B. LE RISQUE D'INTERPRÉTATONS CONTRADICTOIRES EN L'ABSENCE DE DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PRÉCISES

1. Certaines incertitudes sur l'application du principe de la présence du parquet au débat des juridictions de jugement

En droit, l'absence de précision quant à l'obligation ou non pour le parquet de participer à l'audience d'homologation peut être une source d'incertitude.

Aux termes de l'article 32 du code de procédure pénale, « le ministère public est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste au débat des juridictions de jugement. Toutes les décisions sont prises en sa présence ».

Cependant, les dispositions spécifiques à chaque juridiction rappellent expressément la présence du ministère public et les conditions de son intervention 10 ( * ) . Inversement, il n'est pas présent lorsqu'aucune disposition ne le prévoit. Il en est ainsi du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République aux fins de placement du prévenu en détention provisoire dans l'attente de sa comparution devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate. De même le parquet n'est pas présent lorsque le juge des enfants statue en chambre du conseil en application des articles 8 et 8-1 de l'ordonnance du 2 février 1945.

A contrario , il est vrai, l'article 464, troisième alinéa, du code de procédure pénale prévoit explicitement que la présence du ministère public n'est pas obligatoire à l'audience correctionnelle consacrée aux seuls intérêts civils.

2. Les positions prises par la cour de cassation et le Conseil d'Etat

L'avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005

Par trois décisions datées du 2, 8 et 21 février 2005, les juges délégués par le président du tribunal de grande instance de Nanterre afin de statuer en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ont, sur le fondement de l'article 706-64 du code de procédure pénale, sollicité l'avis de la Cour de cassation sur le point de savoir « si, en application des articles 495-9, 32 et 39 du code de procédure pénale, la présence du parquet est obligatoire ou facultative à l'audience publique, prévue pour l'homologation (ou le refus d'homologation) de la peine proposée par le procureur de la République ».

La Cour de cassation a appuyé son avis sur la décision du Conseil constitutionnel. Celui-ci, rappelle le communiqué rendu à la suite de l'avis, a relevé que l'homologation ou le refus d'homologation est une décision juridictionnelle et indiqué que l'audience au cours de laquelle cette décision est rendue devait être publique.

La Cour de cassation a estimé dès lors qu'étaient applicables les dispositions de l'article 32 du code de procédure pénale selon lesquelles le procureur de la République « assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence ». En conséquence, la Cour de cassation considère que le ministère public est « tenu d'assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence ».

Sans doute cet avis ne lie pas les juridictions à la différence de la décision que pourrait être conduite à prendre la chambre criminelle saisie de la question dans le cadre d'un pourvoi en cassation 11 ( * ) . Néanmoins, en pratique, il pouvait conduire les tribunaux à organiser la présence systématique du ministère public à l'audience d'homologation au risque de décourager l'emploi de cette procédure. C'est pourquoi le ministère de la justice a publié, le 21 avril 2005, une circulaire dissociant au sein de l'audience d'homologation la phase au cours de laquelle le juge entend la personne et prend sa décision et celle où l'ordonnance est lue en audience publique. Seule cette dernière phase impliquerait la présence du parquet. Selon les précisions apportées par cette circulaire, il serait « en pratique possible que l'ordonnance soit rendue immédiatement à l'issue de la présentation de la personne, et que ce soit à la plus prochaine audience du tribunal correctionnel, à laquelle assiste nécessairement le parquet, audience intervenant le jour même ou quelques jours plus tard, et à laquelle l'intéressé n'a évidemment pas besoin d'être présent, que l'ordonnance sera lue publiquement ».

Les positions prises par le Conseil d'Etat en tant que juge des référés le 11 mai 2005

Cette circulaire, ainsi que celle du 2 septembre 2004 précitée, ont alors fait l'objet devant le Conseil d'Etat, statuant en juge des référés à l'initiative du syndicat des avocats de France, d'une demande de sursis à exécution.

Le Conseil d'Etat, invoquant un « doute sérieux » quant à leur légalité, a ordonné le sursis à exécution des deux circulaires au regard de l'article 32 du code de procédure pénale 12 ( * ) . Il a estimé également que l'absence du procureur à l'audience d'homologation serait « susceptible d'entacher à terme la régularité de nombreux jugements d'homologation ».

Compte tenu des positions prises par les deux plus hautes juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif et de l'enjeu qui s'attache au caractère facultatif de la présence du parquet à l'audience d'homologation pour assurer le succès de cette procédure, le législateur se doit de mieux préciser son intention.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

* 10 Il en est ainsi du tribunal correctionnel (art. 392-1, 398-3, 421, 423, 439, 454, 456 à 458, 460, 469), de la chambre des appels correctionnels (art. 510, 512, 513), de la cour d'assises (art. 241, 297 et 298, 312, 313, 316, 330, 332, 338, 342 à 344, 346, 369, 371, 379, 379-3), du tribunal pour enfants (art. 13 de l'ordonnance du 2 novembre 1945), du tribunal de police (art. 523, 534, 536), de la chambre de l'instruction (art. 199, alinéa 2 et 194, alinéa premier), de la commission d'indemnisation des victimes (art. 706-4) ou lors du débat contradictoire en vue d'un placement ou d'une prolongation de détention provisoire tenu devant le juge des libertés et de la détention (art. 145, alinéa 6).

* 11 Toutefois, une ordonnance d'homologation ou de refus d'homologation ne peut donner lieu qu'à un pourvoi dans l'intérêt de la loi.

* 12 Ordonnance du juge des référés du 11 mai 2005, n° 279833 et 279834.

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