Rapport n° 117 (2004-2005) de M. Daniel GOULET , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 15 décembre 2004

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N° 117

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 décembre 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant la ratification de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées à une peine privative de liberté entre la République française et la Fédération de Russie ,

Par M. Daniel GOULET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1429 , 1713 et T.A. 332

Sénat : 13 (2004-2005)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi, adopté le 12 octobre dernier par l'Assemblée nationale, a pour objet d'autoriser la ratification de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées à une peine privative de liberté signée le 11 février 2003 entre la France et la Russie.

Destiné à permettre à un détenu étranger de purger sa peine dans son pays d'origine, pour des considérations humanitaires ou de réinsertion sociale, le transfèrement des personnes condamnées à une peine privative de liberté fait l'objet de plusieurs instruments internationaux. Le principal d'entre eux est la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983, à laquelle adhèrent actuellement 58 États, dont 14 États non européens.

La Russie n'étant toujours pas partie à cette convention du Conseil de l'Europe, il est apparu nécessaire de conclure entre nos deux pays une convention bilatérale au demeurant extrêmement proche, à quelques différences près, de la convention européenne.

Votre rapporteur évoquera très brièvement la problématique des accords internationaux sur le transfèrement des personnes condamnées avant de présenter le dispositif de la convention franco-russe signée le 11 février 2003.

I. LES ACCORDS INTERNATIONAUX RELATIFS AU TRANSFÈREMENT DES PERSONNES CONDAMNÉES

Le transfèrement consiste à permettre à un étranger condamné à une peine d'emprisonnement de purger sa peine dans son pays d'origine. Il répond à des considérations humanitaires , dans la mesure où les difficultés de communication, les barrières linguistiques et l'absence de contact avec la famille peuvent avoir des effets néfastes sur le comportement des détenus étrangers. Il vise aussi à favoriser la réinsertion sociale du détenu dans la perspective de sa libération.

Le transfèrement des étrangers condamnés peut s'envisager entre États sur une base de réciprocité, mais la conclusion d'accords internationaux permet d'en faciliter et d'en encadrer la pratique.

L'amplification des phénomènes migratoires et plus globalement des déplacements internationaux, de même que le développement de la criminalité transnationale, ont donné à la question du transfèrement une acuité nouvelle.

En 1978, les ministres européens de la justice ont souhaité que le Conseil de l'Europe examine la possibilité d'élaborer un accord type prévoyant une procédure simple de transfert des détenus que les États membres pourraient utiliser dans leurs relations mutuelles ou dans leurs relations avec des États non membres. Cette initiative allait aboutir à la rédaction du principal instrument multilatéral relatif au transfèrement : la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées .

Cette convention retient le principe selon lequel un transfèrement peut être demandé aussi bien par l'État dans lequel la condamnation a été prononcée (État de condamnation) que par l'État dont le condamné est ressortissant (État d'exécution). Il est subordonné au consentement de ces deux États, ainsi que du condamné. La Convention définit également les procédures d'exécution de la condamnation après le transfèrement. Néanmoins, quelle que soit la procédure retenue par l'État d'exécution, une sanction privative de liberté ne peut pas être convertie en une sanction pécuniaire et toute période de privation de liberté déjà subie par la personne condamnée doit être prise en considération par l'État d'exécution. La peine ou la mesure appliquée ne doit, ni par sa nature, ni par sa durée, être plus sévère que celle qui a été prononcée dans l'État de condamnation.

L'originalité de la convention du Conseil de l'Europe est d'être ouverte non seulement aux États-membres mais également à tout État non membre.

Elle a été signée jusqu'à ce jour par 44 des 46 États membres du Conseil de l'Europe ainsi que par 14 États non membres (Australie, Bahamas, Bolivie, Canada, Chili, Costa Rica, États-Unis, Israël, Japon, Maurice, Panama, Tonga, Trinité et Tobago, Venezuela.

La France est donc liée à 47 États par la convention du Conseil de l'Europe , deux d'entre eux ayant par ailleurs conclu avec elle une convention bilatérale relative au transfèrement des personnes condamnées (Canada et États-Unis). Elle est liée à 5 autres États par convention bilatérale (Maroc, Thaïlande, Djibouti, Paraguay, Cuba). Les conventions générales de coopération ou d'assistance judiciaire conclues avec 14 pays africains (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République centrafricaine, Congo, Madagascar, Côte d'Ivoire, Gabon, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo) comportent en outre des dispositions relatives au transfèrement des personnes condamnées. Des négociations sont en cours avec le Brésil, la Bolivie, la Colombie, le Guatemala, l'Inde et la République dominicaine.

II. LA CONVENTION FRANCO-RUSSE DU 11 FÉVRIER 2003

La France et la Russie sont liées par un dispositif d'entraide judiciaire pénale et d'extradition, mais rien n'était prévu pour le transfèrement des détenus.

La Russie n'a toujours pas signé la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées 1 ( * ) .

Il semblerait que ses réticences ne portent pas sur les principes de cette convention européenne, mais sur certaines dispositions accessoires, notamment l'article concernant la prise en charge des coûts liés au transfèrement.

Étant donné l'incertitude sur la date à laquelle la Russie pourrait rallier la convention du Conseil de l'Europe, plusieurs pays comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la République tchèque ont conclu avec celle-ci une convention bilatérale en matière de transfèrement. La France a fait de même, en vue d'éviter un vide juridique entre nos deux pays alors que l'on compte 430 détenus russes dans les prisons françaises et 3 ressortissants français emprisonnés en Russie.

La convention franco-russe soumise à l'approbation parlementaire reprend dans leurs grandes lignes les principes de la convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement.

Le premier de ces principes est celui du libre consentement des personnes condamnées : elles seules peuvent formuler le souhait d'être transférées auprès de leur État d'origine. La demande peut être adressée soit à l'État de condamnation, soit à l'État dans lequel la peine sera exécutée. L'État de condamnation comme l'État d'exécution doivent ensuite donner leur accord au transfèrement. Ce dernier peut être refusé par l'État de condamnation s'il estime qu'il porterait atteinte à sa souveraineté ou à son ordre public ou encore si le condamné ne s'est pas acquitté des condamnations pécuniaires qui lui ont été imposées.

Au-delà de ce principe général, le transfèrement est soumis à certaines conditions. La décision judiciaire doit être définitive et aucune autre procédure ne doit être pendante à l'encontre du condamné dans l'État de condamnation. La durée de la peine restant à subir doit être d'au moins six mois, sauf cas exceptionnels, comme des raisons de santé. Enfin, en application du principe de double incrimination, les faits à l'origine de la condamnation doivent également constituer une infraction pénale dans l'État vers lequel sera opéré le transfèrement.

Le condamné transféré continue de purger la peine infligée dans l'État de condamnation, même si celle-ci est appliquée conformément au droit de l'État d'exécution. Ce dernier est lié par la nature juridique et la durée de la peine telles qu'elles résultent de la condamnation. Toutefois, si la nature ou la durée de cette peine sont incompatibles avec la législation de l'État d'exécution, ou si la législation de cet État l'exige, l'État d'exécution peut, par décision judiciaire, l'adapter à la peine ou mesure prévue par sa propre loi pour des infractions de même nature. Cette peine correspond autant que possible, quant à sa nature, à celle infligée par la condamnation à exécuter. Toutefois, elle ne peut aggraver, par sa nature ou sa durée, la peine prononcée par l'État de condamnation ni excéder le maximum prévu par la loi de l'État d'exécution pour l'infraction pénale correspondante.

Les deux États conservent toute latitude d'accorder la grâce, l'amnistie ou la commutation de la peine, conformément à leur droit interne, mais seul l'État de condamnation peut exercer un recours ou une action en révision.

La convention reprend également la règle non bis in idem selon laquelle le condamné, après son transfèrement, ne peut être poursuivi ou condamné dans l'État d'exécution pour les mêmes faits que ceux qui ont donné lieu à la peine infligée par l'État de condamnation.

L'État d'exécution doit enfin mettre fin à l'exécution de la condamnation sans délai dès qu'il a été informé par l'État de condamnation de toute décision ou mesure qui a pour effet d'enlever à la condamnation son caractère exécutoire.

Un article de la convention stipule également que chaque partie a l'obligation de faciliter le transit à travers son territoire d'une personne condamnée transférée au départ ou à destination de l'autre partie en application d'une convention sur le transfèrement des personnes condamnées conclue avec un État tiers. La partie sollicitée peut refuser le transit si la personne transférée est l'un de ses ressortissants ou si l'infraction pénale qui a donné lieu à la condamnation n'en constitue pas une au regard de sa législation.

Par rapport à la convention du Conseil de l'Europe, la convention franco-russe comporte deux différences principales :

- elle retient une définition du jugement qui englobe les décisions de nature politique ou administrative commuant les peines capitales en peines privatives de liberté;

- s'agissant des frais de transfèrement, elle se conforme au principe voulant qu'ils soient supportés par l'État vers lequel le détenu est transféré, mais elle retient une formulation demandée par la partie russe qui voulait éviter d'avoir à prendre en charge les frais de séjour des escortes chargées d'accompagner les détenus.

CONCLUSION

Il était gênant pour la France de ne pas disposer de cadre juridique avec la Russie sur le transfèrement des personnes condamnées, alors qu'un tel cadre existe avec plus de 60 pays, dont tous les autres pays du continent européen.

C'est pourquoi votre commission vous demande d'approuver le projet de loi autorisant la ratification de cette convention franco-russe.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 15 décembre 2004, sous la présidence de M. Serge Vinçon, président, la commission des Affaires étrangères et de la défense a examiné le présent projet de loi.

Suivant les recommandations de M. Daniel Goulet, rapporteur, elle a adopté le projet de loi à l'unanimité.

PROJET DE LOI

(Texte adopté par l'Assemblée nationale)

Article unique 2 ( * )

Est autorisée la ratification de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées à une peine privative de liberté entre la république française et la Fédération de Russie, signée à Paris le 11 février 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

* 1 Cette convention a été signée par 44 des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe.

* 2 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 1429 (douzième législature).

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