3. La CNAF au coeur d'un circuit de financement complexe

En dehors du remboursement des prestations versées pour le compte de l'Etat, la branche famille entretient avec ce dernier et avec les autres organismes de sécurité sociale - et plus récemment avec les départements - des relations financières complexes dont l'impact sur le solde n'est pas négligeable.

La situation structurellement excédentaire de la CNAF a en effet servi de prétexte pour mettre à la charge de la branche des dépenses n'ayant qu'un lien ténu avec la politique familiale et pour utiliser sa trésorerie comme une variable d'ajustement.

a) Le remboursement au FSV des majorations de pensions pour enfants : une charge contestable enfin stabilisée

La première et la plus importante de ces charges indues concerne le financement des majorations de pensions bénéficiant aux personnes ayant élevé trois enfants ou plus. En effet, au vu des excédents si tentants de la CNAF, le précédent gouvernement a décidé, en 2001, de transférer cette dépense du fonds de solidarité vieillesse (FSV) à la branche famille. Initialement fixé à 15 %, le taux de prise en charge de ces majorations par la CNAF devait augmenter progressivement jusqu'à atteindre 100 % en 2007.

En définitive, ce taux a été brutalement porté à 60 % dès 2003 et, grâce à une mobilisation à laquelle votre commission n'a pas été étrangère, il n'a plus été modifié depuis lors.

Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2005, la Cour des comptes souligne que « cette prise en charge a joué un rôle majeur ces dernières années dans la dégradation du solde de la branche » . Le coût de ces majorations s'élève en effet à plus de 2 milliards d'euros en 2005. Depuis 2001, ce sont déjà 7,2 milliards d'euros qui ont été prélevés sur la branche famille.

Montants et parts des majorations de pension
pris en charge par la CNAF

(en millions d'euros courants)

2001

2002

2003

2004

2005*

2006*

Part transférée

15 %

30 %

60 %

60 %

60 %

60 %

Montants

437

902

1.875

1.965

2.067

2.106

* Prévisions

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2005

Après quatre années et compte tenu de la situation extrêmement dégradée du FSV qui connaît lui-même un déficit de 2 milliards d'euros en 2005, il paraît aujourd'hui difficile de revenir sur ce transfert. Il en résulterait, par un système de vases communicants, un doublement du déficit du FSV.

Dans une décision du 18 décembre 2001, le Conseil constitutionnel avait considéré que l'ensemble des majorations de pensions pour enfants ne pouvait être mis à la charge de la branche famille car une telle mesure constituerait une rupture d'égalité par rapport aux familles élevant aujourd'hui des enfants. Au demeurant, ainsi que le soulignait la Cour des comptes dans son rapport précité, « à l'avenir l'augmentation [du taux de prise en charge] se heurtera au déficit de la branche famille » .

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 fixe de façon définitive ce taux de prise en charge à 60 %, mettant fin à l'incertitude de la branche famille sur l'éventualité d'un transfert intégral.

Votre commission en prend acte, même si elle en conteste toujours le principe. Elle considère en effet que ces majorations constituent la juste rétribution des familles qui ont contribué, en élevant trois enfants ou plus, à l'équilibre futur des régimes de retraite par répartition et qu'elles n'ont de ce fait pas le caractère de prestations familiales mais d'avantage vieillesse à part entière.

b) La question récurrente du remboursement des frais de gestion

Le non-remboursement des frais de gestion entraînés par le versement des prestations qu'elle verse pour le compte de l'Etat est un autre exemple de l'utilisation de la trésorerie de la CNAF comme variable d'ajustement du budget de l'Etat.

La question des frais de gestion est en effet une question récurrente pour la branche famille qui gère un nombre important de prestations pour le compte de tiers : l'AAH et l'API pour le compte de l'Etat, l'APL pour le compte du fonds national de l'habitat (FNH), l'allocation de logement sociale (ALS) pour celui du fonds national d'aide au logement (Fnal) et, depuis 2004, le revenu minimum d'insertion (RMI) pour celui des départements.

Alors que le versement des allocations logement fait l'objet de frais de gestion facturés aux deux fonds, celui des trois minima sociaux est assuré en quelque sorte « gratuitement » par la CNAF. Les départements bénéficient en effet à cet égard d'un « droit de suite » : puisque l'Etat ne versait pas de frais de gestion au titre du RMI centralisé, les départements ont obtenu qu'il en soit de même une fois cette prestation décentralisée.

L'Etat s'abrite derrière l'absence de comptabilité analytique au sein de la CNAF pour refuser de rembourser ces frais de gestion, arguant qu'en l'absence de cet outil d'analyse des coûts, il est impossible de déterminer avec précision le montant des dépenses engagées pour la gestion des minima sociaux.

Si elle reconnaît qu'il lui serait précieux de disposer d'un tel outil, la CNAF estime que l'argument de l'Etat est spécieux, dans la mesure où son absence n'empêche en rien le Fnal et le FNH de rembourser à la branche famille les frais liés à la gestion des allocations logement.

Une enquête commune de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF), en lien avec les travaux de l'observatoire national des charges de gestion a permis d'évaluer ainsi les coûts de gestion des prestations pour compte de tiers.

Evaluation des coûts de gestion des prestations versées pour le compte de tiers

Coût annuel par allocataire (en euros)

Coût total des prestations versées (en %)

Revenu minimum d'insertion

184

4,2

Allocation aux adultes handicapés

140

2,4

Allocation de parent isolé

386

9,1

Aide personnalisée au logement*

-

3,9

Allocation de logement sociale*

-

5,8

* pour la part de l'État

Au total, la CNAF évalue son manque à gagner à près de 150 millions d'euros, au détriment des familles.

La COG signée avec l'Etat pour la période 2005-2008 prévoit que la CNAF se dote des méthodes et des outils permettant une meilleure connaissance de ses coûts d'ici décembre 2006. Si cet objectif est rempli, l'Etat n'aura plus aucune excuse pour refuser de s'acquitter auprès de la branche famille des frais de gestion des prestations qu'elle verse pour son compte.

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