Rapport n° 100 (2004-2005) de M. André BOYER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 8 décembre 2004

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N° 100

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 décembre 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) :

- sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de la convention d' entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde (ensemble un avenant sous forme d'échange de lettres) ;

- sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en matière d' extradition ,

Par M. André BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1197 , 1198 , 1426 et T.A. 266 et 267

Sénat : 254 et 255 (2003-2004)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Les relations franco-indiennes, traditionnellement bonnes, se sont renforcées et approfondies depuis la visite d'Etat du président de la République en Inde en 1998 et la mise en place d'un partenariat stratégique franco-indien. La récente visite de notre ministre des affaires étrangères, en octobre dernier, a permis de confirmer la place qu'occupe désormais ce pays dans nos priorités diplomatiques. Les deux pays sont actuellement liés par près de 90 accords bilatéraux.

Les élections générales du mois de mai 2004 ont amené une nouvelle coalition au pouvoir en Inde, dominée par le parti du Congrès, sous la direction du premier ministre Manmohan Singh. Cette nouvelle configuration peut être une occasion de développer la stratégie à l'égard de ce pays, qui s'affirme comme une puissance économique et souhaite compter sur la scène internationale.

Les deux projets de loi qui font l'objet du présent rapport, d'une part une convention d'entraide judiciaire en matière pénale, signée à New Delhi le 25 janvier 1998, lors de la visite présidentielle, et d'autre part une convention en matière d'extradition, signée à Paris le 24 janvier 2003, attestent de la nécessité de renforcer les échanges entre nos deux pays, afin d'améliorer la connaissance de nos systèmes juridiques respectifs.

I. LES RELATIONS FRANCO-INDIENNES EN MATIÈRE JUDICIAIRE

A. UNE COOPÉRATION JUDICIAIRE PERFECTIBLE

Les demandes de coopération judiciaire entre la France et l'Inde portent sur des volumes réduits mais il semble que la suite qui leur est donnée ne soit satisfaisante pour aucune des parties.

Aucune des commissions rogatoires transmises à l'Inde entre 1999 et 2003 n'a été exécutée, sans que la motivation des refus n'ait été exposée. Sur la même période, la France n'a exécuté que deux des sept commissions rogatoires internationales transmises par l'Inde.

En matière d'extradition, la coopération ne fonctionne pas mieux. Aucune des demandes d'extradition formulées par l'Inde ces dernières années n'a pu être satisfaite, essentiellement pour des raisons de procédure.

Au delà de la nécessité de la conclusion d'accords bilatéraux, qui devraient faciliter la coopération, l'amélioration de la connaissance réciproque des systèmes juridiques nationaux est indispensable.

La France et l'Inde avaient également négocié une convention d'entraide judiciaire en matière civile, signée le 25 janvier 1998. Dans l'intervalle, l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, qui communautarise une partie de ces sujets, en a rendu les bases juridiques incertaines et elle a été suspendue. Les questions d'entraide judiciaire seront en effet de plus en plus traitées au niveau européen.

En bilatéral, une convention de transfèrement des personnes condamnées est en cours de négociation.

B. DES SYSTÈMES JURIDIQUES TRÈS DIFFÉRENTS

Le système juridictionnel indien est largement inspiré du modèle anglo-saxon.

Ainsi, il n'existe pas plusieurs ordres de juridiction et les juridictions disposent d'une compétence très large embrassant le droit civil, pénal et administratif et disposent d'un pouvoir d'injonction.

C. DES AVANCÉES MOTIVÉES PAR LA QUESTION DU TERRORISME

Notre pays avait proposé l'ouverture de négociations en vue d'accords relatifs à l'entraide judiciaire dès le début des années 80 mais cette démarche n'avait pas abouti.

Les préoccupations croissantes de l'Inde et ses besoins de coopération devant la montée du terrorisme au Cachemire et au Penjab ont conduit à la relance des négociations et à la conclusion d'accords bilatéraux tandis que l'Inde trouvait des réponses à ses préoccupations au niveau multilatéral sous la forma des conventions négociées sous l'égide des Nations unies, la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif du 15 décembre 1997 et la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme du 10 janvier 2000.

II. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE

A. DES PRINCIPES GÉNÉRAUX CLASSIQUES

La convention d'entraide judiciaire en matière pénale s'inspire largement de la convention type du Conseil de l'Europe du 20 avril 1959.

Les deux Parties s'engagent à s'accorder l'entraide judiciaire la plus large possible en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites d'infractions pénales relevant de la juridiction de la Partie requérante et dans les procédures y afférentes à la date de la demande d'entraide.

Sont également couvertes par le présent accord les infractions de nature fiscale, douanière ou relatives au contrôle des changes. Les diverses formes de l'entraide sont expressément énumérées. La présente convention ne s'applique pas à l'exécution des décisions d'arrestation et de condamnation, sauf s'il s'agit d'une confiscation, ni aux infractions militaires, qui ne sont pas des infractions de droit commun. Le principe de la double incrimination est écarté.

La convention énumère les différentes formes d'entraide tout en laissant ouverte la possibilité de recourir à d'autres formes, dès lors qu'elles sont compatibles avec le texte.

Elle écarte, de façon classique, la double incrimination : il n'est pas nécessaire que l'acte faisant l'objet de l'enquête constitue une infraction dans la partie requise, pour permettre l'entraide judiciaire.

B. DES AMÉNAGEMENTS PONCTUELS

Les restrictions à l'entraide sont prévues par l'article 4.

Elles sont pour parties liées à des questions de procédure. L'entraide peut ainsi être refusée si la partie requérante ne peut remplir les conditions de confidentialité ou de restrictions en matière d'utilisation des pièces fournies, si une décision de justice est déjà intervenue dans la partie requise (principe ne bis in idem ) ou s'il y a risque d'interférer avec une enquête ou des poursuites en cours sur le territoire de la partie requise.

La demande d'entraide peut être refusée ou différée lorsque son exécution est de nature à porter atteinte à la souveraineté de l'Etat requis, à sa sécurité ou encore à son ordre public, mais aussi lorsque l'infraction est de nature politique, hormis les actes de terrorisme.

En effet, pour tenir compte des préoccupations indiennes en matière de terrorisme, la possibilité de refuser l'entraide au motif que celle-ci se rapporterait à une infraction politique est limitée s'il y a eu « infraction grave à l'encontre de la vie, de l'intégrité physique ou de la liberté des personnes ».

III. LA CONVENTION D'EXTRADITION

A. DES STIPULATIONS DE DROIT COMMUN

La seconde convention, qui s'inspire de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, est conforme aux principes du droit français de l'extradition, tels qu'ils résultent de la loi du 10 mars 1927.

Aux termes de l'article 1er, les deux Parties s'engagent à se livrer les personnes poursuivies, ou recherchées aux fins d'exécution d'une peine d'emprisonnement, par les autorités « compétentes ».

L'article 2 pose le principe de la double incrimination et détermine le champ d'application de la présente convention en fonction de la peine encourue. L'extradition ne peut être accordée pour des infractions punies d'une peine d'emprisonnement de moins de deux ans. Lorsque l'extradition est demandée en vue de l'exécution d'un jugement, la partie de la peine restant à couvrir doit être d'au moins neuf mois.

L'article 16 quant à lui pose le principe, fondamental en matière d'extradition, de la spécialité des poursuites. L'Etat requérant ne peut tirer profit de la présence de la personne de l'extradé sur son territoire pour le poursuivre pour d'autres faits que ceux pour lesquels la personne a été extradée. L'article 18 fait obligation à l'Etat requérant, dès lors que l'Etat requis lui en fait la demande, de l'informer des résultats des poursuites engagées contre la personne extradée.

B. DES RESTRICTIONS NÉCESSAIRES

Aux termes de l'article 1er, les deux Parties s'engagent à se livrer les personnes poursuivies, ou recherchées aux fins d'exécution d'une peine d'emprisonnement, par les autorités « compétentes ». Dans la plupart des conventions d'extradition conclues par la France, c'est habituellement le terme d'autorités « judiciaires » qui est utilisé. La présente convention, en recourant au terme d'autorités « compétentes », poursuit deux objectifs. Le premier est d'inclure dans le champ d'application de la présente convention à la fois les magistrats du siège et ceux du ministère public, afin de prendre en considération les spécificités du droit indien.

Celui-ci, conformément à la tradition de « common law », réserve en effet la qualification de « judiciaire » aux seuls juges du siège, à l'exclusion du ministère public. Le second objectif vise à « écarter du champ d'application [...] les poursuites engagées par des entités de nature administrative. ». En Inde, en effet, un seul et même ministère est chargé des questions de justice et de sécurité intérieure, si bien que les demandes d'extradition sont susceptibles de transiter par des autorités qui en France sont considérées comme des autorités administratives.

Les articles 3 à 8 portent sur les motifs de refus, obligatoires ou facultatifs, de l'extradition. Les infractions politiques et les faits connexes à de telles infractions ne peuvent donner lieu à extradition. Toutefois, également pour répondre à la demande de la Partie indienne, qui subit des actions terroristes sur son territoire, ce principe ne doit pas faire obstacle à la répression d'une infraction lorsque les auteurs, complices ou co-auteurs de celle-ci ont utilisé des moyens particulièrement odieux. Ainsi, tout acte de violence dirigé contre la vie, l'intégrité corporelle ou la liberté des personnes, ou encore contre les biens s'il a créé un danger collectif pour les personnes, peut ne pas être considéré comme infraction politique.

L'extradition n'est pas non plus accordée si l'Etat requis dispose d'éléments tendant à montrer que la demande est motivée par des considérations liées à la race, la religion, la nationalité ou les opinions politiques de la personne réclamée. Les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun sont également exclues du champ d'application de la présente convention. Les nationaux échappent eux aussi à l'extradition.

L'article 7 énumère les motifs facultatifs de refus de l'extradition. D'une façon classique dans les conventions conclues par la France avec les Etats qui n'ont pas aboli la peine de mort, l'extradition peut être refusée si la personne réclamée encourt la peine capitale. Cette extradition ne sera éventuellement accordée que si l'Etat requérant donne des assurances jugées suffisantes que la peine capitale ne sera pas requise, ou si elle l'est, qu'elle ne sera pas appliquée.

Sur ce dernier point, il faut signaler que certains Etats indiens appliquent la peine capitale. Un tribunal du Gujarat, Etat de l'ouest de l'Inde, frontalier du Pakistan, a ainsi condamné à mort quatre Pakistanais arrêtés en 1999 en possession d'explosifs puissants de type RDX.

Mais un moratoire de fait sur la peine de mort existait en Inde depuis 1997, tous les recours en grâce adressés au chef de l'Etat ayant abouti durant cette période.

Ce moratoire a pris fin l'année dernière avec une exécution dans l'État du Bengale-Occidental, le 14 août 2004, ce qui a provoqué de vives réactions chez les partenaires de l'Inde, en particulier de l'Union européenne.

CONCLUSION

Les deux conventions faisant l'objet du présent rapport complètent le dispositif français en matière d'accords de coopération judiciaire. En l'espèce, elles devraient favoriser le développement d'une coopération dont le fonctionnement n'est pas satisfaisant.

Votre commission vous recommande l'adoption de ces deux textes que l'Inde n'a pas encore ratifiés mais dont la ratification devrait intervenir rapidement, l'autorisation du Parlement indien n'étant pas nécessaire.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 décembre 2004 sous la présidence de M. Serge Vinçon, président, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées a examiné les présents projets de loi.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, la commission a adopté les deux projets de loi.

PROJET DE LOI

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde, signée à New Delhi le 25 janvier 1998 (ensemble un avenant sous forme d'échange de lettres signées le 20 novembre 2002 et le 14 janvier 2003), et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

PROJET DE LOI

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en matière d'extradition, signée à Paris le 24 janvier, et dont le texte est annexé à la présente loi. 2 ( * )

* 1 Voir le texte annexé au document Assemblé nationale n° 1197 (12 e législature)

* 2 Voir le texte annexé au document Assemblé nationale n° 1198 (12 e législature)

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