TRAVAUX DE LA COMMISSION

A. EXAMEN DE LA MISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 16 novembre 2005, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a examiné le rapport spécial de M. Michel Mercier, rapporteur spécial, sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT), le compte spécial « Avances aux collectivités territoriales » (ACT) et les articles 82 à 85 rattachés.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a estimé que la mission et le compte spécial précités ne permettaient pas de se faire une idée des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Il a rappelé que les crédits de la mission RCT étaient de seulement 2,9 milliards d'euros, contre 13,3 milliards d'euros pour le programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » de la mission « Remboursements et dégrèvements », et 47,3 milliards d'euros pour le prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités territoriales, qui, en tant que prélèvement sur recettes, ne pouvait faire l'objet d'une mission, mais figurait en première partie (article 29) du projet de loi de finances.

Il a indiqué que la mission RCT comprenait quatre programmes, eux-mêmes organisés autour de dix budgets opérationnels de programme :

- le programme 119 « Concours financiers aux communes et groupements de communes » (724 millions d'euros) ;

- le programme 120 « Concours financiers aux départements » (771 millions d'euros) ;

- le programme 121 « Concours financiers aux régions » (1,4 milliard d'euros) ;

- le programme 122 « Concours spécifiques et administration » (25 millions d'euros).

M. Michel Mercier, rapporteur spécial , a considéré que la LOLF pouvait difficilement s'appliquer à la mission RCT, de même qu'aux autres concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, l'Etat ayant peu de liberté en matière de répartition des dotations, cette répartition obéissant généralement à des critères fixés par la loi. Il a souligné, à cet égard, que l'Etat n'avait aucun pouvoir de décision pour 80 % des crédits de la mission RCT.

Il a jugé que l'essentiel des dispositions du projet de loi de finances pour 2006 relatives aux finances locales ne figuraient pas dans la mission RCT, mais dans ses articles 23, 24, 58 et 67, relatifs respectivement à la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, à la réforme de la dotation globale d'équipement (DGE) des départements, au « bouclier fiscal » et à la réforme de la taxe professionnelle. Il a précisé que ces dispositions feraient l'objet des débats sur les recettes des collectivités territoriales du mardi 29 novembre 2005, à l'exception des articles 58 et 67 précités, figurant dans la seconde partie du projet de loi de finances, dont la discussion stricto sensu aurait lieu à partir du samedi 10 décembre 2005.

Il a considéré que les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales traversaient une période difficile, les transferts de compétences prévus par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité et la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales n'ayant pas été compensés de manière satisfaisante. Il a jugé, en outre, que la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées aurait un coût élevé pour les départements, et a estimé que le Sénat en était en partie responsable.

Il a considéré qu'au total, les départements étaient la catégorie de collectivités territoriales dont la situation financière était la plus difficile, leurs dépenses consistant, de plus en plus, en la mise en oeuvre de dispositifs nationaux dans le domaine social, et leur autonomie fiscale étant de plus en plus faible. Il a estimé que l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) devrait être prise en charge à hauteur d'au moins 50 % par l'Etat, soulignant à cet égard que dans le département du Rhône, le nombre d'allocataires de l'APA augmentait de 200 personnes par mois, ce qui en portait désormais le nombre total à 20.000, et suscitait en 2005 un coût net de 55 millions d'euros. Il a déploré que la compensation du revenu minimum d'insertion (RMI) ait été inférieure de 453 millions d'euros en 2004 aux dépenses des départements, et rappelé à cet égard que M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, s'était engagé, le 7 mars 2005, à ce que l'Etat finance le coût exact de la dépense, y compris le décalage constaté par les départements au titre de l'année 2004. Il a déploré qu'il ne soit pas prévu de rendre cette compensation pérenne, ni de compenser le décalage observé en 2005, qu'il a jugé compris entre 800 millions d'euros et un milliard d'euros. Il s'est inquiété du fait que les négociations actuellement en cours au sujet de l'assurance-chômage puissent se traduire par des dépenses supplémentaires pour les départements. En ce qui concerne la prestation de compensation du handicap (PCH), il a rappelé que la décision d'attribution serait prise par une « commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées », et indiqué que dans le cas du département du Rhône, 44.000 dossiers devraient être prochainement examinés, ce qui constituait une charge considérable.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial , a considéré que les départements n'avaient pas les ressources nécessaires pour financer ces nouvelles charges. Il a déploré qu'ils n'aient aucun contrôle sur les ressources concernées : contributions de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) au financement de l'APA et à la PCH, fraction de tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) destinée à compenser le transfert du RMI. Il a considéré que le produit des droits de mutation à titre onéreux allait devenir moins dynamique du fait du tassement, voire du retournement, du marché de l'immobilier, et rappelé que le gouvernement, pour des raisons techniques et d'équité, avait renoncé à permettre aux départements de moduler le taux de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur. Il a en outre estimé que la réforme du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée prévue par l'article 67 du projet de loi de finances pour 2006 allait fortement réduire l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Il a considéré qu'en conséquence, les départements n'auraient d'autre choix que d'augmenter les taux de taxe d'habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties, impôts dont il a déploré l'inéquité.

Il a considéré que le Sénat, de par sa fonction de représentant des collectivités territoriales de la République, devait se saisir de la question du financement, par les départements, de leurs nouvelles compétences. Il a en outre proposé que soit appliqué un « moratoire » d'une année sur la mise en oeuvre des transferts ou extensions de compétences. Il a indiqué son intention de faire recenser sur une année tous les textes, généralement réglementaires ou infra-réglementaires, augmentant les dépenses des départements.

Il a néanmoins proposé à la commission d'adopter sans modification les crédits de la mission RCT et du compte spécial ACT, ainsi que les articles 82 à 85, rattachés à la mission RCT.

Un large débat s'est ouvert.

M. Jean Arthuis, président , a félicité le rapporteur spécial pour la qualité de son intervention, et considéré que l'insuffisance de la compensation des transferts de compétences aux départements pourrait se reporter, par contagion, sur les autres catégories de collectivités territoriales. Il a estimé que la question des charges des départements ne pouvait être dissociée de celle, plus globale, des charges de l'ensemble des administrations publiques.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial , a considéré que l'article 24 du projet de loi de finances pour 2006, qui réformait la dotation globale d'équipement (DGE) des départements, partait d'une bonne idée, puisqu'il s'agissait de mettre fin à un « saupoudrage » inefficace. Il a cependant déploré que cette réforme ne soit qu'imparfaitement compensée, puisqu'aux 35 millions d'euros non compensés en 2006 s'ajouteraient, les années suivantes, les 98,4 millions d'euros ne devant l'être qu'en 2006. Au sujet de la réforme de la taxe professionnelle prévue par l'article 67 du projet de loi de finances, il a jugé nécessaire que la commission dispose de simulations nominatives par collectivité, et que le dispositif soit modifié afin que les collectivités territoriales dont la bonne gestion permettait de faibles taux d'imposition ne soient pas pénalisées. Il a affirmé qu'il ne se voyait pas voter un projet de loi de finances comprenant de telles dispositions. Il a jugé que le gouvernement aurait dû plus clairement indiquer que l'objectif de l'article 24 précité était d'effectuer des économies, et considéré, faisant référence à un récent rapport de la Cour des comptes, que les établissements publics de coopération intercommunale étaient parfois la source de dépenses injustifiées.

M. Henri de Raincourt a déclaré partager les analyses du rapporteur spécial, en particulier sur la situation financière des départements, et a approuvé sa proposition que le Sénat se saisisse de la question du financement des nouvelles compétences des départements. Il a considéré que les articles 24 et 67 précités du projet de loi de finances pour 2006, relatifs respectivement à la réforme de la DGE des départements et de la taxe professionnelle, devraient être modifiés afin de ne pas déstabiliser les finances des collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis, président , a estimé que tout supplément de dépenses décidé par l'Etat devait être financé par l'Etat.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a souligné la difficulté d'appliquer la LOLF à la mission RCT. En ce qui concernait l'article 24 précité, il a annoncé son intention d'obtenir une meilleure compensation de la réforme de la DGE des départements. Il a considéré que ce qui importait n'était pas tant la répartition des charges entre les différentes catégories d'administrations publiques que les charges globales des administrations publiques. Il a jugé nécessaire que la commission approfondisse la question des ressources et des charges des départements. En ce qui concernait l'article 67 précité, il a estimé que la commission devait disposer de simulations nominatives. Il a considéré, comme le rapporteur spécial, que la réforme du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée ne devait pas pénaliser les collectivités territoriales qui avaient peu augmenté leurs taux ces dernières années, et a indiqué son intention de proposer des dispositions en ce sens.

M. Yves Fréville a estimé que la réforme de la DGF réalisée par les lois de finances initiales pour 2004 et 2005 ne permettait pas de réduire suffisamment rapidement la part des anciennes dotations de péréquation, fondues depuis longtemps dans la DGF, et ayant évolué jusqu'en 2004 comme la dotation forfaitaire, alors même que leur existence n'était plus justifiée. Au sujet de la réforme de la taxe professionnelle, il a considéré que les collectivités qu'il convenait d'aider étaient non celles à faible taux, mais celles à faible potentiel financier.

M. Gérard Miquel a considéré, pour le déplorer, que les transferts de compétences aux départements et les dispositions du projet de loi de finances pour 2006 allaient contraindre les départements à accroître les taux d'imposition au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d'habitation.

M. Michel Moreigne a considéré que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre étaient générateurs d'inégalités devant l'impôt, parce qu'ils appliquaient un taux unique à des bases différentes d'une commune à l'autre. Il s'est inquiété des conséquences des articles 24 et 67 précités, réformant respectivement la DGE des départements et la taxe professionnelle.

M. François Marc a indiqué qu'il ne pensait pas suivre la proposition du rapporteur spécial de voter les crédits de la mission RCT, à cause d'un problème de confiance, et de la nécessité dans laquelle se trouvaient les collectivités territoriales d'augmenter les taux des impôts reposant sur les ménages. Il a estimé que les positions de la commission en matière de finances locales s'appuyaient insuffisamment sur des simulations. Il a considéré que le gouvernement avait trop tendance à tenir un discours de culpabilisation des élus locaux, en particulier en ce qui concernait l'augmentation par les régions des taux d'imposition. Enfin, il a jugé que les présidents d'établissements publics de coopération intercommunale devaient être élus au suffrage universel.

M. Jean Arthuis, président , s'est félicité de ce qu'un an après qu'il l'ait demandé, le Sénat soit sur le point de se doter d'une base de données relative aux finances locales, en particulier grâce à l'implication de M. Philippe Dallier, membre de l'observatoire de la décentralisation.

Après avoir regretté que le projet annuel de performance de la mission RCT ne permette pas de se faire une idée complète des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, Mme Marie-France Beaufils s'est inquiétée des conséquences sur les établissements publics de coopération intercommunale de la réforme de la taxe professionnelle proposée par l'article 67 du projet de loi de finances, et de l'insuffisance de la compensation des transferts de compétences opérés en faveur des départements.

M. Jean-Claude Frécon s'est inquiété des conséquences sur les collectivités territoriales des articles 58, 61 et 67 du projet de loi de finances pour 2006, relatifs respectivement au « bouclier fiscal », au plafonnement des « niches » fiscales et à la réforme de la taxe professionnelle. Il a jugé nécessaire de réviser les valeurs locatives cadastrales. Il a déploré que l'article 82 du projet de loi de finances pour 2006 propose de créer, au sein de la dotation de développement rural (DDR), une seconde part réservée aux communes.

M. Michel Charasse a considéré que l'ensemble des concours de l'Etat aux collectivités territoriales devait faire partie d'une mission unique. Il a approuvé la proposition de M. Henri de Raincourt, soutenue par M. Philippe Marini, rapporteur général, que la commission se saisisse de la question du financement des nouvelles compétences des départements. Il s'est inquiété de la diminution en 2004 de la part des ressources propres dans les ressources des collectivités territoriales, considérant que cet écart allait vraisemblablement se creuser en 2005 et en 2006. Il a jugé, comme M. Jean Arthuis, président, que le déficit des administrations publiques devait être perçu de manière globale, et a approuvé l'idée de « moratoire » des transferts et extensions de compétences avancée par M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Il a jugé que les établissements publics de coopération intercommunale réalisaient souvent des dépenses injustifiées. A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver son vote sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales », ainsi que sur les articles 82 à 85 rattachés , jusqu'à l'audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, prévue pour le mardi 22 novembre 2005. A l'issue de cette audition, la commission, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales », ainsi que des articles 82 à 85 rattachés.

Réunie le jeudi 24 novembre 2005, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, elle a confirmé son vote favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » tels qu'amendés à l'Assemblée nationale, ainsi que du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ». Elle a également adopté l'article 82 relatif à la dotation du développement rural tel qu'amendé à l'Assemblée nationale, l'article 83 concernant la réforme des concours de la DGD relatifs au financement des bibliothèques, l'article 84 relatif à la répartition de la dotation de solidarité urbaine et de la cohésion sociale, l'article 84 bis (nouveau) sur la prise en compte de la dotation de compensation dans le calcul du potentiel fiscal de certaines communes, l'article 84 ter (nouveau) élargissant la marge de manoeuvre dont dispose le comité des finances locales pour indexer l'évolution de la dotation forfaitaire de la DGF des départements, l'article 84 quater (nouveau) aménageant les modalités de calcul du potentiel fiscal utilisé pour la répartition de la dotation de péréquation des régions, l'article 84 quinquies (nouveau) relatif aux modalités de compensation de la perte de recettes subie par les communes du fait de l'application de l'article 15 de la loi relative au développement des territoires ruraux, l'article 85 , tel qu'amendé à l'Assemblée nationale, précisant les effets dans le temps du droit d'option dont disposent les agents qui relèvent du statut de la fonction publique d'Etat et dont les services sont transférés aux collectivités territoriales.

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