EXAMEN DE L'ARTICLE 74 RATTACHÉ

Le présent article propose de réviser le dispositif d'allègement général de cotisations sociales patronales devant rentrer en vigueur au 1 er juillet 2005 en application de la loi « Fillon » du 17 janvier 2003. Il s'agit de réduire le champ des rémunérations qui donneront lieu à réduction de charges sociales, d'une fourchette allant de 1 à 1,7 fois de SMIC horaire, à une fourchette allant de 1 à 1,6 fois le SMIC horaire. L'économie attendue en 2005 est estimée à 1,2 milliard d'euros.

I. LE DROIT EXISTANT

A. DE LA « DIVERGENCE DES SMIC » À LEUR « CONVERGENCE »

1. De la loi « Aubry » ...

La loi de réduction du temps de travail du 19 janvier 2000 (« loi Aubry ») prévoyait que le gouvernement présenterait au Parlement avant le 31 décembre 2002, après consultation des partenaires sociaux et de la Commission nationale de la négociation collective, un rapport retraçant la situation des salariés concernés par les garanties minimales de rémunération (GMR) associées aux passages aux 35 heures, et précisant les mesures propres à les rendre sans objet à compter du 1 er juillet 2005 .

La mise en place du système des GMR avait pour objectifs de maintenir le niveau de la rémunération mensuelle des salariés payés au niveau du SMIC lors du passage aux 35 heures, et d'assurer ensuite une progression mesurée de leur pouvoir d'achat. Le système d'indexation des GMR étant moins favorable que celui du SMIC, chaque nouvelle GMR (intitulées « GMR 1 », « GMR 2 » etc.) créée au 1 er juillet de chaque année était plus favorable que la précédente après indexation.

Ce système, qui s'était complexifié à chaque revalorisation des minima légaux, n'était pas équitable puisque la rémunération minimale n'était plus la même selon la date de passage aux 35 heures, et pour les travailleurs à temps partiel ou les nouveaux embauchés à 35 heures dont la rémunération restait déterminée par le SMIC horaire (cf. tableau infra ).

2. ...à la loi « Fillon »

La loi « Fillon » a d'abord mis fin à la création de nouvelles GMR après juillet 2002, afin de ne pas accentuer la complexité existante et les disparités entre salariés.

Une convergence s'effectuant par « coups de pouce » successivement apportés au SMIC a été programmée, de telle sorte qu'en juillet 2005 69 ( * ) , 151,7 fois 70 ( * ) le SMIC horaire correspondent au niveau de la GMR 5 (GMR la plus élevée, créée en juillet 2002). Les autres garanties sont également revalorisées par des « coups de pouce » différentiels pour assurer leur convergence vers la GMR 5.

Le choix finalement retenu d' indexer les GMR et le SMIC horaire sur le taux d'inflation a permis de programmer ces « coups de pouce » :

• à apporter au SMIC , la hausse du SMIC horaire nécessaire à la convergence ressortant à 11,4 % en trois ans en termes réels,

• à apporter aux GMR 1, GMR 2, GMR 3 et GMR 4 , les hausses devant leur être respectivement appliquées pour assurer leur convergence ressortant à 4,9 %, 3,6 %, 1,8 % et 0,6 % en trois ans en termes réels.

La GMR 5 ne bénéficie naturellement pas de coups de pouce, puisqu'elle constitue la « cible » vers laquelle tendent le SMIC pour 35 heures et les autres GMR au 1 er juillet 2005

Votre rapporteur spécial a dressé le tableau suivant afin de rendre compte, depuis 1998, de l'ensemble de ces évolutions :

« DIVERGENCE » (1998-2002) PUIS « CONVERGENCE » (2003-2005) DES SMIC (en euros)

 

Passage aux 35 H :

avant le

01/07/1999

avant le

01/07/2000

avant le

01/07/2001

avant le

01/07/2002

après le

01/07/2002

SMIC

35 H

payées 35 H 71 ( * )

SMIC

39 H 72 ( * )

Dates de revalorisation

SMIC brut

GMR 73 ( * ) :

Revalorisation 4

"GMR 1"

"GMR 2"

"GMR 3"

"GMR 4"

"GMR 5"

Horaire

Revalorisation 74 ( * )

01/07/1998

6,13

1036,80

 

1036,80

01/07/1999

6,21

1,20 %

0 %

1036,80

1049,68

1049,68

01/07/2000

6,41

3,20 %

1,45 %

1051,83

1064,90

1083,19

 

1083,19

01/07/2001

6,67

4,10 %

2,80 %

1081,11

1094,55

1113,35

1127,23

1127,23

01/07/2002

6,83

2,40 %

1,80 %

1100,67

1114,35

1133,49

1147,62

1154,27

1036,11

1154,27

« Coups de pouce » annuels sur la période
2003-2005 hors indexation sur les
prix à la consommation :

3,70%

Différenciée :

1,60 %

1,20 %

0,60 %

0,20 %

pas de « coup de pouce »

3,70 %

3,70 %

01/07/2003

7,19

5,27 %

1136,15

1145,54

1158,62

1168,16

1172,74

1090,51

1215,11

01/07/2004

7,61

5,84%

1178,54

1183,40

1190,14

1195,03

1197,37

1154,18

1286,09

01/07/2005 75 ( * )

8,01

5,26%

1215,36

1215,56

1215,24

1215,38

1215,33

1214,87

1353,68

Progression nominale sur la période 2003-2005 5 :

17,28 %

10,42%

9,08%

7,21%

5,90%

5,29%

17,25%

17,25 %

Progression réelle sur la période 2003-2005 76 ( * ) :

11,4%

 

4,9 %

3,6 %

1,8 %

0,6 %

0 %

11,4 %

11,4 %

Le scénario de convergence mis en place la loi « Fillon » s'est intégré dans une réforme plus large visant à assouplir les lois relatives à la réduction du temps de travail et à simplifier les dispositifs d'allègements de cotisations sociales.

B. DES ALLÉGEMENTS DE COTISATIONS SOCIALES SUPPLÉMENTAIRES

1. L'allègement « Fillon »

A compter du 1 er juillet 2003, un dispositif transitoire absorbant la « ristourne Juppé » et l'allègement « Aubry II » doit aboutir au 1 er juillet 2005 à un dispositif unifié de réduction de cotisations patronales . Cette réforme conduit à de nouvelles baisses des charges pesant sur les bas salaires afin de contrecarrer auprès des entreprises l'augmentation concomitante des minima salariaux. Elle prévoit que le niveau de l'allègement atteindra, à la fin de la période transitoire, 26 % du salaire au niveau du SMIC, son montant étant dégressif pour s'annuler au niveau du SMIC majoré de 70 % (cf. tableau infra ).

Pour toutes les entreprises, pour chaque employé, les réductions de charges seront alors calculées selon la même formule linéairement dégressive, en fonction de la rémunération horaire .

2. La résultante pour les entreprises

a) Entreprises bénéficiant antérieurement de la « ristourne Juppé »

Le nouveau dispositif d'allègements de cotisations sociales mis en place parallèlement à la convergence des rémunérations minimales permet de limiter l'impact de la hausse du SMIC (+ 11,4 % de 2003 à 2005 en termes réels) sur le coût du travail (+ 4,6 % de 2003 à 2005 en termes réels) afin de préserver la compétitivité des entreprises.

Au 1 er juillet 2004 , le SMIC brut horaire s'élève à 7,61 euros, et à 10,88 euros charges patronales comprises. L'allègement de 23,4 % appliqué aux 7,61 euros correspond à 1,78 euro de diminution des charges patronales, ce qui équivaut à une diminution de plus de 16 % du SMIC charges sociales patronales incluses .

b) Entreprises bénéficiant des « allègements Aubry »

Au niveau du salaire minimum, les nouveaux allègements de cotisations sociales font plus que compenser le choc de la convergence sur le coût du travail pour les salariés passés aux 35 heures après le 1 er juillet 2001 (GMR 4 et GMR 5), et la compensation est quasi-totale pour les salariés passés aux 35 heures entre le 1 er juillet 2000 et le 30 juin 2001 (GMR 3). En revanche, les entreprises enregistrent un léger surcoût pour les salariés passés aux 35 heures avant le 1 er juillet 2000 (GMR 1 et GMR 2).

« CONVERGENCE » (2003-2005) DES DISPOSITIFS GÉNÉRAUX D'ALLÈGEMENT DE CHARGES

Allègements

Type

Entrée dans le dispositif

Montant jusqu'au 30 juin 2003

Allègement « Fillon » mis en place au 1 er juillet 2003, en remplacement de l'aide incitative « Aubry I » et de la « ristourne Juppé » (convergence progressive)

au 1 er juillet 2003

au 1 er juillet 2004

au 1 er juillet 2005

Allègement « De Robien »

Allègement forfaitaire de cotisations sociales patronales, cumulé avec la « ristourne Juppé », puis avec l'allègement « Aubry I », puis avec l'allègement « Fillon »

1996-1998, pour les entreprises décidant de réduire leurs horaires collectif d'au moins 10 %

40 % de diminution de charge sociale patronales la première année, 30 % les six années suivantes

cumul avec l'allègement « Fillon »

fin de l'allègement

Aide incitative « Aubry I »

Allègement forfaitaire de cotisations sociales patronales, cumulé avec la « ristourne Juppé », puis avec l'allègement « Aubry I », puis avec l'allègement « Fillon » jusqu'au 1/4/2004 (fin du cumul)

1998-2002, pour les entreprises anticipant le passage aux 35 heures

915 euros (6.000 francs) par salarié et par an, dégressif sur 5 ans.

cumul avec l'allègement « Fillon »

fin du cumul anticipée au 1/4/2004 (loi de finances initiale pour 2004)

Aide incitative « Aubry II »

Réduction dégressive de cotisations sociales patronales sur les bas salaires

2000-2003, pour les entreprises réduisant à 35 heures leurs horaires collectifs de travail

26 % du salaire brut à la « GMR 2 », dégressive jusqu'à 1,8 SMIC mensuel

26 % du salaire brut à la « GMR 2 », dégressive jusqu'à 1,7 fois la « GMR 2 »

26 % du salaire brut à la « GMR 2 », dégressive jusqu'à 1,7 fois la « GMR 2 »

26 % du salaire brut au SMIC, dégressive jusqu'à 1,7 SMIC horaire

« Ristourne Juppé »

Réduction dégressive de cotisations sociales patronales sur les bas salaires

1995-2003

18,2 % du salaire brut au SMIC, dégressive jusqu'à 1,3 SMIC horaire

20,8 % du salaire brut au SMIC, dégressive jusqu'à 1,5 SMIC horaire

23,4 % du salaire brut au SMIC, dégressive jusqu'à 1,6 SMIC horaire

Rappel : la durée légale du travail a été ramenée à 35 heures par semaine au 1 er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés, et au 1 er janvier 2002 pour les autres.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LE RESSERREMENT DE LA FOURCHETTE DES RÉMUNÉRATIONS ÉLIGIBLES À L'ALLÈGEMENT UNIQUE

Concernant la réduction de cotisations sociales patronales, le III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale modifié par l'article 9 de la loi « Fillon » dispose : « Le montant de la réduction est calculé chaque mois civil, pour chaque salarié. Il est égal au produit de la rémunération mensuelle (...) par un coefficient. Ce coefficient est déterminé par application d'une formule fixée par décret. (...)

« Pour les gains et rémunérations versés à compter du 1 er juillet 2005, le coefficient maximal est de 0,26. Il est atteint pour une rémunération horaire égale au salaire minimum de croissance. Ce coefficient devient nul pour une rémunération horaire égale au salaire minimum de croissance majoré de 70 % (...) » .

Le présent article propose de remplacer « 70 % » par « 60 % ». L'allègement atteindra donc toujours, au 1 er juillet 2005, 26 % du salaire au niveau du SMIC, mais son montant sera plus fortement dégressif (toujours sur un mode linéaire) , car il s'annulera au niveau du SMIC majoré de 70 %, et non plus de 60 %.

B. UN EFFET FAIBLEMENT NÉGATIF SUR L'EMPLOI

Les mesures d'allégement des cotisations sociales patronales sont d'autant plus efficaces sur l'emploi qu'elles sont resserrées autour des bas salaires, cela probablement sans effet négatif appréciable sur la dynamique des bas salaires (cf. supra « Principales observations »).

Ainsi, la décision de recentrer l'aide sur les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC, là où elle est la plus efficace, ne devrait avoir qu'un effet négligeable pour l'emploi.

C. UNE ÉCONOMIE SUBSTANTIELLE PERMETTANT DES REDÉPLOIEMENTS UTILES À L'EMPLOI

L'économie attendue en 2005 est estimée à 1,2 milliard d'euros . Ce montant est proche de la somme du surcoût pour le budget du travail entraîné par la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale pour 2005 (681 millions d'euros), et de la dépense correspondant à la mise en place de l'aide à l'emploi dans la restauration (550 millions d'euros).

Pour 2005, l'augmentation de la dotation correspondant à l'« allègement Fillon » est ainsi ramenée de plus de 2,1 milliards d'euros à 938 millions d'euros, ces crédits progressant donc de 15,8 milliards d'euros en 2004 à 16,7 milliards d'euros en 2005.

* 69 Reculer le terme de la convergence entre le SMIC et les GMR aurait présenté l'avantage d'étaler les hausses du SMIC dans le temps. Mais le report de l'échéance n'aurait pas contribué à réduire significativement l'ampleur des hausses de SMIC nécessaires à la convergence compte tenu des modes d'indexation respectifs des garanties et du SMIC. Comme il existait un certain consensus pour demander la sortie rapide du système des GMR, le schéma retenu n'a pas repoussé l'échéance finale au-delà de 2005.

* 70 L'horaire mensuel sur la base de 35 heures est de 151,7 heures.

* 71 Il s'agit des entreprises créées après le 1 er janvier 2000, ou postes créés après le 1 er janvier 2000 sans équivalent dans l'entreprise.

* 72 Compte non tenu de la réduction de la durée légale du travail à 35 heures (à compter du 1 er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés, et à compter du 1 er janvier 2002 pour les autres entreprises), qui entraîne l'application de majorations pour heures supplémentaires de la 36ème heure à la 39ème heure :+ 25 % pour les entreprises de plus de 20 salariés, + 10 % pour les autres (NB : depuis la loi « Fillon » du 17 janvier 2003, la majoration pour heures supplémentaires dans les entreprises de plus de 20 salariés peut être ramenée conventionnellement à 10 %).

* 73 « Garanties mensuelles de rémunération », dont la création découle de la loi « Aubry II » du 19 janvier 2000.

* 74 De 2003 à 2005, les revalorisations du SMIC et des GMR au 1 er juillet résultent de l'effet cumulé des « coups de pouce » annuels et de l'indexation sur les prix à la consommation (loi « Fillon »).

* 75 Estimation compte tenu d'une inflation d'environ 1,8 % de juillet 2004 à juillet 2005.

* 76 Il s'agit de la progression hors indexation sur les prix, résultant exclusivement des « coups de pouce ».

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