ARTICLE 40 nonies (nouveau)

Extension à certains EPCI de la possibilité d'instituer le prélèvement progressif sur le produit brut des jeux

Commentaire : le présent article, introduit à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, et Charles de Courson, propose de permettre aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) percevant la taxe de séjour d'instituer le prélèvement progressif sur le produit brut des jeux.

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'IMPOSITION DU PRODUIT DES JEUX DANS LES CASINOS

En dehors des exceptions en faveur de quelques communes qui possédaient déjà un casino, la loi du 15 juin 1907 a accordé, par dérogation au code pénal interdisant les jeux de hasard, aux stations classées « balnéaires », « thermales » ou « climatiques », la possibilité d'ouvrir et d'exploiter un casino. La loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 sur l'amélioration de la décentralisation a étendu ce privilège aux villes principales de grandes agglomérations de plus de 500.000 habitants classées « stations de tourisme ».

1. Le prélèvement progressif, perçu par l'Etat

Le produit des jeux dans les casinos 47 ( * ) fait tout d'abord l'objet d'un prélèvement progressif , instauré par la loi de finances du 19 décembre 1926, dont les dispositions ont été modifiées plusieurs fois par la suite.

L'article L. 2333-56 du code général des collectivités territoriales prévoit que les tranches du barème du prélèvement progressif sont fixées par décret, dans les limites minimum et maximum de 10 % à 80 % du produit brut des jeux. Ces tranches ont été révisées par le décret n° 2002-448 du 27 mars 2002. Figurant à l'article D. 2333-74 du code général des collectivités territoriales, elles sont indiquées par le tableau ci-après.

Le barème du prélèvement progressif sur le produit brut des jeux

(en euros)

Taux

Tranche

 

Droit en vigueur jusqu'au décret n° 2002-448 du 27 mars 2002

Droit actuellement en vigueur

10 %

jusqu'à 44 .000

jusqu'à 58.000

15 %

de 44.001 à 88.000

de 58.001 à 114.000

25 %

de 88.001 à 271.000

de 114.001 à 338.000

35 %

de 271.001 à 503.000

de 338.001 à 629.000

45 %

de 503.001 à 838.000

de 629.001 à 1.048.000

55 %

de 838.001 s à 2.515.000

de 1.048.001 à 3.144.000

60 %

de 2.515.001 à 4.192.000

de 3.144.001 à 5.240.000

65 %

de 4.192.001 à 5.869.000

de 5.240.001 à 7.337.000

70 %

de 5.869.001 à 7.546.000

de 7 337 001 à 9.433.000

80 %

au-delà de 7.546.000

au-delà de 9.433.000

Source : article D. 2333-74 du code général des collectivités territoriales

Le produit de cet impôt est évalué à 1,012 milliard d'euros pour 2004 et 1,053 milliard d'euros pour 2005.

2. La fiscalité perçue par la commune

La commune d'implantation du casino bénéficie de deux prélèvements sur le produit des jeux.

a) Une part du prélèvement progressif

Tout d'abord, l'article L. 2333-55 du code général des collectivités territoriales prévoit que la commune d'implantation du casino perçoit une part du prélèvement progressif , soit 10 % du prélèvement progressif prélevé par l'Etat, dans la limite de « 5 % des ressources ordinaires » de la commune.

L'article L. 2333-57 du code général des collectivités territoriales prévoit que les recettes supplémentaires dégagées au profit des casinos par l'application du nouveau barème prévu à l'article L. 2333-56 précité sont consacrées, à concurrence de 50 % de leur montant, à des travaux d'investissement destinés à l'amélioration de l'équipement touristique dans les conditions fixées par décret.

b) Le « prélèvement au titre du cahier des charges »

Ensuite, le décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques (modifié par le décret n° 96-808 du 10 septembre 1996) prévoit que la commune perçoit un second prélèvement, dit « prélèvement au titre du cahier des charges ».

Ce prélèvement doit se situer dans la limite de 15 % du produit brut des jeux après un abattement de 25 %.

c) Le montant de ces deux prélèvements

Les deux prélèvements perçus par les communes sont de l'ordre de 300 millions d'euros par an , le prélèvement progressif et le prélèvement au titre du cahier des charges correspondant à respectivement un quart et trois quarts de ce montant, comme l'indique le graphique ci-après.

L'imposition du produit des jeux perçue par les communes

(en millions d'euros)

Source : ministère délégué au tourisme

3. La prise en compte de l'intercommunalité

L'article 7 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, inséré par le Sénat en seconde lecture à l'initiative de notre collègue Hubert Haenel, avec un avis favorable de la commission des lois et du gouvernement, a adapté le régime du prélèvement progressif au développement de l'intercommunalité :

- l'article L. 2333-54 précité prévoit désormais que les communes peuvent, par convention, reverser tout ou partie du prélèvement au groupement de communes ou au syndicat mixte dont elles sont membres lorsqu'il réalise des actions de promotion en faveur du tourisme ;

- par ailleurs, l'article L. 5211-21-1 du même code, inséré à cette occasion, prévoit que les EPCI à fiscalité propre qui exercent la compétence tourisme peuvent instituer le prélèvement progressif sur le produit brut des jeux dans les conditions fixées à l'article L. 2333-54, sauf opposition de la commune siège d'un casino, et peuvent, par convention, reverser tout ou partie du prélèvement à cette commune.

Ces deux dispositions doivent entrer en vigueur à compter du 1 er janvier 2005.

B. LA TAXE DE SÉJOUR

1. L'instauration de la taxe de séjour

La taxe de séjour a été instituée par la loi du 13 avril 1910 et généralisée à l'ensemble des stations classées par la loi du 24 septembre 1919.

L'article L. 2333-26 du code général des collectivités territoriales prévoit la possibilité , pour le conseil municipal , d'instituer une telle taxe, pour chaque nature d'hébergement à titre onéreux 48 ( * ) . Les communes peuvent instituer soit la taxe de séjour perçue par nuitée , ce qui est son mode traditionnel de perception (1.657 communes en 2001), soit, depuis 1989, la taxe de séjour forfaitaire (297 communes en 2001). L'article L. 2333-30 du même code précise que le tarif , arrêté par délibération du conseil municipal conformément à un barème établi par décret, ne peut être inférieur à 0,20 euro , ni supérieur à 1,50 euro , par personne et par nuitée.

Le champ de la taxe de séjour a été étendu par diverses dispositions législatives, en particulier par la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988, dans le cas des communes désireuses de développer leur promotion touristique. Ainsi, l'article L. 2333-26 précité prévoit que cette possibilité concerne :

- les stations classées ;

- les communes qui bénéficient de la dotation supplémentaire aux communes et groupements touristiques ou thermaux et de la dotation particulière aux communes touristiques ;

- les communes littorales ;

- les communes de montagne ;

- les communes qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ;

- les communes qui réalisent des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels.

2. L'affectation de la taxe de séjour

L'article L. 2333-27 du même code prévoit que « le produit de la taxe de séjour ou de la taxe de séjour forfaitaire est affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune ».

En particulier, l'article L. 2231-14 du même code prévoit que le budget des offices du tourisme comprend, notamment, en recettes le produit de la taxe de séjour, si elle est perçue dans la commune.

L'article L. 2333-27 du code précité prévoit, d'une manière plus générale, que le produit de la taxe de séjour est affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune.

3. La perception de la taxe de séjour par certains EPCI

La taxe de séjour est perçue par certains EPCI.

Tout d'abord, l'article L. 5722-6 prévoit que les syndicats mixtes qui ne comprennent que des collectivités territoriales ou leurs groupements à fiscalité propre peuvent instituer la taxe de séjour « lorsqu'ils réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ou, dans la limite de leurs compétences, des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels ».

Ensuite, l'article L. 5211-21 prévoit que, dans les EPCI érigés en stations classées, dans ceux bénéficiant de certaines dotations fusionnées dans la DGF en 1993, dans ceux qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que dans ceux qui réalisent, dans la limite de leurs compétences, des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels, la taxe de séjour peut être instituée par décision de l'organe délibérant.

Les communes membres d'un EPCI ayant institué la taxe de séjour ne peuvent percevoir celle-ci.

II. LA MODIFICATION PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE ADDITIONNEL

Le présent article additionnel résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, et Charles de Courson, avec un avis favorable du gouvernement.

Il propose de modifier l'article L. 5211-21-1 précité du code général des collectivités territoriales, afin de prévoir que le prélèvement progressif sur le produit brut des jeux peut être instauré non seulement par les EPCI à fiscalité propre exerçant la compétence tourisme, mais aussi par « les établissements publics locaux percevant la taxe de séjour ».

Cette notion d' « établissements publics locaux locaux percevant la taxe de séjour » renvoie aux syndicats mixtes et aux EPCI qui, selon les articles L. 5722-6 et L. 5211-21 précités, peuvent percevoir la taxe de séjour.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE MESURE DE BON SENS

Le présent article additionnel constitue une mesure de bon sens.

L'article 7 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, inséré par le Sénat en seconde lecture à l'initiative de notre collègue Hubert Haenel , a, on l'a vu, inséré dans le code général des collectivités territoriales un article L. 5211-21-1 , qui prévoit que « les EPCI à fiscalité propre qui exercent la compétence tourisme » peuvent instituer le prélèvement progressif sur le produit brut des jeux. Cette disposition doit entrer en vigueur à compter du 1 er janvier 2005.

Cependant, certains EPCI percevant la taxe de séjour ne sont pas des « EPCI à fiscalité propre qui exercent la compétence tourisme ». Tout d'abord, certains sont des syndicats mixtes , qui ne sont pas à fiscalité propre et peuvent réaliser des « actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels » sans disposer de la compétence tourisme. Ensuite, les autres EPCI percevant la taxe de séjour ne sont pas forcément à fiscalité propre , puisqu'il est suffisant, pour instituer la taxe de séjour, que l'EPCI appartienne à certaines catégories d'EPCI à vocation touristique (les stations classées, les EPCI bénéficiant de certaines dotations fusionnées dans la DGF en 1993, et ceux qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme). L'EPCI peut même ne pas avoir de compétence en matière de tourisme, puisqu'il est suffisant qu'il réalise des actions de protection et de gestion de ses espaces naturels.

Ainsi, certains EPCI percevant la taxe de séjour ne peuvent pas, en l'état actuel du droit, percevoir le prélèvement progressif sur le produit brut des jeux.

Pourtant, le prélèvement sur le produit brut des jeux constitue, au même titre que la taxe de séjour, une recette liée au tourisme. On peut rappeler à cet égard que, pour cette raison, l'article L. 2333-57 du code général des collectivités territoriales prévoit que les recettes supplémentaires dégagées au profit des casinos par l'application du nouveau barème du prélèvement progressif sur le produit brut des jeux instauré en 2002 sont consacrées, « à concurrence de 50 % de leur montant, à des travaux d'investissement destinés à l'amélioration de l'équipement touristique ».

B. UNE RÉDACTION PRÊTANT À CONFUSION

Le présent article additionnel est cependant formulé d'une manière prêtant à confusion.

1. Un risque de confusion au sujet des établissements publics pouvant instituer la taxe de séjour

En effet, il prévoit que le prélèvement progressif sur le produit brut des jeux peut être instauré par « les établissements publics locaux percevant la taxe de séjour ».

Cette notion d' « établissements publics locaux locaux percevant la taxe de séjour » renvoie, on l'a vu, aux syndicats mixtes et aux EPCI qui, selon les articles L. 5722-6 et L. 5211-21 précités, peuvent percevoir la taxe de séjour.

Cependant, une lecture rapide pourrait laisser croire qu'elle désigne les établissements publics locaux auxquels est reversée une partie de la taxe de séjour, comme les offices de tourisme.

Les établissements publics locaux auxquels est reversée une partie de la taxe de séjour (auxquels ne s'applique pas le présent article additionnel)

La taxe de séjour peut être reversée à certains établissements publics :

- les offices de tourisme , dont l'article L2231-14 du code général des collectivités territoriales prévoit qu'ils perçoivent le produit de la taxe de séjour, et qui sont des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), selon l'article L. 2231-10 du code précité ;

- dans certaines conditions fixées par l'article L. 2333-27 du code précité, les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux gérés par un établissement public administratif ;

- d'autres établissements publics, l'article L. 2333-27 prévoyant, d'une manière plus générale, que le produit de la taxe de séjour est affecté aux dépenses « destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune ».

2. Une imprécision liée à la notion de « taxe de séjour »

Par ailleurs, le présent article additionnel renvoie à la notion de « taxe de séjour », alors que le code général des collectivités territoriales mentionne systématiquement « la taxe de séjour et la taxe de séjour forfaitaire », cette double notion correspondant à ce que l'on appelle communément « taxe de séjour ».

Dans sa rédaction actuelle, le présent article risque donc d'induire un doute quant à son application à la taxe de séjour forfaitaire.

Afin d'éviter de telles confusions, votre commission des finances vous propose deux amendements rédactionnels.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 47 L'article 15 du décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques (modifié, notamment, par le décret n° 2002-514 du 12 avril 2002) prévoit que, dans le cas du prélèvement progressif et du prélèvement communal, le produit brut est constitué :

- aux jeux de cercle, par le montant intégral de la cagnotte sans aucune déduction ;

- à la boule, au vingt-trois ainsi qu'aux autres jeux de contrepartie par la différence entre le montant cumulé de l'avance initiale et des avances complémentaires éventuelles et le montant de l'encaisse constaté en fin de partie ;

- pour les machines à sous, par le produit d'un coefficient de 85 % appliqué au montant de la comptée afférente à l'appareil, diminué des avances faites, des gains payés par la caisse spéciale et du montant des gains non réclamés.

* 48 Les natures d'hébergement sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

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