TITRE
II
-
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ORGANISATION
DE L'ASSURANCE
MALADIE
Section 1
-
Haute autorité de
santé
Article 19
(art. L. 161-37 à L. 161-44 du code de la
sécurité sociale)
Haute autorité de santé
Objet : Cet article a pour objet la création d'une Haute autorité de santé chargée de procéder à l'évaluation périodique du service médical rendu par les produits de santé et de veiller à l'élaboration et à la diffusion des guides de bon usage des soins et de bonne pratique.
I - Le dispositif proposé
Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a souligné la nécessité de clarifier l'organisation du système de santé. C'est à cet objectif que s'attache le présent article, en distinguant la gestion du panier des biens et services remboursables et la gestion du risque.
Actuellement, la gestion des produits, actes et spécialités remboursables obéit à des règles propres à chacune de ces catégories et peut-être assurée soit dans le cadre de commissions réunissant l'assurance maladie et les représentants des professions de santé concernées, soit dans le cadre de commissions scientifiques - c'est le cas des médicaments.
En effet, avant d'être admis au remboursement, les spécialités pharmaceutiques et les dispositifs médicaux sont soumis à l'avis préalable de la commission de la transparence, pour les premiers, et de la commission d'évaluation des produits et prestations, pour les seconds.
Ces procédures de consultation sont imposées en vertu d'un décret en Conseil d'État pour le médicament (article R. 163-4 du code de la sécurité sociale) et d'une loi pour les dispositifs médicaux (article L. 165-1 du même code).
La réforme de la commission de la transparence conduite en septembre 2003 a mis en exergue les nouveaux critères que les pouvoirs publics souhaitent appliquer pour réformer le dispositif préalable à la décision d'inscription au remboursement du produit ; il s'agit d'une démarche orientée vers la pure expertise scientifique.
Le rapport du Haut conseil s'est lui-même montré soucieux de mieux répartir les compétences en faisant valoir l'idée que : « ce ne sont pas ceux qui exécuteront l'acte ou le produit, ceux qui le prescriront ou ceux qui en contrôleront l'exécution et la prescription qui se prononcent sur l'opportunité de l'inscription au remboursement » .
La même démarche de clarification des rôles doit être entreprise en matière de gestion du risque.
La gestion du risque en amont de l'acte de soin repose sur l'application de référentiels médicaux (guide de bon usage des soins, recommandations de bonne pratique) et donc sur la qualité à apporter à leur élaboration, leur diffusion et leur évaluation.
Or, dans la situation actuelle, cette élaboration fait intervenir un grand nombre d'acteurs différents : l'État au travers de ses agences, les organismes d'assurance maladie avec leur service médical et les professions de santé pour le compte desquelles les Unions régionales des médecins libéraux (URML) sont chargées de développer des politiques de qualité des soins.
L'article L. 1414-2 du code de la santé publique confie l'élaboration des référentiels à l'Agence nationale d'évaluation et d'accréditation en santé (ANAES), mais d'autres acteurs, comme les sociétés savantes, peuvent également proposer des recommandations. En effet, il n'existe pas de monopole d'élaboration des bonnes pratiques médicales.
La diffusion de ces guides de bon usage figure également parmi les missions de l'ANAES.
Enfin, l'évaluation des pratiques est, elle aussi, partagée entre différents acteurs : les établissements hospitaliers publics et privés sont, en pratique, évalués par l'ANAES dans le cadre des procédures d'accréditation tandis que, pour la médecine de ville, l'évaluation des pratiques professionnelles repose sur une démarche volontaire des médecins.
Face à cette situation confuse, le Haut conseil a considéré utile de prévoir une meilleure coordination d'ensemble.
La création d'une Haute autorité de santé (HAS) constitue la réponse du projet de loi à cette demande d'expertise scientifique impartiale et de coordination des actions. A ce titre, elle sera chargée de veiller à l'élaboration des guides de bon usage des soins et de bonne pratique. Le texte propose également de lui confier une mission d'évaluation périodique du service médical rendu par les produits de santé.
Le paragraphe I insère, à cet effet, huit nouveaux articles dans le code de la sécurité sociale :
l'article L. 161-37 institue la HAS, autorité publique indépendante, qui a pour mission :
- de procéder à l'évaluation périodique du service médical attendu et effectivement rendu par l'ensemble des produits, actes ou prestations de santé;
- de donner son avis sur le remboursement de ceux-ci par l'assurance maladie et sur la prise en charge spécifique accordée aux personnes atteintes d'affection de longue durée ;
- de veiller à l'élaboration et à la diffusion des guides de bon usage des soins ou de bonne pratique, pour l'information du public et des professionnels de santé.
La HAS doit exercer ces missions en tenant compte, d'une part, des objectifs pluriannuels de la politique de santé publique, d'autre part, des enveloppes de dépenses pluriannuelles de l'assurance maladie.
L'article L. 161-38 précise l'étendue des pouvoirs de la HAS. Celle-ci peut procéder, de sa propre initiative et à tout moment, à l'évaluation du service rendu ou attendu d'un produit, d'un acte ou d'une prestation. Elle peut également être consultée sur le bien-fondé et les conditions de remboursement d'un ensemble de soins ou d'une catégorie de produits ou prestations. Pour accomplir cette première mission, la HAS doit obtenir communication de toutes les informations nécessaires auprès des entreprises, établissements, organismes et professionnels concernés.
Pour mener à bien sa seconde mission relative aux recommandations de bonne pratique, elle établit les orientations en vue de leur élaboration par l'ANAES et l'AFSSAPS et peut saisir cette dernière en vue du contrôle de la publicité des produits de santé auprès des professionnels. Les caisses d'assurance maladie leur transmettent les renseignements nécessaires dans le respect de la confidentialité qui s'attache aux données individuelles.
L'article L. 161-39 fixe la composition de la HAS, soit un collège et des commissions spécialisées, chacune présidée par un membre du collège.
D'ores et déjà, deux commissions existantes, la commission de la transparence et la commission d'évaluation des produits et prestations, deviennent des commissions de la HAS. Les autres commissions seront créées par la Haute autorité elle-même qui en déterminera la composition et les règles de fonctionnement.
L'article L. 161-40 précise la composition du collège de la Haute autorité qui comprend huit membres, deux nommés par le Président de la République, deux par le président du Sénat, deux par le président de l'Assemblée nationale et deux par le président du Conseil économique et social.
Les membres sont désignés en fonction de leurs qualifications et de leur expérience dans les domaines de compétences de la HAS. Leur mandat est d'une durée de six ans renouvelable une seule fois comme c'est le cas, par exemple, pour le Médiateur de la République ou les membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le collège est renouvelé par moitié tous les trois ans.
Le collège et son président sont nommés par décret du Président de la République.
En cas de vacance d'un siège du collège, il est procédé à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir.
L'article L. 161-41 organise les modalités de fonctionnement de la Haute autorité. Celle-ci dispose de services placés sous l'autorité d'un directeur nommé par le président après avis du collège. Son personnel est composé d'agents contractuels de droit public, de salariés de droit privé, ainsi que d'agents de droit privé régis soit par les conventions collectives applicables au personnel des organismes de sécurité sociale, soit par un statut fixé par décret.
L'article L. 161-42 oblige au secret et à la discrétion professionnelle les membres de la Haute autorité, les personnes qui lui apportent leur concours ou qui collaborent occasionnellement à ses travaux, ainsi que le personnel de ses services. Des adaptations rendues nécessaires pour le bon fonctionnement de la HAS pourront être opérées par décret en Conseil d'État.
L'article L. 161-43 précise que la Haute autorité de santé dispose de l'autonomie financière. Son budget est fixé par son collège, sur proposition du directeur.
Ses ressources sont constituées par des subventions de l'État, une dotation globale versée par les organismes d'assurance maladie, le produit des redevances pour services rendus, une fraction de 10 % du produit des contributions des entreprises pharmaceutiques et des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux, le montant des taxes d'inscription au remboursement des médicaments et des dispositifs médicaux, enfin, des produits divers, dons et legs.
L'article L. 161-44 prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'État fixant les modalités d'application du présent chapitre et, en particulier, les conditions dans lesquelles la HAS procédera à l'évaluation du service médical rendu et apportera son avis sur la prise en charge des produits par l'assurance maladie, ainsi que les critères d'évaluation des produits, actes ou prestations de santé.
Afin d'organiser l'installation de la nouvelle institution, le paragraphe II précise que, lors de la première constitution de la Haute autorité de santé, quatre membres, à l'exception du président, seront tirés au sort. Leur mandat prendra fin à l'issue d'un délai de trois ans.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Outre quatre amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements visant à :
- prévoir la publication d'un rapport annuel d'activité ;
- autoriser l'Union nationale des caisses d'assurance maladie à consulter la HAS ;
- étendre le pouvoir d'évaluation de la HAS aux protocoles de soins ;
- s'assurer du caractère anonyme des informations transmises à la HAS par les entreprises, établissements, organismes et professionnels concernés, mais aussi par les caisses d'assurance maladie et le nouvel Institut des données de santé créé par l'article 35.
III - La position de votre commission
Votre commission soutient la création d'une Haute autorité de santé chargée de procéder à l'évaluation périodique du service médical rendu par les produits de santé et de veiller à l'élaboration des guides de bon usage des soins et de bonne pratique.
Elle regrette toutefois que cette création n'ait pas été précédée d'une réflexion plus approfondie sur le rôle des agences de l'État actuellement chargées de cette évaluation, l'ANAES pour les actes médicaux, l'AFSSAPS pour les médicaments.
En effet, si l'on peut admettre que les pouvoirs de police sanitaire de l'AFSSAPS rendent impossible son intégration dans les services de la HAS, aucune raison ne semble justifier la non-intégration de l'ANAES, dont les missions sont similaires à celles qu'exercera la HAS en matière de référentiels de soins.
Cette intégration permettrait, en outre, à la HAS de bénéficier d'un personnel qualifié et immédiatement opérationnel.
Votre commission vous propose donc cinq amendements destinés à élargir l'action de la Haute autorité de santé :
- le premier accroît les missions de la HAS en la chargeant de procéder à l'élaboration des guides de bonne pratique, à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une procédure d'accréditation des établissements de santé ;
- le deuxième lui confie le soin d'établir une procédure de certification destinée aux sites Internet à visée médicale et aux logiciels d'aide à la prescription médicale ;
- le troisième précise les conditions dans lesquelles un siège vacant est pourvu ;
- le quatrième aligne le statut du personnel sur celui des agences sanitaires ;
- le cinquième fixe des règles de déontologie pour les membres de la Haute autorité.
Elle vous demande donc d'adopter le présent article ainsi amendé.