B. DES DÉPENSES TOUJOURS DYNAMIQUES

1. Des prestations familiales tirées par la montée en charge de la Paje

La branche famille verse quatorze prestations légales destinées à compenser les charges de famille et qui représentent 70 % de ses dépenses :

- les prestations d'entretien comprennent les allocations familiales, le complément familial, l'allocation de soutien familial, l'allocation pour jeune enfant (APJE), l'allocation d'adoption, l'allocation de parent isolé (API), l'allocation de présence parentale (APP), la prime à la naissance et l'allocation de base de la Paje ;

- les prestations pour la garde des enfants englobent l'allocation parentale d'éducation (APE), l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (Afeama), l'allocation de garde d'enfant à domicile (Aged), le complément de libre choix d'activité et le complément de libre choix du mode de garde de la Paje ;

- les prestations en faveur de l'éducation recouvrent l'allocation de rentrée scolaire (ARS) ;

- les prestations en faveur des personnes handicapées se rapportent à l'allocation d'éducation pour enfant handicapé bien que la CNAF verse également l'allocation aux adultes handicapés (AAH) pour le compte de l'Etat ;

- les prestations en faveur du logement concernent l'allocation de logement familiale, la CNAF contribuant par ailleurs au financement des deux autres allocations (allocation de logement sociale - ALS - et aide personnalisée au logement - APL).

Structure des prestations légales en 2005

Ces prestations légales représentent 35,8 milliards d'euros en 2005, en hausse de 4,4 % par rapport à l'année précédente et une progression encore vive (3,7 %) est attendue en 2006. Ce dynamisme, qui ne saurait s'expliquer par la seule évolution des barèmes et du nombre de bénéficiaires, est en réalité en grande partie dû à la poursuite de la montée en charge de la Paje.

Décomposition de l'évolution de la masse des prestations légales

2004

2005

2006

Masse des prestations (en millions d'euros)

34.307

35.816

37.157

Variation par rapport à n-1

+ 4,2 %

+ 4,4 %

+ 3,7 %

- dont effet « mesures nouvelles »

1,1

1,4

1,2

- dont effet « revalorisation »

2,0

2,1

1,8

- dont effet « volume »

1,0

0,8

0,7

Source : Direction de la sécurité sociale

Mais cette progression rapide des dépenses de prestations légales cache toutefois des évolutions contrastées, attestant des mutations de la politique familiale.

a) Des prestations d'entretien traditionnelles en perte de vitesse

Les prestations d'entretien versées par la branche famille progressent apparemment de 5,6 % en 2005. Mais si l'on exclut les prestations d'entretien liées à la petite enfance et que l'on se concentre sur les prestations d'entretien traditionnelles, au coeur desquelles on trouve les allocations familiales, la progression n'est plus que de 2,4 % en 2005 et 1,8 % en 2006, soit une évolution simplement conforme à celle de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF). Celle-ci progresse en effet de 2,2 % en 2005 et de 1,8 % en 2006.

Evolution des prestations d'entretien

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

Allocations familiales

11.699

11.928

12.102

+ 2,2 %

+ 2,0 %

+ 1,5 %

Complément familial

1.575

1.601

1.612

+ 1,2 %

+ 1,7 %

+ 0,7 %

Sous-total prestations « généralistes » (1)

13.273

13.529

13.714

+ 2,11 %

+ 1,9 %

+ 1,4 %

API

900

970

1.031

+ 8 %

+ 7,9 %

+ 6,3 %

Allocation de soutien parental

1.028

1.059

1.089

+ 3,6 %

+ 3 %

+ 2,8 %

Sous-total prestations « familles monoparentales » (2)

1.928

2.029

2.120

+ 5,6 %

+ 5,3 %

+ 4,5 %

APJE

1.783

1.106

323

- 36,7 %

- 43 %

- 68,2 %

Allocation d'adoption

3

2

1

- 24,4 %

- 35,5 %

- 50 %

Prime à la naissance (Paje)

586

591

602

n.s

+ 0,9 %

+ 1,9 %

Allocation de base (Paje)

754

2.185

3.476

n.s.

+ 190 %

+ 59 %

Sous-total prestations « petite enfance » (3)

3.126

3.794

4.402

+ 10,8 %

+ 21,4 %

+ 16 %

Allocation de présence parentale (4)

35

37

39

+ 22 %

+ 5,4 %

+ 4,9 %

Total (1)+(2)+(3)+(4)

18.362

19.390

20.275

+ 3,9 %

+ 5,6 %

+ 4,6 %

Cette faible croissance s'explique par une progression en volume quasiment nulle de ces prestations d'entretien. Les allocations familiales et le complément familial reculent même en volume, ce phénomène s'expliquant par des raisons démographiques : malgré des entrées nombreuses dans le dispositif des prestations familiales (de l'ordre de 765.000 naissances), les sorties sont encore plus soutenues du fait de l'arrivée à l'âge de vingt ans des classes d'âge 85-86 relativement plus nombreuses que les précédentes.

On constate de plus une réduction de la taille des familles, et notamment une chute du nombre de familles de trois enfants et plus, pour lesquelles les allocations familiales sont particulièrement élevées et auxquelles est réservé le complément familial, ce qui entraîne une réduction des montants moyens versés aux familles.

Deux prestations font figure d'exception parmi les prestations d'entretien « traditionnelles ». Il s'agit de l'API et de l'allocation de soutien familial, toutes deux destinées aux familles monoparentales et versées sous condition de ressources : les dépenses relatives à ces prestations continuent d'augmenter de façon soutenue (7,8 % pour l'API et 3 % pour l'allocation de soutien familial en 2005), attestant de l'aggravation du phénomène de pauvreté des familles monoparentales.

Votre commission regrette la revalorisation plutôt timide de la BMAF : depuis plusieurs années, elle se limite strictement à l'obligation légale, c'est-à-dire à une revalorisation conforme à l'évolution des prix hors tabac, telle que prévue par le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l'année à venir. Un coup de pouce concernant la BMAF bénéficierait pourtant à toutes les prestations et surtout à toutes les familles, conformément à la vocation universelle des prestations familiales.

Dans un souci d'équité, votre commission vous propose par ailleurs de supprimer le plafonnement à trois enfants des allocations familiales à Mayotte . Plusieurs autres arguments militent en faveur de ce déplafonnement, parmi lesquels la nécessité de mettre fin au mouvement d'immigration vers La Réunion de mères mahoraises de familles nombreuses à la recherche d'une meilleure prise en charge. Ce déplafonnement serait également un moyen d'apporter un soutien aux femmes répudiées en raison de l'interdiction prochaine de la polygamie dans l'île. Cette mesure, dont le coût annuel serait limité à 3 millions d'euros, permettra enfin d'engager l'alignement des prestations familiales dans l'île, à un moment où la vocation de celle-ci à devenir un département est enfin reconnue.

b) Le poids des prestations « petite enfance »

Le montant des prestations légales relatives à la petite enfance est passé de 8,1 milliards d'euros en 2003 à 10,1 milliards en 2006, soit une progression de près de 25 % en trois ans, ce qui traduit la priorité donnée par le Gouvernement à l'accueil de l'enfant.

Coût des prestations familiales relatives à la petite enfance

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

Evolution 2003-2004

APJE

2.816

1.783

1.016

323

Allocation d'adoption

4

3

2

1

Prime à la naissance (Paje)

-

586

591

602

Allocation de base (Paje)

-

754

2.185

3.476

Total « Entretien » (1)

2.820

3.126

3.794

4.402

+ 56 %

APE

3.034

2.712

1.555

453

Complément de libre choix d'activité (Paje)

-

290

1.249

2.063

Sous-total « Libre choix d'activité) (a)

3.034

3.002

2.804

2.516

- 17 %

Afeama

2.168

2.225

1.670

1.105

Aged

113

115

95

73

Complément de libre choix du mode de garde (Paje)

-

179

1.100

2.020

Sous-total « Aide à la garde » (b)

2.281

2.519

2.865

3.198

+ 40 %

Total « Libre choix des parents » (a)+(b)=(2)

5.315

5.521

5.669

5.714

+ 7,5 %

Total « Aides à la petite enfance » (1)+(2)

8.135

8.647

9.463

10.116

+ 24 %

Les prestations dédiées à l'enfant

Leur progression est surtout due au dynamisme de l'allocation de base de la Paje : les dépenses qui s'y rattachent augmentent en effet à un rythme annuel moyen de 15 %, du fait du relèvement de 37 % de son plafond de ressources par rapport à l'ancienne APJE.

Ces conditions de ressources plus favorables entraînent une augmentation du nombre de familles éligibles évalué à 15 % sur quatre ans. Le succès de l'allocation est tel que le nombre de familles bénéficiaires devrait finalement, au terme de la montée en charge de la prestation en 2007, être supérieur de 50.000 unités au chiffre initialement prévu par le Gouvernement.

Les dépenses d'allocation de base sont par ailleurs accrues par rapport à l'APJE du fait de la possibilité de cumuler allocation de base et complément de libre choix d'activité alors qu'il était impossible de cumuler APE et APJE. Près de 19.400 familles auraient bénéficié fin 2004 de ce nouvel avantage.

Les prestations d'aide à la garde

La Paje entraîne également une forte hausse des dépenses d'aide à la garde : elles ont en effet progressé de 40 % en trois ans, ce qui correspond à un rythme annuel moyen de 12,5 %. Ceci s'explique par le fait que l'aide servie est nettement plus importante qu'avec les anciennes Afeama et Aged : si les modalités de prise en charge des cotisations sociales liées à l'emploi d'une assistante maternelle agréée ou d'une aide à domicile sont inchangées, l'aide forfaitaire versée aux familles a été fortement revalorisée.

En outre, la plage de revenu pour laquelle l'aide de niveau intermédiaire est servie a été étendue : plus de la moitié des bénéficiaires auraient relevé, dans l'ancien système, de l'aide minimum, alors qu'avec la Paje, ils touchent l'aide intermédiaire. Enfin, contrairement à l'ancien système, l'aide forfaitaire bénéficie désormais aux personnes employant une aide à domicile.

La meilleure solvabilisation apportée par la Paje a également un effet sur le comportement des parents si l'on en juge par le recours accru aux modes de garde onéreux, notamment aux services d'une assistante maternelle : ainsi, les parents qui ont eu un enfant au premier semestre 2004 sont 10 % de plus à utiliser les services d'une assistante maternelle que ne le faisaient les parents d'enfants nés au premier semestre 2002.

Les prestations de remplacement d'un revenu d'activité

Contrairement aux deux autres catégories de prestations, les effets de la mise en oeuvre de la Paje sur le choix des parents d'interrompre ou non leur activité professionnelle pour élever leur enfant sont difficiles à mesurer. En effet, l'ancienne APE n'a pas exactement le même champ que le nouveau complément de libre choix d'activité (CLCA), d'où une diminution apparente des aides versées aux parents qui font ce choix.

Les dépenses au titre du CLCA sont affectées par deux mouvements contraires : l'extension du congé parental au premier enfant et la revalorisation de l'allocation versée aux parents faisant le choix du temps partiel influent à la hausse sur ces dépenses ; à l'inverse, le plus haut degré d'exigence d'activité pour bénéficier du CLCA par rapport à l'APE 1 ( * ) est un facteur d'économie.


L'impact du durcissement des conditions d'activité antérieure sur le recours au complément libre choix de l'activité de la prestation d'accueil du jeune enfant

« On ne dispose malheureusement pas de données précises sur la carrière professionnelle antérieure des bénéficiaires de l'APE pour évaluer la proportion qui est touchée par le durcissement des conditions d'activité. A défaut, on peut comparer les proportions des familles ayant eu une naissance qui recourent à l'APE à taux plein en 2003 et au CLCA en 2004.

« On constate ainsi, pour à peu près toutes les tailles de familles, une baisse de l'ordre de 5 % du recours au taux plein entre 2003 et 2004. Pour autant, cette diminution ne saurait être imputée exclusivement au durcissement des conditions d'activité antérieures. En effet :

«
• on constate ces dernières années une désaffection, certes modérée, des familles envers l'APE à taux plein, au moins au rang 2 : le recours à l'APE à taux plein au rang 2 avait déjà baissé de près de 4 % entre 2001 et 2003. Ce phénomène est peut-être à relier à la progression de l'activité féminine et au souhait grandissant des mères de ne pas interrompre complètement leur carrière ;

«
• avec la mise en place de la Paje, le recours au CLCA à taux partiel s'avère plus attractif qu'antérieurement, du fait à la fois du relèvement de 15 % des montants versés à taux partiel et de l'amélioration de la prise en charge des frais de garde (près de la moitié des bénéficiaires du CLCA à taux partiel le cumulent avec un complément de libre choix du mode de garde). Il semble donc que des familles qui antérieurement auraient opté pour l'APE à taux plein recourent maintenant au CLCA à taux partiel.

« Compte tenu de ces éléments, on estime que la proportion des bénéficiaires de l'APE à taux plein touchée par le durcissement des conditions d'activité antérieure est de l'ordre de 2 % au rang 2 (5.000 familles concernées), 4 % au rang 3 (5.000 familles concernées) et 5 % aux rangs 4 et plus (2.000 familles concernées), pour une économie de l'ordre de 50 millions d'euros par an pour le FNPF. Cette estimation de 12.000 familles concernées est évidemment fragile ; il est néanmoins peu vraisemblable que la réalité excède 20.000 familles. Un chiffre relativement modeste si on le compare aux 2,2 millions de familles qui ont un enfant de moins de trois ans. »

Source : Hubert Brin, « Enjeux démographiques et accompagnement du désir d'enfant des familles », Rapport préparatoire à la Conférence de la famille 2005.

A terme, la commission des comptes de la sécurité sociale pour 2005 prévoit une dépense au titre du CLCA sensiblement équivalente à celle de l'ancienne APE.

Une mesure pourrait toutefois venir bouleverser ces prévisions : la création, par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'un complément optionnel de libre choix d'activité (Colca), plus court - un an - et mieux rémunéré - 750 euros au lieu de 512 euros actuellement - pour les parents de trois enfants et plus.

Ce nouveau complément devrait avoir deux effets contraires sur les dépenses de Paje : un effet d'économie, pour les personnes qui se seraient arrêtées de toute façon et qui décident de raccourcir leur congé pour profiter d'une meilleure rémunération, et un effet d'attraction, pour les parents aux salaires moyens qui jugeaient jusqu'ici que l'indemnisation du congé était trop faible rapportée à leur salaire antérieur.

Le Gouvernement table sur un chiffre prévisionnel de 50.000 bénéficiaires, pour un coût en année pleine de 140 millions d'euros. En 2006, les dépenses devraient s'élever à 35 millions d'euros, du fait d'une entrée en vigueur au 1 er juillet et d'une montée en charge nécessairement progressive. Si le nouveau Colca est, pour l'instant, limité au troisième enfant, le Gouvernement n'exclut pas, en cas de succès, d'en élargir le bénéfice pour les deux premiers enfants.

c) Le dynamisme des prestations liées au handicap

Les prestations liées au handicap représentent 5,9 milliards d'euros, répartis entre l'AAH (5,3 milliards d'euros) et l'AES (575 millions d'euros). Elles croissent en moyenne de 5 % par an.

Hormis pour ce qui concerne les délais et modalités de leur remboursement par l'Etat, les dépenses d'AAH n'ont pas d'impact sur le solde de la branche famille. S'agissant en revanche de l'AES, désormais intitulée « allocation d'éducation de l'enfant handicapé », son poids a doublé entre 1990 et 2004.

Deux facteurs principaux expliquent le dynamisme de ces dépenses :

- l'augmentation du nombre de bénéficiaires qui n'est pas due aux premières demandes - le taux de prévalence du handicap restant relativement stable - mais aux renouvellements. La durée de perception de l'AES est désormais plus longue, l'abaissement de l'âge des premières demandes résultant d'une meilleure information des familles ;

- la réforme des compléments d'AES qui a achevé sa montée en charge en 2005. Le passage de trois à six compléments, dont le montant évolue plus favorablement en fonction des besoins d'accompagnement de l'enfant, a permis à plus d'un tiers des familles bénéficiaires de voir leurs droits majorés. L'attribution d'un complément est, par ailleurs, plus fréquente depuis la réforme, ce qui contribue à l'alourdissement des dépenses totales d'AES.

En 2006, les dépenses d'AES subissent l'impact de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées qui crée notamment une majoration d'AES pour les parents isolés d'enfants handicapés. Cette mesure devrait bénéficier à environ 20 % des familles monoparentales bénéficiaires, pour un coût évalué à 15 millions d'euros.

Il convient en outre de rappeler que cette loi prévoit, d'ici cinq ans, l'harmonisation des règles applicables aux enfants et aux adultes handicapés en matière de compensation du handicap. Or, à l'heure actuelle, ce sont les compléments d'AES, financés par la branche famille, qui ont vocation à prendre en charge les besoins de compensation de l'enfant. La mise en oeuvre de cette harmonisation suppose donc, à terme, une redéfinition des périmètres d'intervention respectifs de la CNAF et de la CNSA.

* 1 Deux ans d'activité dans les quatre dernières années au lieu de deux ans dans les cinq dernières années pour un octroi de la prestation au deuxième enfant et deux ans d'activité dans les cinq dernières années au lieu de deux ans dans les dix dernières années pour un octroi de la prestation au troisième enfant ou plus.

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