2. Le pilotage stratégique de l'aide

Trois orientations sont retenues, dans un souci de clarification des objectifs de l'aide et d'amélioration de l'efficacité de leur mise en oeuvre.

a) Une programmation plus sélective

Au sein de la ZSP, la France souhaite maintenir la part prépondérante de l'Afrique (deux tiers environ de l'aide bilatérale) et augmenter la part consacrée aux pays les moins avancés, en vue d'atteindre en 2012 l'objectif des Nations Unies de 0,15 % du PIB. Une stratégie d'intervention dans les pays émergents, fondée sur le renforcement de notre influence et la prise en compte des intérêts économiques et politiques de la France, doit également être élaborée d'ici à la fin 2004. Le recentrage géographique sera accompagné d'une adaptation des méthodes de coopération en fonction de la capacité des États à gérer l'aide internationale. Selon la logique d'une aide fondée sur la performance , utilisée par les bailleurs multilatéraux, il est prévu de donner une priorité, pour l'affectation des flux additionnels d'APD, aux pays les plus à même de tirer parti de cette aide, notamment en Afrique sub-saharienne. L'introduction de tels critères de performance pour l'allocation de notre aide s'inscrit dans les principes fondateurs du NEPAD, dans une logique de partenariat. Les critères d'évaluation dépendront de la gouvernance de l'État et des risques éventuels de détournement de l'aide, des résultats économiques et des réformes institutionnelles du pays, ainsi que du niveau de développement humain.

Pour les États les plus fragiles, et notamment les pays en sortie de crise dont la situation particulière doit être prise en compte, l'attention sera portée sur les besoins de base des populations et sur l'appui institutionnel, pour améliorer leur niveau de performance et leur permettre d'avoir accès aux financements internationaux d'aide publique au développement.

Ainsi qu'il a déjà eu l'occasion d'en faire part au président du conseil de surveillance et au directeur général de l'AFD, votre rapporteur spécial estime que l'effort croissant à destination des pays émergents - dont il comprend les motivations économiques et politiques - et une ZSP trop étendue nous conduisent aujourd'hui à une contradiction budgétaire. L'objectif annoncé de recentrage géographique ne doit toutefois pas conduire la France à « abandonner » des pays nécessiteux qui ne rempliraient pas tous les critères de bonne gouvernance et de capacité administrative que promeuvent les organismes anglo-saxons. Le légitime souci d'efficacité et de performance n'exclut pas notre indépendance de jugement et la nécessité d'aider les pays les plus pauvres, avec lesquels la France a souvent des liens historiques forts et dont elle constitue la plupart du temps l'un des derniers recours.

b) La mise en place de stratégies pluriannuelles de référence dans les secteurs prioritaires

Une première version des stratégies pluriannuelles de référence a été élaborée pour six secteurs d'intervention prioritaires, en cohérence avec les ODM :

- l'éducation , en contribuant en priorité à l'objectif « Éducation primaire pour tous, filles et garçons, d'ici à 2015 » ;

- l'eau et l'assainissement , en contribuant à l'objectif de réduire de moitié le nombre de personnes n'ayant pas accès à l'eau potable et à l'assainissement d'ici à 2015 ;

- la santé et la lutte contre le Sida . Il s'agit notamment de privilégier une approche équilibrée entre la prévention et le traitement et d'accorder une attention particulière à la question de l'accès aux médicaments ;

- l'agriculture et la sécurité alimentaire , en contribuant à l'objectif de réduire de moitié entre 1990 et 2015 la proportion de population souffrant de la faim ;

- le développement des infrastructures en Afrique subsaharienne, en favorisant notamment les infrastructures régionales ;

- la protection de l'environnement et de la biodiversité dans les pays en développement, notamment dans le domaine forestier.

Un document de stratégie pluriannuelle sera en outre établi sur le développement du secteur productif dans les pays les plus pauvres, en accordant une attention particulière au développement et à la modernisation des petites entreprises du secteur formel.

A côté des ODM, la France poursuivra sa coopération dans les domaines traditionnels de la gouvernance, de l'appui aux politiques publiques, de la promotion de la diversité culturelle, de l'enseignement supérieur et de la recherche, via le Fonds de solidarité prioritaire.

Chaque année, une table ronde réunira les acteurs de la coopération (ministères, AFD, ONG, secteur privé) dans chacun de ces secteurs, afin d'étudier la mise en oeuvre de la stratégie et d'en préciser les éventuelles évolutions. Sous la responsabilité du ministre délégué à la coopération, il sera procédé à une programmation indicative des ressources pluriannuelles prévues pour ces secteurs, couvrant à la fois l'aide bilatérale et l'aide multilatérale.

Votre rapporteur spécial souscrit à ces priorités, qui s'inscrivent dans une approche cohérente du développement, consistant à satisfaire en premier lieu les besoins de base des populations. La consécration des ODM dans notre stratégie d'aide était également nécessaire, compte tenu de leur acceptation au plan international, de leur caractère structurant pour les interventions des bailleurs et des cibles quantitatives qu'ils promeuvent. Les nouvelles stratégies sectorielles de référence témoignent d'un effort bienvenu, à côté des documents stratégiques-pays modernisés, d'insertion de notre aide dans un cadre de long terme.

Il conviendra donc de s'assurer que ces stratégies n'en resteront pas au stade des mots, et que les moyens financiers pour les mettre en oeuvre seront en conformité avec leurs ambitions, ce qui n'est pas encore le cas, compte tenu de l'impact du traitement de la dette. Votre rapporteur spécial relève enfin que les stratégies sectorielles recouvrent les nouveaux domaines d'intervention de l'AFD (cf. infra ), qui se voit donc consacrée comme l'opérateur de droit commun de l'aide, alors que les secteurs considérés comme plus « annexes » resteront du ressort du FSP.

c) L'élaboration de documents-cadres de partenariat

Des documents-cadres de partenariat (DCP), qui associeront l'ensemble des acteurs publics de l'aide française, seront préparés localement sous l'autorité de l'ambassadeur et discutés avec les autorités locales. En Afrique, ces documents seront établis en conformité avec les principes du NEPAD. Les DSP, d'une durée de trois ans , seront établis en cohérence avec les Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté mis en place par les État s et les Documents stratégiques - pays élaborés par la Commission européenne. Ils devront ainsi permettre à la France de participer à l'effort engagé d'harmonisation des pratiques des bailleurs de fonds dans un pays donné. Les documents-cadres préciseront les secteurs - en nombre limité pour chaque pays - sur lesquels les moyens de la coopération française sont concentrés. L'objectif est de disposer de DCP pour les trente premiers pays bénéficiaires de l'aide dans la ZSP à l'été 2005. Les DCP seront rendus publics dès leur adoption définitive.

Chaque année, une conférence d'orientation stratégique et de programmation, préparée par le co-secrétariat du CICID, réunira sous la présidence du ministre chargé de la coopération, les acteurs publics de l'aide française. Elle établira une programmation indicative des ressources allouées à chaque pays dans le cadre des documents-cadres de partenariat, qui seront validés à cette occasion, et procédera à une revue du portefeuille des opérations en cours . Cette programmation prendra en compte les résultats obtenus les années précédentes et les différents critères retenus pour l'allocation des ressources.

Votre rapporteur spécial approuve pleinement cette démarche de programmation rigoureuse, qui est au surplus cohérente avec l'esprit de la LOLF, consistant à fixer des objectifs et à analyser des résultats, pour une meilleure performance globale de l'aide. Afin que ces nouveaux documents ne deviennent pas, à terme, un facteur de ralentissement des actions, d'alourdissement des procédures et d'inflation rhétorique, à l'image de ce que sont devenus certains DSP, il importera que les priorités soient effectivement concentrées 8 ( * ) et que les revues de portefeuille soient exhaustives, approfondies et sévères. Il constate également que les perspectives de substitution des nouveaux DCP aux DSP ne sont pas précisées, bien qu'elles soient souhaitables.

d) Le fonctionnement du CICID

Des dispositions sont opportunément prises pour rendre l'activité du CICID plus visible, moins discontinue et pour qu'un meilleur suivi de l'application des orientations soit assuré : attribution de moyens humains au co-secrétariat, désignation d'un correspondant dans chaque ministère concerné, réunion mensuelle du co-secrétariat en présence de l'AFD et, si nécessaire, des ministères sectoriels concernés, réunion trimestrielle par laquelle le co-secrétariat rend compte de ses travaux au ministre délégué chargé de la coopération et du développement et aux responsables des deux programmes de la mission interministérielle APD.

Compte tenu du choix - ou de l'inertie - tendant à maintenir la complexité organisationnelle de notre dispositif d'APD, le renforcement du CICID était effectivement nécessaire.

* 8 Votre rapporteur spécial a en effet trop souvent constaté que les soi-disant priorités établies par certains postes étaient trop nombreuses pour être réellement significatives, et ne faisaient finalement que classer les secteurs d'intervention existants.

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