Rapport n° 51 (2005-2006) de M. Robert del PICCHIA , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 26 octobre 2005

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N° 51

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 26 octobre 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée,

Par M. Robert del PICCHIA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1861 , 2170 et T.A. 426

Sénat : 346 (2004-2005)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale a adopté, le 12 mai dernier, le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord fait à Alger, le 25 octobre 2003, entre l'Algérie et la France, relatif à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée.

Cet accord est inspiré des instruments de même nature que la France a déjà conclus avec près d'une vingtaine de pays pour encadrer la politique de coopération policière et lui donner une base juridique, qu'il s'agisse de coopération opérationnelle, sur des affaires déterminées, ou d'assistance technique aux polices étrangères.

Il s'inscrit pleinement dans l'action internationale du ministère de l'intérieur qui vise, par la coopération avec les services étrangers et avec l'appui des attachés de police affectés dans nos ambassades, à prendre en compte en amont, dans les pays d'origine, les activités criminelles qui se répercutent sur notre territoire national.

Un tel accord se justifiait d'autant plus avec un pays proche comme l'Algérie, que les coopérations se sont intensifiées dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.

Votre rapporteur présentera le dispositif de l'accord du 25 octobre 2003, avant d'évoquer les principaux aspects de la coopération sécuritaire avec l'Algérie.

I. L'ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN DE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE

Ainsi que le rappelle l'exposé des motifs du projet de loi, l' intensification de la coopération policière et sécuritaire avec l'Algérie , notamment depuis l'apparition de filières terroristes islamistes, a incité la France à entreprendre la négociation d'un accord spécifique pour lui donner un fondement juridique et un cadre précis, la convention bilatérale de coopération culturelle, scientifique et technique du 11 mars 1986 constituant un instrument de portée trop générale.

L' accord signé le 25 octobre 2003 à l'occasion de la visite en Algérie du ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, est très proche, dans sa rédaction, des accords bilatéraux de même nature, au nombre d'une vingtaine, déjà conclus par la France 1 ( * ) .

Il s'inscrit également dans une démarche plus large puisqu'en mai 2003, le ministre de l'intérieur avait suggéré d'établir un cadre de coopération en matière de terrorisme et d'immigration clandestine entre six pays riverains de la Méditerranée : l'Espagne, la France et l'Italie d'une part, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie d'autre part.

A. LE CHAMP DE LA COOPÉRATION

L'article 1 er définit le champ de la coopération opérationnelle et technique et de l'assistance mutuelle . Il cite pas moins de 18 domaines d'assistance et de coopération parmi lesquels :

- la lutte contre la criminalité organisée internationale, le trafic de stupéfiants, le terrorisme, le blanchiment de fonds, la traite des êtres humains, le trafic d'objets d'art, la contrefaçon, l'immigration irrégulière, la fraude informatique et la cybercriminalité ;

- la sûreté des moyens de transport aérien et maritime,

- le maintien de l'ordre et de la sécurité publics,

- la formation des personnels,

- la police de proximité, la police technique et scientifique et la police du renseignement ;

- la pyrotechnie ;

- les télécommunications.

L'article 2 pose les principes généraux de la coopération bilatérale en matière de sécurité intérieure qui s'exerce, pour chacune des deux parties, « dans le strict respect de sa législation nationale et des engagements internationaux qu'elle a souscrits ». Chaque partie peur rejeter une demande de communication d'information « si elle estime qu'en vertu de sa législation nationale son acceptation porterait atteinte aux droits fondamentaux de la personne ». De même, chaque partie peut rejeter une demande de coopération technique ou opérationnelle « si elle estime que son acceptation porterait atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public, aux règles d'organisation et de fonctionnement de l'autorité judiciaire ou à d'autres intérêts essentiels de son Etat ». L'article 2 prévoit cependant que tout rejet d'une demande de coopération doit être signifié à la partie qui a émis cette demande.

B. LES FORMES DE COOPÉRATION OPÉRATIONNELLE ET TECHNIQUE

Les articles 3 à 5 traitent de la coopération opérationnelle dans les trois domaines centraux de l'accord : la criminalité internationale, le trafic de stupéfiant et la lutte contre le terrorisme.

En matière de prévention et d'investigation contre la criminalité internationale , l'article 3 prévoit que les deux parties se communiquent les informations relatives aux personnes physiques et morales ainsi qu'aux groupes soupçonnés de prendre part aux différentes formes de la criminalité internationale, aux structures et au fonctionnement des organisations criminelles. Une partie peut demander à l'autre de prendre les mesures policières nécessaires, mais l'accord prévoit également la possibilité de mesures policières coordonnées et d'assistance réciproque en personnel et en matériel. De manière plus générale, les parties s'engagent également à se communiquer leurs informations sur les méthodes des groupes criminels internationaux et sur les résultats de leurs recherches en criminalistique et en criminologie, ainsi qu'à échanger leurs spécialistes.

L'article 4 traite du trafic illicite de stupéfiants . Il prévoit des mesures coordonnées et des échanges d'informations sur les personnes impliquées et sur les méthodes utilisées pour le trafic et le blanchiment de fonds en résultant. Les parties s'engagent également à se communiquer leurs informations sur les résultats de leurs recherches en criminalistique et à échanger des échantillons de stupéfiants provenant des saisies effectuées.

S'agissant de la lutte contre le terrorisme , l'article 5 prévoit des échanges d'informations sur les actes de terrorismes projetés ou commis, sur les modes d'exécutions et sur les groupes impliqués. Référence est faite à la résolution 1373 adoptée le 28 septembre 2001 par le Conseil de sécurité des Nations Unies et aux engagements pris dans le cadre de la coopération euro-méditerranéenne.

Selon l'article 6, dans chacun des domaines visés par l'accord, la coopération technique a pour objet la formation générale et spécialisée, les échanges d'information et d'expériences professionnelles, le conseil technique, l'échange de documentation spécialisée et l'accueil réciproque de fonctionnaires et d'experts.

Un « comité mixte de coopération technique en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée », prévu par l'article 7, est chargé de mettre en oeuvre la coopération et de programmer les axes prioritaires des actions de programmation. L'article 8 confie aux ministres concernés le soin de veiller à la bonne exécution de l'accord.

C. LES AUTRES DISPOSITIONS

L'article 9 reprend une disposition classique des accords du même type et visant à assurer la protection des données nominatives échangées dans le cadre de la coopération . Les données reçues ne peuvent être utilisées qu'aux fins et conditions définies par la partie qui les fournit. Cette dernière doit être informée de l'usage qui en est fait et doit donner son accord écrit préalablement à la transmission à d'autres autorités que celles initialement prévues. Ces données doivent être détruites dès qu'elles n'ont plus d'usage pour la partie qui les avait demandées. La partie émettrice est informée de la destruction des données qui est également mentionnée sur un registre spécifique.

L'article 10 garantit par ailleurs le traitement confidentiel des informations qualifiées comme telles par chaque partie.

L'article 12 indique que l'accord est conclu pour une durée de trois ans et qu'il est renouvelable par tacite reconduction par périodes de trois ans. Il peut être dénoncé à tout moment par notification écrite adressée à l'autre partie.

II. LA COOPÉRATION SÉCURITAIRE FRANCO-ALGÉRIENNE

Classique par son contenu, en tous points comparable à celui des accords existants avec d'autres pays, l'accord de coopération franco-algérien s'inscrit cependant dans un contexte particulier, compte tenu de la situation sécuritaire tendue qu'a connue le pays durant plusieurs années. Celle-ci a justifié un développement des coopérations avec le France, notamment dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.

A. L'ÉVOLUTION DE LA SITUATION SÉCURITAIRE EN ALGÉRIE

Alors que vient d'être approuvée massivement par referendum, le 29 septembre dernier, une « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » s'inscrivant dans le cadre du processus de réconciliation nationale engagé en 1999 par le Président Bouteflika, l'Algérie reste marquée par la présence de groupes terroristes .

La situation actuelle est certes sans commune mesure avec celle qui prévalait en 1997, où l'on ne comptait pas moins de 200 victimes par semaine, mais le nombre de victimes demeure élevé (plus de 600 décès en 2004).

Le terrorisme continue principalement de frapper dans les zones rurales et enclavées (Ouarsenis, Kabylie, Aurès), alors que les villes sont globalement sécurisées et qu'un important dispositif sécuritaire est déployé dans les grandes agglomérations.

Le Groupe islamiste armé (GIA) ou les groupes salafistes de l'ouest algérien ne comptent plus que quelques dizaines de membres et ne semblent plus capables de conduire des opérations d'envergure.

La menace essentielle provient du Groupe salafiste de prédication et de combat (GSPC) , dirigé par Abdelmalek Droukdal, qui compte plusieurs centaines de combattants localisés essentiellement dans l'Est et le Sud du pays.

Le GSPC ne représente plus aujourd'hui une menace susceptible de déstabiliser le gouvernement algérien car il a subi plusieurs revers avec la neutralisation de certains de ses leaders. En revanche, le GSPC tend à reporter son action sur le plan international , en s'appuyant sur des réseaux capables de conduire des opérations terroristes, tant au Sahel qu'en Europe. Il a fait allégeance à Al Qaïda et cherche à développer des liens avec Al Zarqaoui en Irak. Il inscrit clairement son combat dans la même perspective que les groupes djihadistes internationaux, mais il reste marqué par un tropisme historique l'amenant à faire de la France son objectif principal. Le GSPC a diffusé des communiqués appelant à viser les intérêts français.

Au-delà du terrorisme, l'Algérie doit aussi faire face à des formes plus classiques d'insécurité : délinquance, grand banditisme, trafics de véhicules volés et de stupéfiants, immigration clandestine en provenance d'Afrique sub-saharienne.

S'agissant du grand banditisme, il est parfois difficile de discerner l'activité des groupes armés de la criminalité de droit commun, qui associe les vols avec violence et le racket des populations. Les trafics divers (stupéfiants, cigarettes et armes) participent au financement du terrorisme à l'ouest et au sud du pays. Certaines de ces activités criminelles ont une dimension transnationale et peuvent bien entendu avoir des répercussions dans notre pays.

B. LES COOPÉRATIONS MISES EN PLACE AVEC LA FRANCE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ

La coopération sécuritaire bilatérale avec l'Algérie a vocation à couvrir un champ très large.

Le service de coopération technique et international de police (SCTIP) du ministère de l'intérieur a rouvert une antenne à Alger depuis 2000. La DST dispose également sur place d'un officier de liaison compétent pour l'ensemble du Maghreb.

Des actions de coopération technique ont déjà été mises en place. Elles portent sur la formation de personnels, notamment de cadres de la police algérienne, sur des missions d'expertise pour adapter les forces de sécurité algériennes, sur des échanges d'expérience par pôles spécifiques (police judiciaire, ports et aéroports, renseignements généraux notamment), ainsi que sur la sécurité civile.

La coopération opérationnelle semble plus aléatoire, car elle porte sur des questions plus sensibles et reste tributaire de l'évolution du contexte politique en Algérie et, surtout, du fonctionnement complexe de l'appareil administratif. Les demandes émanant des autorités françaises ou d'Interpol seraient ainsi diversement honorées, et trop souvent avec lenteur.

On doit cependant porter une appréciation globalement positive en matière de lutte anti-terroriste , domaine dans lequel les contacts et les échanges se sont fortement accrus et se situent désormais à un haut niveau. On a pu en voir une illustration fin septembre avec la neutralisation à Paris d'une cellule du GSPC constituée autour de Safé Bourada, grâce aux informations recueillies lors d'arrestations effectuées à Alger trois semaines plus tôt.

CONCLUSION

L'accord franco-algérien relatif à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée doit fournir un cadre plus clair et une base plus solide pour développer nos relations avec l'Algérie dans le domaine de la sécurité.

La coopération bilatérale vise à aider l'Algérie à mieux faire face aux différents défis de sécurité intérieure auxquels elle est confrontée. Elle doit également permettre de traiter plus précocement des formes de criminalité à dimension transnationale ayant un impact direct pour notre pays.

Bien que l'accord couvre un champ très large, le domaine de la lutte contre le terrorisme constitue aujourd'hui un axe majeur de notre coopération bilatérale, les cellules terroristes présentes en Algérie ayant clairement décidé de porter leur action au plan international, créant de ce fait un risque important pour la France.

Au-delà du strict volet sécuritaire, on doit également souligner que l'examen de cet accord intervient dans une période particulière de nos relations bilatérales.

L'amélioration de la situation sécuritaire a eu des effets positifs en permettant par exemple la réouverture des centres culturels d'Alger, d'Annaba, d'Oran et de Constantine, l'ouverture du lycée français Alexandre Dumas à Alger, la réouverture du consulat général d'Annaba alors que celle du consulat général d'Oran est envisagée pour la mi-2007. Les échanges commerciaux ont également connu une progression rapide depuis quatre ans.

Sur le plan politique, la relation franco-algérienne a été relancée avec les deux visites effectuées par le Président Chirac, en mars 2003 puis en avril 2004, au lendemain de la réélection du président Bouteflika. Une « feuille de route » a été approuvée par les deux parties. Elle porte sur l'approfondissement du dialogue politique, le soutien aux réformes, le renforcement de la présence économique française en Algérie, l'amélioration des conditions de circulation des personnes et la poursuite du travail de mémoire. Le partenariat entre nos deux pays doit être redéfini dans le cadre d'un traité d'amitié dont la signature était initialement annoncée avant la fin de l'année 2005.

Il reste désormais à concrétiser les intentions affichées lors de ces contacts de haut niveau, en tentant de dépasser les turbulences auxquelles reste sensible notre relation bilatérale, comme l'ont montré les débats et les déclarations de ces derniers mois, de part et d'autre de la Méditerranée, à propos du passé de la France en Algérie.

Dans le domaine de la sécurité, il y a lieu de se féliciter d'un accord de coopération très classique dans sa forme, puisqu'il est identique à ceux qui nous lient à plus de vingt pays, mais particulièrement utile s'agissant d'un pays proche et important pour notre sécurité.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous demande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 26 octobre 2005.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Serge Vinçon, président, a estimé que la discussion de cet accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure, sur lequel ne pouvait se dégager qu'un très large assentiment, devait également fournir l'occasion d'exprimer de légitimes interrogations à l'égard du projet de traité d'amitié franco-algérien dont la négociation, engagée depuis plusieurs mois, semble actuellement rencontrer des difficultés. Rappelant les déclarations récentes du président Bouteflika à l'égard de la France, il s'est inquiété de voir réapparaître des controverses appartenant au passé alors qu'il convient, au contraire, de jeter les bases d'une coopération fructueuse pour l'avenir de nos deux pays. Il a souhaité l'aboutissement du traité d'amitié, estimant qu'il exigeait, de la part des deux pays, une contribution active et non pas critique.

M. André Dulait a demandé des précisions sur l'évolution des positions algériennes à l'égard du libre retour des harkis.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a indiqué que les autorités algériennes avaient pris une position de principe favorable à la libre circulation des harkis en Algérie, mais que dans les faits, cette position ne s'était toujours pas réellement concrétisée. Par ailleurs, la question des harkis n'a pas été inscrite dans la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui vient d'être approuvée par referendum le 29 septembre dernier.

Mme Josette Durrieu a souhaité savoir si les accords de coopération en matière de sécurité intérieure, conclus par la France, s'inscrivaient dans une perspective plus large à l'échelon européen et notamment, s'agissant de l'Algérie, si une articulation était prévue avec le processus de Barcelone.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a répondu que ce type d'accords portait exclusivement sur la coopération bilatérale, qu'elle soit opérationnelle ou technique. Il s'agit donc d'une démarche distincte des initiatives prises au niveau européen, ce qui n'exclut pas de traiter des questions de sécurité dans les enceintes du dialogue euro-méditerranéen.

M. Robert Bret a porté une appréciation positive sur l'accord franco-algérien de coopération en matière de sécurité intérieure, estimant que ce type de partenariat apporte des réponses certainement plus pragmatiques et efficaces que les mesures générales, dangereuses pour les libertés individuelles, envisagées dans le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme élaboré par le ministère de l'intérieur. Il s'est cependant inquiété de voir reporter sur des pays de transit, comme l'Algérie, la responsabilité de la lutte contre l'immigration clandestine en direction de la France et de l'Europe. Par ailleurs, il s'est interrogé sur les moyens humains et matériels réellement dégagés en faveur de la coopération sécuritaire bilatérale et, plus généralement, sur la difficulté d'évaluer l'application concrète des nombreux accords ou conventions approuvés par le Parlement.

M. Robert Del Picchia, rapporteur, a précisé que l'accord ne faisait pas peser de responsabilité particulière sur l'Algérie, en matière de lutte contre l'immigration clandestine en direction de la France, mais qu'il permettait, en revanche, de mener des actions de coopération pour aider l'Algérie à mieux contrôler les entrées sur son territoire. S'agissant de l'application de l'accord bilatéral, il a rappelé que la coopération en matière de sécurité est d'ores et déjà une réalité, comme en témoigne l'arrestation, ces dernières semaines, en France, d'une cellule liée au GSPC. L'accord vise simplement à donner un cadre plus formel à cette coopération. Enfin, s'agissant du respect des libertés individuelles, les articles 9 et 10 de l'accord comportent des stipulations très précises sur la protection des données nominatives fournies dans le cadre de la coopération et sur le traitement confidentiel des informations qualifiées comme telles par chaque partenaire.

M. Philippe Nogrix a estimé, à ce propos, en sa qualité de représentant du Sénat auprès de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), que l'accès élargi à certaines informations nécessaires à la lutte anti-terroriste ne semblait pas devoir soulever d'objection de principe au regard du respect des libertés individuelles. Il appartiendra cependant à la CNIL de vérifier si ces possibilités nouvelles sont bien proportionnées à l'objectif poursuivi et si leur accès est bien exclusivement réservé à des autorités qualifiées. De même, elle s'assurera du droit d'accès des citoyens aux informations les concernant et des conditions de conservation de ces données. S'agissant des relations franco-algériennes, il s'est interrogé sur la notion de traité d'amitié et sur sa portée. Il a estimé qu'une telle qualification ne pouvait être réservée qu'à des relations extrêmement confiantes, dépourvues d'ambiguïtés ou d'arrière-pensées. Il a émis des doutes sérieux sur la réalisation de cette condition, s'agissant de l'Algérie, en évoquant notamment la prise en compte insatisfaisante de la situation des harkis.

M. André Rouvière a réitéré ses observations, maintes fois exprimées, à propos du suivi des nombreux accords ou traités bilatéraux et multilatéraux approuvés par le Parlement. Il a rappelé que tous les ministres successifs s'étaient déclarés favorables à la conduite d'un tel travail, mais qu'aucun d'entre eux n'avait, par la suite, transmis d'information relatives à la mise en oeuvre de ces instruments internationaux. Il s'est demandé si la commission ne devrait pas effectuer un bilan annuel de l'application des conventions qu'elle examine.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que les accords multilatéraux comportaient généralement un mécanisme de suivi de leur application et que, dans le cadre d'accords bilatéraux, il incombait à chaque partie de veiller au respect, par l'autre partie, de ses engagements. Il a souligné que l'exécutif était, de ce fait, responsable de l'application des accords internationaux, ce qui n'empêchait en rien les rapporteurs des textes en question d'effectuer un travail de suivi. Il a ajouté que, sur des sujets précis et particulièrement sensibles, la commission pouvait également décider de faire le point de l'application des engagements internationaux.

M. Jacques Peyrat a évoqué les négociations en cours entre la France et l'Algérie, au sujet d'un futur traité, et a récusé la qualification envisagée de traité d' « amitié », estimant qu'elle ne correspondait pas à la situation actuelle des relations entre la France et l'Algérie. Il a cité, entre autres exemples, les contentieux persistants sur le sort des harkis et la prise en compte de certaines préoccupations des rapatriés d'Algérie, ainsi que les déclarations du président algérien. Il lui a paru que les termes « accord de coopération » ou « d'entraide » seraient plus appropriés et a indiqué qu'en l'état actuel des choses, il se prononcerait contre un projet de loi portant ratification d'un traité d'amitié franco-algérien.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que les négociations engagées n'avaient toujours pas abouti, qu'elles suscitaient un débat nourri, notamment en Algérie, et qu'il appartiendrait, bien évidemment, aux parlementaires de prendre position sur un tel traité le jour où sa ratification serait soumise au Parlement.

M. Robert Bret a estimé que les peuples français et algérien partageaient une histoire commune, et qu'il était de l'intérêt des deux pays de savoir aborder le passé pour fonder une relation nouvelle. Il a regretté que, pour satisfaire certaines catégories particulières, le Parlement ait cru devoir insérer, dans la loi du 23 février 2005, une mention relative au rôle positif de la présence française en Afrique du Nord, au risque de contredire la réalité historique et d'entraîner d'inutiles difficultés pour nos relations avec les pays concernés.

M. Jean-Pierre Plancade a mis en garde contre la tendance à l'auto-dénigrement et a appelé à une vision objective des réalisations effectuées en Algérie, jusqu'à l'indépendance, au regard de la situation du pays quatre décennies plus tard.

M. Jacques Peyrat a précisé qu'il reconnaissait tout l'intérêt d'une coopération accrue entre la France et les pays du Maghreb, en particulier l'Algérie, et que ses objections ne portaient pas sur le principe d'une telle coopération, mais sur la notion de traité d'amitié, inappropriée à ses yeux s'agissant de l'Algérie.

M. Serge Vinçon, président, a rappelé que l'accord examiné par la commission concernait spécifiquement la sécurité intérieure et qu'il importait de le dissocier des débats, par ailleurs légitimes, sur un futur traité d'amitié.

La commission a alors adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée, signé à Alger le 25 octobre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi. 2 ( * )

* 1 Outre l'Algérie, de tels accords ont été conclus avec l'Afrique du sud, l'Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, la Chine, la Colombie, l'Espagne, le Royaume-Uni, la Grèce, la Hongrie, l'Italie, le Luxembourg, la Macédoine, Malte, le Maroc, le Mexique, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la Slovaquie et le Tadjikistan.

* 2 Voir le document annexé au projet de loi Assemblée nationale n° 1861 (Douzième législature).

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