protéger des éventuelles immixtions du législateur, la seconde destinée à donner à la collectivité la possibilité de participer à l'exercice de certaines compétences régaliennes .

* 4 Sénat, compte rendu intégral, séance du mercredi 6 novembre 2002, p. 3505.

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