ARTICLE 51

Octroi de la garantie de l'Etat à la Caisse française de développement industriel (CFDI) dans le cadre du plan de financement d'Alstom de 2004

Commentaire : le présent article tend à assurer la participation de l'Etat à la préservation de l'activité commerciale d'Alstom par l'octroi d'une garantie d'un montant maximum de 1.250 millions d'euros, via la Caisse française de développement industriel, dans le cadre d'un programme syndiqué de cautions de marché, ouvert, au profit de la société, à compter du 2 août 2004, pour une durée de 24 mois, dans la limite d'un encours de 8 milliards d'euros.

I. L'AGGRAVATION DE LA SITUATION D'ALSTOM

A. UN GROUPE EN SÉRIEUSE DIFFICULTÉ

Depuis 2000, Alstom est en difficulté, pour des raisons, à l'origine, tant techniques que conjoncturelles :

- conséquences de défauts de fonctionnement, en 2000, de turbines à gaz de grande puissance (GT 24 et GT 26), développées à partir de technologies acquises auprès du groupe helvetico-suédois (ABB). Il en a coûté au groupe, au total, près de 3,5 milliards d'euros (remise en état, frais de contentieux, pénalités...). 738 millions d'euros de provisions demeuraient inscrits, à ce titre, dans les comptes d'Alstom au 31 mars 2004 ;

- problèmes rencontrés, en 2002, sur des trains régionaux livrés dans le cadre de la privatisation des chemins de fer britanniques (retards de livraison, financement de programmes de fiabilisation des matériels, compensations offertes aux clients...) ;

- recul d'activités, à partir de l'automne 2001, sur le marché de la croisière affectant les résultats du groupe dans le domaine de la construction navale (des financements avaient été accordés à certaines institutions financières, à hauteur de près de 1,5 milliard d'euros au 31 mars 2002, pour faciliter les ventes. Des intérêts étaient détenus, sans titre de propriété, dans diverses entités non consolidées. Au 31 mars 2004, 329 millions d'euros étaient encore inscrits au bilan en contrepartie).

Dans ces conditions, les conditions de liquidité du groupe sont devenues de plus en plus tendues tandis que s'enclenchait une spirale dans laquelle la méfiance des milieux bancaires et financiers et celle des clients d'Alstom se « confortaient mutuellement ».

Les prises de commande entre avril et septembre 2003 accusaient un recul de 25 %, à données comparables, par rapport à 2002, pour des raisons liées, non seulement à la conjoncture, mais aussi à des difficultés de cautionnement (à assurer aux clients).

Le spectaculaire redressement (+ 51 %) du second semestre de l'exercice 2003-2004 77 ( * ) a eu pour contrepartie une très forte demande de cautions bancaires. Le résultat opérationnel s'est certes amélioré (+ 300 millions d'euros), mais pas le résultat d'exploitation, qui est resté déficitaire (de 871 millions d'euros), ni le résultat financier (- 460 millions d'euros, sous l'effet de l'augmentation des charges d'intérêt et des commissions sur cautions, garanties et emprunts).

Les pertes de la société atteignaient 1,8 milliard d'euros (soit 10 % du chiffre d'affaires) dans les derniers résultats publiés.

B. DES PLANS DE SAUVETAGE SUCCESSIFS

Des plans successifs se sont succédés pour redresser la situation d'Alstom.

1. Le plan « Restore value » de mars 2002

- Un premier plan drastique de restructuration dénommé « Restore value » prévoyait, en mars 2002, des cessions d'actifs non stratégiques (900 millions d'euros) et d'actifs immobiliers (750 millions d'euros), ainsi qu'une augmentation de capital (environ 500 millions d'euros), en vue de ramener le ratio dette/fonds propres de 95 %, en 2002, à 20 % en 2005.

Aucun métier stratégique ne devait être cédé : pourtant, le nouveau PDG du groupe, M. Patrick Kron, décidait, en 2003, la vente à Siemens, du secteur des turbines industrielles 78 ( * ) et engageait des négociations en vue de la cession à Areva de l'activité Transmission et distribution.

Un programme de 500 millions d'euros d'économies en deux ans était annoncé. Malgré cela, l'aggravation de la situation financière du groupe rendait très difficile le renouvellement de ses lignes de crédit 79 ( * ) et la réalisation de l'augmentation de capital prévue.

2. Le plan du 22 septembre 2003

Durant l'été 2003, Alstom, confronté au risque de ne pas pouvoir honorer ses dettes de court terme, mettait au point un plan de refinancement négocié avec les banques et l'Etat.

- Dans sa première version, le plan prévoyait une participation de 300 millions d'euros de l'Etat à la prochaine augmentation de capital du groupe qui en aurait fait son principal actionnaire (à hauteur de 31,5 % de l'ensemble des droits).

Mais l'accord conclu entre le groupe, ses banques créancières et l'Etat, devait être renégocié, après avoir été notifié à Bruxelles qui entendait empêcher la mise en oeuvre de mesures « irréversibles » constitutives d'une aide d'Etat.

C'est ainsi que la participation de 300 millions d'euros de l'Etat au capital d'Alstom était remplacée par la souscription de titres subordonnés à long terme (20 ans), convertibles en actions.

Le plan comportait, comme le montre le tableau ci-après, trois volets destinés à répondre aux différents besoins du groupe :

- en fonds propres (pour réduire son endettement) ;

- en liquidités (afin d'assurer son fonctionnement courant) ;

- en cautions (en vue de faciliter ses activités commerciales).

La commission retirait dès lors sa menace d'injonction de suspension des mesures envisagées, dont l'examen de la conformité avec les règles européennes relatives aux aides d'Etat devait, néanmoins, se poursuivre jusqu'à l'été 2004.

La couverture des besoins de liquidité était assurée par l'émission de billets de trésorerie, souscrits par la Caisse des dépôts et consignations (dont 100 millions d'euros renouvelables jusqu'à l'encaissement par Alstom du produit de la vente à Areva du secteur Transmission et distribution).

L'Etat apportait sa contre-garantie aux 3,5 milliards d'euros de cautions émis par les banques.

Ses prêts subordonnés étaient octroyés par l'intermédiaire de la Caisse française de développement industriel 80 ( * ) (à hauteur de 300 millions d'euros) ou, pour le plus long terme, du compte d'affectation spéciale n° 902-24 (produits des privatisations).

Ces mesures n'empêchaient pas, comme indiqué plus haut, une détérioration des résultats du groupe (hormis le résultat opérationnel), malgré une reprise des commandes, en raison de l'augmentation des charges financières (intérêts, commissions) et de restructurations (retraites anticipées...).

Des tensions sur la liquidité de la société se manifestaient à nouveau, rendant nécessaire un troisième plan de financement.

Alstom prévenait ses banques créancières, au début du mois de mars 2004, qu'au vu de ses comptes qui allaient être arrêtés le 31, elle serait en mesure de respecter ses engagements concernant sa dette, mais pas ceux relatifs à sa situation nette, ni à ses ratios d'exploitation.

3. Le plan de l'été 2004

Un nouveau plan global de financement comportant de nouveaux engagements était donc élaboré sans plus attendre, dont les principaux éléments allaient être approuvés, d'abord par la Commission européenne, sous conditions, le 7 juillet, puis par l'Assemblée générale des actionnaires, deux jours plus tard, le 9, en ce qui concerne les opérations portant sur le capital du groupe.

Deux séries de mesures étaient prévues concernant respectivement :

- une nouvelle augmentation de capital ;

- un programme supplémentaire de caution de marché destiné à préserver l'activité commerciale de la société.

Le plan de juillet 2004 (en millions d'euros)

1. Augmentation de capital

- souscription préférentielle des actionnaires 1.200

- souscription de l'Etat et de la CFDI (1) 500 (2)

- autres prêteurs subordonnés et seniors (1) 700

TOTAL 2.400

2. Cautions

- encours maximum 8.000

- garanties (25 %) 2.000

dont :

Alstom 700

Etat 1.250

Banques 50

(1) Compensations de créances.

(2) Dont 170 à 185 millions d'euros en numéraires, et 300 millions d'euros de titres subordonnés, acquis en décembre 2003, convertis en actions.

Le produit effectif de l'augmentation de capital « classique », avec droit préférentiel de souscription, a dépassé les prévisions, son montant atteignant finalement 1,5 milliard d'euros, au lieu de 1,2 milliard d'euros.

En revanche, celle réservée aux créanciers n'a été souscrite qu'à hauteur de 38 % de ce qui était attendu 81 ( * ) , signe d'un certain scepticisme des établissements concernés quant aux perspectives d'avenir du groupe...

Le total recueilli par la société a atteint finalement 1,748 milliard d'euros, la participation de l'Etat (y compris la CFDI) représentant désormais un peu plus de 20 % du capital (21,4 %).

Quant au programme de cautions, son plafond se situe à 8 milliards d'euros et sa durée ne saurait dépasser 24 mois.

Les garanties devront rester égales à 25 % du total de l'encours des cautions, au fur et à mesure de leur amortissement qui bénéficiera en priorité à l'Etat et aux banques.

Cette facilité syndiquée sera réalimentée, pendant la période autorisée, à hauteur des amortissements de cautions existantes, dans la limite du plafond susvisé.

II. L'AIDE PROPOSÉE

A. LES DISPOSITIONS PRÉVUES

Dans ce cadre, le présent article prévoit que l'Etat apporte sa garantie à la CFDI, pour un montant maximum de 1,250 milliard d'euros, au titre des opérations de contre-garantie des cautions reprises ou émises dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du dispositif concerné.

Cette contre-garantie couvrira, en cas de défaillance d'Alstom, les pertes des banques et autres établissements garants de la société.

Elle se substitue à celle visée au II de l'article 80 de la loi de finances rectificative pour 2003.

Si son montant est plus faible que celui de cette dernière (1,250 milliard d'euros au lieu de 2,275 milliards d'euros), elle s'applique, en revanche, à un sous-jacent plus élevé : 8 milliards d'euros (contre 3,5 milliards d'euros).

Ce nouveau programme de cautions étant entré en application le 2 août 2004 (jusqu'au 2 août 2006), sa validation par le Parlement, à travers l'approbation du présent article, est donc, en partie, rétroactive.

Le risque de mise en jeu réelle de la surgarantie ainsi accordée par l'Etat est difficile à apprécier.

Il est à espérer que la société accentue, dans la durée, le redressement limité de ses performances opérationnelles constaté lors de son dernier exercice (2003-2004).

Votre rapporteur général souhaite également que les trois plans successifs évoqués ci-avant n'aient pas consisté à « reculer pour mieux sauter », retardant seulement un démantèlement qui serait inéluctable.

B. LES CONDITIONS DE BRUXELLES

La Commission européenne, en tout état de cause, a assorti son acceptation de l'aide publique apportée à la société de « mesures compensatoires » sévères : ses cessions devront porter sur 1,5 milliard d'euros (soit 10 % du périmètre d'activité, en plus des 20 % prévus par le programme « Restore value » : sont ainsi notamment concernées les chaudières industrielles, les activités « transport », en Australie et Nouvelle-Zélande, et les locomotives de fret en Espagne...).

La Commission européenne considère comme essentielle, « pour dissiper tous les doutes relatifs à la viabilité à long terme de l'entreprise », la conclusion par Alstom de partenariats industriels, particulièrement « dans les métiers pour lesquels les distorsions de concurrence dues aux aides sont les plus sensibles » (il s'agit des domaines des transports et de l'énergie).

Ces accords devront être passés, sauf exception, avec des entreprises qui ne sont pas contrôlées par les pouvoirs publics français, de jure ou de facto .

La France est notamment rappelée, à l'occasion, par Bruxelles, au respect de ses engagements en terme d'ouverture de son marché du matériel ferroviaire. Toute acquisition d'Alstom, dans le domaine du transport, se trouve exclue de ce fait pendant les quatre prochaines années.

Votre commission des finances, consciente de l'extrême gravité de la situation d'un des fleurons de l'industrie française et du caractère inévitable des conditions imposées par la Commission européenne, n'entend pas priver Alstom du « ballon d'oxygène » qui lui est offert par le présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 77 A périmètre d'activité analogue, du fait, notamment, du progrès des commandes asiatiques.

* 78 Turbines à gaz de faible et moyenne puissance et turbines à vapeur.

* 79 Les conditions en étaient rendues de plus en plus rigoureuses (possibilité d'exiger le remboursement anticipé ou immédiat à un certain niveau d'endettement ou en cas de refus, par les actionnaires, de l'augmentation de capital envisagée).

* 80 CFDI.

* 81 Soit 240 millions d'euros de créances compensées.

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