B. LA FUTURE MISSION INTERMINISTÉRIELLE « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » DANS LE CADRE DE LA LOLF

1. Le cheminement tourmenté vers une mission dédiée

En soumettant les politiques publiques à une logique de résultats, assortie d'objectifs et d'indicateurs de performance, la LOLF est un levier majeur de modernisation de l'administration, et pour ce qui concerne l'APD, un outil de meilleure coordination et d'efficacité d'une politique par définition interministérielle . Il convient d'ailleurs de rappeler que la culture de projet qui préside à l'aide au développement a depuis longtemps sensibilisé les opérateurs aux notions d'objectifs et d'indicateurs, tout comme elle implique une évaluation a posteriori des résultats des actions financées sur le terrain. La démarche de la LOLF est donc parfaitement cohérente avec les principes de gestion des actions de coopération , et peut se traduire rapidement par des gains concrets quant à la conduite de cette politique publique.

Après plusieurs hésitations et quelques espoirs déçus, l'architecture budgétaire retenue pour rendre compte des crédits d'APD contribuera certes à davantage de clarté et de lisibilité pour le Parlement et le citoyen, mais ne représentera pas un progrès déterminant vers une plus grande cohérence entre la politique publique d'aide au développement, telle qu'elle est effectivement mise en oeuvre par les nombreux départements ministériels impliqués, et sa traduction dans la nomenclature budgétaire.

Le gouvernement ayant opté pour une logique « bottom-up », consistant à définir les programmes dans chaque ministère avant que les missions ne soient connues (et qui a parfois suscité quelque incompréhension dans les ministères), les premières interrogations, durant l'année 2003, ont porté sur la pertinence même d'une mission interministérielle consacrée à l'APD . Votre rapporteur spécial relevait ainsi, dans son rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2004, que deux visions d'une mission interministérielle relative à l'APD se confrontaient : le ministère des affaires étrangères (MAE) défendait le principe d'une vaste mission « Action extérieure de l'Etat », qui aurait regroupé grosso modo tous les crédits actuellement rassemblés dans le « jaune » du même titre, tandis que le ministère délégué au budget et à la réforme budgétaire entendait mettre en place une mission spécifique « Aide publique au développement ». Chaque ministère communiquait sur sa propre conception en feignant d'ignorer l'alternative. Votre rapporteur spécial avait néanmoins marqué sa préférence pour la création d'une mission interministérielle dédiée à l'APD, selon trois arguments :

- elle est plus conforme à la définition de l'article 7 de la loi organique, qui fait explicitement référence à une « politique publique définie » ;

- elle présente une meilleure cohérence et un périmètre mieux défini que l'action extérieure, susceptible de chevauchements avec d'autres politiques publiques constitutives de missions ;

- elle permet enfin de rendre lisible, sur les plans budgétaire et organisationnel, l'action de la France en faveur du développement. Cette transparence ne serait toutefois achevée que dès lors qu'elle s'accompagnerait d'une harmonisation avec les données transmises au CAD.

Le projet de programmes ministériels présenté fin 2003 par le ministère des affaires étrangères, structuré en trois programmes dont un plus particulièrement consacré à la coopération 27 ( * ) , se montrait largement insatisfaisant pour plusieurs raisons : il tendait à « plaquer » la nomenclature budgétaire sur les structures administratives existantes, le programme de coopération ne représentait que 56 % des crédits que le ministère consacrait à l'APD, et les actions du programme de coopération apparaissaient trop déséquilibrées. De fait, ce projet était sans doute volontairement inadapté à la mise en place d'une mission dédiée à l'APD, bien que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie eût, de son côté, identifié un programme exclusivement dédié à la coopération au sein des nombreux programmes constituant son action.

Ces trois programmes ayant été jugés peu convaincants par le Parlement, le ministère des affaires étrangères a présenté en janvier 2004 une nouvelle maquette de son budget, fondée sur quatre programmes plus cohérents avec les grandes politiques publiques du ministère (action diplomatique, coopération, rayonnement culturel et scientifique, action consulaire) et avec les recommandations du Comité interministériel d'audit des programmes 28 ( * ) . Ces programmes permettaient en particulier de mieux isoler, au sein d'un programme piloté par la DGCID (qui est également responsable du programme 2 « Rayonnement culturel et scientifique »), les crédits concourant à la coopération, qui sont désormais distingués de ceux afférents à l'action culturelle et scientifique.

La nouvelle architecture ouvrait également la voie à la constitution de deux missions différentes , « Action extérieure de l'Etat » et « Aide publique au développement », désormais perçues comme complémentaires et non plus concurrentes . La mission « Aide publique au développement » a été conçue comme interministérielle et comporte donc deux programmes logés respectivement au MAE (« Solidarité à l'égard des pays en développement ») et au MINEFI (« Aide économique et financière au développement »). Les trois autres programmes du Quai d'Orsay constituent la mission « Action extérieure de l'Etat », dont l'intitulé permettrait une possible évolution vers la dimension interministérielle qu'ambitionnait le MAE pour en être le chef de file, mais qu'il n'est pour l'heure pas parvenu à imposer.

* 27 Un programme « Rayonnement et influence de la France », un programme « Coopération et action culturelle », et un programme « Réseaux et services publics à l'étranger ».

* 28 Bien que ces recommandations, formulées dans le rapport du CIAP du 12 février 2004, fussent fondées sur la proposition antérieure du ministère, structurée en quatre programmes.

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