B. L'OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS ET APATRIDES (OFPRA)

1. Une croissance importante des moyens

a) L'augmentation des moyens humains

Pour l'année 2004, l'effectif budgétaire de l'OFPRA était initialement de 677 emplois (368 titulaires et 309 contractuels). Il a augmenté en gestion avec le recrutement de 125 contractuels au 1 er septembre 2004. A cet effectif total de 802 agents s'ajoutent par ailleurs 67 agents de catégorie C du ministère des affaires étrangères qui sont affectés à l'OFPRA.

Les emplois de titulaire comptent 5 emplois fonctionnels, 173 emplois d'officier de protection (catégorie A), 47 de secrétaire de protection (catégorie B), 67 d'adjoint de protection (catégorie C) et 76 d'agent de protection (catégorie C).

Les officiers de protection (catégorie A) sont chargés de l'instruction des demandes d'asile, de l'encadrement, des affaires juridiques mais également, pour ceux affectés à la Commission des Recours des Réfugiés, des fonctions de rapporteur. Il est précisé que « la norme de productivité des officiers de protection chargés du traitement de la demande d'asile est en moyenne de 2,7 décisions par jour » ;

Les secrétaires de protection (catégorie B) assurent l'encadrement intermédiaire, participent à la mise en oeuvre de la protection des réfugiés et des apatrides (état civil, accueil), ainsi qu'à l'administration de l'établissement ;

Les agents et les adjoints de protection (catégorie C) assurent les tâches d'exécution (secrétariats, bureaux d'ordre) et l'accueil.

On notera que la création de corps de fonctionnaires spécifiques à l'OFPRA n'est pas sans poser de difficultés au regard de leur mobilité au sein de l'administration de l'Etat.

Les emplois de contractuels se répartissent en 288 emplois de catégorie A, 19 de catégorie B et 127 de catégorie C. Leurs fonctions sont identiques à celles des titulaires.

Evolution des effectifs budgétaires de l'OFPRA depuis 1998

Année

Emplois fonctionnels

Catégorie A

Catégorie B

Catégorie C

Total

Titulaires

Contractuels

Titulaires

Contractuels

Titulaires

Contractuels

1998

6

133

2

46

0

0

75

262

1999

6

135

1

46

0

71

3

262

2000

6

171

1

46

0

74

0

262

2001

6

173

19

46

0

110

0

352

2002

6

173

50

46

0

131

0

406

2003

5

173

175

47

20

140

26

586

2004

5

173

288

47

19

143

127

802

Source : Office français de protection des réfugiés et apatrides

On constate donc que les effectifs budgétaires de l'OFPRA ont été multipliés par trois entre 2000 et 2004 , ce qui témoigne de l'importance du rattrapage en terme de moyens de cet établissement public. Par ailleurs, on rappellera que cet effectif de 802 emplois est complété par 67 agents de catégorie C du ministère des affaires étrangères affectés à l'OFPRA.

b) La croissance des moyens financiers

Le budget de l'OFPRA pour l'année 2004 s'élève à 38,6 millions d'euros, en progression de 10 % par rapport à celui de l'année 2003.

Le budget de l'OFPRA pour 2004 par rapport à 2003

(en millions d'euros)

Nature des dépenses

Budget initial 2003

Budget initial 2004

Evolution

Dépenses de personnel

20,9

24,3

+ 16 %

Impôts et taxes

1,2

1,4

+ 17 %

Dépenses locatives

6,8 25 ( * )

5,7

Ns

Dépenses liées à la demande d'asile (fournitures administratives, frais postaux, interprétariat)

3,3

3,6

+ 10 %

Dépenses informatiques

0,3

0,2

- 23

Autres dépenses

1,6

1,9

+ 19 %

Total des dépenses de fonctionnement

34,1

37,1

+ 9 %

Dépenses d'aménagement

0,2

0,4

+ 100 %

Dépenses informatiques

0,6

0,7

+ 17 %

Mobilier

0,2

0,3

+ 50 %

Autres dépenses

-

-

 

Total des dépenses d'investissement

1

1,4

+ 40 %

Total des dépenses

35,1

38,5

+ 10 %

Source : Office français de protection des réfugiés et apatrides

La subvention de l'Etat , qui s'élevait à 38,2 millions d'euros en 2004 et est de 46,3 millions d'euros dans le projet de budget pour 2005, a été multipliée par trois entre 2000 et le projet de loi de finances pour 2005 , comme l'indique le tableau ci-après.

Evolution de la subvention de l'Etat à l'OFPRA

(en millions d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

PLF 2005

Subvention de l'Etat

15,47

15,47

15,47

17

22,86

34,5

38,19

46,34

Variation

-

-

-

+ 10 %

+ 34 %

+ 51 %

+ 11 %

+ 21 %

Source : Office français de protection des réfugiés et apatrides

L'augmentation de la subvention de l'Etat pour l'année 2005 résulte des transferts d'emplois (37 transferts d'emplois, pour un montant de 1,1 million d'euros) et des mesures nouvelles suivantes :

- déménagement de la commission des recours des réfugiés (CRR) dans un immeuble neuf à Montreuil, pour 4,3 millions d'euros ;

- consolidation de 125 agents supplémentaires recrutés en gestion 2004 à la CRR (pour une durée de 8 mois) pour 2,5 millions d'euros ;

- actualisation des régimes indemnitaires, pour 0,5 million d'euros.

2. La croissance de l'activité de l'OFPRA

La loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile est entrée en vigueur le 1 er janvier 2004.

L'augmentation des moyens financiers et humains de l'OFPRA vise à répondre à l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile, mais aussi à prendre en charge les modifications qui résultent de la réforme législative du droit d'asile . Cette réforme a conduit à mettre en place un « guichet unique » pour l'ensemble des demandeurs d'asile. Ainsi, l'OFPRA assure désormais l'instruction des demandes d'asile à la frontière, et émet un avis sur l'admission des requérants sur le territoire national, décision qui relève du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Trois agents titulaires de l'OFPRA et dix contractuels du ministère des affaires étrangères sont donc situés à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, pour instruire les demandes d'asile à la frontière 26 ( * ) . Par ailleurs, l'OFPRA est également chargé, par la loi relative au droit d'asile précitée, d'accorder le bénéfice de la « protection subsidiaire » à toute personne qui ne remplit pas les conditions d'octroi du statut de réfugié mais qui établit la preuve qu'elle est exposée dans son pays à la peine de mort, à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou, dans le cas d'un civil, à une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'un conflit armé interne ou international. L'OFPRA traite toutefois toutes les demandes d'asile (conventionnel, constitutionnel et au titre de la protection subsidiaire), au cours d'une instruction unique.

Il convient de rappeler que les demandeurs d'asile se présentent aux préfectures, qui leur fournissent un récépissé. Les dossiers de demandes d'asile doivent ensuite être transmis à l'OFPRA par les demandeurs dans un délai de 21 jours, à défaut de quoi ils sont déclarés irrecevables. Toutefois, dans les cas jugés prioritaires par les préfectures, l'OFPRA ne dispose que de 96 heures pour statuer. Ces demandes prioritaires, qui visent à éviter les demandes d'asile dilatoires, contraignent l'OFPRA à une grande réactivité .

L'instruction des dossiers est assurée par les officiers de protection de l'OFPRA, qui sont spécialisés par pays ou par zone géographique.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la réforme du droit d'asile, l'OFPRA a souhaité développer les auditions des demandeurs d'asile . Près des trois-quarts des demandeurs d'asile sont désormais convoqués à Paris, l'objectif étant de convoquer 90 % des demandeurs. En effet, pour que la commission de recours des réfugiés (CRR) puisse rejeter le bien-fondé des recours formulés par les demandeurs d'asile, il faut que ceux-ci aient été préalablement entendus par l'OFPRA.

Les personnes qui bénéficient du droit d'asile sont placées « sous la protection de l'OFPRA », qui se charge alors de leur fournir des documents d'état-civil. Un soin particulier doit être apporté à cette mission, compte tenu des risques de fraude au moment de la reconstitution de la famille du bénéficiaire du droit d'asile.

En 2003, l'OFPRA a pris au total 73.825 décisions (mineurs accompagnants inclus), dont 7.859 admissions au statut de réfugié. En outre, 3.264 dossiers ont été acceptés à la suite d'une annulation de la Commission des Recours des Réfugiés, ce qui porte les acceptations totales de l'année à 11.123. Pour mémoire, le nombre total de demandeurs du statut de réfugié politique était de 59.768 pour l'année 2003, dont 7.564 mineurs accompagnants. Le décalage entre le nombre de demandeurs d'asile et le nombre de décisions prises par l'OFPRA en 2003 témoigne de l'action conduite pour réduire les stocks de demandes en attente, afin de prendre une décision dans des délais raisonnables. De quatre mois à la fin de l'année 2003, ce délai serait passé à environ deux mois au 1 er semestre 2004.

A l'issue du 1 er semestre 2004, l'OFPRA a pris au total 41.164 décisions (mineurs accompagnants inclus), dont 3.918 admissions au statut de réfugié. En outre, 2.257 dossiers ont été acceptés à la suite d'une annulation de la Commission des Recours des Réfugiés, ce qui porte les acceptations totales du semestre à 6.175, soit un taux d'admission d'environ 15 %. Toutefois, les taux d'admission sont très différents en fonction de l'origine des demandeurs d'asile : si des pays comme la Bosnie ou la Russie bénéficient de taux d'admission très élevés, tel n'est pas le cas de la Turquie ou de la Chine, pays pour lesquels les demandes d'asile masquent souvent une immigration pour des raisons essentiellement économiques. On notera d'ailleurs que les demandeurs d'asile en provenance de Chine ne se présentent que très rarement aux convocations à un entretien de l'OFPRA, et déposent rarement des recours contre les décisions prises par l'office.

La comparaison du nombre de décisions prises en 2003 et au premier semestre 2004 avec le nombre de demandeurs d'asile témoigne de la réduction du nombre de dossiers en stock, comme le montre le graphique ci-après :

Evolution du stock des demandes d'asile entre fin 1998 et le 30/06/2004

(en nombre de demandes)

Source : Office français de protection des réfugiés et apatrides

Le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2005 prévoit une augmentation de 18 % des crédits de l'OFPRA et 125 agents supplémentaires au profit de la commission de recours des réfugiés (CRR). En effet, si l'OFPRA a su réduire de manière importante la durée d'examen des demandes d'asile, la CRR, dont l'activité augmente fortement du fait de la réforme législative du droit d'asile, voit ses délais de traitement des dossiers accrus : en effet, les demandes de réexamens des personnes déboutées du droit d'asile ne sont pas limitées en nombre ou dans le temps 27 ( * ) et ont augmenté de 210 % sur les 9 premiers mois de l'année 2004, par rapport aux 9 premiers mois de l'année 2003.

La mesure proposée dans le projet de budget pour 2005 devrait permettre de réduire les délais de traitement des dossiers par la CRR de 11 mois à 3 mois d'ici à la fin de l'année 2005 . Toutefois, votre rapporteur spécial s'interroge quant à l'absence de capacité de la CRR de « filtrer » davantage les demandes de réexamen, considérant que leur augmentation n'est pas toujours justifiée et contribue à accroître la charge de la CRR, et donc, les délais de traitement des dossiers.

On notera que la France a conforté sa place de première destination mondiale des demandeurs d'asile au troisième trimestre 2004, avec une hausse des demandes, alors que leur nombre reculait dans les pays industrialisés, selon des chiffres publiés en novembre par le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Ainsi, pour le quatrième trimestre consécutif, la France a occupé le premier rang mondial avec 16.214 demandes d'asile, soit une progression de 15 % par rapport au trimestre précédent. Elle rassemble ainsi 18 % des demandes d'asile déposées dans les pays industrialisés, contre 13 % en 2003.

3. La question de l'effectivité des reconduites à la frontière

Le ministère des affaires étrangères intervient en matière d'éloignement des étrangers en situation illégale pour faciliter l'obtention des laissez-passer consulaires et participer à la conclusion d'accords de réadmission ou d'accords techniques en matière d'éloignement 28 ( * ) .

En 2003, sur les 55.854 mesures d'éloignement prononcées, 16.597 laissez-passer consulaires ont été demandés. Le taux d'exécution des mesures d'éloignement s'élevait à 20,9 % pour cette même année . Un tiers de ces demandes a nécessité l'intervention du ministère des affaires étrangères. Le nombre de mesures d'éloignement est en augmentation constante depuis l'année 1998, où il était de 44.513 mesures prononcées, pour un taux d'exécution de 17,4 % .

Le ministère des affaires étrangères, en liaison avec le ministère de l'intérieur, négocie la conclusion d' accords de réadmission prévoyant le retour des ressortissants des pays contractants et des pays tiers, de protocoles d'accords sur la délivrance de laissez-passer consulaires, d'arrangements administratifs sur les reconduites à la frontière, et des échange de lettres en vue d'une meilleure exécution des mesures d'éloignement. A ce jour, la France a signé 36 accords de réadmission.

Par ailleurs, dans le cadre de la communautarisation de la politique d'immigration, 4 accords communautaires de réadmission ont été signés à ce jour avec les régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao, l'Albanie et le Sri Lanka 29 ( * ) . Pour l'avenir, la Commission a reçu mandat pour négocier des accords de réadmission communautaires avec les Etats suivants : Algérie, Chine, Maroc, Pakistan, Russie, Turquie, et Ukraine.

4. Evaluation et limites de la réforme du droit d'asile

Au total, la réforme du droit d'asile et l'augmentation des moyens de l'OFPRA ont permis d'unifier les procédures et de réduire de manière très significative les délais de traitement des dossiers par l'OFPRA . Le recul par rapport à la mise en oeuvre de cette réforme est sans doute encore insuffisant pour permettre d'en apprécier pleinement les effets. Toutefois, votre rapporteur spécial s'interroge sur un certain nombre de points :

- en premier lieu, il conviendra d'étudier l'impact de la réforme sur l'activité de la commission de recours des réfugiés (CRR) : il ne faudrait pas que la résorption du stock des demandes d'asile par l'OFPRA, dont il convient de se féliciter, ne conduise, par un système de « vases communicants », à un engorgement des dossiers devant la CRR. Une telle situation ne présente en effet que des inconvénients, tant du point de vue des demandeurs d'asile, qui doivent patienter plusieurs mois avant d'être fixés sur leur sort s'ils ont déposé un recours contre la décision de rejet de leur demande par l'OFPRA, que pour l'Etat, dès lors que des délais importants encouragent les procédures dilatoires des demandeurs d'asile dont la demande de recours ne serait pas légitime, et que les demandeurs d'asile représentent un coût important pour l'Etat et les collectivités territoriales, que ce soit en matière d'hébergement, de soins médicaux ou de scolarisation des enfants. Or, la réforme du droit d'asile visait précisément à mettre fin à une situation dans laquelle il était possible aux demandeurs de « jouer la montre » dans l'attente d'une décision les concernant, afin d'obtenir une diminution des demandes d'asile.

Votre rapporteur spécial se félicite de l'augmentation des moyens de la CRR prévue dans le projet de loi de finances initiale pour 2005, mais s'interroge sur l'opportunité de revoir certaines procédures, s'il s'avérait que la situation actuelle encourageait une multiplication injustifiée des demandes de recours formulées contre les décisions de l'OFPRA. Par ailleurs, il se demande s'il est opportun de maintenir au sein d'une même structure administrative, à terme, l'OFPRA et la CRR, qui est la juridiction d'appel de ses décisions ;

- en second lieu, la question de l'effectivité des décisions de rejet des demandes d'asile reste posée . Compte tenu des difficultés existantes pour mettre en oeuvre les décisions de reconduite à la frontière, et plus particulièrement, pour retrouver les demandeur déboutés du droit d'asile, on peut se demander si la réforme saura mettre fin à une situation dans laquelle on fabrique essentiellement des déboutés du droit d'asile, qui s'installent ensuite de manière irrégulière sur le territoire national.

* 25 Y compris 0,9 million d'euros pour les loyers des anciens sites du 1 er janvier au 30 septembre 2003.

* 26 D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, près de 90 % des demandes d'asile à la frontière seraient effectuées à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, principalement par des passagers en transit.

* 27 Les demandeurs déboutés du droit d'asile peuvent donc formuler une demande de réexamen de leur dossier jusqu'au moment où ils sont effectivement reconduits dans leur pays d'origine.

* 28 Le ministère intervient aussi a posteriori, puisqu'il informe par télégramme ses postes diplomatiques et consulaires des mesures d'éloignement qui ont été exécutées, afin de sensibiliser les postes concernés au risque migratoire.

* 29 Les accords de réadmission avec l'Albanie et le Sri Lanka devraient entrer en vigueur au début de l'année 2005.

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