B. LE DOUBLE RÉGIME RÉPRESSIF DES INFRACTIONS BOURSIÈRES

1. L'originalité de la double répression administrative et pénale

Compte tenu de l'impact des abus de marché, leur répression poursuit autant un objectif de protection de l'activité boursière que des acteurs, de l'investissement et de l'épargne que des investisseurs eux-mêmes. Or l'autorité de régulation des marchés (la Commission des opérations de bourse - COB - et le Conseil des marchés financiers - CMF - jusqu'à novembre 2003, l'Autorité des marchés financiers - AMF - depuis) a pour principale mission de veiller à la transparence des marchés et à la protection des épargnants. La loi n° 89-531 du 2 août 1989 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, intervenue en particulier à la suite de l'affaire Pechiney c/ Triangle qui avait révélé la difficulté de poursuivre pénalement les auteurs de certains délits, a ainsi doublé la répression pénale de certaines infractions boursières d'une répression administrative par la COB en cas de manquements à ses propres règlements. Ces sanctions administratives ont été modernisées par la loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière, et sont désormais codifiées à l'article L. 621-15 du code monétaire et financier.

Sur trois terrains , de mêmes faits peuvent donc être sanctionnés à la fois administrativement par l'AMF et pénalement par le juge judiciaire, et sont qualifiés de manquement dans le premier cas, de délit dans le second : le délit ou manquement d'initié, le délit ou manquement de manipulation de cours, et le délit ou manquement de diffusion de fausses informations . Ces incriminations sont proches, mais pas identiques pour autant.

L'entorse ainsi créée à la règle non bis in idem (cf. infra II. 3.) peut susciter des critiques légitimes et l'incompréhension de certains de nos partenaires internationaux, mais est admise par la jurisprudence et le droit communautaire. Elle demeure en outre extrêmement rare dans la pratique, puisqu'on n'a guère recensé entre 1990 et 2002 que quatre cas de cumul de poursuites sur les mêmes fondements.

2. Les sanctions administratives en cas de manquement

Les manquements ont été définis depuis 1989 par plusieurs règlements de la COB 3 ( * ) , en partie actualisés par le règlement général de l'AMF du 24 novembre 2004 (cf. infra ). Le I de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier prévoit, en termes assez extensifs, que le collège de l'AMF peut, après avoir entendu les explications de la personne concernée, ordonner qu'il soit mis fin aux pratiques contraires aux dispositions législatives ou réglementaires, lorsque « ces pratiques sont de nature à porter atteinte aux droits des épargnants ou ont pour effet de fausser le fonctionnement du marché , de procurer aux intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché, de porter atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ou de faire bénéficier les émetteurs ou les investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles ».

L'article L. 621-15 du code monétaire et financier, précité, prévoit des sanctions disciplinaires et pécuniaires en cas de manquement.

Les sanctions disciplinaires appliquées aux personnes morales soumises au contrôle de l'AMF 4 ( * ) peuvent être le blâme ou l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis. Pour les personnes physiques, ces sanctions sont l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, ou l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités.

La commission des sanctions de l'AMF peut prononcer, à la place, ou en sus de ces sanctions disciplinaires, une sanction pécuniaire . Pour les personnes morales, le montant de cette sanction est plafonné à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés. Pour les personnes physiques, ce plafond est de 300.000 euros ou du quintuple du montant des profits éventuellement réalisés, mais est relevé au niveau prévu pour les personnes morales lorsque le manquement relève d'une des pratiques mentionnées au I de l'article L. 621-14, précité. Ces sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public.

L'échelle des sanctions en fonction des infractions n'est pas précisée , mais l'article L. 621-15, précité, tend à faire respecter un principe de proportionnalité en précisant que « le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ».

* 3 En particulier les règlements 90-04 relatif à l'établissement des cours, 90-08 sur l'utilisation d'une information privilégiée, et 98-07 sur l'obligation d'information du public.

* 4 C'est-à-dire, aux termes de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, « les prestataires de services d'investissement agréés ou exerçant leur activité en libre établissement en France ; les personnes autorisées à exercer l'activité de conservation ou d'administration d'instruments financiers mentionnées à l'article L. 542-1, y compris les dépositaires d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières ; les dépositaires centraux et les gestionnaires de système de règlement et de livraison d'instruments financiers ; les membres des marchés réglementés mentionnés à l'article L. 421-8 ; les entreprises de marché ; les chambres de compensation d'instruments financiers ; les organismes de placements collectifs et leurs sociétés de gestion ; les intermédiaires en biens divers ; (...) les personnes (...) produisant et diffusant des analyses financières ».

Les personnes habilitées à procéder au démarchage et les conseillers en investissements financiers relèvent en revanche d'un régime distinct.

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