3. Un cadre éthique prenant en compte les incertitudes de l'avenir
En dépit de l'ensemble de ces garanties, la question de la brevetabilité du vivant est soumise aux nombreuses interrogations d'avenir, indissociables du caractère fortement évolutif des biotechnologies.
Parmi ces interrogations, on peut notamment citer :
Des interrogations générales sur les effets de la brevetabilité :
- le risque paradoxal d'un ralentissement des progrès scientifiques, l'accès au savoir pouvant être entravé par les droits commerciaux des titulaires de brevets ;
- la question morale de la concentration dans les pays développés de brevets nouveaux portant sur des espèces qui se rencontrent majoritairement dans les pays en développement 23 ( * ) .
Des interrogations sur l'adaptation du texte à l'évolution des techniques 24 ( * ) :
- l'évolution des techniques d'élucidation de la fonction des gènes qui pourrait affecter la définition de la « fonction » d'un gène, centrale dans la directive ;
- l'hypothèse de plus en plus fréquente de la découverte de gènes présents dans des espèces différentes mais avec des fonctions différentes.
La nécessité impérieuse de doter l'Europe et la France d'un cadre de protection intellectuelle ne dispense nullement d'être vigilant quant à l'évolution future de l'ensemble de la question.
L'un des arguments supplémentaire pour la pleine entrée de la France dans le système communautaire de brevetabilité du vivant est qu'il s'agit précisément d'un cadre évolutif.
En effet, la Commission a reconnu à de multiples reprises que « la manière de concevoir et d'appliquer la réglementation doit tenir compte des changements rapides que subit le secteur des biotechnologies ».
A ce titre, la Commission a déjà présenté plusieurs rapports prévus par la directive, dont notamment un rapport intitulé « Evolution et implications du droit des brevets dans le domaine de la biotechnologie et du génie génétique » qui témoigne de ses préoccupations en termes de responsabilité sociale et d'exigence éthique.
La transposition complète de la directive de 1998 ne signifie donc nullement l'enfermement dans un carcan dogmatique insensible aux évolutions du secteur et aux interrogations fondamentales qu'elles soulèvent.
* 23 Cette idée de la dépossession soutenue par certains scientifique part en effet du constat que l'essentiel des espèces végétales et animales encore peu connues sont précisément concentrées dans les pays qui n'ont pas les moyens techniques d'en tirer profit. C'est la problématique de l'accès à la diversité biologique.
* 24 Bien que datant de quatre ans, le rapport de M. Alain Claeys de décembre 2001 a le mérite de soulever quelques unes de ces interrogations.