B. LE PLAN MÉDICAMENT, UN OUTIL SPÉCIFIQUE DE RÉGULATION DES DÉPENSES DE SOINS DE VILLE

Les dépenses de soins de ville se composent des dépenses déléguées qui regroupent les honoraires des professionnels de santé, d'une part, et des dépenses résultant des prescriptions des professionnels de santé, d'autre part. Dans cette seconde catégorie sont regroupés les prestations en espèces, en particulier les indemnités journalières versées en cas d'arrêt de travail, et les médicaments et dispositifs médicaux.

Le Gouvernement a choisi d'appliquer au secteur du médicament et des produits de santé un double régime de régulation : le premier, dans le cadre de la maîtrise médicalisée conventionnelle puisque les objectifs chiffrés retenus dans la convention régissant les rapports entre les médecins et l'assurance maladie portent sur des réductions de prescriptions de certaines classes de médicaments ; le second, par une régulation spécifique fondée sur une négociation financière entre les laboratoires pharmaceutiques et le comité économique des produits de santé (CEPS) qui négocie le prix des médicaments pour le compte de l'Etat.

Cette politique s'inscrit dans la continuité d'une action entamée depuis 2002 et se traduit par une politique de maîtrise des dépenses de médicaments qui vise à assurer la promotion des médicaments génériques, à apprécier le service médical rendu des produits de santé, mais également à favoriser la diffusion de médicaments innovants coûteux.

1. Une croissance préoccupante des dépenses de médicaments

Les dépenses de médicaments se situent à la première place des dépenses de soins de ville, loin devant les honoraires médicaux. Ainsi en 2004, d'après les comptes nationaux de la santé, la consommation pharmaceutique en ville (achats dans les officines ou les pharmacies hospitalières pour des patients non hospitalisés) s'élevait à 30,3 milliards d'euros , contre 18,5 milliards d'euros pour l'ensemble des honoraires des médecins généralistes et spécialistes.

Face à la forte croissance du poste médicament, + 5 % en 2005, après + 6 % en 2004, le Gouvernement a fait le choix de renforcer le plan médicament conçu à l'occasion de la réforme de l'assurance maladie et dont l'exécution devait s'étendre sur la période 2005-2007.

a) Un niveau de consommation élevée

Dans son rapport de septembre 2004, la commission des comptes de la sécurité sociale attirait l'attention des pouvoirs publics sur la croissance préoccupante des dépenses de médicaments.

La commission signalait quatre évolutions préoccupantes :

- les Français figurent parmi les premiers consommateurs de médicaments du monde or, comme le souligne le rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie publié en janvier 2004, « rien ne justifie que l'assuré se voit prescrire entre deux et quatre fois plus d'analgésiques, d'antidépresseurs et de tranquillisants que dans les pays voisins » ;

- ce niveau de consommation élevé est lié pour partie au non-respect des référentiels de bonne pratique médicale ;

- les médicaments nouveaux coûteux bénéficient d'une diffusion rapide ;

- l'augmentation tendancielle du nombre de personnes exonérées de ticket modérateur (par exemple, l'assuré souffrant d'une affection de longue durée) entraîne mécaniquement une hausse taux de remboursement à la charge du régime obligatoire.

Enfin, une autre spécificité nationale tiendrait au fait que l'équation « consultation=ordonnance=médicaments » est plus forte en France qu'ailleurs : 90 % des consultations s'y concluent par une ordonnance, contre 83 % en Espagne et 72 % en Allemagne 1 ( * ) .

Les professionnels de santé et l'assurance maladie ont apporté une première réponse à ses préoccupations en se fixant des objectifs d'optimisation des prescriptions d'antibiotiques ou de statines par exemple.

b) Une diffusion rapide des médicaments nouveaux innovants

L'assurance maladie dépense chaque année un milliard d'euros supplémentaires pour le remboursement de nouveaux médicaments. Cette situation s'explique par l'arrivée sur le marché de médicaments nouveaux, parfois innovants, qui permettent d'améliorer l'espérance de vie ou la prise en charge de nouvelles pathologies.

Dans l'ensemble, la progression des dépenses de médicaments est essentiellement due à un effet de structure, c'est-à-dire qu'elle correspond à un glissement de la consommation vers des produits de santé plus chers ; cet effet est lié notamment à l'apparition de nouvelles thérapeutiques.

Cette évolution des dépenses de médicaments remboursés reste forte en dépit de la montée en charge des génériques et des mesures d'économies déjà réalisées.

2. Un plan médicament plus rigoureux

La réforme de l'assurance maladie s'accompagne d'un plan médicament dont les objectifs d'économies sont chiffrés à 900 millions en 2005 et à un total de 2,5 milliards en 2007. Ce plan est distinct des mesures d'économies décidées dans le cadre de la maîtrise médicalise conventionnelle.

Ce plan repose sur une politique de prix ambitieuse avec la promotion des médicaments génériques et une nouvelle politique de régulation des médicaments à l'hôpital. Il s'accompagne d'un ajustement des conditions de prise en charge, de la commercialisation de nouveaux conditionnements et de l'adaptation de la prise en charge des médicaments à service médical rendu insuffisant.

Or, avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, le Gouvernement fait le choix d'accélérer la mise en oeuvre de ce plan. On peut supposer qu'il suit en cela les propositions émises par la CNAM qui, dans son rapport au Parlement et au ministre chargé de la sécurité sociale de juin 2005, soulignait qu'une réduction significative du déficit de l'assurance maladie « ne peut être obtenue qu'en mettant en oeuvre des mesures complémentaires tendant à restaurer les conditions de l'équilibre . Et la CNAM précisait : « dans le domaine des dépenses, l'accélération des mesures du plan médicament [...] semble justifiée au regard de la dynamique encore fortement croissante de ces dépenses ».

L'objectif de ces ajustements est de recentrer les dépenses d'assurance maladie sur les produits qui rendent le meilleur service au meilleur coût.

a) De nouvelles mesures de régulation

La diffusion des médicaments génériques est un axe privilégié de la politique menée par le Gouvernement dans le domaine des produits de santé. Cette politique repose sur la collaboration des médecins (recours à la prescription en dénomination commune internationale), des pharmaciens (exercice du droit de substitution) et des assurés sociaux.

La part des médicaments génériques dans les prescriptions est ainsi passée de 24 % en 2000 à 60 % du répertoire (c'est-à-dire le marché du généricable) en janvier 2005 , et 89 % des Français se déclarent aujourd'hui favorables aux médicaments génériques.

Or, malgré ces évolutions favorables, la politique du générique ne produit pas les résultats attendus en matière de réduction des dépenses.

Constatant que les premiers résultats sont incertains, le Gouvernement souhaite compléter et accélérer la mise en oeuvre du plan médicament. Cet objectif sera poursuivi à travers :

- la généralisation des tarifs forfaitaires de remboursement (TFR) ;

- une baisse de 13 % du prix des médicaments génériques inscrits au répertoire ; cette décision est présentée comme une mesure d'ajustement du prix des médicaments génériques commercialisés en France avec les prix pratiqués dans les autre pays européens. Cette mesure devrait se traduire par une économie de 490 millions d'euros en année pleine ;

- la poursuite de l'incitation à la substitution ;

- la poursuite du plan médicament sur les produits de santé avec notamment, la montée en charge des nouveaux conditionnements (180 millions d'économies), la baisse de prix de certaines spécialités et l'extension des règles de régulation applicables aux médicaments vendus en ville à certaines catégories de médicaments vendus à l'hôpital (médicaments rétrocédés, médicaments facturés en sus d'un groupe homogène de séjour (GHS).

b) Une nouvelle politique d'évaluation du service médical rendu des produits de santé

La réforme de la gouvernance de l'assurance maladie opérée par la loi du 13 août 2004 prévoit la création d'une Haute Autorité de santé chargée, entre autres, de procéder à l'évaluation périodique du service rendu des produits, actes ou prestations de santé et de contribuer par ses avis à l'élaboration des décisions relatives à l'inscription, au remboursement et à la prise en charge par l'assurance maladie desdits produits, actes ou prestations.

C'est dans le respect de l'esprit de la réforme que le ministre chargé de la santé et de la sécurité sociale a demandé à la Haute Autorité de santé de procéder à la réévaluation du service médical rendu (SMR) de 245 médicaments. Ce travail poursuit une analyse déjà entamée par les experts de la commission de la transparence, alors sous tutelle de l'Agence française de sécurité des produits sanitaires (Afssaps), aujourd'hui intégrée à la HAS.

A l'issue des travaux d'expertise et d'une procédure contradictoire, la Haute Autorité de santé s'est prononcée en faveur d'un retrait du remboursement de 218 médicaments actuellement remboursés à 35 % et pour lesquels elle a considéré qu'une prise en charge par la solidarité nationale n'est plus justifiée. On ne peut que suivre le raisonnement de la HAS qui considère que l'admission au remboursement n'est pas seulement fondée sur l'efficacité des produits concernés mais sur un ensemble de critères justifiant la prise en charge au titre de la solidarité nationale, notamment la gravité de la maladie.

Face à ces propositions, le Gouvernement a choisi de ménager une période de transition. Dans cette optique, 156 médicaments ne seront plus remboursés à compter du 1 er mars 2006 et 62 autres verront leur prise en charge ramenée de façon temporaire à 15 % jusqu'au début 2008 . Parallèlement, afin de favoriser la prise en charge du médicament à son juste prix, une baisse de 20 % sera appliquée au tarif de ces produits.

Selon l'avis adopté par le Haut Conseil de l'avenir de l'assurance maladie, le 27 octobre dernier : « le déremboursement des médicaments à SMR insuffisant induit en année pleine une économie de 270 [millions d'euros] pour les régimes de base et de 360 [millions d'euros] pour les OC [organismes d'assurance maladie complémentaire]. »

* 1 Cf. Eco Santé OCDE, 2005. Le rapport des Français et des européens à l'ordonnance et aux médicaments.

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