2. Une progression modérée des recettes

Les recettes de la branche famille devraient s'élever à 50,3 milliards d'euros en 2005, en progression de 3 % par rapport à l'année précédente. Ce résultat reste toutefois inférieur aux prévisions réalisées en septembre dernier. Pour 2006, la loi de financement de la sécurité sociale table sur une accélération du rythme de croissance des recettes de la branche (+ 3,6 %), pour un total de 52,1 milliards d'euros.

Ces recettes ont trois origines principales : les cotisations sociales à la charge des employeurs, pour les deux tiers ; la contribution sociale généralisée (CSG) et les autres taxes affectées, pour un quart ; les transferts, enfin, qui recouvrent à la fois des remboursements par l'Etat de certains allégements de charges sociales et le remboursement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de l'allocation de parent isolé (API).

Poids relatif des différentes recettes de
la branche famille en 2006

a) Des cotisations sociales pénalisées par la faible progression de la masse salariale

Principales recettes de la branche famille, les cotisations sociales devraient lui apporter 29,4 milliards d'euros en 2005. Leur rythme de croissance connaît un rebond sensible (+ 2,8 % contre + 2,1 % seulement en 2004) mais il s'agit essentiellement d'un effet d'optique, dû à une réforme du calendrier de recouvrement des cotisations des non-salariés qui a eu pour effet de reporter certaines recettes de 2004 sur 2005.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 table sur des recettes de cotisations de 30,1 milliards d'euros, cette nouvelle progression de 3,5 % étant fondée sur une hypothèse de croissance de la masse salariale de 3,7 %. Il s'agit d'une prévision optimiste bien supérieure aux 2,9 % enregistrés en 2004.

Plusieurs mesures devraient influencer le rendement des cotisations sociales affectées à la branche famille en 2006 :

- l'assujettissement aux cotisations sociales des indemnités de rupture et des sommes versées en compensation de la réduction du temps de travail , prévue par l'article 12 du projet de loi de financement devrait accroître ses cotisations perçues de 6 millions d'euros ;

- la suppression de l'abattement en faveur du temps partiel devrait produire 12 millions d'euros de recettes supplémentaires ;

- l'augmentation du taux de cotisation des agents de l'Etat, prévue en échange du transfert à la CNAF des prestations familiales et de l'action sociale collective destinée aux fonctionnaires, devrait enfin entrer en vigueur, entraînant une recette supplémentaire estimée à 100 millions d'euros.

Votre commission souligne toutefois que ces 100 millions d'euros correspondent en réalité non seulement au produit pour 2006, mais encore à une régularisation au titre de l'année 2005 : en effet, alors que les prestations ont bien été transférées en 2005 à la branche famille, cette dernière n'a pas reçu les recettes correspondantes, faute de la parution du décret fixant le nouveau taux de cotisation des agents de l'Etat.

Si elle ne peut qu'approuver la régularisation de cette situation, votre commission déplore qu'une fois de plus, l'Etat ait joué la montre et ait profité de la trésorerie positive de la CNAF pour faire financer, pendant un an, les prestations familiales des fonctionnaires sans contrepartie.

b) Les impôts et taxes : de nouvelles recettes affectées à la branche famille

Les impôts et taxes affectées à la branche famille s'élèvent à 10,3 milliards d'euros en 2005, en progression de 3 % par rapport à l'année précédente. Leur croissance devrait se maintenir à un rythme sensiblement identique (3,2 %) en 2006, assurant à la CNAF des recettes de 10,6 milliards d'euros.

Jusqu'à présent, la branche famille bénéficiait d'une seule ressource fiscale, à savoir une partie du produit de la CSG. Son rendement en 2005 a été affecté par deux mouvements contraires consécutifs à la mise en oeuvre de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie : celle-ci a élargi l'assiette de la CSG mais a parallèlement modifié sa répartition entre les branches, de façon à ce que l'intégralité des recettes nouvelles soit affectée à l'assurance maladie. En conséquence, s'agissant de la branche famille, l'élargissement de l'assiette a été neutralisé par l'abaissement de 1,1 à 0,8 %, du taux de prélèvement.

En 2006, le produit de la CSG affecté à la branche famille bénéficiera de l'impact de l'assujettissement à cette taxe des plans d'épargne logement (PEL) de plus de dix ans. L'article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prévoit en effet qu'au lieu de s'acquitter de cette taxe lors du dénouement de leur PEL, les contribuables y seront soumis dès l'arrivée à échéance de leur plan. Les recettes de CSG s'en trouveront donc exceptionnellement majorées car le stock des PEL de plus de dix ans non encore dénoués y sera assujetti. La recette supplémentaire prévue est de 113 millions d'euros.

Enfin, à compter de 2006, la branche famille bénéficiera de nouvelles recettes fiscales : pour la première fois, la compensation des allégements de charges sociales s'effectuera non plus par une dotation budgétaire, mais par l'attribution d'un « panier de taxes », au rendement équivalent au manque à gagner pour la sécurité sociale. Si tel n'est pas le cas, ce panier sera révisé en 2007, une régularisation a posteriori étant prévue pour 2006. Le produit de ces taxes sera centralisé par l'Acoss qui le répartira en fonction du poids réel des allégements de charge pour chaque branche. Ces taxes devraient donc représenter une ressource de 3,3 milliards d'euros pour la branche famille en 2006.

Votre commission souligne l'innovation que représente ce mode de compensation des allégements de charges sociales et elle veillera à contrôler l'exactitude des compensations en 2006, et plus encore, pour les années suivantes.

c) Des remboursements de l'Etat toujours tardifs et incomplets

Les transferts reçus par la branche famille, d'un montant total de 7,3 milliards d'euros, sont de deux natures différentes et d'importance désormais très inégale :

- le remboursement, par l'Etat, des allégements de cotisations sociales : à compter de 2006, l'Etat ne remboursera, sous forme de dotation budgétaire, que les allégements de charges sur les dispositifs ciblés d'aide à l'emploi, les allégements généraux étant compensés par l'affectation de recettes fiscales. Par conséquent, ce remboursement ne s'élèvera qu'à 970 millions d'euros ;

- le remboursement de l'API et de l'AAH, versées par la branche famille pour le compte de l'Etat : le montant des remboursements prévus en 2006 est évalué à 6,3 milliards d'euros par la commission des comptes de la sécurité sociale, soit une hausse de 4,8 % par rapport à 2005, elle-même en augmentation de 5,7 % sur 2004.

Or, dans le même temps, le projet de loi de finances pour 2006 ne prévoit que 6,1 milliards d'euros de crédits au titre de ces deux allocations, ce qui semble d'ores et déjà augurer de nouvelles dettes de l'Etat à l'égard de la branche famille.

L'Etat est en effet un coutumier du fait : tous les exercices, depuis la mise en place de l'autonomie des différentes branches de sécurité sociale, se sont clos sur une situation débitrice de l'Etat. Il est vrai qu'une grande partie de ces dettes est due aux différences de règles comptables entre la CNAF et l'Etat, la première fonctionnant en droits constatés et le second en comptabilité de caisse, et que ce décalage est apuré au cours du premier trimestre de l'année suivante. Les remboursements restent cependant tardifs et ne tiennent jamais compte des frais financiers engendrés par ces dettes pour la branche famille.

Mais au-delà de ces difficultés en gestion, les dotations budgétaires initiales sont, depuis 2002, systématiquement insuffisantes : en 2004, dernier exercice connu, la dette cumulée de l'Etat à l'égard de la CNAF s'élevait à 132 millions d'euros au titre de l'API et 205 millions d'euros pour l'AAH.

Dette de l'État à l'égard de la CNAF au titre de l'API

(en millions d'euros)

2002

2003

2004

2005*

Dépenses constatées

796

833

90

970

Dotations budgétaires

740

805

770

863

Solde annuel

- 56

- 28

- 130

- 107

Ouvertures LFS

46

36

0

n.c.

Dette CNAF cumulée

- 10

- 2

- 132

n.c.

* Prévisions

Dette de l'État à l'égard de la CNAF au titre de l'AAH

(en millions d'euros)

2002

2003

2004

2005*

Dépenses constatées

4.430

4.577

4.812

5.068

Dotations budgétaires

4.277

4.526

4.661

4.847

Solde annuel

- 153

- 51

- 151

- 221

Ouvertures LFS

150

0

101

n.c.

Dette CNAF cumulée

- 3

- 54

- 205

n.c.

* Prévisions

Même si elles ne figurent pas au bilan de la CNAF, il convient de noter que les restes à recouvrer au 31 décembre 2004, s'agissant de la part des allocations logement financées par l'Etat s'élèvent, selon la Cour des comptes, à 337 millions d'euros, pour l'allocation de logement sociale, et 656 millions d'euros, pour l'aide personnalisée au logement.

Compte tenu du fait que les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale sont d'ores et déjà supérieures aux crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2006, votre commission est en droit de s'interroger quant aux hypothèses retenues pour le calcul de ces dotations.

En effet, le projet annuel de performance de la mission « Solidarité et intégration » fait état d'une prévision d'augmentation du nombre de titulaires de AAH de 0,16 % et, s'agissant de l'API, d'une diminution de l'ordre de 7 % de ses bénéficiaires. Or, le taux de croissance des allocataires de ces minima sociaux était en moyenne de 2,5 % pour l'AAH et de 4 % pour l'API. Le Gouvernement justifie ces prévisions optimistes par la mise en oeuvre des nouvelles mesures en faveur de l'emploi des personnes handicapées prévues par la loi du 11 février 2005 et par une réforme à venir de l'intéressement pour l'API.

Compte tenu des inévitables délais de montée de charge de ces dispositifs, on peut avoir des doutes sur l'existence d'un effet aussi sensible dès 2006. Le risque de dérapage est réel et la CNAF devra, une fois de plus, en supporter les conséquences.

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