Rapport n° 170 (2004-2005) de M. Jean-Patrick COURTOIS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 février 2005

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N° 170

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 février 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de résolution présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Robert Del PICCHIA sur la proposition de règlement du Conseil établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (n° E 2617) ,

Par M. Jean-Patrick COURTOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Hubert Haenel, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

.

Voir le numéro :

Sénat : 94 (2004-2005)

Union européenne.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 2 février 2005, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Jean-Patrick Courtois, la proposition de résolution n °94 (2004-2005) présentée, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Robert Del Picchia au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de règlement établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ( E 2617 ).

Le rapporteur a tout d'abord rappelé que de nombreuses initiatives visant à développer une gestion intégrée des frontières avaient été engagées depuis deux ans. Il a ensuite expliqué que, conformément aux orientations définies par le Conseil européen, ce code communautaire refondait le Manuel commun et regroupait des dispositions dispersées dans d'autres textes.

Il a indiqué que la Commission européenne, allant au-delà de la commande initiale, avait élargi la portée de ce code au franchissement des frontières intérieures de l'espace Schengen. De plus, il a souligné que cette codification s'effectuait à droit non constant et que deux nouvelles dispositions relatives aux frontières intérieures modifiaient de façon importante le droit en vigueur.

Le rapporteur a expliqué que la première de ces dispositions tendait à formaliser plus étroitement la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde qui permet à un Etat membre de rétablir temporairement les contrôles à ses frontières intérieures. Il a mis en exergue le rôle nouveau que la Commission européenne y jouerait, notamment en émettant un avis.

Il a ensuite présenté la seconde innovation de ce projet de code qui tend à interdire aux Etats membres de se doter d'une législation particulière en matière de contrôle des personnes lorsqu'elles se trouvent dans la zone limitrophe de la frontière intérieure .

Le rapporteur a expliqué que la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne s'opposait fermement à ces deux nouvelles dispositions .

Il a indiqué que, dans le premier cas, la délégation estimait que la responsabilité de l'ordre public et de la sécurité nationale incombait aux Etats membres lesquels en rendent seuls compte à leurs citoyens. Il a ajouté que cette réforme de la clause de sauvegarde fragiliserait la décision française de maintenir des contrôles permanents aux frontières belge et luxembourgeoise.

Dans le second cas, il a fait valoir que supprimer la possibilité de disposer de contrôles renforcés dans les zones frontalières remettrait en cause la législation française et priverait les Etats membres d'un instrument très efficace pour lutter contre l'immigration irrégulière et la criminalité internationale.

Bien qu'approuvant la proposition de résolution, le rapporteur a souhaité y apporter plusieurs modifications tendant notamment à durcir le texte afin de soutenir le Gouvernement au cours des négociations communautaires .

A la suite d'un large débat, la commission a approuvé plusieurs des suggestions du rapporteur. Elle a ainsi décidé :

- de supprimer le dernier membre de phrase de la réserve relative à la clause de sauvegarde qui aurait permis d'exiger de l'Etat membre concerné qu'il vienne s'expliquer sur sa décision devant ses partenaires et la Commission européenne ;

- de remplacer, à l'avant-dernier paragraphe, la référence à la « stratégie antidrogue » par une référence générale aux politiques anti-drogues menées en Europe.

La commission a adopté la proposition de résolution ainsi rédigée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat a été saisi, le 21 juin 2004, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, d'une proposition de règlement établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes 1 ( * ) .

Cette proposition de la Commission européenne répond à l'invitation du Conseil européen de Thessalonique des 19 et 20 juin 2003. Les chefs d'Etat et de gouvernement avaient en effet demandé à la Commission de « présenter, le plus rapidement possible, des propositions sur la refonte du Manuel commun des frontières extérieures, y compris l'apposition de cachets sur les documents de voyage des ressortissants de pays tiers » 2 ( * ) .

A la suite de ce même Conseil européen avait été lancée par la Commission l'idée d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures 3 ( * ) . Dans le cadre de la politique de gestion intégrée des frontières, la création de cette Agence constitue le volet opérationnel de cette politique 4 ( * ) tandis que la proposition de règlement en constitue le volet législatif.

La Commission européenne a donc proposé le 26 mai 2004 un projet de code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes. Conformément aux orientations définies par le Conseil européen, ce code communautaire refond le Manuel commun, regroupe des dispositions dispersées dans d'autres textes et introduit de nouvelles dispositions. Il ne s'agit pas d'une codification à droit constant. De plus, la Commission allant au-delà de la commande initiale élargit la portée de ce code au franchissement des frontières intérieures de l'espace Schengen.

Transmise au Conseil des ministres et au Parlement européen, cette proposition de règlement n'a pas encore été examinée par ces institutions.

La délégation pour l'Union européenne du Sénat a adopté le 1 er décembre 2004 la proposition de résolution présentée par notre collègue M. Robert Del Picchia et renvoyée à votre commission des Lois qui fait l'objet du présent rapport.

Bien qu'approuvant très largement ce projet de code des frontières, la délégation a émis deux réserves touchant au maintien d'un certain degré de sécurité à nos frontières intérieures.

Après avoir expliqué le contenu et les apports de cette proposition de règlement, votre rapporteur présentera les réserves et recommandations de la proposition de résolution avant d'exposer la position de votre commission.

I. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT : UNE CODIFICATION À DROIT NON CONSTANT

La base juridique proposée est l'article 62, points 1 et 2 a), du traité instituant la Communauté européenne puisque ce projet traite à la fois des « mesures visant [...] à assurer l'absence de tout contrôle des personnes [...] lorsqu'elles franchissent les frontières intérieures » et « des mesures relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres », notamment « les normes et les modalités auxquelles doivent se conformer les Etats membres pour effectuer les contrôles des personnes aux frontières extérieures ».

A. LES OBJECTIFS ET PRINCIPES DU PROJET DE CODE

1. Achever la communautarisation de l'Acquis Schengen

Elaborées initialement dans le cadre intergouvernemental de l'accord de Schengen 5 ( * ) , les normes relatives au franchissement des frontières ont été intégrées dans le cadre institutionnel et juridique de l'Union à la suite de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam 6 ( * ) .

Bien que cet « acquis Schengen » soit désormais de l'acquis communautaire, il maintient sa spécificité par rapport au droit communautaire classique :

- les supports de ce droit ne sont pas ceux du droit communautaire. Il ne s'agit pas de règlements ou de directives, d'où une certaine ambiguïté. Dans le corps même des textes, la terminologie employée n'est pas celle d'un texte communautaire. Il y est question par exemple de « parties contractantes » et non d'« Etats membres » ;

- ces règles ont été adoptées dans un cadre purement intergouvernemental, sans participation de la Commission et du Parlement européen ;

- à la suite de l'intégration de cet acquis dans le droit communautaire, le Comité exécutif Schengen 7 ( * ) chargé de prendre les mesures d'application de la Convention de Schengen fut supprimé. Toutefois, le Conseil s'y est substitué et a continué à statuer à l'unanimité pour adopter les modalités pratiques du contrôle et de la surveillance des frontières définies par le Manuel commun 8 ( * ) . Les compétences d'exécution n'ont pas été transférées à la Commission selon la procédure dite de comitologie 9 ( * ) .

La proposition de règlement présentée par la Commission permettrait d'achever la conversion de l'acquis Schengen en droit communautaire classique. L'ensemble des dispositions relatives au franchissement des frontières serait contenu dans ce règlement. La terminologie serait adaptée. Enfin, l'article 30 de la proposition de règlement confère à la Commission les pouvoirs d'exécution de ce règlement 10 ( * ) . La procédure de comitologie retenue serait la procédure dite de réglementation 11 ( * ) .

2. Renforcer la sécurité juridique

Le Manuel commun est un acte ayant une nature hybride puisqu'il est à la fois source de droit communautaire en créant des droits et des obligations, et guide pratique pour les garde-frontières. S'ajoutent à cela en annexes des listes ou compilations d'autorités, de documents ou de points de passage autorisés. Ces différentes dispositions sont modifiables selon trois types de procédures.

Il convient de souligner que la distinction entre ces différents types de normes et procédures n'est pas toujours évidente puisque, dans une même section, on peut retrouver des paragraphes contenant des dispositions de chaque type.

En outre, certaines parties et annexes du Manuel commun ne font que reproduire le contenu d'autres actes, tels que la Convention de Schengen ou les Instructions consulaires communes.

Pour remédier à ces défauts et renforcer la sécurité juridique, la proposition de règlement distingue les principes de base prévus aux titres I à IV et les modalités pratiques prévues aux annexes I à XII. Seuls ces annexes seraient modifiables selon une procédure de comitologie 12 ( * ) . Les dispositions redondantes sont également éliminées.

Par ailleurs, une réflexion a été entamée pour l'élaboration d'un guide pratique pour les gardes frontières afin de faciliter leur travail et harmoniser les pratiques nationales.

3. Actualiser les règles relatives au franchissement des frontières

L'objectif de ce code est aussi d'actualiser les textes au vu du bilan de dix années de pratiques, d'évolutions et de modalités nouvelles dans le contrôle des frontières intérieures et extérieures.

Il s'agit de retrouver une vision cohérente à l'heure de l'élargissement en rassemblant dans un seul document des dispositions dispersées dans la Convention de Schengen, le Manuel commun, les décisions du comité exécutif Schengen ou d'autres règlements .

L'article 14 de la proposition de règlement fait ainsi référence à l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres créée par le règlement (CE) n° 2007 - 2004 du conseil adopté le 26 octobre 2004. Il dispose que celle-ci gère et coordonne la coopération opérationnelle entre Etats membres.

Est également ajouté un point sur l'obligation pour les ressortissants de pays tiers soumis à visa pour les séjours n'excédant pas 90 jours de posséder une assurance voyage couvrant les frais médicaux d'urgence. Ceci reprend en l'adaptant légèrement le paragraphe récemment inséré dans le Manuel par la décision du Conseil sur l'assurance voyage 13 ( * ) .

Mais l'actualisation de ce corpus législatif signifie également l'introduction de règles nouvelles.

B. DE NOUVELLES DISPOSITIONS

Cette codification à droit non constant est l'occasion de combler des lacunes, de corriger des dispositifs et d'améliorer l'état du droit 14 ( * ) .

1. Les frontières extérieures

Peu de changements sont introduits. Sont notamment reprises certaines recommandations du Catalogue des meilleures pratiques Schengen 15 ( * ) .

On notera que :

- aux conditions déjà prévues pour entrer dans l'espace Schengen est ajouté le fait de ne pas représenter une menace pour la santé publique (article 5 de la proposition de règlement) ;

- l'aménagement de files séparées aux points de passage frontaliers est recommandé à l'ensemble des frontières (il n'est obligatoire que dans les aéroports internationaux) (article 8 et annexe X de la proposition de règlement) ;

- le compostage des documents de voyage à l'entrée et à la sortie est rendu systématique sauf exceptions 16 ( * ) (article 9 de la proposition de règlement).

La proposition de règlement modifie également substantiellement les règles relatives aux marins lorsqu'un navire fait escale.

Enfin, elle comble une lacune en arrêtant les grands principes du petit trafic frontalier. Dès la Convention de Schengen, il avait pourtant été prévu de définir les modalités de ce trafic. Le code en prévoit le principe et certaines règles. Toutefois, les détails de ce régime seraient définis par la proposition de règlement du Conseil portant création d'un régime propre au petit trafic frontalier aux frontières terrestres extérieures des Etats membres 17 ( * ) .

2. Les frontières intérieures

La demande adressée à la Commission par le Conseil lors du Conseil européen de Thessalonique ne concernait que les frontières extérieures . L'idée d'un code communautaire des frontières incluant la question des frontières intérieures n'a surgi qu'à l'initiative de la Commission elle-même 18 ( * ) .

Pourtant, ce second volet de la proposition de règlement recèle les modifications les plus substantielles.

a) La clause de sauvegarde

L'article 2, paragraphe 1, de la Convention de Schengen dispose que les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans qu'un contrôle des personnes soit effectué.

Mais l'article 2, paragraphe 2, de la Convention de Schengen prévoit qu'un Etat membre peut réintroduire des contrôles aux frontières intérieures lorsqu'il y a une menace à l'ordre public ou à la sécurité nationale.

La procédure de rétablissement des contrôles est très peu formalisée 19 ( * ) .

Un Etat qui envisage, à court terme, de rétablir des contrôles aux frontières intérieures doit adresser une notification aux autres Etats, précisant la cause de la décision envisagée, l'étendue géographique de celle-ci et sa durée. Il peut également indiquer les mesures qu'il attend de ses partenaires.

En théorie, la notification est suivie d'une réunion du Comité exécutif. En cas de maintien de la décision de rétablissement des contrôles, l'Etat demandeur informe ses partenaires de la date et des conditions de ces contrôles. En pratique, seule la première phase de notification est mise en oeuvre. La Commission n'intervient pas.

Si l'urgence nécessite un rétablissement immédiat des contrôles, la notification suffit.

L'Etat doit ensuite informer les autres Etats de la date de levée des contrôles. Il peut les prolonger selon les procédures précitées.

Toutefois, la Commission considère en tant que gardienne des traités qu'elle doit désormais être expressément impliquée dans le processus de réintroduction temporaire des contrôles.

La procédure de l'article 2, paragraphe 2, de la Convention de Schengen doit être adapté au cadre institutionnel communautaire étant donné que, lors de l'intégration de l'acquis Schengen dans le cadre de l'Union européenne, tous les éléments de cet acquis n'ont pas été adaptés. Alors même que les règles relatives au franchissement des frontières trouvent leur base juridique dans le premier pilier, la Commission est exclue de la procédure de rétablissement des contrôles.

Pour ces raisons, elle propose une nouvelle procédure de déclenchement de la clause de sauvegarde 20 ( * ) .

En premier lieu , elle ajoute la santé publique aux motifs justifiant la réintroduction des contrôles. Toutefois, seule une « menace grave » pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique pourrait les déclencher.

En deuxième lieu, la procédure ordinaire serait plus formalisée au bénéfice de la Commission.

D'une durée maximale de 30 jours, la réintroduction des contrôles pourrait toutefois être prolongée pour des périodes renouvelables ne dépassant pas 30 jours.

Comme c'est déjà le cas, l'Etat membre requérant devrait notifier sa décision envisagée aux autres Etats membres. Il la notifierait également à la commission, ce qui est nouveau.

A la suite de cette notification, la Commission émettrait un avis sur la décision envisagée en vue de l'organisation d'une consultation réunissant l'Etat requérant, les autres Etats membres et la Commission . Cette consultation devrait notamment permettre d'organiser la coopération mutuelle des Etats et d'examiner la proportionnalité des mesures par rapport aux faits et aux risques qui les motivent .

La consultation devrait se dérouler au moins quinze jours avant la date envisagée pour le rétablissement des contrôles . En outre, les contrôles ne pourraient être réintroduits qu'après la consultation ce qui ferait de celle-ci une condition nécessaire de la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde.

L'Etat qui déciderait de mettre fin aux contrôles soumettrait rapidement au Parlement européen, au Conseil et à la Commission un rapport sur la réintroduction des contrôles.

En troisième lieu, la procédure d'urgence serait conservée, une simple notification suffisant.

En dernier lieu, la Commission propose une procédure inédite de recours commun à la clause de sauvegarde en cas de menace d'une gravité exceptionnelle pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique affectant plusieurs Etats membres et notamment en cas de menace terroriste à caractère transfrontalier.

Dans une telle situation, le Conseil, sur proposition de la Commission, pourrait décider à la majorité qualifiée de réintroduire immédiatement les contrôles à toutes ou à certaines frontières intérieures.

La levée des contrôles obéirait à la même procédure.

b) Suppression des contrôles spécifiques dans la zone frontalière

La Commission souhaite supprimer la possibilité pour les Etats membres de prévoir une législation particulière relative aux contrôles des personnes, uniquement applicable dans la zone limitrophe de la frontière intérieure 21 ( * ) . En l'état du droit en vigueur, aucune disposition communautaire ne le permet, mais aucune ne l'interdit explicitement.

La Commission considère que des contrôles dans la zone frontalière ne peuvent être exercés que dans le cadre des compétences générales de police définies pour l'ensemble du territoire de l'Etat concerné. Tout contrôle exercé en raison du seul franchissement ou de la proximité d'une frontière intérieure est, selon la Commission, incompatible avec le concept d'un espace sans frontières.

Tout franchissement de frontière intérieure doit être assimilé à un déplacement entre deux départements au sein d'un même Etat membre .

II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION : PRÉSERVER UN MINIMUM DE CONTRÔLE AUX FRONTIÈRES INTÉRIEURES

La proposition de résolution présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne du Sénat par notre collègue M. Robert Del Picchia approuve la quasi totalité de la proposition de règlement. Le volet « frontières extérieures » ne pose pas de problèmes. En revanche, le volet « frontières intérieures » paraît soulever d'importantes difficultés. Elles concernent les modifications proposées par la Commission.

A. LA CLAUSE DE SAUVEGARDE : MAINTENIR SON DÉCLENCHEMENT À LA SEULE APPRÉCIATION DE L'ÉTAT MEMBRE CONCERNÉ

1. S'opposer à la nouvelle procédure proposée par la Commission

La délégation pour l'Union européenne estime que l'appréciation des circonstances et de l'opportunité de recourir à la clause de sauvegarde revient à l'Etat concerné et à lui-seul.

En effet, la responsabilité de l'ordre public et de la sécurité nationale incombe aux Etats membres qui doivent en rendre compte à leurs citoyens . Il apparaît inopportun de soumettre la réintroduction de contrôles frontaliers à l'avis préalable de la Commission et des autres Etats membres.

Les propositions de la Commission formaliseraient excessivement la procédure et supposeraient de prévenir au moins quinze jours à l'avance l'ensemble des partenaires. Surtout, votre rapporteur remarque que le rétablissement des contrôles est subordonné à l'organisation obligatoire de la consultation préalable des Etats membres et de la Commission. La sauvegarde de l'ordre public ne peut pas être suspendue à cette condition de forme.

En outre, apprécier le risque de troubles à l'ordre public ou à la sécurité nationale exige souvent une analyse fine et fondée sur des informations actualisées en permanence. Dans ce contexte, prévoir deux à trois semaines à l'avance l'intensité, la durée et même la date de rétablissement des contrôles aux frontières peut s'avérer un exercice difficile 22 ( * ) .

L'opposition de la proposition de résolution à une immixtion de la Commission européenne ou du Conseil dans l'appréciation de l'opportunité de recourir à la clause de sauvegarde est toutefois nuancée légèrement. La proposition suggère en effet que l'Etat concerné doit être en mesure de s'expliquer dès que possible sur sa décision auprès de ces deux institutions. Il s'agirait donc d'une intervention a posteriori .

2. Le problème particulier des frontières avec la Belgique et le Luxembourg

L'exposé des motifs de la proposition de résolution attire l'attention sur l'une des conséquences probables d'une réforme de la clause de sauvegarde. Elle fragiliserait la décision de maintenir des contrôles permanents aux frontières belge et luxembourgeoise en réponse à la politique néerlandaise en matière de stupéfiants.

En effet, la France maintient de manière quasi-permanente le contrôle de la frontière avec la Belgique et le Luxembourg depuis que l'espace Schengen existe. La base juridique de cette décision a priori contraire au principe de la libre circulation des personnes est la déclaration commune 23 ( * ) concernant l'article 71, paragraphe 2, de la Convention de Schengen . Cette déclaration commune, intégrée dans l'acquis Schengen par le traité d'Amsterdam, permet aux parties contractantes de prendre les mesures administratives et pénales nécessaires afin de prévenir et réprimer l'importation et l'exportation de stupéfiants dans le cas où une des parties contractantes déroge au principe visé à l'article 71, paragraphe 2, précité selon lequel les parties contractantes s'engagent à prévenir et réprimer l'exportation et la cession de stupéfiants, y compris le cannabis.

Or, la Commission européenne s'interroge sur la valeur de cette base juridique et sur sa pertinence pour justifier le maintien de contrôles fixes permanents qui vont bien au-delà de ce que permet la clause de sauvegarde.

Dans ce contexte, la réforme de la clause de sauvegarde ne ferait que souligner davantage le caractère anormal du maintien de tels contrôles, quel que soit son bien fondé d'un point de vue policier par ailleurs . Cette situation ne plaide pas en faveur de la position française qui consiste à s'opposer à une formalisation approfondie de la clause de sauvegarde conçue précisément pour éviter les abus.

Telle est la raison pour laquelle l'exposé des motifs de la proposition de résolution souhaite lier la levée éventuelle des contrôles permanents à l'approfondissement de la lutte contre les stupéfiants au niveau européen . Ceci permettrait de sortir par le haut de ce conflit. Chaque Etat membre a en effet une responsabilité particulière vis-à-vis de ses partenaires dans un espace sans frontière.

La proposition de résolution fonde ses espoirs sur la nouvelle « stratégie anti-drogue » de l'Union européenne, qui a été arrêtée depuis par le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2004, afin d'apporter un surcroît d'efficacité et de garanties en matière de lutte contre le trafic international de stupéfiants. Le point 27-3 de « la stratégie anti-drogue » reconnaît ainsi que « des politiques nationales cohérentes en matière de poursuites dans tous les États membres constituent la condition préalable à remplir pour qu'une politique de répression commune de l'UE en matière de drogue soit crédible ». Les États membres sont invités à s'efforcer « d'assurer la cohérence entre leurs règles nationales en matière de poursuites ».

Si la stratégie répond à ce souci, la question du maintien de contrôles à certaines frontières devra être réexaminée .

B. DÉFENDRE LA NOTION DE « ZONES DE CONTRÔLE » MOUVANTES À PROXIMITÉ DES FRONTIÈRES INTÉRIEURES

1. Maintenir cette faculté

La proposition de résolution s'oppose à l'interdiction explicite de procéder à des contrôles spécifiques dans la zone frontalière.

La Commission souhaite en effet mettre fin à cette pratique française consacrée par notre législation . L'article 8-2 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France prévoit ainsi que, dans une bande de vingt kilomètres, les officiers de police judiciaire peuvent procéder, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République, à la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique, à l'exclusion des voitures particulières. De même, l'article 78-2 du code de procédure pénale permet dans cette bande de procéder au contrôle de l'identité en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi. Le code des douanes offre des facilités semblables.

Plus encore, la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a étendu ces possibilités de contrôles en les autorisant sur les aires de stationnement et les sections autoroutières, jusqu'au premier péage, si celui-ci est situé au delà de la ligne des 20 kilomètres 24 ( * ) .

Ces contrôles visent essentiellement à lutter contre l'immigration illégale, mais ces contrôles jouent également un rôle important dans la lutte contre la criminalité organisée transnationale de manière générale.

Par ailleurs, comme le souligne la proposition de résolution, la France a développé une importante coopération transfrontalière sur le plan bilatéral, avec notamment des commissariats communs de police.

L'ensemble de ce dispositif pourrait être remis en cause par le projet de code communautaire . Si rien dans les textes Schengen en vigueur n'autorise explicitement de telles zones de contrôles frontaliers, rien non plus ne les interdit. Cela ne serait plus le cas avec ce code.

La proposition de résolution estime que se priver de tels instruments ne pourrait pas être compris par les citoyens et pourrait se retourner contre l'idée européenne. La libre circulation des personnes ne doit pas signifier un désarmement juridique unilatéral des forces de sécurité.

2. Promouvoir la notion de « zones de contrôle »

Consciente qu'une politique commune relative aux contrôles aux frontières intérieures est nécessaire, la Délégation pour l'Union européenne du Sénat demande au Gouvernement de prendre des initiatives afin de promouvoir au niveau européen la notion de « zones de contrôle » mouvantes à proximité des frontières intérieures .

En effet, selon les informations recueillies par votre rapporteur au cours de ses auditions, la France serait le seul pays à disposer d'une législation de ce type. L'Autriche envisagerait de suivre l'exemple français, mais attendrait de voir dans quel sens vont évoluer les négociations. Les avantages de cette notion de « zones de contrôle » devraient être promus au niveau européen afin de faire prévaloir la conception française.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

En préambule, il convient de rappeler les conditions dans lesquelles ce projet de texte est négocié.

Lorsque la Commission a adopté le 26 mai 2004 le projet de code ainsi que lorsque la délégation a adopté le 1 er décembre 2004 la proposition de résolution, la procédure d'adoption en vigueur était celle définie à l'article 67 du traité instituant la Communauté européenne (TCE), c'est-à-dire à l'unanimité du Conseil sur proposition de la Commission après consultation du Parlement européen 25 ( * ) .

Le traité d'Amsterdam a, toutefois, prévu une clause passerelle (article 67, paragraphe 2, deuxième tiret du TCE) permettant au Conseil de décider à l'unanimité, après consultation du Parlement, de passer au vote à la majorité qualifiée au Conseil et à la codécision avec le Parlement européen.

Sous l'impulsion de la présidence néerlandaise ainsi que de la France, les chefs d'Etats et de gouvernement ont décidé, lors du Conseil européen des 4 et 5 novembre derniers, de recourir à la clause passerelle pour passer, au plus tard au 1 er avril 2005, à la majorité qualifiée et à la codécision pour, entre autres, les mesures relatives aux contrôles des frontières .

Le Conseil a donc adopté le 22 décembre 2004 une décision 26 ( * ) rendant applicable la nouvelle procédure à compter du 1 er janvier 2005. Elle prévoit que cette procédure s'applique non seulement à l'égard des initiatives futures, mais également vis-à-vis des textes qui font actuellement l'objet de discussions. Le code communautaire relatif au franchissement des frontières par les personnes sera donc adopté à la majorité qualifiée et en codécision avec le Parlement européen.

Dans ce contexte particulier, votre commission des Lois estime qu'il convient de soutenir la position du Gouvernement sur les deux points essentiels pour notre sécurité intérieure que sont la liberté d'appréciation dans la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde et le maintien de règles spécifiques de contrôles dans la zone frontalière. La proposition de résolution doit permettre au Gouvernement de mieux défendre les positions françaises dans des négociations délicates étant donnée la nouvelle procédure d'adoption.

Sur le volet « frontières extérieures » de la proposition de règlement, votre commission des Lois ne soulève pas d'objections.

A. LA CLAUSE DE SAUVEGARDE : DURCIR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Votre commission approuve pour l'essentiel la réserve de la proposition de résolution sur la réforme de la clause de sauvegarde.

1. Approuver dans ses grandes lignes la première réserve de la proposition de résolution

A la suite des auditions auxquelles a procédé votre rapporteur, il apparaît effectivement dangereux et difficile de trop formaliser le déclenchement de la clause de sauvegarde. La Commission n'a pas la capacité d'apprécier en temps quasi-réel l'opportunité de mesures opérationnelles contingentes d'une situation ponctuelle et localisée.

Votre commission soutient donc la première réserve de la proposition de résolution. Pour la renforcer, elle vous propose de supprimer le dernier membre de phrase de cette réserve lequel dispose que les Etats concernés « doivent toutefois être en mesure de s'en expliquer dès que possible auprès de la Commission européenne et du Conseil ».

Bien que comprenant le but visé, votre rapporteur estime qu'un tel système n'est pas opportun. Certes, il est moins lourd que le système proposé par la Commission européenne. Mais il placerait l'Etat concerné en position défensive en ayant à se justifier. Cela dépasserait la simple information des partenaires que prévoit le droit en vigueur 27 ( * ) .

Prenons l'exemple d'une manifestation pro- ETA. Celles-ci sont assez fréquentes et motivent souvent le rétablissement des contrôles à la frontière avec l'Espagne. Si à la suite de l'une d'elles la décision française se trouvait désapprouvée, le Gouvernement serait dans une position délicate pour rétablir des contrôles à l'occasion d'une manifestation similaire et ce quand bien même les conditions et les risques ne seraient pas exactement les mêmes.

Votre commission souhaite donc que soit conservée la procédure en vigueur qui prévoit déjà :

- une notification en amont;

- l'organisation d'une consultation des Etats membres;

- un rapport d'application en aval.

2. Renforcer la lutte contre la drogue pour permettre la levée des contrôles aux frontières belge et luxembourgeoise

La proposition de résolution souhaite lier la levée de ces contrôles permanents au renforcement de la lutte anti-drogue. Elle place ses espoirs dans la « stratégie anti-drogue 2004-2012 » de l'Union européenne adoptée par le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2004.

L'examen de ce document démontre son intérêt. Il invite notamment les Etats membres à rapprocher leurs législations.

Toutefois, votre commission des Lois souhaite ne pas se limiter à ce seul document et faire référence à l'ensemble des politiques anti-drogues menées en Europe que ce soit dans le cadre du G5 (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie) ou au niveau bilatéral.

B. APPROUVER SANS RÉSERVE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION POUR PRÉSERVER LA NOTION DE ZONE DE CONTRÔLE FRONTALIÈRE

Au cours de ses auditions, votre rapporteur s'est vu conforter dans l'idée que le maintien de contrôles renforcés à proximité des frontières était une haute nécessité.

Selon la Commission européenne, de tels contrôles constitueraient un obstacle à la libre circulation des personnes, le franchissement des frontières intérieures devant être assimilé au passage d'un département à un autre.

Ce raisonnement serait acceptable si la pression aux frontières extérieures était modérée et homogène et si les flux à l'intérieur de l'espace Schengen ne se concentraient pas sur quelques régions ou certains pays. Or, ce n'est pas le cas et il est donc indispensable de maintenir un minimum de contrôles à proximité des frontières intérieures.

Sans contrôles spécifiques dans ces zones frontalières, il serait ainsi impossible en pratique de faire réadmettre des étrangers en situation irrégulière provenant d'Italie ou d'Espagne par exemple 28 ( * ) . En effet, pour les faire réadmettre, il faut pouvoir prouver qu'ils sont bien entrés sur le territoire français en transitant par ces pays. S'ils sont interpellés loin de la frontière, dans le Calaisis par exemple, il est très rare que les pays de transit reconnaissent leur responsabilité.

Quant à la possible entrave à la liberté de circulation, votre rapporteur l'estime négligeable. L'intérêt de la notion de zones de contrôles mouvantes est justement de concilier sécurité et libre circulation .

La gêne qui peut éventuellement en résulter affecte essentiellement la criminalité et les trafics. Les citoyens n'ayant rien à se reprocher ne perçoivent pas le dispositif mis en place.

En outre, la France et les autres Etats membres ne cessent de développer la coopération policière bilatérale aux frontières. Bien que la France soit le seul pays doté d'une législation attribuant des pouvoirs de police judiciaire accrus aux agents intervenants dans la zone frontalière, l'ensemble de nos partenaires sont conscients que les frontières intérieures sont un lieu pertinent pour agir contre les trafics.

En conséquence, votre commission des Lois approuve sans réserve la proposition de résolution sur cette question .

*

* *

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre commission a adopté la proposition de résolution dans la rédaction reproduite ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

(texte adopté par la commission des Lois en application
de l'article 73 bis du règlement du Sénat)

Le Sénat

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (texte E 2617) ;

Approuve le projet de code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, tel qu'il est proposé par la Commission européenne, sous les deux réserves suivantes :

- la décision de réintroduire temporairement des contrôles aux frontières intérieures en cas de menace à l'ordre public, à la santé publique ou à la sécurité nationale, doit continuer à relever de la seule appréciation de l'Etat ou des Etats concerné(s) par cette menace ;

- la possibilité de conférer aux agents des services répressifs des pouvoirs particuliers pour procéder à des contrôles dans la zone limitrophe de la frontière intérieure doit être maintenue et expressément prévue dans le code communautaire.

Souhaite que les politiques anti-drogues développées aussi bien au niveau communautaire que bilatéral apportent un surcroît d'efficacité en matière de lutte contre le trafic international de stupéfiants et estime que, dès lors que cet objectif sera atteint, la question du maintien de contrôles à l'une des frontières intérieures de l'Union devra être réexaminée.

Demande, en outre, au gouvernement de prendre des initiatives afin de promouvoir au niveau européen la notion de « zones de contrôle » mouvantes à proximité des frontières intérieures.

ANNEXE 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

_______

- MM. Christophe FARNAUD , conseiller diplomatique et Jean de L'HERMITE, conseiller pour les affaires juridiques, au cabinet de M. Dominique de Villepin, ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, ainsi que M. Bernard SCHMELTZ, chef de service de la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontières à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques ;

- M. Patrick DELAGE, préfet, secrétaire général adjoint du SGCI.

ANNEXE 2

ARTICLES 18 À 28 DE LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT
DU CONSEIL ÉTABLISSANT LE CODE COMMUNAUTAIRE
RELATIF AU RÉGIME DE FRANCHISSEMENT DES FRONTIÈRES
PAR LES PERSONNES (E 2617)

_______

TITRE III
FRONTIÈRES INTÉRIEURES

Chapitre I
Suppression des contrôles aux frontières intérieures

Article 18
Franchissement des frontières intérieures

Les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans qu'un contrôle frontalier des personnes, quelle que soit leur nationalité, soit effectué.

Article 19
Contrôles à l'intérieur du territoire

La suppression des contrôles frontaliers aux frontières intérieures ne porte pas atteinte :

a) à l'exercice des compétences de police par les autorités compétentes en vertu de la législation de chaque État membre, pour autant que les contrôles à la frontière intérieure, dans une zone de l'arrière-pays proche de la frontière ou dans des zones frontalières déterminées soient effectués selon des modalités et objectifs identiques à ceux prévus pour l'ensemble de son territoire, notamment en ce qui concerne la fréquence et l'intensité ;

b) à l'exercice des contrôles de sûreté dans les ports ou aéroports effectués sur les personnes par les autorités compétentes en vertu de la législation de chaque État membre, par les responsables portuaires ou aéroportuaires ou par les transporteurs pour autant que ces contrôles soient également effectués sur les personnes effectuant des voyages à l'intérieur d'un État membre ;

c) à la possibilité pour un Etat membre de prévoir dans sa législation nationale l'obligation de détention et de port de titres et documents ;

d) à l'obligation des ressortissants de pays tiers de signaler leur présence sur le territoire d'un État membre conformément à l'article 22 de la convention de Schengen .

Chapitre II
Clause de sauvegarde

Article 20
Réintroduction des contrôles aux frontières intérieures par un État membre

1. Un État membre peut réintroduire durant une période limitée d'une durée maximale de trente jours, des contrôles frontaliers à ses frontières intérieures en cas de menace grave pour l'ordre public, la santé publique ou la sécurité intérieure, conformément à la procédure prévue à l'article 21, ou, en cas d'urgence, conformément à la procédure prévue à l'article 22. L'étendue et la durée de ces contrôles ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour répondre à la menace grave.

2. Lorsque les exigences d'ordre public, de sécurité intérieure ou de santé publique persistent au-delà de trente jours, l'État membre peut maintenir des contrôles frontaliers justifiés par les mêmes raisons que celles visées au paragraphe 1 et tenant compte d'éventuels éléments nouveaux, pour des périodes renouvelables ne dépassant pas trente jours, conformément à la procédure prévue à l'article 23.

Article 21
Procédure dans les cas prévisibles

1. Lorsqu'un État membre envisage de réintroduire des contrôles aux frontières intérieures en vertu de l'article 20, paragraphe 1, il en avise immédiatement les autres États membres et la Commission, en fournissant les informations suivantes :

a) les motifs de la décision envisagée, en précisant les événements qui constituent une menace grave pour son ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique;

b) l'étendue de la décision envisagée, en précisant les frontières auxquelles les contrôles seront rétablis ;

c) la dénomination des postes de passages autorisés ;

d) la date et la durée de la décision envisagée ;

e) le cas échéant, les mesures qui seraient à entreprendre par les autres États membres.

2. Suite à la notification de l'Etat membre concerné, et en vue de la consultation visée au paragraphe 3, la Commission émet un avis.

3. Les informations visées au paragraphe 1, ainsi que l'avis visé au paragraphe 2, font l'objet d'une consultation entre l'État requérant, les autres États membres au sein du Conseil et la Commission, notamment afin d'organiser, le cas échéant, toute forme de coopération mutuelle entre les Etats membres et d'examiner la proportionnalité des mesures par rapport aux faits qui sont à l'origine de la réintroduction des contrôles ainsi que les risques pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique.

La consultation susvisée doit avoir lieu au moins quinze jours avant la date envisagée pour la réintroduction des contrôles.

4. Les contrôles ne peuvent être réintroduits qu'après la consultation visée au paragraphe 3.

Article 22
Procédure d'urgence

1. Lorsque l'ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique d'un Etat exigent une action urgente, l'Etat membre concerné peut réintroduire immédiatement les contrôles aux frontières intérieures.

2. L'Etat requérant en avise immédiatement les autres Etats membres et la Commission, en fournissant les informations visées à l'article 21, paragraphe 1, et en indiquant les raisons qui justifient le recours à la procédure d'urgence.

Article 23
Procédure de prolongation des contrôles aux frontières intérieures

1. Les contrôles aux frontières intérieures ne peuvent être prolongés en vertu de l'article 20, paragraphe 2, qu'après consultation des autres Etats membres au sein du Conseil ainsi que de la Commission.

2. L'Etat membre requérant fournit aux autres Etats membres et à la Commission toutes les indications appropriées sur les raisons de la prolongation des contrôles aux frontières intérieures.

Les dispositions de l'article 21, paragraphe 2, s'appliquent.

Article 24
Réintroduction commune des contrôles aux frontières intérieures
en raison de menace terroriste à caractère transfrontalier

1. En cas de menace d'une gravité exceptionnelle pour l'ordre public, la sécurité intérieure et la santé publique affectant plusieurs Etats membres, notamment en cas d'une menace terroriste à caractère transfrontalier, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider à la majorité qualifiée de réintroduire immédiatement les contrôles frontaliers à toutes les frontières intérieures ou à certaines frontières spécifiques de tous les Etats membres ou de plusieurs Etats membres. L'étendue et la durée de ces contrôles ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour répondre à la gravité exceptionnelle de la menace.

2. Le Conseil, sur proposition de la Commission, décide à la majorité qualifiée la levée de ces mesures exceptionnelles dès que la menace d'une gravité exceptionnelle cesse d'exister.

3. Le Parlement européen est informé sans délai des mesures prises conformément aux paragraphes 1 et 2.

4. Le présent article ne fait pas obstacle à une décision immédiate et concomitante prise par un Etat membre conformément à l'article 22.

Article 25
Modalités des contrôles lors de l'application de la clause de sauvegarde

Lorsque les contrôles aux frontières intérieures sont réintroduits, les dispositions pertinentes du Titre II s'appliquent.

Article 26
Rapport sur la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures

L'Etat membre qui a réintroduit les contrôles aux frontières intérieures conformément à l'article 20, confirme la date de la levée des contrôles et soumet en même temps, ou à bref délai, au Parlement européen, au Conseil et à la Commission un rapport sur la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures.

Article 27
Information du public

Si les raisons pour lesquelles la clause de sauvegarde est déclenchée le permettent, le ou les Etats membres qui réintroduisent les contrôles aux frontières intérieures informent le public d'une façon appropriée sur la réintroduction des contrôles ainsi que sur les points de passages autorisés.

Article 28
Confidentialité

A la demande de l'Etat membre concerné, les autres Etats membres ainsi que le Parlement européen et la Commission respectent le caractère confidentiel des informations fournies dans le cadre de la réintroduction et de la prolongation des contrôles, ainsi que du rapport établi conformément à l'article 26.

* 1 Document E2617. COM (2004) 391 final.

* 2 Précédemment, ce projet de refonte du Manuel commun avait été évoqué dans le « Plan pour la gestion des frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne », approuvé par le Conseil JAI du 13 juin 2002 et soutenu par le Conseil européen de Séville des 21 et 22 juin 2002.

* 3 Voir la résolution n° 68 adoptée par le Sénat le 16 mars 2004 ainsi que le rapport n° 228 (2003-2004) de M. Alex Türk fait au nom de la commission des Lois.

* 4 Le règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne a été adopté le 26 octobre 2004.

* 5 Notamment la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 signé à Schengen le 19 juin 1990 ainsi que les décisions du comité exécutif Schengen institué par le titre VII de la convention d'application précitée. Le Manuel commun est une de ces décisions.

* 6 Voir le Protocole intégrant l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne, annexé aux traités CE et UE par le Traité d'Amsterdam ainsi que la décision du Conseil du 20 mai 1999 déterminant la base juridique de chacune des dispositions ou décisions constituant l'acquis de Schengen.

* 7 Ce comité exécutif se composait exclusivement de représentants des parties contractantes. Il statuait à l'unanimité.

* 8 Voir le règlement (CE) n° 790/2001 du Conseil du 24 avril 2001 réservant au Conseil des pouvoirs d'exécution en ce qui concerne certaines dispositions détaillées et modalités pratiques relatives à la mise en oeuvre du contrôle et de la surveillance des frontières.

* 9 La comitologie est une procédure qui permet au Conseil de l'Union européenne de déléguer à la Commission européenne ses pouvoirs d'exécution lorsqu'un règlement communautaire ou une décision requiert des mesures d'application. Il existe plusieurs types de comités selon que le Conseil garde un contrôle étroit ou non sur ce que fait la Commission. Voir la décision du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission.

* 10 Le considérant (5) du règlement (CE) n° 790/2001 du conseil du 24 avril 2001 indique que le Conseil se réserve les pouvoirs d'exécution « en attendant d'examiner les conditions dans lesquelles de telles compétences d'exécution seraient conférées à la Commission après la fin de ladite période transitoire (de cinq ans) ».

* 11 Voir l'article 5 de la décision du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission.

* 12 Voir les articles 30 et 31 de la proposition de règlement.

* 13 Décision 2004/17/CE du 22 décembre 2003.

* 14 N'est pas développée l'introduction d'une procédure de comitologie pour la modification des annexes I à XII. Voir le I A 1) de ce rapport.

* 15 L'élaboration d'un catalogue de « meilleurs pratiques » dans l'application de l'acquis Schengen s'est déroulée au sein du groupe du Conseil « Evaluation Schengen » à partir de mai 2001. Ce catalogue a été approuvé par le conseil le 28 février 2002. Il est non exhaustif, non contraignant et évolutif. Il doit servir d'exemple à la fois pour les nouveaux Etats adhérents à Schengen et également pour ceux qui appliquent déjà cet acquis.

* 16 Postérieurement à l'adoption par la commission le 26 mai 2004 de la présente proposition de règlement, a été adopté définitivement, le 13 décembre 2004, le règlement (CE) n° 2133/2004 du Conseil concernant l'obligation pour les autorités compétentes de procéder au compostage systématique des documents de voyage des ressortissants de pays tiers lors du franchissement des frontières extérieures.

Le code devrait reprendre exactement ce texte. Rappelons que la France fut à l'origine de ce règlement. Lors de son audition par la Délégation pour l'Union européenne du Sénat le jeudi 13 mars 2003, M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, jugeait « indispensable d'apposer un cachet lors du franchissement d'une frontière extérieure de l'espace Schengen, à l'entrée et, si possible, à la sortie ».

* 17 COM (2003) 502 final. Adoptée par la commission le 14 août 2003.

* 18 Voir document SEC (2003) 736 du 20 juin 2003. « Document de travail de la Commission : Refonte du manuel commun - Vers un Code communautaire des frontières en matière de circulation des personnes ? ».

* 19 Voir la décision du comité exécutif Schengen du 20 décembre 1995 concernant la procédure d'application de l'article 2, paragraphe 2, de la convention de Schengen. Déc SCH / Com-ex (95) 20, rév. 2.

* 20 Voir les articles 20 à 28 de la proposition de règlement.

* 21 Voir l'article 19, paragraphe a), de la proposition de règlement.

* 22 La France a recouru à la clause de sauvegarde lors de l'organisation de Conseils européens, de matchs de football, de manifestations pro- ETA ou de grands évènements internationaux tels que le sommet du G8 à Evian.

* 23 La déclaration commune a été adoptée au moment de la signature de la Convention de Schengen.

* 24 Voir les articles 10, 81 et 85 de la loi du 26 novembre 2003. Le Sénat fut à l'origine des articles 10 et 85.

* 25 Pendant une période de cinq ans suivant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, le pouvoir d'initiative des textes était partagé entre la Commission et les Etats membres.

* 26 Décision 2004/927/CE du Conseil du 22 décembre 2004 visant à rendre la procédure définie à l'article 251 du traité instituant la Communauté européenne applicable à certains domaines couverts par la troisième partie, titre IV, dudit traité. Pour plus de détails, voir la communication de notre collègue M. Hubert Haenel devant la délégation pour l'Union européenne du Sénat le mardi 15 décembre 2004.

* 27 La décision précitée du Comité exécutif du 20 décembre 1995 concernant la procédure d'application de la clause de sauvegarde prévoit que l'Etat concerné soumet à bref délai un rapport sur l'application de sa décision.

* 28 Une opération renforcée de contrôle ferroviaire effectuée à Modane du 6 au 20 décembre dernier a permis l'interpellation de plus de 400 étrangers en situation irrégulière provenant d'Italie.

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