Rapport n° 400 (2004-2005) de M. André TRILLARD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 15 juin 2005

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N° 400

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 juin 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la procédure simplifiée d'extradition et complétant la Convention européenne d'extradition du 31 décembre 1957,

Par M. André TRILLARD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1981 , 2171 et T.A. 427

Sénat : 345 (2004-2005)

Traités et conventions.

Mesdames, Messieurs,

Les quarante-six Etats membres du Conseil de l'Europe ont conclu, en 1957, une convention déterminant les modalités mutuelles d'extradition. Cette convention a été ratifiée dès 1966 par la Suisse, puis en 1986 par la France.

Puis les Etats membres de l'Union européenne ont conclu un accord en 1995, visant à simplifier entre eux ces procédures d'extradition.

La Suisse avait, de son côté, proposé, en 1992, à la France de conclure un accord additionnel à la convention de 1957 pour améliorer la coopération bilatérale dans ce domaine.

C'est cet accord, déjà ratifié par la Suisse, qui nous est soumis.

I. UN ACCORD CONCLU À LA DEMANDE DES AUTORITÉS HELVÉTIQUES

L'accord conclu à Berne le 10 février 2003 a été établi à la demande des autorités de ce pays, qui étaient informées de discussions menées sur ce point entre Etats membres de l'Union européenne.

Soucieuse de ne pas constituer une zone de repli pour des malfaiteurs cherchant à se mettre à l'abri des procédures d'extradition simplifiée établies en 1995 au sein de l'UE, la Suisse a souhaité améliorer l'efficacité de la convention de 1957 conclue sous l'égide du Conseil de l'Europe.

Formulée dès 1992, cette demande s'est initialement heurtée aux disparités existantes entre les législations de chacun des deux pays.

Ce n'est donc qu'en 2003 que cette proposition suisse a pu aboutir. Ses modalités s'inspirent de celles retenues par la Convention de Bruxelles, conclue entre les Etats membres de l'UE en 1995, avec l'importante réserve qu'aucune extradition n'est possible entre la France et la Suisse en matière de délinquance financière ou fiscale , du fait des importantes différences entre les législations répressives existantes dans ces domaines dans chacun des deux pays. En effet, l'extradition n'est possible que pour les infractions qui sont constituées de manière similaire dans les législations répressives des deux Etats.

Il s'agit là d'une limite importante du présent accord, qui permettra néanmoins d'accélérer les délais d'exécution des procédures d'extradition.

Depuis 1992, 87 demandes d'extradition ont été présentées par la France à la Suisse, et 182 par la Suisse à notre pays 1 ( * ) . Les infractions commises par les personnes faisant l'objet de ces demandes se répartissent comme suit :

1. Demandes présentées par la France :

- Vol, escroquerie 34

- Stupéfiants 17

- Homicides 11

- Violences, armes 11

- Enfant, victime 4

- Terrorisme 3

- divers 7

2. Demandes présentées par la Suisse à la France

- Vol, escroquerie 101

- Stupéfiants 17

- Homicides 17

- Violences, armes 26

- Enfant, victime 4

- Terrorisme 2

- Divers 15

Environ 30 % des intéressés acceptent leur extradition.

Le présent texte n'a pas pour but direct d'augmenter cette proportion, mais de raccourcir les délais de procédure en cas d'acceptation de l'extradition.

Rappelons que l'extradition désigne une procédure internationale permettant de se faire livrer un individu poursuivi ou condamné, se trouvant sur le territoire d'un autre Etat dont il n'est pas ressortissant.

Cette procédure est naturellement conditionnée par des modalités précisément définies de nature à protéger la personne extradable.

II - UNE SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES D'EXTRADITION RESPECTUEUSE DU DROIT DES PERSONNES

L'accord bilatéral de 2003 ne vise pas à se substituer aux dispositions de la convention de 1957, qui reste en vigueur pour tous les éléments que le présent texte ne modifie pas. C'est ainsi le cas pour les conditions à réunir pour que la remise de la personne faisant l'objet d'une demande d'extradition soit autorisée.

Le présent texte simplifie les formalités requises pour l'extradition, en instaurant une « procédure simplifiée » visant à accélérer la procédure.

Le recours à la procédure simplifiée est soumis à la réunion de deux conditions cumulatives (Art. premier) . :

- d'une part, l'Etat requis doit donner son accord , ce qui maintient sa faculté régalienne de se prononcer sur l'opportunité de l'extradition au regard du contenu de la demande ;

- d'autre part, la personne réclamée doit expressément consentir à sa remise aux autorités de l'Etat requérant .

La demande d'extradition doit contenir une série d'informations, définies par l'accord, dont des indications sur la qualification juridique des faits reprochés à cette personne. Ces indications se substituent à l'obligation de fournir l'original de la décision judiciaire (Art. 2 et 3)

La personne réclamée doit exprimer son éventuel consentement à son extradition suivant des modalités précises, qui respectent sa liberté, et assurent l'exhaustivité de son information (Art. 4) . Cet accord éventuel se fonde sur l'espoir que cette bonne volonté pourra être mise à son crédit lors de son futur jugement, et que les peines alors prononcées prendront en compte la durée de sa détention préventive. La personne peut également souhaiter accélérer les procédures judiciaires à son encontre, pour être fixée sur son sort, et réduire ainsi la durée de sa détention préventive.

Les modalités d'expression du consentement, tant de l'Etat requis que de la personne arrêtée sont précisément définies (art. 4 et 5) . L'accord de l'Etat requis est formulé selon la législation nationale : ainsi, pour la France c'est la Chancellerie qui transmet aux autorités suisses compétentes la décision de la Chambre de l'instruction autorisant la remise de la personne en cause.

Le consentement de celle-ci peut être éclairé par l'assistance d'un conseil (art. 6). Sa communication à l'Etat partenaire doit se faire dans les 10 jours qui suivent l'arrestation provisoire (art. 7) , ce qui constitue un délai suffisamment court pour obtenir une réelle réduction de l'ensemble de la procédure.

De même, la décision d'extradition doit être communiquée, suivant la procédure simplifiée, dans un délai de 20 jours maximum après la date du consentement (art. 9), et la remise effective de la personne doit s'effectuer dans un délai de 20 jours après cette communication (art. 10).

La personne en cause peut également, contrairement aux dispositions de l'article 14 de la convention de 1957, renoncer au bénéfice de la règle de la spécialité (art. 8) .

Cette règle impose que l'individu extradé ne sera poursuivi et jugé que pour le seul fait ayant motivé l'extradition. La personne en cause peut, dans le cadre du présent texte, renoncer à cette disposition protectrice dans les cas où elle estime qu'elle y a intérêt. Elle peut, en effet, avoir intérêt à ce que la justice de son pays d'origine la poursuive pour l'ensemble des infractions commises, ce qui permet d'éviter une suite de procédures judiciaires.

L'hypothèse de l'expression du consentement de la personne après l'expiration du délai de 10 jours est traitée par la triple possibilité décrite par l' article 11 .

Enfin, les articles 12 à 15 définissent les modalités d'entrée en vigueur du présent accord.

CONCLUSION

Cet accord, même s'il exclut les infractions pénales de nature financière et fiscale de son champ d'application, permettra à la Suisse de disposer, dans ses rapports avec la France, d'un instrument juridique qui la situera sur ce point au même niveau que les pays membres de l'Union européenne.

EXAMEN EN COMMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa séance du 15 juin 2005.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Serge Vinçon, président, a souligné le caractère sensible de la procédure d'extradition en général, se référant à la demande française d'extradition d'un terroriste présumé impliqué dans les attentats commis au métro Saint-Michel, en 1995, adressée, voici neuf ans, par la France au Royaume-Uni.

M. André Trillard, rapporteur, a salué l'évolution positive suivie par la Suisse, que renforce par ailleurs la récente réponse positive apportée par les Suisses à leur entrée dans l'Espace Schengen.

La commission a alors adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique 2 ( * )

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la procédure simplifiée d'extradition et complétant la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, signé à Berne le 10 février 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT3 ( * )

Projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la procédure simplifiée d'extradition et complétant la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957.

I - ÉTAT DU DROIT EXISTANT

A l'heure actuelle, les procédures d'extradition entre la France et la Suisse sont régies par les dispositions de la Convention européenne du 13 décembre 1957. L'adoption de ce texte, il y a près de cinquante ans, a représenté un réel progrès. Il a , en effet, le mérite de poser des règles de fond explicites et protectrices à la fois des intérêts des Etats parties et des droits des personnes concernées.

A l'usage, cependant, sa mise en oeuvre a pu apparaître excessivement lourde, au détriment non seulement de l'efficacité, mais aussi des droits de la personne dans la mesure où les procédures formelles d'extradition peuvent impliquer de longues périodes de détention provisoire. Ainsi la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire « Quinn » (arrêt du 22 mars 1995) a montré que la durée de la détention, à titre extraditionnel, peut contrevenir aux dispositions de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Ces considérations ont d'ailleurs conduit les Etats membres de l'Union européenne à adopter le 10 mars 1995 une convention relative à la procédure simplifiée d'extradition.

Pour les mêmes raisons, il a paru souhaitable de conclure avec la Suisse un accord bilatéral similaire. Celui-ci ne porte que sur les règles de procédure, les questions de fond restant régies par la Convention européenne. L'entrée en vigueur de cet accord se traduira par une accélération sensible du traitement des dossiers d'extradition concernant des personnes qui auront accepté de se voir appliquer la procédure simplifiée. Il en résultera un raccourcissement des périodes de détention provisoire et, accessoirement, un allègement de la charge de travail des services impliqués.

II - MODIFICATIONS À INTRODUIRE EN DROIT INTERNE

Les stipulations de l'accord bilatéral s'inspirent de celles de la Convention du 10 mars 1995 relative à la procédure d'extradition simplifiée entre les États membres de l'Union européenne qui devrait être définitivement approuvée par le Parlement à l'automne.

L'entrée en vigueur des deux textes suppose que soit concurremment instaurée, en droit interne, une procédure d'extradition simplifiée permettant à la France de satisfaire aux obligations résultant de ses engagements internationaux.

Ainsi, afin de permettre la mise en oeuvre de la convention du 10 mars 1995 susvisée, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a inséré dans le livre IV, titre X, chapitre V, du code de procédure pénale, une section 3 intitulée « De la procédure simplifiée d'extradition entre les États membres de l'Union européenne » (Cf. articles 696-25 à 696-33 dudit code). Toutefois, la rédaction de l'article 696-25 limite l'application de cette procédure à la mise en oeuvre de la seule Convention précitée de l'Union européenne. En conséquence, il s'avèrera nécessaire de modifier cet article du code de procédure pénale par l'ajout de la Suisse aux pays avec lesquels la France a des extraditions simplifiées (formulation exacte à fournir par la Chancellerie : le 696-25 ou un autre ?).

Il sera également nécessaire de procéder, lors de la transmission de l'instrument français d'approbation, à une déclaration, conformément à l'article 12 de l'accord qui stipule que chaque Etat désigne les autorités compétentes chargées de son application.

Compte tenu des désignations envisagées au titre de la mise en oeuvre de la Convention de l'Union européenne du 10 mars 1995 susvisée, la France pourrait désigner, en qualité d'autorités compétentes, les autorités suivantes :

- Le procureur général territorialement compétent, pour la mise en oeuvre des articles 4 (information de la personne arrêtée) et 7 (communication du consentement) ;

- La chambre de l'instruction de la cour d'appel territorialement compétente, pour la mise en oeuvre des articles 5 (accord pour l'extradition) et 6 (recueil du consentement et, le cas échéant, de la renonciation au bénéfice de la règle de la spécialité) ;

- Le Ministère de la Justice, pour la mise en oeuvre des articles 9 (communication de la décision d'extradition) et 10 (détermination de la date de la remise).

En outre, il pourrait être envisagé de procéder à un échange de notes verbales avec les autorités helvétiques, afin de leur signifier que conformément à sa législation interne, la France autorise la révocabilité du consentement. En effet, contrairement à l'article 7, paragraphe 4, de la Convention du 10 mars 1995 relative à la procédure d'extradition simplifiée entre les États membres de l'Union européenne, qui affirme le caractère irrévocable du consentement de la personne arrêtée (et, le cas échéant, de sa renonciation au principe de spécialité), mais autorise les États parties à la Convention à déroger à ce principe par une déclaration faite lors du dépôt de leur instrument de ratification, l'article 6 de l'accord franco-suisse ne comporte pas de stipulation équivalente et, notamment, ne précise pas si le consentement exprimé par l'intéressé revêt ou non un caractère irrévocable.

Les autorités françaises ont, au demeurant, fait le choix de se prévaloir de cette dérogation. En effet, par déclaration afférente à l'article 7 précité, portée à la connaissance du Parlement lors de l'examen du projet de loi autorisant la ratification de la Convention du 10 mars 1995, le Gouvernement a prévu que « la France déclare que l'exercice, dans les délais légaux, par la personne réclamée, d'une voie de recours à l'encontre de la décision de la chambre de l'instruction de la cour d'appel territorialement compétente ayant accordé son extradition, vaut révocation du consentement à l'extradition. »

Dans un souci de cohérence avec la teneur de cette déclaration et du nouvel article 696-30 du code de procédure pénale, il semble juridiquement opportun de préciser que l'article 6 dont il s'agit ne saurait être interprété comme écartant la faculté pour la personne réclamée de révoquer son consentement selon les règles prévues par le droit inter de chacun des deux États parties. Cette interprétation, dans un souci de sécurité juridique, devrait faire l'objet d'un échange de note diplomatiques entre les autorités françaises et les autorités suisses.

* 1 Chiffres communiqués par le ministère des affaires étrangères.

* 2 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 1981 - XIIè législaturee.

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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