N° 119

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 décembre 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ,

Par M. Bruno SIDO,

Sénateur,

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Gérard Cornu, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cléach, Yves Coquelle, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Détraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Jacques Moulinier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée législ. (12 ème législ.) : 611 , 763 et T.A. 131

Sénat : 260 (2002-2003)

Eau.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui est soumis aujourd'hui à l'examen de votre Commission des Affaires économiques a pour objet la transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

En adoptant cette directive, les Etats membres ont voulu redonner une certaine cohérence et une ligne directrice ambitieuse aux politiques décidées au niveau communautaire dans le secteur de l'eau, pour lequel la multiplication des textes devenait un handicap avec pas moins d'une trentaine de directives ou décisions communautaires adoptées depuis 1975.

L'un des objectifs poursuivis est de simplifier ce paysage réglementaire et l'article 22 de la directive cadre abroge, progressivement, sept directives auxquelles elle se substitue. Par la suite, elle sera précisée par des directives particulières et deux « directives-filles » sont actuellement en préparation, concernant les eaux souterraines, d'une part, et les substances dangereuses, d'autre part.

Article 22-Abrogations et dispositions transitoires

1. Les directives et les décisions suivantes sont abrogées sept ans après la date d'entrée en vigueur de la présente directive (décembre 2007) :

- la directive 75/440/CEE du Conseil du 16 juin 1975 concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire dans les États membres,

- la décision 77/795/CEE du Conseil du 12 décembre 1977 instituant une procédure commune d'échange d'informations relatives à la qualité des eaux douces superficielles dans la Communauté,

- la directive 79/869/CEE du Conseil du 9 octobre 1979 relative aux méthodes de mesure et à la fréquence des échantillonnages et de l'analyse des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire dans les États membres.

2. Les directives suivantes sont abrogées treize ans après la date d'entrée en vigueur de la présente directive (décembre 2013):

- la directive 78/659/CEE du Conseil du 18 juillet 1978 concernant la qualité des eaux douces ayant besoin d'être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons,

- la directive 79/923/CEE du Conseil du 30 octobre 1979 relative à la qualité requise des eaux conchylicoles,

- la directive 80/68/CEE du Conseil du 17 décembre 1979 concernant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses,

- la directive 76/464/CEE du Conseil, à l'exception de l'article 6 qui est abrogé à la date d'entrée en vigueur de la présente directive.

L'autre objectif de ce texte, qu'il faut considérer comme fondateur, est de créer un cadre géographique pertinent pour mener les actions de protection de l'eau en se fixant des obligations de résultat et non plus seulement de moyens .

A ce titre, cette directive s'appuie très largement, et il faut s'en féliciter, sur le modèle français de gestion de l'eau, introduit par la loi de 1964 avec les agences de l'eau. S'agissant des structures elles-mêmes, la transposition n'induit donc pas de bouleversements, mais des aménagements.

En revanche, s'agissant tant des objectifs que des paramètres de qualité des eaux ou des coûts liés à l'utilisation de l'eau à prendre en compte, la directive cadre introduit des principes résolument novateurs, qui vont modifier en profondeur le système français de gestion de l'eau .

S'agissant des éléments forts de reconnaissance du modèle français de gestion de l'eau, il faut citer la consécration du bassin hydrographique, comme unité de référence pour l'application de la politique de l'eau, un principe d'autonomie consacré à travers les agences et les comités de bassin ou encore l'autorité administrative déconcentrée avec le préfet coordonnateur de bassin. Enfin, le principe du plan de gestion du district hydrographique, prévu à l'article 13 de la directive, reprend l'essentiel des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, adoptés en 1996 pour chaque bassin hydrographique.

Quelques aménagements de structure sont néanmoins à prévoir qui concernent notamment :

- le rattachement des masses d'eaux souterraines et des eaux maritimes intérieures et territoriales aux bassins hydrographiques ;

- le renforcement du principe de coordination avec les autorités étrangères compétentes en ce qui concerne la gestion des bassins transfrontaliers ;

- une meilleure association du public aux prises de décision dans le domaine de l'eau.

Au-delà de ces aménagements ponctuels, la directive cadre introduit des éléments novateurs qui vont modifier en profondeur et de manière pérenne, la gestion de l'eau en France :

- progressivement, le texte prévoit la réduction, voire la suppression à terme, pour les plus toxiques d'entre elles, des rejets de substances dangereuses, dont la liste figure à l'annexe X de la directive cadre ;

- la directive cadre fixe désormais des objectifs de résultats ambitieux qui s'inscrivent dans un calendrier précis. Ainsi, après avoir établi un état des lieux, fin 2004, les Etats-membres doivent parvenir, d'ici à fin 2015, au bon état écologique des eaux superficielles et au bon état chimique des eaux ;

- le calendrier est également strict concernant les moyens à mettre en place notamment pour l'établissement du registre des zones protégées, fin 2004, du programme de surveillance, fin 2006, d'un premier programme de mesures, fin 2009 ou encore d'une politique de tarification incitative au plus tard fin 2010 ;

Déc. 2003

- Mise en place des dispositions législatives et réglementaires de transposition (art. 24)

- Désignation des autorités compétentes des districts hydrographiques (art. 3)

Juin 2004

- Communication à la Commission de la liste des autorités compétentes (art. 3)

Déc. 2004

- Achèvement de l'analyse des caractéristiques des districts hydrographiques (art. 5)

- Etablissement du registre des zones protégées (art. 6)

Déc. 2006

- Mise en place opérationnelle d'un programme de surveillance de l'état des eaux (art. 8)

- Publication du calendrier et du programme de travail du 1 er plan de gestion (art. 14)

- Mesures de normes de qualité environnementales pour les substances prioritaires (art. 16)

Déc. 2009

- Etablissement des programmes de mesures (art. 11)

- Publication du 1 er plan de gestion (art. 13)

Fin 2010

- Mise en place d'une politique de tarification incitative (art. 9)

Déc. 2012

- Mise en place opérationnelle de l'approche combinée (art. 10)

- Mise en place opérationnelle des programmes de mesures (art. 11)

Déc. 2013

- Mise à jour de l'analyse des caractéristiques du district (art. 5)

Déc. 2015

- Réalisation de l'objectif de bon état des eaux (art. 4.1)

- 1 er réexamen des programmes de mesures (art. 11)

- Publication du 2 ème plan de gestion (art. 13)

Déc. 2027

- Dernière échéance possible pour la réalisation des objectifs environnementaux (art.4)

- l'appréciation du « bon état des eaux » est élargie, au delà des seuls critères physico-chimiques, à des critères biologiques, à travers une approche intégrative prenant en compte le bon état du milieu aquatique, à partir des habitats et des espèces qui le composent ;

- la prise en compte du coût de l'utilisation de l'eau se traduit par l'obligation, à l'échelle d'un bassin hydrographique, de la récupération de l'intégralité des coûts liés à l'usage de l'eau et ce par grand secteur économique en distinguant, au minimum, le secteur industriel, agricole et les usagers ;

- enfin, pour assurer une meilleure cohérence de l'ensemble des politiques publiques, l'obligation de compatibilité avec les dispositions des SDAGE est renforcée, s'agissant des principaux documents d'urbanisme.

Néanmoins, il faut souligner que la directive prend assez largement en compte les critères économiques et sociaux ainsi que les réalités géographiques voire climatiques des bassins hydrographiques, comme autant de contraintes permettant de définir des objectifs moins stricts ou des processus dérogatoires pour parvenir aux résultats fixés :

- ainsi, en ce qui concerne la définition des objectifs à atteindre, la directive permet d'identifier des masses d'eau superficielles artificielles ou fortement modifiées pour lesquelles seul un bon « potentiel » écologique devra être atteint, afin de prendre en compte les activités humaines ;

- s'agissant des délais pour parvenir aux résultats fixés, s'il apparaît que, pour des raisons techniques ou financières, ou tenant aux caractéristiques physiques de la masse d'eau considérée, ces délais ne peuvent être respectés, le SDAGE peut les proroger dans certaines limites ;

- plus généralement, s'il apparaît que le bilan coût/avantage est disproportionné pour la réalisation d'un objectif, des objectifs dérogatoires pourront être fixés par le SDAGE.

Ayant examiné ce projet de loi de transposition avec le souci de ne pas alourdir le texte proposé par des dispositions qui devront être discutées lors des débats sur la future loi sur l'eau, votre Commission des Affaires économiques souhaite faire quelques recommandations, qui s'inspirent des réflexions et éléments recueillis lors des auditions organisées avec les principaux acteurs de l'eau .

- Les coûts initiaux de mise en oeuvre de la directive apparaissent raisonnables et ils ont été évalués, par le ministère entre 7 et 9 millions d'euros. Mais au delà, il ne faut pas oublier que le dispositif a vocation, à être pérenne avec des mises à jour régulières et l'actualisation tant de l'état des lieux, que des objectifs fixés et des programmes de mesure ce qui aura nécessairement des répercussions durables sur les besoins des agences en personnels et en moyens financiers.

- La directive cadre définit des principes et des objectifs de résultats à atteindre ambitieux dans un calendrier strict mais « la boîte à outils » reste encore à remplir. Il faut définir au niveau communautaire les paramètres à prendre en compte, les seuils autorisés, les critères à retenir pour procéder à l'état des lieux.

La France, qui sert de référence, doit se garder de toute tentation de perfectionnisme. En effet, une fois le cadre fixé, les masses d'eaux identifiées et les objectifs définis, toute dérogation devra être motivée et justifiée.

- Sur la définition des objectifs à atteindre selon les types de masses d'eau, il convient d'être réaliste et ne pas se fixer d'objectifs inatteignables. La prise en compte effective des coûts disproportionnés, tant sur le plan financier que social, doit permettre d'écarter ce type d'objectifs. Il faut, enfin, privilégier, autant que faire se peut, les réalités de terrain et s'appuyer sur les acteurs de l'eau, à travers les comités de bassin et les conférences géographiques des agences pour établir l'état des lieux et fixer les objectifs.

- La récupération de l'intégralité des coûts liés à l'usage de l'eau par grand secteur économique doit être mise en place très progressivement et en prenant systématiquement en compte les effets sociaux, économiques et environnementaux liés à ce principe pour l'amodier éventuellement.

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