3. La mission « Défense » s'inscrit dans la perspective pluriannuelle de la LPM

Pour la quatrième année consécutive , le projet de loi de finances initiale permet de respecter globalement les objectifs fixés par la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2003 à 2008 7 ( * ) .

Réalisation de la LPM de 2003 à 2006

(en millions d'euros courant)

*prévision - **taux d'actualisation annuel : 1,5% - *** dotation LFI/PLF -

****y compris reports de crédits, transferts, fonds de concours et LFR.

a) Les objectifs de la LPM en matière d'équipement à l'aune de la LOLF

L'appréciation de la conformité du projet de loi de finances pour 2006 à la LPM en matière d'équipement est rendue plus complexe par le nouveau régime des autorisations d'engagement qui se substitue à celui des anciennes autorisations de programme et par les problèmes de transition que ce changement induit.

? Le régime des autorisations d'engagement réduit la visibilité pluriannuelle du budget d'équipement de la défense.

Rappelons que le concept « d'autorisations de programme » a été créé avant guerre pour permettre le financement pluriannuel des équipements de la marine nationale. Les autorisations de programme (AP), assorties d'un échéancier de paiements, présentaient l'inconvénient, si elles n'étaient pas engagées, d'être « éternelles », faute d'annulation des AP libres d'emploi, dites dormantes, qui constituaient par ailleurs un volant de flexibilité pour la gestion courante des crédits d'équipement. Les autorisations de programme disponibles à l'engagement atteignaient plus de 15 milliards d'euros à la fin de 1996 . Ce montant a été réduit à 11,35 milliards d'euros en 2004 , dont 6,59 milliards d'euros concernent des autorisations de programme affectées , c'est-à-dire attribuées à une opération budgétaire d'investissement après visa du contrôleur financier. En 2005, le montant des AP affectées, mais non engagées, devrait être proche de 5,3 milliards d'euros en fin d'exécution budgétaire. Celui des AP non affectées devrait s'élever à 3,1 milliards d'euros.

La notion d'autorisation d'engagement est beaucoup plus stricte. En application des articles 8 8 ( * ) et 11 9 ( * ) de la LOLF, les autorisations d'engagement qui se substituent aux autorisations de programme doivent être engagées et consommées dans l'année, leur report n'est possible que par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre de la défense.

Cette réforme était souhaitable, mais elle réduit la visibilité à moyen terme du budget d'équipement. Les autorisations de programme, qui portaient bien leur nom, permettaient d'avoir une vision de moyen terme des dépenses qui seraient engagées dans les années à venir. La nouvelle présentation du « bleu défense » a, de plus, supprimé les échéanciers de paiement relatifs aux différents programmes d'armement. Alors que la grande majorité de ceux-ci entrent aujourd'hui en phase de réalisation industrielle , et qu'il ne saurait être question à ce stade de temporiser les paiements, sous peine de s'exposer à des dépenses supplémentaires sous forme de pénalités pour retard de paiement, le Parlement ne dispose d'aucune visibilité sur une répartition annuelle, même prévisionnelle, des crédits qui devront obligatoirement être engagés à ce titre dans les prochaines années . Ne pas inscrire ces crédits ne rend pas leur paiement caduc, cela revient simplement à réduire le champ de vision du Parlement. Vos rapporteurs spéciaux souhaitent donc vivement que les arbitrages sur la composition des bleus budgétaires annexés au projet de loi de finances soient revus afin de remédier à cette situation.

Par ailleurs, le champ de visibilité du Parlement se restreint au fur et à mesure que l'on se rapproche du terme de la LPM. De nouveaux programmes d'armement sont engagés (par exemple cette année le programme Barracuda ou le programme du deuxième porte-avions) sans que l'on connaisse leur « devis » global dont l'essentiel sera reporté dans la future LPM. Cette absence de visibilité concerne également toute l'industrie de la défense. Il serait donc souhaitable qu'une réflexion d'ensemble soit menée sur le traitement de la pluriannualité des dépenses d'équipement dans le budget de l'Etat. Il ne saurait être question de prôner une programmation complète des grands programmes d'armement, mais d'étudier la possibilité d'une programmation glissante sur une période triennale .

? La gestion de la transition concerne à la fois la suppression des autorisations de programme dormantes et la dérogation à la limite des reports de crédits de paiement.

S'agissant des autorisations de programme dormantes , l'entrée en vigueur de la LOLF devrait entraîner la « disparition » des autorisations de programme libres d'emploi.

Il semble que les autorisations de programme affectées, mais non engagées, puissent être reportées sur la gestion de 2006, au moyen d'ouvertures d'autorisations d'engagement pour un montant de 5,3 milliards d'euros, dont 800 millions d'euros au titre du programme M 51 10 ( * ) .

Le montant des autorisations de programme non affectées, qui devrait « disparaître » au 31 décembre 2005, s'élève à 3,1 milliards d'euros . Le programme Barracuda aurait dû bénéficier de 1,1 milliard d'euros au titre de ces autorisations de programme. Vos rapporteurs spéciaux souhaitent que le ministre leur confirme qu'une ouverture d'autorisation d'engagement a bien été prévue à ce titre en 2006, ce qui semble être le cas, comme le montre le tableau « Etat financier des programmes d'armement en cours » ( cf. II-C).

Une remarque supplémentaire mérite d'être formulée : la suppression des autorisations de programme dormantes n'est pas satisfaisante en tant que telle, c'est leur résorption qui l'eût été. Notons que le ministère de la défense a fourni un effort considérable en ce sens, avant la mise en oeuvre de la LOLF. Il n'est cependant pas seul décisionnaire de la consommation des autorisations de programme, les limites de dépenses annuelles définies par le ministère de l'économie, ainsi que l'état d'avancement des programmes d'armement, relevant des industriels, ont largement contribué à la formation de ce qui a été appelé « le matelas des autorisations de programme dormantes ». Il ne faudrait pas que sa disparition cause des problèmes de financement, notamment aux programmes d'équipement des armées qui ne sont pas inscrits en LPM.

? S'agissant des reports de crédits de paiement , deux questions distinctes se posent concernant l'une l'apparition d'une « bosse des reports », l'autre la limitation des reports de crédits sur 2006.

La « bosse des reports » des crédits de paiement freine l'exécution de la LPM.

L'absence de budgétisation initiale des opérations extérieures (OPEX) obligeait le ministère de la défense à prévoir leur financement en avances de trésorerie. Les crédits nécessaires au financement des OPEX et le rétablissement des crédits gelés n'intervenaient qu'en fin d'année. Un décret d'avances sur les crédits de l'ancien titre III était gagé par un décret d'annulation sur le titre V, au sens de l'ordonnance organique de 1959. Les crédits annulés du titre V étaient, en général, réouverts en loi de finances rectificative. Le ministère n'avait pas alors le temps de consommer ces crédits rendus disponibles trop tardivement. En 2003, les reports de la gestion précédente s'élevaient à 1,51 milliard d'euros, ils ont augmenté de 83 % pour atteindre 2,8 milliards d'euros en 2004, et devaient représenter 2 milliards d'euros en 2005.

Le montant des crédits ainsi « reportables » en 2004 se décomposait en 0,8 milliard d'euros provenant de la précédente loi de programmation militaire 11 ( * ) et en 2 milliards d'euros correspondant à la part non exécutée des deux premières annuités (2003 et 2004) de l'actuelle loi de programmation .

On parle pour caractériser ce phénomène de « bosse des reports ». Elle est due à la fois à l'absence de financement budgétaire des OPEX en loi de finances initiale (LFI) et au respect de la « norme de dépenses », c'est-à-dire la règle imposée par le ministère de l'économie de ne pas dépenser plus que le montant des crédits ouverts en LFI (ce qui excluait l'équivalent du montant des fonds de concours et des surcoûts des OPEX). Les crédits reportés sont des crédits de paiement destinés à l'investissement, essentiels pour tenir les objectifs de la LPM et du modèle d'armée 2015.

Une dérogation à la limitation du montant des crédits reportables doit être envisagée.

L'article 15 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit que les crédits de paiement disponibles en fin d'année ne peuvent être reportés, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, que dans la limite globale de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le même titre du programme à partir duquel les crédits sont reportés. Ce plafond peut toutefois être majoré par une disposition en loi de finances.

L'article 57 du projet de loi de finances initiale pour 2006 prévoit une majoration des plafonds de reports de crédits de paiement.

Elle concernera les chapitres budgétaires présentés dans le tableau suivant.

La dérogation à la limite des reports de crédits prévus par la LOLF ne concernera que les crédits reportés en 2005 et non la « bosse des reports ». Afin de permettre la réalisation de la LPM, la ministre de la défense a pris l'engagement, devant votre commission des finances, lors de son audition le 25 octobre 2005, de résorber les crédits non consommés avant la fin de l'année 2007. A ce titre, le ministère de la défense a reçu l'autorisation de dépenser plus que la dotation inscrite en loi de finances initiale. En 2005, un décret d'avances 12 ( * ) a ainsi prévu l'ouverture de 611 millions d'euros « pris » sur les 0,8 milliard d'euros de crédits reportés au titre de la LPM précédente. Ces crédits financeront le surcoût des OPEX 13 ( * ) pour l'année 2005. « Restent donc à consommer » 190 millions d'euros au titre de la LPM précédente, et 2 milliards d'euros au titre de l'actuelle LPM.

Dans les années à venir des précisions devront être demandées sur la résorption de ces crédits, afin de s'assurer qu'ils permettent bien la réalisation de l'actuelle LPM.

* 7 Loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

* 8 « Les autorisations d'engagement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées. Pour une opération d'investissement, l'autorisation d'engagement couvre un ensemble cohérent et de nature à être mis en service ou exécuté sans adjonction. »

* 9 « II. - Les autorisations d'engagement disponibles sur un programme à la fin de l'année peuvent être reportées sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, majorant à due concurrence les crédits de l'année suivante. Ces reports ne peuvent majorer les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel. »

* 10 Missile balistique qui équipera les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG) de la force océanique stratégique, à partir de 2010.

* 11 Rappelons que le nombre de commandes physiques n'était pas suffisant pour consommer les crédits prévus par la LPM pour les années 1997 à 2002.

* 12 Décret n° 2005-1206 du 26 septembre 2005 portant ouvertures de crédits à titre d'avances.

* 13 Ce sont donc des dépenses de personnel qui seront ainsi financées et non des dépenses d'équipement.

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